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Bulletin
Motduprésident
Versdesjoursmeilleurs!
l est difficile demesurer l’impact de nos revendica-tionsetdenosreprésentationspolitiquessurl’actiongouvernementale à l’égard des universités, mais à
l’aube des prochaines élections il semble que plusieursdenosdemandesaientétéentenduesparlaministredel’Enseignementsupérieur.Àpreuve,unesériedegestesetd’annoncesqui laissententrevoirdesjoursmeilleursaprèscinqansd’austéritéetd’improvisationdanslaconduitedesdossiers:1/ Refinancement, lors du budget du Québec 2017, dufonds de fonctionnement des universités de l’ordre de100M$,soitunehaussede3,3%alorsque lescoûtsdesystèmesesituentà2,1%;2/ Hausse de 10,6% du financement de la rechercheuniversitaire avec l’adoption de la Stratégie québécoisede recherche innovation en juin 2017, assorti d’unengagementàpoursuivredanscettevoiepourdoublerlebudgetdesFRQdansquatreans,enpassantde189M$en2016à378M$en2021;3/Adoptionprochained’uneLoipourencadrerlarému-nération et les indemnités versées aux hauts-dirigeantsuniversitaires, sans laquelle tout réinvestissement estaccueilli de manière cynique par la population qui estpersuadéequelesrecteursetvice-recteurss’enmettrontpleinlespoches.
(suitepagesuivante)
SommaireVol.3no1-Automne2017Versionélectronique:fqppu.org
Motduprésident
Versdesjoursmeilleurs!|1
Priorités2017-2018|2
MotdesmembresduComitéexécutif
DenisBelisle,vice-président|3
MireilleDubé,secrétaire-trésorière|4
LouisDemers,conseiller|7
DanielGuitton,conseiller|9
Actiondesensibilisation
Campagnepourmieuxfaireconnaîtreletravail
professoral|11
Chroniqued’informationjuridique
Droitd’auteuràl’université:l’«utilisationéquitable»
aucœurdelitigesauQuébecetauCanada|12
Calendrier
•Conseilsfédéraux 19-20octobre2017 8-9février2018 19-20avril2018•Formation 10novembre2017Thème: Mesuresdisciplinairesetadministratives
I
BulletindelaFQPPU,vol.3,no1,automne2017 2
Priorités2017-2018
Refinancementéquitabledesuniversités
Les compressions budgétaires frôlant lemilliard de dollarsimposéesde2012à2016par legouvernementduQuébecontfragilisélesuniversitésetcontribuéàladégradationdesconditionsdetravailetd’étude.Lemaigreréinvestissementde100M$annoncélorsdudernierbudgetestbienloinducompte. Si un refinancement presse, afin de conserver laqualité et la diversité des programmes ainsi que lesexpertisesenplace,ildoits’effectuersurdenouvellesbasespuisquelemodeactuels’illustreparsoncaractèrealéatoire,arbitraireetdiscrétionnaire.
Nous réclamerons cette année de la ministre responsablede l’Enseignement supérieur un réinvestissement massifsuivantdesprincipesdetransparenceetd’équitéainsiquedenouveauxparamètressusceptiblesderelancer leréseauuniversitaire tout en corrigeant les biais de la formule definancementenvigueur.Meilleursoutienàlarecherche
De concert avec le milieu universitaire canadien, nousexerceronsdespressionspourquelegouvernementfédéralmetteenœuvre les recommandationsdu rapportNayloràl’effet d’augmenter d’ici quatre ans le financement annueldelarecherchede1,3G$.
Là encore, nous devons nous assurer que le financementaccru soit équitable, notamment en regard des champsdisciplinaires, puisqu’il est démontré que la concentrationdes fonds vers un nombre restreint de chercheurs, dedisciplines ou de grands projets en partenariat avec lesentreprises n’est pas un investissement fécond parce qu’ilneseconcrétisepasenuneproductionscientifiqueaccrue.Nous plaiderons ainsi pour un meilleur soutien de larecherche libre et relancerons notre demande d’unesubventionderechercheannuelledebaseverséeàchaqueprofesseur,initiativedelaFQPPUappuyéeparprèsde90%desmembresducorpsprofessoral.Campagnepourdémystifierlatâcheprofessorale
L’image des professeurs d’université auprès de l’opinionpublique influe sur l’appui que peut donner la populationaux revendications faites par la FQPPUafin de remettre leréseau universitaire québécois sur ses rails. Bien que lafréquentationuniversitaireait augmenté considérablementau cours des dernières décennies, le rôle des professeursd’université dans l’avancement de la société québécoiserestelargementméconnu.
À la demande de ses membres, la FQPPU se lance cetteannée dans une campagne de démystification du métierempruntant diverses plateformes médiatiques. Les phasesdeconceptionseterminantà l’automne2017,unsiteWebinformatif dédié sera créé tandis que des encarts dans lesjournauxetdescapsulespromotionnelles téléviséesserontdiffusésàcompterdumoisdejanvier2018.
UneannéeélectoralepropiceàdesavancéesCe n’est un secret pour personne qu’en prévision desprochaines élections provinciales (1er octobre 2018), lebudgetcomporterasonlotdecadeaux,parmilesquelsunréinvestissementsignificatifdanslesuniversités.Or,silacrisequetraverseactuellementleréseauuniver-sitaire québécois est d’ordre financier, elle concerneégalement lesmodalitésmêmesdece financement,quidoivent être révisées. Cette crise s’étend de plus àl’administration hiérarchique, qui s’est généralisée aveclesmesures«austéritaires»imposéesdepuis2012,ainsiqu’aux conditions de travail et d’étude, qui se sontdétériorées dans la foulée, entraînant la précarisationdespersonnelsetdelapopulationétudiante.Cesthèmesserontaucœurdu2eRendez-vousdesÉtatsgénéraux de l’enseignement supérieur (ÉGES), qui sedérouleront àMontréal au printemps 2018. Cet événe-mentfaitsuiteau1erRendez-voustenuàQuébecdu18au20mai2017,avecpourobjectifsde:•Créer un espace de débat et de réflexion autour desenjeuxenenseignementsupérieur;
•Débattredesolutionsquicorrespondentànotrevisionde l’enseignement supérieur et des conditions néces-sairesàsaconcrétisation;
•Renforcer les liens avecd’autres organisations afin departagernosanalysesetunirnosactionsafinde fairedel’éducationuneprioriténationale;
•Jeter les bases d’un plan d’action et de mobilisationpourfairepressionsurlespouvoirspolitiquesafinqu’ilss’engagentencesens.
