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    Horizons et dbatsISSN 1662 4599

    Horizons et dbatsCase postale 729, CH-8044 ZurichTl.: +41 44 350 65 50Fax: +41 44 350 65 [email protected] 87-748485-6 AZA

    8044 Zrich

    2 novembre 201514eanneNo27/28

    Bimensuel favorisant la pense indpendante, lthique et la responsabilit

    Pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains

    Edition franaise du journal Zeit-Fragen

    Monsieur le Prsident,Mesdames et Messieurs, bonjour

    Une fois encore, en suivant une traditiondont je me sens honor, le Secrtaire Gnraldes Nations Unies a invit le Pape sadres-ser cette honorable assemble des nations.En mon nom propre et au nom de toute la

    communaut catholique, Monsieur Ban Ki-moon,je voudrais vous exprimer la plus sin-cre et cordiale gratitude. Je vous remercieaussi pour vos aimables paroles. Je salue ga-lement les chefs dEtat et de gouvernement iciprsents, les ambassadeurs, les diplomates etles fonctionnaires politiques et techniques quiles accompagnent, le personnel des NationsUnies impliqu dans cette 70e session delAssemble Gnrale, le personnel de tousles programmes et agences de la famille delONU, et tous ceux qui, dune manire oudune autre, participent cette runion. A tra-vers vous, je salue aussi les citoyens de toutesles nations reprsentes dans cette rencontre.Merci pour les efforts de tous et de chacun enfaveur de lhumanit.

    Cest la cinquime fois quun Pape visiteles Nations Unies. Ainsi de mes prdces-

    seurs: Paul VIen 1965,Jean-Paul IIen 1979et en 1995 et mon prdcesseur immdiat,aujourdhui le Pape mrite Benot XVI, en2008. Aucun deux na t avare dexpres-sions de reconnaissance pour lOrganisation,la considrant comme la rponse juridique etpolitique approprie au moment historiquecaractris par le dpassement technologiquedes distances et des frontires et, apparem-ment, de toute limite naturelle de laffirma-tion du pouvoir. Une rponse indispensablepuisque le pouvoir technologique, aux mainsdidologies nationalistes et faussement uni-versalistes, est capable de provoquer de ter-ribles atrocits. Je ne peux que massocier lapprciation de mes prdcesseurs, enraffirmant limportance que lEglise catho-lique accorde cette institution et lesprancequelle met dans ses activits.

    Lhistoire de la communaut organise desEtats reprsente par les Nations Unies, quiclbre ces jours-ci son 70eanniversaire, estune histoire dimportants succs communs,dans une priode dacclration inhabituelledes vnements. Sans prtendre lexhaus-tivit, on peut mentionner la codification etle dveloppement du droit international, laconstruction de la lgislation internationaledes droits humains, le perfectionnement dudroit humanitaire, la rsolution de nombreuxconflits ainsi que des oprations de paix etde rconciliation, et tant dautres acquisdans tous les domaines de porte internatio-nale de lactivit humaine. Toutes ces rali-sations sont des lumires en contraste aveclobscurit du dsordre caus par les ambi-tions incontrles et par les gosmes col-lectifs. Certes, les graves problmes non

    rsolus sont encore nombreux, mais il estaussi vident que si toute cette activit inter-nationale avait manqu, lhumanit pourraitnavoir pas survcu lutilisation incontrlede ses propres potentialits. Chacun de cesprogrs politiques, juridiques et techniquesest un chemin daccomplissement de lidalde fraternit humaine et un moyen pour saplus grande ralisation.

    Je rends hommage, donc, tous leshommes et femmes qui ont servi loyalement,et dans un esprit de sacrifice, toute lhu-manit durant ces 70 ans. En particulier, jevoudrais rappeler aujourdhui ceux qui ont

    donn leur vie pour la paix et la rconcilia-tion des peuples, depuisDag Hammarskjld

    jusquaux trs nombreux fonctionnaires detous niveaux, dcds dans des missionshumanitaires, de paix et rconciliation.

    Lexprience de ces 70 annes, au-delde tous les acquis, montre que la rforme etladaptation aux temps est toujours nces-

    saire, progressant vers lobjectif ultime dac-corder tous les peuples, sans exception,une participation et une incidence relle etquitable dans les dcisions. Cette nces-sit de plus dquit vaut en particulier pourles corps dots dune capacit dexcutioneffective, comme cest le cas du Conseil deScurit, des Organismes Financiers et desgroupes ou mcanismes spcialement crspour affronter les crises conomiques. Celaaidera limiter tout genre dabus et dusuresurtout par rapport aux pays en voie de dve-loppement. Les Organismes Financiers Inter-nationaux doivent veiller au dveloppementdurable des pays, et ce quils ne soient passoumis, de faon asphyxiante, des systmesde crdits qui, loin de promouvoir le progrs,assujettissent les populations des mca-nismes de plus grande pauvret, dexclusion

    et de dpendance.Le travail des Nations Unies, partir

    des postulats du Prambule et des premiersarticles de sa Charte constitutionnelle, peuttre considr comme le dveloppement etla promotion de la primaut du droit, tantentendu que la justice est une condition indis-pensable pour atteindre lidal de la fraternituniverselle. Dans ce contexte, il faut rappe-ler que la limitation du pouvoir est une ideimplicite du concept de droit. Donner cha-cun ce qui lui revient, en suivant la dfinitionclassique de la justice, signifie quaucun indi-vidu ou groupe humain ne peut se considrertout-puissant, autoris passer par-dessus ladignit et les droits des autres personnes phy-siques ou de leurs regroupements sociaux.La distribution de fait du pouvoir (politique,conomique, de dfense, technologique, ou

    autre) entre une pluralit de sujets ainsi quela cration dun systme juridique de rgula-tion des prtentions et des intrts, concr-tise la limitation du pouvoir. Le panoramamondial aujourdhui nous prsente, cepen-dant, beaucoup de faux droits, et la fois-de grands secteurs dmunis, victimes pluttdun mauvais exercice du pouvoir: lenviron-nement naturel ainsi que le vaste monde defemmes et dhommes exclus. Deux secteursintimement lis entre eux, que les relationspolitiques et conomiques prpondrantesont fragiliss. Voil pourquoi il faut affirmeravec force leurs droits, en renforant la pro-tection de lenvironnement et en mettant unterme lexclusion.

    Avant tout, il faut affirmer quil existeun vrai droit de lenvironnement pour undouble motif. En premier lieu, parce que

    nous, les tres humains, nous faisons par-tie de lenvironnement. Nous vivons encommunion avec lui, car lenvironnementcomporte des limites thiques que lac-tion humaine doit reconnatre et respecter.Lhomme, mme sil est dot de capacitsindites qui montrent une singularit quitranscende le domaine physique et biolo-gique (EncycliqueLaudato si , n. 81), esten mme temps une portion de cet environ-nement. Il a un corps compos dlmentsphysiques, chimiques et biologiques, et ilpeut survivre et se dvelopper seulement silenvironnement cologique lui est favo-

    rable. Toute atteinte lenvironnement, parconsquent, est une atteinte lhumanit. Ensecond lieu, parce que chacune des cratures,surtout les cratures vivantes, a une valeur ensoi, dexistence, de vie, de beaut et dinter-dpendance avec les autres cratures. Nousles chrtiens, avec les autres religions mono-thistes, nous croyons que lUnivers provient

    dune dcision de lamour du Crateur, quipermet lhomme de se servir, avec respect,de la cration pour le bien de ses semblableset pour la gloire du Crateur. Mais lhommene peut abuser de la cration et encore moinsnest autoris la dtruire. Pour toutes lescroyances religieuses lenvironnement est unbien fondamental (cf.Ibid, n. 81).

    Labus et la destruction de lenvironne-ment sont en mme temps accompagns parun processus implacable dexclusion. Eneffet, la soif goste et illimite de pouvoiret de bien-tre matriel conduit tant abu-ser des ressources matrielles disponiblesqu exclure les faibles et les personnes ayantmoins de capacits, soit parce que dotes decapacits diffrentes (les handicaps), soitparce que prives des connaissances et desinstruments techniques adquats, ou encore

    parce quayant une capacit insuffisante dedcision politique. Lexclusion conomiqueet sociale est une ngation totale de la fra-ternit humaine et une trs grave atteinte auxdroits humains et lenvironnement. Lesplus pauvres sont ceux qui souffrent le plusde ces atteintes pour un grave triple motif: ilssont marginaliss par la socit, ils sont enmme temps obligs de vivre des restes, et ilsdoivent injustement subir les consquencesdes abus sur lenvironnement. Ces phno-mnes constituent la culture de dchetaujourdhui si rpandue et inconsciemmentrenforce.

    Le drame de toute cette situation dexclu-sion et dinjustice, avec ces consquencesclaires, me conduit, avec tout le peuplechrtien et avec tant dautres, prendreconscience aussi de ma grave responsabi-

    lit ce sujet, et pour cette raison, jlvela voix, me joignant tous ceux qui sou-haitent des solutions urgentes et efficaces.Ladoption de lAgenda2030 pour le Dve-loppement Durable au Sommet mondial,qui commencera aujourdhui mme, est unsigne important desprance. Jespre que laConfrence de Paris sur le changement cli-matiqueaboutira des accords fondamen-taux et efficaces.

    Cependant, les engagements assumssolennellement ne suffisent pas, mme silsconstituent certainement un pas ncessaireaux solutions. La dfinition classique dela justice, laquelle je me suis rfr plushaut, contient comme lment essentiel unevolont constante et permanente: Iusti tiaest constans et perpetua voluntas ius suumcuique tribuendi. Le monde rclame de tous

    les gouvernants une volont effective, pra-tique, constante, des pas concrets et desmesures immdiates, pour prserver et am-liorer lenvironnement naturel et vaincre leplus tt possible le phnomne de lexclu-sion sociale et conomique, avec ses tristesconsquences de traites dtres humains, decommerce dorganes et de tissus humains,dexploitation sexuelle denfants, de travailesclave y compris la prostitution , de tra-fic de drogues et darmes, de terrorisme etde crime international organis. Lampleurde ces situations et le nombre de vies inno-centes quelles sacrifient sont tels que nous

    devons viter toute tentation de tomber dansun nominalisme de dclarations effet tran-quillisant sur les consciences. Nous devonsveiller ce que nos institutions soient rel-lement efficaces dans la lutte contre tous cesflaux.

    La multiplicit et la complexit des pro-blmes exigent de compter sur des ins-truments techniques de mesure. Cela,cependant, comporte un double danger: selimiter au travail bureaucratique consistant rdiger de longues listes de bonnes intentions buts, objectifs et indications statistiques ou bien croire quune unique solution tho-rique et aprioriste donnera une rponse tous les dfis. A aucun moment, il ne fautoublier que laction politique et conomiqueest efficace seulement lorsquon lentendcomme une activit prudentielle, guide parun concept immuable de justice, et qui neperd de vue, aucun moment, quavant etau-del des plans comme des programmesil y a des femmes et des hommes concrets,gaux aux gouvernants, qui vivent, luttent etsouffrent, et qui bien des fois se voient obli-

    gs de vivre dans la misre, privs de toutdroit.

