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 UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL LE S DIFFICULTÉS D'I NTÉGRATION SOCIALE DES PERSONNES ATTEINTES D UN TROUBLE DE SANTÉ MENT ALE SUR LE PLAN DE L'HABIT AT: LE POINT DE VUE DES PERSONNES ATTEINTES D UN TROUBLE DE SANTÉ MENTALE ET DES TRAVAILLEURS SOCIAUX DANS LA RÉGION DE LANAUDIÈRE SUD MÉMOIRE PRÉSENTÉ COMME EXIGENCE PARTIELLE DE LA MAÎTRISE EN TRAVAIL SOCIAL PAR ISABELLE ST-HILAIRE FÉVRIER 2011

Hillaire (2014)

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  • UNIVERSIT DU QUBEC MONTRAL

    LES DIFFICULTS D'INTGRATION SOCIALE DES PERSONNES ATTEINTES D'UN TROUBLE DE SANT MENTALE SUR LE PLAN DE

    L'HABITAT: LE POINT DE VUE DES PERSONNES ATTEINTES

    D'UN TROUBLE DE SANT MENTALE ET DES TRAVAILLEURS SOCIAUX DANS LA RGION DE LANAUDIRE SUD

    MMOIRE PRSENT

    COMME EXIGENCE PARTIELLE

    DE LA MATRISE EN TRAVAIL SOCIAL

    PAR

    ISABELLE ST-HILAIRE

    FVRIER 2011

  • UNIVERSIT DU QUBEC MONTRAL Service des bibliothques

    Avertissement

    La diffusion de ce mmoire se fait dans le respect des droits de son auteur, qui a sign le formulaire Autorisation de reproduire et de diffuser un travail de recherche de cycles suprieurs (SDU-522 - Rv.1-26). Cette autorisation stipule que conformment l'article 11 du Rglement no 8 des tudes de cycles suprieurs, [l'auteur] concde l'Universit du Qubec Montral une licence non exclusive d'utilisation et de publication de la totalit ou d'une partie importante de [son] travail de recherche pour des fins pdagogiques et non commerciales. Plus prcisment, [l'auteur] autorise l'Universit du Qubec Montral reproduire, diffuser, prter, distribuer ou vendre des copies de [son] travail de recherche des fins non commerciales sur quelque support que ce soit, y compris l'Internet. Cette licence et cette autorisation n'entranent pas une renonciation de [la] part [de l'auteur] [ses] droits moraux ni [ses] droits de proprit intellectuelle. Sauf entente contraire, [l'auteur] conserve la libert de diffuser et de commercialiser ou non ce travail dont [il] possde un exemplaire.

  • REMERCIEMENTS

    Mes premiers remerciements s'adressent aux personnes de mon entourage qui

    ont su m'encourager et m'appuyer dans ce projet. Plus prcisment, j'aimerais nommer mon conjoint, mes amies, mes collgues de travail et ma famille qui m'ont donn l'lan pour entreprendre cette ralisation personnelle.

    Je tiens aussi souligner ma reconnaissance envers Henri Dorvil, mon directeur

    de mmoire, et Ginette Berteau, ma co-directrice, qUI ont su m'offrir

    l'accompagnement et le temps dont j'avais besoin. Nos rencontres m'ont donn la persvrance ncessaire pour aller jusqu'au bout et ont t une grande source d'inspiration. J'aimerais remercier galement madame Sarah Boucher-Guvremont,

    pour son soutien dans la logistique des entrevues faites auprs des travailleurs

    sociaux.

    Finalement, un Immense mercI galement aux personnes qUI ont SI

    gnreusement accept de me livrer leurs expriences.

  • TABLE DES MATIRES

    LISTE DES FIGURES vi

    LISTE DES SIGLES vii

    RSUM viii

    INTRODUCTION 1

    CHAPITRE 1 PROBLMATIQUE 4

    1.1 Statistiques 4

    1.2 Dfinition du trouble de sant mentale grave 5

    1.3 L'habitation comme vecteur de lien socia1.. 6

    lA cart entre ies prfrences rsidentielles des persolU1es atteintes d'un trouble de sant mentale grave, leur famille, les intervenants en sant mentale, la communaut et les politiques sociales 8

    1.5 volution et identification du rseau d'habitation existant en sant mentale...... 12

    1.6 Portrait du rseau de l'habitation pour les personnes ayant des troubles de sant mentale 16

    1.6.1 Portrait du rseau de l'habitation au Qubec 16 1.6.2 Portrait du rseau de l'habitation dans la rgion de Lanaudire 17

    1.7 Position du problme 20

    1.8 Question de recherche , 21

    CHAPITRE II CADRE THORIQUE 23

    2.1 Interactionnisme symbolique 23

  • IV

    2.2 Thorie de l'intgration sociale 25

    2.3 Concept de vulnrabilit 28

    2.4 Concept de stigmatisation 31

    2.5 Concept d'identit 33

    CHAPITRE III MTHODOLOGIE 37

    3.1 Type de recherche 37

    3.2 chantillons : 38 3.2.1 chantillon des personnes atteintes d'un trouble de sant mentale

    grave 38

    3.2.2 chantillon des travailleurs sociaux 39

    3.3 Obtention du brevet dontologique 40

    3.4 Choix de l'instrument de collecte de donnes 40

    3.5 Collecte de donnes 41

    3.6 Analyse de donnes 41

    CHAPITRE IV PRSENTATION DES RSULTATS 43

    4.1 Coordonnes sociodmographiques des personnes atteintes d'un trouble de sant mentale grave et des travailleurs sociaux : 43

    4.1.1 Profil rsidentiel des personnes atteintes d'un trouble de sant mentale grave 44

    4.1.2 Caractristiques cliniques des personnes atteintes d'un trouble de sant mentale grave 44

    4.2 Facteurs de vulnrabilit comme obstacle l'intgration sociale 45

    4.2.1 La dimension biopsychosociale comme facteur de vulnrabilit 45

    4.2.2 La dimension socioconomique comme facteur de vulnrabilit 48

    4.2.3 La dimension rsidentielle comme facteur de vulnrabilit 51

    4.3 Stigmatisation comme obstacle l'intgration sociale 58

  • v

    4.3.1 La stigmatisation en lien avec la maladie mentale 58

    4.3.2 La stigmatisation en lien avec les propritaires 59

    4;3.3 La stigmatisation en lien avec les voisins 60

    4.3.4 La stigmatisation en lien avec la famille et les intervenants 61

    4.4 Failles de l'identit comme obstacle l'intgration sociale 63

    4.4.1 L'impact de la maladie mentale sur l'identit 63

    4.5 Habitation comme facteur d'intgration sociale et vecteur de liens sociaux ...... 70

    4.5.1 Les prfrences rsidentielles comme facteur d'intgration sociale et vecteur de liens sociaux 70

    4.5.2 Pistes de solutions pour favoriser l'habitation comme facteur d'intgration sociale et vecteur de liens sociaux 73

    CHAPITRE V ANALYSE DE DONNES 77

    5.1 Vulnrabilit 77

    5.2 Stigmatisation 81

    5.3 Identit 83

    ANNEXE 1 Estimation des services rsidentiels et services de soutien en sant

    ANNEXE 2 Schma d'entretien pour les perSOlmes atteintes d'un trouble de

    CONCLUSION 87

    Forces et limites de l'tude 88

    mentale dans la rgion de Lanaudire 91

    sant mentale grave 92

    ANNEXE 3 Schma d'entretien pour les travailleurs sociaux 95

    BIBLIOGRAPHIE 98

  • 36

    LISTE DES FIGURES

    Figure 1: Schma conceptuel..

  • COOP

    CSSS

    HLM

    MRC

    MSSS

    OBNL

    OCH

    OMH

    OMS

    PASM

    PATSM

    PTS

    RI

    RLS

    RTF

    LISTE DES SIGLES

    Cooprative d'habitation

    Centre de sant et des services sociaux

    Habitation loyer modique

    Municipalit rgionale de comt

    Ministre de la Sant et des Services sociaux

    Organisme but non lucratif

    Organisme communautaire d'habitation

    Office municipal d'habitation

    Organisation mondiale de la sant

    Plan ct' action en sant mentale

    Participant atteint d'un trouble de sant mentale

    Participant travailleur social

    Ressource de type intermdiaire

    Rseau local de service

    Ressource de type familial

  • RSUM

    L'objectif principal de cette recherche qualitative a t de recueillir les perceptions des perSOlmes atteintes d'un trouble de sant mentale grave et des travailleurs sociaux sur les difficults d'intgration sociale des personnes ayant des troubles mentaux, sur le plan de l'habitat dans la rgion de Lanaudire Sud. Nous avons choisi d'explorer la question de l'intgration sociale, car nous constatons que nous assistons une monte du sentiment d'exclusion chez cette population sur le plan de l'habitat. De plus, cette proccupation l'gard de cette problmatique est au cur de plusieurs politiques sociales dans le secteur de la sant et des services sociaux et promue par la Socit d'Habitation du Qubec. Par ailleurs, nous retrouvions ces mmes proccupations chez plusieurs auteurs, ce qui nous a pelmis de construire notre cadre conceptuel qui est bas sur une perspective interactionniste symbolique, lequel dfinit les difficults d'intgration sociale des personnes ayant un trouble de sant mentale comme tant un rsultat d'interactions entre la personne et son environnement. Associ cet lment central, nous avons tenu compte, pour l'laboration de notre cadre conceptuel, des concepts de vulnrabilit, de stigmatisation et d'identit pour rflchir sur les expriences rsidentielles vcues par cette population.