UnerecherchesurlesécartssalariauxFruit de la collaboration entre la FQPPU et l’équipe de laChaireInnovationdePolytechniqueMontréal,unerechercheportant sur les écarts salariaux entre les professeures etprofesseursd’universitéauCanadaestencours. La collectededonnéesréaliséeaumoyend’unsondageaétémenéeaucoursdel’été2017.Cetterechercheviseà identifier les facteursqui influentsurles niveaux de salaires des professeures et professeursd’université,telslasyndicalisation,l’âge,l’annéed’obtentiondudiplôme, le genre, etc. Les résultats préliminaires serontdiffusésdèsl’automnetandisquelerapportfinaldevraitêtredéposéauprintemps2018.Solidairement,Jean-MarieLafortune
BulletindelaFQPPU,vol.3,no1,automne2017 3
MembresduComitéexécutif
DenisBélisle,vice-présidentÉchapperaughetto
rofesseurd’université.Difficiledesavoiraujusteceque cela évoque chez tout un chacun. Chosecertaine, le prototype anglo-saxon de l’intellectuel
de carrière, disposant d’un vaste cabinet aux boiseriestravaillées où règne un âtre d’où se projette la lueur deflammesgénéreuses,courantsurdesrayonsinterminablesd’ouvrages savants jusqu’à un bureau imposant devantlequel se recueillent des étudiants médusés par laprésencedumaître,drapédans sa robenoire,discourantavecdeseffetsdemanche–s’iladéjàcorresponduàunequelconque réalité, ne relève plusmaintenant que d’uneimage folklorique. La plupart d’entre nous ne disposonsque d’un bureau sobre et fonctionnel, nous enseignonsdans de mêmes locaux que ceux de toute école et leprofesseurne susciteplus lamême fascinationde lapartdesétudiants.Pourtant, depuis près d’un millénaire, la mission univer-sitaire n’a pas tellement changée. Dès l’université deBologne, on reconnaissait à cette institution la fonctionvitale de développer, de préserver et de perpétuer laconnaissance. Elle avait le privilège de pouvoir décernerdes diplômes, elle bénéficiait d’une certaine autonomie.C’estàcetteépoquequelanotiondelibertéuniversitaireavulejour,permettantlalibrecirculationdesétudiantsetprofesseurs,quellequesoitleurnationalité.Le fonctionnariat du XXe siècle a établi en Occident unempireorganisationnelquiassimilel’ensembledesacteursd’un système à une classe précise de «préposés».Descriptiondetâche,échellesalariale,catégoried’emploi,définitionderesponsabilités…Ilyaleserviceàlaclientèle,lesecrétariat,lacomptabilité,l’administration,lasécurité,la direction, l’entretien ménager, etc. Il n’y a pas silongtemps, quelque part dans cette organisationbureaucratique, la cheville de la mission universitaire, leprofesseur,s’estvuenfermédanslaclassedespréposésàlaconnaissance.Quoiqu’onendise,leprofessoratuniversitairenes’exercepasen fonctiondedéterminismesoudeprocessusprévi-sibles.Laténacitéquis’actualisebienau-delàdeshorairesnormaux et sans laquelle le travail ne se ferait pas, ladiscipline intellectuelle qui doit être adoptée afin de
maintenirunbonniveaud’expertisedansnosdomainesdespécialisation, le courage de faire régulièrement desprestationspubliques,enclasse,encongrès,enentrevue,et l’imagination, la créativité nécessaires à l’avancementde la recherche autant qu’à l’élaboration de contextespédagogiques–riendetoutcelanepeut facilement fairel’objetd’unerèglementation.Pourlaplupartd’entrenous,il s’agit d’un engagement personnel envers la missionuniversitaire.Cen’estqueparlasuitequenousacceptonsdelefairecorrespondreavecnos«conditionsdetravail»,en s’impliquant dans les affaires syndicales et enparticipant à différentes instances qui assurent le bonfonctionnementdenosinstitutionsrespectives.Cet aspect difficile à saisir de la nature de notre engage-mentfaitdesprofesseursungrouperestreintenclavédansun micromilieu bien circonscrit: un département. Aucontraire des autres catégories de personnel, qui pour laplupartpeuventêtreaffectéesà l’unoul’autreservicedel’institution, le professeur peut difficilement transférerd’undépartementàl’autre,d’unefacultéàl’autre.Puisilya l’appauvrissement des ressources: les budgets d’assis-tant et de correcteur qui s’amenuisent comme une peaude chagrin ainsi que les subventions à la recherchedevenues faméliques et orientées vers les appétits del’industrie. Sans oublier la tendance à déconsidérer letravailduprofesseur,soitparlemythedel’intellectuelenvacances dans sa tour d’ivoire à tous les étés ou, plusmanifestement,parlefantasmedeschefsd’établissementd’accroîtrelacharged’enseignement.Or, la combinaison de ces facteurs(appartenance à ungroupe identifiable dévalorisé, lieu imposé et contrôleexterne de ressources) caractérise normalement unghetto.Etquiditghettoditémergencedecodesinternes,demodesdeconduite,designesd’appartenancepouvantsoitrenforcerlasolidaritégénérale,soitcliverlegroupeenétablissantunrègnedesmoinsfortssurlesplusfaibles.Cette lutte entre collègues est pernicieuse et c’est enrétablissantlacollégialitéquenouslaneutraliserons.Cettevertucommandel’ouvertureetl’entraide.Nejamaisvoteren assemblée de règles plus strictes que ce qu’imposel’université; travailler ensembleetdans lamesuredenosmoyensàéliminerlescontraintesexistantes,àfavoriserlaliberté et à empêcher l’émergence d’obstacles; seméfierdes cibles à atteindre qui souvent ne sont que desarrangements favorisant uneminorité; ne jamais tolérer,mêmeenprivéetparquiquecesoit,qu’uncollèguesoitdénigré;admettrel’erreuretrésisteràl’envied’érigerdesrègles destinées à tout prévenir; accepter l’inusité,l’altérité,mêmelevagueet l’incongru,nulnesaitoùcelapeutmeneretilsepeutqu’aufinalcesoitaubonendroit.C’est à ces conditions quenous serons un collège et nonunghetto.
P
BulletindelaFQPPU,vol.3,no1,automne2017 4
MireilleDubé,secrétaire-trésorièreNonrenouvellementdecontrat:lerecoursauxNormesdutravailest-ilpossible?
u Québec, la quasi-totalité des professeursd’université sont syndiquéset soumisaux règlesnégociées de leur convention collective, dans le
respectdesexigencesdebasedelaLoisurlesNormesdutravail (LNT). Nos conventions collectives ne peuventnouspriverdesdroitsoctroyésparcetteloi.Ellesdoiventplutôt élargir la portée de la LNT, «plancher» en deçàduquel toute autre entente négociée est nulle et sanseffet.Premierscontrats:«siègeéjectable»!Plusieursuniversitésoffrentauxprofesseursunpremiercontratdetravaildedeuxoutroisans,renouvelableunefois, délai au terme duquel le professeur acquiert lapermanence1. Circule ainsi l’image qu’un professeur, aucoursdesesdeuxpremierscontrats,est«dansunsiègeéjectable». De fait, les deux contrats étant à duréedéterminée, ilspourraientnepasêtrerenouvelésà leurterme,cettedécisionrelevantexclusivement,dit-on,desassemblées départementales. Pourtant, selon la LNT:«Lesalariéquijustifiededeuxansdeservicecontinuquicroit avoir été congédié sans une cause juste etsuffisante [peut porter sa cause devant] la Commissiondesnormes[…],saufsiuneprocédurederéparation[…]estprévuedansuneconvention»(124LNT).Lesprofesseurssyndiquéssont-ilséligiblesàl’applicationde124 LNToudoivent-ils en référeruniquement à leurconvention si leur contrat n’est pas renouvelé? À cesujet, le juge Lebel écrit: «Ce caractère d'ordre publicattribué par le législateur à [la LNT] interdit et prive detouteffetlesstipulationsd'uneconventioncollectivequiempêchent un salarié justifiant de deux ans de servicecontinu de contester un congédiement décidé par unemployeur sans cause justeet suffisante. La conventionsubsiste, mais ses dispositions incompatibles avec lanormeminimalesontprivéesd'effet.Ellessontréputéesnonécrites»2(nossoulignements).
(suitepagesuivante)
1Lesformulespeuventvarier,cequinechangepaslepropos.2 Syndicat de la fonction publique du Québec c.Québec(procureurgénéral),2010CSC28,CANLII.