    Pour que tous ces hommes et femmesconcrets puissent chapper lextrme pau-vret, il faut leur permettre dtre de dignesacteurs de leur propre destin. Le dveloppe-ment humain intgral et le plein exercice dela dignit humaine ne peuvent tre imposs.Ils doivent tre difis et dploys par cha-cun, par chaque famille, en communion avecles autres hommes, et dans une juste rela-tion avec tous les cercles o se dveloppe lasocit humaine amis, communauts, vil-lages, communes, coles, entreprises et syn-dicats, provinces, nations, entre autres). Celasuppose et exige le droit lducation ga-lement pour les filles (exclues dans certainesrgions) , droit qui est assur en premier lieupar le respect et le renforcement du droit pri-

    mordial de la famille duquer, et le droit desEglises comme des regroupements sociaux soutenir et collaborer avec les familles dansla formation de leurs filles et fils. Lduca-tion, ainsi conue, est la base pour la ra-lisation de lAgenda 2030 et pour sauverlenvironnement.

    En mme temps, les gouvernants doiventfaire tout le possible afin que tous puissentavoir les conditions matrielles et spirituellesminimum pour exercer leur dignit, commepour fonder et entretenir une famille qui est

    La justice est une condition indispensablepour atteindre lidal de la fraternit universelle

    Discours du Saint-Pre devant lAssemble gnrale de lONU New York, le 25 septembre 2015

    Suite page 2

    photo UN Photo /Cia Pak

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    page 2 No27/28, 2 novembre 2015Horizons et dbats

    la cellule de base de tout dveloppementsocial. Ce minimum absolu a, sur le planmatriel, trois noms: toit, travail et terre;et un nom sur le plan spirituel: la libert depense, qui comprend la libert religieuse,le droit lducation et tous les autres droitsciviques.

    Pour toutes ces raisons, la mesure et lindi-

    cateur les plus simples et les plus adquats delexcution du nouvelAgendapour le dve-loppement seront laccs effectif, pratique etimmdiat, de tous, aux biens matriels et spi-rituels indispensables: logement personnel,travail digne et convenablement rmunr,alimentation adquate et eau potable; libertreligieuse, et, plus gnralement, libert depense et ducation. En mme temps, cespiliers du dveloppement humain intgralont un fondement commun, qui est le droit la vie, et, plus gnralement, ce que nouspourrions appeler le droit lexistence de lanature humaine elle-mme.

    La crise cologique, avec la destructiondune bonne partie de la biodiversit, peutmettre en pril lexistence mme de lespcehumaine. Les consquences nfastes dunemauvaise gestion irresponsable de lcono-

    mie mondiale, guide seulement par lambi-tion du profit et du pouvoir, doivent tre unappel une srieuse rflexion sur lhomme:Lhomme nest pas seulement une libertqui se cre de soi. Lhomme ne se cre paslui-mme. Il est esprit et volont, mais ilest aussi nature (Benot XVI, Discours au

    parlement Fdral dAll emagne, 22 sep-tembre 2011, cit dans Enc. Laudato si,n. 6). La cration subit des prjudices lo nous-mmes sommes les dernires ins-tances Le gaspillage des ressources de laCration commence l o nous ne reconnais-sons plus aucune instance au-dessus de nous,mais ne voyons plus que nous-mmes (Id.,

    Discours au clerg du Diocse de Bolzano-Bressanone, 6 aot 2008, cit Ibid.). Cestpourquoi, la dfense de lenvironnement etla lutte contre lexclusion exigent la recon-

    naissance dune loi morale inscrite dans lanature humaine elle-mme, qui comprend ladistinction naturelle entre homme et femme(cf.Ibid, n. 155), et le respect absolu de lavie toutes ses tapes et dans toutes sesdimensions (cf. Enc. Laudato si, nn. 123;136).

    Sans la reconnaissance de certaines limitesthiques naturelles ne pas franchir, et sansla concrtisation immdiate de ces piliers dudveloppement humain intgral, lidal deprserver les gnrations futures du flau dela guerre (Charte des Nations Unies, Pr-ambule) et de favoriser le progrs socialet instaurer de meilleures conditions de viedans une libert plus grande court le risquede se transformer en un mirage inaccessibleou, pire encore, en paroles vides qui serventdexcuse tous les abus et toutes les cor-

    ruptions, ou pour promouvoir une coloni-

    sation idologique travers limposition demodles et de styles de vie anormaux, tran-gers lidentit des peuples et, en dernier res-sort, irresponsables.

    La guerre est la ngation de tous les droitset une agression dramatique contre lenviron-nement. Si lon veut un vrai dveloppementhumain intgral pour tous, on doit poursuivreinlassablement leffort pour viter la guerreentre les nations et les peuples.

    A cette fin, il faut assurer lincontes-

    table tat de droit et le recours inlassable la ngociation, aux bons offices et lar-bitrage, comme propos par la Charte des

    Nations Unies, vraie norme juridique fonda-mentale. Lexprience des 70 ans dexistencedes Nations Unies, en gnral, et en particu-lier lexprience des 15 premires annes dutroisime millnaire montrent aussi bien lef-ficacit de la pleine application des normesinternationales que linefficacit de leurinobservance. Si lon respecte et appliquela Charte des Nations Unies dans la transpa-rence et en toute sincrit, sans arrire-pen-ses, comme point de rfrence obligatoirede justice et non comme instrument pourmasquer des intentions inavoues, on obtientdes rsultats de paix. En revanche, lorsquonconfond la norme avec un simple instrument, utiliser quand cela convient et viter dans

    le cas contraire, on ouvre une vritable botede Pandore de forces incontrlables, quinuisent gravement aux populations dmunies, lenvironnement culturel, voire lenviron-nement biologique.

    Le Prambule et le premier article de laCharte des Nations Uniesmontrent quelssont les ciments de la construction juridiqueinternationale: la paix, la rsolution pacifiquedes conflits et le dveloppement de relationsdamiti entre les nations. La tendance tou-

    jours actuelle la prolifration des armes,spcialement les armes de destruction mas-sive comme les armes nuclaires, contrastefortement avec ces affirmations et les nie dansla pratique. Une thique et un droit fonds surla menace de destruction mutuelle et pro-bablement de toute lhumanit sont contra-dictoires et constituent une manipulation de

    toute la construction des Nations Unies, quifiniraient par tre Nations unies par la peuret la mfiance. Il faut uvrer pour un mondesans armes nuclaires, en appliquant pleine-ment lesprit et la let tre du Trait de non-pro-lifration, en vue dune prohibition totale deces instruments.

    Le rcent accord sur la question nuclairedans une rgion sensible de lAsie et duMoyen Orient est une preuve des possibi-lits dune bonne volont politique et dudroit, exercs de faon sincre, patiente etconstante. Je forme le vu que cet accordsoit durable et efficace, et quil porte lesfruits dsirs avec la collaboration de toutesles parties impliques.

    En ce sens, ne manquent pas de rudespreuves lies aux consquences ngativesdes interventions politiques et militaires qui

    nont pas t coordonnes entre les membres

    de la communaut internationale. Cestpourquoi, tout en souhaitant ne pas avoirbesoin de le faire, je ne peux mempcherde ritrer mes appels incessants concernantla douloureuse situation de tout le MoyenOrient, du nord de lAfrique et dautres paysafricains, o les chrtiens, avec dautresgroupes culturels ou ethniques, y comprisavec les membres de la religion majoritairequi ne veulent pas se laisser gagner par lahaine et la folie, ont t forcs tre tmoinsde la destruction de leurs lieux de culte, deleur patrimoine culturel et religieux, de leursmaisons comme de leurs proprits, et ontt mis devant lalternative de fuir ou bien

    de payer de leur propre vie, ou encore parlesclavage, leur adhsion au bien et lapaix.

    Ces ralits doivent constituer un srieuxappel un examen de conscience de la partde ceux qui sont en charge de la conduite desaffaires internationales. Non seulement dansles cas de perscution religieuse ou culturelle,mais aussi dans chaque situation de conflit,comme Ukraine, Syrie, Irak, en Libye, auSud Soudan et dans la rgion des GrandsLacs, avant les intrts partisans, aussi lgi-times soient-ils, il y a des visages concrets.Dans les guerres et les conflits, il y a des treshumains concrets, des frres et des surs quisont ntres, des hommes et des femmes, des

    jeunes et des personnes ges, des enfantsqui pleurent, souffrent et meurent, des treshumains transforms en objet mis au rebut

    alors quon ne fait que svertuer num-rer des problmes, des stratgies et des dis-cussions.

    Comme je le demandais au SecrtaireGnral des Nations Unies dans ma le ttre du9 aot 2014, la comprhension la plus l-mentaire de la dignit humaine [] contraintla communaut internationale, en particulieren vertu des normes et des mcanismes dudroit international, faire tout ce qui est enson pouvoir pour arrter et prvenir dult-rieures violences systmatiques contre lesminorits ethniques et religieuses et pourprotger les populations innocentes.

    Dans cette mme ligne, je voudrais fairemention dun autre genre de conflit pas tou-

    jours clairement dclar mais qui, en silence,provoque la mort de millions de personnes.Un autre genre de guerre que vivent beau-

    coup de nos socits travers le phnomnedu narcotrafic. Une guerre assume et fai-blement combattue. Le narcotrafic, de parsa propre dynamique, est accompagn parla traite des personnes, le blanchiment desactifs, le trafic des armes, lexploitation desenfants et par dautres formes de corruption.Corruption qui a infiltr les divers niveaux dela vie sociale, politique, militaire, artistiqueet religieuse, en gnrant, dans beaucoup decas, une structure parallle qui met en pril lacrdibilit de nos institutions.

    Jai commenc cette intervention en rap-pelant les visites de mes prdcesseurs. Jevoudrais prsent que mes paroles soientsurtout comme une suite des paroles conclu-sives du discours de Paul VI, prononces ily a exactement 50 ans, mais qui sont dunevaleur perptuelle, je cite: Voici arrive

    lheure o simpose une halte, un moment derecueillement, de rflexion, quasi de prire:repenser notre commune origine, notrehistoire, notre destin commun. Jamaiscomme aujourdhui, [] na t aussincessaire lappel la conscience morale delhomme. Car le pril ne vient, ni du progrs,ni de la science, qui, bien utiliss, pourront[] rsoudre un grand nombre des gravesproblmes qui assaillent lhumanit (Dis-cours lOrganisation des Nations Unies loccasion du 20eanniversaire de lOrgani-sation, 4 octobre 1965). Entre autres, sansdoute, le gnie humain, bien utilis, aidera

    affronter les graves dfis de la dgradationcologique et de lexclusion. Paul VI a pour-suivi: Le vrai pril se tient dans lhomme,qui dispose dinstruments toujours pluspuissants, aptes aussi bien la ruine quauxplus hautes conqutes (Ibid.).Ainsi parlaitPaul VI.

    La maison commune de tous les hommesdoit continuer de slever sur une juste com-prhension de la fraternit universelle etsur le respect de la sacralit de chaque viehumaine, de chaque homme et de chaquefemme; des pauvres, des personnes ges,des enfants, des malades, des enfants natre, des chmeurs, des abandonns, de

    ceux qui sont considrs propres tre mar-ginaliss, parce quon ne les peroit plusque comme des numros de lune ou lautrestatistique. La maison commune de tous leshommes doit aussi sdifier sur la compr-hension dune certaine sacralit de la naturecre.

