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1 > grimpE > numéro 7, décembre 2013 LA CÔTE-NORD EN GLACE L’HOMME QUI PLANTAIT DES VOIES DU PLASTIQUE À LA ROCHE DESTINATION: GRIMPER L’AMÉRIQUE DU SUD PREMIÈRE HIVERNALE > SENS UNIQUE DANS NOTRE MAGAZINE ...ET PLUS ENCORE !

Grimpe Printemps 2014

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Première Hivernale de Sens Unique La Côte-Nord en Glace Du plastique à la roche L'homme qui plantait des voies Grimper l'Amérique du Sud ... et bien plus encore!

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1 > grimpE > numéro 7, décembre 2013

LA CÔTE-NORD EN GLACE

L’HOMME QUI PLANTAIT DES VOIES

DU PLASTIQUE À LA ROCHE

DESTINATION: GRIMPER L’AMÉRIQUE DU SUD

PREMIÈRE HIVERNALE > SENS UNIQUE

DANS NOTRE MAGAZINE

...ET PLUS ENCORE !

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Il n’y a pas si longtemps, au Québec, l’escalade était encore un sport sous-financé, souvent traité comme une discipline indigne d’attention, avec peu de circuits de compétitions, et encore moins d’athlètes pouvant vivre du sport.

Depuis quelques années, l’escalade connaît une popularité grandissante. Aujourd’hui, la scène de la grimpe dans la Belle Province est en pleine ébullition. Constatez-le par vous-même : un nouveau gym va voir le jour à Montréal, des grimpeurs ont lancé deux compagnies de prises d’escalade au cours des dernières semaines, deux petites boîtes de production ont aussi été fondées, sans oublier les nombreux – innombrables en fait – événements qui ont lieu régulièrement. Ajoutez à cela le fait que les grimpeurs québécois et canadiens vont être reconnus par Sports Canada, ce qui pourra certainement faciliter l’obtention de soutien financier pour plusieurs d’entre eux. Et enfin, la Coupe du monde de bloc s’arrêtera une fois de plus à Toronto, un autre signe de vitalité pour l’escalade au pays.

Le sport semble être en plein essor. On ne peut qu’espérer un effet boule de neige et un développement constant – voire même plus rapide, pourquoi pas ? Cet élan pourrait signifier qu’une nouvelle étape est amorcée pour l’escalade.

Mais tous ces changements ne se font pas seuls. Il faut souligner ici le travail de bénévoles, de grimpeurs, de membres de commissions et autres personnes impliquées dans plusieurs organismes et gymnases qui ont mis la main à la pâte, certains depuis des mois, d’autres, des années. Certains ont cru en l’escalade et aujourd’hui, vous bénéficiez peut-être de leurs efforts, individuels ou collectifs.

Qu’on se le tienne pour dit : ceux et celles qui œuvrent en coulisses, pour vous fournir des problèmes lors des compétitions, organiser et mettre en branle des événements, ne le font pas pour l’argent. Même chose pour ceux qui négocient des ententes, qui font partie de comités, ceux qui assurent, dans l’ombre, que l’escalade se porte bien.

Il reste encore beaucoup à faire, notamment pour solidifier les acquis et continuer à intéresser les jeunes

à ce monde vertical. Paradoxalement, pendant que la grimpe à l’intérieur est à son apogée en ce moment, la situation sur le rocher a déjà été meilleure. En quelques mois, les grimpeurs ont perdu l’accès à des parois, dont certaines d’un potentiel important. Ailleurs, l’accès est toujours précaire. Toute cette énergie renouvelée dans le sport peut permettre d’espérer que l’escalade sera davantage reconnue par des propriétaires récalcitrants, et que la communauté, notamment par la voie de sa fédération, pourra faire valoir son importance.

----------------------------------Le magazine que vous lirez soufflera bientôt deux bougies – pas au sens littéral du terme, évidemment ! Il nous faut remercier tous nos collaborateurs, dont la passion est indispensable à notre travail. Même si nos moyens sont limités, nous sommes heureux de pouvoir vous présenter toute l’information sur le milieu de l’escalade. Et si vous avez envie de partager une histoire ou encore de collaborer à Grimpe, n’hésitez pas à me contacter, votre collaboration nous est précieuse !

par David Savoie Rédacteur en chef [email protected]

Ventes et publicités: EscaladeQuebec.com [email protected]

Mise en garde : L’escalade comporte desrisques pouvant causer des blessures ou un décès. Toute information ou tout conseil reçu par le présent magazine ne dispense quiconque d’évaluer lui-même les risques auxquels il peut être exposé. EscaladeQuebec.com recommande d’acquérir les connaissances et l’expérience nécessaires avant de s’aventurer en paroi, en montagne ou sur toute structure verticaale. Vous devez accepter les risques et responsabilités inhérents pouvant survenir lors de la pratique de vos activités.

Tous droits réservés EscaladeQuebec.com : Le contenu de ce magazine ne peut être reproduit, en tout ou en partie, sans le consentement explicite de l’éditeur. Les opinions qui sont exprimées sont celles des auteurs; elles ne reflètent pas nécessairement la position d’EscaladeQuebec.com.

ÉDITO > L’ESCALADE EN MOUVEMENT AU QUÉBEC

Page couverture Crédit photo : Alain Denis

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Bloc au Bic

Faits saillants >

STINGRAY

ACCÈS AU

GROS BONNET

Jean-Pierre « Peewee » Ouellet a enchaîné son projet à Joshua Tree. Stingray est une fissure extrêmement difficile, cotée 5.13d. « J’ai essayé Stingray pour la première fois en 2010 avec Sonnie [Trotter]. On était restés seulement une semaine et j’avais manqué de temps pour l’enchaîner. » Après avoir réussi quelques projets à Moab, le maître des fissures est revenu dans le désert californien. Il a travaillé la voie pendant deux semaines, et il lui a fallu 12 essais pour parvenir à l’enchaîner, en plus de bonnes conditions météo. « La première difficulté de la voie, c’est qu’elle est vraiment douloureuse, parce que la fissure est vraiment mince. Il faut faire

vraiment attention à la peau des doigts. Je n’étais pas capable de donner plus de deux essais par jour, et jamais deux jours de suite. Il est assez difficile de bouger d’un coincement à l’autre, et les pieds sont horribles. Il y a tellement de poids sur les doigts : c’est comme du campus board sur des coincements de bout de doigt. » Pour parvenir à l’enchaînement, il a fait six semaines d’entraînement spécifique sur le pan Güllich (campus). Ses prochains projets ? Le grimpeur reste élusif : des fissures, bien sûr, deux dans l’Est et une dans l’Ouest.

par David Savoie

Une bonne nouvelle pour la région de Portneuf, près de Québec: l’accès au Gros Bonnet pourrait être permis. Le propriétaire accepte le passage des grimpeurs sur ses terrains, à certaines conditions. Il étudie en ce moment une entente, proposée par Fédération québécoise de la montagne et de l’escalade (FQME) et le Club alpin du Canada (CAC). Seuls les membres de ces organismes pourront grimper sur la montagne. Le comité qui s’occupe de la négociation avec le propriétaire demande aux grimpeurs de témoigner leur appui, ce qui pourrait aider dans la finalisation de l’entente. Le site se situe juste au nord de la vallée du Bras-du-

Nord, dans la région de St-Raymond. Cette montagne, grimpée sporadiquement depuis 40 ans, s’est beaucoup développée depuis 2010. L’accès s’appliquerait à trois zones: le Gros bonnet, surtout des voies trad, dont certaines en plusieurs longueurs, le Sanatorium, un site d’escalade sportive, ainsi que Magik Spot, un site d’escalade de glace. Des topos pour chaque site sont en préparation et seront disponibles au cours de l’année, selon l’avancée du projet.

par David Savoie

JEAN-PIERRE OUELLET DANS « STINGRAY »

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Pour une deuxième année, les blocs qui jonchent une partie du parc national du Bic, situé près de Rimouski, seront accessibles aux grimpeurs sur demande. Des sorties ponctuelles seront autorisées par l’administration - l’escalade n’est pas une activité officielle dans le parc. Une autorisation pourra être obtenue en passant par le club des Grimpeurs de l’Est.

Par le passé, le bloc n’avait jamais été trop considéré par les grimpeurs de cette région. Lorsqu’il y a eu le développement de l’escalade dans le parc, durant les années 80, les matelas de sol n’existaient tout simplement pas, et les zones d’atterrissage (landing) près des rochers étaient particulièrement rocailleuses. Les blocs avaient donc été délaissés. Après 1993, toute forme d’escalade avait été interdite. Jusqu’à tout récemment.

L’année dernière, des grimpeurs ont été autorisés à se rendre dans le parc pour tâter les blocs, une première. « J’ai été très agréablement surpris », dit Stéphane Lapierre, qui négocie pour obtenir l’accès dans le parc depuis maintenant 21 ans, et également auteur du « Guide des cascades de glace et voies mixtes du Québec ».

« Tout le monde que j’ai amené là-bas a été très impressionné par le potentiel », dit-il. Le grimpeur estime qu’il pourrait y avoir trois fois plus de problèmes que le site de Stonebleau, près de Québec. Certains blocs mesurent jusqu’à 10 mètres de haut, et les angles sont variés. Le rocher est constitué d’un conglomérat de calcaire solide et franc, offrant une très belle variété de

prises et de mouvements. Aux dires de Stéphane Lapierre, ils sont presque totalement dénués de végétation et ne nécessitent que très peu d’aménagement pour rendre la pratique de l’escalade agréable et sécuritaire. Seuls quelques-uns des blocs les plus hauts nécessiteraient la pose d’ancrages fixes en acier inoxydable à leur sommet. « Le seul défaut, c’est qu’on ne peut grimper qu’à marée basse, donc deux ou trois heures avant et après », précise Stéphane Lapierre.

Les grimpeurs qui désirent y aller doivent cependant passer par le club des Grimpeurs de l’Est.

« Notre première préoccupation, c’est la conservation du milieu naturel. Si l’escalade ne contrevient pas à cette mission, il n’y a pas de raisons de l’interdire », affirme le directeur du parc, André Rouleau. Les autorités du parc veulent faire une caractérisation des blocs au cours de l’été prochain, pour s’assurer qu’il n’y a pas de risques liés à la pratique de l’escalade sur les sites.

L’escalade dans le parc est un sujet sensible dans le parc. De 1978 à 1993, l’activité avait été tolérée, puis interdite. Un changement dans la direction a permis une ouverture récemment.