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A
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Defait,si tous lessalariés3auQuébecbénéficientd’uneprotection d’emploi après deux ans de service continu,pourquoi pas nous ? Pourquoi ne pas considérer quel’article 124 LNT est implicitement intégré dans nosconventions?C’esten2010quenousavonseuréponseà ces questions. À l’époque, le deuxième contrat d’uneprofesseure de l’UQTR n’avait pas été renouvelé. Cetteprofesseure demandait, par voie de grief, le respect desesdroitsenvertude124LNT.Autermedenombreusesdémarchesjuridiques,lesneufjuges de la Cour Suprême ont réaffirmé le caractèred’ordrepublic de la LNT. Il a étédécidéque les clausesdes conventions collectives privant un employé de sonrecoursenvertude124LNTsontnullesetréputéesnonécrites. Il a également été décidé que l’arbitre de griefavait compétence et qu’il était légitime que cetteprofesseureprocèdeparvoiedegrief.Par ailleurs, avant d’entendre le grief, l’arbitre devaits’assurerquelaconventioncollective,tellequemodifiéepar l’annulation des clauses réputées non écrites,contenait un recours équivalent à celui de l’article 124LNT (soit la possibilité d’annuler le congédiement, deréintégrerlasalariéeetdefixerdesindemnités).Danslecas de la professeure de l’UQTR, l’article 18 de saconvention collective avait été jugé équivalent. Le griefavaitdoncpuêtreentenduenarbitrage4.La suite aurait pu être fort instructive, mais l’UQTR aproposé,aprèsquelquesjoursd’arbitrage,undédomma-gement financier en retour du retrait du grief, acceptépar la professeure. Poursuivons tout de même laréflexionàpartirdesargumentslesplussouventavancéssurl’applicationde124LNTenmilieuuniversitaire:
- Affirmation #1: le principe du service continune s’applique que dans les cas de contrats àdurée indéterminée. Faux: selon la LNT, leservice continuest«la durée ininterrompuependant laquelle le salariéest liéà l'employeurpar un contrat de travail, [incluant] la périodependant laquelle se succèdent des contrats àdurée déterminée […] (12.1 LNT). Le servicecontinu est calculé sans égard à la nature ducontrat.Conclusion:unprofesseurcumuledeuxans de service continu pendant son premiercontrat et devient, à cet égard, éligible aurecoursselon124LNT.
3Salariéausensde10LNT.4 Si la procédure de grief et d’arbitrage est équivalente,l’arbitre entendra le grief, ce qui a été le cas ici.Dans le cascontraire, la CRT demeure compétente et le professeurconservesonrecoursauprèsdecetteinstance.
- Affirmation #2: ce n’est pas l’université quicongédie,cesontdespairs,euxaussisyndiqués.Dans ce contexte, l’université n’est pas tenued’appliquer124LNTcarellenefaitqu’entérinerla décision d’une assemblée départementalesouveraine. Faux: la Commission des relationsdu travail (CRT), dans la décision Laflamme c.UQAM, conclut que les particularités dumilieuuniversitairenesontpasunmotifquipermetàune université de fermer les yeux sur lesagissements et décisions des assembléesdépartementales. Conclusion: les universitéssont imputables légalement lorsqu’ellesentérinent les décisions des assembléesdépartementalesenmatièrededroitdutravail.
- Affirmation #3: un non-renouvellement diffère
d’un congédiement. Or, l’article 124 LNT nes’applique qu’en cas de congédiement.Partiellement faux: selon la jurisprudence, lenon-renouvellement d’un contrat à duréedéterminée peut, dans certaines circonstances,constituer un congédiement lorsque l’employéestendroitde s’attendreà ceque soncontratsoit renouvelé. Puisque nous sommes enprésence d’une loi d’ordre public, l’employeurne peut se retrancher derrière une clause denon-renouvellement pour éviter d’avoir àdémontrer une cause juste et suffisante decongédiement5.
Ensomme,unprofesseurquitravailledeuxansdansunemême université et qui croit raisonnablement voir soncontrat renouvelé, aun recours selon124 LNT.Dans cecas, l’université est imputable de la décision del’assembléedépartementaleetdevradémontrerlacausejusteet suffisanteayantmenéaucongédiementdevantl’arbitre si la convention collective offre une clauseéquivalenteà124LNT6.L’universitéaalorslefardeaudelapreuve.L’université a trois choix pour faire la démonstrationqu’uncongédiementestlégitime:1)invoquerunefautegrave commise par le professeur, 2) invoquer unproblèmedisciplinaire (humeur changeante,menace ouintimidationàl’égarddescollègues,etc.)ou3)invoquerl’incompétence/rendement insuffisant. Lepremier choixvadesoi,l’employeurdoitdémontrerlafautegrave.
5Par exemple: Moore c. Compagnie Montréal Trust, [1988]R.J.Q. 2339 (C.A.), D’Andréa c. Commission scolaire de Laval,D.T.E. 2001T-1176 (C.T.), CongrégationBeth-El c. Commissiondesrelationsdutravail,D.T.E.2004T-135(C.S.).6OudevantlaCRTsicen’estpaslecas.
BulletindelaFQPPU,vol.3,no1,automne2017 6
Dans le cas du deuxième choix, une progression dessanctions doit avoir été appliquée avant toutcongédiement. Le professeur doit avoir été aviséverbalement, par écrit, voire suspendu, suite à sescomportements déplacés. L’université doit pouvoirdémontrer qu’une telle progression des sanctions a étéappliquée.«Lamesureextrêmequ’est lecongédiementne doit être imposée au professeur que lorsque lesautres solutions ont été épuisées, que ce dernier a étéavisédecequi luireprochéetqu’ilapubénéficierd’undélairaisonnablepourcorrigersoncomportement.»7Dans le troisième cas, il est impossible, en matièred’incompétence, de corriger une situation par uneprogressiondessanctions.Avantdecongédierunsalariépourcaused’incompétenceouderendementinsuffisant,l’employeur doit ainsi : 1) informer le salarié de sesattentes et des politiques en vigueur, 2) lui signaler seslacunes, 3) lui apporter le soutien nécessaire pour secorrigeretatteindrelesobjectifs,4)luiaccorderundélairaisonnablepours’ajusteret5) l’informerclairementdelapossibilitéd’uncongédiementàdéfautd’améliorationde sa part. L’université qui ne suit pas cette procédurepourrait être considérée avoir agi de façon abusive etdéraisonnable8.RigueurettransparenceD’aucunsserontravisd’apprendre(oudesevoirclarifier)l’existencedu recoursenvertude124LNT,étantd’avisquependantplusieursannées,leprofesseurendébutdecarrière vit une situation précaire. Les tenants de cepoint de vue admettent que les premières évaluationsdesprofesseurss’effectuentenpositiondevulnérabilitéet peuvent influer sur la prestationultérieurede travailduprofesseur.D’autres diront qu’il est très difficile, voire impossible,dans lemilieu universitaire, de juger de la compétenced’un professeur à l’intérieur d’un délai de deux ans etque124LNTnedevraitpass’appliqueràcemilieu.Ceux-làsontplutôtenfaveurdumaintienàlongterme(5à6ans) d’un statut précaire, cette période offrant auprofesseur l’opportunité de démontrer ses aptitudes etsa motivation à intégrer le milieu en vue d’y fairecarrière.
7 http://www.cnesst.gouv.qc.ca/Publications/200/Documents/NT200-111web.pdf,p.2008GarageMontplaisir ltée c. Couture, D.T.E. 2001T-1090 (C.S.)Laplante c. CostcoWholesale Canada Ltd., D.T.E. 2003T-1058(C.R.T.). Requête en révision judiciaire rejetée, D.T.E. 2004T-843(C.S.).Appelrejetéavecdissidence,D.T.E2005T-831(C.A.)
En définitive, 124 LNT n’empêche pas le non-renouvellement des professeurs, mais convie lesassembléesdépartementalesàdocumenteravecrigueurettransparencelescausesjustesetsuffisantesinvoquéespour justifier les non-renouvellements de contrats, eninformant régulièrement le professeur du rendementattendu et de sa progression tout en lui permettant des’améliorer.
