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1 Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis Cours de droit des personnes Madame le Professeur Parance Licence1 Fiche TD 1 et 2 METHODOLOGIE - Le cas pratique - Le commentaire d’arrêt - La dissertation juridique THÈME 1 : PERSONNE ET CORPS HUMAIN DANS TOUS LEURS ETATS I/ La protection du corps humain - Les fondements constitutionnels de la protection du corps humain : Document n°1 : Conseil Constit. 27 juillet 1994 (extraits) - Protection du corps humain et autonomie personnelle : Document n°2 : CEDH K.A. c/ France 17 février 2005, RTDciv. 2005 p. 341 note Marguénaud - La dignité comme outil de la protection du corps humain : Sans le consentement de la victime, Document n°3 : CEDH, gd. Ch. Bouyid c/ Belgique, D. 2015 obs. Sadoun-Jarin Malgré le consentement des personnes concernées, Document n°4 : CE 27 octobre 1995, Commune de Morsang sur Orge II/ La protection de la vie humaine - Le début de la vie : Document n°5 : CEDH, gd ch. 8 juillet 2004 Vo c/ France (extraits) - La fin de vie : Document n°6 : CEDH, Pretty, 29 avril 2002 et Document n°7 : CE, 24 juin 2014 n°375081, affaire Vincent Lambert III/ Le corps humain sans la personne - Le corps avant la naissance : Sur la définition et le statut de l’embryon : Document n°8 : CJUE 18 décembre 2014, JCP E 2015, 1209 note Mendoza-Caminade et Document n°9 : CEDH 27 août 2015 ; Parrillo C/ Italie (extraits) - Le corps après le décès : Document n°10 : Civ. 1, 16 septembre 2010 n°09-67456, aff. Our Body

Fiche TD 1 et 2 METHODOLOGIE - Le cas pratique - … · 1 Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis Cours de droit des personnes Madame le Professeur Parance Licence1 Fiche TD 1 et

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UniversitéParis8VincennesSaint-DenisCoursdedroitdespersonnesMadameleProfesseurParanceLicence1

FicheTD1et2

METHODOLOGIE-Lecaspratique-Lecommentaired’arrêt-Ladissertationjuridique

THÈME1:PERSONNEETCORPSHUMAINDANSTOUSLEURSETATS

I/Laprotectionducorpshumain-Lesfondementsconstitutionnelsdelaprotectionducorpshumain:Documentn°1:ConseilConstit.27juillet1994(extraits)-Protectionducorpshumainetautonomiepersonnelle:Documentn°2:CEDHK.A.c/France17février2005,RTDciv.2005p.341noteMarguénaud-Ladignitécommeoutildelaprotectionducorpshumain:Sansleconsentementdelavictime,Documentn°3:CEDH,gd.Ch.Bouyidc/Belgique,D.2015obs.Sadoun-JarinMalgré le consentement des personnes concernées, Document n°4: CE 27 octobre 1995,CommunedeMorsangsurOrgeII/Laprotectiondelaviehumaine-Ledébutdelavie:Documentn°5:CEDH,gdch.8juillet2004Voc/France(extraits)-Lafindevie:Document n°6: CEDH, Pretty, 29 avril 2002 et Document n°7: CE, 24 juin 2014 n°375081,affaireVincentLambertIII/Lecorpshumainsanslapersonne-Lecorpsavantlanaissance:Surladéfinitionetlestatutdel’embryon:Document n°8: CJUE 18 décembre 2014, JCP E 2015, 1209 note Mendoza-Caminade etDocumentn°9:CEDH27août2015;ParrilloC/Italie(extraits)-Lecorpsaprèsledécès:Documentn°10:Civ.1,16septembre2010n°09-67456,aff.OurBody

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METHODOLOGIELe cas pratique : Cet exercice juridique vous soumet une situation de fait et vous demande d’apporter à la question qui en résulte une réponse motivée. Il vous permet de vous exercer à l’application pratique de connaissances dont vous pouvez ainsi vérifier la solidité. Sont appréciées vos capacités à mener un raisonnement et à émettre une opinion justifiée. Vous ne pouvez pas vous contenter d’exposer les solutions possibles sans prendre position, même si vous devez être nuancé dans votre réponse. Vous devez dans un premier temps analyser les faits et reconstituer la chronologie des évènements : un contresens à ce stade serait fatal. Parmi les faits, il est important de sélectionner les faits pertinents, ceux qui auront un impact sur la solution, et de laisser de coté les faits indifférents. Vous devez ensuite qualifier juridiquement les situations : par exemple, un tel a commis un abus de droit ou a fait une promesse de contrat. Vous devez ensuite qualifier juridiquement les prétentions : par exemple, un tel prétend obtenir le divorce car il pense remplir les conditions pour cela. Il faut formuler la réponse sur un mode dialectique, c’est à dire anticiper les contre argumentations qui pourraient être formulées contre votre réponse et y répondre d’avance. Le plus souvent, le cas vous oblige à élaborer un raisonnement en cascade où une réponse à une question va vous mener vers une autre question, et ainsi de suite. C’est alors que vous pourrez formuler une réponse définitive qui doit être assez nuancée. Le commentaire d’arrêt : Il s’agit du commentaire d’une décision de jurisprudence, ce qui explique que cet exercice soit spécifique à la science juridique et n’existe pas dans les autres sciences humaines. Avant de pouvoir commenter véritablement l’arrêt, il va être nécessaire de l’analyser pour le comprendre. Cette première étape est absolument essentielle puisqu’une mauvaise compréhension de l’arrêt serait un obstacle absolu à son commentaire. Les séances de TD ont justement pour but de vous apprendre à décortiquer correctement un arrêt. L’analyse de l’arrêt suit la méthode suivante : - Faits : il convient de relever dans l’ordre chronologique les faits qui ont donné lieu au litige. Les faits sont souvent essentiels car ils conditionnent la solution juridique donnée par l’arrêt. On commence l’exposé des faits dans l’introduction par les expressions « en l’espèce », ou « en l’occurrence ». - Procédure : Il s’agit de retracer « l’histoire judiciaire » de l’affaire. Il convient de mentionner les demandeurs et défendeurs, la solution donnée en première instance si elle est connue, et la solution rendue par la cour d’appel lorsque vous commentez un arrêt de la Cour de cassation. Si vous voulez être plus léger et que la cour d’appel a adopté la même solution que les juges de première instance, vous pouvez en venir directement à l’arrêt de la cour d’appel en précisant qu’il est « confirmatif », ce qui s’oppose à un arrêt « infirmatif » lorsqu’il adopte une solution différente des juges de première instance. Attention à être très rigoureux dans l’emploi du vocabulaire de la procédure : un tribunal rend un jugement, une cour rend un arrêt et le Conseil constitutionnel rend des décisions. On interjette appel mais on forme un pourvoi en cassation. - Prétentions des parties : Il s’agit d’exposer les différents raisonnements juridiques qui ont été soutenus par les différents acteurs au procès juridique. Attention à ne pas mélanger les discours, et à ne pas confondre pas exemple ce que soutient le pourvoi en cassation avec ce

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que va énoncer l’arrêt rendu par la Cour de cassation. Il faut absolument éviter les contresens, ce qui nécessite une lecture très minutieuse de l’arrêt. Si vous commentez un arrêt de la Cour de cassation, vous devez terminer cette phase par l’exposé du raisonnement développé par le pourvoi en cassation. - Question de droit : Si vous avez correctement analysé le raisonnement de la décision critiqué et le raisonnement du pourvoi, vous pourrez dégager la question de droit qui est la question des faits de l’espèce posée en termes abstraits, que le pourvoi demande à la Cour de cassation de résoudre. - Solution de la Cour : il faut dégager la réponse donnée par la Cour de cassation en exposant soigneusement le raisonnement par lequel elle y parvient. Une fois que vous avez ainsi décortiqué l’arrêt, il faut rassembler les éléments de connaissance dont vous disposez pour apprécier la solution dégagée par la Cour de cassation. Vous devrez notamment la mettre en perspective avec les raisonnements juridiques, les normes juridiques, la jurisprudence, les opinions doctrinales, ce qui vous permettra de construire une argumentation. Il est notamment important d’apprécier la portée de la solution, c ‘est à dire son importance. Il peut s’agir d’un arrêt de principe qui pose une solution générale qui est appelée à être respecter dans la temps, les indices en seront notamment qu’il s’agit d’un arrêt de cassation, que la solution est rendue par une formation spéciale de la Cour de cassation (assemblée plénière, chambre mixte, formation plénière de chambre), que l’arrêt est largement diffusé (notation P+B+R+I). Ou alors, ce peut être un simple arrêt d’espèce qui vient répéter une solution largement posée. Vous devrez alors construire le plan de votre commentaire, qui reprend comme la dissertation deux parties et deux sous parties. En général, il faut être très proche de l’arrêt dans le 1B et le II A . Vous pouvez vous éloigner un peu plus de l’arrêt et notamment développer une réflexion prospective dans le II B. La dissertation juridique : Il s’agit d’un exercice où vous allez démontrer vos talents de synthèse, en organisant vos connaissances afin d’exposer de manière réfléchie et logique, et éventuellement critique, l’état du droit sur une question. Il est impératif de respecter une méthodologie rigoureuse, sous peine de passer à coté du sujet. Dans un premier temps, vous devez étudier les termes du sujet mot à mot afin de comprendre la problématique du sujet, c’est à dire la question qui vous est posée. Il peut s’agir par exemple de réfléchir sur une notion, ou de mener une comparaison entre deux institutions juridiques. Une fois la problématique dégagée, il convient de rassembler tous les éléments nécessaires à la construction de votre raisonnement. Vos connaissances doivent venir comme des supports à la démonstration que vous organisez. Il faut bien avoir conscience que le seul exposé des connaissances ne vaut rien et qu’elles doivent intervenir comme des arguments au service d’un raisonnement. A partir de là, vous devez construire votre plan. C’est une étape essentielle. Il doit être clair dans son déroulement et dans ses intitulés qui doivent être en parfaite adéquation avec ce qui sera développé dans les parties. Attention à ne pas avoir des intitulés qui sont très éloignés de ce que vous allez traiter.

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Il n’existe pas de plan type qui s’adapte à toutes les situations, mais il existe des armatures classiques : I Conditions II Effets I Notion II Régime juridique I Principe II Exceptions I Notion textuelle II Interprétation jurisprudentielle Lors de l’examen, vous n’aurez pas le temps de rédiger tous vos développements au brouillon, seuls l’introduction et le plan doivent être travaillés au brouillon. L’introduction est un moment clé, elle doit séduire votre correcteur qui aura par ailleurs 30 copies à corriger, donc il faut lui donner envie de découvrir votre devoir. L’introduction doit respecter ce que l’on dénomme la technique des trois entonnoirs : - le premier entonnoir amène le sujet, le resitue dans son contexte juridique, donne les définitions ; - le deuxième entonnoir resitue le sujet dans son contexte méta-juridique, c’est à dire qu’il convient de donner la dimension historique, sociologique, économique ou philosophique ; - le troisième entonnoir est l’annonce de plan qui expose la problématique à laquelle le plan doit répondre de manière très logique.

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THÈME1:PERSONNEETCORPSHUMAINDANSTOUSLEURSETATS

DOCUMENTN°1:Décisionn°94-343/344DCdu27juillet1994(extraits)

Loirelativeaurespectducorpshumainetloirelativeaudonetàl'utilisationdesélémentsetproduitsducorpshumain,àl'assistancemédicaleàlaprocréationetaudiagnosticprénatal

LeConseilconstitutionnel,VulaDéclarationdesdroitsdel'hommeetducitoyendu26août1789;Vulepréambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ; Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ; Vul'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseilconstitutionnel;Vulecodecivil;Vulecodedelasantépublique;Vulaloidu16novembre1912;

1.SURLESNORMESDECONSTITUTIONNALITEAPPLICABLESAUCONTROLEDESLOISDEFEREES : 2.Considérantque lePréambulede laConstitutionde1946aréaffirméetproclamédesdroits, libertésetprincipes constitutionnels en soulignantd'embléeque : "Au lendemainde la victoire remportéepar lespeuples libres sur les régimes qui ont tenté d'asservir et de dégrader la personne humaine, le peuplefrançaisproclameànouveauque toutêtrehumain, sansdistinctionde race,de religionnide croyance,possèdedesdroitsinaliénablesetsacrés";qu'ilenressortquelasauvegardedeladignitédelapersonnehumainecontretouteformed'asservissementetdedégradationestunprincipeàvaleurconstitutionnelle; 3.Considérantque la liberté individuelleestproclaméepar lesarticles1,2et4de laDéclarationdesdroitsde l'hommeetducitoyen;qu'elledoittoutefoisêtreconciliéeavec lesautresprincipesdevaleurconstitutionnelle ; 4. Considérantqu'aux termesdudixièmealinéaduPréambulede laConstitutionde1946 : "Lanationassureà l'individuetà la famille les conditionsnécessairesà leurdéveloppement"etqu'auxtermesdesononzièmealinéa:"Ellegarantitàtous,notammentàl'enfant,àlamère...,laprotectiondelasanté"(….)