Pour plus de renseignements, ou obtenir une autorisation de grimper dans le parc: www.grimpeursdelest.com

par David Savoie

Bloc au Bic

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Progrès dans le dossier du Pylône et du Champlain

Le dossier de l’accès à deux parois-écoles bien connues dans la région de Québec, le Pylône et le Champlain, pourrait débloquer ce printemps. Les parois ont été fermées au public en juillet 2013, après qu’un incident dans une autre région du Québec ait sonné l’alarme au ministère des Transports du Québec (MTQ). Les autorités ont interdit l’accès à quelques-uns de leurs terrains où il y avait pratique de sports à risque de blessures, pour des raisons de responsabilité civile en cas d’accident. Depuis ce temps, la Fédération québécoise de la montagne et de l’escalade (FQME) et le Club de montagne et d’escalade de Québec (CMEQ) négocient pour obtenir une entente. Selon le président du CMEQ, Jean-François L’Heureux, les problématiques sont différentes pour les deux parois. Au Pylône, c’est la zone d’entreposage qui pose problème : les grimpeurs la traversaient pour se rendre à la paroi, et certains d’entre eux montaient sur les matériaux qui y sont stockés. De plus, de la machinerie lourde peut être en marche à n’importe quel moment dans cette zone. Au Champlain, c’est plutôt le stationnement des voitures sur le gazon en bordure du boulevard qui pose problème. Malgré les efforts du Club et de la Fédération, tous les grimpeurs de la région ne semblaient pas être au courant de la fermeture des deux parois. « J’ai l’impression qu’il y a encore plusieurs grimpeurs qui ne savent pas que les sites sont interdits d’accès », explique Jean-François L’Heureux par courriel.

L’accès aux deux murs pourrait être à nouveau autorisé sous peu. Dans le cas du Pylône, le MTQ a érigé un périmètre de sécurité autour de la zone d’entreposage l’été dernier ; les grimpeurs devront donc emprunter un chemin différent. Une entente doit être signée à ce sujet et il ne reste que des détails administratifs à régler. Les grimpeurs pourraient y retourner à compter de cet été.

Pour le Champlain, le travail à faire est d’envergure, estime le président du CMEQ. Un stationnement doit être aménagé pour régler la problématique d’accès. Les travaux doivent débuter ce printemps. Le dossier suit son cours actuellement.

par David Savoie

L’ASSOCIATION CANADIENNE DES GUIDES DE MONTAGNE PLUS PRÉSENTE AU QUÉBECL’Association canadienne des guides de montagne (ACGM) va étendre ses opérations dans l’est du pays à compter du printemps. Il y aura notamment une première formation qui se donnera en mai dans les Laurentides. Les formations de l’association touchent à la fois l’escalade sur roche et sur glace, les randonnées ainsi que le ski hors-piste, et les principaux concernés sont bien entendu les guides, qui vont obtenir une reconnaissance à l’international. Cela pourrait aussi être bénéfique pour le personnel qui travaille dans les salles d’escalade de la province: l’ACGM voudrait établir un partenariat avec la Fédération québécoise de la montagne et de l’escalade (FQME), afin de faire reconnaître certains brevets. Selon le président de la FQME, Dominic Asselin, qui est également un guide, une plus grande présence de l’ACGM au Québec pourrait faire en sorte que son métier soit davantage reconnu.

par David Savoie

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Une nouvelle salle de bloc va voir le jour dans la métropole québécoise: des frères Nicolas et Fred Charron, Cloé Legault et Michel Charrette sont derrière le projet du Bloc Shop, qui va ouvrir ses portes à l’été 2014. Les deux frères estiment que Montréal a besoin d’un grand centre de bloc, où grimpeurs débutants et avancés pourraient se côtoyer. Depuis de nombreuses années, Fred et Nic Charron songeaient à ouvrir un gym consacré uniquement au bloc, inspiré par ce qu’ils avaient connu dans la région d’Ottawa, d’où ils sont originaires.

Cloé Legault et Michel Charrette se sont joints à l’aventure.

« Bloc Shop, c’est un centre d’escalade qui nous ressemble. On veut que l’aspect de l’entraînement soit très présent, à tous les niveaux. C’est très important pour nous que l’élite ne soit pas privilégiée par rapport aux grimpeurs débutants ou intermédiaires. On veut vraiment créer une communauté », souligne Cloé Legault. Tout l’espace a été réfléchi pour y parvenir.

De son côté, Michel Charrette provient du monde de la restauration, et il dit vouloir amener une touche particulière au service à la clientèle. « Que ce soit un resto, un bar ou un gym d’escalade, c’est la même chose, il faut que les gens aient du plaisir à partir du moment qu’ils passent la porte », explique-t-il.

Le quatuor a attendu un bon moment avant de trouver le local parfait pour leur entreprise: les quatre grimpeurs font des recherches depuis plus d’un an. Ils ont trouvé un joyau près du boulevard de l’Acadie, dans le nord de la métropole. « C’était connu, les gens savaient depuis qu’on avait déménagé à Montréal, qu’on voulait ouvrir un centre d’escalade », dit Fred Charron.

La construction des murs a été confiée à la compagnie hongroise Walltopia. Le centre devrait compter environ 6000 pieds carrés d’escalade. Le design des murs a nécessité plus de quatre mois, pour être au goût de tous.

Après les murs, les quatre entrepreneurs se sont aussi penchés sur un autre aspect important de leur futur gymnase: le café.

« Pour nous, prendre un café fait partie de l’escalade. C’est quelque chose qu’on aime. On a décidé d’inclure ça », souligne Nicolas Charron.

Des événements sont déjà prévus dans leur calendrier. « On veut donner un service de qualité à notre client, mais pour nous, c’est aussi important de faire notre part pour le développement du sport de façon générale. Y’a un mouvement de plus en plus présent dans l’escalade au Québec, où les centres sont en communication, posent des gestes et consacrent du temps à organiser des événements, ce qui fait en sorte que la communauté grandit, et tout le monde est gagnant », affirme Nic Charron. « C’est très important pour nous de participer à ça. On sent que c’est une cause noble. »

La métropole comptera, avec ce nouveau gymnase, sept endroits où les grimpeurs peuvent tirer sur de la résine. Y’aura-t-il trop de gyms à Montréal? « Non, c’est certain qu’il y a de place », affirme sans détour Fred Charron. Il cite les exemples de plusieurs autres villes, comme Toronto, ou Boulder, au Colorado, où il y a de nombreux gymnases, « qui offrent tous quelque chose d’unique », dit le jeune homme.

par David Savoie

UNE NOUVELLE SALLE D’ESCALADE @ MONTRÉAL

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NICOLAS CHARRON, MICHEL CHARRETTE, FRED CHARRON ET CLOÉ LEGAULT DANS LEURS NOUVEAUX LOCAUX.

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DU QUÉBECENTRE «PRISES »

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ans le cas de Duende, les deux fondateurs travaillent à modeler des prises depuis décembre 2012, et ses premiers modèles sont offerts en ligne depuis février. « Éventuellement, nous aimerions avoir des centaines d’ensembles à offrir »,

explique Lilly Hallet. « Je voudrais vraiment que les gens nous disent ce qu’ils veulent avoir comme prises, cela va nous permettre de mieux répondre aux besoins. » Le couple, qui réside en Estrie, travaille en ce moment sur de nouvelles prises, notamment des pièces de plus grosse taille. « Mat et moi, nous grimpons depuis longtemps, à l’intérieur comme à l’extérieur. Pour être un bon écrivain, il faut lire. Pour être musicien, il faut écouter de la musique. Un sculpteur de prises doit grimper ! Nous sommes des grimpeurs et nous voulons faire des prises sur lesquelles nous allons vouloir grimper. Je pense que nos prises vont ajouter de la créativité, de la fonctionnalité, de la couleur et de la beauté aux murs d’escalade », dit-elle. Déjà, certaines de leurs prises se retrouvent au Vertige, à Sherbrooke. Ils veulent s’étendre sur le marché québécois, mais aussi percer aux États-Unis. « Je suis originaire des États-Unis, mais je me considère Québécoise désormais. Je vis ici depuis plusieurs années. Les États-Unis ont évidemment beaucoup de gyms d’escalade et de grimpeurs. Je voulais m’assurer de pouvoir vendre là-bas rapidement, mais le marché canadien et québécois est une priorité pour nous. »

De son côté, le champion canadien de bloc, Sébastien Lazure, a décidé de se lancer après en avoir longuement discuté avec des amis. Il travaille sur le projet depuis novembre dernier. Il se dit intrigué depuis longtemps par le processus de création de prises d’escalade. « J’ai toujours plein de projets en tête, j’aime créer et fabriquer des trucs. J’ai toujours voulu essayer sans y mettre vraiment la main à la pâte », explique-t-il. Déjà, certaines de ses créations ont été utilisées lors de la compétition

du Tour de bloc qui se tenait au Vertical, gymnase où le jeune athlète s’entraîne. Il lui faudra conjuguer travail, entraînement et fabrication de prises. « Tant que l’entreprise ne sera pas totalement partie, je devrai bien m’organiser puisque j’ai en effet plusieurs choses à mon horaire; je travaille à temps plein dans un bureau d’architecte, je m’entraîne et grimpe plusieurs fois par semaine », explique Sébastien Lazure. Il estime que les possibilités sont illimitées par rapport à ce qui peut être créé en termes de prises. « Je pense pouvoir apporter de nouvelles possibilités aux ouvreurs et aux grimpeurs afin de rendre l’expérience de l’escalade agréable et ludique. Je vais aussi apporter différents éléments pour l’entraînement. Je sais qu’il y a déjà un nombre important de fabricants de prises, mais en tant qu’ouvreur, j’apprécie toujours la nouveauté. Des fois, il suffit d’un petit détail pour créer un mouvement, une séquence », précise-t-il. Pour l’heure, Plastick offre une dizaine de différents ensembles de prises, mais d’autres viendront sous peu, affirme Sébastien Lazure, et il compte en sortir de nouvelles régulièrement.

par David Savoie

DEUX NOUVELLES COMPAGNIES DE PRISES D’ESCALADE ONT VU LE JOUR AU QUÉBEC EN L’ESPACE DE QUELQUES SEMAINES, ET ELLES ONT QUELQUE CHOSE EN COMMUN : DES GRIMPEURS D’EXPÉRIENCE SONT DERRIÈRE CES PROJETS. LILLY HALLET ET MATHIEU FONTAINE ONT CRÉÉ DUENDE CLIMBING, ET SÉBASTIEN LAZURE LANCE PLASTICK.

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faisait chaud dans la maison, l’odeur réconfortante d’un bon souper d’hiver remplissant l’atmosphère. La personne qui l’avait préparé savait très bien à quels estomacs elle aurait affaire ce soir-là.

Dans la pièce d’à côté, nous pouvions distinguer de grandes photos et des cadres sur les murs en bois ronds. Par réflexe, nos yeux faisaient bouger la neige, les nuages et les personnages encordés, pour que ces derniers puissent atteindre les cimes convoitées.

Et quand le vin fut versé pour la deuxième fois, nous écoutions sagement notre hôte :

« L’ambiance est incroyable… »

« Tu es sur un pilier qui est complètement détaché d’la paroi… »

« Tu as de l’air en masse! »

« La marche d’approche pour te rendre au pied, c’est quand même quelque chose ! »

C’était surréaliste d’écouter Claude nous raconter la première ascension de Sens Unique avec son ami Stephan Frick en 1974. Il avait tellement d’ardeur dans son regard et ses gestes, il était une fois de plus au même endroit, c’était vivant ! En même temps, c’est comme si la chose allait de soi, comme une sorte de conviction implacable dans sa voix.

« Nous devions sortir en haut ! »

Et ils sont sortis. Ils avaient escaladé ce monolithe avec un équipement qui n’a rien à voir avec ce que nous possédons aujourd’hui. Mètre après mètre, en cherchant le bon chemin, ils ont progressé sous l’imposant toit de la dernière longueur. L’ombre de cet obstacle, c’était le parfait cauchemar de pierre pour faire fléchir le désir de continuer de n’importe quelle cordée qui oserait s’aventurer sur ce mur perché tout en haut de l’Acropole des Draveurs.