Des subventions pour la recherche « audacieuse » !
Unnouveauprogrammedefinancement,disponibleparl’entremise des trois Fonds de recherche du Québec(FRQ), vise à soutenir la recherche sans thématiqueciblée dite à risque. Intitulé Audace, ce nouveauprogramme soutient particulièrement les équipes dechercheursengagéesdansdesdémarchesderecherchequi sortent des sentiers battus par leur caractèreintersectoriel ou exploratoire. La FQPPU plaide depuislongtemps pour que ce type de recherche soit mieuxreconnu par les organismes subventionnaires et qu’iljouisse d’un financement dédié. Nous sommes doncheureux de cette initiative, qui répond à un besoinmaintes fois exprimé par nos membres. La date limitepoursoumettrevosdossiersauconcoursdecetteannéeestle22novembre2017à16h.Pourlesdétails,veuillezconsulterlessiteswebduFRQS,duFRQSCouduFRQNT.
Soutien de la relève professorale
Parailleurs, leFRQSCoffredepuisplusieursannéesdesprogrammes de recherche s’adressant spécifiquementaux chercheurs universitaires en début de carrière. Or,plusieurs nouveaux collègues semblent négliger cettesource de fonds pourtant plus accessible, dont l’exis-tencerépondégalementàunerevendicationhistoriquede la FQPPU. Ces programmes offrent aux professeursindividuels des subventions pouvant atteindre jusqu’à15000$/an pendant trois ans pour lancer leur carrièreen recherche ou en recherche-création. Pour êtreadmissibles, les candidats doivent occuper un posterégulierdansuneuniversitéquébécoisedepuismoinsdecinq ans et avoir soutenu avec succès leur thèse dedoctoratauplustardle1erjuin2018.
BulletindelaFQPPU,vol.3,no1,automne2017 7
LouisDemers,conseillerLesuniversitésàl’épreuvedunéolibéralisme:quefaire?
n mai dernier, dans le cadre du congrès del’ACFAS, la FQPPU et le Syndicat général desprofesseurs et professeures de l’Université de
Montréal (SGPUM) tenaient conjointementun colloquesur le thème «Les transformations actuelles desuniversités ». Ces transformations se manifestent àdifférentes échelles. Le colloque s’est ainsi amorcé surles transformations de nature systémique, avantd’aborder le thèmedes transformationsdesuniversitéselles-mêmes puis des conditions de travail despersonnesquiyœuvrent.Dansleslignesquisuivent, jeproposeunebrèvesynthèsedecertainsdesproposquiyont été tenus à laquelle j’ajouterai quelques réflexionspersonnelles.
Transformationssystémiques
Plusieursconférenciersontbienmisenévidencequecequi se produit dans lemonde universitaire, auQuébeccomme ailleurs au Canada et dans le monde, résulted’une logique commune, celledunéolibéralisme. Seloncette logique, n’a de réelle valeur que la connaissancequi a une utilité économique. Plutôt que d’être vuecomme un lieu d’avancement du savoir pour le biencommun,l’universitéenvientàêtreconsidéréecommeuneorganisationparmid’autres, vouéeà laproductionde marchandises: diplômés destinés au marché dutravail, recherches utiles aux entreprises, brevetspermettant l’appropriation privée des découvertesscientifiques.
Les universités sont ainsi de plus en plus assujetties àune logique de concurrence, soit pour engranger desdroitsdescolarité,soitpourobtenirdessubventionsderecherche. Les plus grandes d’entre elles sont encompétition sur un marché mondial. Les étudiantsétrangerssontuneclientèleàconquérirplutôtquedespersonnessusceptiblesdecontribueràl’enrichissementcollectifdusavoircommun.
Cettetransformationde laconceptiondesuniversitésaété largement promue par des organisations interna-tionalescommel’OCDE,laBanquemondialeouleFonds
monétaire international. L’État joue également un rôlemajeurdansceprocessus.Plusieursgouvernementsonten effet adopté cette logique néolibérale et favorisécette transformation, que ce soit par la réduction dufinancementpublicdesuniversités, lahaussedesdroitsde scolarité, la création de chaires de recherche oul’appui,taciteouexplicite,à lahiérarchisationdustatutdesuniversités.
Si la conception néolibérale des universités a gagné enimportance dans l’ensemble des pays développés, sesmanifestations sont modulées selon les logiquesinstitutionnelles nationales. On ne se surprendra doncpasquedans lespays scandinaves,même si laprécari-sationdu travailyagagnédu terrain,elleestatténuéepar les politiques socio-démocrates qui continuent d’yprévaloir.
Transformationsinstitutionnelles
Les changements induits par la prédominance del’idéologie néolibérale se manifestent aussi dans laconstitution même des universités. La collégialité, lepartagedespouvoirsentreleconseild’administrationetla commission des études (ou leur équivalent) et, defaçonplusglobale, lacapacitédesprofesseursà influersur l’orientation et l’organisation des universités, sontattaqués.
L’adoption de la conception néolibérale des universitésaffecte leur constitution de deuxmanières différentes.La première impose aux universités une reddition decomptes inutilement serrée et coûteuse. Ce qui estaccompliàl’universitén’existeques’ilestmesurableetmesuré:nombredepublicationsetfacteurd’impactdespériodiquesdanslesquelsellessontpubliées,nombredebrevets obtenus, nombre d’étudiants diplômés. Cetteimportanceaccruedes indicateursde résultats assimilelesuniversitésàdescomposantsd’unconglomérat,dontlesiègesocialévalueàdistance,etdemanièresimpliste,cequis’accomplitdansl’université.
Lasecondetransformationpousselesuniversitésverslemodèle de l’organisation entrepreneuriale. Plutôt qued’êtreprisesauseinmêmedel’université, lesdécisionsd’importance sont aspirées par le sommet del’institution, là où prédominent des administrateurssouvent ignorants de la dynamique universitaire. Onpeut prendre pour illustration de cette dernièretendance les tentatives récentes de la direction del’Université de Montréal, de l’Université du Québec àMontréal, et de l’Université du Québec en Outaouaisd’enréformerlesmodesd’organisationàl’avantagedesdirigeants.
E
BulletindelaFQPPU,vol.3,no1,automne2017 8
Considérée jusqu’àtoutrécemmentcomme l’archétypede la bureaucratie professionnelle, caractérisée par lepouvoirrelatifdespersonnesquiréalisentsamissionparleur travail quotidien, l’université se transformesubtilement en un instrument assujetti à une logiqueentrepreneuriale,imposéedel’extérieur.
Transformationsdesconditionsdetravail
Le travail des gens qui enseignent, qui font de larechercheetquirendentdesservicesàlacollectivitéestprofondément affecté par ces transformations. Lesprofesseurs réguliers, même s’ils maintiennent engénéraldes conditionsde travail avantageuses,doiventproduire davantage. Ils en viennent par ailleurs àconstituer le centreétroitd’un système inégalitairequidépend d’une vaste périphérie d’employés précaires─assistants, techniciens et professionnels de recherche,chargés de cours et auxiliaires d’enseignement ─ pourfonctionner.
Dans le monde hautement compétitif de la recherche,l’injonction«Publieroupérir»devientdeplusenplusimpérieuse. Chaque membre du corps professoral estinvité à devenir un entrepreneur de recherche et, parvoiedeconséquence,àaccorderuneplacesecondaireàson rôle d’enseignant et de contributeur à la viecollective. On assiste ainsi à une hiérarchie des statutsde professeur, les plus cotés ─ et souvent les mieuxpayés ─ étant ceux qui amènent plus que leur part desubventionsetquibrillentaufirmamentdelarechercheinternationale.