    Nous avons donc ralis, pour les fins de cette recherche, dix entrevues semidiriges, dont six auprs de personnes atteintes d'un trouble de sant mentale grave et quatre auprs de travailleurs sociaux exerant en sant mentale dans la rgion de Lanaudire Sud. Les rsultats obtenus font ressortir les perceptions de ces deux sousgroupes, en lien avec l'identification des facteurs de vulnrabilit chez les personnes atteintes d'un trouble de sant mentale sur le plan de l'habitat et sur les stratgies mises en uvre par cette population pour surmonter les obstacles vcues ce niveau. De plus, les rsultats de cette recherche vont dans le sens de la littrature qui mentionne que, malgr l'volution des mentalits, les prjugs associs au trouble de sant mentale persistent et handicapent l'insertion sociale des personnes qui en souffrent, notamment lorsqu'il s'agit de l'habitat.

    Par consquent, la vUlnrabilit et la stigmatisation des personnes atteintes d'un trouble de sant mentale grave ont des rpercussions importantes sur leur dveloppement identitaire. En terminant, soulevons que les rsultats de cette recherche dmontrent que la capacit intgrative de la socit propos des problmatiques lies l'habitation chez cette population, demeure un problme d'actualit et occasionne des obstacles supplmentaires que cel1e-ci doit surmonter dans son processus d'insertion sociale. Il est donc essentiel d'accompagner les personnes atteintes d'un trouble de sant mentale grave dans leur processus d'insertion sociale sur le plan de l'habitat afin d'viter qu'elles se retrouvent confrontes l'extrme pauvret et l'itinrance. En ce sens, cette recherche espre apporter une contribution une rflexion visant l'enrichissement des pratiques d'intervention dans ce champ d'activit du travail social.

  • INTRODUCTION

    Par cette recherche, nous souhaitons explorer les points de vue et les expriences

    des personnes atteintes d'un trouble de sant mentale grave et des travailleurs sociaux

    sur le processus d'intgration sociale des personnes atteintes de troubles mentaux sur

    le plan de l'habitat, dans la rgion de Lanaudire Sud. Cette proccupation de

    l'intgration sociale sur le plan rsidentiel est au cur de plusieurs politiques sociales

    dans le secteur de la sant et des services sociaux et est promue par la Socit

    d'Habitation du Qubec. Le plan d'action en sant mentale 2005-2010 (PASM) et la politique sur le logement social ont t mis en place pour contrer cette problmatique.

    Sur le plan de l'habitation, ces politiques font tat d'un manque de diversit dans le

    parc de ressources actuelles pour rpondre aux besoins des personnes ayant un

    trouble de sant mentale grave. Le PASM vise une rorganisation des services

    d'hbergement pour rpondre aux besoins diversifis de cette population. Pour ce

    faire, il favorise le modle d'hbergement alternatif, c'est--dire crer des logements

    sociaux avec soutien plutt qu'accrotre le nombre de places en ressources

    d'hbergement et mme rduire le nombre de certaines, en particulier les pavillons et

    les ressources de type familial (Ministre de la Sant et des Services sociaux, 2001 a et b, 2005; Trainor, 2002; Sylvestre, Nelson, Durbin, George, Aubry et Ollenberg,

    2005).

    Au cours des quarante dernires annes, les professionnels de la sant mentale

    ont planifi et implant des services rsidentiels sans consulter pralablement ceux

    qui auront y vivre (Cohen et Anthony, 1988; Lesage, Bonsak, Clerc, Vanier, Charron et Sasseville, 2002). Une panoplie de types d'hbergement a donc t cre, sans tenir compte des prfrences des usagers en termes d 'hbergement et de soutien.

    Dans Lanaudire Sud, le parc de ressources d 'hbergement pour les personnes

  • 2

    atteintes d'un trouble de sant mentale grave est limit aux ressources de type

    familial et intermdiaire. Il n'y a pas de logements sociaux avec soutien

    communautaire et d'appartements superviss, alors que dans les recherches faites

    auprs de cette population, cette forme d'habitation rpond aux besoins de plusieurs

    personnes. De ce fait, un nombre important de ces personnes se retrouvent la charge

    de leur famille, hospitalises, dans des centres de crise ou dans des milieux qui ne

    rpondent pas leurs besoins.

    Outre la problmatique du manque de diversit dans le parc de ressources

    actuelles, les personnes atteintes de troubles mentaux doivent affronter les mythes et

    les prjugs gnralement vhiculs dans la socit face la maladie mentale. Spcifions que dans cette recherche, nous ne traiterons pas des manifestations

    symptomatiques de la maladie mentale comme tant un problme social, nous

    souhaitons plutt regarder au-del de la maladie. Ce qui s'avre le plus difficile pour

    les personnes atteintes d'un trouble de sant mentale grave, c'est de vivre avec la

    faon dont les autres les regardent ou les traitent, ne pas tre perues comme des tres

    part entire qui ont des droits et qui ont la capacit d'exercer leurs rles sociaux.

    Afin d'alimenter notre rflexion sur le processus d'intgration sociale de cette

    population sur le plan de l'habitat, nous prsenterons, en premire partie, notre

    problmatique. Pour ce faire, nous explorerons les crits d'auteurs qui se sont

    intresss cette question. En deuxime partie, nous expliquerons notre cadre

    thorique, fond sur la perspective interactiormiste. Celui-ci sera subdivis en quatre

    grands points, soit: le processus d'intgration sociale, les concepts de vulnrabilit,

    de stigmatisation et d'identit. Nous prsenterons, dans la troisime pmtie, la

    mthodologie de recherche. La quatrime pmtie sera consacre la description des

    rsultats partir du contenu des entrevues que nous avons ralises. Puis, en

    cinquime partie, nous aborderons quelques pistes visant enrichir la rflexion sur

  • 3

    les pratiques d'intervention en lien avec les difficults que rencontrent les personnes

    atteintes d'un trouble de sant mentale grave sur le plan de l'habitat.

  • CHAPITRE 1

    PROBLMATIQUE

    Dans ce chapitre, nous explorerons la problmatique en fonction de statistiques

    qui situent la proportion de personnes atteintes d'un trouble de sant mentale grave.

    Par la suite, nous redfinirons le trouble de sant mentale grave en positionnant le

    sens que prend l'habitation pour ces personnes et en examinant, partir d'tudes, les

    prfrences rsidentielles des personnes atteintes d'un trouble de sant mentale grave

    versus la position des intervenants, de la communaut et des politiques sociales. Nous

    conclurons en dcrivant le portrait du rseau de l'habitation pour cette population au

    Qubec et dans la rgion de Lanaudire Sud. Nous prcisons que nous utilisons le terme de logis comme mode d'habitation ou d'occupation de l'espace social plutt

    que comme accs un logement ou un dispositif d'hbergement.

    1.1 Statistiques

    Nous prsentons quelques statistiques qUi situent la proportion de personnes

    atteintes d'un trouble de sant mentale grave au niveau mondial, au Qubec et dans la rgion de Lanaudire Sud.

    En 2001, l'Organisation mondiale de la sant (OMS) rapportait que plus de 25 % de la population mondiale souffre un jour ou l'autre de trouble de sant mentale (Douglas, 2008). On estime que 20 % des Canadiens seront personnellement aux prises avec une maladie mentale au cours de leur vie.

    Toujours selon l'OMS, d'ici 20 l0, les dpressions graves occuperont la seconde place parmi les dix principales causes de mortalit. Environ 90 % des personnes ayant

    des troubles de sant mentale vivent dans la communaut et elles ont besoin d'un

  • 5

    endroit pour vivre, de possibilits de travail et de bonnes conditions pour dvelopper

    leurs relations.

    Sur l'le de Montral, prs de 142000 personnes, soit 7,6 % de la population,

    consultent chaque anne les services de sant mentale offerts par le rseau de la sant

    (Douglas, 2008).

    En 2003-2004, les troubles de sant mentale grave reprsentaient 20 % des

    hospitalisations l'hpital Pierre-Le Gardeur et les CLSC de la rgion de Lanaudire

    Sud ont donn des services en sant mentale 844 personnes sur une population

    totale de 225 325 personnes. Ces services excluent ceux offerts en clinique externe de

    psychiatrie et dans les organismes communautaires spcialiss en sant mentale.

    1.2 Dfinition du trouble de sant mentale grave

    Les troubles de sant mentale grave sont dcrits dans les documents du ministre

    de la Sant et des Services sociaux (MSSS) comme: des troubles svres, c'est--dire ceux associs de la dtresse psychologique et ceux associs un niveau d'incapacit qui interfre de faon significative dans les relations interpersonnelles et les habilets sociales. Nous faisons aussi rfrence aux dficits relis la maladie mentale et ses rpercussions psychosociales qui entravent le fonctionnement global de la personne sur le plan personnel, relationnel et social (MSSS, 1997, p. 51).

    Cette dfinition met l'accent sur la vie quotidienne et sur le fonctionnement social de

    l'individu. Le MSSS value la gravit de ces troubles l'aune de leur dure, de leur chronicit et de leur incidence dvastatrice ou non sur la conduite de l'tre humain en

    interaction sociale. Il prend galement en considration les caractristiques

    neuropsychologiques du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux

    (DSM) dans leur dfinition.