« Mais Claude, pourquoi vous avez appelé la voie Sens Unique ? »

« Vers le haut, c’était l’unique direction! »

C’est seulement quand nous avons atteint l’avant-dernier relais, sous angoissant surplomb, que nous avons saisi tout le sens des paroles de Claude. Pour passer, il faillait avoir en soi l’unique conviction d’y arriver…

7 FÉVRIER 2014 - PREMIÈRE ASCENSION HIVERNALE DE SENS UNIQUESens unique est une voie trad de plusieurs longueurs suivant un imposant pilier rocheux suspendu sur le flanc nord de l’Acropole des Draveurs dans le parc des Hautes-Gorges-de-la-Rivière-Malbaie. Cette populaire destination d’escalade de glace est bien connue principalement

L’unique convictionPremière ascension hivernale de Sens Unique M6+R, A1, 200 mètres, dans les Hautes-Gorges-de-la-Rivière-Malbaie, à Charlevoix.

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en raison d’une voie de glace méga classique nommée La Pomme d’or (WI 5+, 330 mètres).

Tout d’abord grimpé en 1974 par Claude Bérubé et son partenaire Stephan Frick, Sens Unique est une voie rarement repérée en saison régulière d’escalade de roche, très probablement en raison de la longue approche pour se rendre à la paroi et de la piètre qualité de la roche dans la troisième longueur.

Le 7 février dernier, Yannick Girard et Louis Rousseau gravirent Sens Unique pour la première fois en hiver. Vents violents, bourrasques de neige et des températures entre -19 et -28 degrés Celsius se sont allègrement mêlés de la partie. Ces paramètres ont fourni de nombreux défis intéressants aux grimpeurs en remplissant de glace les minces et très utiles fissures. La difficulté globale fut augmentée par une approche en ski de 25 kilomètres à travers la Vallée des Hautes-Gorges. Pour agrémenter cette longue randonnée, le paysage glacial fut décoré avec d’innombrables traces de cerf, d’orignaux, de lièvres et de loups gris.

La portion de ski de fond a été suivie de 4 heures de montée abrupte en raquettes et crampons, à travers une forêt de buissons denses et de neige profonde jusqu’à la base du pilier sur lequel se retrouve Sens Unique.

Le duo a grimpé jusqu’à la noirceur pour ensuite bivouaquer à ciel ouvert. Le lendemain matin, ils ont

terminé l’ascension de la voie, descendus en rappel et skié jusqu’à leur voiture pour terminer cette aventure hivernale.

Escalader Sens Unique pour la première fois en hiver révèle une fois de plus que le Québec n’est pas seulement un excellent terrain d’entraînement pour de lointaines aventures sans fin, mais le niveau de difficulté que l’on peut y retrouver, le facteur froid extrême et l’éloignement prouvent que le Québec peut être une destination d’escalade de classe mondiale. Yannick, Louis et plusieurs autres grimpeurs le savent déjà. Pour eux, cette escapade de moins de 48 heures n’était qu’une autre occasion de réaliser des rêves alpins, ici, en arrière de chez eux, sur de jolies, mais indomptables collines boisées.

par Louis Rousseau et Yannick Girard

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Les Rocheuses canadiennes, c’est le paradis pour tous les glaciéristes du monde. J’ai eu la chance d’accomplir ce rite de passage en novembre dernier, mais à ma grande surprise, j’ai pu constater à quel point l’herbe n’est pas toujours plus verte de l’autre côté des Prairies. Qu’on se le dise, la qualité, la concentration et la fiabilité de la glace dans l’Ouest sont incroyables, mais réussir à taper dans lesdits glaçons peut souvent s’avérer être le crux du jour. Risque d’avalanche mortel, approches crève-jambes de plusieurs heures avec plusieurs centaines de mètres de dénivelé, et foules à la base des classiques malgré les réveils à 4 ou 5 heures du matin…

C’est donc un peu sur ma faim que je suis revenu de Canmore, ayant grimpé un peu moins que ce à quoi je m’attendais.

Un bref coup d’œil au réseau hydrographique du Québec et aux milliers de falaises dispersées sur son territoire m’a fait réaliser que pour faire de l’escalade de glace, on n’a pas besoin d’aller bien bien loin, sans rien enlever aux superbes voies des Rocheuses bien sûr. Forts de cette constatation, mes amis et moi décidons d’explorer de nouveaux coins de la Belle Province qui, avec le nord-est des États-Unis, possède une quantité inouïe de trésors givrés.

C’est par une belle et froide journée de mi-février digne de la Côte-Nord que, piolets en main, je retrouve Jasmin et Jean-Philippe, mes partenaires de grandes épopées, devant le Pilier Simon-Proulx, une magnifique coulée d’or offrant tout le spectre du jaune allant même jusqu’à l’ocre. Que dire de ce classique absolu ? La grimpe est de toute beauté, un bon réchauffement et une belle façon de commencer ce symbolique voyage nord-côtier.

Le lendemain, devant un mercure trop glacial pour s’aventurer sur quoi que ce soit de vertical, nous embarquons sur une motoneige pour aller inspecter l’énorme lac Walker (le lac le plus profond du Québec avec ses 280 mètres) afin d’aller prospecter le potentiel. En arrivant à la décharge du lac, nous sommes très déçus de ne voir aucune trace sur le lac Walker. Vu la profondeur du bassin, nous savons qu’il gèle très tard, et même que

certains hivers, la surface ne se solidifie pas. Après avoir passé une heure à mesurer l’épaisseur de la glace et de la neige et à jauger les risques en discutant avec un couple âgé de Montagnais qui passe l’hiver à chasser en bordure du lac, nous décidons que le jeu n’en vaut pas la chandelle. Capteur de rêve devra attendre… Mais en inspectant bien le lac, Jasmin finit par céder à la tentation et fonce seul en motoneige jusqu’à la grande falaise visible à 3 kilomètres de la tête du lac.

« J’te gage qu’elle n’est pas in… », dis-je à Jean-Philippe en regardant Jasmin filer au loin.

Jasmin, reconnu pour son humour (surtout pour son côté baveux imbattable), nous revient avec la bonne nouvelle que la voie Capteur de rêve n’est pas seulement formée, mais que la glace semble bien épaisse. Aucune réaction de

notre part, nous qui croyons encore qu’il essaye de nous faire marcher. Surpris de notre manque d’enthousiasme total, il sort son appareil photo. Nul besoin de vous dire que mes yeux se sont écarquillés en voyant l’intouchable Capteur de rêve. On réinstalle le traîneau et on part presto pour la base de la voie afin d’y installer le campement. Elle est magnifique et surprenante à voir, une langue de glace mince au milieu d’une imposante falaise de granit. La grimpe est encore plus magnifique, même si du premier relais, on peut voir notre tente de prospecteur emportée par le vent, envoyant du même coup valser les sacs de couchage et les matelas (heureusement, aucune perte).

Au bon moment au bon endroit... Avec cette voie au carnet de réalisation, pour nous, le périple est déjà un succès. Mais la raison du voyage sur la Côte-Nord, ce qui nous fait tous rêver depuis longtemps, le Mulot, attend toujours. Il y a 7 ans, lorsque je suis tombé pour la première fois sur la photo de cette voie dans le livre-guide, j’ai été instantanément marqué par son esthétisme, sa verticalité et sa difficulté.

Le lendemain, après avoir rebroussé chemin à l’entrée du lac Pasteur pour cause de tempête engendrant une visibilité quasi nulle, nous revenons à Port-Cartier pour y passer le reste de la journée (le jour de la Saint-Valentin en plus). C’est donc bien reposés qu’on se retrouve de nouveau sur la Sainte-Marguerite, à la base du fameux

dans une voie près de chez vousDe l’escalade de glace de qualité mondiale se cache peut-être ici même au Québec, dans le nord de la province, à Sept-Îles. Charles Roberge a exploré la Côte-Nord avec deux comparses. Voici le récit de son expérience.

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Mulot, après avoir déclenché une petite avalanche pendant l’approche, emportant sur une centaine de pieds J-P qui en a profité pour améliorer ses talents de nageur. « Quel monstre », me dis-je, tout en étant fasciné par la tonne de stalactites qui pendent au-dessus de nous.

C’est avec une pointe de nervosité que je donne le premier coup de piolet dans la première longueur du Mulot. Malgré le froid, les choses progressent et J-P nous mène au haut de la première section plus facile. C’est maintenant au tour de Jasmin de s’occuper du business plus sérieux dans les deux dernières longueurs de la voie. La troisième longueur est mémorable et nous sommes tous déjà amplement satisfaits de la journée à ce point. Malgré les allures impossibles de la dernière longueur, tout comme sur le lac Walker, Jasmin le fonceur décide d’aller voir. Il finira par retraiter sur une vis une quinzaine de mètres plus haut, la protection étant trop espacée, non sans nous répéter maintes fois que c’était l’ultime longueur de glace pure. Même si nous n’avons pas atteint le sommet de la voie, cette journée sera une des plus extraordinaires de ma carrière. Chapeau à Patrice Beaudet, ouvreur du Mulot en février 1997 (et du Pilier Simon-Proulx également), exploit d’autant plus impressionnant qu’il avait cassé ses deux lames de piolets dès le départ.

Avec un peu de recul, je peux dire que j’étais au bon endroit au bon moment dans ma vie, avec les bonnes personnes, comme s’il s’agissait d’une synthèse de mes 7 années d’escalade de glace au Québec.

Comme pour faire contraste avec mon séjour dans l’Ouest, nous finirons le voyage avec un arrêt dans la très jolie voie Trois Mousquetaires. Départ étudiant après une longue nuit de sommeil et un déjeuner gastronomique qui m’a valu le titre de « chèvre charognard », approche de 10 minutes, absence totale de signe de passage antérieur et aucune inquiétude de se faire ensevelir vivant malgré la tempête de neige. Vive le Québec givré, une belle voie près de chez vous vous attend!

par Charles Roberge

dans une voie près de chez vous

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Amérique du sudC’EST UN VASTE CONTINENT, BIEN CONNU DES ALPINISTES, MAIS OÙ SE DÉVELOPPENT DES PAROIS D’ESCALADE SPORTIVE ET OÙ SE BROSSENT DE PLUS EN PLUS DE BLOCS. DES SITES D’UNE QUALITÉ EXCEPTIONNELLE ATTENDENT LES GRIMPEURS QUI S’Y RENDENT. VOICI QUELQUES DESTINATIONS QUI NE MANQUERONT PAS DE VOUS INTÉRESSER.

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C’est l’un des sites de grimpe les plus enivrants que j’ai eu la chance de visiter. Hatun Machay, dans le nord du Pérou, est la promesse d’une expérience unique, tant pour l’escalade sportive que pour le bloc.

Une heure trente de minibus de luxe et surchargé, un mate de coca, plusieurs mains de grimpeurs serrées et nous voilà enfin arrivés. Devant nos yeux se dressent mille et un rochers aux formes aussi surnaturelles qu’incongrues. Le temps de tout entasser près d’un lit au refuge, et d’un pas bien décidé, nous nous dirigeons vers ce paradis rocailleux.