- SUR L'ENSEMBLE DES DISPOSITIONS DES LOIS SOUMISES A L'EXAMEN DU CONSEILCONSTITUTIONNEL : 18. Considérant que lesdites lois énoncent un ensemble de principes au nombredesquelsfigurentlaprimautédelapersonnehumaine,lerespectdel'êtrehumaindèslecommencementde sa vie, l'inviolabilité, l'intégrité et l'absence de caractère patrimonial du corps humain ainsi quel'intégritédel'espècehumaine;quelesprincipesainsiaffirméstendentàassurerlerespectduprincipeconstitutionneldesauvegardedeladignitédelapersonnehumaine;19.Considérantquel'ensembledesdispositionsdecesloismettentenœuvre,enlesconciliantetsansenméconnaîtrelaportée,lesnormesàvaleurconstitutionnelleapplicables;

Décide : Article premier : La loi relative au respect du corps humain et la loi relative au don et àl'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et audiagnostic prénatal, sont déclarées conformes à la Constitution. Article 2 : La présente décision serapubliée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sesséancesdes26et27juillet1994.Leprésident,RobertBADINTERDOCUMENT 2: CEDH K.A. c/ France 17 février 2005, RTDciv. 2005 p. 341 noteMarguénaudLesfaitsquiontconduitlaCourdeStrasbourgàseprononcer,parunarrêt,encoreexposéàunrenvoienGrandeChambre,dansuneaffairepeuflatteusepourlamagistraturebelge,sontd'unegravitéinhabituelle.Aussilechroniqueursoussignécroit-ildesondevoird'alerterlelecteurdecetteRevueplusquecentenairequ'ils ne seront présentés que dans une quinzaine de lignes. Chacun pourra donc choisir en touteconnaissancedecausedeleséviteroudes'yreporterdirectement...La Cour européenne des droits de l'homme avait déjà eu l'occasion de confronter la répression depratiques sadomasochistes aux exigences de la Convention européenne des droits de l'homme dans lacélèbreaffaireLaskey, JaggardetBrownc/Royaume-Uni.Parunarrêtdu19février1997quin'avaitpasconvaincutoutlemonde(cf.J.-M.Larralde,D.1998.97.V.aussiRTDciv.1997.1013),elleavaitalorsestiméque des condamnations pénales pour coups et blessures infligés lors de telles activités sexuelles entreadultes consentants n'avaient pas enfreint le droit au respect de la vie privée parce qu'elles étaient

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nécessairesdansunesociétédémocratiqueàlaprotectiondelasanté.Leplusinquiétantvenaitdecequela Cour qui n'avait pas recherché si l'ingérence pouvait également se justifier par la protection de lamorale, avait néanmoins cru devoir réserver « le droit de l'Etat de chercher à détourner del'accomplissementde telsactesaunomde lamorale».Ladécouverte,quelquesannéesplus tard,par leretentissantarrêtPrettyc/Royaume-Unidu29avril2002(RTDciv.2002.858)de lanotiond'autonomiepersonnelle,reflétantunprincipeimportantquisous-tendl'interprétationdel'ensembledesgarantiesdel'article 8, semblait néanmoins inviter à une reconsidération de la question du sadomasochisme aussiradicale que celle ayant déclenché un spectaculaire revirement en matière de transsexualisme (cf. lesarrêtsIetChristineGoodwindu11juill.2002,RTDciv.2002.862).L'occasion de la confrontation du sadomasochisme à la notion nouvelle d'autonomie personnelle a étéfournieàlaCourdeStrasbourgpardeuxbelgesquiétaientl'unmédecinl'autremagistrataumomentoùilsavaientcommislesfaitsci-aprèsrelatés,néanmoinsexpurgésdecertainsdétailsetnotammentdesplusscatologiquesd'entreeux.Lassésderespecterlerèglementdesclubssadomasochistesqu'ilsfréquentaientavecassiduité,ilss'étaientrepliésdansdeslocauxspécialementlouésetaménagéspourpouvoirydonnerlibrecoursàleurimaginationaudétrimentdel'épousedel'und'entreeux.Certainesscènesenregistréesenvidéomontraientlavictimehurlantdedouleurpendantquelemédecinetlemagistratcontinuaientdelahisserparlesseinsaumoyend'unepoulie;perdantconnaissanceaprèsavoirsubideschocsélectriquesparlerelaisdepincesattachéesendecertainsendroitsérogènes,criantvainement«pitié»quandonluiadministrait des coups de fouet, quand on plantait des aiguilles ou quand on faisait couler de la cirebrûlante en des points ingénieusement sélectionnés. Ces pratiques valurent à nos deux comparseslubriques,qui,desurcroît,buvaienttoujoursdegrandesquantitésd'alcoolpoursedonnerplusdecoeuràl'ouvrage, des condamnations à des peines d'emprisonnement pour coups et blessures volontaires et, àl'und'entreeux,ladestitution.DevantlaCourdeStrasbourg,leurcasétéabordéauregarddel'article7delaConventioneuropéennedesdroitsdel'homme,proclamantleprincipe«pasdepeinesansloi»,parcequ'ilsauraientété,selontoutevraisemblance,lespremiersbelgesdel'histoireàavoirétécondamnéspoursadomasochisme.Acetégard,laCouraestiméquel'absencedeprécédentsjurisprudentielsn'étaitpasdenatureàlaissercroireauxintéressésquelasociété«permissive,libéraleetindividualiste»avaitinstauréune tolérance faisant échapper les pratiques sadomasochistes à la qualification de coups et blessuresvolontaires. Ils n'ont pas eu plus de succès sur le terrain de l'article 8 puisque la Cour, unanime, aégalementjugéqueleurscondamnationsn'avaientpasconstituéd'ingérenceinjustifiabledansledroitaurespectdeleurvieprivée.Pourtant,l'arrêtKA.etAD.c/Belgiquedu17février2005marque,enmatièredesadomasochisme,un changementde capaussi radical que celui réalisépar les arrêtsdu11 juillet2002dansledomainedutranssexualisme.SansdoutelaCourn'a-t-ellepaspudireexplicitementqu'elleopéraitun revirement de jurisprudence puisqu'elle n'était pas constituée enGrande Chambre. Il n'en reste pasmoins que les conclusions, provisoires dans l'attente d'un éventuel renvoi, qu'elle a tirées de la notiond'autonomiepersonnellel'ontconduiteàsapertouteslesconséquencesdel'arrêtLaskey,JaggardetBrownauxquelles les juridictions belges s'étaient sagement tenues. Il est d'ailleurs tout à fait significatifd'observerque,danssonpropreraisonnement,laCournefaitjamaisréférenceàsoncélèbrearrêtdu19février1997.C'estàl'arrêtPrettyqu'ellesereporteexclusivementpouraffirmerque«ledroitd'entretenirdes relations sexuelles découle du droit de disposer de son corps, partie intégrante de la notiond'autonomiepersonnelle»;pourredire,dansuncontextesexuel,que«lafacultépourchacundemenersavie comme il l'entendpeut également inclure la possibilité de s'adonner à des activités perçues commeétant d'une nature physiquement oumoralement dommageables ou dangereuses pour sa personne » ;pour en tirer la conclusion « que le droit pénal ne peut, en principe, intervenir dans le domaine despratiques sexuelles consenties qui relèvent du libre arbitre des individus » et qu'il faut « des raisonsparticulièrementgravespourquesoitjustifiée,auxfinsdel'article8§2delaConvention,uneingérencedespouvoirspublicsdans ledomainede la sexualité ».Dans ces conditionsentièrement renouveléesetpréciséesavecforce,ilfautseréjouirde(ouserésignerà)constaterquelaquestiondusadomasochismeaété libérée de l'emprise de la morale à laquelle l'arrêt Laskey, Jaggard et Brown l'avait finalementrattachée, pour être placée sous l'influence inédite du droit de disposer de son corps dont lareconnaissance explicite appellera sûrement des commentaires plus détaillés sous la plume d'autreschroniqueurs plus qualifiés pour en apprécier les considérables prolongements. Il faut remarquer aussiqu'elle est désormais dégagée des considérations de protection de la santé qui avaient joué le rôleprincipalaussibiendansl'affairede1997quedanslaphasebelgedelaprésenteaffairedanslamesureoùdanslesdeuxcaslesacteslitigieuxavaientfaitcoulerdusangetlaissédescicatrices.Ilfautobserverenfinqu'elleest,àpremièrevue,encorepluséloignéequeparlepassédelanotiondedignitéàlaquellecertainscommentateurs de l'arrêt Laskey, Jaggard et Brown avaient proposé de la relier (cf. M. Levinet, RTDH1997.738).

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Après avoirproclamé ces grandsprincipesde l'autonomiepersonnelle sexuelle, les jugesde Strasbourgont néanmoins découvert dans l'affaireKA. et AD. des « raisons particulièrement graves » de nature àjustifier,auregarddel'article8§2,lescondamnationsquiavaientfrappélesrequérantsenraisondeleurcomportementsexuellibrementconsenti.Cesraisonstiennentàl'ignorancedelavolontédelavictimedesactessadomasochistes.Selon laCour,eneffet,«siunepersonnepeutrevendiquer ledroitd'exercerdespratiquessexuelleslepluslibrementpossible,unelimitequidoittrouverapplicationestcelledurespectde lavolontéde la«victime»decespratiques,dont lepropredroitau librechoixquantauxmodalitésd'exercicedesasexualitédoitaussiêtregaranti».Or,teln'avaitpasétélecasenl'espècepuisquel'épousedumagistratn'avaitpasobtenul'interruptiondesactesdesadomasochismequantelleavaitcrié«pitié»et«stop».Autrementdit,lacondamnationdumagistratetdumédecinétaitjustifiéeauregarddel'article8§2parcequ'ilsn'avaientpasrespecté«lesrèglesnormalementreconnuespourcegenredepratiques»(§ 36). Voilà peut-être une nouvelle source du droit un peu inattendue qu'il est bien pénible d'avoir àsignalerdansunechroniquedesourcesinternationales.Elleaidenéanmoinsàmieuxprendreconsciencede la densité de la notion d'autonomie personnelle qui, dans le domaine de la sexualité, doit être,rigoureusement,l'autonomiedetouslesparticipantsetqui,d'unemanièreplusgénérale,érigelavolontéindividuelleenultimerempartcontrelesdérivesdesautres.Finalement,l'arrêtKA.etAD.c/Belgiquedu17février2005,renduàl'initiatived'unmédecinetd'unmagistratindignes,auracontribuéàrévélerlesliensétroitsquiunissentlesnotionsdedignitéetd'autonomiepersonnelle.C'estpourquoiildevraitêtrerangé,auxcôtésdel'arrêtPretty,quiaabordélesmêmessujetsdansuncontextesiradicalementdifférentet sans aller jusqu'à relier explicitement le droit de disposer de son corps à la notion d'autonomiepersonnelle, parmi les grands, peut-être même les beaux arrêts de la Cour européenne des droits del'Homme. DOCUMENT3:CEDH,gd.Ch.Bouyidc/Belgique,D.2015obs.Sadoun-Jarin RésuméPar un arrêt de Grande Chambre du 28 septembre 2015, la Cour européenne des droits de l'homme aconsidéré que la gifle portée aux deux requérants par des agents des forces de l'ordre, alors qu'ils setrouvaientsousleurcontrôle,étaitconstitutived'uneviolationdel'article3delaConventioneuropéennedesdroitsdel'hommesurl'interdictiondestraitementsinhumainsetdégradants.

Le8décembre2003etle23février2004,deuxfrères,S.etM.B…ontaffirméavoirreçudesgiflesalorsqu'ilssetrouvaientaucommissariat.En2003,S.B…auraitrefusédesesoumettreàuncontrôled'identitéet a été conduit au commissariat de Saint-Josse-ten-Noode en Belgique. Alors placé dans une salle ducommissariat,ilauraitétégifléparunagentdesforcesdel'ordre.Lerequérantavaitalorsfaitétabliruncertificatmédicallejourmême,constatantun«étatdechoc»etunérythèmeàlajouegauche,auniveaudu conduit auditif. En 2004, alors qu'il était entendu par la police dans cemême commissariat, M. B…auraitreçuunegifleinfligéeparunpolicier.Lerequérantavaitégalementfaitétabliruncertificatmédicalquiconstataitunecontusionàlajouegauche.Aprèsavoirtousdeuxdéposéplainteauprèsducomitépermanentdecontrôledesservicesdepolice,ilsseconstituèrent partie civile le 17 juin 2004.Le juge d'instruction transmit le dossier au parquet. LeprocureurduRoirequitunnon-lieuetlachambreduconseiluneordonnancedenon-lieuàpoursuivre.Leprocureurgénéralrequitlaconfirmationdecetteordonnance.Parunarrêtdu9avril2008,lachambredesmisesenaccusationdelacourd'appeldeBruxellesconfirmacetteordonnance,considérantqu'iln'existaitaucunechargeà l'égarddespoliciers.S.etM.B…formèrentunpourvoiencassationqui futrejeté le29octobre2008.La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a alors été saisie par les deux requérants sur lefondementdesarticles3(interdictiondelatortureettraitementsinhumainsetdégradants),6,§1(droitau procès équitable), et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention européenne des droits del'homme.Lesrequérantsestimaientquelagifle,infligéedansuncommissariatdepolice,pardesofficiersdepolice,relevaitd'untraitementinhumainetdégradant.

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Le 29 avril 2009, la requête a été introduite devant la Cour qui a rendu un arrêt de chambre le 21novembre2013enjugeantàl'unanimitéàlanon-violationdelaConventionenconsidérantquelesfaits,àlessupposerréels,neconstituaientpasdestraitementsinhumainsetdégradants(V.CEDH21nov.2013,n° 23380/09, Dalloz actualité 16 déc. 2013, obs. A. Portman ; D. 2013. 2774, obs. F. Laffaille ). LesrequérantsontalorssollicitélerenvoideleuraffairedevantlaGrandeChambre.L'arrêt a été rendu le 28 septembre 2015.La Cour considère que les requérants avaient fourni descertificats médicaux décrivant leur blessure immédiatement après leur sortie du commissariat et qu'iln'étaitpasdémentiqu'ilsneprésentaientpascesmarquespréalablementàleurentréeaucommissariat.Dèslors,elleaconsidéréquecefaitétaitavéré.Lacourjugeégalementque,lorsqu'unindividuestprivédesa liberté, il en devient particulièrement vulnérable et que la force physique ne doit être utilisée quelorsqu'elle est rendue strictement nécessaire. Ainsi, lorsque les forces de l'ordre portent atteinte à ladignitéhumaine,celaconstitueuneviolationdel'article3delaConventioneuropéenne.Unegifleportéesurlevisageparunreprésentantdesforcesdel'ordreàunindividusetrouvantsoussoncontrôleconstitueeffectivementuneatteinteàladignitédecedernier.LaCEDHexpliqueparlàmêmequelevisageestlapartieducorpsquiexprimeuneindividualité,«marquesonidentitésocialeetconstituelesupportdessensquiserventàcommuniqueravecautrui»(V.CEDH27janv.2009,n°16999/04,SamütKarabulutc.Turquie).Ainsi,dèslorsquelavictimealesentimentd'êtrehumiliée«àsespropresyeux»,cela suffit à constituer à traitement inhumain et dégradant (V. CEDH 7 janv. 2010, n° 32130/03,PetyoPetkov c. Bulgarie). En outre, la Cour ajoute que la violence ne doit jamais être une réponse dans unesociétédémocratique,quandbienmêmel'agentauraitété«excédé»parl'historiquedesdeuxrequérants.Il fautajouteràcetégardqueS.étaitmineurà l'époquedesfaits.Ainsi,cemauvaistraitementauraitpuavoir un impact psychologique sur son développement futur, dans la mesure où celui-ci était plusparticulièrementvulnérable.Étatdevulnérabilitéquelacouradéjàrappeléàdenombreusesreprises(V.CEDH19févr.2013,n°1285/03,Roumanie,Dallozactualité,11mars2013,obs.J.Gaté;AJfam.2013.232,obs.G.Vial;1eravr.2004,n°59584/00,AJpénal2004.206,obs.J.Coste;RSC2005.630,obs.F.Massias;CEDH4nov.2010,Darrajc.France,n°34588/07,Dallozactualité,10nov.2010,obs.S.Lavric).Ainsidans l'arrêtDavydovetautres c.Ukraine (1er juill. 2010,nos17674/02et39081/02), laCouravaitdéjàjugéquel'article3mettaitàlachargedesÉtatsl'obligationdeformerlesagentsdelaforcepubliquedemanière à cequ'ils aientunhautniveaude compétencedans leur conduiteprofessionnelle, afinquepersonnenesoitexposédeleurpartàdestraitementscontrairesàcettedisposition.Àtitreplussubsidiaire,l'arrêtdelaGrandeChambretraiteégalementdelaprocédurequiaétésuiviedanscette affaire. Les requérants considéraient que la procédure endroit belgen'avait pas été respectée. LaCourconstatealorsquelejuged'instructionn'apasprocédéoufaitprocéderàuneconfrontationentrelespolicierset lesdeux frèresnimêmefaitauditionner lesmédecinsquiontétabli lescertificatsmédicaux.Toute l'attention requise au bon déroulement d'un procès équitable n'a pas été accordée aux deuxrequérants par les juridictions d'instruction belge, instruction qui a d'ailleurs duré particulièrementlongtemps.DOCUMENTN°4:CE,27octobre1995,MorsangsurOrge