    Cette comprhension et ce respect exigentun niveau suprieur de sagesse, qui acceptela transcendance la transcendance de soi-mme , qui renonce la construction dunelite toute puissante, et qui comprend quele sens plnier de la vie individuelle et col-lective se rvle dans le service dvou desautres et dans la prudente et respectueuseutilisation de la cration, pour le bien com-mun. Pour reprendre les paroles de Paul VI,ldifice de la civilisation moderne doit seconstruire sur des principes spirituels, les

    seuls capables non seulement de le soutenir,mais aussi de lclairer (Ibid.).

    Le Gaucho Martin Fierro, un classiquede la littrature de mon pays natal, chante:Les frres sont unis parce que cest la loiprimordiale. Quils cultivent une vraie unionen toute circonstance, parce que si entre euxils se querellent, ceux du dehors les dvore-ront.

    Le monde contemporain, apparemmentconnect, exprimente une fragmentationsociale, croissante et soutenue, qui met endanger tout fondement de la vie sociale etpar consquent finit par nous opposer lesuns autres, chacun cherchant prserver sespropres intrts (Enc.Laudato si, n. 229).

    Le temps prsent nous invite privilgierdes actions qui crent de nouveaux dyna-mismes dans la socit jusqu ce quils

    fructifient en dimportants et positifs vne-ments historiques (cf. Exhort. ap. Evangeliigaudium, 223). Nous ne pouvons pas nouspermettre de reporter pour plus tard certainsagendas. Lavenir exige de nous des dci-sions critiques et globales face aux conflitsmondiaux qui augmentent le nombre desexclus et de ceux qui sont dans le besoin.

    La louable construction juridique interna-tionale de lOrganisation des Nations Unieset de toutes ses ralisations, perfectiblecomme toute uvre humaine et, en mmetemps, ncessaire, peut tre le gage dun ave-nir sr et heureux pour les futures gnra-tions. Et elle le sera si les reprsentants desEtats sauront laisser de ct des intrts sec-toriels et idologiques, et chercher sincre-ment le service du bien commun. Je demande Dieu Tout-Puissant quil en soit ainsi, et je

    vous assure de mon soutien, de ma prireainsi que du soutien et des prires de tous lesfidles de lEglise catholique, pour que cetteinstitution, tous ses Etats membres, et chacunde ses fonctionnaires, rendent toujours unservice efficace lhumanit, un service res-pectueux de la diversit et quils sachent ren-forcer, pour le bien commun, le meilleur dechaque peuple et de tout citoyen. Que Dieuvous bnisse tous! Source: http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/speeches/2015/september/documents/papa-fran-cesco_20150925_onu-visita.html

    Copyright Libreria Editrice Vaticana

    La justice est une condition suite de la page 1 Le travail des Nations Unies, partir des postulats du Pr-

    ambule et des premiers articles de sa Charte constitutionnelle,

    peut tre considr comme le dveloppement et la promotion

    de la primaut du droit, tant entendu que la justice est une

    condition indispensable pour atteindre lidal de la fraternit

    universelle. Dans ce contexte, il faut rappeler que la limitation

    du pouvoir est une ide implicite du concept de droit.

    La guerre est la ngation de tous les droits et une agres-

    sion dramatique contre lenvironnement. Si lon veut un vrai

    dveloppement humain intgral pour tous, on doit poursuivre

    inlassablement leffort pour viter la guerre entre les nations

    et les peuples. A cette fin, il faut assurer lincontestable tat

    de droit et le recours inlassable la ngociation, aux bons

    offices et larbitrage, comme propos par la Charte des

    Nations Unies,vraie norme juridique fondamentale. Lexp-

    rience des 70 ans dexistence des Nations Unies, en gnral,

    et en particulier lexprience des 15 premires annes du troi-sime millnaire montrent aussi bien lefficacit de la pleine

    application des normes internationales que linefficacit de

    leur inobservance. Si lon respecte et applique la Charte des

    Nations Unies dans la transparence et en toute sincrit, sans

    arrire-penses, comme point de rfrence obligatoire de jus-

    tice et non comme instrument pour masquer des intentions

    inavoues, on obtient des rsultats de paix.

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    No27/28, 2 novembre 2015 page 3Horizons et dbats

    Communiqu de presse

    Relations interparlementaires Suisse-RussieRunions de travail bilatrales avec le prsident de la Douma dEtat

    et la prsidente du Conseil de la Fdration de Russie en margede la 133eassemble de lUnion interparlementaire Genve

    Le 20 octobre 2015, le prsident duConseil national, M. Stphane Rossini,sest entretenu avec le prsident de laDouma dEtat, M. Sergue Narychkine,au sujet des relations bilatrales entre laSuisse et la Russie. La veille, le prsidentdu Conseil des Etats, M. Claude Hche,avait fait de mme avec la prsidente duConseil de la Fdration de Russie, MmeValentina Matvienko.

    Lors des entretiens avec leurs homolo-gues russes, tant le prsident du Conseilnational que celui du Conseil des Etatsont soulign limportance que revt leprotocole dentente (Memorandum ofUnderstanding) que les deux pays ontsign en 2007; crant les conditionsncessaires une collaboration accrue, cedocument est considr comme un pilierdes relations bilatrales entre la Suisseet la Russie. La coopration bilatraleporte sur un grand nombre de secteurs,les domaines techniques et notammentceux de linnovation, de la recherche,de la sant et de lnergie offrant unpotentiel tout particulier.

    Dans la perspective du 70e anniversairede la reprise des relations diplomatiquesentre les deux pays, qui sera clbr en2016, lide a en outre t lance de pro -cder des changes approfondis sur le

    fdralisme, qui constitue lun des piliersdes deux Etats et permet avant tout deprserver la varit dans lunit et derapprocher lEtat du citoyen.

    Ces changes ont galement t loc-casion de rappeler lengagement denotre pays en faveur de la coexistencepacifi que des peuples. Aprs avoir diriglOrganisation pour la scurit et la coo-

    pration en Europe (OSCE) en 2014, laSuisse prside encore la destine decette organisation au sein de la trokaquelle forme avec la Serbie (prsidenteen 2015) et lAllemagne (prsidente en2016); ce titre, elle sengage en faveurde la scurit et de la stabilit dans la

    zone OSCE. La crise ukrainienne reste unepriorit dans ce contexte.

    Evoquant le confl it arm qui perduredepuis plus de quatre ans en Syrie et lagrave crise humanitaire qui sen suit, lesprsidents des conseils ont mis lespoirde pouvoir rapidement dfi nir, avec laRussie et avec la communaut interna-tionale, une approche globale afi n dersoudre la crise migratoire et les pro -blmes politiques lis ce confl it.

    Depuis que le protocole dentente at sign en 2007, les relations bilatralesentre la Suisse et la Russie se sont inten -sifi es. Ainsi, lchelon parlementaire,plusieurs sommets ont t organiss enmarge de confrences internationales.En outre, des contacts rguliers dans lecadre des intergroupes parlementairesont largement contribu au renforce-ment des relations entre les Parlementsdes deux pays.

    Lors de son entretien avec le pr -sident de la Douma dEtat, le prsidentdu Conseil national tait accompa -gn du conseiller national Pierre-Fran-ois Veillon, prsident de la dlgationsuisse auprs de Union interparlemen-taire (UIP), de trois autres membres de ladlgation savoir la conseillre natio-nale Lucrezia Meier-Schatz, le conseiller

    national Felix Mriet le conseiller auxEtats Peter Bieri et des co-prsidents delintergroupe parlementaire Suisse-Rus-sie, le conseiller national Jean-FranoisSteiert et le conseiller aux Etats FilippoLombardi.

    Quant au prsident du Conseil desEtats, il tait accompagn, lors de sa ren -contre avec la prsidente du Conseil de laFdration de Russie, du conseiller natio-nal Pierre-Franois Veillon, prsident dela dlgation suisse auprs de lU IP, et duconseiller aux Etats Peter Bieri, membrede la dlgation.

    Genve, le 20 octobre 2015Services du Parlement

    Les rapports quentretiennent la Suisse etla Russie ont toujours t particuliers au

    cours de lhistoire. Dans diffrents livresleur relation est documente. Dans le livreKser, Knstler, Kommunisten1 [Froma-gers, artistes, communistes] les biographiesde quelques personnalits sont documenteset il y est dcrit de quelle faon ils ont uvrdans leurs pays respectifs. Une longue tra-dition dchange rciproque est ne et per-siste jusqu nos jours. Dj au XVIIesicle,Pierre le Grand a nomm le Suisse Fran-ois Lefort (1656-1699) premier amiral dela marine nouvellement cre. De mme,des Suisses ont jou un rle important dansla formation russe et, au cours de la deu-xime moiti du XIXesicle, dans lcono-mie croissante. Non seulement des Suissestaient fascins par la Russie, mais ds leXVIIIe sicle, on observe un mouvementcroissant de la Russie vers la Suisse. Surtout

    Genve devint la capitale russe en Suisse etcette ville offrit beaucoup de Russes unenouvelle patrie.2

    Quiconque conduit sa voiture le long delancienne route du Gothard de Gschenen Andermatt, croise la gorge de Schlle-nen et apperoit gauche le grand monu -ment Souvorov. En 2009, le prsident russe

    Dmitri Medvedev, premier chef dEtat russe se rendre en Suisse, ne sest pas priv devisiter le monument avec Rudolf Merz, lpoque prsident de la Confdration. En1799, Souvorov a travers avec son armeplusieurs cols suisses, dans le but de chas -ser Napolon de la Suisse, avec le soutiendes Autrichiens.

    La Russie a soutenu la neutralit suisse

    Lorsque, pendant le Congrs de Vienne de

    1814/1815, lEurope fut rorganise aprs lesguerres napoloniennes, la Russie a vigou-reusement soutenu lide de la neutralitsuisse, fi nalement reconnue par les grandespuissances europennes au niveau du droitinternational. Le tsarAlexander Ier, discipledu Suisse Frderic Csar de La Harpe3,y a jou un rle dcisif. Depuis ce temps-l, la Suisse bnfi cie jusqu nos jours dunrle exceptionnel au sein de lEurope. Entant quEtat neutre, entour dEtats ayant dcder une partie de leur souverainet en rai-son de leur appartenance une alliance, laSuisse peut toujours dcider de sa proprepolitique. Grce cette situation particu-lire, divers groupes de personnes perscu-tes pour des ra isons politiques en Europe sesont rfugies en Suisse au cours du XIXeetXXesicle.

    La tradition humanitaire de la Suisse

    Les rvolutionnaires sociaux russes, rvol-ts contre le rgime tsariste et poursuivis

    par la Tcheka, la police secrte tsariste, se

    sont souvent rfugis en Suisse. L, le sys -tme dmocratique les protgeait et la tra-dition humanitaire leur accordait refuge. Acette poque-l, Genve est devenu un centrede rvolutionnaires sociaux russes bnfi ciantdune grande libert en Suisse. Des reprsen-tants de lanarchisme russe tels Piotr Kropot-kine etMichael Bakounine agirent un certaintemps depuis la Suisse dans leur patrie. Desdirigeants desMenchevikitel Georgi Plekha-nov ou Vra Zassoulitch sinstallrent plus long terme en Suisse, tant donn quetous ceux qui sengageaient en faveur de ladmocratie taient poursuivis. La personna-lit la plus connue tait certainement Vla-dimir Ilitch Oulianov, nomm Lnine, quitrouva protection Genve et Zurich devantla police secrte russe, jusqu son retour enRussie en 1917.