La paroi atteinte, nous tentons de retrouver notre souffle. Quelles 15 minutes de marche ! Le terrain plat, mais situé dans les nuages (4300 m), en ferait le lieu d’escalade sportive d’envergure le plus élevé au monde.

Les falaises émergent de nulle part, un peu comme dans les films de Rocklands. Elles sont constituées de la plus étrange roche que mes yeux aient eu le privilège de voir. Mélange de granit (dont l’adhérence est meilleure qu’à Val-David), de grès (des trous à la Red même si les angles sont bien moins prononcés) et de calcaire (des colonnettes hybrides) ?

Il semble y avoir une quantité de voies presque illimitée. Hatun Machay comprend plus d’une vingtaine de secteurs et plus de 300 voies d’escalade sportive. Des 5.10b/c ultraclassiques à tous les coins de roche, des paysages à couper le souffle, un soleil chaud, mais agréable, vu la fraîcheur quotidienne (excellentes conditions à tous les jours). Et si l’envie vous prend de participer au développement de voies, le propriétaire du refuge, Andres, sera ravi de vous épauler. De nombreuses voies ont été ouvertes au cours des derniers mois grâce à la venue d’Edu Marin et de l’équipe de The North Face.

Le potentiel pour les blocs est démesuré. La variété dans la difficulté des lignes en fait selon moi une destination de choix pour quiconque désire s’imprégner de l’ambiance du voyage de grimpe au milieu de nulle part, et ce, à bon prix. Le champ de bloc s’étendrait sur plus de 10 kilomètres, selon les locaux. Comme on dit dans les films : vous pourriez passer votre vie à Hatun et ne jamais être à court de beaux problèmes à grimper. Bref, à Hatun, le bloc surpasse la voie.

Lors de mon passage, j’ai eu la chance d’être guidé par l’ouvreur en chef de blocs des dernières années, Scott Drum. Plusieurs problèmes passent par des toits et les atterrissages sont presque toujours sur terrain plat. Pour les plus aventureux, Hatun regorge de highballs gymnastiques à souhait offrant une combinaison d’arêtes mordantes, de petits trous techniques et de plats sublimes.

La vie à Hatun est simple, souriante et le lieu est considéré par plusieurs comme spirituel. Une simple génératrice fournit de l’électricité au refuge, ce qui oblige à vivre au rythme du soleil et des étoiles (imaginez les étoiles du haut de 4300 mètres !). Le refuge est isolé, loin de toute civilisation avec un service de livraison de nourriture par taxi à peu de frais. Déjà bien équipé (lits, couvertures, poêle à bois, espaces de rangement, fours et toilettes), le refuge est en processus d’agrandissement : un bar et un restaurant seront ouverts pour satisfaire les amateurs de luxe et de farniente parmi nous.

La gestion du refuge au jour le jour est assurée par des gardiens. Habituellement originaires d’un autre pays d’Amérique du Sud, les gardiens sont invariablement sympathiques, grimpeurs, et parlent habituellement un peu anglais tambien. Si nous avions disposé de plus d’informations sur Hatun avant de quitter le Québec, nous aurions sans aucun doute prévu un bien plus long séjour dans ce site enchanteur. Les veillées au son des guitares, les matins au mate de coca et les moments de pure volonté vers la prochaine prise nous ont offert un aperçu d’un monde parallèle. Sincèrement, l’ambiance et l’environnement sont envoûtants au point d’en oublier le passage du temps.

Des légendes parlent d’esprit de la forêt de rochers (les locaux qualifient l’endroit de foresta de roca). Plusieurs peintures et gravures datant de je ne sais combien d’années ornent certaines grottes au détour des blocs. Ces marques ancestrales nous rappellent l’histoire derrière les rochers immuables ayant auparavant servi d’abris aux habitants de la vallée (certains y vivent toujours et on peut apercevoir leurs abris en regardant attentivement). Des récits enlevants parlent de lieux de culte et, en tant que grimpeur passionné, vous n’aurez aucun problème à comprendre pourquoi. Je ne me prononcerai pas sur la véracité des récits mythiques entourant l’endroit. Une chose est certaine : une promenade dans la forêt de rochers vous fera passer un moment exaltant et vous en redemanderez.

par Julien Fleury

GRIMPE MYTHIQUE À 4300 MÈTRES D’ALTITUDE

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eux heures du matin, déjà le temps de se lever et de sortir de notre caverne de glace. Pour notre première nuit au camp avancé de Passo Supérior, on aurait pu faire mieux. Le froid et l’humidité ont pénétré nos sacs de couchage en

duvet. La nuit fut courte et le sommeil, vaporeux et peu réparateur. Lorsque les vents sont calmes, on dort bien mieux à la belle étoile et on peut éviter les cavernes de neige. Première erreur. On le saura pour la prochaine fois. Pour l’instant, il faut manger un peu et partir rapidement. Mon partenaire Damien fouille dans son sac, à la recherche de sa lampe frontale. Elle n’y est pas. Deuxième erreur. L’approche sur le glacier qui mène au pied du cerro Fitz Roy se fera avec une seule source de lumière.

La veille, notre plan A fondait au soleil, comme la rampe de neige que nous voulions emprunter sur le Poincenot, le deuxième plus haut sommet du massif. Les fenêtres de beau temps sont habituellement rares et courtes dans ce coin du monde. Contrairement à l’habitude, le début de saison 2012 a connu plusieurs journées de ciel bleu et de soleil acharné, ce qui a modifié l’environnement de la montagne. Peu d’information circulait sur les nouvelles conditions d’escalade sur le Poincenot. Deux cordées avaient déjà tenté l’expérience pour se buter à une rimaye (bergschrund) extrêmement difficile à négocier. Devant l’incertitude, un changement de stratégie s’imposait pour maximiser nos chances de se prendre en photo sur un sommet.

D

IMPRO VISA TIONSUR LE FITZ ROY

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Notre meilleur plan B consistait à se lancer sur le Fitz par la voie franco-argentine, la grande route classique, première ligne grimpée par les Français Lionnel Terray et Guido Magnone en 1952 et chemin normal de descente pour la plupart des autres voies sur la montagne. On savait bien qu’il nous manquait du matériel essentiel pour accomplir ce nouveau projet. Damien a eu l’idée folle d’aller à la rencontre de nos amis, Yannick Girard et Martin Lajoie. Selon un courriel que nous avions reçu deux jours auparavant, ils devaient se trouver sur le chemin du retour de la voie californienne et nous pourrions leur emprunter quelques mécaniques de plus, une deuxième paire de chaussons et une deuxième lampe frontale. Un pari un peu risqué, mais jouable et beaucoup plus attrayant que l’option de retourner en ville bredouille.

On se lance donc en pleine nuit avec notre unique lampe frontale pour une randonnée en montagne de trois heures à travers les crevasses, jusqu’à un premier obstacle vertical. Après quelques acrobaties, on négocie sans trop de peine une cassure glacée – qui aurait probablement été terrifiante si elle avait été plus éclairée.

L’ascension se poursuit sur une pente de neige abrupte. Au moment où le soleil tente de percer l’horizon, je m’engage sur une traverse horizontale de glace très mince. Je réussis à placer deux vis précaires avant d’atteindre une section de blocs « lousses », qui cachent une base solide. Deux autres longueurs de rocher nous mènent à l’immense terrasse, qui joint le Poincenot au Fitz Roy et comme par magie, au moment

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Destination >

précis où on s’approche de la Brecha de los Italianos, on voit deux personnes marchant vers nous un peu comme des zombies. Après quelque 30 heures de survie en montagne, Yannick et Martin complètent leur descente vers les derniers rappels menant au névé. On échange des accolades, agrémentées de deux ou trois blagues niaiseuses, puis on dévalise leur matériel pour prendre tout ce qui peut être utile pour poursuivre notre ascension. Il y a maintenant plus de 7 heures qu’on est parti de notre lit de glace, on se trouve à plus de 12 heures de marche du village et on ne voit toujours pas le début de la voie.

On mettra encore près de deux heures pour franchir ce qui aurait pris 20 minutes en conditions normales. Le temps anormalement chaud laisse ses traces partout en montagne. La neige fond, l’eau ruisselle et gèle la nuit venue. Du coup, on retrouve de la glace là où il n’y en avait pas auparavant, ce qui ralentit notre progression.

En approchant la base du mur, l’excitation se mélange à la terreur. Le dernier col de neige menant à la première longueur de la voie mythique tombe du côté sud-est presque à la verticale sur plus de 300 mètres au-dessus du glacier Fitz Roy. De l’autre côté, une pente de neige dure à 45 degrés mène directement à un autre glacier, suspendu celui-là au-dessus de l’immense couloir à l’ouest du Poincenot. Si on glisse d’un côté ou de l’autre, l’atterrissage sera fatal.

Plus on s’en approche, plus le mur qui se dresse devant nous paraît imposant. Il sera bientôt midi. Le soleil plombe. La montagne prend vie et se fait entendre. Toutes les dix secondes, le son strident d’un projectile qui passe nous siffle dans

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les oreilles. Des plaques de neige, des blocs de glace et des bouts de rocher se détachent et filent de chaque côté de l’arête où nous nous trouvons. Une rivière s’est installée dans les premiers 10 mètres de la magnifique fissure à doigts, grimpée 60 ans plus tôt par le grand Lionel Terray. On y voit encore les vestiges de ceux qui sont passés avant nous, comme un musée de l’escalade exposant échelles de corde et coins de bois. Une drôle d’impression, un endroit sacré, un moment sacré. Nous allons enfin toucher au mythique Fitz Roy.

« Les conditions sont de plus en plus

inquiétantes. Les projectiles se font

toujours entendre. »

Les doigts dans l’eau, la progression est lente, mais l’escalade, sublime. Après un dernier geyser sur fond de coin de bois, la fissure devient sèche. Elle s’élargit un peu et mes mains s’y coincent parfaitement. Un dernier petit ressaut me fait un peu grimacer, puis j’atteins le premier relais, sur une belle vire large comme une table de cuisine. J’assure Damien, qui ne tarde pas à me rejoindre.

Après une longueur, on accuse déjà plus de 5 heures de retard sur notre horaire. Les conditions sont de plus en plus inquiétantes. Les projectiles se font toujours entendre. On les voit passer à quelques dizaines de mètres de nous. Soudainement, j’ai peur. L’impression d’être à la mauvaise place au mauvais moment. Le risque objectif devient sérieux. On est tout seul sur notre vire et on se questionne mutuellement. « Ouais, qu’est-ce que t’en penses ? »

Avant même de pouvoir se répondre, un bloc de roche venu du ciel se fracasse en petits morceaux à 20 mètres de nous. Bon, d’accord, c’était plutôt à 100 mètres. Les distances sont trompeuses en montagne. De toute façon, le mal est fait, la décision est prise. On ne touchera pas au Fitz Roy plus longtemps.

On se met en mode rappel. On reviendra une autre fois. C’est juste trop dangereux.