Vularequêteenregistréele24avril1992ausecrétariatduContentieuxduConseild'Etat,présentéepourla communedeMorsang-sur-Orge, représentée par sonmaire en exercice domicilié en cette qualité enl'hôteldeville;lacommunedeMorsang-sur-OrgedemandeauConseild'Etat:1°) d'annuler le jugement du 25 février 1992 par lequel le tribunal administratif de Versailles a, à lademandede la société FunProduction et deM. X..., d'unepart, annulé l'arrêté du25octobre1991parlequelsonmaireainterditlespectaclede"lancerdenains"prévule25octobre1991àladiscothèquedel'EmbassyClub,d'autrepart,l'acondamnéeàverseràladitesociétéetàM.X...lasommede10000Fenréparationdupréjudicerésultantduditarrêté;2°)decondamnerlasociétéFunProductionetM.X...àluiverserlasommede10000Fautitredel'article75-Idelaloin°91-647du10juillet1991;Vulesautrespiècesdudossier;VulecodedescommunesetnotammentsonarticleL.131-2;Vulaconventioneuropéennedesauvegardedesdroitsdel'hommeetdeslibertésfondamentales;Vulecodedestribunauxadministratifsetdescoursadministrativesd'appel;

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Vul'ordonnancen°45-1708du31juillet1945,ledécretn°53-934du30septembre1953etlaloin°87-1127du31décembre1987;Aprèsavoirentenduenaudiencepublique:-lerapportdeMlleLaigneau,MaîtredesRequêtes,- les observations de Me Baraduc-Bénabent, avocat de la commune de Morsang-sur-Orge et de MeBertrand,avocatdeM.X...,-lesconclusionsdeM.Frydman,Commissairedugouvernement;Sansqu'ilsoitbesoind'examinerlesautresmoyensdelarequête:Considérantqu'auxtermesdel'articleL.131-2ducodedescommunes:"Lapolicemunicipaleapourobjetd'assurerlebonordre,lasûreté,lasécuritéetlasalubritépublique";Considérantqu'ilappartientàl'autoritéinvestiedupouvoirdepolicemunicipaledeprendretoutemesurepourpréveniruneatteinteàl'ordrepublic;quelerespectdeladignitédelapersonnehumaineestunedescomposantesdel'ordrepublic;quel'autoritéinvestiedupouvoirdepolicemunicipalepeut,mêmeenl'absencedecirconstanceslocalesparticulières,interdireuneattractionquiporteatteinteaurespectdeladignitédelapersonnehumaine;Considérant que l'attraction de "lancer de nain" consistant à faire lancer un nain par des spectateursconduitàutilisercommeunprojectileunepersonneaffectéed'unhandicapphysiqueetprésentéecommetelle;que,parsonobjetmême,unetelleattractionporteatteinteàladignitédelapersonnehumaine;quel'autorité investie du pouvoir de police municipale pouvait, dès lors, l'interdire même en l'absence decirconstanceslocalesparticulièresetalorsmêmequedesmesuresdeprotectionavaientétéprisespourassurer lasécuritéde lapersonneencauseetquecelle-ciseprêtait librementàcetteexhibition,contrerémunération;Considérantque,pourannulerl'arrêtédu25octobre1991dumairedeMorsang-sur-Orgeinterdisantlespectacle de "lancer de nains" prévu le même jour dans une discothèque de la ville, le tribunaladministratifdeVersailless'estfondésurlefaitqu'àsupposermêmequelespectacleaitportéatteinteàladignitédelapersonnehumaine,soninterdictionnepouvaitêtrelégalementprononcéeenl'absencedecirconstanceslocalesparticulières;qu'ilrésultedecequiprécèdequ'untelmotifesterronéendroit;Considérantquelerespectduprincipedelalibertédutravailetdeceluidelalibertéducommerceetdel'industrienefaitpasobstacleàcequel'autorité investiedupouvoirdepolicemunicipale interdiseuneactivitémêmelicitesiunetellemesureestseuledenatureàpréveniroufairecesseruntroubleàl'ordrepublic;quetelestlecasenl'espèce,euégardàlanaturedel'attractionencause;Considérantque lemairedeMorsang-sur-Orgeayant fondésadécisionsur lesdispositionsprécitéesdel'article L. 131-2 du code des communes qui justifiaient, à elles seules, une mesure d'interdiction duspectacle,lemoyentirédecequecettedécisionnepouvaittrouversabaselégalenidansl'article3delaConventioneuropéennedesauvegardedesdroitsdel'hommeetdeslibertésfondamentales,nidansunecirculaireduministredel'intérieur,du27novembre1991,estinopérant;Considérantqu'ilrésultedetoutcequiprécèdequec'estàtortque,parlejugementattaqué, letribunaladministratifdeVersaillesaprononcél'annulationdel'arrêtédumairedeMorsang-sur-Orge.DOCUMENT5:CEDHVOc.France8juillet2004LaCoureuropéennedesDroitsdel’Hommeaprononcéaujourd’huienaudiencepubliquesonarrêt[1]deGrandeChambredans l’affaireVoc.France(requêteno53924/00).LaCourconclut,par14voixcontretrois,àlanon-violationdel’article2(droitàlavie)delaConventioneuropéennedesDroitsdel’Homme.1.PrincipauxfaitsLa requérante, Thi-NhoVo, est une ressortissante françaisenée en1967 et résidant àBourg-en-Bresse(France).Le27novembre1991,elleseprésentaàl’hôpitaldel’Hôtel-DieudeLyonpourysubirlavisitemédicaledusixièmemoisdesagrossesse.Lemême jour,uneautre femmenomméeThiThanhVanVodevait sefaireenleverunstériletdanslemêmeétablissement.A la suite d’une confusion résultant de l’homonymie entre les deuxpatientes, lemédecin procéda à unexamen de la requérante et provoqua une rupture de la poche des eaux, rendant nécessaire unavortementthérapeutique.Suite à laplaintedéposéepar la requérante et sonépouxen1991, lemédecin futmis enexamenpour

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blessuresinvolontaireset lapoursuitefutélargieauchefd’homicideinvolontaire.Parunjugementdu3juin1996,letribunalcorrectionneldeLyonrelaxalemédecin.Larequéranteinterjetaappeldujugement.Le 13 mars 1997, la cour d’appel de Lyon infirma le jugement du tribunal correctionnel, déclara lemédecincoupabled’homicideinvolontaireetlecondamnaàsixmoisd’emprisonnementavecsursiset10000francs(soitenviron1500euros)d’amende.Le30juin1999,laCourdecassationcassal’arrêtdelacour d’appel au motif que les faits litigieux ne relevaient pas des dispositions relatives à l’homicideinvolontaire,refusantainsideconsidérerlefœtuscommeunepersonnehumainepénalementprotégée.3.Résumédel’arrêt[3]Invoquant l’article 2 de la Convention, la requérante dénonçait le refus des autorités de qualifierd’homicideinvolontairel’atteinteàlaviedel’enfantànaîtrequ’elleportait.EllesoutenaitquelaFranceal’obligationdemettreenplaceunelégislationpénalevisantàréprimeretsanctionnerunetelleatteinte.DécisiondelaCourDel’avisdelaCour,lepointdedépartdudroitàlavierelèvedel’appréciationdesEtats.Celatient,d’unepart,au faitque lamajoritédespaysayantratifié laConventionn’ontpasarrêté la solutionàdonneràcettequestion, et enparticulier enFranceoù elledonne lieu àundébat et, d’autrepart, à l’absencedeconsensuseuropéensurladéfinitionscientifiqueetjuridiquedesdébutsdelavie.Il ressortde la jurisprudence françaiseetd’unrécentdébat législatif sur l’opportunitédecréerundélitd’interruptioninvolontairedegrossessequelanatureetlestatutjuridiquedel’embryonet/oudufoetusnesontpasdéfinisactuellementenFranceetquelafaçond’assurersaprotectiondépenddepositionsfortvariéesauseindelasociétéfrançaise.Quantauplaneuropéen,iln’yapasdeconsensussurlanatureetlestatut de l’embryon et/ou du foetus ; tout au plus peut-on trouver comme dénominateur communl’appartenanceàl’espècehumaine.C’estlapotentialitédecetêtreetsacapacitéàdevenirunepersonnequidoiventêtreprotégésaunomdeladignitéhumainesanspourautantenfaireunepersonnequiauraitundroitàlavieausensdel’article2.Eu égard à ces considérations, la Cour est convaincue qu’il n’est ni souhaitable, ni même possibleactuellementderépondredansl’abstraitàlaquestiondesavoirsil’enfantànaîtreestune«personne»ausensdel’article2delaConvention.Quantàlaprésenterequête,laCourconsidèrequ’iln’estpasnécessaired’examinerlepointdesavoirsilafin brutale de la grossesse deMmeVo entre ou non dans le champd’application de l’article 2, dans lamesureoù,àsupposermêmequecelui-cis’appliquerait,lesexigencesliéesàlapréservationdelaviedansle domaine de la santé publique n’ont pas étéméconnues par la France. La Cour constate en effet quel’enfantànaîtren’estpasprivédetouteprotectionendroitfrançais.ContrairementàcequesoutientMmeVo,l’obligationpositivedesEtats-consistantdansledomainedelasantépubliqueàadopterdesmesurespropres à assurer la protectionde la vie desmalades et àmenerune enquête sur les circonstancesdudécès–n’exigepasnécessairementunrecoursdenaturepénale.En l’espèce, en plus des poursuites pénales contre le médecin pour blessures involontaires sur sapersonne, la requérante avait la possibilité d’engager un recours administratif qui avait de sérieuseschancesdesuccès.Cerecoursauraitpermisd’établir la fautemédicaleetdegarantirdans l’ensemble laréparationdudommagecauséparlafautedumédecin.Despoursuitespénalesnes’imposaientdoncpasenl’espèce.Parconséquent,àsupposermêmequel’article2delaConventiontrouveàs’appliquerenl’espèce,laCourconclutqu’iln’yapaseuviolationdecettedisposition. DOCUMENT6:CEDH29avril2002,Prettyc.R.U. Endroit:I-Surlarecevabilitédelarequête:32.Larequérante,quisouffred'unemaladiedégénérativeincurable,allèguequedesdroitsfondamentauxgarantisparlaConventionontétéviolésàsonégardparlerefusduDirectorofPublicProsecutions(DPP)deprendrel'engagementdenepaspoursuivresonmaris'ill'aidaitàmettrefinàsesjoursetparl'étatdudroitanglais,quiferaitdusuicideassistéuneinfractiondanssoncas.LeGouvernementsoutientquantàlui que la requête doit être rejetée pour défautmanifeste de fondement auxmotifs soit que les griefsénoncés par la requérante nemettent en cause aucun des droits invoqués par elle, soit qu'à admettrel'existenced'atteintesauxdroitsenquestioncelles-ci sont couvertespar lesexceptionsprévuespar lesdispositionspertinentesdelaConvention.33. La Cour considère que la requête dans son ensemble soulève des questions de droit suffisammentsérieusespourqu'unedécisionàleurégardnepuisseêtreadoptéequ'aprèsunexamenaufonddesgriefs.Aucun motif de la déclarer irrecevable n'ayant par ailleurs été établi, elle doit donc être retenue.

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Conformémentàl'article29,§3delaConvention,laCourvamaintenantsepenchersurlebien-fondédesgriefsdelarequérante.II-Surlaviolationalléguéedel'article2delaConvention:(...)A-Thèsesdesparties:(...)B-AppréciationdelaCour:37. Parmi les dispositions de la Convention qu'elle juge primordiales, la Cour, dans sa jurisprudence,accorde la prééminence à l'article2 (V. 27 sept. 1995,Mc Cann et a. c/ Royaume-Uni: SérieA, n°324,§146et147).L'article2protègeledroitàlavie,sanslequellajouissancedel'unquelconquedesautresdroits et libertés garantis par la Convention serait illusoire. Il définit les circonstances limitées danslesquelles il est permis d'infliger intentionnellement la mort, et la Cour a appliqué un contrôle strictchaquefoisquepareillesexceptionsontétéinvoquéespardesgouvernementsdéfendeurs(McCanneta.c/Royaume-Uni,préc.,§149et150).38.Letextedel'article2réglementeexplicitementl'usagedélibéréouintentionneldelaforcemeurtrièrepardesagentsdel'État.Ilatoutefoisétéinterprétécommecouvrantnonseulementl'homicidevolontaire,mais également les situations où il est permis d'avoir "recours à la force", pareil emploi de la forcepouvant conduireàdonner lamortde façon involontaire (McCann,préc., §148).LaCouraparailleursjugéquelapremièrephrasedel'article2,§1astreintl'Étatnonseulementàs'abstenirdedonnerlamortdemanièreintentionnelleetillégale,maisaussiàprendrelesmesuresnécessairesàlaprotectiondelaviedespersonnesrelevantdesajuridiction(V.9juin1998,L.C.B.c/Royaume-Uni:Rec.CEDH1998-III,p.1403,§36).Cetteobligationvaau-delàdudevoirprimordiald'assurerledroitàlavieenmettantenplaceunelégislationpénaleconcrète,dissuadantdecommettredesatteintescontre lapersonneets'appuyantsurun mécanisme d'application conçu pour en prévenir, réprimer et sanctionner les violations. Elle peutégalementimpliquer,danscertainescirconstancesbiendéfinies,uneobligationpositivepourlesautoritésdeprendrepréventivementdesmesuresd'ordrepratiquepourprotégerl'individudontlavieestmenacéeparlesagissementscriminelsd'autrui(28oct.1998,Osmanc/Royaume-Uni:Rec.CEDH1998-VIII,§115,etKLCc/Turquie, req.n°22492/93, sect.1:Rec.CEDH2000-III, §62et76).Plus récemment,dans l'affaireKeenancontreRoyaume-Uni[req.n°27229/95,sect.3:Rec.CEDH2001-III],l'article2aétéjugés'appliqueràlasituationd'undétenusouffrantd'unemaladiementalequidonnaitdessignesindiquantqu'ilpourraitattenteràsesjours(V.arrêtpréc.,§91).39.Danstouteslesaffairesdontelleaeuàconnaître,laCouramisl'accentsurl'obligationpourl'Étatdeprotéger lavie.Ellen'estpaspersuadéeque le"droità lavie"garantipar l'article2puisses'interprétercommecomportantunaspectnégatif.Parexemple,sidanslecontextedel'article11delaConventionlaliberté d'association a été jugée impliquer non seulement un droit d'adhérer à une association, maiségalement ledroit correspondantànepasêtrecontraintdes'affilieràuneassociation, laCourobservequ'une certaine libertéde choixquant à l'exerciced'une liberté est inhérente à lanotionde celle-ci (V.13août1981, Young, James etWebster c/Royaume-Uni: SérieA, n°44, §52, et 30juin1993, SigurdurA.Sigurjonssonc/Islande:SérieA,n°264,§35).L'article2delaConventionn'estpaslibellédelamêmemanière. Il n'a aucun rapport avec les questions concernant la qualité de la vie ou ce qu'une personnechoisitdefairedesavie.Danslamesureoùcesaspectssontreconnuscommeàcepointfondamentauxpourlaconditionhumainequ'ilsrequièrentuneprotectioncontrelesingérencesdel'État,ilspeuventserefléterdanslesdroitsconsacrésparlaConventionoud'autresinstrumentsinternationauxenmatièrededroitsdel'homme.L'article2nesaurait,sansdistorsiondelangage,êtreinterprétécommeconférantundroit diamétralement opposé, à savoir un droit à mourir; il ne saurait davantage créer un droit àl'autodéterminationencesensqu'ildonneraitàtoutindividuledroitdechoisirlamortplutôtquelavie.40. La Cour estime donc qu'il n'est pas possible de déduire de l'article 2 de la Convention un droit àmourir,quecesoitdelamaind'untiersouavecl'assistanced'uneautoritépublique.Ellesesentconfortéedanssonavispar larécenteRecommandation1418(1999)de l'AssembléeparlementaireduConseildel'Europe(§24ci-dessus[ndlr:nonreproduit]).(...)42.LaCourconclutdoncàl'absencedeviolationdel'article2delaConvention.III-Surlaviolationalléguéedel'article3delaConvention:(...)A-Thèsesdesparties:(...)B-AppréciationdelaCour:49. Tout comme l'article 2, l'article 3 de la Convention, doit être considéré comme l'une des clausesprimordiales de la Convention et comme consacrant l'une des valeurs fondamentales des sociétés