    Des investisseurs suisses en Russie

    Aprs la fin de la Seconde Guerre mon-diale, les deux pays se sont efforcs nor-

    maliser leur relation. La preuve est quils

    ont entam en 1946 des pourparlers diplo-matiques. Lanne prochaine, la Russie et laSuisse clbreront le jubil de 70 ans de rela-tions diplomatiques.

    Depuis la Perestroka, entame parMikhalGorbatchev, les contacts entre la Russie etla Suisse se sont intensifi s dans tous lesdomaines de la cohabitation sociale. Aucours de la premire moiti du XXIesicle, laSuisse fait partie des plus importants inves-tisseurs trangers en Russie.4

    Medvedev loua le secret bancaire suisse

    La qualit des relations russo-suisse sestmanifeste aussi ces derniers temps. Lavisite offi cielle de deux jours de DmitriMedvedev en 2009 tait lexpression dunegrande estime envers la Suisse. Dans unde ses discours, il sopposa aux pressions

    sur la Suisse de quelques Etats de lUE etdes Etats-Unis, dfendit le secret bancairesuisse et le prisa en tant que droit prot-geant la personnalit. A lpoque, ctait

    le seul Etat qui prenait position aussi clai-rement en faveur de la Suisse. Lors de

    cette visite le chef dEtat Medvedev repritlide de Mikhal Gorbatchev, ddifierune architecture de scurit commune enEurope5, et il invita la Suisse y partici-per. Aujourdhui, les citoyens seraient heu-reux, vu la crise en Ukraine, sil y avait enEurope une architecture de scurit emp-chant les confl its ou aidant les rsoudre demanire pacifi que.

    Mmorandum dentente

    Lorsque en 2014, la Suisse prsidait lOSCE,elle seffora de prendre ce chemin versdavantage de paix en Europe. Grce lac-ceptation de la neutralit suisse, on a russi trouver une conciliation entre les partisdu confl it en Ukraine, dont les structuresde base taient aussi le rsultat de lengage-ment suisse. La Suisse est applaudie de tous

    pour son engagement, aussi du ministre desAffaires etrangres russe Sergue Lavrovqui, durant cette priode, a entam maintesreprises le dialogue avec des reprsentantssuisses, en particulier avec le conseiller fd-ralDidier Burkhalter.

    Depuis 2007, il y a le Mmorandum den-tente, qui vise le renforcement des relationsentre la Russie et la Suisse plusieurs che-lons. Les deux Etats tiennent un dialogueconstructif, et avec la signature de ce mmo-randum, les relations se sont intensifies.Cette proccupation est soutenue avec desdmarches politiques au Parlement suisse.Ainsi, Oskar Freysinger, conseiller nationalet conseiller dEtat valaisan, a par exempledpos une motion obligeant le Conseil fd-ral engager sans tarder des ngociationsavec la Russie en vue dun accord de libre-

    change.6Freysinger justifi e son intervention poli-

    tique par les rapports de longue date que laSuisse et la Russie soignent et par le fait quela Russie est partie intgrale de lEurope et nedoit en aucun cas tre isole.

    Des rencontres telles quelles ont eu lieuen marge de lAssemble de lUnion inter-parlementaire Genve sont trs souhaitableset peuvent fournir une contribution essen-tielle pour lentente des peuples et pour lapaix. 1 Kser, Knstler, Kommunisten; diteurs: Eva

    Maeder et Peter Niederhuser, Zurich 20092 Michail Schischkin:Die russische Schweiz, Zurich

    20033 Kser, Knstler, Kommunisten, p. 234 ibidem, p. 115 Michail Gorbatschow:Das neue Russland,

    Cologne 20156 Horizons et dbats, no24 du 22/9/15

    Lengagement de la Suissepour une cohabitation pacifi que des peuples

    Runions de travail bilatrales avec les prsidents des Parlements russe et suissepar Thomas Kaiser

    La coopration bilatrale porte sur un grand nombre de secteurs,

    les domaines techniques et notamment ceux de linnovation, de

    la recherche, de la sant et de lnergie offrant un potentiel tout

    particulier.

    Fromagers, artistes, communistes.40 histoires de vie russes-suisses

    de quatre sicles

    ISBN 978-3-0340-0950-8

    Horizons et dbatsBimensuel favorisant la pense indpendante,

    lthique et la responsabilit

    Pour le respect et la promotion du droit international,

    du droit humanitaire et des droits humains

    EditeurCooprative Zeit-Fragen

    Rdacteur en chefJean-Paul Vuilleumier

    Rdaction et administrationCase postale 729, CH-8044 ZurichTl.+41 44 350 65 50Fax +41 44 350 65 51

    [email protected]

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    ImprimerieNssli, Mellingen

    Abonnement annuel 168. frs/ 108. euros

    ISSN 1662 4599

    2015 Editions Zeit-Fragen pour tous les textes et les illustrations.Reproduction dillustrations, de textes entiers et dextraits impor-tants uniquement avec la permission de la rdaction; reproduction

    dextraits courts et de citations avec indication de la source Hori -

    zons et dbats, Zurich.

  • 7/23/2019 HD_27-28_2015.pdf

    4/12

    page 4 No27/28, 2 novembre 2015Horizons et dbats

    En t 2013, alors que les Etats-Unis, de pairavec la coalition des volontaires, se prpa-

    raient attaquer la Syrie, le pape Franoissadressa Rome, sur la place Saint Pierre, la foule lors dune veille pour la paix: Queles armes se taisent! La guerre signifie tou-

    jours lchec de la paix, elle est toujours unedfaite de lhumanit. Deux ans plus tard,lors de lintervention militaire russe en Syrie,la vrit de ce tmoignage na rien perdu deson intensit.

    Cependant la plainte des mdias et despoliticiens occidentaux au sujet de linterven-tion de la Russie est hypocrite et la vritreste sur le carreau. Cette hypocrisie ne sedirige pas seulement ( nouveau) contre laRussie, mais elle se dirige aussi contre tousceux qui veulent mettre un terme la guerreen Syrie et qui sont conscients de la ncessitdun effort commun et dans ce contexte lemot est appropri de la communaut mon-

    diale.

    Une tche pour la communaut mondiale

    Ce nest pas seulement le gouvernement russequi en est convaincu le discours du pr-sident russe devant lAssemble gnrale desNations Unies le 28 septembre 2015 NewYork, les efforts de la prsidence russe ausein du Conseil de scurit, le projet de rso-lution de la Russie pour le Conseil de scuritdu 1eroctobre 2015 et les prises de position duministre des Affaires t rangres de la Russiele prouvent maintes fois. Des voix prudentes,issues de lOccident, partagent galement cepoint de vue. Mais ces voix doivent se battrevigoureusement et sont menaces de seffon-drer dans la grle propagandiste de la nou-velle guerre froide. Il suffit de lire les mdias nimporte quel jour de la semaine pour sai-

    sir ce quil en est.

    Pas seulement des mdias avec unarrire-plan transatlantique

    Exemple, le 22 octobre 2015: le lendemainde la visite du prsident syrien Moscou,les commentaires mordants dans les quo-tidiens allemands semblent se mettre aupas. Peu importe quil sagisse du quoti-dien soi-disant conservateur Die Welt, dela tageszeitung se dclarant alternativede gauche, de la Sddeutsche Zeitungsoi-disant du centre-gauche, ou du Han-delsblatt, journal prtendument cono-

    mique libral leurs critiques npargnentpas la tentative du prsident russe, en com-mun avec le prsident syrien, de mettre fin la guerre civile dans ce pays en dtresse.On nhsite mme pas rendre la Russie

    responsable du problme des rfugis auProche-Orient. A qui viendrait-il lideque ces mdias sont impliques dans desrseaux transatlantiques?

    mais aussi des voix en faveur dunecollaboration avec la Russie

    Mais peu de temps aprs, on entend dansleDeutschlandfunkdautres sons de cloche,non pas par la station elle-mme mais parses partenaires dinterview.Jochen Hipplerde lInstitu t fr Entwicklung u nd Frieden de lUniversit de Duisburg trouve: Il esttrs probable quon ne pourra pas rsoudrele problme de la Syrie sans Assad. Cenest pas seulement Vladimir Poutinequien est convaincu; galement lOccidentcette ide semble simposer de plus enplus. Et Hippler dajouter: Lopposition,

    les insurgs sont totalement fractionns,sattaquent en partie mutuellement. Et puisnous avons lEI qui guette encore larrire-plan. Sans alternative politique, sans savoirqui peut prendre la relve, labdiction dela dictature relve plutt du domaine dela rthorique que dun concept politique.Le mme matin, Deutschlandfunk donneaussi la parole Harald Kujat .Kujat futinspecteur gnral de la Bundeswehr etavait la prsidence du comit militaire delOTAN. Tout au contraire des mdias, pourlui, lintervention militaire russe en Syriereprsente un signe despoir: Je pense que

    nous avons actuellement un dveloppementqui fait au moins penser que la raisonsimpose. Quelques jours auparavant,le 10 octobre, la Deuts chl an dra dioKultur, lancien inspecteur gnral de la

    Bundeswehr avait amplement pris positionau sujet de la Syrie. Kujat, confrontau fait que lOTAN critique vivementloffensive russe en Syrie rappelle: Jerecommanderais ici plus de calme.Concrtement, il rpond laffirmation dugouvernement turc que des avions russesauraient pntr d ans lespace arien turc.LOTAN avait avanc une critique acerbe.Kujat par contre: Je recommande de nepas dgnrer ici ni sur le plan verbal nimilitaire. La Turquie, en particulier, estenclin faire de sorte que lOTAN doive semontrer solidaire de la Turquie et sinvestirdans sa dfense. Je pense quil faudrait treprudent avec de telles dclarations. Comme

    je viens de le dire, le dsarmenent verbalest actuellement de mise. Et Kujat decontinuer: La Russie na aucun intrt

    attaquer la Turquie.

    Lancien gnral Kujat: lexigence dunretrait immdiat dAssad est aberrante

    Kujat prcise quil y a des intrts com-muns de lOccident et de la Russie en Syrie:la lutte contre lEI. Mais pour cela il fautaussi des troupes dployes sur le terrain, etcelles-ci ne peuvent tre mises dispositionque par le prsident Assad. Selon Kujat lexi-gence occidentale quAssad devrait daborddmissionner est aberrante. En outre, elle estoppose aux dcisions des confrences inter-nationales: Ctait une position sur laquelle

    on stait largement mis daccord en 2012 [Genve]. En fait, il ne sagit pas dune situa-

    tion totalement nouvelle. Au fond, il ne fautque retourner ce quon avait dcid raison-nablement ce moment-l.

    Kujat nest pas porte-parole du gouverne-ment russe. Il lui reproche mme de suivreses propres intrts en Syrie. Mais pour lui,la lutte contre lEI semble tre prioritaire,mettre un terme la guerre en Syrie: Onpeut chasser lEI hors de la Syrie. On pour-rait atteindre cela en commun avec la Rus-sie aprs que lOccident ait laiss aller leschoses, dixit Kujat.

    On peut rellment se demander pour-quoi au sujet de la Syrie les mdiaset les politiciens occidentaux ont dclan-ch une telle propagande antirusse. Pourles politiciens et les mdias occidentaux(jusqualors dominants) la lutte contre laRussie passerait-elle avant la lutte contre

    lEI? LOccident a-t-il mme activementpromu lavance de lEI? Les indices sontmultiples. Cest entretemps un fait reconnuque le gouvernement turc et quelques gou-vernements arabes appartiennent aux pro-moteurs de lEI. Quelle est la part desgouvernements des Etats occidentaux?