Ilseraittoutefoistrompeurdepenserquelaconceptionnéolibérale qui sous-tend ces changements dans lemétier de professeur est uniquement promue par desagents extérieurs à l’université. Un certain nombred’entre nous adhère en effet à cette conceptionproductiviste des universités qui glorifie l’image del’entrepreneur de recherche. C’est particulièrement lecasdenouveauxcollègues,quiontétéformésdanscetenvironnementquivaloriseavanttoutlarecherche.
Quefaire?
Les transformations évoquées ci-dessus opèrent demanière subtile et peu de nos collègues y ont étésensibilisés. En apparence, l’université demeure lamême : une institution, dont la raison d’être est deproduire et de diffuser des connaissances rigoureuses.Pourtant,commenousl’avonsvu,onassisteàuncertaindétournement de la mission de l’université en faveurd’une conception utilitariste et productiviste qui va àl’encontre des valeurs qui sont au principe del’universitémoderne.
Il importe donc, d’abord, de profiter des tribunes quis’offrentànous,autantauseindenotreuniversitéqu’àl’extérieur, pour débattre des risques que comportel’avènement d’une université néolibérale et faire nôtreune conceptionde l’universitédont la raisond’êtreestindissociable de la recherche fondamentale, de lapenséecritiqueetdelapoursuitedubiencommun.
Ilimportedonc,aussi,des’opposeràtoutetentativedetransformationdesrèglesdegestion,definancementetd’organisationdutravailquiiraientàl’encontredecetteconception.Parexemple,desuniversitésallemandesontrefusé d’augmenter leur frais de scolarité et departiciperauclassementdeShanghai9.
Plus généralement, il faut conserver à l’esprit quel’université peut d’autantmieux servir le bien communqu’elledisposed’unelargeautonomiefaceauxpouvoirsqui s’exercent sur elle. L’université ne devrait doncrelever ni du secteur public, ni du secteur privé à butlucratif, mais bien d’un secteur tiers que l’on peutqualifierdepluriel10.Cesecteursecaractériseparlefaitque les institutions et les mouvements sociaux qui enfont partie n’appartiennent, à toutes fins utiles, àpersonne,etque,decefait,nil’Étatnilesentreprisesnepeuvents’accaparercequ’ellesproduisent.
Il importe, en dernier lieu, de remettre en cause lerythme de travail effréné qu’induit la conceptionnéolibéralede l’université.Cette idée selon laquelle lesprofesseursd’universitédoivent,pourbiensatisfaireauxexigences de leur tâche, produire beaucoup etrapidementest,àterme,contre-productive.Elleaffectenotre capacité à réfléchir en profondeur aux questionsqui nous intéressent, à dialoguer avec nos collègues àleursujetetàaccordersuffisammentdetempsà«nos»étudiants et à la vie collective 11 . Paradoxalement,ralentircollectivementlerythmedetravailnousaideraità exercer une plus grande influence sur l’avenir del’université.
9D’après Pierre Dardot, «Faire de l’université un commun»,conférence donnée dans le cadre du colloque «Lestransformations actuelles des universités », Montréal, 8 mai2017.10 D’après Henry Mintzberg (2015), Rebalancing society.Radical renewal beyond left, right, and center, Oakland,Berrett-Koehler.11 Maggie Berg et Barbara K. Seeber (2016), The SlowProfessor. Challenging the Culture of Speed in the Academy,Toronto,UniversityofTorontoPress.
BulletindelaFQPPU,vol.3,no1,automne2017 9
DanielGuitton,conseillerSuccèssurprenantsdelarecherchefondamentale
efinancementdelarecherchefondamentale–ourecherche non-ciblée – a toujours été fragile. Cesujet crée un malaise chez les politiciens. La
question qui se pose en haut lieu est la suivante:«Pourquoi financerunprofesseurqui semble s’amuserà étudier un phénomène qui paraît inutile pour lasociété, voire farfelu, quand il y a tant de problèmesconcrets à régler et si peu d’argent pour le faire ?».Pourungouvernement,toujourssoucieuxderéélection,ilest sûrementplus rentablepolitiquementde financerdesprojetsderecherchepromettantdesretombéesquisemblentévidentes.
Prenonsquelquesexemplesdece«dilemme»pour lespoliticiens. Un gouvernement devrait-il accorder à unprofesseur d’université 100 000 $ par année pourétudier le butinage des abeilles ou les caractéristiquesmoléculairesdelabavedelalimace?Faitesunsondageautour de vous. Je vous parie qu’une majorité derépondants–mêmeparmilespluséduquésetlesmieuxinformés – répondront : «Mieux vaut donner cettesommeàdesprojetsderecherchesocialementutilesensantéouenéducation».
Il n’est pas faux qu’il faille financer des projets quiparaissent socialement rentables, mais il estextrêmementimportantdenoter,qu’enrecherche,unedistinction claire entre l’utile et l’inutile est quasiimpossible à établir. Trois projets, choisis parmiplusieurs et décrits ci-dessous, sont des exemplesédifiants des retombées récentes et inattendues de larecherchefondamentalesurlebien-êtredelasociété.
Réfléchissant à la pertinence du financement de larecherche non-ciblée, le sénateur américain WilliamProxmire se demanda, dans les années 1970, pourquoi«gaspiller» l’argent du contribuable dans desrecherches «inutiles» ? Pour illustrer son propos, ilchoisit de ridiculiser un projet sur «The sex life of thescrew worm» ou «La vie sexuelle de la luciliebouchère»,traduitenfrançais.
On comprendra pourquoi ce conservateur américain,représentant d’une société puritaine, choisit un projetportant en titre «sex life»et «screw-worm»12. Pourdonner plus demordant à ses critiques, Proxmire créales prix «Golden Fleece Awards», octroyés mensuel-lement de 1975-1988 et ridiculisant la recherche«inutile»13.
Quelle incompréhension magistrale de la science! Lestravauxsur‘thescrew-worm’mènerontultimementàcequi est reconnu comme une des plus grandesdécouvertes du 20e siècle en entomologie. Ilspermettront le contrôle de ce parasitemortel pour leshumains et les animaux, qui s’attaquait principalementaux troupeaux de bœufs. En effet, la technique de«mâles stériles» permettra, en 1966 – soit avant lesinterventionsdeWilliamProxmire–d’éradiquerlaluciliebouchère aux É-U et éventuellement de la contrôlerailleurs.Uneéconomie,danslesdernières50années,demilliards de dollars pour l’industrie bovine et lesconsommateurs.
Cetteattaquenaïve,parWilliamProxmire,delasciencesera éventuellement contestée par un autre politicienaméricain, JimCooper.Ainsi serontcréés,en2012,des«GoldenGooseAwards»,quirécompensentdesprojetsde recherche financés par le Gouvernement américainayant paru bizarres ou obscurs au départ, et ayantmené, en fin de course, à des percées et retombéesmajeures en médecine, études sociales et com-portementales et en applications technologiques.Actuellement, les Golden Goose Awards sont soutenuspar plusieurs organisations prestigieuses commel’American Association for the Avancement of Science,l’Association of American Universities et The ScienceCoalition.
Les trois prix «Golden Goose» pour 2017 serontoctroyésle27Septembre.En2016,l’undeceux-ciaétéaccordé à l’étude évoquée plus haut sur la luciliebouchère.Onaallouéundeuxièmeprixàunerecherchesurlabavedelalimacequi,étonnamment,aconduitaudéveloppement d’une nouvelle super-colle «miracle».Cette colle forme des liens stables entre les tissusbiologiques.Elleestutiliséeenchirurgieparcequenon-toxiqueetapplicablesurdestissusmouillés.
12C’était habile, «screw» voulant dire «baise» en argotaméricain.13Lemotàdouble-sens«fleece»estaussiunchoixhabile: ildésigne à la fois «duvet» (comme nom) et «extorquer»(commeverbe).