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démocratiquesquiformentleConseildel'Europe(V.7juill.1989,Soeringc/Royaume-Uni:SérieA,n°161,p.34,§88).ContrastantaveclesautresdispositionsdelaConvention, ilest libelléentermesabsolus,neprévoyant ni exceptions ni conditions, et d'après l'article 15 de la Convention il ne souffre nulledérogation.(...)52.Encequiconcernelestypesde"traitements"relevantdel'article3delaConvention,lajurisprudencede la Courparle de "mauvais traitements" atteignant unminimumde gravité et impliquantdes lésionscorporelles effectives ou une souffrance physique ou mentale intense (V. [18janv. 1978], Irlande c/Royaume-Uni[:sérieA,n°25],p.66,§167,etV.c/Royaume-Uni[GC],req.n°24888/94:Rec.CEDH1999-IX,§71). Un traitement peut être qualifié de dégradant et tomber ainsi également sous le coup del'interdictiondel'article3s'ilhumilieouavilitunindividu,s'iltémoigned'unmanquederespectpoursadignitéhumaine, voire ladiminue,ou s'il suscite chez l'intéressédes sentimentsdepeur,d'angoisseoud'inférioritépropresàbrisersarésistancemoraleetphysique(V.récemment,Pricec/Royaume-Uni,req.n°33394/96,sect.3:Rec.CEDH2001-VIII,§24à30,etValaèinasc/Lituanie,req.n°44558/98,sect.3:Rec.CEDH2001-VIII,§117).Lasouffrancedueàunemaladiesurvenantnaturellement,qu'ellesoitphysiqueoumentale,peutreleverdel'article3siellesetrouveourisquedesetrouverexacerbéeparuntraitement-quecelui-cirésultedeconditionsdedétention,d'uneexpulsionoud'autresmesures-dont lesautoritéspeuventêtre tenuespourresponsables (V. [2mai1997],D.c/Royaume-Uni [:Rec.CEDH1997-III,p.792,§49],Keenanc/Royaume-Uni,préc.,etBensaidc/Royaume-Unireq.n°44599/98,sect.3:Rec.CEDH2000-I).53.En l'espèce, chacun reconnaîtque leGouvernementdéfendeurn'apas, lui-même, infligé lemoindremauvaistraitementàlarequérante(...).54.LarequérantesoutientplutôtquelerefusparleDPPdeprendrel'engagementdenepaspoursuivresonmari si ce dernier l'aide à se suicider et la prohibitiondu suicide assisté édictéepar le droit pénals'analysentenuntraitementinhumainetdégradantdontl'Étatestresponsable,danslamesureoùilresteainsiendéfautdelaprotégerdessouffrancesqu'elleendurerasisamaladieatteintsonstadeultime.Cegrief recèle toutefois une interprétation nouvelle et élargie de la notion de traitement qui, comme l'aestimélaChambredesLords,vaau-delàdusensordinairedumot.SilaCourdoitadopterunedémarchesoupleetdynamiquepourinterpréterlaConvention,quiestuninstrumentvivant,illuifautaussiveilleràcequetouteinterprétationqu'elleendonnecadreaveclesobjectifsfondamentauxpoursuivisparletraitéetpréservelacohérencequecelui-cidoitavoirentantquesystèmedeprotectiondesdroitsdel'homme.L'article3doitêtreinterprétéenharmonieavecl'article2,quiluiatoujoursjusqu'iciétéassociécommereflétantdesvaleursfondamentalesrespectéespar lessociétésdémocratiques.Ainsiqu'ilaétésoulignéci-dessus,l'article2delaConventionconsacred'abordetavanttoutuneprohibitiondurecoursàlaforceou de tout autre comportement susceptible de provoquer le décès d'un être humain, et il ne confèrenullementàl'individuundroitàexigerdel'Étatqu'ilpermetteoufacilitesondécès.55.LaCournepeutqu'éprouverdelasympathiepourlacraintedelarequérantededevoiraffronterunemort pénible si on ne lui donne pas la possibilité de mettre fin à ses jours. Elle a conscience quel'intéresséese trouvedans l'incapacitédese suiciderelle-mêmeenraisondesonhandicapphysiqueetque l'état du droit est tel que sonmari risque d'être poursuivi s'il lui prête son assistance. Toutefois,l'accomplissement de l'obligation positive invoquée en l'espèce n'entraînerait pas la suppression oul'atténuationdudommageencouru(effetquepeutavoirunemesureconsistant,parexemple,àempêcherdesorganespublicsoudesparticuliersd'infligerdesmauvaistraitementsouàaméliorerunesituationoudes soins). Exiger de l'État qu'il accueille la demande, c'est l'obliger à cautionner des actes visant àinterromprelavie.Orpareilleobligationnepeutêtredéduitedel'article3delaConvention.56. La Cour conclut dès lors que l'article 3 de la Convention ne fait peser sur l'État défendeur aucuneobligationpositivedeprendre l'engagementdenepaspoursuivre lemaride la requérante s'il venait àaider son épouse à se suicider ou de créer un cadre légal pour toute autre forme de suicide assisté.Partant,iln'yapaseuviolationdel'article3.III-Surlaviolationalléguéedel'article8delaConvention:(...)A-Thèsesdesparties:(...)B-AppréciationdelaCour:1.Applicabilitédel'article8,§1delaConvention:61.CommelaCouradéjàeul'occasiondel'observer, lanotionde"vieprivée"estunenotionlarge,nonsusceptible d'une définition exhaustive. (...) Cette disposition protège (...) le droit au développementpersonneletledroitd'établiretentretenirdesrapportsavecd'autresêtreshumainsetlemondeextérieur(V.,parex., [22févr.1994],Burghartzc/Suisse [:SérieA,n°280-B,§24], inRapp.Comm.,op. cit., §47,et

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Friedlc/Autriche:SérieA,n°305-B, inRapp.Comm.,§45).Bienqu'iln'aitétéétablidansaucuneaffaireantérieurequel'article8delaConventioncomporteundroitàl'autodéterminationentantquetel,laCourconsidère que la notion d'autonomie personnelle reflète un principe important qui sous-tendl'interprétationdesgarantiesdel'article8.62. (...) La Cour observe que la faculté pour chacundemener sa vie comme il l'entendpeut égalementinclure la possibilité de s'adonner à des activités perçues comme étant d'une nature physiquement oumoralement dommageable ou dangereuse pour sa personne. La mesure dans laquelle un État peutrecouriràlacontrainteouaudroitpénalpourprémunirdespersonnescontrelesconséquencesdustylede vie choisi par elle est depuis longtempsdébattue, tant enmorale qu'en jurisprudence, et le fait quel'ingérence est souvent perçue comme une intrusion dans la sphère privée et personnelle ne faitqu'ajouteràlavigueurdudébat.Toutefois,mêmelorsquelecomportementencausereprésenteunrisquepour la santé ou lorsque l'on peut raisonnablement estimer qu'il revêt une nature potentiellementmortelle, la jurisprudence des organes de la Convention considère l'imposition par l'État de mesurescontraignantes ou à caractère pénal comme attentatoire à la vie privée, au sens de l'article 8, § 1, etcommenécessitant une justification conforme au secondparagraphe dudit article (V., par ex., en ce quiconcernelaparticipationàdesactivitéssadomasochistesconsensuelless'analysantendescoupsetblessures,[19févr.1997],Laskey,JaggardetBrownc/Royaume-Uni[Rec.CEDH1997-I,§36]et,encequiconcernelerefusd'untraitementmédical,Comm.EDH,10déc.1984,req.n°10435/83:D.R.40,p.251).63.Onpourraitcertesfaireobserverquelamortn'étaitpaslaconséquencevoulueducomportementdesrequérantsdans les affaires ci-dessus. LaCour estime toutefois que celanepeut constituerun élémentdécisif.Enmatièremédicale, le refusd'accepterun traitementparticulierpourrait,de façon inéluctable,conduireàuneissuefatale,maisl'impositiond'untraitementmédicalsansleconsentementdupatients'ilestadulteetsaind'esprits'analyseraitenuneatteinteàl'intégritéphysiquedel'intéressépouvantmettreencauselesdroitsprotégésparl'article8,§1delaConvention.Commel'aadmislajurisprudenceinterne,une personne peut revendiquer le droit d'exercer son choix de mourir en refusant de consentir à untraitementquipourraitavoirpoureffetdeprolongersavie(V.§17et18ci-dessus[ndlr:nonreproduits]).64. S'il ne s'agit pas en l'espèce de soinsmédicaux, la requérante souffre des effets dévastateurs d'unemaladiedégénérativequivaentraînerunedétériorationgraduelledesonétatetuneaugmentationdesasouffrance physique et mentale. L'intéressée souhaite atténuer cette souffrance en exerçant un choixconsistantàmettrefinàsesjoursavecl'assistancedesonmari.Ainsiquel'adéclaréLordHope,lafaçondontellechoisitdepasserlesderniersinstantsdesonexistencefaitpartiedel'actedevivre,etellea ledroitdedemanderquecelaaussisoitrespecté(V.§15ci-dessus[ndlr:nonreproduit]).65.Ladignitéetlalibertédel'hommesontl'essencemêmedelaConvention.SansnierenaucunemanièreleprincipeducaractèresacrédelavieprotégéparlaConvention,laCourconsidèrequec'estsousl'angledel'article8quelanotiondequalitédelavieprendtoutesasignification.Àuneépoqueoùl'onassisteàune sophistication médicale croissante et à une augmentation de l'espérance de vie, de nombreusespersonnesredoutentqu'onnelesforceàsemaintenirenviejusqu'àunâgetrèsavancéoudansunétatdegravedélabrementphysiqueoumentalauxantipodesdelaperceptionaiguëqu'ellesontd'elles-mêmesetdeleuridentitépersonnelle.66.Dans l'affaireRodriguezcontreProcureurgénéralduCanada ( [1994]2LRC136),quiconcernaitunesituationcomparableàcellede laprésenteespèce, l'opinionmajoritairede laCoursuprêmeduCanadaconsidéraquel'interdictiondesefaireaiderpoursesuiciderimposéeàlademanderessecontribuaitàladétressedecettedernièreetl'empêchaitdegérersamort.Dèslorsquecettemesureprivaitl'intéresséedesonautonomie,elle requéraitune justificationauregarddesprincipesde justice fondamentale.Si laCour suprême du Canada avait à examiner la situation sous l'angle d'une disposition de la Chartecanadienne non libellée de la même manière que l'article 8 de la Convention, la cause soulevait desproblèmesanaloguesrelativementauprincipedel'autonomiepersonnelle,ausensdudroitd'opérerdeschoixconcernantsonproprecorps.67. La requérante en l'espèce est empêchée par la loi d'exercer son choix d'éviter ce qui, à ses yeux,constitueraunefindevieindigneetpénible.LaCournepeutexclurequecelareprésenteuneatteinteaudroitdel'intéresséeaurespectdesavieprivée,ausensdel'article8,§1delaConvention.Elleexamineraci-dessous la question de savoir si cette atteinte est conforme aux exigences du second paragraphe del'article8.2.Observationdel'article8,§2delaConvention:68.Pourseconcilieravecleparagraphe2del'article8,uneingérencedansl'exerciced'undroitgarantiparcelui-cidoitêtre "prévuepar la loi", inspiréeparunoudesbuts légitimesd'aprèsceparagrapheet"nécessaire, dans une société démocratique", à la poursuite de ce ou ces buts (22 oct. 1981, Dudgeonc/Royaume-Uni:SérieA,n°45,p.19,§43).(...)

