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CHRONIQUES MAROCAINES Hier et aujourd’hui Najib BENSBIA

Feuillets ''Chroniques marocaines

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CHRONIQUES MAROCAINES Hier et aujourd’hui

Najib BENSBIA

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Sommes-nous des citoyens à part entière ? Interrogation

sacerdotale ! Sommes-nous des Marocains, au sens où la

nation a pour nous une appréhension identitaire ?

Interpellation arrogante !

Pourtant ! Chaque être vivant sur cette terre qui est la nôtre

s’est trouvé, à toutes les fois qu’il est en face d’un problème

social qui hante sa mémoire active, confronté à cette

question lancinante de savoir si le Maroc - en tant que société

composée d’individus qui sont censés être liés par des

sentiments d’appartenance communautaire et des élans de

solidarité nationale - vit son destin en corps symbiose, dans sa

perception culturelle plurielle, certes, mais également à

travers sa variété ethnique, voire sociologique, dans le

respect des unes et des autres des composantes de la nation.

Il est bien acquis qu'une nation se définit par la communauté de destin des populations vivant à l’intérieur d’un territoire, configuré par la souveraineté dont sont investis des gouvernants reconnus par tous. Pourtant, l’interrogation qui s’impose à chaque individu inhibe le problème, général, auquel doit répondre toute relation sociale qui ne se gère que dans le conflit, en lui-même en-engendré par un exercice de pouvoir qui a érigé les commandement/obéissance passive en valeur centrale de l’organisation sociale de et dans l’Etat. Il en a été ainsi à toutes les étapes des grands mouvements, des grandes causes de l’Histoire. Les idées, les pensées, les croyances sont mues par une force exponentielle qui finit par dépasser leurs auteurs, pris dans le tourbillon du quotidien, l’action immédiate prenant le pas sur la réflexion à moyen et long termes.

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Le Maroc, pays en perpétuelle adaptation, n’échappe pas à cette loi de la nature humaine. Il est, comme toute société en devenir, enfoui dans la recherche de son identité, plurielle, parce que formée de populations multiethniques et astreint à suivre le temps/univers qui lui impose compétitivité, intégration et, aussi et surtout, différence.

La main du commandement L’histoire sociale et politique marocaine de la dernière moitié du 20è siècle est mouvementée. Elle traduit le passage d’une société conservatrice, profondément ancrée dans son appartenance islamique et soumise à la volonté du divin jusqu’à l’encensement, à une nation aspirant à la modernité, dans l’égalité des chances à jouir de la vie et de ses commodités, sans que la foi reste l’unique repère qui commande aux actes civils qui ornent l’entendement commun des Marocains. Certes, toute société humaine meuble ses strates par des croyances divergentes, parfois conflictuelles mais souvent nécessaires pour faire avancer les choses de la vie, en prétendant à l’émancipation de l’être commun dans la communauté de destin. Car la vie n’est pas linéaire. Elle est faite de hauts et de bas qui dénotent de la grandeur d’un peuple ou, par défaut, de la ménopause de l’esprit qui commande les relations sociales de/dans la société. Quand celle-ci est prise entre les tenailles de valeurs ancestrales réticentes à sortir du totémisme religieux, la souffrance est quasi-garantie, parce que dédoublée de la persistance de tabous dont la prégnance sur le collectif des gens trace des frontières pseudo-hermétiques du bien et du mal, de la droiture et de la profanation. De ce fait, une société qui réfléchit en schèmes en-

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rôlés dans le sacral, peine à faire valoir la raison. Celle-ci est vite prise, à son insu, dans l’engrenage de ce qu’elle combat, la dérision. Cela est de notoriété, le pouvoir politique au Maroc est agencé suivant une pyramide qui part du roi, en sa double qualité de Chef de l’Etat et de Commandeur des croyants, en passant par le Chef du gouvernement, censé être le binôme complétant l’identité bicéphale de l’Exécutif, en descendant vers le gouverneur, et ainsi de suite jusqu’au dernier ressort par lequel l’autorité s’exerce dans une hiérarchie structurale bien huilée. Dans cette pyramide, chaque acteur a un rôle à jouer. Le citoyen, pour l’encadrement duquel cette machine a été créée, remplit une fonction sociale évidente : agir en conformité de la loi, dans l’obéissance sans réticence. Les ressorts législatifs et réglementaires sont codifiés pour que les relations sociales s’articulent en harmonie avec l’arsenal législatif mis en œuvre. Chaque Marocain est donc mis devant ses responsabilités, sachant que tout grincement dans la machine se

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répercutera directement sur la conduite de sa vie. La sociologie anglo-saxonne appelle cela la régulation du système, dans le système, par le système. (...)

Les ratages en spirale Le Marocain est aujourd’hui comme hanté par le temps passé à attendre que le rêve amorce sa première lueur, dans la quotidienneté qui s’opère dans la liberté de pensée et l’activisme sans contraintes. Mais, alors même qu’on lui promet que ce temps, passé à croupir sous le poids d’un rêve presque impossible, est au temps de la lueur promue à rasséréner ses attentes les plus enfouies dans la pénombre de la déliquescence faite raison d’Etat. Ce faisant, le Marocain bave, par négligence, sur lui-même et sur son prochain. Il casse la baraque, à force de mécréance devenue éthique religieuse et subséquence de la foi érigée en dictature sociale. Le sentiment d’un ratage évident lui perce la mémoire avec une force telle qu’il perd les équilibres nécessaire à son autocontrôle. Il cherche, dans un élan quasi-suicidaire, à entraîner tous les passagers dans le sillage de la colère qui gronde dans ses oreilles, convaincu qu’il est que le train ne peut faire marche arrière. Il veut tirer sur la sonnette d’alarme, sachant pertinemment que cela se soldera par un frein sec suivi d’un déraillement mortel. Tout-à-coup, il réalise qu’il n’est pas seul. Non ! Le train est empli d’autres passagers. Et, sans s’interroger sur les raisons qui peuvent motiver cette présence massive autour de lui, il pose ses conditions pour ne pas tirer sur la sonnette d’alarme. Or, comme il vient à

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peine de se réveiller d’un sommeil, trop court et trop long à la fois, il ne peut sereinement apprécier le temps passé à somnoler : quarante ans dans la vie d’une nation est un petit songe que la civilisation humaine a vite fait de consommer ! Ce Marocain est comme réveillé en sursaut, dans un train roulant à vive allure, croyant que la station où il doit descendre, où il devait descendre, a été dépassée en un temps éclair.

Ce réveil en sursaut lui donne le vertige. La confusion est telle qu’il ne réalise pas que les rails ont cette caractéristique de s’allonger à l’infini, les stations étant des arrêts par étapes, paramétrées avec rigueur. Et ce train s’y arrêtera, coûte que coûte, étape par étape, vaillamment, jusqu’au terminus.

Le Maroc des temps actuels est comme ce train qui doit, quoiqu’il en coûte, arriver à bonne destination. Il importe alors de savoir s’il assurera le maintien de toute la caravane, voitures et machine de tête, intacte ou, par soif de changement, il sera bousculé au plus profond de son sommeil, par un rêve qui tournerait au cauchemar… Le Maroc, cela est tautologique de l’énoncer, est engagé dans un processus de modernisation de l’Etat et de la société. Seulement, ce processus se perd en s’articulant dans différentes directions à la fois, ce qui perturbe, d’une part, l’équilibre global des enjeux réels et fonciers recherchés et permet, d’autre art, au camp adverse de se remettre en selle. (...)

Feuillets tirés du livre

Chroniques marocaines Date d’édition : 2012