    Dans un monde multipolaire: dialoguesur un pied dgalit des Etats la table

    de ngociation

    Nest-ce pas une dclaration de banqueroutejurid ique et morale que de faire en secretchose commune avec un rgime commelEI seulement pour imposer sa proprepolitique de force et ses propres buts imp-riaux? La caste politico-mdiatique res-ponsable de cette politique ne devrait-ellepas rentrer dans le rang et cder la place

    une autre politique sorientant aux valeursauparavant dterminantes pour la com-munaut mondiale et le droit internatio-nal? Le monde en est encore bien loin. Lesanciennes puissances ne sont pas encoreprtes accepter que le monde est en trainde devenir multipolaire. Et que dans unmonde multipolaire, il ny a quun seul che-min acceptable: celui du d ialogue honnteet sur un pied dgalit des Etats et de leursgouvernements la table de ngociation.Ainsi limpratif du pape, Que les armesse taisent, aurait une chance de se rali-ser.

    La Russie, lOccident et la guerre en Syriepar Karl Mller

    rt. Alors que chaque mouvement militai re etnon-militaire de la Russie est agrandi commesous un microscope, classifi dagressif etgonfl par les mdias, linstar actuellementde la Syrie, les Etats-Unis et lOTAN (y com-pris quelques Etats du dit Partenar iat pour laPaix) encerclent le pays militairement. Quo-

    tidiennement, des armes, des munitions et dessoldats sont rapprochs des frontires de laRussie. Les allis dEurope occidentale sontrarms avec des ogives nuclaires de la der-nire gnration (cf.Horizons et dbatsno25du 5/10/15). Le champ de bataille futur nese trouve certainement pas aux Etats-Unis ou Washington, mais visiblement en Europe.Cest pourquoi il est comprhensible, que lesEtats-Unis continuent impitoyablement leurstratgie dencerclement aussi aux dpens deleurs all is.

    Voici juste quelques-unes des activitsmilitaires des derniers mois, ayant toutes trendues publiques: En Gorgie, on a inaugur un nouveau

    centre dentrainement de lOTAN pour desofficiers danois, lettons, lituaniens et nor-vgiens. La Gorgie est un Etat l imitrophe

    de la Russie et nest pas encore membrede lOTAN. Le gouvernement russe a pro-test en vain contre cette extension orien-tale secrte de lOTAN.

    Le US-Marines Corps a doubl sa prsencedans la mer Noire sur la cte de laBulgarie.Les armes et les munitions sont transportespar train en passant par Bremerhaven. Laprsence de btiments de guerre dans la merNoire cest--dire aussi devant la cte de

    la Russie a t renforce. Des manuvrescomme Sea Breeze en septembre, avec laparticipation de soldats allemands, ont lieudirectement devant la cte russe.

    Dans le cadre du Open Skies Treaty de2002, cr comme mesure pour renforcerla confiance mutuelle, la Sudea pu entre-

    prendre jusquen aot des vols de recon-naissance en Russie. Cela a t accord parle ct russe.

    La Sude a fortement augment sesdpenses en armement. Entre autre, onprocde lachat de missiles de croisirequi seront dirigs vers la Russie.

    LaLituanie renouvelle sa dfense antia-rienne.

    Dans largion de la mer Baltique, desavions de lOTAN patrouillent depuis uncertain temps dj. Actuellement, se sont4 Eurofighter allemand et 4 Saab JAS 39 CGripen hongrois.

    Sur le plan politique, leJapona contrela majorit des citoyens pos des jalonspour transformer son arme purementdfensive en une arme dintervention.

    EnAllemagne, cest contre la volont dune

    grande majorit de la population, quon atransform la Bundeswehr au cours deces dernires annes en une arme din-tervention puissante (cf. Jrgen Rose,Deutschlands neue Wehrmacht. In:Inter-national. Zeitschrift fr internationalePolitik. No3/2015)

    Les Etats-Unis veulent augmenter de 50%leurs interventions de drones jusquen2019.

    Le contre-torpilleur missiles guidsUSS Donald-Cook et ses trois bateauxsimilaires sont entrs en Mditerrane.Avec les boucliers antimissiles placsen Pologne et en Roumanie et un radardalerte rapide plac en Turquie ainsi quele poste de commandement de Ramstein

    en Allemagne, ils serviront dcran deprotection europen. Actuellement, se prpare dans la rgion

    mditerranenne lune des plus grandesmanuvres de lOTAN des 10 derniresannes: Trident Juncture. On y testeragalement la nouvelle troupe dinterven-tion ultrarapide de lOTAN.

    On pourrait sans autre continuer la liste avecdautres exemples actuels. Les pressions mili-taires sur la Russie continuent daugmenter.Dans cette liste, les activits non-militairesappartenant la guerre hybride, dstabili-sant le pays depuis de longues annes, nontpas t incluses.

    Il se pose la question srieuse: o restentles protestations des reprsentants du peuplecontre cette stratgie de va-t-en-guerre? Osont les politiciens de tous les camps poli-

    tiques en Europe, voulant se dfendre contrecette remilitarisation des relations internatio-nales? Nous citoyens, devons-nous nous lais-ser conduire labattoir sans broncher?

    En mme temps, on occupe les peuplesen Europe avec des vagues interminables derfugis. Leur apparition si subite demandeune explication plus prcise. En outre, lAl-lemagne, en ralit intresse une bonnecohabitation avec la Russie, est occupe

    avec un scandale de gaz dchappementtouchant un des plus grands employeurs dupays.

    Les citoyens doivent galement prendreconscience du fait que les services secretsamricains manifestement avec le concoursdes services secrets allemands espion-

    naient et espionnent toujours toutes les acti-vits importantes de leurs allis. En outre,le public apprend quon prvoit dannulerses droits dmocratiques suite un prtenduaccord de libre-change ngoci huis-closentre les Etats-Unis et lUE (TTIP).

    Dans une telle situation, les politiciens enEurope sont plus que jamais appels assu-mer leurs responsabilits et mener des pour-parlers srieux avec la Russie pour dtendrela situation et favoriser la coopration co-nomique. Pour cela, ils devraient rechercheractivement du soutien galement aux Etats-Unis. L aussi, il y a des cercles influentsvoulant viter tout prix de crer de nou-velles tensions avec la Russie.

    Toute activit visant le rapprochement,la coopration ou la collaboration, doit tresoutenue. Ainsi, il faut saluer notamment les

    entretiens de Vienne au sujet de la crise enSyrie, la toute rcente cration dune nou-velle plate-forme conomique par lUniondes industriels russes (RSPP), lassocia-tion du Mittelstand Delowaja Rossija, laCommission du commerce avec lEst de laChambre dindustrie allemande (OA) etla Chambre de commerce germano-russe(AHK) et pas seulement du point de vueconomique!

    Mieux vaut cooprer que de crer des tensions avec la RussieLEurope ne doit pas devenir un champ de bataille

    Nest-ce pas une dclaration de banqueroute juridique et morale

    que de faire en secret chose commune avec un rgime comme

    lEI seulement pour imposer sa propre politique de force et ses

    propres buts impriaux? La caste politico-mdiatique responsable

    de cette politique ne devrait-elle pas rentrer dans le rang et cder

    la place une autre politique sorientant aux valeurs auparavant

    dterminantes pour la communaut mondiale et le droit interna-

    tional?

  • 7/23/2019 HD_27-28_2015.pdf

    5/12

    No27/28, 2 novembre 2015 page 5Horizons et dbats

    Cette 13erunion du Forum de Rhodes, surlle de Rhodes au carrefour de civilisations,a runi une fois de plus des personnes de plusde 50 nations reprsentant une varit decultures et de traditions.

    Tous les participants ont t unanimesdans leur engagement rechercher de nou-

    veaux moyens pour surmonter le dsordremondial contemporain limmense souf-france humaine conscutive aux conflitsmilitaires, aux crises conomiques ou ladislocation sociale et la destruction de lenvi-ronnement. En partageant de nouvelles ideset expriences du monde entier, le Forum adbattu dalternatives allant au-del des ido-logies dominantes et des systmes de gouver-nement. La solution ces problmes est laralisation que le chaos actuel nest ni nces-saire ni normatif et que seul un humanismespirituel peut transcender la logique de lin-galit et de la violence et aller vers plus de

    justice et de paix.Le Word Public Forum Dialogue of Civi-

    lizations(WPF-DoC) [Forum public mon-dial Dialogue entre les civilisations] atoujours dfendu la diversit irrductible des

    civilisations et soutenu les ides pluralistes auservice du dialogue interculturel et inter-civi-lisationnel. Etabli sur une tradition de quinzeans, le Forum de Rhodes cherche offrirune analyse riche et rigoureuse du monde telquil est en dehors des catgories classiquesincapables de saisir lexprience vcue et laralit qui confronte aujourdhui les indivi-dus travers le globe.

    Aprs 1945, la cration de lOrganisa-tion des Nations Uniestait au cur duneffort concert visant garantir pour toutesles nations un avenir sans guerre. 70 ans plustard, nous sommes profondment proccu-

    ps par la persistance de conflits anciens etlapparition de nouvelles guerres. Suite unevolution associe au passage de menacesclassiques, clairement identifies, vers destypes nouveaux darmements, il apparat deplus en plus une fusion entre la force phy-sique (comprenant de nouveaux quipements

    tels que les drones et les robots) avec des tac-tiques subversives (comme la dsinforma-tion, la cyberguerre, les forces irrgulireset la tromperie dlibre). Cette volu-tion vers une guerre hybride a pour effet debrouiller les lignes entre les sphres civileset militaires, entre les Etats et les acteursnon tatiques ainsi que tactiques classiqueset irrgulires. Cette guerre hybride repr-sente la version contemporaine de la guerretotale, qui vise non seulement atteindre lavictoire militaire, mais aussi dfaire les sys-tmes politiques et sociaux des Etats. En tantque telle, elle empche les efforts visant parvenir un rglement pacifique par le dia-logue entre les parties belligrantes et dtruitle tissu mme dun ordre mondial bas sur lacoexistence de nations souveraines.

    Au cours du Forum de Rhodes de 2015,

    une attention particulire a t porte lAsiede lOuest et lAfrique du Nord (WANA)[Cest le sigle pour ces pays et leurs rgions,avec lequel ils se distancient de termeProche- et Moyen-Orient illustrant lepoint de vue des forces coloniales occiden-tales, ndt.]. Les guerres font rage dans aumoins quatre pays de la rgion, des dizainesde milliers de personnes ont t tues, etdes millions dautres ont quitt leurs mai-sons par crainte pour leur vie. La monte degroupes terroristes tels Al-Qada, Daeshet

    Jabhat al-Nusra ciblant les musulmans etles non-musulmans suggre que le monde

    est confront une guerre contre la barbarie,et non pas un choc des civilisations [clashof civilizations]. La lutte contre les bar-bares tuant des hommes, des femmes et desenfants innocents est une bataille en faveur dela civilisation des civilisations anciennes,des terres ancestrales et des traditions mill-

    naires comme les diffrentes communautsreligieuses telles que les chrtiens dOrientet les Yzides qui sont confronts un choiximpossible: la conversion force, lexpulsionou la mort. Nous sommes convaincus que detels conflits et dautres similaires ne peuventpas tre rsolus par les seuls moyens mili-taires mais exigent des rglements politiquesqui refltent les ralits culturelles. Nous fai-sons cho aux rcentes dclarations du PapeFranois: La guerre apporte seulement des-truction et multiples souffrances, espoir etprogrs ne peuvent venir que de la paix. Lesparties concernes doivent largir leurs hori-zons au-del des intrts immdiats et utili-ser le droit international et la diplomatie pourrsoudre les conflits actuels.