Le plus épeurant se trouve toujours devant nous, ou plutôt en dessous. Les quatre ou cinq rappels se situent dans l’étroit corridor au-dessus duquel nous avions croisé plus tôt nos amis, qui s’est transformé en coulée de boue où les roches stables se font rares. Puis le dernier obstacle, franchir la rimaye en retenant notre souffle, tellement l’amas de glace perché sur le cran de roche nous semble fragile. Dès qu’on passe en dessous, la corde tranche un sillon dans la neige au-dessus de nos têtes. Pas question de s’attarder ici. Aussitôt sur la neige ferme, on fait quelques pas de course pour se tasser de là et, après avoir retiré la corde, on peut enfin respirer.

On passe la nuit au village d’El Chaltén. Heureusement pour notre moral, les Argentins savent profiter de la vie et les grillades sont servies tard en soirée. On dévore une montagne de viande, accompagnée de quelques légumes, histoire de reconstruire nos réserves caloriques. Après une journée de repos, on se lance dans un autre projet. Cette fois au pied du Cerro Torre, sur le mur d’El Mocho par la voie Rubio y Azul. Ce sera notre dernière sortie. La fenêtre de beau temps est terminée. Les prévisions météorologiques sont noires pour au moins les dix prochains jours. On ira finir le voyage à Cochamo au Chili, mais on reviendra à El Chaltén un jour. Notre histoire avec le Fitz Roy n’est pas encore terminée.

Pour plus d’informations sur la grimpe près d’El Chaltén, visitez www.pataclimb.com

par Mathieu Leblanc

UN GARÇON DE 9 ANS AU SOMMET DE L’ACONCAGUA

C’est un nouveau record qui suscite beaucoup de questions  : Tyler Armstrong, un garçon de 9 ans originaire de la Californie, est parvenu au sommet de l’Aconcagua la veille de Noël, accompagné de son père et d’un guide professionnel. Le groupe est passé par la route du Polish Glacier, qui ne nécessite pas d’escalade. Seulement 30 % des alpinistes réussissent leur pari d’atteindre le plus haut sommet d’Amérique du Sud et plus d’une centaine d’entre eux sont morts en tentant de gravir la montagne. En théorie, les jeunes de moins de 14 ans n’obtiennent pas de permis, mais la famille a demandé une dérogation auprès d’un juge argentin. « La plupart des gens pensent que nous poussons Tyler à faire cela, mais c’est totalement l’inverse. Je ne grimperais pas si je n’avais pas à le faire, mais ma femme veut que je garde un œil sur lui », a dit le père du jeune alpiniste en entrevue. Même à 9 ans, Tyler Armstrong connaît déjà bien les hauts sommets : il pratique l’alpinisme depuis l’âge de 7 ans. L’année dernière, il est parvenu au sommet du Kilimandjaro et en 2011, il est devenu le plus jeune à gravir le mont Whitney en une seule journée. Il veut s’attaquer sous peu au mont McKinley, et atteindre le sommet le plus élevé de chaque continent.

par David Savoie

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Gauchos et escalade EN ARGENTINE

faisait chaud en sortant de l’aéroport de Buenos Aires, en janvier: le thermomètre affichait 33 degrés. Je suis allé échanger de l’argent, avant d’embarquer le lent autobus public qui nous amènerait, ma copine et moi, au coeur de la capitale argentine. Nous

avions décidé de passer une journée à Buenos Aires, avant de nous rendre 2000 kilomètres au sud, à Bariloche, pour un voyage d’escalade. Nous avons joué aux touristes, passant par les endroits bien connus comme la Plaza de Mayo. Mais Carole avait hâte de quitter la ville, pour grimper à Valle Encantado, située tout près de Bariloche.

La journée suivante, nous nous sommes procuré nos billets pour faire le trajet de 20 heures, qui nous mènerait plus près du site de grimpe. Chaque billet coûtait 180 dollars américains, mais en valait largement la peine: chaque siège ressemble à un fauteuil de grand-père, nous avions droit à du café, un souper avec une entrée, du vin, du dessert et même du scotch. Des films, des oreillers et des couvertures étaient à notre disposition. J’ai incliné mon

siège et je me suis endormi tranquillement, avant d’arriver à Bariloche.

En arrivant, nous avons acheté suffisamment de vivres pour une semaine: le site d’escalade est isolé, et il nous fallait tout emmener. Finalement, nous étions prêts à grimper !

Nous attendons impatiemment dans l’autobus qui nous amènera plus près de notre destination. Par la fenêtre, nous voyons des Gauchos, ces gardiens de troupeaux de la pampa sud-américaine, qui se promènent à cheval sur les collines environnantes.

Lorsque nous arrivons finalement à Valle Encantado, ça n’est qu’un accotement poussiéreux, où l’autobus a à peine suffisamment de place pour arrêter. Mais enfin, nous pouvons voir les parois, de l’autre côté de la rivière Limay.

La traversée fût toute une aventure: il n’y a que des bateaux gonflables, dont certains en piètre état, que nous pouvons utiliser pour nous rendre de l’autre

IL

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côté de la rivière, 300 mètres plus loin. Comble de malchance, l’embarcation que nous avions prenait l’eau ! Heureusement, nous sommes parvenus au rivage sans que tout notre matériel ait été mouillé.

Après cinq minutes de marche, nous voilà devant les parois. La roche est un mélange volcanique, et les quelque 130 voies du site sont variées. La patine côtoie les réglettes et les pochettes, avec des « huecos », tout ça sur des murs parfois déversants, parfois verticaux, ou encore des dalles mystérieuses. La roche forme des figures qui ressemblent à des miches de pain, des poissons, des lions, des tortues ou des châteaux.

Nous commençons la journée sur un mur à l’ombre, qui fait face à la rivière. De nombreux huecos marbrent sa surface, et toutes les voies semblent amusantes. Je me croirais à Smiths Rock par moments.

Nous continuons notre journée vers une autre paroi en après-midi, où d’énormes arbres nous fournissent une ombre rafraîchissante. À nouveau, nous tâtons de

superbes voies déversantes. Nous nous attaquons à des 5.10 et des 5.11 classiques, certaines plus bloc, d’autres en endurance.

Nous finissons la journée sur une voie qui suit une arête jusqu’à une formation de tufas, qui se transforme en une fissure jusqu’à de petites réglettes.

Après un premier essai, je trouve ma séquence. Il est à peine 17h, et notre campement se trouve juste de l’autre côté de la rivière. Je prends quelques minutes pour me reposer, puis je fais un autre essai. Je parviens aux chaînes, heureux de grimper en Argentine. La première journée de notre voyage a été très amusante, et cela valait tous les efforts pour se rendre jusqu’à Valle Encantado.

***

Un topo est disponible si vous écrivez à [email protected]

par James Cruikshank

TROUVEZ LE GRIMPEUR !

LE TOPO DU SITE

LA TRAVERSÉE EN BATEAU

Crédits photo : Alain Denis

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Le Brésil, c’est la plage, le soccer, l’Amazonie, mais de plus en plus, c’est aussi l’escalade. De nombreuses parois et blocs ont été développés, dans diverses régions du pays. La Serra do Cipo, situé dans l’état du Minas Gerais, dans le sud-est du pays, est un secret bien gardé selon les Brésiliens, puisque le secteur offre une escalade de classe mondiale. Les ingrédients sont là: calcaire impeccable, température idéale, rivières aux eaux turquoise, végétation et faune exotiques. « É aventura »: c’est l’aventure. Avec plus de 200 voies équipées à explorer, de 5.9 à 5.14, il y en a pour tous, entre les voies techniques sur des faces verticales ou des surplombs plus imposants. D’autres parois se trouvent également à proximité. Un grimpeur averti en vaut deux: maîtriser quelques mots de portugais (ou plus!) vous sera très utile et le coût de la vie n’est pas aussi bas qu’ailleurs en Amérique du Sud. Ne soyez pas surpris !

par David Savoie

BRASIL PARA A ESCALADA

Crédits photo : Philippe Arcand

STÉPHANE EDUARDO LONGTIN

Destination >

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Du plastique au rocher

ENTRAÎNEMENT >

L’HIVER TIRE LENTEMENT À SA FIN, VOUS COMMENCEZ À ÊTRE LASSÉ DE TIRER SUR DE LA RÉSINE ET VOS ENVIES DE ROCHE VOUS CAUSENT DE L’INSOMNIE ? C’EST BIEN LE SIGNE QUE LE PRINTEMPS ARRIVE ! APRÈS TOUT CET ENTRAÎNEMENT, VOUS VOUS SENTEZ FORT PHYSIQUEMENT. ARRIVE MAINTENANT LE MOMENT DE METTRE TOUT ÇA EN PRATIQUE.

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La roche et le plastique sont deux mondes différents : autant physiquement que techniquement, ce sont deux environnements qui ne se comparent pas. L’escalade intérieure est généralement plus physique, un peu moins technique, et souvent mentalement peu engageante. Grimper à l’intérieur peut aussi jouer sur la motivation pour certains. La grimpe extérieure, elle, s’avère moins physique, plus technique, beaucoup plus exigeante mentalement, et faire de l’escalade sur le rocher peut causer une forte dépendance à vos projets. Mais il faut savoir faire la transition entre ces deux « mondes » sans se blesser et pour en bénéficier au maximum.

Durant les premières semaines du printemps, il faut commencer à délaisser les tractions et amorcer ce qu’on appelle une période d’affûtage. Et là, c’est le moment de grimper ! Voici quelques petits conseils pratiques pour vous aider.

Premièrement, il faut y aller progressivement. Vous ne voudriez pas vous blesser lors de vos premières sorties. Dehors, les prises de mains sont plus petites et souvent plus agressives sur la peau par rapport aux prises de plastique. La roche, contrairement au plastique, absorbe l’énergie potentielle que vous lui transmettez à travers vos doigts et ne vous en redonne peu ou pas. Le plastique est tout le contraire, parce que c’est une matière flexible. Laissez-vous du temps – et à vos tendons ! – pour vous réhabituer.

Comme les conditions printanières font en sorte que vous alternerez probablement entre extérieur et intérieur, évitez les petites prises quand vous serez en salle. Concentrez-vous aussi à garder les pieds sur le mur, quand vous grimpez. Une bonne habitude à développer pour la saison qui s’amorce. Des abdominaux solides seront des alliés importants tout au long du printemps et de l’été.

La période où les prises de pieds aussi grosses que celles de mains est terminée. La grimpe extérieure est beaucoup plus technique que celle à l’intérieure. C’est le moment, pendant votre affûtage, de grimper sur des petites prises de pieds. Utilisez la dalle et le vertical poussiéreux de votre centre. Équilibre, précision et contrôle sont beaucoup plus importants à l’extérieur que lorsque vous grimpez sur des grosses pinces dans un dévers de 45 degrés.

Il est important de comprendre que la période d’affûtage est une période de repos pour votre corps. Ce n’est pas un repos complet, comme le repos annuel, c’est un moment où il faut délaisser les exercices spécifiques – tractions, et autres - pour favoriser la grimpe.

Vous pouvez quand même vous livrer à certains exercices à l’intérieur pour vous aider.

D’abord, le fameux jeu du « pointe-moi la prise », où votre partenaire d’escalade vous pointe avec un bâton les prises à utiliser. Ici, ce que l’on veut c’est la personne qui pointe connaisse vos faiblesses. Le grimpeur, lui, doit s’adapter.

Deuxième exercice: travailler pendant 15 à 20 minutes un problème difficile que vous pourrez compléter (en voie, travailler une voie 2-3 lettres sous votre niveau de flash).