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72.Lespartiesaxentleurargumentationsurlaquestiondelaproportionnalitédel'ingérencerévéléeparles faits de l'espèce. La requérante s'en prend en particulier à la nature générale de l'interdiction dusuicideassisté,entantquecelle-ciometdeprendreencomptesasituationd'adultesained'esprit,quisaitcequ'elleveut,quin'estsoumiseàaucunepression,quiaprissadécisiondefaçondélibéréeetenparfaiteconnaissancedecause,etquinepeutdoncêtreconsidéréecommevulnérableetcommenécessitantuneprotection.Cetteinflexibilitésignifieselonl'intéresséequ'ellevaêtreforcéed'endurerlesconséquencesdesamaladiepénibleetincurable,cequipourellereprésenteuncoûtpersonneltrèsélevé.73.LaCournotequesi leGouvernementsoutientque la requérante,personneà la foisdésireusedesesuicider et sévèrement handicapée, doit être considérée comme vulnérable, cette assertion n'est pasétayéepar lespreuvesproduitesdevant les juridictions internesnipar lesdécisionsde laChambredesLords,qui,toutensoulignantqueledroitauRoyaume-Uniestlàpourprotégerlespersonnesvulnérables,ontconcluquelarequérantenerelevaitpasdecettecatégorie.74.LaCourconsidèrenéanmoins,aveclaChambredesLordsetlamajoritédelaCoursuprêmeduCanadadansl'affaireRodriguez,quelesÉtatsontledroitdecontrôler,autraversdel'applicationdudroitpénalgénéral,lesactivitéspréjudiciablesàlavieetàlasécuritéd'autrui(V.égalementLaskey,JaggardetBrownpréc.,§43).Plusgraveestledommageencouruetplusgrandestlepoidsdontpèserontdanslabalancelesconsidérationsdesantéetdesécuritépubliquesfaceauprincipeconcurrentdel'autonomiepersonnelle.La disposition légale incriminée en l'espèce, à savoir l'article 2 de la loi de 1961, a été conçue pourpréserverlavieenprotégeantlespersonnesfaiblesetvulnérables-spécialementcellesquinesontpasenmesuredeprendredesdécisionsenconnaissancedecause-contrelesactesvisantàmettrefinàlavieouàaideràmettrefinàlavie.Sansdoutel'étatdespersonnessouffrantd'unemaladieenphaseterminalevarie-t-ild'uncasàl'autre.Maisbeaucoupdecespersonnessontvulnérables,etc'estlavulnérabilitédelacatégoriequ'ellesformentquifournitlaratiolegisdeladispositionencause.Ilincombeaupremierchefaux États d'apprécier le risque d'abus et les conséquences probables des abus éventuellement commisqu'impliquerait un assouplissement de l'interdiction générale du suicide assisté ou la créationd'exceptions au principe. Il existe des risquesmanifestes d'abus, nonobstant les arguments développésquantàlapossibilitédeprévoirdesgarde-fousetdesprocéduresprotectrices.(...)76. Aussi la Cour considère-t-elle que la nature générale de l'interdiction du suicide assisté n'est pasdisproportionnée.LeGouvernementsoulignequ'unecertainesouplesseestrenduepossibledansdescasparticuliers:d'abord,despoursuitesnepourraientêtreengagéesqu'avecl'accordduDPP;ensuite,ilneseraitprévuqu'unepeinemaximale,cequipermettraitaujuged'infligerdespeinesmoinssévèreslàoùill'estime approprié. Le rapport du comité restreint de la Chambre des Lords précisait qu'entre 1981 et1992, dans vingt-deux affaires où était soulevé le problème de l'"homicide par compassion", les jugesn'avaient prononcé qu'une seule condamnation pour meurtre, qu'ils avaient assortie d'une peined'emprisonnementàvie,desqualificationsmoinsgravesayantétéretenuesdans lesautresaffaires,quis'étaient soldéespardespeines avecmise à l'épreuveou avec sursis (§ 128du rapport cité au § 21 ci-dessus[nonreproduit]).IlneparaîtpasarbitraireàlaCourqueledroitreflètel'importancedudroitàlavie en interdisant le suicide assisté tout en prévoyant un régime d'application et d'appréciation par lajustice qui permet de prendre en compte dans chaque cas concret tant l'intérêt public à entamer despoursuitesquelesexigencesjustesetadéquatesdelarétributionetdeladissuasion.77.Euégardauxcirconstancesdel'espèce,laCournevoitriendedisproportionnénonplusdanslerefusduDPPdeprendreparavancel'engagementd'exonérerdetoutepoursuitelemaridelarequérante.Desargumentspuissantsfondéssurl'étatdedroitpourraientêtreopposésàtouteprétentionparl'exécutifdesoustraire des individus ou des catégories d'individus à l'application de la loi. Quoi qu'il en soit, vu lagravitédel'actepourlequeluneimmunitéétaitréclamée,onnepeutjugerarbitraireoudéraisonnableladécisionpriseparleDPPenl'espècederefuserdeprendrel'engagementsollicité.78. LaCour conclut que l'ingérence incriminéepeutpasserpour justifiée comme "nécessaire, dansunesociétédémocratique",àlaprotectiondesdroitsd'autrui.Partant,iln'yapaseuviolationdel'article8delaConvention.IV-Surlaviolationalléguéedel'article9delaConvention:(...)A-Thèsedesparties:(...)B-AppréciationdelaCour:82.LaCournedoutepasdelafermetédesconvictionsdelarequéranteconcernantlesuicideassisté,maisobservequetouslesavisouconvictionsn'entrentpasdanslechampd'applicationdel'article9,§1delaConvention.Lesgriefsdel'intéresséeneserapportentpasàuneformedemanifestationd'unereligionoud'uneconvictionpar leculte, l'enseignement, lespratiquesoul'accomplissementdesrites,ausensdela

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deuxième phrase du paragraphe 1 de l'article 9. Comme l'a dit la Commission, le terme "pratiques"employéàl'article9,§1nerecouvrepastoutactemotivéouinfluencéparunereligionouuneconviction(Arrowsmith c/ Royaume-Uni, req. n°7050/77, in Rapp. Comm. 12 oct. 1978: D.R. 19, p. 19, §71). Pourautantquelesargumentsdelarequérantereflètentsonadhésionauprincipedel'autonomiepersonnelle,ilsnesontquelareformulationdugriefformulésurleterraindel'article8delaConvention.83.LaCourconclutdoncquel'article9delaConventionn'apasétéviolé.V-Surlaviolationalléguéedel'article14delaConvention:(...)A-Thèsedesparties:(...)B-AppréciationdelaCour:87. La Cour a jugé ci-dessus que les droits garantis à la requérante par l'article 8 de la Convention setrouvaient en jeu (§61 à 67 supra). Il lui faut donc examiner le grief de l'intéressée consistant à direqu'elle est victime d'une discrimination dans la jouissance desdits droits dans la mesure où le droitinternepermetauxpersonnesvalidesdesesuicidermaisempêchecellesquisonthandicapéesdesefaireaiderpouraccomplircetacte.88.Auxfinsdel'article14,unedifférencedetraitemententredespersonnesplacéesdansdessituationsanalogues ou comparables est discriminatoire si elle ne repose pas sur une justification objective etraisonnable,c'est-à-diresiellenepoursuitpasunbutlégitimeous'iln'yapasunrapportraisonnabledeproportionnalité entre lesmoyens employés et le but visé. Par ailleurs, les États contractants jouissentd'unecertainemarged'appréciationpourdéterminersi,etdansquellemesure,desdifférencesentredessituations à d'autres égards analogues justifient des distinctions de traitement (V. Camp et Bourimi c/Pays-Bas, req. n°28369/95, § 37: Rec. CEDH 2000-X, § 37). Il peut également y avoir discriminationlorsqu'un État, sans justification objective et raisonnable, ne traite pas différemment des personnes setrouvantdansdessituationssubstantiellementdifférentes(V.Thlimmenosc/Grèce[GC],req.n°34369/97:Rec.CEDH2000-IV,§44).89.Toutefois,même si l'on applique leprincipe sedégageantde l'arrêtThlimmenos à la situationde larequérante en l'espèce, il y a, pour la Cour, une justification objective et raisonnable à l'absence dedistinctionjuridiqueentrelespersonnesquisontphysiquementcapablesdesesuicideretcellesquinelesontpas.Surleterraindel'article8delaConvention,laCouraconcluàl'existencedebonnesraisonsdene pas introduire dans la loi des exceptions censées permettre de prendre en compte la situation despersonnesréputéesnonvulnérables(§74ci-dessus).Ilexistesousl'angledel'article14desraisonstoutaussiconvaincantesdenepaschercheràdistinguerentrelespersonnesquisontenmesuredesesuicidersansaideetcellesquiensontincapables.Lafrontièreentrelesdeuxcatégoriesestsouventtrèsétroite,ettenterd'inscriredans la loiuneexceptionpour lespersonnes jugéesnepasêtreàmêmedesesuiciderébranleraitsérieusementlaprotectiondelaviequelaloide1961aentenduconsacreretaugmenteraitdemanièresignificativelerisqued'abus.90.Partant,iln'yapaseuviolationdel'article14enl'espèce.Parcesmotifs,laCour,àl'unanimité:1.Déclarelarequêterecevable;2.Ditqu'iln'yapaseuviolationdel'article2delaConvention;3.Ditqu'iln'yapaseuviolationdel'article3delaConvention;4.Ditqu'iln'yapaseuviolationdel'article8delaConvention;5.Ditqu'iln'yapaseuviolationdel'article9delaConvention;6.Ditqu'iln'yapaseuviolationdel'article14delaConvention.

DOCUMENT7:CE,24juin2014,V.Lambert Résumé:26-055Euégardàl'officeparticulierquiestceluidujugedesréféréslorsqu'ilestsaisi,surlefondementdel'articleL.521-2ducodedejusticeadministrative,d'unedécisionpriseparunmédecinenapplication du code de la santé publique et conduisant à interrompre ou à ne pas entreprendre untraitement aumotif que cedernier traduirait uneobstinationdéraisonnable et que l'exécutionde cettedécisionporteraitdemanièreirréversibleuneatteinteàlavie,illuiappartient,danscecadre,d'examinerun moyen tiré de l'incompatibilité des dispositions législatives dont il a été fait application avec lesstipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertésfondamentales.26-055-01-02LesdispositionsdesarticlesL.1110-5,L.1111-4etR.4127-37ducodedelasantépubliqueont défini un cadre juridique réaffirmant le droit de toute personne de recevoir les soins les plus

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appropriés,ledroitdevoirrespectéesavolontéderefusertouttraitementetledroitdenepassubiruntraitement médical qui traduirait une obstination déraisonnable. Ces dispositions ne permettent à unmédecin de prendre, à l'égard d'une personne hors d'état d'exprimer sa volonté, une décision delimitationoud'arrêtde traitement susceptibledemettre savie endangerque sous ladouble et strictecondition que la poursuite de ce traitement traduise une obstination déraisonnable et que soientrespectéeslesgarantiestenantàlapriseencomptedessouhaitséventuellementexprimésparlepatient,àlaconsultationd'aumoinsunautremédecinetdel'équipesoignanteetàlaconsultationdelapersonnedeconfiance,delafamilleoud'unproche.Unetelledécisiondumédecinestsusceptibledefairel'objetd'unrecoursdevantunejuridictionpours'assurerquelesconditionsfixéesparlaloiontétéremplies.,,,Prisesdans leur ensemble, eu égard à leur objet et aux conditionsdans lesquelles ellesdoivent êtremises enoeuvre, les dispositions contestées du code de la santé publique ne peuvent être regardées commeincompatiblesaveclesstipulationsdel'article2delaconventioneuropéennedesauvegardedesdroitsdel'homme et des libertés fondamentales, aux termes desquelles le droit de toute personne à la vie estprotégéparlaloi.Lamortnepeutêtreinfligéeàquiconqueintentionnellement(…).26-055-01-08-02 Les dispositions des articles L. 1110-5, L. 1111-4 et R. 4127-37 du code de la santépubliqueontdéfiniuncadrejuridiqueréaffirmantledroitdetoutepersonnederecevoirlessoinslesplusappropriés,ledroitdevoirrespectéesavolontéderefusertouttraitementetledroitdenepassubiruntraitement médical qui traduirait une obstination déraisonnable. Ces dispositions ne permettent à unmédecin de prendre, à l'égard d'une personne hors d'état d'exprimer sa volonté, une décision delimitationoud'arrêtde traitement susceptibledemettre savie endangerque sous ladouble et strictecondition que la poursuite de ce traitement traduise une obstination déraisonnable et que soientrespectéeslesgarantiestenantàlapriseencomptedessouhaitséventuellementexprimésparlepatient,àlaconsultationd'aumoinsunautremédecinetdel'équipesoignanteetàlaconsultationdelapersonnedeconfiance,delafamilleoud'unproche.Unetelledécisiondumédecinestsusceptibledefairel'objetd'unrecoursdevantunejuridictionpours'assurerquelesconditionsfixéesparlaloiontétéremplies.,,,Prisesdans leur ensemble, eu égard à leur objet et aux conditionsdans lesquelles ellesdoivent êtremises enoeuvre, les dispositions contestées du code de la santé publique ne peuvent être regardées commeincompatiblesaveclesstipulationsdel'article8delaconventioneuropéennedesauvegardedesdroitsdel'hommeetdeslibertésfondamentalesgarantissantledroitaurespectdelavieprivéeetfamiliale.54-035-03-04 Eu égard à l'office particulier qui est celui du juge des référés lorsqu'il est saisi, sur lefondementdel'articleL.521-2ducodedejusticeadministrative,d'unedécisionpriseparunmédecinenapplication du code de la santé publique et conduisant à interrompre ou à ne pas entreprendre untraitement aumotif que cedernier traduirait uneobstinationdéraisonnable et que l'exécutionde cettedécisionporteraitdemanièreirréversibleuneatteinteàlavie,illuiappartient,danscecadre,d'examinerun moyen tiré de l'incompatibilité des dispositions législatives dont il a été fait application avec lesstipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertésfondamentales(conventionEDH).611)a)Sil'alimentationetl'hydratationartificiellessontaunombredestraitementssusceptiblesd'êtrearrêtés lorsque leur poursuite traduirait une obstination déraisonnable, la seule circonstance qu'unepersonne soit dans un état irréversible d'inconscience ou, à plus forte raison, de perte d'autonomie larendant tributaired'un telmoded'alimentationetd'hydratationne saurait caractériser,parelle-même,une situation dans laquelle la poursuite de ce traitement apparaîtrait injustifiée au nom du refus del'obstinationdéraisonnable.,,,b)Pourappréciersilesconditionsd'unarrêtd'alimentationetd'hydratationartificielles sont réunies s'agissant d'un patient victime de lésions cérébrales graves, quelle qu'en soitl'origine, qui se trouve dans un état végétatif ou dans un état de conscienceminimale lemettant horsd'étatd'exprimersavolontéetdontlemaintienenviedépenddecemoded'alimentationetd'hydratation,lemédecinenchargedoitsefondersurunensembled'éléments,médicauxetnonmédicaux,dontlepoidsrespectif ne peut être prédéterminé et dépend des circonstances particulières à chaque patient, leconduisant à appréhender chaque situation dans sa singularité.,,,Outre i) les éléments médicaux, quidoiventcouvrirunepériodesuffisammentlongue,êtreanalyséscollégialementetporternotammentsurl'étatactueldupatient,surl'évolutiondesonétatdepuislasurvenancedel'accidentoudelamaladie,sursasouffranceetsurlepronosticclinique,lemédecindoitii)accorderuneimportancetouteparticulièreàlavolontéquelepatientpeutavoir,lecaséchéant,antérieurementexprimée,quelsqu'ensoientlaformeetlesens.Acetégard,dansl'hypothèseoùcettevolontédemeureraitinconnue,ellenepeutêtreprésuméecommeconsistantenunrefusdupatientd'êtremaintenuenviedanslesconditionsprésentes.Lemédecindoitégalementprendreencomptelesavisdelapersonnedeconfiance,danslecasoùelleaétédésignéeparlepatient,desmembresdesafamilleou,àdéfaut,del'undesesproches,ens'efforçantdedégagerunepositionconsensuelle. Ildoit,dans l'examende lasituationpropredesonpatient,êtreavant toutguidépar le souci de la plus grande bienfaisance à son égard.,,,2) Si lemédecin décide de prendre une telle