L
BulletindelaFQPPU,vol.3,no1,automne2017 10
Un3eprixinusité
Le 3e prix a été décerné à une recherche intitulée«L’algorithme de l’abeille». Une histoire absolumentcaptivante qui souligne, pour une énième fois, que lescheminsouvertsparlasciencefondamentaleconduisentà d’imprévisi-bles destinations. Auriez-vous pu prévoirunlienentrelebutinagedesabeillesetlesserveursWebdeGoogle?
TomSeeley est unbiologistede l’universitéCornell quiétudie lesabeilles,enparticulier leurcomportementdebutinagedansunchampdefleursqui,pardéfinition,estunenvironnementcomplexe,variantselonlasaisonetlamétéo, le type et la densité de fleurs, etc. Quand uneabeille en butinage revient à la ruche avec son nectar,elle «sait» la quantité disponible de ce nectar dansl’essaim de fleurs qu’elle a exploré. À la ruche, elledétecte ledegréde«besoin»ennectarde sa colonie,en constatant le comportement de réceptivité desabeilles spécialisées à en recevoir. Si, à la ruche, lenectarestrare,l’abeillequienestgorgéeamorceraunedanse susceptiblede recruterd’autresabeillespour lesameneravecelledanssonchampdefleurs.Àtraverscesystème interactif, lacoloniedistribuesesabeillesdansun champde façon àmaximiser la productiondemiel.Extraordinaire la nature! Après des millions d’annéesd’évolution,lesabeillesont«appris»àsedistribuerdemanière optimale dans des environnements trèsdifférents, en regard de la quantité de fleurs, dessaisons,desconditionsmétéorologiques,etc.
AprèsavoirentenduSeeleyparlerdesesrecherchesàlaradio, John Vande Vate, professeur en génie dessystèmesàlaGeorgiaInstituteofTechnology,enaparléà deux de ses confrères, CA Tovey et JJ Bartholdi.Ensemble, ils développèrent, dans les années 1990, unmodèlemathématiquequiquantifielecomportementetl’efficacité du butinage des abeilles. En bref, lemodèlepeut prédire comment les abeilles butineuses se distri-buerontdansunenvironnementderessourcesvariables.
En2002,dansunautremondeetdanslecontexted’uneautre problématique, Sunil Nakrani, un doctorant encalcul à l’Université d’Oxford, se demandait: «Quelleest la façon la plus efficace de gérer les serveurs quihébergent les sites web, en tenant compte du traficinternet toujours changeant ? » À noter que dans lemondede l’hébergementde sitesweb, chaque serveurfait«rouler»uneapplicationàlafoisafind’optimiserlasécurité. Le changement constant d’une application àuneautre – commeuneabeille qui butined’unessaimdefleursàunautre–prenddutemps.Ilinduitdoncdescoûts pendant que le serveur se «nettoie» et installe
une nouvelle application. Et Nakrani a lu un article deTovey. Éventuellement, ils travaillèrent ensemble pourdévelopper un algorithme basé sur le modèle dubutinagedesabeillesafindepermettredemieuxgérerles serveurs qui hébergent les sites web. Ce modèle –non-breveté – a obtenu un énorme succès et rapportemaintenant des milliards de dollars à l’industrie du«web-hosting».Deplus,cechampderecherchesurlessystèmes qui s’autorégulent est en pleine expansion etcontinuedeproduiredenouvellesapplications.
«Ok–medira-t-on–larecherchefondamentalesuscitedes idées nouvelles, mais on est un petit pays, on nepeut pas tout faire. Laissons les États-Unis faire ceboulot et concentrons-nous sur le pratique.» End’autres mots, on est une petite ruche, vaut mieuxlaisserauxgrandesletravailderécolterlemeilleurmiel.
Personne ne connaît la division optimale entrerecherche appliquée et recherche fondamentale. AuQuébecetauCanada,ceproblèmeestsecondaire,carilmanque cruellement de financement dans les deuxtypes de recherche. Peut-être qu’un jour les abeillesnousdiront-ellescommentunepetite sociétédoit fairelepartageentrel’appliquéetlefondamental!
Le problèmedans le contre-argument du sceptique estqu’il ne tient pas compte de ce qu’est une université:l’endroit où on forme des jeunes à penser, explorer,développer leur curiosité. À plonger dans l’inconnu, larecherchefondamentaleestàlabasedetoutcela.
85eCongrèsdel’ACFAS:conférencesenligne
HervéChristofol:«Lesuniversitésfrançaisesfaceaunéolibéralisme»
Intitulé «Les transformations actuelles des universités», le colloqueorganisé par la FQPPU et le Syndicat général des professeurs etprofesseuresdel’UniversitédeMontréal(SGPUM)lorsducongrèsdel’ACFAS a eu lieu les 8 et 9 mai 2017 à l’Université McGill. Lesallocutions ont porté sur les effets de l’internationalisation desuniversitéssurleslogiquesdefinancementetd’administration,puisdeleurs impacts sur les conditions d’enseignement, de recherche etd’études. L’ensemble de ces allocutions de même que les grandesconférences prononcées par Guy Rocher, Christian Laval et PierreDardot sont disponibles en ligne sur la chaîne YouTube de la FQPPUainsiquesurnotresiteweb.
BulletindelaFQPPU,vol.3,no1,automne2017 11
CampagnepourmieuxfaireconnaîtreletravailprofessoralJean-MarieLafortune,président
la demande des membres qui appréhendaientl’existencedestéréotypestenacesàl’endroitducorps professoral, la FQPPU s’est engagée à
mener une campagne médiatique afin de mieux faireconnaître le travail des professeurs d’université auprèsdelapopulation.Si lesaspects lesplusvisiblesdecettecampagne se verront à compter du mois de janvier2018, l’exercicedecadragedumessageà livrerpermetdéjàdeprendreuneplusjustemesuredel’opinion.Instantanéenjuin2017Unsondageomnibusaainsiétémené.Coordonnéparlafirme sept/24 et réalisée par SOMdu 2 au 4 juin 2017auprèsde1022répondants,samarged’erreursesitueà3,9%.Lesrésultatssontplutôtencourageants!Eneffet, les résultats révèlentque lapopulation se faituneassezbonneimage(68%)ouunetrèsbonneimage(24%) du corps professoral tandis que seuls 8% desrépondantsontune imageassezmauvaise (7%)et trèsmauvaise(1%).
Lescaractéristiquesdominantesdel’imagequesefaitlapopulationquébécoisedesprofesseursd’universitésonttoutesdesélémentspositifs(voirgraphiqueci-bas).Elleestime ainsi qu’ils jouent un rôle-clé dans la formationdescitoyensentransférantdesconnaissances,sontdespassionnés de leur domaine d’expertise, aident àl’avancementde lasociétépar leurs rechercheset sontessentielsauprogrèsdelasociétéquébécoise.Fait troublant toutefois,43%des répondantsn’ontpasd’idée tranchée sur la question, 11% se limitant àmentionnerdesélémentsneutreset32%n’ontpasuneidéeclaire.Bref,onconstateque l’onamoinsaffaireàdespréjugésnégatifstenacesàl’endroitdesprofesseursouàuneattitudedeméfianceenverslesélitesqu’àuneincompréhension de ce que représente le travail desprofesseursd’universitéetàladifficultéàfairevaloirlesretombéespositivesdeleurtravailpourlasociété.L’objectif de la campagne consistera donc à illustrerconcrètement le travail des professeurs d’université. Ils’agira de passer d’une « assez bonne image » (neutreou indécis)» à une «très bonne image» (appuyée etclaire).Lacibleprivilégiéeseratypiquementunefemmedemoinsde55ans issuede laclassemoyenne(revenude 25000$ à 50000$), sans diplôme universitaire etparlant français, en évitant d’écorcher typiquementl’homme de 35 ans et plus, également de la classemoyenneetdotéd’undiplômed’étudesecondaire/DEP.