    Cet esprit stend galement dautresdomaines tels que lconomie, la socit et

    la nature, o un systme et un tat despritno-colonialiste sous-tendent les pratiquesdexploitation que nous observons dans lemonde entier. Ce qui est requis, ce sont denouveaux modles de dveloppement inclu-sifs et quitables qui peuvent mener laprosprit future lpanouissement indivi-duel et lenrichissement mutuel. Par cons-quent, lobjectif des politiques conomiques,financires et de dveloppement devrait tre:la prosprit partage pour tous et pas seu-lement pour les petites lites mondiales etnationales. Tel tait les objectifs du Mill-naire pour le dveloppement et sa strat-

    gie holistique sous-jacente dfinis par lesNations Unies, qui inclut dsormais uneplus grande attention sur la rsilience co-logique. Malheureusement, les organisa-tions internationales qui devraient jouer unrle-cl dans ce processus chouent trop sou-vent favoriser une croissance conomique

    durable ou crer suffisamment demplois.Nous les appelons prter plus dattention lconomie relle, en particulier les micro,

    petit es et moyennes entreprises (MPME)ainsi quaux personnes qui vivent dans unepauvret abjecte ou luttent pour joindre lesdeux bouts.

    Nous sommes galement proccups parla politique de certains pays tendant crerdes modles de socits se concentrant uni-quement sur la satisfaction de dsirs gostes,ignorant les besoins des autres ou le sort de laplante en gnral. Nous sommes solidairesavec tous ceux qui considrent la famillecomme une institution sociale et culturellefondamentale qui est la base de lpanouis-sement humain et de la civilisation commeindiqu dans laDclaration universelle desdroits de lhommede lONUen 1948, les

    Constitutions de plus de 100 pays et gale-ment explicit dans les saintes critures dediffrentes traditions religieuses.

    Au cours de six sances plnires et cinqateliers, le Forum de Rhodes a dbattu de pro-blmes dactualit tels que la crise migratoireet de problmes plus long terme concer-nant la scurit europenne, limportance desmdias numriques, le rseau des coles dudialogue ainsi que les cultures, lhistoire etlavenir de la Chine et de la Russie. Source: http://wpfdc.org/about-us/activities/events/19528

    (TraductionHorizons et dbats)

    Il faut de nouveaux modles de dveloppement inclusifs et quitablesRemarques finales du Forum public mondial Dialogue entre les civilisations,

    loccasion du 13eForum annuel de Rhodes

    La contribution ci-dessous ne donne quunepremire impression. Les diffrents podiumset contributions se trouvent en Lifestream surle site du World Public Forum ladressewww.wpfdc.org.

    Du 8 au 11 octobre 2015, sest droul sur llede Rhodes le 13eCongrs annuel du Forum

    public mondialDialogue entre les civilisa-tions (World Public Forum Dialogue ofCivilizations [WPF]).Paralllement, noussommes confronts quotidiennement desnouvelles catastrophiques concernant lesflux de rfugis, les crises conomiques, lesconflits arms interminables en Ukraine, enSyrie et sur le continent africain et enfinaussi la situation misrable dans laquellevivent les habitants de la Grce.

    Lors de notre trajet de laroport au centrede congrs, notre chauffeur de taxi nousexplique, dans un excellent allemand (sesgrands-parents ont travaill en Allemagne),que la Grce ne pourrait plus subsister sans

    les revenus provenant du tourisme des les.Rhodes, par exemple, ne dispose pas dagri-culture, hormis la culture des oliviers, etne vit que du tourisme. Sa femme travaille12 heures par jour, lui 14 et parfois 16 heurespour nourrir leur petite famille avec deuxenfants. Le systme de sant grecque est tota-lement dficient: presque personne ne peutsoffrir une assurance maladie. Quiconquedoit aller lhpital, doit payer lui-mme,ce qui est impossible pour la majorit de lapopulation. Nous passons prs de btimentsen ruine. Notre chauffeur nous expliquequentre 2000 et 2005, les banques avaientappel les habitants par tlphone pour leuroffrir des crdits. Il suffisait de passer labanque pour y dposer sa signature afin dob-tenir 250 000 euros. Et il ajouta quil connais-sait de nombreuses personnes ayant fait ce

    pas et se retrouvant maintenant profondmentendetts.

    Laccueil dans notre htel fut particulire-ment chaleureux et hospitalier.

    Selon la tradition, la crmonie dou-verture se tint dans la cour intrieure delancienne forteresse du Grand Matre delOrdre chevaleresque de Saint-Jean. Lespremiers participants prsents, environ300 personnes, furent salus par le mairede Rhodes M. Chatsidiakos. Il exprima lesmrites de ce congrs quil avait lhonneurdaccueillir Rhodes pour la 13efois dj.Puis, il y eut les allocutions de bienvenuede la part du Mtropolite de Rhodes et duprsident du Forum public mondial Vladi-mir Yakounine.

    Il fut rconfortant de voir quenviron400 participants et dlgus venant de plus

    de 50 pays de toutes les parties du mondetaient prsents pour aborder les questionsurgentes concernant la situation mondialeactuelle. Le programme prvoyait six tablesrondes munies dexperts renomms et des

    ateliers pour analyser les causes et les solu-tions possibles.

    La runion dbuta par les interventions

    de Vladimir Yakounine, prsident du Forumpublic mondial, de Cynthia McKinney,ancienne dpute au Congrs des Etats-Unis,de Kanval Sibal,ancien ministre indien desAffaires trangres, de Yoannis Amanatidis,vice-ministre grec des Affaires trangres, de

    Nikos Xydakis,vice-ministre grec des affairesde lUE et dAlfred Gusenbauer,ancien chan-celier fdral autrichien.

    Vladimir Yakounine plaa au dbut de sonintervention la position thique du Forumpublic mondial en dclarant quil sagissaitde dvelopper le pluralisme dans le monde. Ilexpliqua que face au choc des civilisationsde Huntington et de ce que lOccident enavait accompli au niveau gopolitique avecses guerres, le Forum public mondial plaaitle dialogue entre les civilisations.

    Laccent est mis principalement sur les

    points communs et lgalit des civilisationset moins sur les diffrences. Les buts, lesmoyens et les instruments du dialogue entreles civilisations dpassent de loin le cadre duseul intrt scientifique ou de la recherche.

    Cela est d au fait que le maintien de la paixentre les pays et les peuples dpend de lef-ficacit et de la prcision des mcanismes

    visant dvelopper la comprhensionmutuelle et une atmosphre de confianceentre les partenaires du dialogue indpen-damment du fait quil sagisse dinstitutionsintertatiques, dorganisations non-gouver-nementales, dassociations transnationalesou de personnalits individuelles. Les fac-teurs principaux dterminant lefficacit dela coopration et du partenariat entre les civi-lisations sont essentiellement lis au dialoguedgal gal et du respect mutuel.

    Le Forum public mondial voit dans cetteapproche du dialogue entre les civilisationsla seule alternative pour opposer quelquechose de valable au chaos rgnant dans lemonde sous forme de conflits et crises de tousgenres et de parvenir des rsultats solides etdurables.

    Yakounine voit une diffrence fondamen-

    tale entre lEst et lOuest: lOccident (lesEtats membres de lOTAN) suit la thorie delinvitabilit des conflits, ce qui conduit sou-

    Forum de Rhodes 2015 Le monde au-del du chaos mondialImpressions de la confrence

    par Eva-Maria Fllmer et Erika Vgeli

    Suite page 6

    Tables rondes: Pour un avenir commun et fructueux :

    une politique conomique et finan-cire en faveur dun dveloppementinclusif et quitable

    WANA (Asie occidentale et Afriquedu Nord), quelles perspectives?

    Le nouveau danger: les guerreshybrides, un nouvel instrument pourles renversements de rgime

    Les valeurs de la famille sont le fonde-ment pour le dveloppement durablede la civilisation humaine

    Lavenir des institutions internatio -nales de dveloppement: dfis etopportunits

    Ateliers: Pass et prsent de la scurit euro-

    penne valus du point de vue dudialogue entre les civilisations

    Mdias numriques, transition num-rique et Internet des choses

    Projet dun rseau des coles favori-sant le dialogue entre les cultures

    La Chine et la Russie: histoire et ave-nir

    La crise migratoire actuelle: causes etsolutions en Europe et lextrieur

    Le prsiden t du World Public Forum Dialogue of Civilizati ons Vladimir Yakounine lors de laconfrence de presse. (photo ev)

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    page 6 No27/28, 2 novembre 2015Horizons et dbats

    vent des interventions militaires, tandis quelEst interprte les guerres comme le rsul-

    tat dune politique errone. Pour illustrer sespropos, il cite les paroles du Premier ministrebritannique,David Cameron, lors dune ru-nion Manchester, o il a dclar que luti-lisation darmes nuclaires tait entirementlgitime.

    Et lintervenant de continuer en disantquil tait erron de croire quil ny avait pasdalternative. Il sagit de crer, sur la basede la confiance, une collaboration par le dia-logue entre les Etats. Il existe une troisimevoie de lvolution dans le monde, au deldu nolibralisme et du collectivisme/autori-tarisme. Dans un monde marqu par des aspi-rations lhgmonie, des guerres hybrideset une oligarchie nolibrale, il sagit dim-poser le dialogue, un dialogue justifi entreles cultures et les Etats dgal gal.

    Yakounine critiqua de manire pertinente

    la politique interventionniste occidentale:Nous avons vu quun monde, domin parune seule civilisation, ne fonctionne pas. Lesconflits rcents en Afghanistan, en Irak, enLibye et en Syrie sont la preuve de lchec dela politique trangre interventionniste prati-que par lOccident. Ltat actuel des conflitsdans le monde illustre que le dialogue inter-culturel est indispensable.

    Il compara le post-modernisme connaissant aucune continuit historique,aboutissant lisolation des tres humainset orient uniquement sur la consomma-tion avec les milices terroristes. Contre

    les deux mouvements, il faut une opposi-tion trs claire.

    Puis, il mit laccent sur limportance dela famille en tant que quassociation dtreshumains. Dans le monde, tout est solidement

    li lun lautre: la crise dune civilisationest galement une crise pour les autres civi-lisations.

    Grande diversit des sujets

    La grande diversit des sujets traits lors dece congrs est illustr par un bref aperu dequelques-unes des nombreuses autres inter-ventions.

    Le vice-ministre grec des Affaires tran-gres Yoannis Amanatidis dmontra quelvolution de la dmocratie permettaitdamliorer la paix. Les religions devaientretourner leurs tches essentielles. Le butest le vivre-ensemble en prosprit et en paix.

    Lancienne dpute du Congrs amri-cain Cynthia McKinney plaida en faveur desvaleurs fondamentales qui la guident sur sonchemin sem dembches du dbat politique

    en faveur de la paix: la vrit, la ralit qui-table, la paix et la dignit. Tout un chacundoit tenter de participer la solution et nonpas au problme.

