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La ville de Bologne , on le sait depuis les extraordinaires r étrospectives dédiées à Guido Reni et aux C arrache est la seule à avoir pénétré le secret réservé jusqu'alors à Venise: celui de présenter dans une suite logique et avec éclat, des expositions valables tant pour le grand public que pour les spécialistes, satisfaisant à la fois les exigences de la divulgation et de la recherche, et ceci en évitant ces fades compromis que l'on voit si souvent, surtout lorsqu'il s'agit d'un thème à la mode comme le Baroque. C'est pourtant bien le thème du Baroque qui a fourni à Bologne ses meilleures réussites. Outre une administration municipale éclairée, et prête à suivre les suggestions de la Surintendance des Beaux-Arts, une partie du secret réside évidemment dans une préparation méticuleuse et savante et Bologne en ce moment même nous en donne l'exemple. Pour assurer la réussite de la grande exposition du Guerchin prévue l'an proc hain à l'Archigimnasio, un groupe de tableaux du maître récemment nettoyés se trouve e xposé actuellement à Cento, la ville natale du Guerchin, située au coeur même de l'Emili e, au centre du triangle formé par Bologne, Ferrare et Modène. Cette manifestation est tout d'abord un hommage à la petite ville dont le charme, rehaussé par les souvenirs du Guerchin, mérite bien la visite. Celui-ci y travailla - exceptio n faite de la parenthèse de 1621 à 1623, passée à Rome jusqu'en 1642, c 'est- à-dire jusqu'à la mort de G uido Reni, événement qu'il attendait pour s'installer à Bologne même et occuper la place de premier peintre de la ville. C'est aussi une sorte de répétition générale, grâce à laquelle les organisateurs de l'exposition de l'année prochaine peuvent prendre dès maintenant des décisions qui assureront la réussite de la véritable présentation du Guerchin au grand public en 1968. Il y a pourtant un aspect de l'exposition de Cento qui, l'année prochaine, ne sera pas reflété dans sa f orme actuelle et qui vaut à lui seul d'inclure Cento dans un itinéraire italien cet été. M. Denis Mahon, collectionneur acharné, et l'un des grands critiques de l'art baroque, dont la maison de Londres offre la plus extraordinaire concentration d'oeuvres du Guerchin en nombre et en qualité, expose concurremment aux tableaux nettoyés, une sélection de 48 dessins du Guerchin lui appartenant. Les tableaux de la collection Mahon Nous devons au Guerchin nombre de dessins frappant évoquant la caricature. C'est bien à Bologne, dans l'âtelier des Carrache. Qu directement le débiteur, y apportant cependant une interprétation le fait apparaître comme le précurseur de Tiepolo. sont assez bien connus : Briganti leur a consacré un essai et ils ont d'autre part figuré dans de multiples expositions en Angleterre, en Italie et en Amérique. Il n'en est pas de même pour les dessins : la plus grande partie des feuilles exposées à Cento constituent une découverte même pour les spécialistes. Le catalogue, préparé par M. Mahon lui-même,donne une idée de ce que sera le catalogue de la grande exposition de l'année prochaine: c'est lui en effet qui en sera le responsable et il est difficile d'imaginer une méthode plus scrupuleuse et plus patiente — attentive aux grandes li gnes comme aux plus petits détails que celle adoptée par M. Mahon pour les dessins exposés à Cento. Nous avons d'ailleurs déjà éprouvé la rigueur de cette méthode à l' occasion de l'éclatante exposition des Carrache pour laquelle M. Mahon avait préparé le catalogue des dessins. Nous trouvons donc à Cento un groupe de dessins savamment commentés et savamment choisis. C'est en eff et une anthologie de l'oeuvre graphique du Guerchin de ses débuts à sa fin, illustrant tous les genres qu'il a pratiqué et les différentes techniques dont il usa, dessins de composition et études de figur es, dessins de paysages et cari- catures. L'intérêt qui en résulte est double: d'une part nous avons devant les yeux le spectacle purement esthétique offert par l'oeuvre d'un des grands dessinateurs de l'art baroque, pour l esquels, comme pour les Carrache et les autres bolonais de premier plan, l e dessin est un élément essentiel de l'oeuvre; d'autre part, ces dessins sont présentés comme des documents éclairant la genèse d'un tableau, ou tels traits de caractère de l'artiste pour lesquels son oeuvre peint n'offre pas d'indication valable, la caricature par exemple pour laquelle l'intérêt à Bologne a toujours été des plus vifs. Il s'y ajoute enfin un intérêt d'ordre purement historique et sans rapport direct avec les dessins comme oeuvre d'art : c'est leur provenance. En ce domaine, la catalogue de l'exposition de Cento accomplit des merveilles. Le culte du pedigree, il est vrai, a toujours été plus cher aux britanniques qu'à tout autre. Nous trouvons ainsi des informations fort importantes sur la collection de Crozat et de Mariette, sur la dispersion de l 'oeuvre dessiné du Guerchin en Angleterre où la plus grande partie de ses dessins arriva dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. La précision des renseignements concernant la transmission

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La ville de Bologne , on le sait depuis les extraordinaires rétrospectives dédiées à Guido Reni et aux Carracheest la seule à avoir pénétré le secret réservé jusqu'alors à Venise: celui de présenter dans une suite logiqueet avec éclat, des expositions valables tant pour le grand public que pour les spécialistes, satisfaisant à la foisles exigences de la divulgation et de la recherche, et ceci en évitant ces fades compromis que l'on voit sisouvent, surtout lorsqu'il s'agit d'un thème à la mode comme le Baroque.C'est pourtant bien le thème du Baroque qui a fourni à Bologne ses meilleures réussites.