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décisionen fonctiondesonappréciationde lasituation, il luiappartientdesauvegarderentoutétatdecauseladignitédupatientetdeluidispenserdessoinspalliatifs.61-05 1) a) Si l'alimentation et l'hydratation artificielles sont au nombre des traitements susceptiblesd'être arrêtés lorsque leur poursuite traduirait une obstination déraisonnable, la seule circonstancequ'unepersonnesoitdansunétatirréversibled'inconscienceou,àplusforteraison,deperted'autonomielarendanttributaired'untelmoded'alimentationetd'hydratationnesauraitcaractériser,parelle-même,une situation dans laquelle la poursuite de ce traitement apparaîtrait injustifiée au nom du refus del'obstinationdéraisonnable.,,,b)Pourappréciersilesconditionsd'unarrêtd'alimentationetd'hydratationartificielles sont réunies s'agissant d'un patient victime de lésions cérébrales graves, quelle qu'en soitl'origine, qui se trouve dans un état végétatif ou dans un état de conscienceminimale lemettant horsd'étatd'exprimersavolontéetdontlemaintienenviedépenddecemoded'alimentationetd'hydratation,lemédecinenchargedoitsefondersurunensembled'éléments,médicauxetnonmédicaux,dontlepoidsrespectif ne peut être prédéterminé et dépend des circonstances particulières à chaque patient, leconduisant à appréhender chaque situation dans sa singularité.,,,Outre i) les éléments médicaux, quidoiventcouvrirunepériodesuffisammentlongue,êtreanalyséscollégialementetporternotammentsurl'étatactueldupatient,surl'évolutiondesonétatdepuislasurvenancedel'accidentoudelamaladie,sursasouffranceetsurlepronosticclinique,lemédecindoitii)accorderuneimportancetouteparticulièreàlavolontéquelepatientpeutavoir,lecaséchéant,antérieurementexprimée,quelsqu'ensoientlaformeetlesens.Acetégard,dansl'hypothèseoùcettevolontédemeureraitinconnue,ellenepeutêtreprésuméecommeconsistantenunrefusdupatientd'êtremaintenuenviedanslesconditionsprésentes.Lemédecindoitégalementprendreencomptelesavisdelapersonnedeconfiance,danslecasoùelleaétédésignéeparlepatient,desmembresdesafamilleou,àdéfaut,del'undesesproches,ens'efforçantdedégagerunepositionconsensuelle. Ildoit,dans l'examende lasituationpropredesonpatient,êtreavant toutguidépar le souci de la plus grande bienfaisance à son égard.,,,2) Si lemédecin décide de prendre une telledécisionen fonctiondesonappréciationde lasituation, il luiappartientdesauvegarderentoutétatdecauseladignitédupatientetdeluidispenserdessoinspalliatifs.DOCUMENT8:CJUE18décembre2014,JCPE2015,1209noteMendoza-CaminadeLaCourdejusticedel'Unioneuropéennearendule18décembre2014unarrêtfondamentalsurlabrevetabilité du vivant dans le domaine de la protection juridique des inventionsbiotechnologiques.TroisansaprèssadécisionBrüstle,elle intervientencorepourseprononcersurlabrevetabilitéducorpshumainetpourànouveaudéfinirl'embryonhumain.Ilenrésulteuneévolutioncertaineenfaveurdelabrevetabilitéduvivanthumain.CJUE,18déc.2014,aff.C-364/13,InternationalStemCellCorporationc/ComptrollerGeneralofPatents,DesignsandTradeMarks:JurisDatan°2014-032858LACOUR(...)Surlaquestionpréjudicielle21Parsaquestion,lajuridictionderenvoidemande,ensubstance,sil'article6,paragraphe2,sousc),dela directive 98/44 doit être interprété en ce sens qu'un ovule humain non fécondé qui, par voie departhénogenèse, a été induit à se diviser et à se développer jusqu'à un certain stade constitue un«embryonhumain»ausensdecettedisposition.22 À titre liminaire, il convient de rappeler que la directive 98/44 n'a pas pour objet de réglementerl'utilisationd'embryonshumainsdanslecadrederecherchesscientifiquesetquesonobjetselimiteàlabrevetabilitédesinventionsbiotechnologiques(voirarrêtBrüstle,EU:C:2011:669,point40).23Parailleurs,l'«embryonhumain»,ausensdel'article6,paragraphe2,sousc),decettedirective,doitêtre considéré commedésignantunenotion autonomedudroit de l'Union, qui doit être interprétéedemanièreuniformesurleterritoiredecettedernière(voirarrêtBrüstle,EU:C:2011:669,point26).24S'agissantdecetteinterprétation,laCourarelevé,aupoint34del'arrêtBrüstle(EU:C:2011:669),que,telqu'ildécouleducontexteetdubutde ladirective98/44, le législateurde l'Unionaentenduexcluretoutepossibilitédebrevetabilitédèslorsquelerespectdûàladignitéhumainepourraitenêtreaffectéetqu'ilenrésultequelanotiond'«embryonhumain»,ausensdel'article6,paragraphe2,sousc),deladitedirective,doitêtrecompriselargement.25Aupoint35decetarrêt,laCouraindiquéque,danscesens,toutovulehumaindoit,dèslestadedesafécondation, être considéré comme un «embryon humain» au sens et pour l'application de l'article 6,paragraphe2,sousc),delamêmedirective,dèslorsquecettefécondationestdenatureàdéclencherleprocessusdedéveloppementd'unêtrehumain.

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26 La Cour a précisé, au point 36 du même arrêt, que doivent également se voir reconnaître cettequalification l'ovule humain non fécondé, dans lequel le noyau d'une cellule humaine mature a étéimplanté,etl'ovulehumainnonfécondéinduitàsediviseretàsedévelopperparvoiedeparthénogenèse.La Cour a ajouté que, même si ces organismes n'ont pas fait l'objet, à proprement parler, d'unefécondation, ils sont, ainsi qu'il ressort des observations écrites déposées devant la Cour dans l'affaireayantdonnélieuauditarrêtBrüstle(EU:C:2011:669),parl'effetdelatechniqueutiliséepourlesobtenir,de nature à déclencher le processus de développement d'un être humain comme l'embryon créé parfécondationd'unovule.27 Il résulteainside l'arrêtBrüstle (EU:C:2011:669)qu'unovulehumainnon fécondédoitêtrequalifiéd'«embryonhumain»,ausensdel'article6,paragraphe2,sousc),deladirective98/44,pourautantquecetorganismeest«denatureàdéclencherleprocessusdedéveloppementd'unêtrehumain».28Comme l'a relevé, en substance,M. l'avocat général aupoint73de ses conclusionsdans laprésenteaffaire, cette expression doit être entendue en ce sens que, pour pouvoir être qualifié d'«embryonhumain», un ovule humain non fécondé doit nécessairement disposer de la capacité intrinsèque de sedévelopperenunêtrehumain.29Parconséquent,dans l'hypothèseoùunovulehumainnonfécondéneremplitpascettecondition, leseulfaitpourcetorganismedecommencerunprocessusdedéveloppementn'estpassuffisantpourqu'ilsoitconsidérécommeun«embryonhumain»,ausensetpourl'applicationdeladirective98/44.30Enrevanche,dansl'hypothèseoùuntelovuledisposeraitdelacapacitéintrinsèquedesedévelopperenunêtrehumain,ildevrait,auregarddel'article6,paragraphe2,sousc),decettedirective,êtretraitédelamêmefaçonqu'unovulehumainfécondé,àtouslesstadesdesondéveloppement.31Dansl'affaireayantdonnélieuàl'arrêtBrüstle(EU:C:2011:669),ilressortaitdesobservationsécritesdéposéesdevantlaCourqu'unovulehumainnonfécondéqui,parvoiedeparthénogenèse,aétéinduitàsediviseretàsedévelopperdisposaitdelacapacitédesedévelopperenunêtrehumain.32C'estprécisément la raisonpour laquelle, sur labasede cesobservations, laCour a considéré, dansleditarrêt,que,pourdéfinirlanotiond'«embryonhumain»,ausensdel'article6,paragraphe2,sousc),deladirective98/44,unovulehumainnonfécondéquiaétéinduitàsediviseretàsedévelopperparvoiedeparthénogenèsedevaitêtreassimiléàunovulefécondéet,parconséquent,êtrequalifiéd'«embryon».33Cependant,danslaprésenteaffaire,lajuridictionderenvoi,ainsiqu'ilressortdupoint17duprésentarrêt,asoulignéensubstanceque,selonlesconnaissancesscientifiquesdontelledispose,unparthénotehumain, par l'effet de la technique utilisée pour l'obtenir, n'est pas susceptible, en tant que tel, dedéclencherleprocessusdedéveloppementquiaboutitàunêtrehumain.Cetteappréciationestpartagéeparl'ensembledesintéressésayantdéposédesobservationsécritesdevantlaCour.34 Par ailleurs, ainsi qu'il a été relevé au point 18 du présent arrêt, dans l'affaire au principal, ISCO amodifié ses demandes d'enregistrement afin d'exclure l'éventualité de l'utilisation d'interventionsgénétiquesadditionnelles.35Danscesconditions,l'affaireauprincipalporteuniquementsurlaqualification,auregarddel'article6,paragraphe 2, sous c), de la directive 98/44, d'un parthénote humain en tant que tel, et non d'unparthénotequiferaitl'objetd'interventionsadditionnellesrelevantdugéniegénétique.36 C'est à la juridiction de renvoi qu'il appartient de vérifier si, à la lumière des connaissancessuffisammentéprouvéesetvalidéesparlasciencemédicaleinternationale(voir,paranalogie,arrêtSmitsetPeerbooms,C157/99,EU:C:2001:404,point94),desparthénoteshumains,telsqueceuxfaisantl'objetdesdemandesd'enregistrementdansl'affaireauprincipal,disposentounondelacapacitéintrinsèquedesedévelopperenunêtrehumain.37Dans l'hypothèseoù la juridictionderenvoiconstateraitquecesparthénotesnedisposentpasd'unetellecapacité,elledevraitenconclurequeceux-cineconstituentpasdes«embryonshumains»,ausensdel'article6,paragraphe2,sousc),deladirective98/44.38Au vudes considérations qui précèdent, il convient de répondre à la questionposée que l'article 6,paragraphe 2, sous c), de la directive 98/44 doit être interprété en ce sens qu'un ovule humain nonfécondéqui,parvoiedeparthénogenèse,aétéinduitàsediviseretàsedévelopperneconstituepasun«embryonhumain»,ausensdecettedisposition,si,àlalumièredesconnaissancesactuellesdelascience,ilnedisposepas,entantquetel,delacapacitéintrinsèquedesedévelopperenunêtrehumain,cequ'ilappartientàlajuridictionnationaledevérifier.(...)Parcesmotifs,laCour(grandechambre)ditpourdroit:L'article 6, paragraphe2, sous c), de la directive 98/44/CEduParlement européen et duConseil, du 6juillet1998,relativeàlaprotectionjuridiquedesinventionsbiotechnologiques,doitêtreinterprétéencesensqu'unovulehumainnon fécondéqui, par voiedeparthénogenèse, a été induit à sediviser et à sedévelopper ne constitue pas un «embryon humain», au sens de cette disposition, si, à la lumière des

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connaissancesactuellesde la science, ilnedisposepas,en tantque tel,de la capacité intrinsèquedesedévelopperenunêtrehumain,cequ'ilappartientàlajuridictionnationaledevérifier.Note:La Cour de justice de l'Union européenne a rendu le18 décembre 2014 un arrêt fondamental sur labrevetabilitéduvivantdansledomainedelaprotectionjuridiquedesinventionsbiotechnologiques.Troisans après sa décision Brüstle, elle intervient encore pour se prononcer sur la brevetabilité du corpshumain et pour, à nouveau, définir l'embryon humain au regard de la directive 98/44/CE du 6 juillet1998relativeà laprotectiondesinventionsbiotechnologiques(JOCEn°L213,30juill.1998,p.13). Ilenrésulteuneévolutioncertaineenfaveurdelabrevetabilitéduvivanthumain.Danscettenouvelleaffaire,l'entrepriseISCOavaitprésentédeuxdemandesd'enregistrementdebrevetsnationauxauprèsdel'UnitedKingdomIntellectualPropertyOffice(OfficedelapropriétéintellectuelleduRoyaume-Uni). Ces demandes d'enregistrement étaient relatives à l'activation d'ovocytes par voie departhénogenèse.Pardécisiondu16août2012,cesdemandesdebrevetontétérefuséesaumotifquelesinventionsconstituaientdesutilisationsd'embryonshumainsàdesfinsindustriellesoucommercialesetqu'ellesétaientenconséquenceexcluesdelabrevetabilitéausensdudroitduRoyaume-Unimettantenoeuvrel'article6,paragraphe2c)deladirective98/44.UnrecoursaétéexercéparlasociétéISCOcontreladécisiondel'OfficedevantlaHighCourtofJusticeetcettedernière,parunedécisiondu17avril2013,ademandéàlaCourdejusticedel'Unioneuropéenne(CJUE)si l'article6,paragraphe2c)deladirective98/44doitêtreinterprétéencesensqu'unovulehumainnonfécondéqui,parvoiedeparthénogenèse,aétéinduitàsediviseretàsedévelopperjusqu'àuncertainstadeconstitueunembryonhumainausensde cette disposition. Pour répondre à cette question, la Cour devait préciser ce qu'elle entend par unélément « de nature à déclencher le processus de développement d'un être humain » et relève, parconséquent,delanotiond'embryonhumain.Par une importante décision, la Cour décide qu'« un ovule humain non fécondé qui, par voie departhénogenèse,aété induitàsediviseretàsedévelopperneconstituepasun"embryonhumain",ausensdecettedisposition,si,à la lumièredesconnaissancesactuellesde lascience, ilnedisposepas,entant que tel, de la capacité intrinsèque de se développer en un être humain, ce qu'il appartient à lajuridiction nationale de vérifier ». En conséquence, la Cour autorise la brevetabilité de l'ovule humainactivé par voie de parthénogenèse, car l'ovule n'est pas en mesure, dans cette configuration, de sedévelopperenunêtrehumain;aussi l'ovulenepeut-ilêtreconsidéré,danscecas,commeunembryonhumain. Cette solutionmet en avant le critère de la capacité intrinsèque de se développer en un êtrehumainpourqualifierl'embryonhumain.Enretenantlabrevetabilitédel'ovulehumainnon-fécondé,laCourromptavecsasolutionantérieurequifaisait,sansnuance,del'ovulehumainunélémentexcludelabrevetabilité : les parthénotes, ces organismes résultant de la division par parthénogénèse d'ovuleshumains non fécondés, sont donc écartés de l'interdiction visant les embryons et accèdent à laqualificationd'élémentsbrevetables.Ledomainede labrevetabilitéduvivanthumainvientdoncd'êtremodifiéparlaCJUEquienaccroitlepérimètre.Cettedécisionconstitueuneévolutionnotableenmatièrederecherchebiotechnologiquedontlateneurseraexaminée(1)avantd'analysersaportée(2).1.LafragmentationdustatutjuridiqueduvivanthumainAlorsquelaquestionétaitjusqu'àprésentenvisagéedemanièreglobaleauregarddustatutd'exceptionde l'embryon (A), l'arrêt adopte une orientation novatrice en nuançant le principe de l'interdiction debrevet(B).A.-Uneexclusionjusqu'àprésentlargedelabrevetabilitéLabrevetabilitéduvivanthumaindel'embryonhumainetdescellulessouchesembryonnairesatoujoursétéexclueendroiteuropéenetendroitfrançais.Lestatuttrèsprotecteurdel'embryon(V.C.civ.,art.16et s.)milite en faveurd'uneexclusiondubrevet s'agissantde l'êtrehumain. LaCour rappelled'ailleursdans l'arrêt commenté l'existence de principes fondamentaux garantissant la dignité et l'intégrité del'Homme,ainsiquel'exclusiongénéraledelabrevetabilitéducorpshumain(consid.16)etdesinventionsdont l'exploitationcommercialeseraitcontraireà l'ordrepublicouauxbonnesmoeursquidoiventêtreexcluesdelabrevetabilité(consid.37).Untelrefusdelabrevetabilitéduvivanthumainestfondénotammentsurl'article6,§2c)deladirective98/44/CEdu6juillet1998relativeàlaprotectionjuridiquedesinventionsbiotechnologiquesquiprévoitque«(...)nesontnotammentpasbrevetables:c)lesutilisationsd'embryonshumainsàdesfinsindustriellesoucommerciales»(V.danslesmêmestermesCPI,art.L.611-18issudeL.n°2004-800,6août2004relativeàlabioéthique).Silestextesposentclairementl'exclusionàl'égarddel'embryon,ladifficultérésidedansl'absencededéfinitiondel'embryon.Ladirectiveneledéfinitpasetnecomporteaucunrenvoiexprèsaudroit des États membres pour en déterminer le sens et la portée : il s'agit donc d'une notion dontl'interprétation doit être réalisée demanière autonome et uniforme dans toute l'Union. Ce concept denotion autonomede l'embryon permet de justifier la compétence de laCJUE et de rappeler le rôle de