Après cette période, vous enchaînez immédiatement avec une autre séquence de 20 minutes, où vous grimpez le maximum de problèmes plus faciles que vous pouvez. Dans le cas d’un grimpeur de V6, par exemple, il s’agirait de grimper le plus de problèmes possible entre V3 et V4. Un grimpeur de voies, lui, devrait enchaîner deux voies en flash. Le but est de ne jamais pomper. Ce dernier exercice est tout de même assez exigeant, vaut mieux ne pas le faire trop souvent durant votre semaine.

DehorsLors de vos premières sorties, mettez l’emphase sur votre jeu de pieds. Allez-y progressivement.

En salle, pratiquez-vous sur tous les types de prises de mains, prenez les plus petits pieds disponibles, mais encore, allez-y progressivement, c’est la clé du succès, vivre des succès et restez motivé.

Cela est très bénéfique de faire un petit retour en arrière par rapport à votre dernière sortie dehors : refaites des voies ou des problèmes de blocs que vous avez déjà faits en tentant de les refaire le plus parfaitement possible et sans effort. Vous gagnerez en confiance, et vous pourrez vous replonger plus aisément dans l’escalade extérieure.

Un autre aspect très différent entre ces deux mondes est l’engagement. Tant en bloc qu’en voie, l’engagement mental est beaucoup plus grand à l’extérieur. Grimper en sport à l’intérieur avec les dégaines aux quatre pieds est complètement différent au niveau de l’engagement que d’être à 3 mètres au-dessus d’une petite protection mécanique à l’extérieur ou encore, d’être dans la sortie d’un bloc au-dessus d’un petit matelas.

Pour vous préparer à ce changement, pendant votre affûtage effectuer deux voies exigeantes une à la suite de l’autre. La première doit être un peu plus facile que la seconde. Lorsque vous serez dans votre deuxième voie, allez-y « a muerte» ! Vous serez probablement en situation de fatigue physique dans la seconde voie, vous devrez donc compenser par votre capacité mentale.

Autre aspect à pratiquer : les chutes. En faire quelques-unes à l’intérieur vous rappellera la sensation d’air que vous retrouverez à l’extérieur.

par Guillaume Raymond

Crédit photo : Sébastien Préseault-Céré

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Vous vous êtes probablement déjà demandé quel était le secret du succès de certains grimpeurs. Celui que vous connaissez un peu de nom, mais que vous n’avez jamais vu dans un magazine. Celle qui n’affiche pas de dos de mutant, et qui pourtant enchaîne votre projet à son réchauffement ? Nous avons questionné quelques-uns des meilleurs grimpeurs de la province pour avoir leurs trucs.

Émilie Pellerin a enchaîné 5.13a à vue l’année dernière

« En fait, par rapport à l’entrainement, je ne peux pas vraiment être d’une grande aide. Je grimpe beaucoup de voies « à vue » je ne m’entraine pas, mais souvent je grimpe jusqu’a ce que je tombe dans une voie plus facile que celle dans laquelle je me suis réchauffé. Je donne vraiment tout ce que j’ai dans chaque voie que j’essaie. Les seules fois où tu vas me voir pendre sur une corde, c’est après une chute (demander à sec, ce n’est pas une option, sauf si la chute est vraiment mauvaise). »

Olivier Turgeon a fait sa première 5.14a en 2013

« Avant d’arriver au gym, j’essaye toujours de me fixer un objectif simple (exemple: faire 6 voies dures en deux heures, ou faire un 4x4, ou réussir le plus de blocs durs avant d’être complètement pété!) et j’essaye de le suivre. Il m’arrive aussi de planifier plus à long terme mes entraînements. Les cycles sont souvent d’une durée d’environ trois semaines en focalisant sur la force pure/bloc ou force-endurance/voie. J’essaye de prendre une semaine de repos actif (plus relaxe) entre chaque cycle. J’adapte/modifie le plan d’entrainement jour après jour en fonction de mon intuition et en suivant quelques règles de base: être à l’écoute de son corps, varier les sollicitations et garder la motivation élevée.

Jean-Pierre Ouellet a fait plusieurs fissures en 5.13+ dans les derniers mois

Il faut avoir un projet en tête pour s’entrainer efficacement. De cette façon, si on sait ce qui est nécessaire pour une voie, on peut s’entrainer en conséquence. Par exemple si on veut faire une voie qui est une dalle, ça ne donne par grand-chose de s’entrainer sur le 45 degrés. Pour moi, si je n’ai pas de projet spécifique, je ne m’entraine pas vraiment. Je préfère grimper. Je fais beaucoup de cardio (course à pied, ski). C’est vraiment important d’avoir un bon cardio (surtout pour les grimpeurs de voies). Ça aide à se débarrasser de l’acidose dans les muscles. Quand je suis en forme côté cardio, je récupère plus rapidement aussi. Il faut faire attention de ne pas trop faire de cardio quand on s’entraine intensément en force ou résistance.

Loick Martel-Magnan a fait plusieurs 5.13c en quelques essais à l’âge de 19 ans

Effectuer un volume d’entraînement suffisant : selon moi, il est primordial de s’entraîner au minimum 3 fois par semaine pour avoir des gains rapides en escalade. Sortir de sa zone de confort : il ne faut pas hésiter pour essayer des choses qui sont aux limites de nos capacités. On force ainsi notre corps à s’adapter à cette «zone de travail». Faire attention aux blessures : c’est frustrant et ça ne fait que ralentir notre cheminement. Il faut donc écouter notre corps et bien s’échauffer! Adopter la bonne attitude : la détermination et le positivisme sont la clé pour progresser.

par David Savoie

Trucs d’hommes et de femmes forts

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Ah, le bloc ! La discipline en escalade où la progression est parfois très lente et par conséquent frustrante ! Voici quelques trucs de Sébastien Lazure pour vous aider à passer au prochain niveau !

« C’est important de toucher à une grande variété de styles », dit-il d’entrée de jeu. Sa première suggestion : pratiquer la polyvalence, en changeant souvent de gyms, par exemple, en touchant à toutes sortes de problèmes. « Il faut voir ça comme une bibliothèque de mouvements » : plus elle est remplie, meilleur vous serez, parce que le corps enregistre la façon dont vous vous déplacez.

Pour les compétitions, Sébastien travaille ses faiblesses en grimpe : des mouvements dynamiques, beaucoup de puissance et de campus. Il dit ne pas « changer sa grimpe », mais plutôt travailler des mouvements qui ne lui sont pas naturels. Lorsqu’il fait un bloc, par exemple, il fera l’effort conscient de ne pas être trop statique.

Pour réussir un projet difficile, il est très méthodique. Il travaille d’abord chacun des mouvements, divise ensuite le bloc en sections, puis fait des essais pour chacune des sections, jusqu’à pouvoir le reprendre du départ et enchaîner. « Mais je ne m’entraîne pas pour un problème spécifique », précise-t-il.

Les compétitions ? C’est peut-être ce qui explique que Sébastien Lazure enchaîne si rapidement les blocs à l’extérieur. « Quand tu t’entraînes pour les compétitions, tu es prêt à faire plusieurs problèmes difficiles en peu de temps, ça aide beaucoup quand tu vas grimper du rocher ou faire un voyage d’escalade. » Avec le corps conditionné à l’effort intense d’une compétition, il peut grimper plusieurs blocs très exigeants dans une même journée, mais sans la pression du temps ou des autres compétiteurs.

par David Savoie

Quelques trucs pour

progresser en bloc

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ENTRAÎNEMENT >

D’abord, les glucides doivent être présents dans votre alimentation, parce que leur mise en réserve est limitée sous forme de glycogène dans le foie et les muscles. Des réserves remplies à pleine capacité permettent d’obtenir de meilleurs résultats, car c’est aussi la source d’énergie la plus rapidement disponible lors d’un exercice intense. Les besoins de chacun peuvent varier. Consommer davantage

de glucides vous fera gagner quelques livres, puisque pour chaque gramme de glycogène, le corps met aussi en réserve 3 grammes d’eau. Mais ce n’est que temporaire : l’eau accumulée dans les muscles est libérée en même temps que le glycogène utilisé au cours de l’effort, et sert au contrôle de la température interne en plus d’améliorer la tolérance à l’effort.

Une bonne masse musculaire est aussi très utile pour maintenir une force suffisante et minimiser les risques de blessures. Si vous cherchez à favoriser un gain musculaire, vous pouvez augmenter la quantité de protéines que vous consommez pour atteindre 1,5 à 2 grammes de protéines par kilogramme de poids corporel. Un excès de protéines n’apporte cependant pas de bienfaits supplémentaires

sur la performance, et consommées en excès (plus de 3 à 4 grammes par kilogramme de poids corporel), elles peuvent causer des effets secondaires, comme une déshydratation et une perte de calcium urinaire, menant à une perte de la résistance des os, ce qui prédispose aux fractures. Pendant l’effort, un apport en amino-acides à chaîne ramifiée (BCAA) favorise une diminution des dommages musculaires et permet d’accélérer la récupération. Les BCAA réduisent aussi la production de sérotonine et la sensation de fatigue, ce qui favoriserait la performance. Un apport en glutamine – un acide aminé qui aurait des effets positifs sur la synthèse des protéines en plus de maintenir, voire améliorer le bon fonctionnement du système immunitaire – aide à prévenir le syndrome du surentraînement, et ce, sans effets secondaires. Un supplément d’oméga-3 contribue aussi à réduire l’inflammation engendrée par l’exercice répété.

Voici ses suggestions pour une journée en plein air :

Maintenir une bonne hydratation. Si l’activité dure plus de deux heures, toujours avoir une boisson contenant de 4 à 8 % de glucides : eau de coco, Gatorade, Powerade, jus d’orange dilué avec autant d’eau et une pincée de sel, jus de légumes.

- Source de glucides : barre de céréales (Cliff, Larabar, Kashi, etc.), fruits séchés (dattes, abricots, raisins secs), jus de légumes, craquelins 

- Source de protéines : noix (amandes, pacanes, graines de citrouille), jerky, petite conserve de thon/sardine/hareng, beurre de noix

C’est quoi, des BCAA? Ça vaudrait peut-être la peine de l’écrire au long?

par David Savoie

QUOI MANGER ?EN TANT QUE GRIMPEURS, COMMENT DEVRAIT-ON S’ALIMENTER ? GRIMPE A POSÉ LA QUESTION À LA NUTRITIONNISTE EVELYNE DEBLOCK, QUI TRAVAILLE AVEC DES SPORTIFS.

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Trois questions à... >

DE RÊVE NOMADEIl y a environ un an, nous vous avions parlé du projet ambitieux d’une famille, un projet baptisé « Rêve nomade ». François-Xavier Delemotte, Cécile et leur fille, Emma, 6 ans, ont quitté le Québec pour visiter le monde pendant trois ans pour visiter les plus belles parois d’escalade de la planète, en se déplaçant à vélo. Le trio maintient un blogue pendant son périple. Nous avons fait le point avec François-Xavier, au moment où la famille se trouve au Mexique.