  • 6

    Bruce (1999) abonde dans le mme sens lorsqu'elle suggre d'introduire la notion de temps dans les analyses sociologiques et d'examiner attentivement

    comment les facteurs sociaux interagissent avec le risque, l'expression, l'volution et

    les impacts du dbut de la maladie, de la dure de l'pisode, de l'anamnse, des

    rechutes passes, du temps de rtab lissement ainsi que de l'volution de la gravit de

    la maladie. Selon elle:

    ces troubles graves (schizophrnie, psychoses affectives, troubles de la personnalit, dpression majeure), comptaient pour 80 % des journes d'hospitalisation au Qubec en 1995 et ils ont des consquences importantes sur le budget de la sant en gnral et sur l'organisation des services en particulier: centre de crise, urgence, soins aigus, rinsertion sociale.

    Prcisons que le problme de sant mentale est en bonne partie un construit

    social en mme temps qu'une question de fragilit personnelle (Dorvil, Morin et Robert, 2001). En effet, dans un pass encore relativement rcent, la socit se sentait menace par les dments ou les gens aux conduites anormales ou incohrentes. On les

    enfermait dans des asiles ou des prisons, tout comme les pauvres et les vagabonds

    (Foucault, 1975; Geremek, 1987; Castel, 1995). Aujourd'hui, les socits tendent dlaisser l'enfermement et se scuriser par le contrle biomdical alors que les

    personnes sont trop souvent laisses elles-mmes sur le plan psychologique et

    social.

    1.3 L'habitation comme vecteur de lien social

    La perspective, selon laquelle nous aborderons la question des besoins des

    personnes atteintes d'un trouble de sant mentale grave sur le plan de l'habitat, tient

    compte du sens que prend l'habitation pour ces personnes et de la position des

    diffrents acteurs, tels que les intervenants, les familles, les citoyens et les politiques

    sociales en lien avec les prfrences rsidentielles des personnes atteintes d'un

    trouble de sant mentale grave. Commenons par prciser un peu mieux comment se

    pose la question de l'habitat pour ces personnes. L'habitation a t reconnue, ds

  • 7

    1948, comme tant un droit universel. L'article 25.1 de la Dclaration des droits de

    l 'homme mentionne que: Toute personne a droit un niveau de vie suffisant pour

    assurer sa sant, son bien-tre et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation,

    l'habillement, le logement, les soins mdicaux ainsi que pour les services sociaux

    ncessaires . Comme l'affirme Parmentier (1997), l'impossibilit d'accder un logement ou l'accs un logement de mauvaise qualit ne permet pas l'accs aux droits sociaux, comme le droit l'ducation, au travail ou un revenu minimum

    d'existence, le droit la sant et la protection de la famille et aux fournitures de

    base comme l'eau ou l'lectricit. En fait, avoir un logement soi constitue le point de dpart de l'organisation de la vie en socit et une condition pralable l'exercice

    de la citoyennet.

    Le foyer ou le logement sert la fois de filtre de rgulation et de mdium de

    construction d'interrelations sociales, de rseau ou de voisinage, dpendamment de sa

    position sociale, professionnelle et culturelle (Grafmeyer, 1998).

    Il est reconnu que cette fonction valle avec les ges de la vie, mais galement

    avec ce que nous pourrions appeler le capital social et culturel des individus.

    Selon Boucher (2005), sur le plan psychologique, avoir un chez-soi favorise l'intgration de la personnalit. Il mentionne que:

    Avoir un chez-soi, c'est s'accepter comme quelqu'un, c'est maintenir ou renforcir son identit. Le logis devient un facteur important d'intgration sociale et mme d'intgration personnelle. L'habitat rassure, stabilise, c'est un lieu qui implante socialement. C'est un point d'ancrage non seulement personnel, mais aussi social et institutionnel qui donne une identit, une adresse, de la mme faon qu'on disait fils ou fille d'un tel ou d'une telle, d'un village, etc.

    Ainsi, le logis, comme chez-soi et comme mode d'habiter socialement, devient un

    enjeu de premier plan pour les personnes affectes par des troubles de sant mentale graves, surtout si elles sont classes ou tiquetes comme telles, d'autant plus que

    leur fragilit personnelle se double trs souvent de fragilits d'ordre conomique et

  • 8

    social. Leur rseau de liens sociaux s'est fortement rtrci, s'il a dj exist, mesure que leurs difficults psychologiques prenaient le dessus, surtout suite une priode

    d'institutionnalisation.

    Sur le plan conomique, plusieurs d'entre elles ont beaucoup de difficult

    intgrer ou rintgrer le march du travail ou encore se maintenir en emploi et

    elles doivent vivre avec des revenus trs modestes. Outre le fait que l'accs un

    milieu de travail stable et intgrateur socialement demeure incertain, la position

    conomique n'assure pas la stabilit domiciliaire dans le march courant du logement

    (Boucher, 2005). Les conditions d'habitation risquent de se dtriorer rapidement, en plus de constituer une barrire et non un appui l'intgration sociale, et elles peuvent

    rapidement provoquer une rgression psychologique des personnes fragiles.

    1.4 cart entre les prfrences rsidentielles des personnes atteintes d'un trouble de sant mentale grave, leur famille, les intervenants en sant mentale, la communaut et les politiques sociales

    Malgr ces changements progressifs de mentalit, la ralit que vivent les

    personnes atteintes d'un trouble de sant mentale grave sur le plan de l'habitat se

    caractrise par un cart entre les prfrences rsidentielles des personnes atteintes,

    leur famille, les intervenants en sant mentale, la communaut et les politiques

    sociales.

    En effet, les tudes dmontrent que les prfrences rsidentielles des personnes

    atteintes d'un trouble de sant mentale grave ne correspondent pas aux

    reprsentations que se font ces diffrents acteurs. Nous allons explorer les perceptions

    de chacun pour connatre les enjeux qu'elles peuvent avoir sur le processus d'intgration sociale de ces personnes. Les recherches portant sur les prfrences

    rsidentielles d'usagers des services en sant mentale ont dbut vers la fin des

    annes 1980. Tanzman (1993) a ralis une mta-analyse de 43 tudes sur les

  • 9

    prfrences rsidentielles de cette population. Les conclusions de plusieurs de ces

    tudes s'avrent que les usagers en sant mentale prfraient:

    vivre dans leurs propres appartements ou maisons et non pas dans des programmes de sant mentale... Si on leur donne le choix, les rpondants de ces tudes prfreraient ne pas vivre avec d'autres consommateurs. Ils ont besoin de plus d'argent ou de revenu afin de vivre dans le logement de leur choix et veulent avoir accs des intervenants ou du soutien naturel par l'intermdiaire des mdiums, comme les tlphones et des personnes qui viennent les voir, selon leurs besoins quand ils le demandent, jour et nuit.

    Fait intressant, les familles (Rogers, Danley, Anthony, Martin et Walsh, 1994; Friedrich, Hollingsworth, Hradek, Friedrich et Culp, 1999) et les professionnels (Massey et Wu, 1993; Minsky, Gubman, Riesser et Duffy, 1995) prfrent que les usagers vivent dans des environnements encadrs par des professionnels dans une

    proportion plus importante que les usagers. En effet, les recherches de Ridway et

    Zipple (1990), Minsky et al. (1995) ont dmontr que les intervenants valuent les besoins de ces personnes sur le plan de 1'habitation, plus en termes d'hbergement

    que de logement social. Ils ont tendance voir ces personnes comme des tres

    fragiles , incapables de faire des choix et vulnrables . Par consquent,

    l'intervention est centre sur le besoin de protection plutt que sur les choix et les

    dsirs de ces personnes.

    Maintenant, qu'en est-il des rsistances des citoyens voir s'installer dans leur

    quartier des personnes ayant des troubles mentaux graves? Afin de mieux

    comprendre le phnomne de stigmatisation et d'en identifier la source, Piat (2004) nous fait part d'une tude pilote sur l'exprience des rsidants de quartiers, o

    l'opposition l'implantation de sept foyers de groupe Montral s'est manifeste au

    cours des deux armes prcdant l'tude. Les rsultats ont permis d'identifier les

    raisons sous-jacentes ces rsistances, en plus d'explorer l'impact ngatif de la prsence de tels foyers sur la vie de la communaut environnante.

  • 10

    En rsum, les motifs donns par les citoyens pour expliquer leurs rsistances se

    situaient au niveau de leurs proccupations sur leur scurit personnelle, la crainte

    d'un impact ngatif sur la valeur de leur proprit et sur leur qualit de vie. La

    stigmatisation des citoyens l'gard des personnes atteintes d'un trouble de sant

    mentale grave ressort comme tant un obstacle important l'intgration sociale de

    cette population.

    De plus, les mdias appuient les craintes des citoyens en associant certains

    comportements violents au diagnostic de sant mentale, ce qui alimente les prjugs l'gard de cette maladie. Par consquent, les citoyens et les propritaires ont peur que

    ces personnes soient agressives, qu'elles ne prennent pas leurs responsabilits, telles

    l'entretien de leur logement, son paiement, qu'elles perturbent les autres rsidents ou

    le voisinage, etc. La stigmatisation devient un enjeu pour l'intgration de ces personnes dans la communaut et pour obtenir l'habitat de leur choix.