Outre une administration municipale éclairée, et prête à suivre les suggestions de la Surintendance desBeaux-Arts, une partie du secret réside évidemment dans une préparation méticuleuse et savante et Bologneen ce moment même nous en donne l'exemple.Pour assurer la réussite de la grande exposition du Guerchin prévue l'an prochain à l'Archigimnasio, ungroupe de tableaux du maître récemment nettoyés se trouve exposé actuellement à Cento, la ville natale duGuerchin, située au coeur même de l'Emilie, au centre du triangle formé par Bologne, Ferrare et Modène.Cette manifestation est tout d'abord un hommage à la petite ville dont le charme, rehaussé par les souvenirsdu Guerchin, mérite bien la visite.Celui-ci y travailla - exception faite de la parenthèse de 1621 à 1623, passée à Rome jusqu'en 1642, c'est-à-dire jusqu'à la mort de Guido Reni, événement qu'il attendait pour s'installer à Bologne même et occuper laplace de premier peintre de la ville.C'est aussi une sorte de répétition générale, grâce à laquelle les organisateurs de l'exposition de l'annéeprochaine peuvent prendre dès maintenant des décisions qui assureront la réussite de la véritableprésentation du Guerchin au grand public en 1968. Il y a pourtant un aspect de l'exposition de Cento qui,l'année prochaine, ne sera pas reflété dans sa forme actuelle et qui vaut à lui seul d'inclure Cento dans unitinéraire italien cet été.

M. Denis Mahon, collectionneur acharné, et l'un des grands critiques de l'art baroque, dont la maison deLondres offre la plus extraordinaire concentration d'oeuvres du Guerchin en nombre et en qualité, exposeconcurremment aux tableaux nettoyés, une sélection de 48 dessins du Guerchin lui appartenant. Lestableaux de la collection MahonNous devons au Guerchin nombre de dessins frappant évoquant la caricature. C'est bien à Bologne, dansl'âtelier des Carrache. Qu directement le débiteur, y apportant cependant une interprétation le fait apparaîtrecomme le précurseur de Tiepolo. sont assez bien connus : Briganti leur a consacré un essai et ils ont d'autrepart figuré dans de multiples expositions en Angleterre, en Italie et en Amérique. Il n'en est pas de mêmepour les dessins : la plus grande partie des feuilles exposées à Cento constituent une découverte même pourles spécialistes.

Le catalogue, préparé par M. Mahon lui-même,donne une idée de ce que sera le catalogue de la grandeexposition de l'année prochaine:

c'est lui en effet qui en sera le responsable et il est difficile d'imaginer une méthode plus scrupuleuse et pluspatiente — attentive aux grandes lignes comme aux plus petits détails que celle adoptée par M. Mahon pourles dessins exposés à Cento. Nous avons d'ailleurs déjà éprouvé la rigueur de cette méthode à l'occasion del'éclatante exposition des Carrache pour laquelle M. Mahon avait préparé le catalogue des dessins. Noustrouvons donc à Cento un groupe de dessins savamment commentés et savamment choisis. C'est en effetune anthologie de l'oeuvre graphique du Guerchin de ses débuts à sa fin, illustrant tous les genres qu'il apratiqué et les différentes techniques dont il usa, dessins de composition et études de figures, dessins depaysages et cari-catures.

L'intérêt qui en résulte est double: d'une part nous avons devant les yeux le spectacle purement esthétiqueoffert par l'oeuvre d'un des grands dessinateurs de l'art baroque, pour lesquels, comme pour les Carrache etles autres bolonais de premier plan, le dessin est un élément essentiel de l'oeuvre; d'autre part, ces dessinssont présentés comme des documents éclairant la genèse d'un tableau, ou tels traits de caractère de l'artiste

pour lesquels son oeuvre peint n'offre pas d'indication valable, la caricature par exemple pour laquellel'intérêt à Bologne a toujours été des plus vifs. Il s'y ajoute enfin un intérêt d'ordre purement historique etsans rapport direct avec les dessins comme oeuvre d'art : c'est leur provenance.En ce domaine, la catalogue de l'exposition de Cento accomplit des merveilles. Le culte du pedigree, il estvrai, a toujours été plus cher aux britanniques qu'à tout autre. Nous trouvons ainsi des informations fortimportantes sur la collection de Crozat et de Mariette, sur la dispersion de l'oeuvre dessiné du Guerchin enAngleterre où la plus grande partie de ses dessins arriva dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Laprécision des renseignements concernant la transmission