    Lancien chancelier fdral autrichienAlfred Gusenbauercritiqua clairement lat-titude prvalant dans les rapports avec laGrce: dune part, on contraint ce pays rduire son budget public et dautre part, onle somme dentreprendre dnormes travauxadministratifs pour enregistrer les rfugis.

    Et Vladimir Yakouninedajouter que dansle pass les dcisions conomiques taient chaque fois prises trs soigneusement tandis

    quaujourdhui, tout va trs vite, le mondenumrique avec ses paiements lectroniquesnexiste que pour slever au-dessus desautres.

    Yayati Ghosh, professeur dconomie

    lUniversit de New-Delhi, stonna dugrand tapage en Allemagne provoqu par leproblme des rfugis: la migration existedans de nombreux pays du monde entierdepuis de longues annes. Laspect man-quant dans les dbats ce sont les causes: lamondialisation de lconomie empche ledveloppement, elle parla mme dune vri-table artillerie financire (financial artil-lery). Lattitude prvalant concernant laproprit intellectuelle (intellectual property)empche galement le dveloppement. Aprsplusieurs annes de colonisation des menta-lits, la dcolonisation est donc dactualit.On ne peut pas continuer de placer le capi-tal au-dessus de ltre humain, il nous fautla dmocratisation de la proprit intellec-tuelle et du contrle du systme financier et,dans lensemble, une dcentralisation mas-

    sive. L, les communes ont un rle impor-tant jouer.

    Richard Falk, spcialiste bien connu dudroit international et ancien envoy spcialdu Conseil des droits de lhomme de lONU,se demanda comment les tres humains pou-vaient russir mobiliser la volont popu-laire, en prcisant que tout dpendait de cela.Il ajouta quil fallait absolument stopper lamilitarisation car le pouvoir militaire navait

    jamais gagn de guerre.Hans Kchle r, philosophe du droit

    renomm et prsident de la Internatio-nal Progress Organization insista, face aux

    guerres hybrides, sur la ncessit de ne pasngliger les questions de moralit et de com-patibilit avec le droit international si lonveut rellement sengager en faveur dunordre mondial quitable et stable.

    Le vice-directeur du dpartement dela politique scuritaire au sein du minis-tre autrichien de la Dfense Gustav Gus-tenauaborda la contribution de lAutrichedans le pass et dans lavenir de la scuriteuropenne. Il expliqua que lAutriche avaitlongtemps suivi la voie de lUE sans analy-ser elle-mme la situation. LAutriche parais-sait longtemps tre lallie de lAllemagne.En ralit, le pays dveloppe un partenariatstratgique avec la Russie ce qui permet unbon dialogue et des contacts rguliers. Gus-tenau plaida pour que les autres Etats euro-pens recommencent galement laborerleurs propres positions.

    La Nigrienne Theresa Okafir, directricede la Fondation pour lhritage culturelleafricain (Foundation for African CulturalHeritage), prit clairement position contre la

    thorie du genre prne travers le monde:ce qui proccupe vritablement les parents

    jour et nuit, ce nest pas le gendrismemais la sant morale et physique de leursenfants.

    A la fin de ce congrs de trois jours, lesparticipants taient tous daccord quil esttout fait possible de lutter contre le chaoset lanarchie dans le monde. Pour rsoudreles conflits et les crises, il est ncessaire detrouver de nouveaux procds pour sattaquer la racine du problme de la dstabilisation lintrieur des pays pour pouvoir ensuiteprendre la voie vers un monde meilleur.

    Forum de Rhodes 2015 suite de la page 5

    Le Ymen est mis feu et sang par uneguerre impitoyable. Depuis six mois,lArabie saoudite et les Etats du Golferecouvrent le pays le plus pauvre du mondearabe de bombes pour le faire retourner

    lAge de la pierre. Ils prtendent vou-loir rendre au prsident officiel Hadi lecontrle de tout le Ymen et repousserlIran, sous prtexte de sa participation linsurrection des Houthis. Lengagementdes avions de combat saoudites se fait sansgards pour la population civile du Ymen.Les bombardements font plutt penser un massacre cibl des Houthis shiites quune opration militaire rflchie. LArabiesaoudite mnerait-elle un gnocide contreune population dune croyance diffrentesous la couverture dune opration mili-taire?

    Plus de 5000 personnes sont mortesjusqu prsent , surtou t des civi ls. Plusde 25 000 blesss et parmi eux des milliersdenfants. 21 millions denviron 26 millionsde Ymnites dpendent de laide internatio-

    nale, 6,5 millions souffrent de la faim et plusde 2 millions denfants sont menacs de sous-nutrition.

    Mais aussi les plus anciens trsors cultu-rels de la pninsule arabe des partiesimportants du patrimoine mondial sontdtruits.

    Cependant aucune indignation mondiale

    ne se fait entendre. Face la catastrophe desrfugis syriens qui fait actuellement la Unedes mdias, on ne peut qualifier ce silenceque dhypocrisie. De plus, les Etats-Unis sou-tiennent cette agression de la part de lArabiesaoudite. Dans cette guerre, comme dans tantdautres, le principe du droit international dela responsabilit de protger est dvie en soncontraire. Ce principe devrait rendre possibleune intervention de la communaut interna-tionale pour empcher des crimes contre les

    populations civiles. Mais cette fois, le gou-vernement officiel du Ymen (cest--dire le

    prsident Hadi) fait bombarder son proprepays depuis son lieu dexil.

    Lactuelle Rpublique du Ymen a une sur-face de 530 000 km2, peu prs une fois etdemie la surface de lAllemagne. Cest un

    Etat arabe, lislam est la religion dEtat et labase de sa jurisprudence se fonde, selon lar-ticle 3 de la Constitution, sur la sharia. La

    capitale Sanaa est situe 2300 mtres audessus de la mer. Son ancienne et magnifiqueville fait partie du patrimoine de lhumanit.

    Dautres villes importantes sont Aden, Taizz,Hodeda et Machala.

    Le Ymen a plus de 25 millions dhabi-tants et il a, contrairement ses Etats voi-sins, une population trs dense. Avec untaux de fcondit de 6 enfants par femme en2009, la population grandit trs rapidementet elle aura doubl jusquen 2030. Le Ymenfait partie des pays les plus pauvres des paysarabes. 42% de la population vivent en-des-sous du seuil de la pauvret. Dans leHuman

    Development Index, le Ymen se trouve

    la place 154 de 177 pays. Dans le HumanPoverty Indicator,il se trouve la place 76de 85 pays.

    Dans le Nord, le Ymen possde une fron-tire commune avec lArabie saoudite, lEstavec le Sultanat dOman et il est confindeux mers: louest, la mer Rouge et ausud, au Golfe dAden faisant partie de locanIndien. Face au pays, sur la cte africaine, setrouvent lErythre, Djibouti et la Somalie.

    Les habitants des montagnes du Nordsont des chiites zaydites et dans les plainesctires du sud et de lest du pays vivent les

    Le YmenCatastrophe humanitaire et destruction du patrimoine mondial

    par Georg Wagner

    Bilqis, la reine de SabaSelon la tradition, Bilqis, reine de Saba,vivait et rgnait dans un pays parsem de

    jardins fleuris, envahi deffluves dencenset de myrrhe, tout cela dans une richesseincomparable. Lnorme barrage Maribfait toujours partie des merveilles crespar les humains sur cette terre. Le pre-mier empire arabe de Saba exista duXe sicle avant J. C. au IIIe sicle aprsJ. C. Les colonnes des temples Baranet Adam, ainsi que les vestiges du bar-rage long de 600 mtres et haut de 17mtres, dont les cluses dirigeaient leau

    venue de la rivire Wadi Adhana dansles champs, reprsentent cette antiqueet grande culture de lArabie du Sud. Lebarrage dura mille ans. Lorsquil seffon-dra en 600 aprs J. C., cela dclencha unenorme vague migratoire de lArabie duSud vers les rgions voisines, telle quelArabie saoudite actuelle.

    La route de lencens passait par Saba,partant de lInde et allant jusquenMditerrane. Dnormes richesses pas-

    srent par cette route, transportes pardes caravanes: de lencens, de lor, de lamyrrhe, des pierres prcieuses, du bois desantal et dautres biens prcieux. Dans lelivre des rois de la Bible on lit: Elle vint Jrusalem avec une grande suite, avecdes chameaux qui portaient des parfums,un norme quantit dor et de pierresprcieuses. []

    Lencens et la myrrhe taient transpor-ts par caravanes dans lensemble de largion mditerranenne, en Egypte, dansle Levant et dans lEmpire romain. Le

    commerce se pratiquait galement aveclAbyssinie, la Perse et lInde. Sanaa taitun vritable centre commercial avec unearchitecture toute particulire: de hautesmaisons troites, faisant penser desgratte-ciel prmaturs, appartiennentactuellement au patrimoine mondial.

    Lorsquon dcouvrit les alizs, la routepar la terre des caravanes commercialesperdit de son intrt et la richesse deSaba seffondra.

    Suite page 7

    Ymen au sud de la pninsule arabe. (photo wikipedia/CIA)

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    No27/28, 2 novembre 2015 page 7Horizons et dbats

    Sunnites chafiites. La plupart des Ymnitessont des paysans vivant de lagriculture etde llevage. 70% de la population vit dansdes villages. On y cultive du caf, du bl,des fruits et des lgumes ainsi que du millet.Malgr cela, la production du pays ne couvrequun quart des besoins de la population, cequi fait que le Ymen dpend de laide ali-

    mentaire internationale.Ptrole et gaz

    En comparaison avec les pays voisins, leYmen ne dispose que de petits gisementsde ptrole et de gaz naturel. Actuellement,les rserves se limitent des gisements prsde Marib, Shaba et Hadramaout. On sup-pose de nouveaux gisements entre autre dansune rgion attribue au Ymen suite au ra-

    justement de la f rontire avec lArabie saou-dite. Toutefois, il faudrait des investissementsconsidrables dont la rentabilit nest pasassure. Car dans la rgion, lIran, les Emi-rats arabes unis produisent dj des quantitsconsidrables de gaz naturel liquide.

    Plusieurs socits ptrolires sintressentau Ymen, comme la socit franaise Total,les amricainesHunt OiletExxon ainsi que

    Kyongde la Core du Sud.En 2009, un terminal pour le gaz naturel

    a t mis en service Balhaf afin de pouvoirexporter du gaz liquide. Les revenus de lex-ploitation de ptrole et de gaz reprsententtrois quart du revenu du pays et un quart duPIB.

    La drogue Qat

    La spcialit de lagriculture ymnite est laculture des buissons de qat. Ses feuilles frai-chement cueillies sont mches pour les uti-liser ainsi comme drogue. Laprs-midi, lesYmnites se retrouvent pour mcher le qatet pour discuter ensemble. Cela fait partie dela culture ymnite et reprsente une vritablecoutume sociale. Le qat a des effets eupho-risants et rprime la faim, mais il est aussicause danxits et dhallucinations. Lutilisa-

    tion du qat a beaucoup augment au cours desdernires annes, la culture savre payante,environ 15% de la population en vivent.Cependant, la culture du qat prend 30% de lasurface arable et exige environ 80% de lirri-gation artificielle, au dtriment de la culturede crales et de caf. Suite la forte aug-mentation de la consommation de qat, lac-tivit conomique du pays diminue et desproblmes de sant apparaissent. Lors de lamastication de pesticides sont absorbs.