    Par ailleurs, les politiques sociales prconisent le dveloppement du logement

    social avec soutien communautaire pour rpondre aux besoins des personnes atteintes

    d'un trouble de sant mentale grave sur le plan de l'habitat. En 2007, le MSSS a

    labor, avec la Socit d'Habitation du Qubec, un cadre de rfrence sur le soutien communautaire en logement social. Ce cadre reconnat une responsabilit partage

    des rseaux de la sant et des services sociaux et de l'habitation l'gard de leur

    clientle commune (personnes en perte d'autonomie lie au vieillissement, ayant une dficience intellectuelle, des troubles de sant mentale, une dpendance comme les

    alcooliques ou toxicomanes) habitant ces milieux de vie.

    Aussi, le cadre de rfrence prend en considration que pour les personnes ayant

    un trouble de sant mentale grave, leur tat de sant ou leur condition fait en sorte

    qu'il est difficile d'acqurir une stabilit rsidentielle, un certain contrle sur leur vie

    dans un milieu de leur choix et la possibilit de se raliser par une vritable

    participation citoyenne.

  • 11

    Le logement social avec soutien communautaire correspond une forme

    d'habitation qui permet la personne d'atteindre ses objectifs partir d'une bonne qualit de vie et d'un soutien adapt ses besoins. Plus prcisment, le logement

    social se dfinit comme tant une proprit collective qui a une mission sociale et qui

    ne poursuit aucune finalit de profit. L'initiative du dveloppement d'units de

    logement avec soutien communautaire relve de promoteurs issus de la communaut,

    gnralement appuys par un groupe de soutien technique.

    Ces gestionnaires sont les offices d'habitation, des organismes but non lucratif

    (OBNL) et des coopratives d'habitation (COOP). Ce ne sont pas des tablissements ayant une mission d 'hbergement au sens de la Loi sur les services de sant et les

    services sociaux. Le gouvernement du Qubec, seul ou dans le cadre d'ententes convenues avec le gouvernement fdral, encourage ce type de tenue grce

    diffrents programmes de subventions.

    En complmentarit au logement social, le soutien communautaire est essentiel

    pour rpondre aux besoins de cette clientle. Le cadre de rfrence s'inspire de la

    dfinition donne par le Laboratoire de recherche sur les pratiques et les politiques

    sociales de l'Universit du Qubec Montral (LAREPS, 2002. p.47). Le soutien communautaire est dcrit comme tant un ensemble d'actions qui peuvent aller de

    l'accueil la rfrence, en passant par l'accompagnement auprs des services publics,

    la gestion des conflits entre locataires, l'intervention en situation de crise,

    l'intervention psychosociale, le soutien au comit de locataires et aux autres comits

    et l'organisation communautaire. Sans cette forme d'aide, les personnes seraient

    exposes l'isolement et l'exclusion sociale. Ainsi, pour rpondre aux besoins

    d'intgration des personnes atteintes d'un trouble de sant mentale grave, la socit a

    mis en place, avec des succs ingaux, diffrentes formes de logement,

    d'hbergement et de suivi. Actuellement, les pratiques d'intervention en sant

  • 12

    mentale sur le plan de l'habitat semblent entrain de se modifier considrablement

    pour rpondre aux besoins de ces personnes.

    Nelson et Peddle (2005) insistent sur le fait que le choix de la rsidence et l'intgration dans la communaut sont lis au statut conomique de l'usager et que,

    sans les ressources financires, l'appropriation du pouvoir ne peut tre atteinte par les

    usagers. Un rcent article (Piat, Lesage, Boyer, Dorvil, Couture, Grenier et Bloom, 2008) sur les prfrences rsidentielles des personnes atteintes de trouble en sant mentale grave soulve qu'une varit de ressources doit tre disponible pour rpondre

    l'ensemble des besoins de ces personnes. Le logement social est essentiel, mais les

    autres fonnes d'habitation et de soutien rpondent galement aux besoins de certaines

    personnes atteintes de troubles mentaux graves.

    1.5 volution et identification du rseau d'habitation existant en sant mentale

    Dans cette section, nous dcrirons l'volution des deux principaux modles

    d'hbergement dvelopps durant les quarante dernires annes pour les personnes

    souffrant d'un trouble de sant mentale grave au Qubec: le modle traditionnel, appel le continuum rsidentiel et le modle d 'hbergement alternatif (Ridgway et Zipple, 1990; Carling, 1993; Trainor, Morrell-Bellai, Ballantyne et Boydell, 1993). Par la suite, l'identification des diffrentes fOimes d'habitation qui existent en sant

    mentale au Qubec sera explore.

    Au Qubec, le modle rsidentiel privilgi au cours des trente dernires annes est plutt le modle traditionnel, caractris par un continuum linaire de ressources

    d'hbergement. Il est alors attendu que la personne progresse d'un type

    d'hbergement plus encadr un autre qui l'est moins, au fur et mesure qu'elle

    gagne en autonomie (Murphy, Pennee et Luchins, 1972). Dans la description d'un continuum, on peut penser retrouver, au dbut, le milieu le plus structur, l'hpital,

    et, la fin, l'appartement anonyme. Entre les deux, nous retrouvons des rsidences

  • 13

    d'accueil, des rsidences intenndiaires, des appartements superviss. Ces formes

    d'habitation, appeles dans la littrature modle custodial , sont en fait des

    familles qui accueillent des usagers chez elles. Tous ces types de ressources sont

    superviss par des professionnels. Les responsables ainsi que les usagers sont

    rattachs un centre de radaptation ou hospitalier. Le modle custodial a exist paralllement l'institution et a t accus de la reproduire plus petite chelle.

    Devant les critiques des usagers et des responsables l'gard de ce modle, les

    politiques ont t rvises pour tenter d'offrir davantage de services cette

    population et un milieu de vie de meilleure qualit (Barr et Fay, 1993), ce qui a donn naissance au modle supportive housing , aussi rattach au concept de continuum

    rsidentiel. Ce dernier prend couramment la forme d'un organisme, souvent un centre

    de radaptation, qui offre lui-mme une panoplie de ressources rsidentielles, allant,

    par exemple, des foyers de groupe trs structurs aux appartements superviss. la base de l'hbergement avec soutien professionnel, il y a la volont de crer des

    environnements rsidentiels qui soient des milieux d'apprentissage pour les rsidents

    au sein desquels la dynamique de groupe est un outil d'habilitation dont se servent les

    travailleurs sociaux. Chaque rsident est valu et dirig vers un type d'hbergement

    qui correspond l'encadrement dont il a besoin. Les gens vivent donc dans des

    groupes relativement homognes et puisqu'ils se retrouvent dans des milieux

    d'apprentissage, les rsidents sont appels jouer principalement le rle de bnficiaires des services. Conformment l'ide du continuum des services, au fur

    et mesure des apprentissages, les rsidents sont appels franchir les chelons vers

    de nouveaux milieux o ils consolident d'autres comptences jusqu' ce qu'ils soient les plus indpendants possibles.

    Un des problmes constat avec ce modle, c'est que, malgr le concept de

    continuum, les rsidents ne transitent pas ncessairement d'un environnement

    rsidentiel un autre. Il semble plutt qu'ils passent souvent de longues annes une

  • 14

    tape prcise, sans jamais progresser vers la suivante. De plus, les critiques de ce modle lui reprochent de confondre 1'habitation et la radaptation. Selon eux, le droit

    l'habitation ne devrait pas entraner l'obligation de la radaptation (Barr et Fay, 1993). En outre, une recherche effectue par Morin, Robert et Dorvil, (2002) tentait de comprendre en quoi et comment le logement est un facteur d'intgration sociale

    pour les personnes classes malades mentales et dficientes intellectuelles. Des

    entretiens ont t mens auprs de 21 personnes ayant un trouble de sant mentale et

    de 15 personnes ayant une dficience intellectuelle. Les rsultats de cette recherche

    rvlent que les personnes psychiatrises connaissent bien la diversit des types

    d 'habitation qui leur sont offerts et ce, selon une chelle portant sur le degr

    d'encadrement fourni dans ces milieux. La position de leur milieu de vie dans la

    hirarchie rsidentielle perue renvoie, son tour, les participants leur propre degr

    d'autonomie et leurs limitations.

    En ce sens, l'habitation est un marqueur de statut. Ainsi, quitter son appartement

    autonome pour se retrouver en rsidence d'accueil ou en appartement supervis est

    peru comme une perte, une rgression et parfois mme un chec. La valeur

    symbolique du logement est telle pour les participants que mme dans les situations

    o ils reoivent une aide soutenue dans le quotidien, l'appartement demeure un

    marqueur d'indpendance, d'autonomie, de normalit.

    Prcisons que les personnes qui vivent en logement se distinguent de ceux vivant

    en hbergement. Les premiers se rjouissent particulirement de vivre dans un milieu normal, qui leur donne une image plus congruente d'eux-mmes. Le contrle de

    l'espace va aussi de pair avec l'exercice du rle de locataire et les responsabilits qui

    y sont rattaches ainsi qu'avec la possibilit de contrler son temps et de choisir qui

    entre chez soi. Aussi, la dimension relationnelle semble particulirement riche pour

    les personnes qui vivent en hbergement. Nanmoins, celles qui demeurent en

  • 15

    logement nouent toutes des contacts, mme superficiels, avec leur voisinage, leur

    donnant ainsi la possibilit de s'ouvrir sur un autre rseau.

    Toutefois, il est notable que la majorit des personnes ont un rseau de proximit limit aux proches et aux services relis la sant mentale. Enfin, un logement

    autonome a beau correspondre aux normes sociales et souvent l'idal des

    personnes, il ne peut, en soi, constituer un antidote la solitude.