Graphiquetirédudocumentd’analysedesrésultatsdéposéparsept/24le22juin2017,p.7.
À
BulletindelaFQPPU,vol.3,no1,automne2017 12
Chroniqued’informationjuridique
Droitd’auteuràl’université:
l’«utilisationéquitable»aucœur
delitigesauQuébecetauCanadaHansPoirier,professionnelderecherche,FQPPU
L’utilisationéquitabled’uneœuvreoudetoutautreobjetdudroitd’auteurauxfinsd’étudeprivée,derecherche,d’éducation,deparodieoudesatirene
constituepasuneviolationdudroitd’auteur.14
es lignes tirées de la Loi sur le droit d’auteur
du Canada ont donné lieu, ces dernières
années, à des conflits ouverts entre les
sociétés de gestion du droit d’auteur – AccessCopyrightauCanadaetCopibecauQuébec–etdeuxuniversités, soit l’Université York et l’Université
Laval. Au cœur du litige: l’interprétation de ce que
constitue une «utilisation équitable» d’œuvres
protégées à des fins d’éducation ou de recherche.
Retour sur deux décisions qui sont susceptibles
d’affecter les pratiques qui ont cours dans nos
universités.
L’UniversitéYorkcontreAccessCopyrightDepuis 1985, la Loi sur le droit d’auteur (LDA)
canadiennestipulequ’uneutilisationéquitabled’une
œuvre protégée à des fins d’éducation et de
recherche ne constitue pas une violation du droit
d’auteur.S’appuyantsuruneinterprétationstrictede
cette loi, l’Université York (UY) et plusieurs autres
universités canadiennesmembresde l’AssociationofUniversities and Colleges of Canada (AUCC) ont, àpartir de l’année scolaire 2011-2012, cessé de payer
des licences à la principale société de gestion
collective des droits de reproduction au Canada,
AccessCopyright.Aumêmemoment, l’UYaétabli sa
propre politique en matière de droit d’auteur, qui
stipule que les professeurs, les enseignants et les
étudiants peuvent reproduire jusqu’à 10% d’une
œuvre protégée sans que cela ne contrevienne à la
loi, étantdonné lesdispositions législatives relatives
àl’utilisationéquitable.
14Loisurledroitd’auteur(LRC[1985]ch.C-42,art.29.
AccessCopyrightadoncpoursuivil’UYetréclameles
sommesnonverséesdepuislarésiliationdel’entente
entre lesparties.Dansunedécisionprononcée le12
juillet201715, laCour fédéraledonneraisonàAccess
CopyrightetconclutqueUYétaitbeletbiensoumise
au tarif déterminépar leCopyrightBoardof Canadapour l’utilisation d’œuvres protégées au cours de la
période visée par la poursuite. Les juges précisent
qu’endécidantde façonarbitrairedes’abstraireaux
dispositions de la LDA sans tenter de négocier avec
AccessCopyright,l’UYagitdefaçoncontraireàlaloi.
Même si la cour reconnaît que l’intention de
l’Université York était d’utiliser les œuvres
reproduites à des fins d’éducation et de recherche,
elle conclut que sa politique interne visait à obtenir
gratuitement du contenu pour lequel elle payait par
le passé. La cour conclut également que la politique
interne de York n’est pas équitable, parce que la
limite de 10% qu’elle énonce est arbitraire et
qu’aucun motif n’est avancé par l’Université pour
justifier en quoi ce 10% est équitable sur le plan
quantitatif.
Lesjugesinsistentsurlefaitquel’UniversitéYorkn’a
fait aucun effort pour faire respecter sa politique
interne ni ne s’est donné lesmoyens de remettre à
l’ordre les personnes qui y contreviennent. Cette
absentede«monitoring»démontre,pour les juges,
quelapositiontenueparl’universitéestinjuste.
Finalement, la cour suggère que, pour déterminer si
l’utilisation que fait une université d’une œuvre
protégée est équitable, il faut analyser l’adéquation
entrelapolitiqueinstitutionnelledel’Universitéetla
pratiquequiacoursenmatièredereproduction.Elle
rappellequelecaractèreéquitableaétédéfiniparla
Cour suprême du Canada en 201216et comprend six
critères:
o Quelestlebutdel’utilisationdel’œuvre?o Quelleestlanaturedecetteutilisation?o Quelleestl’ampleurdecetteutilisation?o Existe-t-il des solutions de rechange possibles
àl’utilisation?o Quelleestlanaturedel’œuvreconcernée?o Quel est l’effet de l’utilisation sur l’œuvre
concernée?
15
The Canadian Copyright Licensing Agency («Access
Copyright»)vs.YorkUniversity,[2017]FC669.16Alberta (Éducation) c. Canadian Copyright Agency (Access
Copyright),[2012]2RCS345,2012CSC37,paragr.12.
C
BulletindelaFQPPU,vol.3,no1,automne2017 13
Copibeccontrel’UniversitéLaval
Un litige similaire préoccupe le milieu universitaire
québécois, soit l’affaire qui oppose Copibec à
l’Université Laval (UL). La société québécoise de
gestion collective des droits s’est récemment vue
autoriser le dépôt d’un recours collectif l’endroit de
l’UL17.Retoursurlesfaits.
De1999à2014, l’UL jouissaitd’une licenceoctroyée
par Copibec lui autorisant à reproduire sous une
multitude de formats papiers et électroniques les
œuvres protégées par droit d’auteur dont Copibec
gère les droits. Au printemps 2014, l’Université
informe Copibec de son intention de ne pas
renouveler cette licence globale se terminant le et
adopte une politique et un règlement visant à
favoriser une utilisation équitable du matériel de
cours tiré d’œuvres protégées par la LDA par les
étudiants et le personnel de l’université. Copibec
entreprendalorsdesdémarchesde recourscollectif,
exigeant à l’université des dommages pour violation
des droits patrimoniaux et moraux des auteurs
qu’ellereprésente.
Enpremière instance, le26 juin2016, le jugeMichel
BeauprédelaCoursupérieurerejettelademandede
recours collectif, jugement dont Copibec fait appel.
Le 8 février 2017, les juges Gagnon, Bélanger et
Mainville infirment le jugement précédent et
accueillent le recours collectif. Ces juges sont d’avis
qu’à l’étape de l’acceptation d’introduire ou non un
recours collectif, le juge de première instance ne
devaitpas seprononcer sur le fonddu litigeet ainsi
présumerde ladéfensede l’UL,maisbienévaluer si
lerecourscollectifétaitfondéendroit.
La cour rappelle que l’Université a le fardeau de
prouver qu’elle respecte le principe d’utilisation
équitable des œuvres protégées. Elle doit prouver,
d’unepart, que toutes lesœuvres utilisées le sont à
des finsd’enseignementoude rechercheet, d’autre
part, que l’utilisation qui en est faite est équitable,
telquel’explicitelaCoursuprêmedansl’arrêtCCH18.
La notion d’utilisation équitable d’œuvres protégées
à des fins d’éducation ou de recherche est donc,
encore ici, au cœur du litige. Copibec est d’avis que
l’utilisation équitable énoncée dans l’art. 29 de la
LDA est une exception aux principes généraux de la
LDAquiprotègent ledroitd’auteur.Cetteexception,
17Société québécoise de gestion collective des droits de
reproduction(Copibec)c.UniversitéLaval,[2017]QCCA199.18CCH Canadienne Ltée c. Barreau du Haut-Canada, supra,
note26,paragr.52.
quis’appliqueauxfinsd’étudesprivées,derecherche
ou d’éducation, ne peut selon elle servir à contre-
venirdemanièreinstitutionnelleetsystématiqueaux
droits des auteurs et des éditeurs d’œuvres proté-
gées.