    La Porte des lamentations

    Grce sa situation gographique au bordde la mer Rouge, le Ymen a toujours jouun rle important pour le commerce et,

    depuis la mise en service du Canal de Suezau XIXesicle, pour le contrle de la naviga-tion. En effet, par le dtroit de Bab el-Men-deb, la Porte des lamentations, passe unedes voies les plus importantes de la naviga-tion mondiale.

    Sur limage satellite, on reconnat lleymnite de Prim devant laquelle passent

    quotidiennement une cinquantaine debateaux. Ensemble, ils transportent plu-sieurs millions de barils de ptrole brut verslEurope et des centaines de milliers deconteneurs venant dAsie. Cette situationdimportance stratgique pourrait tre unegarantie de scurit pour le Ymen, mais mal-heureusement il nen est pas ainsi. De cette

    le, il ny a que 15 milles nautiques jusqula cte africaine. Le Ymen se trouve exac-tement en face de la Somalie, un pays o la

    guerre svit depuis 20 ans et duquel un grandnombre de personnes senfuit. Selon leHaut-Commissariat des rfugis de lONU 170 000rfugis vivent au Ymen, selon Sanaa, il yaurait 700 000 Somaliens sjournant dansle pays; le Ymen a bien ratifi la Conven-tion de Genve relative au statut des rfu-gis, mais le grand nombre de rfugis a desconsquences nfastes sur le march du tra-vail, le systme de sant et la scurit natio-nale. Car le manque de stabilit en Somalienengendre pas seulement un flux migratoiremais aussi une augmentation de la pirateriedans le Golfe dAden.

    Arabia felix Arabie heureuse

    Dans lantiquit cette partie de la pninsulearabe, le Ymen actuel, sappelait Arabia felix,lArabie heureuse, et cela cause du climat

    doux et de la fcondit des hauts plateaux suiteaux pluies de mousson. Deux fois par annese forment des rivires dchanes. Le long deces lits de rivires asschs, les Wadi, des oasisse formrent dans lesquels les tres humainssinstallrent au fil du temps et commencrent faire de lagriculture. Depuis le premiersicleavant notre re, ils construisirent des diguespour se protger des inondations. En outre, ilsdvelopprent un systme dirrigation artifi-cielle pour la culture de cocotiers et de dat-tiers, diverses varits de lgumes et des arbrespour la production des rsines aromatiques quesont lencens et la myrrhe.

    Depuis lantiquit les habitants de lArabiafelix taient des paysans sdentaires et nonpas des nomades. La tribu rgnait sur sonterritoire, protgeait les terres communes, lesroutes et les marchs. En raison de conflitsfrquents et de lexistence dun code dhon-neur pour les membres de la tribu, les pay-sans taient aussi des guerriers. Aujourdhuiencore les hommes ne se sparent jamais deleurJanbiya, un poignard lame courte etcourbe, port la ceinture comme symbole

    de lhonneur de la tribu.

    Les anciens royaumes du Ymen

    Au cours du temps les oasis mergentes sedvelopprent en petits royaumes. Certainessont peu connus, dautres par contre sontconnues dans le monde entier, tels Hadra-maout et Saba.

    Au IIIeet VIesicle de notre re, les Ethio-piens envahirent cette rgion avant quau VIesicle, les Sassanides perses ne chassent lesEthiopiens.

    Puis, aprs lavnement de lislam au VIIesicle, il y eut un tournant. A partir de 661, leYmen appartint au Califat des Umayyades.Partant de la Mecque et de Mdine, la pnin-sule arabe fut peu peu unifie. Prci-sons que le mot arabe de Yamin signifie droite, cest--dire le Sud en regardant le

    soleil levant depuis la Mecque. Aprs plu-sieurs sicles de rgne musulman, les tribusymnites regagnrent peu peu leur ind-pendance.

    Depuis le IXe sicle, plusieurs dynastiesgagnrent le pouvoir dans le pays. La dynastiela plus importante taient les zaydites qui fon-drent en 901 un imamat. Les zaydites sont unsous-groupe des chiites; ils rgnrent jusquen1962 sur les hauts plateaux du Nord. Leur ind-pendance fut aussi favorise par un essor co-nomique, car la voie maritime de lInde par le

    Mokka do nous est venu le caf

    Tout un chacun connat le terme Mokkaou tout au moins en a-t-il entendu par-ler. Mais quest-ce que le Mokka? Unevariante du cappuccino avec du choco-lat? Une certaine sorte de grains de caf?Une mthode de prparation tradition-nelle venant de lespace turc ou arabe?Toutes ces dfinitions demeurent cor-rectes, du fait quon utilise rarement unenotion de faon si varie. Non seulementon y trouve des concepts diffrents,mais lcriture elle-mme est diverse.Que ce soit Mokka, Mokha ou Mocha,toutes ces critures ont une mme ori-gine tymologique la ville de Mokka(en arabe al-Mukha). Elle se trouve ausud-ouest du Ymen, ct de la merRouge, juste 12 mtres au-dessus de lasurface de la mer et vient dune longuehistoire trs diverse. Les origines de laville viennent trs probablement de lan-cienne ville portuaire de Muza, qui dutse trouver au mme endroit ou tout aumoins proximit. Elle faisait alors par-tie de la fameuse route commerciale laplus importante au monde, dite la Routede la soie.

    A la fin du XVesicle, Mokka joua unrle primordial dans le commerce mon-dial, notamment en ce qui concerne lecaf. En un premier temps, les grains decaf poussaient de manire sauvage enEthiopie et furent cultivs plus tard auYmen puis expdis alors uniquementpar Mokka dans le monde connu cettepoque. La demande tait trs forte, carla dgustation de caf stait rpanduecomme une trane de poudre de les-pace arabe vers lEurope. Dans lIstanbulactuel, le premier caf fut ouvert auXVI esicle, suivi un sicle plus tard parLondres, Paris, Amsterdam ou mmeHambourg. A cette poque, on a volon-tiers rpondu la demande de caf, touten veillant soigneusement en conserver

    le monopole. Cest pourquoi on versait,avant lexportation, de leau bouillantesur les grains pour les empcher de ger-mer.

    A lapoge de cette exportation decaf, on dicta mme une loi obligeanttout navire passant dans la rgion de sar-

    rter dans le port de Mokka. Lors du pas-sage de la mer dArabie la mer Rougeou inversement, on devait y payer lestaxes sur les marchandises transportes.Mokka fut entre les 15eet 18esicles nonseulement une place commerciale impor-tante pour le caf, mais aussi un centrecommercial des plus importants de toutela rgion.

    Pour lpoque, Mokka tait, avec envi-ron 30 000 habitants une mtropole olon trouvait des commerants de tous lespays. Britanniques, Hollandais, Franaiset Danois y entretenaient des entreptset mme leurs propres fabriques, afinde calmer la soif de caf de leurs conci-toyens. Mais comme bien souvent danslhistoire, cette russite de Mokka avaitses limites. Les Europens russirent fina-

    lement rpandre les plantes caf et les cultiver dans leurs colonies. Au coursdu XVIIIe sicle, le caf se rpandit enIndonsie, au Surinam, au Brsil et dansles Carabes. On y trouva des conditionspresque aussi bonnes pour la culture ducaf et cest ainsi que le monopole de

    Mokka prit fin. Cette ville portuaire com-mena dcliner.

    Actuellement, Mokka na plus guredimportance et na plus quenviron10 000 habitants. Les anciens entreptsde caf et les maisons de commercetombent en ruine, et mme le port esten sursis. En 2013, lancienne tte defile du caf, le Ymen, na export quequelques 20 000 tonnes. Ce qui appa-rat comme une quantit fort impor-tante, nest que minime par rapport la concurrence des autres continents.Par exemple le Brsil a rcolt dansla mme priode environ 3 000 000de tonnes et mme des Etats commele Burundi, Madagascar ou El Salva-dor dpassent largement le Ymen.Actuellement, les habitants de Mokka

    vivent essentiellement de la pche etdun tourisme caractre marginal. Etpourtant on entend quotidiennementparler de cette ville, tant dans les bis-trots de Paris que dans les Starbucksde New York City ou dans un restau-rant berlinois.

    La route de lencensLa route de lencens, allant de lArabiedu Sud la Mditerrane, est lune desplus anciennes voies commerciales dumonde. Cest par elle quon transportalencens partir de son pays dorigineDhofar, situ aujourdhui en Oman, enpassant par le Ymen, lAsir et le Hedjazvers le port mditerranen de Gaza etvers Damas. Les stations commercialesimportantes sur cette route des cara-vanes taient Shabwah, Sanaa, Medineet Ptra.

    Louverture de la route de lencens nefut possible quaprs la domestication dudromadaire vers le milieu du 2emillnaireavant J. C. En utilisant le dromadairecomme bte de somme, les caravanestaient moins dpendantes des pointsdeau dans le dsert.

    La route des caravanes ne servait pasquau transport de lencens, mais aussides piments et des pierres prcieusesvenus de lInde et de lAsie du Sud-Estpour tre amens en Palestine et enSyrie. Au nord du golfe de Kaaba, prsde Ptra, la route de lencens se divisaiten une route du nord allant vers Gaza etde lest vers Damas. Selon les rcits desauteurs anciens, les caravanes de cha-meaux mettaient 100 jours de marchepour ce trajet de 3400 km entre Dhofaret Gaza.

    On suppose que la route de lencensfut utilise pour la premire fois au X esicle avant J. C. Mais ce ne fut quaprslavnement du royaume dArabie du SudSaba, Qataban, Hadramaout et Main auVIIIesicle avant J. C. que le commerceprit de lampleur.

    La grande utilisation dencens dansles cultes de la rgion mditerranennepermit un dveloppement importantde la route de mme que des villes etdes empires qui la bordaient. Lempireromain son apoge utilisait lui seul1500 tonnes dencens de la productionannuelle estime 25003000 tonnes.

    Louverture de la route maritime par lamer Rouge, dclencha le dclin successifde la route de lencens. Non seulementcest le chemin des caravanes qui perdde son importance, mais les antiquesroyaumes arabes perdirent leurs basesconomiques. Au IIIesicle, cela eut poureffet la monte des Himyarites au Ymen.Ils portrent leurs efforts sur lagriculturedans un climat de montagne favorable etsur le contrle du commerce maritime.

    Le triomphe de lislam au VIIe sicleporta un nouveau coup dur la voiecommerciale. Nanmoins lencens conti-nua tre utilise en mdecine de lis-lam, mais pas dans la sphre religieusedes mosques.

    Suite page 8

    Le Ymensuite de la page 6

    Le port antique de Mokka. (Illust ration gutenberg.org)

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    page 8 No27/28, 2 novembre 2015Horizons et dbats

    Les villes de lHadramaoutDans lAntiquit, on appelait lHadra-maout la terre sainte. De nombreusestombes de prophtes prislamiques et

    dautres saints rappellent cette poque.Le Wadi Hadramaout atteignable

    jusque dans les annes 60, uniquementpar le dsert Rub al-Khali, Marib et lehaut plateau de al-Mukalla est une fer-tile oasis fluviale, entoure sur des kilo-mtres par des dattiers et des collinesmajestueuses. Cest dans cette rg