Comment le voyage se déroule-t-il jusqu’à maintenant ?Tout se déroule plutôt bien et selon nos prévisions: après 10 mois et avoir couvert 10 000 km nous sommes rendus au Mexique, du côté de Puerto Vallarta, où nous avons décidé de nous poser pour quelques semaines au bord du Pacifique. Jusqu’ici nous avons roulé et découvert des paysages exceptionnels et incroyablement variés, des Rocheuses Canadiennes au désert de l’Utah, de la côte californienne au dépaysement mexicain. Mais au-delà des paysages, ce sont les nombreuses rencontres que nous avons faites jusqu’ici qui nous marquent le plus et rendent ce voyage inoubliable. Nous aimons beaucoup ce genre de vie, même s’il faut avouer que ce n’est pas de tout repos: vivre continuellement en mouvement, rouler chaque jour ou presque, impose une logistique qui peut devenir usante au bout de plusieurs mois et nécessite des pauses, surtout en famille. Emma en particulier a besoin de se poser un peu pour socialiser plus avec d’autres enfants et jouer avec eux plus que quelques heures comme elle le faisait jusqu’ici. D’où le besoin de nous poser un peu. 

Y’a-t-il autant d’escalade que prévu ?C’est un peu la « déception » du voyage, il faut l’avouer. Oui, nous avons visité et grimpé dans pas mal d’endroits mythiques: Skaha, Moab, Zion, Red Rock, Bishop,

Yosemite, Joshua Tree… Nous avons vraiment adoré, mais avons été frustrés de ne pouvoir grimper plus. La logistique du voyage à vélo, en famille, nous a plus limités que nous ne le pensions initialement. Gérer le transport par poste du matériel d’escalade et trouver des bureaux de poste proches des secteurs d’escalade, se rendre aux parois à vélo, trouver des voies accessibles et pas trop longues pour Emma. Tout est tout de suite plus compliqué. En cumulant vélo et escalade, nous avons un peu l’impression d’en vouloir trop et de courir deux lièvres à la fois. Ceci dit, si la logistique est intense, le plaisir que nous avons eu à grimper dans tant d’endroits la compense largement ! Mis à part l’escalade, pour le reste nous sommes surpris en bien: nous avons grimpé une multitude de cols montagneux et traversé des déserts arides avec plus de facilité que prévu, malgré notre lourd chargement, et petit à petit sommes arrivés jusqu’ici. Nous ne sommes pas de super athlètes, nous roulons simplement chaque jour et nos corps se sont adaptés, c’est tout. Côté sécurité, nous n’avons connu aucun problème jusqu’ici, que ce soit sur la route ou ailleurs. Le fait de rouler en vélo avec un enfant nous procure un capital de sympathie exceptionnel partout où nous passons, ce qui nous aide énormément. Côté mécanique, enfin, rien de majeur non plus. Jusqu’ici nous n’avons connu aucun déboire majeur.

Quelles sont les prochaines destinations ?Nous devrions rester au Mexique quelques mois encore et visiter Mexico et les états d’Oaxaca, Chiapas et Yucatan. Ensuite, nous continuerons notre route en Amérique Centrale et rejoindrons l’Amérique du Sud, jusqu’au Brésil. Tout cela devrait nous tenir occupés pour au moins un an :). Côté escalade ce sera plutôt calme, et nous ne grimperons sans doute pas avant le Brésil. À moins de débusquer des pépites en chemin et trouver des partenaires sur place pour les exploiter !

par David Savoie

L’ÉQUIPE

LA FAMILLE EN VOYAGE

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29 juin 2011, les forums d’escalade annoncent qu’un Québécois, Jean-Claude Néolet, a eu un accident dans une voie des Gunks, dans l’État de New York.

Dans les jours qui suivent cette première publication, on apprend par petites bribes que Jean-Claude est tombé en faisant du solo encordé dans la voie Bunny (5.4). Selon des témoins, il n’était pas attaché et aurait fait une chute de 10 mètres. Évacué par hélicoptère et hospitalisé, il aurait subi des blessures à la tête et la colonne vertébrale. Il est plongé dans le coma. Malheureusement, il n’en sortira pas. Un mois plus tard, le 28 juillet, la famille décide de cesser de le maintenir en vie artificiellement.

Son décès crée un grand vide et une grande tristesse dans la communauté. Jean-Claude était un combattant et jusqu’à la fin, tout le monde gardait espoir qu’il s’en sortirait. Plusieurs ont évoqué la passion et les bons souvenirs qu’ils avaient de l’homme.

Jean-Claude Néolet, personnage coloré, opiniâtré, passionné, impliqué, borné, généreux, intègre et honnête, tant de mots pour décrire une personne plus grande que nature. Très actif sur les forums qui traitent d’escalade sur Internet, il tenait souvent des propos controversés. Mais il n’était jamais mesquin ou méchant. Disons qu’il avait un don pour susciter beaucoup de réponses. Il ne laissait pas indifférent, qu’on fût en accord ou complètement contre ses idées.

En chair et en os, il était bien différent de son alter ego virtuel. Grimper avec lui, c’était avoir une expérience d’anecdotes et de récits sur les voies du site où on se trouvait. Il était toujours prêt à donner un coup de main ou de prendre de son temps pour aider les autres. Ses opinions très fermes ressortaient parfois, on n’y échappait pas, mais il était aussi très attachant.

Jean-Claude a découvert l’escalade assez tard dans sa vie, au début de la quarantaine. Il est très vite devenu passionné par le sport. Très rationnel et soucieux de la sécurité, il suivit plusieurs formations et cliniques. Cela ne l’a pas placé à l’abri d’accident. Il aura quelques mésaventures au cours de sa carrière de grimpe, mais c’est son accident au lac Bon Echo qui a été la plus grave. Son partenaire a fait une chute de facteur 2 sur un relais qui s’est arraché. Les deux grimpeurs ont fait une chute dans le lac, près de 70 mètres en contrebas. Jean-Claude s’en sortit, mais son partenaire ne survécut pas.

Plusieurs auraient cessé de pratiquer l’escalade suite à un tel accident, mais Jean-Claude avait besoin de la libération que cela lui procurait. Il retrouvait la sérénité dans les montagnes et les grands espaces sauvages. «  La vraie raison du besoin de grimper les montagnes c’est pour mieux voir l’immensité de ce monde », avait-il écrit lors d’un voyage d’escalade dans l’Ouest canadien.

Le jardinierJean-Claude a été un homme de terrain. On le surnomme vite « le jardinier », parce qu’il pouvait s’acharner sur le

Portrait >

L’ HOMME QUI PLANTAIT DES VOIESpar Socrate Badeau

LE

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nettoyage des voies. Il a brossé et nettoyé plus de voies pour débutants que n’importe qui d’autre au nord de Montréal. On ne peut pas s’imaginer le nombre d’heures qu’il a passé, suspendu à un harnais, pour brosser et équiper. Que ce soit à la Montagne d’Argent vers la fin des années 90 ou dans la région de Lanaudière, jusqu’à sa mort, il n’a cessé d’être actif.

Le résultat de ce travail colossal est un des plus beaux legs qu’une personne peut faire à la communauté des grimpeurs. C’est un testament à sa générosité et à sa passion pour l’escalade. On entend souvent parler des voies difficiles ouvertes par un grimpeur, les voies pour l’élite de notre sport. Mais Jean-Claude ne faisait pas partie de l’élite, il était un simple grimpeur avec une passion pour l’escalade qui dépassait tout. Il ouvrait des voies parce qu’il aimait ça. Il adorait discuter des mouvements d’une de ses voies avec les autres. Ce qu’il ouvrait, ce sont les voies que tout le monde grimpe. Les voies pour les débutants, les voies pour ceux qui commencent à grimper en tête, en sport et en trad, les voies pour les enfants. Mon garçon a commencé à grimper dans ses voies. Les voies qui servent de réchauffement pour les grimpeurs plus forts.

Entre 1995 et 2000, il a ouvert ou participé à l’ouverture de plus de 60 des quelque 200 voies de la Montagne d’Argent! La moitié des voies en 5.9 et moins sont le fruit de son travail. La plupart du temps, il était seul, le visage noirci par de la poussière et de la terre, à brosser et nettoyer fissures et dalles. Il n’était pas toujours seul. On le trouvait souvent accompagné de sa conjointe Lucie, de Gaétan Castilloux, ou d’un autre grimpeur-ouvreur. Il ne s’arrêtait pas qu’aux voies, il a aussi contribué à faire les premiers livres guide de la Montagne d’Argent.

Au début des années 2000, les gestionnaires de ce site ont décidé de se dissocier de la FQME. Cette décision donna un coup à Jean-Claude, et cela a créé un certain froid entre son bon ami Gaétan et lui.

Jean-Claude faisait partie de tous les clubs et les associations possibles. Il s’impliquait activement au sein de la fédération. Il a tenté tant bien que mal de rapprocher les deux parties. C’était peine perdue: les deux organismes pour diverses raisons n’ont pas su se réconcilier.

C’est suite à ce conflit que Jean-Claude commença à explorer la région peu connue de Lanaudière.

Son dévouement pour cette région qu’on peut voir les traces de cet homme. Il découvre de nouveaux sites,

dont il sécurise l’accès un à un. Avec un petit groupe de personnes, il poursuit son travail d’ouvrir des voies accessible à tous: sept sites d’escalade et plus de 100 voies portent sa trace.

Il était tout aussi prolifique sur la glace: il fait près d’une centaine de premières ascensions ou de variations de cascades de glace, de grade 3+ et moins, très accessibles. Jean-Claude développa notamment une douzaine de nouveaux secteurs de glace.

Il refusait de garder un site secret. Au contraire, son plus grand désir était de partager l’information. Il a écrit deux livres guide sur l’escalade de roche et de glace dans Lanaudière. Il a été un des membres fondateurs du club

d’escalade de la région.

Des actions critiquéesMalgré tout, Jean-Claude n’était pas un ange, loin de là: il avait des conflits et des discussions parfois enflammées avec ceux qui ne partageaient pas son opinion. Certains le critiquaient pour son approche parfois extrême, ou ses décisions discutables lorsqu’il nettoyait et développait des falaises.

Je ne le défends pas, loin de là. J’ai eu ma part de conflits avec Jean-Claude, mais je sais que tout ce qu’il faisait, il croyait que c’était pour le bien et le plaisir des autres. C’était le reflet de son amour et sa passion pour l’escalade.

Mais ces querelles perdent de l’importance avec le temps. Ce qui nous reste, c’est son indéniable contribution au sport.

Le dernier souvenir que je garde de lui, c’est le moment avant son départ pour les Gunks, en 2011. Je l’ai croisé, comme à l’habitude, à la montagne du Tranchant, en train de finaliser une autre voie. Il m’avait demandé de l’aide pour les emplacements des plaquettes. On devait se revoir à son retour, ce qui n’arriva jamais.

Depuis son décès, je me surprends encore à me demander si je vais le croiser à la falaise. Son absence laisse un vide. Je me dis souvent que je devrais aller finir cette dernière voie en son honneur. Mais la vie me garde occupé, et je n’y arrive pas. Je me dis que c’est parce que je ne suis pas prêt. Peut-être cette année sera la bonne.

par David Savoie

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our commencer, un boitier qui a du bon sens. Ce que je veux dire par ça, c’est une caméra qui va prendre la photo immédiatement quand tu appuies sur le déclencheur. Je crois que c’est l’élément le plus important. C’est de la photographie

d’action que l’on parle ici. Vous ne voulez pas rater le jeté que votre grimpeur fera et que la photo que vous obtiendrez est de le voir tomber parce qu’il l’a raté. Ce n’est pas nécessaire d’avoir le boitier le plus dispendieux. Même les caméras d’entrée de gamme comme les T2-3-4i de Canon ou les Dmille quelque chose de Nikon ont présentement de meilleures composantes que ma caméra que je possède présentement, une D200.