Pour sa part, l’UL soutient que ses pratiques sont
cohérentesavecl’article29delaLDA,quiluipermet,
entantqu’institutionvouéeà l’éducationsupérieure
etàlarecherche,des’abstraireauxrèglesenmatière
de droit d’auteur qui prévalent dans d’autres
domaines.Enfin,s’ilsaccueillentlerecourscollectif,lesjugesde
la Cour d’appel se gardent bien d’émettre une opi-
nion sur le fond du litige. En attente d’une décision
surlefond,lespartiesontconvenudetenirunregis-
tre desœuvres reproduites par l’UL à des fins d’en-
seignement et de recherche, advenant que l’Univer-
sitéaitdesredevancesàpayerultérieurement.
Réactionsdanslacommunautéuniversitaire
Ladécisiondansl’affairequiopposeAccessCopyrightet l’Université York a fait réagir la communauté
universitaire, dont l’Alliance canadienne des asso-
ciations étudiantes (ACAE), qui craint que cette
interprétation de l’utilisation équitable entraîne des
coûts supplémentaires pour les étudiants canadiens
et limite l’accès aumatériel pédagogique nécessaire
àuneéducationdequalité19.
De son côté, l’Association canadienne des profes-
seuresetprofesseursd’université(ACPPU),quimilite
depuis de nombreuses années pour que les
assouplissements dans la LDA consentis aux fins
d’enseignementetderecherchesoientrespectéspar
les tribunaux, est déçue du jugement. «Dans un
contexte où la plus grande part des budgets des
bibliothèques universitaires servent à acquérir des
licences pour l’utilisation et la diffusion de contenu
numérique directement auprès des éditeurs, et que
de nombreux professeurs publient leurs travaux en
libre accès, soutient Paul Jones, spécialiste des
questionsdepropriétéintellectuelleàl’ACPPU,onse
questionnesur l’utilitéd’acquérirune licenceauprès
d’Access Copyright, dont la légitimité est également
contestée en raison d’un manque de transparence
sur les créateurs qu’elle prétend représenter et la
partdesredevancesquileurestconsentie».
19ACAE.(2017,18juillet).Lesétudiantsinquietsdeladécision
rendueparlaCourfédéralecontrel’UniversitéYork
(communiqué).ACAE.Enligne:http://www.acae-
casa.com/les_etudiants_inquiets_de_la_decision_rendue_par_
la_cour_federale_contre_luniversite_york.
BulletindelaFQPPU,vol.3,no1,automne2017 14
L’ACPPU s’attend d’ailleurs à ce que la décision soit
portée en appel, ce qui lui donnerait l’occasion
d’intervenirjuridiquementdansledossier20.
Uncontexteenévolution
Olivier Charbonneau, bibliothécaire à l’Université
Concordia, constate qu’avec l’avènement du
numérique depuis quelques années, le contexte
d’acquisition de contenu par les bibliothèques
universitairesévolue:«En2005-2006,laplupartdes
bibliothèques universitaires québécoises ont franchi
le cap où plus de la moitié de leurs nouvelles
acquisitionsétaientsursupportnumérique.
Aujourd’hui, à Concordia, le contenu numérique
représenteenviron92%desacquisitionsfaitespar la
bibliothèque». L’acquisition de ce contenu est
négociée directement avec les éditeurs – pour la
plupart, des éditeurs scientifiques –, qui en plus de
fournir les licences d’utilisation et de reproduction,
consentent également une copie numérique des
œuvres aux universités, ce qui n’est pas le cas de
Copibec ou d’Access Copyright, qui n’octroient quedes licences de reproduction sans y attacher de
contenu.
Malgré l’impression qui se dégage de la lecture des
récentsjugementsenlamatière,lesuniversitésn’ont
pas cessé du jour au lendemain de payer des
redevances pour accéder à du contenu protégé. Au
contraire, en 2015-2016, la bibliothèque de
l’Université Laval, par exemple, a consacré plus de
12,1M$poursesacquisitions21.
Considérant que le budget global alloué aux acqui-
sitions pour toutes les bibliothèques universitaires
québécoises était de 75,2M$ pour l’année 2015-
201622, on peut comprendre que les sociétés de
gestioncherchentàconserverleurpartdugâteau.
Toutefois, si elles sont promptes à attribuer leur
pertederevenuàlamauvaisefoidesuniversitésetà
une interprétation laxiste du principe d’utilisation
équitable, il convient de se questionner sur la façon
dont l’offrede ces sociétés s’est adaptée–oupas–
20ACPPU.(2017,12juillet).L’ACPPUdéçuedujugementsurles
droitsd’auteursrenducontreYork(communiqué).ACPPU.En
ligne:https://www.caut.ca/fr/latest/2017/07/lacppu-decue-
du-jugement-sur-les-droits-dauteurs-rendu-contre-york.21BCI.(2017).Opcit.
22BCI.(2017,6juillet).Statistiquesgénéralesdesbibliothèques
universitairesquébécoises2015-2016.BCI.Enligne:
http://www.bci-qc.ca/wp-
content/uploads/2017/07/Statistiques-
generales_publication_2015-2016.pdf.
auxchangementsdeparadigmes imposéspar l’accès
virtuel au savoir, qui passe non plus par la
reproduction physique de documents et de recueils
detextescompilésauxfinsd’uncours,maisbienpar
l’échangedefichiersnumériques.
En somme, les décisions qui seront rendues à
l’occasion du recours collectif présenté par Copibec,
ainsiquedanslecadredel’appeldeladécisiondans
l’affaire Access Copyright c. York, risquent d’êtredéterminantes dans la façon dont les universités
québécoises et canadiennes orienteront leurs pra-
tiquesenmatièred’acquisitiondedocumentationet
d’encadrementdudroitd’auteur.
Une chose est sure, les incertitudes qui prévalent
actuellement en matière d’encadrement du droit
d’auteur dans les universités ne servent pas les
professeurs, qui malgré leur responsabilité légale à
cet égard, reçoivent un soutien inégal, maladroit,
voire inexistant dans certains cas, de la part des
administrationsuniversitaires.
Par ailleurs, au-delà des cas spécifiques traités dans
cet article et des considérations techniques et
juridiques qu’ils soulèvent, la confirmation de
l’avènementdunumériquefaitémergerdenouveaux
enjeux. L’une des préoccupations qui découle du
passageausavoirdématérialiséest l’accèsraréfiéau
contenuquébécoisetfrancophone.
S’il importe, comme universitaires, de soutenir le
droit à une utilisation équitable d’œuvres protégées
à des fins éducatives ou de recherche, il est
également essentiel de se préoccuper de la capacité
des créateurs de poursuivre leur travail dans des
conditions adéquates et de leur capacité à diffuser
leursœuvrespar lebiaisdeplateformesquine sont
pas strictement guidéesparune logiquemarchande,
qui favorisent inéluctablement l’hégémonie de
contenuprovenantdespaysanglo-saxons.
Par sa position singulière sur le plan linguistique et
géographique,leQuébecadepuislongtempscompris
l’importance de la production de ses créateurs dans
lapréservationdesonidentité.
À ce compte, la défense des dispositions protégeant
l’exception culturelle dans le cadre de la rené-
gociation en cours de l’accord de l’ALENA est d’une
importance capitale pour assurer la capacité future
duQuébecdesupportersescréateurspar lebiaisde
subventions publiques... et pour préserver notre
capacité, comme universitaires, d’étudier et de
transmettre cette culture aux prochaines généra-
tions.