    En conclusion, nous constatons que l'volution des interventions en sant

    mentale sur le plan de l'habitat dmontre que la socit est en train de passer d'un

    modle d'intervention et de production des services un autre, bien que des formes d'intervention et d'activits de l'ancien modle soient encore maintenues. En effet, la

    logique de 1'enfermement comme mode d'habitat a t dfinitivement remise en

    question avec la crise de ce modle (Blanger et Lvesque, 1990; Blanger, Boucher et Lvesque, 2000). Cette critique, qui a rejoint le milieu professionnel des institutions en mme temps que des secteurs de la population, a suscit la

    construction de dispositifs d'intgration sociale pour les personnes fragiles

    psychologiquement. Ces procds ont arrim des ressources publiques et

    communautaires. Par ailleurs, nous observons que, selon les professionnels de la

    sant et les personnes ayant un trouble de sant mentale grave et leur entourage, ces

    modes d'intervention ne suffisent pas.

    Ces modles tant construits essentiellement autour du concept d'hbergement,

    le passage au logement locatif constitue une marche trop haute pour plusieurs

    personnes ayant un trouble de sant mentale grave, mme si ces dernires sont suivies

    par des intervenants. L'ide de logement avec soutien communautaire apparat plus

    propice faciliter cette transition. Cette perspective de passer une autre logique

    d'intervention pousse les intervenants et les proches de ces personnes imaginer de nouveaux modes d'intervention et d'hbergement et ce, dans le but d'offrir une

  • 16

    diversification des approches et des servIces proposant autant d'avenues ou

    l'opportunit pour un parcours de rinsertion sociale adapt chacun.

    1.6 Portrait du rseau de l'habitation pour les personnes ayant des troubles de sant mentale

    Nous tenninerons ce chapitre en effectuant un bref portrait du rseau de

    l'habitation offert aux personnes atteintes d'un trouble de sant mentale au Qubec. Ensuite, nous dcrirons le portrait du rseau de l'habitation pour cette mme

    population dans la rgion de Lanaudire Sud.

    1.6.1 Portrait du rseau de l'habitation au Qubec

    Voici un court ventail des choix rsidentiels existant pour ces personnes. En

    premier lieu, les habitations qui sont offertes aux personnes atteintes d'un trouble de

    sant mentale qui n'ont pas besoin d'un encadrement rsidentiel soutenu: le

    logement autonome avec ou sans colocataire, le logement en cooprative d'habitation

    et les maisons de chambre. En deuxime lieu, l'hbergement dure illimite, offert

    aux personnes atteintes d'un trouble de sant mentale qui ont besoin d'un soutien

    rsidentiel lger ou modr, c'est--dire les types d'hbergement qui regroupent des

    activits de supervision et de soutien.

    Ces services de soutien sont essentiellement confis aux propritaires des

    ressources mais ils sont parfois offerts par un tablissement gestionnaire. Ce type

    d'hbergement comprend les ressources de type familial (RTF), les pavillons, les foyers de groupe, les ressources de type intenndiaire (RI) et les appartements superviss.

    En dernier lieu, nous retrouvons l'hbergement de transition dure limite avec

    encadrement intensif, c'est--dire les types d 'hbergement qui offrent des activits de

    soins, de traitement, de radaptation et d'encadrement intensif destins aux personnes

    hberges de plus de 18 ans vivant des troubles de sant mentale grave avec ou sans

  • 17

    problmes associs en vue d'une intgration sociale. On retrouve ce type

    d'hbergement en tablissement oprant des activits de radaptation, soit en foyer de

    groupe, en ressource intermdiaire de radaptation et dans les organismes

    communautaires d'habitation.

    1.6.2Portrait du rseau de l'habitation dans la rgion de Lanaudire

    Dans cette partie, nous explorons plus prcisment le portrait de l'habitation dans

    la rgion de Lanaudire Sud, qui se retrouve entre la Mauricie et les Laurentides et est

    borde au sud par Laval, Montral et le fleuve Saint-Laurent. Elle couvre un territoire

    de plus de 12400 kilomtres carrs. En 2006, on y dnombrait 59 municipalits non

    organises. celles-ci s'ajoute la rserve autochtone de Manawan. Lanaudire se caractrise par une diversit, tant sur les plans gographique, dmographique,

    conomique et social que sanitaire. Alors que le sud apparat plutt urbain ou semi

    urbain et regroupe plus de la moiti de la population, le nord se rvle nettement

    rural.

    La rgion se subdivise en six territoires administratifs nomms municipalits

    rgionales de comt (MRC), soit d'Autray, Joliette, l'Assomption, Les Moulins, Matawinie et Moncalm. Du ct du rseau de la sant et des services sociaux, le

    modle d'organisation repose sur deux rseaux locaux de service (RLS) dont les territoires respectifs correspondent au regroupement des MRC. Le RLS de

    Lanaudire Nord comprend les MRC D'Autniy, Joliette, Matawinie et Montclam

    alors que celui de Lanaudire Sud comprend les MRC Les Moulins et l'Assomption.

    En dcembre 2003, le Gouvernement du Qubec a adopt le projet de Loi 25 qui a donn le coup d'envoi une rorganisation majeure du rseau qubcois de la sant et des services sociaux. Cette refonte s'appuyait sur la mise en place de rseaux

    locaux de services gravitant autour d'un tablissement local, le centre de sant et des

    services sociaux (CSSS). Dans la rgion de Lanaudire, deux CSSS ont t crs. Le

  • 18

    CSSS du Nord de Lanaudire dessert les populations des MRC d'Autray, Montcalm

    et Joliette. Il est issu de la fusion du CLSC-CHSLD d'Autray, du CLSC de Joliette,

    du Carrefour de la sant et des services sociaux du CLSC-CHSLD Montcalm et du

    Centre hospitalier de Joliette. Le CSSS du Sud de Lanaudire couvre la MRC de

    l'Assomption et Les Moulins. Il est issu de la fusion du CLSC-CHSLD Meilleur, du

    CLSC Lamater et du Centre hospitalier Pierre-Le Gardeur.

    Le rseau de la sant et des services sociaux lanaudois est compos de l'Agence

    de la sant et des services sociaux de Lanaudire, de cinq tablissements publics:

    CSSS du Nord de Lanaudire, CSSS de Sud de Lanaudire, Centre jeunesse de Lanaudire, Centre de radaptation La Myriade et Centre de radaptation Le

    Bouclier.

    Le portrait de l'habitation dans la rgion de Lanaudire Sud est marqu par les

    contrastes entre les ressources d 'hbergement offertes par les municipalits, le secteur

    communautaire et le rseau de la sant et des services sociaux. Plus prcisment, dans

    la MRC l'Assomption, on compte quatre offices municipaux d'habitation (OMH) grant 241 logements rpartis en huit projets. Quarante-et-un pourcent de ces logements sont destins aux familles et grs par l'OMH de l'piphanie. C'est galement dans cette municipalit que se trouve 50 % des logements pour personnes

    ges en habitation loyer modique (HLM). On retrouve cinq coopratives avec une offre totale de 61 logements. Les trois OBNL du territoire possdent 191 logements

    destins aux personnes ges.

    La MRC Les Moulins compte quatre OMH grant 366 units en HLM rpartis en

    Il projets. La majorit de ces logements sont destins aux familles, ce qui est exceptionnel pour la rgion, car les HLM y sont gnralement rservs la clientle

    des personnes ges. L'OMH de Terrebonne compte d'ailleurs 75,7 % des logements

    familiaux en HLM de la MRC et 32,5 % des logements familiaux de la rgion de

    Lanaudire. Les deux coopratives du territoire possdent 22 logements. Malgr tout,

  • 19

    on observe que peu importe le mode de calcul utilis, la rgion de Lanaudire Sud

    souffre d'un cart dans l'utilisation des programmes d'aide gouvernementale et qu'il

    y a trs peu de logements offerts pour les personnes atteintes de trouble de sant

    mentale grave. Le rseau de l'habitation est adapt pour les personnes ges ou les

    familles. Le taux de pntration des programmes doit donc tre hauss dans un

    contexte marqu par le taux d'inoccupation des logements locatifs inflieur 1 %, la demande leve de logements sociaux caractrise par de longues listes d'attente, la

    stabilit des rsidents actuels et la dtrioration apprhende du parc rsidentiel.

    Depuis 1996, au niveau du rseau de la sant et des services sociaux, la rgion de

    Lanaudire s'est dote d'un mcanisme rgional d'accs en sant mentale. Les

    demandes d'hbergement en sant mentale y sont traites, soit ressource de type

    familial et intermdiaire, pavillon et longue dure psychiatrique. Outre l'orientation

    de la clientle vers le milieu d'hbergement appropri, ce comit a pour mandat d'y

    associer les services complmentaires ncessaires au soutien des personnes, soit le

    soutien au logement, le soutien d'intensit variable et le suivi intensif dans le milieu.

    Au niveau local, le continuum d'hbergement rsidentiel est actuellement articul

    autour de deux axes: 1'hbergement communautaire et en ressource non

    institutionnalise (rsidence d'accueil et ressource intermdiaire). Actuellement, dans la rgion de Lanaudire Sud, il existe approximativement 84 places d'hbergement dure illimite et soutien lger ou modr de type RI, RTF ou organisme

    communautaire d'habitation (OCH). On compte 24 places d'hbergement de transition avec dure limite et encadrement intensif de type RI, RTF, OCH. Il

    n'existe aucun milieu de type logement avec soutien continu et appartement

    supervis. Il y a 52 personnes qui reoivent des services avec un suivi intensif dans le

    milieu et 149 personnes avec un soutien d'intensit variable (voir l'Annexe 1).