Si votre caméra le permet, une « battery grip » est intéressante: votre batterie va durer plus longtemps et si vous aimez cadrer vertical, cela va vous faciliter la vie lorsque vous serez dans des positions pas trop confortables, assis dans votre corde.

Ensuite, très important: avoir une bonne sélection de lentilles qui couvriront les cadrages grand-angles aux cadrages plus serrés (les cadrages « zoomé » comme on dit). Moi, je roule avec 3 lentilles depuis quelques années. J’ai une 12-24mm, une 50mm et une 70-200mm.

CONSEILs DU PRO > FAITES DE MEILLEURES PHOTOSQuelle caméra utiliser, comment améliorer ses photos, qu’est-ce qui fait de belles photos ? Est-ce que ces questions vous gardent éveillés durant la nuit ? Nous avons demandé à un de nos collaborateurs, François Lebeau, de vous donner quelques conseils.

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J’ai souvent été en situation où l’action se déroule en fin de journée et il me manquait un peu de lumière. Si vous voulez investir, choisissez de bonnes lentilles lumineuses. Elles vous repaieront en excellentes images.

Pour ceux qui veulent avoir un kit plus complet, je vous suggérerais de vous équiper en accessoires. Autant en photo qu’en positionnement sur paroi. Pour le bloc, j’amène avec moi des « pockets wizards » avec un ou deux flashs et s’il y a assez de lumière, un grand réflecteur pour amenez de la lumière sur les problèmes moins bien éclairés. Avec ça, vous allez être bien équipé pour pas mal toutes situations. Encore là, vous allez découvrir votre propre manière de travailler et vos propres trucs.

Les types d’escalade:Le bloc, c’est le plus facile pour apprendre les techniques de la photographie d’escalade. Vu que l’action se passe toujours au même endroit, c’est une excellente manière de travailler votre lumière. Facile de tourner autour du grimpeur, de choisir le meilleur angle.

En paroi, idéalement, vous serez positionné plus haut que votre grimpeur pour avoir un angle intéressant sur sa progression sur le mur. Si vous êtes sur corde, vous risquez d’être limité dans vos positionnements. Ce qui est intéressant sur paroi est sans aucun doute l’effet de hauteur. Je trouve aussi que l’attitude du grimpeur est différente en paroi. J’ai toujours préféré photographier un enchainement. Le grimpeur t’oublie totalement. Alors il est très important d’essayer d’avoir le regard, l’expression, sa concentration pour rendre ce moment mémorable. Une chose à noter: pour les photographies en paroi, assurez-vous d’avoir un minimum de connaissances avec l’équipement et comment vous pouvez vous installer sur le mur avant d’y aller les yeux fermés. Vous faites une erreur, c’est fini.

Ce qui fait une bonne photo: c’est très subjectif, mais il y a certains éléments qui vont aider.La lumière ou le moment de la journée fera toute une différence. Si vous avez un type de lumière que vous préférez, souvent ça vaut la peine d’attendre pour avoir le meilleur de ce que la journée peut vous donner. Souvenez-vous, la lumière est votre outil de travail principal.

L’expression du grimpeur lorsque vous le photographiez. Ici, c’est encore discutable. Y’a plusieurs personnes qui trouvent ça drôle les faces quand les gens forcent. Je trouve que ça met beaucoup d’intensité dans l’image. Détendu, stressé, qui éprouve de la douleur, l’expression de votre modèle dictera l’émotion de l’image.

Le regard est un élément très important si vous voulez transmettre une émotion ou une intensité. J’essaie très souvent d’avoir les yeux du grimpeur.

Si ce n’est pas le regard, le positionnement du corps est un élément très important pour une bonne image d’escalade. Une position gymnastique, dynamique, transmettant l’essence de l’escalade, c’est toujours gagnant.

Les couleurs des vêtements que votre grimpeur portera. Je sais, on ne fait pas de la mode, mais si on ne peut distinguer votre grimpeur de la roche, il sera difficile de le trouver. Apportez toujours un ou deux chandails d’extra de couleurs vives juste au cas. Si y’a pas d’option, essayer sans chandail, la musculature d’un grimpeur peut être très intéressante aussi.

Faites le ménage au pied de la grimpe. Si vous voulez vous pratiquer sur Photoshop, c’est un super bon exercice de laisser sac à dos, souliers, manteaux, etc. Mais c’est si facile de prendre 2 minutes de plus pour tout enlever. Vous n’aurez aucune distraction par la suite dans votre image.

Faire de la grimpe le sujet principal est aussi très intéressant. De bien cadrer soit le bloc ou la paroi où le grimpeur s’exerce, c’est un beau défi de rendre la grimpe intéressante. C’est comme faire une photographie de paysage, mais avec un grimpeur dans l’image.

Quelques photographes inspirants:

Une photographe de Montréal, Geneviève Demers : www.genevievedemers.com

Keith Ladzinski : www.ladzinski.com/site/portfolio-6-2013/ 

Andy Mann : www.andymann.com

Corey Rich : www.coreyrich.com 

Forest Woodward : www.forestwoodward.com 

Jimmy Chin : www.jimmychin.com 

par David Savoie

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3 6 > grimpE

Si les photos ont encore la cote, les films d’escalade amateur, eux, se multiplient, mais

toutes ces petites productions ont une qualité inégale. Vous trouverez parfois de petits chefs-d’oeuvre, ou encore des vidéos qui pourraient vous donner le mal de mer. Au Québec, plusieurs petites boîtes de production ont récemment vu le jour, ce qui pourrait multiplier les possibilités de voir la Belle province sur film. Entre temps, Mathieu Élie a déjà fait plusieurs petits films.

Grimpe lui a posé quelques questions.

Quel matériel utilises-tu pour tes vidéos d’escalade? J’utilise un Canon T2i très modeste, mais qui a le potentiel de produire une qualité d’image impressionnante (avec les moyens d’un étudiant, à tout le moins) si l’on utilise les lentilles appropriées. Pour un budget limité, les caméras de type DSLR font un très bon travail. On peut produire des vidéos de qualité avec un appareil à 500-600$. Aussi, un trépied est nécessaire pour obtenir une stabilité d’image. Même si les programmes d’édition vidéo sont maintenant dotés d’une option stabilisatrice, il vaut mieux mettre toutes les chances de son côté pour l’édition finale. On peut aussi utiliser une rampe coulissante pour ajouter une certaine variété aux angles de caméra. Dans la même veine, si le budget le permet, une petite grue peut rendre un vidéo amateur beaucoup plus professionnel.

Qu’est-ce qui fait de bons vidéos de grimpe ?Personnellement, je crois qu’un bon vidéo d’escalade doit raconter, ou projeter, une histoire ou certaines émotions. Il est beaucoup plus intéressant de visionner un vidéo lorsqu’on peut ressentir l’effort et l’état psychologique des grimpeurs. Les angles de caméras et la composition de l’image sont aussi un facteur important. C’est souvent à ce moment que les talents d’un producteur/grimpeur se manifestent. La bande sonore est aussi un aspect très important. Selon moi, l’une des grandes erreurs commises par les nombreux producteurs de vidéos

d’escalade amateurs réside justement dans le choix musical. Plusieurs personnes utilisent des trames sonores entendues maintes et maintes fois, et les producteurs semblent recourir à de la musique qu’ils aiment, plutôt que de prendre des thèmes musicaux appropriés, ce qui nuit au caractère unique de leurs oeuvres. En ce qui me concerne, je peux passer des heures à chercher de la nouvelle musique qui s’agencerait bien aux projets que j’ai en tête, que ce soit une courte vidéo de 2 minutes ou une production de 20 minutes.

Qu’est-ce qui manque souvent dans les vidéos que tu vois ?L’utilisation de plan fixe est souvent primée pour sa simplicité et sa facilité d’exécution, mais les plans dynamiques sont intrinsèquement beaucoup plus intéressants. Par contre, ce n’est pas tout le monde qui est intéressé à produire un vidéo plus artistique. La clé se trouve habituellement dans le temps et l’effort qu’on est prêt à mettre sur un projet vidéo.

Y’a-t’il moyen de rendre un “buttshot” (un plan pris d’en bas) intéressant ?Je n’ai pas encore réussi. Peut-être en filmant Sierra Blaire-Coyle. (C’est une blague!)

Combien de temps ça peut prendre faire un vidéo ?Tout dépend de l’envergure du projet. J’ai déjà produit un vidéo en une journée, d’autres en quelques semaines. Le montage prend beaucoup de temps. Il existe une grande différence entre filmer des problèmes qu’on a déjà grimpés, ou des projets que nous travaillons au même moment de filmer. Le problème avec les projets, c’est qu’on ne sait pas si on le réussira, alors il se pourrait que le film n’aboutisse jamais. Souvent, ce que j’aime faire, quand le temps (et l’endroit!) le permet, c’est de retourner filmer des problèmes déjà enchaînés quelques jours ou semaines plus tard. Ça enlève une certaine authenticité, mais au moins on est certain d’avoir des images de l’enchaînement puisqu’on peut le filmer en plusieurs séquences, ce qui n’est pas réellement possible lorsqu’on travaille un projet à notre limite.

par David Savoie

ET DE MEILLEURS VIDÉOS

CONSEILs DU PRO >

www.vimeo.com/user6702244

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Grimpe >

CONCOURS PHOTOSVOICI LES MEILLEURES PHOTOS SOUMISES PAR DES LECTEURS DE GRIMPE. RINCEZ-VOUS L’OEIL ! NOUS VOUS INVITONS À VOTER POUR VOS TROIS CLICHÉS FAVORIS EN ALLANT SUR LE LIEN OÙ VOUS INDIQUER VOS PRÉFÉRÉES À : WWW.SURVEYMONKEY.COM/S/6Y68TSY

004 - CHARLES ROBERGE

001 - ALEX RAMBAULT

003 - AURÉLIE BAILON POUJOL

002 - ANNE SARRAZIN

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3 8 > grimpE

008 - GABRIEL LALIBERTÉ

007 - GABRIEL FAUCHER

005 - DAVID TARDIF

CONCOURS PHOTO >

006 - DAVID-ESTÉBAN ST-PIERRE

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014 - MARK JEWELL

013 - MANON BORDELEAU

009 - JASMIN FAUTEUX

012 - JULIEN FLEURY

011 -JONATHAN BÉLANGER

010 - JEAN-FRANÇOIS GAUTHIER

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019 - OLIVIER OUELLETE

018 - NICO OUELLET

016 - MICHEL LANDRY

020 - PATRICK JOUBERT

017 - NIC CHARRON

015 - MARTIN GAGNON

CONCOURS PHOTO >

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025 - VERONIQUE GOSSELIN

022 - SAM HOULE

023 - SAMUEL BOISVERT

021 - PIERRE-OLIVIER PAQUET

024 - STEVE BOURDEAU

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