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gardiendel'applicationuniformedudroitdel'UniondelaCour(encesensnotamment,V.CJCE,16juill.2009,aff.C-5/08,Infopaqinternational).Cerôleestd'autantpluscrucialconcernantlanotiond'embryonqued'importantesdivergencesexistententreleslégislationsdesÉtatsmembresquantàcettenotion(B.deMalherbe et J-C.Galloux, L'arrêtBrüstle : de la régulationdumarchéà l'expressiondes valeurs : Prop.industr.2012,étude15;S.Roset,Protectiondesinventionsbiotechnologiques:Europe2011,comm.482).DanssonarrêtBrüstledu18octobre2011(CJUE,18oct.2011,aff.C-34/10.-V.surcetarrêt,M.-C.ChemtobConcé,Lanon-brevetabilitédesprocédésderecherchedestructifsd'embryonshumains:Prop.industr.2012,comm. 2 ; B. deMalherbe et J.-C. Galloux, L'arrêt Brüstle : de la régulation dumarché à l'expression desvaleurs,préc. ;D.2011,p.410,J.Daleau;C.Byk, JDIn°1, janv.2013,5;L.Marino,Chronique,Gaz.Pal.16févr. 2012, n° 47, p. 14 ; B. Bévière-Boyer, Le coup d'arrêt de la brevetabilité de la recherche portant surl'utilisationdesembryonsetdescellulessouchesenEurope:LPA5avr.2012,p.3;D.2012,p.520,chron.J.Raynard),laCJUEadéfinil'embryondemanièretrèslargecommeconstituépar«toutovulehumaindèsle stade de la fécondation, tout ovule humain non fécondé dans lequel le noyau d'une cellule humainematureaétéimplantéettoutovulehumainnonfécondéqui,parvoiedeparthénogenèse,aétéinduitàsediviser et à se développer ». Et la Cour a considéré alors que «même si ces organismes n'ont pas faitl'objet, à proprement parler, d'une fécondation, ils sont, ainsi qu'il ressort des observations écritesdéposées devant la Cour, par l'effet de la techniqueutilisée pour les obtenir, de nature à déclencher leprocessusdedéveloppementd'unêtrehumaincommel'embryoncrééparfécondationd'unovule»(pt36). Or, cela conduisait à inclure les parthénotes qui sont « de nature à déclencher le processus dedéveloppementd'unêtrehumain»danslechampdel'exclusiondebrevetabilité.Enl'espèce,laquestionpréjudiciellequasi-identiqueconduit laCouràseprononcerànouveausurcettebrevetabilitéduvivanthumainetellesaisitl'occasionpourfaireévoluersaposition.B.-UneinterdictionàprésentdélimitéeEnaffinantledomainedelabrevetabilité,laCourestamenéeàécarterdelacatégoriedel'embryondeshypothèsespourlesquelleslabrevetabilitéresurgitfaisantainsivolerenéclatsl'unitédustatutjuridiquedelavieembryonnaire.Conformémentàl'arrêtBrüstledelaCJUE,l'Officeanglaisarejetélesdemandesdebrevetsdel'entrepriseISCOenretenantquelesovuleshumainsnonfécondés«(...)étaientdenatureàdéclencherleprocessusdedéveloppementd'unêtrehumaincommel'embryoncrééparfécondationd'unovuleausensdupoint36del'arrêtBrüstle».Ilenconclutquecesinventionsconstituaientdesutilisationsd'embryonshumainsàdesfinsindustriellesoucommercialesexcluesdelabrevetabilité(UKIntellectualPropertyOffice,16août2012).Mais la juridiction de renvoi considère que « (...) selon les connaissances scientifiques actuelles, lesparthénotesmammaliens ne pourraient jamais se développer jusqu'à terme en raison du fait que, à ladifférence d'un ovule fécondé, ils ne contiennent pas d'ADN paternel, lequel est nécessaire audéveloppement du tissu extraembryonnaire ». Aussi, de tels parthénotes, non susceptibles de sedévelopper en un être humain, ne devraient pas être qualifiés d'embryons humains. C'est bien ce quel'avocatgénéraldelaCJUEaretenuenconsidérantquelecritèredécisifconsisteàvérifier«sicetovulenon fécondé a la capacité intrinsèque de se développer en un être humain, c'est-à-dire s'il constitueréellementl'équivalentfonctionneld'unovulefécondé»(Conclusions,17juill.2014,aff.C-364/13,pt73).Suivant les conclusions de son avocat général, la CJUE affine le critère de définition de l'embryon enprivilégiant la capacité intrinsèquede l'organismedesedévelopperenunêtrehumain (pt28).Orc'estbienlecritèredudéclenchementduprocessusdel'êtrehumainquifaitdéfaut(pt33).Parconséquent,lefait pourunovulehumainnon fécondédedébuterunprocessusdedéveloppementn'estplus suffisantpourqu'il soitconsidérécommeunembryonhumainausensde ladirective98/44.Dès lors, cetovulen'est plus exclu de la brevetabilité et ses utilisations à des fins industrielles ou commerciales sontsusceptiblesd'êtrebrevetées.LaCJUEinnoveenopérantunesubdivisionnouvelleauregarddelaqualificationd'embryonhumain.Lasolution constitue donc un prolongement de l'arrêt Brüstle qui précise par la négative la notiond'embryonetconduitàenréduirelepérimètre.2.L'accroissementdudomainedelabrevetabilitéduvivantIl s'agit ici d'expliciter les limites apportées au principe d'exclusion de la brevetabilité (A), avantd'envisagerlesconséquencespourlarechercheenbiotechnologies(B).A.-UnenouvellepositionmesuréedelaCJUEC'est aunomde l'évolutionde la connaissance scientifique que la Cour fait évoluer sa position.Depuis2011s'estproduitunchangementscientifiquequiconduitàconsidérerquelesparthénotesnesontpasdes embryons humains. C'est ce que le requérant avait démontré dans sa position partagée par lajuridiction de renvoi. De même, l'avocat général a relevé qu'en l'état actuel des connaissancesscientifiques, les parthénotes humains ne peuvent pas dans cette configuration se développer jusqu'à

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termeetquecetélémentn'étaitpasconnudelaCourdansl'affaireBrüstle(conclusions,pt30).Enoutre,desintéressés,àsavoirlaFrance,laSuède,leRoyaume-UnietlaCommission,ontdéposédesobservationsécritesdevantlaCour,etontémislamêmeappréciationsurl'étatdesconnaissancesscientifiques.Ainsi,laréponseapportéeàlaquestiondelacapacitédedéveloppementenunêtrehumainen2011n'estpluspertinente en 2014. Les connaissances scientifiques ont rapidement évolué en trois ans depuis l'arrêtBrüstle,cequijustifieparfaitementcettenouvelleinterprétationparlaCourdel'article6,paragraphe2c)de la directive. La Cour assure ici l'adaptabilité du droit face à une science en perpétuelle évolution,particulièrement en matière de biotechnologies où la recherche évolue rapidement à un niveauinternational.LaCJUErenvoieenoutrel'appréciationdecettecapacitédedéveloppementdesparthénoteshumainsenun être humain à la juridiction de renvoi « à la lumière des connaissances suffisamment éprouvées etvalidéesparlasciencemédicaleinternationale».Cesontdonclesjuridictionsnationalesquiapprécierontla capacité intrinsèquededéveloppementdesovulespour s'opposerà leurbrevetabilité.Ce renvoi auxjuridictions nationales est sans doute critiquable (en ce sens, S. Roset, Protection des inventionsbiotechnologiques:Europe2015,comm.83),carlesinterprétationsrisquentd'êtredivergentes.En l'espèce, il s'agissait uniquement de la qualification d'un parthénote humain en tant que tel :l'hypothèsed'unparthénotequi ferait l'objetd'interventionsadditionnellesrelevantdugéniegénétiquen'était pas visée et n'est pas envisageable à ce jour d'un point de vue scientifique. Toutefois, devant lajuridiction de renvoi, la société ISCO a fait preuve de prudence en procédant à la modification de sesdemandes d'enregistrement pour écarter toute possibilité d'utilisation d'interventions génétiquesadditionnelles(pt18).Cettedifficultéabienétésoulevéepar l'avocatgénéral (conclusions,pts76à79),maisellen'apasétéévoquéeparlaCJUE;onpeuts'interrogersurlesilencedelaCour,silencequiapuêtrequalifiéd'éloquent(V.encesens,JCPG2015,135,C.Byk).Malgré cette zone d'ombre, la solution de la Cour constitue une avancée pour le développement de larecherchebiotechnologiqued'autantplusquelaCourrejettel'assimilationentrelafinalitéscientifiqueetla finalité industrielle et commerciale qu'elle avait réalisée dans l'affaire Brüstle (aff. C-34/10, pt 44).L'exclusion de la brevetabilité de l'embryon concernait l'exploitation à des fins industrielles etcommercialesmaisaussiàdesfinsderecherchescientifique:seulel'utilisationàdesfinsthérapeutiquesoudediagnosticapplicableàl'embryonhumainpouvaitfairel'objetd'unbrevet.LaCourconsidéraiteneffet que l'emploi des embryons humains à des fins de recherche scientifique était indissociable del'exploitationindustrielleetcommerciale.Àl'inverse,laCouraffirmeicique«ladirective98/44n'apaspourobjetderéglementerl'utilisationd'embryonshumainsdanslecadrederecherchesscientifiquesetquesonobjetselimiteàlabrevetabilitédesinventionsbiotechnologiques»(aff.C-364/13,pt22).LaCourlèvedoncl'interdictiondebrevetabilitépourunefinalitéscientifiqueetrevientsurl'interprétationqu'elleavaitelle-mêmedonnéepourdéfinirl'embryonauregarddutexteinchangédeladirective,cequiouvredenouvellesperspectivespourlarechercheenbiotechnologies.B.-DenouvellesperspectivespourlarechercheenbiotechnologiesGrâce à l'évolution de la recherche scientifique, l'opportunité fut ainsi offerte à la Cour d'adopter unmeilleuréquilibreentrelesintérêtsencausequesontd'unepartlerespectdesprincipesfondamentauxgarantissantladignitéet l'intégritédel'Hommeetd'autrepart lesintérêtsscientifiquesetéconomiquesdelarechercheenbiotechnologies.Par son caractère absolument protecteur du vivant humain, et par le refus de toutmonopole dans unsecteurdelarecherche,l'arrêtBrüstleacherchéàpréserverladignitéhumaine.Onapulequalifieràcetitred'arrêtcourageux(encesens,L.Marino,Chronique:Gaz.Pal.16févr.2012,n°47,p.14;M.-C.ChemtobConcé,Lanon-brevetabilitédesprocédésderecherchedestructifsd'embryonshumains:Prop.industr.2012,comm.2;V.aussi,J-C.Galloux,Nonàl'embryonindustriel:ledroitdesbrevetsausecoursdelabioéthique?:D.2009,p.578).Laconséquencedecettesolutionestlefreinquienrésultepourledéveloppementdesrecherchesnotammentdanslesecteurpharmaceutique.Ordiminuerl'attractivitédelarecherchedanscedomaine induit automatiquement une diminution des avancées de la médecine. Les entrepriseseuropéennesnepeuventlutteràarmesjuridiqueségalesavecdesconcurrentesétrangèresquibénéficientdenormesplusavantageuses,commec'estnotammentlecaspourlalégislationaméricaine.Aussi, l'arrêt commenté marque un pas vers un meilleur équilibre entre les intérêts en présence quisemblenttotalementantagonistes:ilapporteuntempéramentàcettesolutionenprenantencomptelesintérêtsdelarechercheetapuêtrequalifiéde«déclinaisonraisonnabledel'arrêtBrüstle»(Gaz.Pal.5mars 2015, n° 64, p. 17, L. Marino). Certains considèreront peut-être que les scrupules humanistesviennent de céder face aux progrès de la recherche industrielle,mais pour nous, cet arrêt permet unemeilleure conciliation de l'éthique et de la recherche sans renoncer à la défense d'une certaine visionhumaniste. Pour autant, cette décision pose plus largement la question de droits sur l'humain avantl'apparitiondelapersonnalitéetelleconduitàredéfinirdemanièrenégativelepérimètredel'embryon.