  • 20

    1.7 Position du problme

    En rsum, nous avons prcdemment dfini l'habitation chez les perso1U1es

    ayant un trouble de sant mentale grave comme tant un facteur d'intgration sociale.

    D'une part, plusieurs obstacles ont t soulevs pour dfinir les difficults

    d'intgration sociale de ces personnes. D'autre part, diffrentes tudes soulvent le

    fait que les interventions en sant mentale, au niveau de l'orientation rsidentielle,

    sont plus centres sur le besoin de protection de cette clientle que sur les choix et les

    dsirs des personnes atteintes d'un trouble de sant mentale grave. Par consquent, on

    constate un cart entre les prfrences rsidentielles des personnes atteintes, le parc

    de ressources actuelles et les services de soutien qui leurs sont offerts sur le plan de

    l'habitat en sant mentale. Nous croyons fondamental d'explorer les points de vue et

    les expriences des perS01U1es atteintes d'un trouble de sant mentale grave et des

    travailleurs sociaux en sant mentale sur le processus d'intgration sociale des

    perS01U1es atteintes de troubles mentaux au plan de l'habitat dans la rgion de

    Lanaudire Sud.

    Nous voulons mieux comprendre les difficults que ces personnes peuvent vivre

    sur le plan de l'habitat et dgager les aspects prendre en compte dans la mise en place des ressources sur le plan de l'habitat et des pratiques de soutien. Tel que vu

    prcdemment, cette proccupation de l'intgration sociale sur le plan de l'habitat est

    au cur de plusieurs politiques dans le secteur de la sant et des services sociaux et

    de la socit d 'habitation. Cependant, malgr la mise en place de diffrentes formes

    de soutien, selon Dorvil (2007), on assiste une monte du sentiment d'exclusion chez un nombre croissant de perS01U1es atteintes de troubles mentaux au niveau de

    l'habitation.

    Encore de nos jours, la maladie mentale est trop souvent considre comme un crime sanctio1U1er, une honte dissimuler, une tare ou un problme d'assistance sociale rgler au moindre cot. La stigmatisation l'gard des personnes atteintes

  • 21

    d'un trouble de sant mentale persiste travers le temps. De ce fait, quand un

    propritaire refuse de louer un appartement une personne atteinte d'un trouble de

    sant mentale grave, quand des rsidents d'un quartier et la municipalit refusent la

    cration de logements sociaux par crainte d'un impact ngatif sur leur valeur

    immobilire, quand des interventions sont faites auprs des personnes atteintes d'un

    trouble de sant mentale grave en les considrant comme des personnes en besoin de

    protection, ils doivent raliser que cela amne ces personnes vivre une situation

    d'exclusion au niveau de l'habitation et ajoute un poids supplmentaire une souffrance dj prsente. Prcisons que ces comportements discriminatoires ne sont pas tolrs par la socit et il existe des lois pour dfendre les victimes de ces

    injustices, puisque la discrimination base sur l'tat mental s'avre aussi dommageable et inacceptable que la discrimination sur la race, l'ethnicit, la religion,

    le genre ou l'orientation sexuelle. Ces obstacles l'intgration sociale font partie des

    difficults que peuvent rencontrer les personnes atteintes d'un trouble de sant

    mentale et les amener vers un processus d'exclusion.

    1.8 Question de recherche

    Par consquent, dans cette recherche, nous souhaitons aborder la question de

    l'intgration sociale en impliquant les principaux acteurs dans cette problmatique,

    soit les personnes atteintes d'un trouble de sant mentale grave et les travailleurs

    SOCIaux.

    Pour ce faire, notre question de recherche est la suivante: quelles sont les

    perceptions des personnes atteintes d'un trouble de sant mentale grave et des

    travailleurs sociaux sur les difficults d'intgration sociale des personnes ayant des

    troubles mentaux au plan de l'habitat dans la rgion de Lanaudire Sud? Plus

    prcisment, nous souhaitons connatre les obstacles rencontrs par les personnes

    atteintes d'un trouble de sant mentale grave sur le plan de l'habitat, les facteurs qui

  • 22

    les aident sunnonter les difficults vcues sur le plan de l'habitat ainsi que leurs

    impacts sur le plan identitaire.

  • CHAPITRE II

    CADRE THORlQUE

    2.1 Interactionnisme symbolique

    Pour rpondre ces questions, notre cadre thorique est bas sur

    l'interactionnisme symbolique et cette approche sera situe par rapport notre

    problmatique. Selon Mourant (1984), la perspective interactionniste tente d'expliquer pourquoi et sous quelles conditions certains actes et certaines situations

    en viennent tre dfinis ou jugs problmatiques. Cette thorie met l'emphase sur la subjectivit des problmes sociaux induits par la raction sociale qui ne relve ni des lois transgresses, ni des comportements dviants de la norme, mais des situations

    dsignes et dnonces comme dviantes.

    Pour ce courant de pense,

    ce qu'il importe de dcouvrir par l'analyse des problmes sociaux, ce sont les forces sociales qui sont productrices de sens. Mme si la misre humaine a des fondements rels, l'importance accorde tel ou tel problme particulier, de mme que les reprsentations qui l'entourent, dpend des individus qui ont russi imposer leur dfinition du problme dans un contexte social donn (Manseau, 1988, p.42).

    Ainsi, cette approche interprte la dviance, non pas comme un ensemble de

    caractristiques individuelles ou de groupe, mais comme un processus d'interactions

    entre les dviants et les non-dviants, ce qui n'est pas tranger aux structures du

    pouvoir dans la socit. La dviance serait le fruit d'une construction sociale et non

    un fait brut. Par consquent, l'tude de la conduite dviante est un domaine complexe

    analyser, parce qu'il existe autant de normes, de valeurs et de rgles que de types de

    violation. De plus, les normes varient travers le temps, les lieux et les groupes de

  • 24

    persOlmes. Ainsi, ce qui est nonnal dans une aire culturelle donne peut tre dviant

    dans une autre. Les ractions la dviance peuvent donc varier selon le moment

    prcis de la transgression des nonnes et selon le statut du transgresseur.

    En rsum, pour les interactionnistes, la dsignation officielle des problmes sociaux

    ne relve pas tant d'un consensus que de l'interprtation de ceux qui interviennent

    dans la dfinition des lois et de leur mise en application.

    En ce qui concerne notre champ d'tude qui est ax sur le trouble de sant

    mentale et le processus d'intgration sociale, l'interactionnisme symbolique examine

    la nature et la signification de l'exprience de la maladie dans le contexte de

    l'interaction avec les autres et elle est influence par les perceptions vhicules dans

    la socit. Chaque comportement ou message de l'un induit un comportement ou un

    message de l'autre dans un processus dynamique (Quivy et Van Campenhoudt, 2006).

    Si on se rfre l'approche de l'ordre dfinie par Wirth (1967), on voit la maladie mentale comme un problme social lorsqu'elle s'esquisse l'intrieur

    d'une socit vue comme un systme d'actions unifi par une culture commune.

    L'entente s'avre unanime travers les diverses composantes du systme: valeurs,

    mode de communication, organisations politiques. Par le biais de la socialisation, le

    systme social s'attend une dvotion de tous son gard. ce niveau, le comportement anonnal du malade mental, oppos la conformit sociale, signifie

    pour lui l'incapacit de remplir ses rles sociaux. Il s'agit d'une dficience, voire

    d'un chec du processus de socialisation.

    Ainsi, partir de la perspective interactionniste symbolique, nous analysons les

    difficults d'intgration sociale des personnes atteintes d'un trouble de sant mentale

    grave cotnrne tant le rsultat des interactions entre la personne atteinte d'un trouble

    de sant mentale et son environnement. Pour ce faire, nous dcrivons plus

  • 25

    spcifiquement notre cadre thorique bas sur la thorie de l'intgration sociale et sur

    les concepts de vulnrabilit, de stigmatisation et d'identit sociale. Prcisons que

    nous nous sommes intresse ces diffrentes dimensions dans le contexte o la

    vulnrabilit des personnes atteintes d'un trouble de sant mentale grave peut tre

    conue, selon Castel (1992), comme une zone de turbulence entre intgration et exclusion, dont l'importance grandit avec l'affaiblissement du filet social et

    l'augmentation de l'individualisme. Par ailleurs, selon Soulet (2004), il n'existe pas de vulnrabilit en soi, mais des tres vulnrables dans certaines circonstances et

    conditions.

    Par consquent, dans cette optique interactionniste, il est clair que la vulnrabilit des personnes atteintes d'un trouble de sant mentale ne relve pas du hasard ni d'une

    dfaillance uniquement individuelle, mais s'inscrit dans une trajectoire dtermine par les conditions structurelles sur le plan social, conomique, culturel et politique.

    De ce fait, il est difficile pour la personne avec des comportements dfinis

    comme inadapts de dfinir son identit sociale, car il s'agit d'une modalit

    d'identification non par rapport soi, mais par rapport l'ordre normatif. Cette non

    reconnaissance de la diffrence peut donc entraner des sentiments de mpris qui vont

    s'exprimer par la stigmatisation et renforcir, par le fait mme, la vulnrabilit de cette

    personne. En ce sens, nous avons choisi d'explorer le processus d'intgration sociale

    des personnes atteintes d'un trouble de sant mentale grave, car il se construit de

    manire dynamique avec les concepts de vulnrabilit, de stigmatisation et d'identit

    sociale. Dfinissons maintenant la thorie de l'intgration sociale.

    2.2 Thorie de l'intgration sociale

    La thmatique de l'intgration des individus et des groupes sociaux n'est pas

    rcente, que l'on pose la question de l'intgration des handicaps de toutes sortes, des

    pauvres ou des chmeurs et que l'on mette en place une srie de politiques et de

  • 26

    mesures pour leur venir en aide. Nous constatons qu'il est difficile de dfinir

    l'intgration sociale car la littrature a tendance utiliser plusieurs termes pour faire

    rfrence cette thorie. En ce sens, les auteurs parlent d'intgration, de rinsertion,

    d'insertion, d'insertion sociale, etc. Ainsi, Durkeim (1967, 1993), Dubet (1994) et Castel (1995) dfinissent l'intgration sociale comme la capacit, pour une socit donne, d'assurer une cohsion sociale en permettant aux groupes et aux individus

    qui la composent d'acqurir une place reconnue, c'est--dire, d'avoir les ressources et

    les moyens ncessaires l'obtention d'une certaine indpendance et autonomie.

    Cette possibilit d'avoir une place reconnue dpasse la simple survie et tient la

    capacit de vivre selon les standards dominants dans une formation sociale donne.

    Elle renvoie aussi aux ingalits sociales, puisque tous n'ont pas un accs gal aux

    ressources ncessaires pour s'assurer une vie dcente et ce, mme s'il existe des

    dimensions ce qu'il faut entendre par vie dcente. Parmi les ressources juges ncessaires, le logement est considr comme un lment-cl.

    Il demeure l'instrument par excellence permettant d'avoir accs aux autres

    ressources et c'est prcisment l que le bt blesse. Dans la conjoncture sociale actuelle, une telle ressource n'est pas toujours disponible ou elle l'est de faon ingale.

    Prcisons que, dans notre recherche, nous considrons l'exclusion et l'intgration

    comme deux ples opposs du processus d'insertion sociale. Cette analyse de

    processus se rfre principalement Castel (2003) qui mentionne que: Cette marginalit, ne peut s'apprhender qu' l'aide d'une thorie explicite ou implicite, de

    l'intgration sociale, sont intgrs les individus inscrits dans des rseaux producteurs

    de richesse et de reconnaissance sociale, seraient exclus ceux qui ne participeraient

    pas ces changes rgls . De plus, il dfinit la notion d'intgration comme tant:

    un contenu qui n'est pas donn une fois pour toute. C'est une sorte de construction historique, parce que l'intgration exprime un certain

  • 27

    quilibre entre les groupes sociaux. Idalement, ce serait une forme de cohsion sociale dans laquelle tous les individus, qui composent une socit, trouveraient une place reconnue (2003, p. 20).

    En s'appuyant sur les travaux de Schnapper (1981, 1995, 1997), Paugam (1991, 1996), De Gaulejac et Leonetti (1994), Castel (1995) dmontre que: l'intgration sociale est le rsultat d'un ensemble de processus dont il faut trouver les origines en

    amont, au cur mme des processus de la production et de la rpartition des richesses

    sociales (1995, p. 20).

    Pour tous ces auteurs, l'intgration sociale est aUSSI un phnomne

    multidimensionnel. Ainsi, De Gaulejac et Leonetti (1994) considrent que le processus d'intgration des individus comporte trois dimensions: conomique,

    sociale et symbolique. conomique, car le dclin caractris du salariat et la perte des protections sociales ont plong des groupes de personnes dans une situation de

    prcarit et de vulnrabilit sociale facilitant les possibilits de vivre de l'exclusion et

    d'entrer en marge. Sociale, car les liens interpersonnels ou avec diverses institutions

    sont autant de possibilits pour les personnes de vivre des changes, d'obtenir des

    informations et mme d'avoir accs certaines ressources en vue d'obtenir des

    emplois. Symbolique, car en s'intgrant dans le monde conomique et social, les

    personnes correspondraient aux modles culturels dominants, aux valeurs reconnues

    et se rebtiraient ainsi une identit acceptable aux yeux du monde et leurs

    propres yeux.

    Dans cette recherche, nous dfinirons le processus d'intgration sous sa

    conception la plus commune, telle que le prsente Castel (1995), soit comme un ensemble de procdures qui visent annuler cette sorte de dficit dont souffre un

    individu stigmatis, pour qu'il puisse se rinscrire dans la vie sociale, parit avec

    ceux qui n'ont pas souffert de ce dficit.

  • 28

    Aussi, nous tiendrons compte de l'aspect multidimensionnel de l'intgration

    sociale en examinant la question de l'insertion des personnes atteintes d'un trouble de

    sant mentale sur le plan de l'habitat sous un angle phnomnologique, en partant de

    l'exprience mme de ces personnes. Nous examinerons leur cheminement en nous

    intressant aux caractristiques des trajectoires qu'elles ont suivies sur le plan de l'habitat selon trois concepts: vulnrabilit, stigmatisation et identit. Ces concepts

    nous permettront de mieux saisir les ventuels processus ayant conduit ces personnes

    des pisodes d'intgration ou de non-intgration sur le plan de l'habitat.

    2.3 Concept de vulnrabilit

    Le premier concept thorique que nous avons choisi d'aborder dans la thorie de

    l'intgration sociale est celui de vulnrabilit. Selon Roy (2008), la dfinition de la vulnrabilit applique des individus, des familles et des communauts reprsente

    un dfi de taille pour les chercheurs et les divers intervenants uvrant auprs des

    personnes et des populations considres comme exclues et vulnrables. Certains

    auteurs privilgient une explication axe sur le contexte de vulnrabilit (Soulet, 2004), un tat intermdiaire entre l'intgration et la dsaffiliation (Castel, 1992). D'autres, comme Felouzis (2001) et Chtel (2005) le considrent comme un dficit de ressources gnrant un tat de vulnrabilit et une impossibilit d'agir. Si nous

    sommes tous des candidats vulnrables, il n'en demeure pas moins que les

    trajectoires individuelles sont intimement lies la force de leurs liens et de leurs rseaux sociaux. Le statut social et conomique, la frquence et l'intensit des

    moments de vulnrabilit, la force ou la faiblesse des liens sociaux constituent des

    facteurs importants dans la saisie de ce qui est vulnrable sur une base temporaire et

    ponctuelle ou structurelle, voire sur une base permanente. Selon Clment et Bolduc

    (2004), ce concept fait rfrence aux ruptures qui touchent les dimensions conomique, matrielle, psychologique et symbolique.

  • 29

    La vulnrabilit reprsente une tape prcise d'un long processus menant

    l'exclusion, laquelle peut se vivre sur plusieurs plans, dont celui de la sant, de

    l'entourage familial, du rseau social, du milieu scolaire, du milieu du travail, de la

    relation amoureuse, etc.

    Il existe des populations, telles les persOlIDes ayant un trouble de sant mentale

    grave, en tat de fragilit ou de prcarit qui ont une forte probabilit de connatre ou

    connaissent effectivement un processus susceptible de les exclure de la vie collective,

    professionnelle et relationnelle (Schnapper, cite dans Paugam, 1996, p. 27). Mann (1994) rapporte que les personnes ayant des troubles mentaux cumulent les facteurs de vulnrabilit suivants: fragilisation des relations sociales et familiales, problmes

    financiers, difficult se projeter dans le futur, problme d'accs l'ducation, l'information, la sant, aux services plus gnraux, tels les services sociaux,

    problme d'interaction avec les autres membres de la socit (mpris, rejet, piti ... ).

    La dimension conomique fait rfrence des indicateurs quantitatifs. On pense

    particulirement aux revenus, au type d'habitation, aux biens immobiliers, au cot de

    l'habitation. Selon De Gaulejac et Leonetti (1994), la dfinition du seuil de niveau de vie minimum permettant d'tre considr comme intgr conomiquement fait l'objet de dbat. ce sujet, on retrouve deux conceptions: la pauvret absolue et la pauvret relative. Prcisons que la pauvret absolue fait rfrence des besoins fondamentaux

    exprims en termes biologiques de survie, alors que la pauvret relative tient compte

    du niveau de dveloppement de la socit et des systmes de valeurs. La pauvret

    relative fait rfrence des normes sociales et de ne pas correspondre ces normes

    peut tre vcu et peru comme une situation anormale et comme un rsultat d'une

    incapacit personnelle. Il nous apparat important de tenir compte de ces deux

    conceptions puisqu'elles peuvent tre porteuses de sens diffrents pour les personnes.

    Notons que ces auteurs font remarquer que si l'intgration conomique est capitale,

  • 30

    son absence ne suffit pas dfinir ou expliquer l'exclusion sous ses diffrentes

    fonnes (1994, p. 58).

    Par ailleurs, Bergier (1994) dcompose la trajectoire en quatre tapes menant certains individus vers l'exclusion: rupture, enchanement des ruptures, dcrochage

    et dchance.

    La rupture consiste en un vnement difficile que la personne n'arrive pas

    assumer, par exemple, le dcs d'un tre cher, une maladie grave, la perte d'un logis,

    etc. L'enchanement des ruptures survient suite au bouleversement et l'instabilit

    lis la premire rupture. L'individu devient alors vulnrable d'autres ruptures et

    perd de plus en plus la matrise de ses conditions d'existence (De Gaulejac et Leonetti, 1994, p. 118). Selon ces auteurs, l'tape du dcrochage, l'individu survit en utilisant des moyens institutionnels, des serVices d'aide. cette tape, il est donc socialement repr et dsign comme errant, d'o les consquences sur la

    participation ultrieure la vie sociale et sur l'volution de l'image de soi . Cette

    phase serait cruciale dans le processus de mise en place d'un concept marginal .