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La conception désormais réduite de l'embryon en référence à la seule qualité d'être en devenircomplexifielerégimejuridiqueetréifiecertainementl'êtrehumain.Dansl'arrêtBrüstle,l'avocatgénéralavaitrappeléque« l'Unionn'estpasqu'unmarchéàréguler,maisqu'elleaaussidesvaleursàexprimer».Resteàvoirsicettenouvelleexpressiondesvaleursdel'Unionauravocationàperdurer...DOCUMENT9:CEDH27août2015;ParrilloC/Italie(extraits)Sur l'applicabilitéenl'espècedel'article8de laConventionetsur larecevabilitédugriefsoulevépar larequérante•149.Parlaprésenteaffaire,laCourestappeléepourlapremièrefoisàseprononcersurlaquestiondesavoir si le«droitaurespectde lavieprivée»garantipar l'article8de laConventionpeutenglober ledroitquelarequéranteinvoquedevantelle,celuidedisposerd'embryonsissusd'unefécondationinvitrodanslebutd'enfairedonàlarecherchescientifique(…)•153.Àl'instardelarequérante,laCourrappelled'embléeque,selonsajurisprudence,lanotionde«vieprivée»ausensde l'article8de laConventionestunenotion largequineseprêtepasàunedéfinitionexhaustiveetquienglobenotammentundroitàl'autodétermination(Pretty,précité,§61).Enoutre,cettenotionrecouvreledroitaurespectdesdécisionsdedeveniroudenepasdevenirparent(Evans,précité,§71,etA,BetCc.Irlande[GC],n°25579/05,§212,CEDH2010)(…)•157.Surleplandudroitnational,laCourobserveque,commeleGouvernementl'asoulignéàl'audience,l'arrêt n° 162 du 10 juin 2014 par lequel la Cour constitutionnelle a déclaré inconstitutionnellel'interdictionde la fécondationhétérologue(voir les§34à39ci-dessus)devraitpermettre l'«adoptionpour la naissance», pratique qui consiste pour un couple ou une femme à adopter des embryonssurnuméraires à des fins d'implantation et qui avait été envisagée par le Comité national pour labioéthique en 2005. De plus, la Cour note que, dans l'arrêt en question, la Cour constitutionnelle aconsidéré que le choix des demandeurs de devenir parents et de fonder une famille avec des enfantsrelevaitde«leurlibertéd'autodéterminationconcernantlasphèredeleurvieprivéeetfamiliale»(voirle§37ci-dessus).Ilenrésultequel'ordrejuridiqueitalienaccordeaussidupoidsàlalibertédechoixdespartiesàuntraitementparfécondationinvitroencequiconcernelesortdesembryonsnondestinésàl'implantation.•158.Enl'espèce,laCourdoitaussiavoirégardaulienexistantentrelapersonnequiaeurecoursàunefécondationinvitroetlesembryonsainsiconçus,etquitientaufaitqueceux-cirenfermentlepatrimoinegénétiquedelapersonneenquestionetreprésententàcetitreunepartieconstitutivedecelle-cietdesonidentitébiologique.• 159. LaCour en conclut que la possibilité pour la requéranted'exercerun choix conscient et réfléchiquantausortàréserveràsesembryonstoucheunaspectintimedesaviepersonnelleetrelèveàcetitredesondroitàl'autodétermination.L'article8delaConvention,sousl'angledudroitaurespectdelavieprivée,trouvedoncàs'appliquerenl'espèce(…)Surlefonddugriefsoulevéparlarequérantea)Surl'existenced'une«ingérence»«prévueparlaloi»•161.Àl'instardesparties,laCourestimequel'interdictionfaiteparl'article13delaloin°40/2004dedonner à la recherche scientifique des embryons issus d'une fécondation in vitro non destinés àl'implantation constitue une ingérence dans le droit de la requérante au respect de sa vie privée. Ellerappelleàcetégardque,àl'époqueoùlarequéranteaeurecoursàunefécondationinvitro,laquestiondudon des embryons non implantés issus de cette technique n'était pas réglementée. Par conséquent,jusqu'à l'entréeenvigueurde la loi litigieuse, iln'étaitnullement interdità larequérantededonnersesembryonsàlarecherchescientifique.b)Surlalégitimitédubutpoursuivi(…)•167.LaCouradmetquela«protectiondelapotentialitédeviedontl'embryonestporteur»peutêtrerattachéeaubutdeprotectiondelamoraleetdesdroitset libertésd'autrui,ausensoùcettenotionestentendueparleGouvernement,(voiraussiCostaetPavan,précité,§§45et59).Toutefois,celan'impliqueaucunjugementdelaCoursurlepointdesavoirsilemot«autrui»englobel'embryonhumain(A,BetCc.Irlande,précité,§228)(…)c)Surlanécessitédelamesuredansunesociétédémocratique(…)•174.LaCourrappelled'embléequelaprésenteespèceneconcernepasunprojetparental,àladifférencedesaffairescitéesci-dessus.Danscesconditions,s'iln'estassurémentpasdénuéd'importance,ledroitdedonnerdesembryonsà larecherchescientifiqueinvoquépar larequérantenefaitpaspartiedunoyaudur des droits protégés par l'article 8 de la Convention en ce qu'il ne porte pas sur un aspectparticulièrementimportantdel'existenceetdel'identitédel'intéressée.•175.Enconséquence,eteuégardauxprincipesdégagésparsajurisprudence,laCourestimequ'ilyalieu

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d'accorderàl'Étatdéfendeuruneamplemarged'appréciationenl'espèce.•176.Deplus,elleobservequelaquestiondudond'embryonsnondestinésàl'implantationsuscitedetouteévidence«desinterrogationsdélicatesd'ordremoraletéthique»(voirEvans,précité,S.H.etautresc.Autriche,précité,etKnecht,précité)etquelesélémentsdedroitcomparédontelledispose(voirles§69à76 ci-dessus)montrentqu'il n'existe en lamatièreaucun consensuseuropéen, contrairementà cequ'affirmelarequérante(voirle§137ci-dessus).•177.Certes,certainsÉtatsmembresontadoptéuneapprochepermissivedanscedomaine:dix-septdesquarante États membres pour lesquels la Cour dispose d'informations en la matière autorisent larecherchesur les lignéescellulairesembryonnaireshumaines.S'yajoutent lesétatsoùcedomainen'estpasrèglementé,maisdontlespratiquessontpermissivesenlamatière.•178.Toutefois, certainsétats (Andorre, laLettonie, laCroatieetMalte)sesontdotésd'une législationinterdisant expressément toute recherche sur les cellules embryonnaires. D'autres n'autorisent lesrecherches de ce genre que sous certaines conditions strictes, exigeant par exemple qu'elles visent àprotégerlasantédel'embryonouqu'ellesutilisentdeslignéescellulairesimportéesdel'étranger(c'estlecasdelaSlovaquie,del'Allemagneetdel'Autriche,toutcommedel'Italie).•179.L'Italien'estdoncpasleseulÉtatmembreduConseildel'Europeàproscrireledond'embryonshumainsàdesfinsderecherchescientifique(…)•196.Enfin,laCourconstateque,danslaprésenteaffaire,lechoixdedonnerlesembryonslitigieuxàlarecherche scientifique résulte de la seule volonté de la requérante, son compagnon étant décédé.Or laCournedisposed'aucunélémentattestantquecedernier,quiétaitconcernéparlesembryonsencauseaumêmetitrequelarequéranteàl'époquedelafécondation,auraitfaitlemêmechoix.Parailleurs,cettesituationnefaitpasnonplusl'objetd'uneréglementationsurleplaninterne.•197.Pourlesraisonsexposéesci-dessus,laCourestimequeleGouvernementn'apasexcédéenl'espècel'amplemarged'appréciationdont il jouiten lamatièreetque l'interdiction litigieuseétait «nécessairedansunesociétédémocratique»ausensdel'article8§2delaConvention(…)V.Surlaviolationalléguéedel'article1duprotocolen°1àlaconvention(…)B.AppréciationdelaCourLesprincipesdégagésparlajurisprudencedelaCour• 211. La Cour rappelle que la notion de «bien» au sens de l'article 1 du Protocole n° 1 a une portéeautonomequineselimitepasàlapropriétédebienscorporelsetquiestindépendantedesqualificationsformellesdudroit interne: certainsautresdroitset intérêtsconstituantdesactifspeuventaussipasserpourdes«droitspatrimoniaux»etdoncdes«biens»auxfinsdecettedisposition.Danschaqueaffaire,ilimported'examinersilescirconstances,considéréesdansleurensemble,ontrendulerequéranttitulaired'unintérêtsubstantielprotégéparl'article1duProtocolen°1(Iatridisc.Grèce[GC],n°31107/96,§54,CEDH1999II,Beyelerc. Italie[GC],n°33202/96,§100,CEDH2000I,etBroniowskic.Pologne[GC],no31443/96,§129,CEDH2004-V)(…)Applicationenl'espècedesprincipessusmentionnés•214.LaCourrelèvequelaprésenteaffairesoulèvelaquestionpréalabledel'applicabilitédel'article1duProtocolen°1àlaConventionauxfaitsencause.Elleprendactedecequelespartiesontdespositionsdiamétralement opposées sur cette question, tout particulièrement en ce qui concerne le statut del'embryonhumaininvitro.• 215. Elle estime toutefois qu'il n'est pas nécessaire de se pencher ici sur la question, délicate etcontroversée, dudébutde la viehumaine, l'article2de laConventionn'étantpas en cause en l'espèce.Quantàl'article1duProtocolen°1,laCourestd'avisqu'ilnes'appliquepasdanslecasprésent.Eneffet,eu égard à la portée économique et patrimoniale qui s'attache à cet article, lesembryons humains nesauraientêtreréduitsàdes«biens»ausensdecettedisposition(…)DOCUMENT10:Civ.1,16septembre2010n°09-67456,aff.OurBodyAttenduquelasociétéEncoreEvents(lasociété)avaitorganisé,dansunlocalparisienetàpartirdu12février 2009, une exposition de cadavres humains " plastinés ", ouverts ou disséqués, installés, pourcertains,dansdesattitudesévoquantlapratiquededifférentssports,etmontrantainsilefonctionnementdesmusclesselonl'effortphysiquefourni;quelesassociations"Ensemblecontrelapeinedemort"et"SolidaritéChine",alléguantuntroublemanifestementilliciteauregarddesarticles16etsuivantsducodecivil, L. 1232-1 du code de la santé publique et 225-17 du code pénal, et soupçonnant par ailleurs aumêmetitreuntraficdecadavresderessortissantschinoisprisonniersoucondamnésàmort,ontdemandéen référé la cessation de l'exposition, ainsi que la constitution de la société en séquestre des corps etpiècesanatomiquesprésentés, et laproductionparelledediversdocuments luipermettantde justifiertantleurintroductionsurleterritoirefrançaisqueleurcessionparlafondationoulasociétécommerciale

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dontelleprétendaitlestenir;Attenduquelasociétéfaitgriefàl'arrêtattaqué(Paris,30avril2009)d'avoirdityavoirlieuàréféréetdeluiavoirfaitinterdictiondepoursuivrel'expositiondescorpsetpiècesanatomiqueslitigieuse,alors,selonlemoyen:1° / que la formation des référés n'est compétente pour prescrire les mesures conservatoires ou deremiseenétatquis'imposentpourfairecesseruntroublequesicelui-ciestmanifestementillicite,c'est-à-dire d'une totale évidence, consistant en un non-respect caractérisé de la règle de droit ; que sacompétencedoit,dèslors,êtreexclueencasdedoutesérieuxsurlecaractèreillicitedutroubleinvoqué;qu'en l'espèce, la courd'appel, qui, d'unepart, a procédé à un véritable débat de fond sur le sensqu'ilconvenaitdedonneràl'article16-1-1ducodeciviletsursonéventuelleapplicabilitéaucasd'espèceetqui,d'autrepart,arappelélestermesdesfortesdivergencesquiopposaientlespartiessurl'origineliciteou non des corps litigieux, n'a pas tiré les conclusions qui s'évinçaient de ses propres constations enestimant qu'elle était en présence, non d'un doute sérieux sur le caractère illicite du prétendu troubleinvoqué,maisd'uneviolationmanifestedecemêmearticle16-1-1,justifiantqu'ilyaitlieuàréféré,etaviolé,decefait,l'article809ducodedeprocédurecivile;2°/quelerespectdûaucorpshumainnecessepasaveclamortetlesrestesdespersonnesdécédées,ycompris les cendresde celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect,dignitéetdécence;qu'enl'espèce,pourdéterminersilescorpsexposésavaientététraitésavecrespect,dignitéetdécence,lacourd'appelarecherchés'ilsavaientuneorigineliciteet,plusparticulièrement,silespersonnesintéresséesavaientdonnéleurconsentementdeleurvivantàl'utilisationdeleurscadavres;qu'ensefondantsurcesmotifsinopérants,toutenrefusant,commeilluiétaitdemandé,d'examinerlesconditionsdanslesquelleslescorpsétaientprésentésaupublic,lacourd'appelaprivésadécisiondebaselégaleauregarddel'article16-1-1ducodecivil;3°/que,parailleurs,lacourd'appel,aexpressémentrelevéque«lerespectducorpsn'interdisaitpasleregard de la société sur la mort et sur les rites religieux ou non qui l'entourent dans les différentescultures, ce qui permettait de donner à voir aux visiteurs d'un musée des momies extraites de leursépulture,voired'exposerdesreliques,sansentraînerd'indignationnidetroubleàl'ordrepublic»;quela juridictiond'appelaprivésadécisiondebase légaleauregardde l'article16-1-1ducodecivilennerecherchant pas, comme sa propre motivation aurait dû l'y conduire, si, précisément, l'expositionlitigieusen'avaitpaspourobjetd'élargir lechampde laconnaissance,notammentgrâceauxtechniquesmodernes, en la rendant accessible au grandpublicdeplus enplus curieux et soucieuxd'accroître sonniveaudeconnaissances,aucunedifférenceobjectivenepouvantêtrefaiteentrel'expositiondelamomied'unhommequi, en considérationde l'essencemêmedu rite de lamomification, n'a jamais donné sonconsentementàl'utilisationdesoncadavreetcelle,commeenl'espèce,d'uncorpsdonnéàvoiraupublicadesfinsartistiques,scientifiquesetéducatives;4° / qu'enfin celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; qu'en l'espèce, en ayantaffirméqu'il appartenaità la sociétéEncoreEvents,défenderesseà l'instanceenréféré,derapporter lapreuve de l'origine licite et non frauduleuse des corps litigieux et de l'existence de consentementsautorisés,lacourd'appelainversélachargedelapreuveetaviolé,decefait,l'article1315ducodecivil;Maisattenduqu'auxtermesdel'article16-1-1,alinéa2,ducodecivil, lesrestesdespersonnesdécédéesdoiventêtretraitésavecrespect,dignitéetdécence;quel'expositiondecadavresàdesfinscommercialesméconnaîtcetteexigence;Qu'ayantconstaté,parmotifsadoptésnoncritiqués,que l'exposition litigieusepoursuivaitdetelles fins,lesjugesduseconddegrén'ontfaitqu'userdespouvoirsqu'ilstiennentdel'article16-2ducodecivileninterdisantlapoursuitedecelle-ci;quelemoyenn'estpasfondé;Et sur lemoyenuniquedupourvoi incident, tel qu'il figure aumémoire endéfense et est reproduit enannexe:Attenduqu'ensestroisbrancheslemoyennetendqu'àcontesterl'appréciationsouveraineportéeparlacourd'appelsurl'opportunitéd'ordonnerlesmesuressollicitées;qu'ilnepeutdoncêtreaccueilli;

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PARCESMOTIFS:REJETTElespourvoisprincipaletincident;