    Le bouleversement plincipal est un changement d'identit aux yeux des autres (De Gaulejac et Leonetti, 1994, p. 118-119). L'tape de la dchance implique une entre dans un groupe organis d'exclus. L'individu dveloppe une appartenance sociale et

    il justifie son nouvel tat par des rationalisations qui le conduisent dfendre ce mode de vie, quand bien mme il est cause de souffrance (Bergier, 1994, p. 119, dans Bernier, 2004).

    La comprhension de ce parcours d'intgration la dsinsertion, prsent par Bergier (1994), incite porter une attention sur les difficults d'intgration que vivent les personnes atteintes d'un trouble de sant mentale grave sur le plan de l'habitat par

    rapport cette trajectoire, mais aussi sur les stratgies mises en uvre par ces personnes pour faire face cette situation. Ce chercheur nous amne prendre

    conscience des stratgies des acteurs, mieux comprendre comment ils se

  • 31

    dbrouillent chacun dans leur rle pour sUlmonter ou contourner les situations

    sociales difficiles avec leurs capacits propres, leurs attentes, leurs dsirs ou, au

    contraire, comment ils se trouvent broys par ces contraintes et irrsistiblement

    entrans par les mcanismes d'exclusion. Ainsi, si Bergier (1994) a dvelopp, comme Castel (1994), un regard sur l'exclusion en termes de processus, nous retenons leur enrichissement quant la manire dont les personnes atteintes d'un trouble de sant mentale peuvent percevoir et vivre les tapes d'une trajectoire les conduisant la dsinsertion sur le plan de l'habitation. Par consquent, la personne

    n'est pas considre comme passive dans ce processus. C'est ce qui nous amne

    vouloir explorer les perceptions des personnes atteintes d'un trouble de sant mentale

    grave et des travailleurs sociaux sur les difficults d'intgration sociale que les

    personnes atteintes de troubles mentaux ont pu vivre sur le plan de l'habitation et

    quelles stratgies ils ont mis en uvre pour SUlmonter ces difficults.

    2.4 Concept de stigmatisation

    Nous poursuivrons le dveloppement de notre cadre thorique avec le concept de

    stigmatisation, qui s'inscrit dans un processus complexe mettant en relation plusieurs

    concepts, tels l'tiquetage social et la discrimination, la dviance et la normalisation

    des comportements, la vulnrabilit et les rapports de pouvoir, la reprsentation

    sociale, voire mme l'identit. Plus prcisment, la stigmatisation consiste en un

    processus par lequel les individus se trouvent marqus, tiquets suite une

    exprience de rejet social. La stigmatisation a pour effet de rduire l'identit de l'individu une seule facette (celle marque par la marginalit ). Par consquent, la lutte contre cette tiquette qui lui est accole devient le principal obstacle sa

    rintgration sociale. Selon Ville (1999), l'acte d'tiqueter une personne ou un groupe ne se limite pas seulement dcrire une dviance ou une dficience, elle

    implique galement l'attribution d'un ensemble de caractristiques culturellement

    associes cette dviance. Autrement dit, le prjug ne porte pas tant sur la

  • 32

    condition, la maladie ou l'tat d'une personne que sur les comportements

    supposment sous-jacents ces derniers. Les personnes atteintes d'un trouble de sant mentale peuvent ainsi tre perues comme des irresponsables, des personnes

    faibles qui n'ont pas suffisamment de contrle sur leurs pulsions, voire des menaces

    l'ordre social (fardeau conomique, compte tenu du cot des soins de sant ou services sociaux requis et d'une possibilit de faible participation la vie

    conomique, fardeau social compte tenu de la menace de sant, la scurit ou au

    bien-tre qu'ils peuvent reprsenter pour la population).

    Selon Rogel (1997), le stigmate correspondrait toute caractristique propre l'individu ou au groupe qui, si elle est connue, le discrdite aux yeux des autres.

    Aussi, De Bruyn (1998) mentionne qu'un stigmate part d'une expression de norme sociale et culturelle qui faonne des relations entre les personnes conformes cette

    norme et trace une frontire dans la socit entre les normaux et les exclus, entre nous

    et eux. Toujours d'aprs Rogel (1997), le stigmatis sera gnralement peru comme occupant une position sociale infrieure. Parfois le stigmate est si important qu'il a

    pour effet de suspendre tous les autres rles sociaux que peut jouer l'individu qui en est afflig; le stigmate devient ainsi le centre de toutes les penses et donc le premier

    lment de dfinition de l'individu.

    Selon Goffman (1963), le stigmate a galement un pouvoir d'extension dont le caractre dvalorisant peut s'tendre la famille, aux proches et la communaut de

    l'individu concern, c'est ce qu'il appelle la stigmatisation de courtoisie. La perte de

    l'estime de soi (lie aux problmes concrets de la vie quotidienne) reprsente sans doute le phnomne le plus marquant chez la personne tiquete. Ainsi, la

    stigmatisation affecte tous les aspects de la vie d'un individu, dont l'estime de soi,

    l'accs au logement, l'emploi, etc. De plus, la situation de stigmatis s'accompagne d'un sentiment de culpabilit, notamment si l'individu est tax de comportements

    risque ou d'habitudes de vie malsaine.

  • 33

    Pour terminer, prcisons que la stigmatisation des personnes atteintes de troubles

    mentaux est encore prsente dans notre socit. Le problme de la sant mentale reste

    encore, en bonne partie, un construit social en mme temps qu'une question de

    fragilit personnelle. Malgr les efforts du gouvernement dmystifier la maladie

    mentale, les prjugs, la discrimination et la stigmatisation font encore partie d'un combat que doivent mener les personnes atteintes d'un trouble de sant mentale

    grave. Le champ de l'habitation n'y fait pas abstraction. Selon plusieurs auteurs, la

    persistance des attitudes et des croyances ngatives vient de l'ignorance des gens face

    aux maladies mentales. Un rapport de Sant Canada (2002) rapporte que s'y greffent la superstition et le manque d'empathie, faisant de la discrimination et de la

    stigmatisation une des plus tragiques ralits de la sant mentale. L'image strotype

    que conserve la population sur les personnes prsentant une maladie mentale est

    projete, en l'occurrence par les mdias, internalise par l'auditoire et devient un mythe dont il est difficile de se dfaire. Comment la stigmatisation se traduit-elle

    dans la vie des personnes atteintes de troubles mentaux graves sur le plan de l'habitat

    dans la rgion de Lanaudire Sud? Cette recherche, base sur les expriences des

    personnes atteintes de troubles mentaux et des travailleurs sociaux travaillant

    quotidiennement auprs de cette clientle, devrait tre en mesure de nous clairer sur

    cette question.

    2.5 Concept d'identit

    Le troisime concept touchant la thorie de l'intgration sociale est celui de

    l'identit, qui regroupe les faons dont les individus ou les groupes se dfinissent par

    eux-mmes et sont dfinis par autrui.

    L'identit est la fois une construction des agents sociaux l'i~trieur d'euxmmes et une catgorisation de la part de la communaut et des institutions sociales

    (Banque de ressources interactives en sciences conomiques et sociales, 1990). Ainsi, tel que le mentionne Boulte (1995), l'identit permet l'individu de se situer, de se

  • 34

    reprer, de savoir qui il est, de donner un sens son existence. S'il est suffisamment assur de qui il est, l'individu peut entrer en relation avec les autres. En l'absence

    d'accs un rle social et professionnel valoris et devant la non-reconnaissance de son importance dans le monde dans lequel la personne vit, cette personne est

    fragilise et prive des moyens et des conditions ncessaires une construction

    identitaire qui lui pennettrait d'agir, de se positionner dans le monde et d'tre active

    (De Queinoz, 1996). En parallle, considrer que l'on vi t l'envers ou l'oppos des valeurs sociales dominantes de russite, d'autonomie, de perfonnance, de crativit,

    etc. ou que l'on a t abandonn par les structures sociales ou encore que l'on doit

    assumer seul la responsabilit de son chec d'insertion ne peut que gnrer des

    sentiments ngatifs: humiliation (Dloye et Haroche, 2006), indignit (Sennet, 2003), mpris (Renault, 2000), honte (De Gaulejac et Leonetti 1994). Vivre l'exclusion, c'est en venir ne pas avoir de travail, d'habitat, n'avoir que trs peu de rseaux

    sociaux, avoir peu d'infonnations, perdre son estime de soi et son identit, ne plus

    avoir de sentiment d'appalienance ou presque, se sentir seul (Roy, 2008).

    Paugam (1991) dveloppe le thme des difficults d'intgration autour de la notion de disqualification sociale. Pour lui, cette notion est en lien avec la logique de

    dsignation et d'tiquetage et de ses effets sur le plan identitaire. Il souligne

    galement l'importance de prendre en compte la fois l'identit sociale et l'identit personnelle qui pennettent de comprendre la rsistance au stigmate. Ainsi, il

    reconnat l'individu une marge d'autonomie dans la dfinition du soi. Pour mieux

    tudier le tenne de disqualification sociale, Paugam (1991) rappelle la ncessit d'tablir une hirarchie des statuts sociaux. C'est par le degr d'intensit des

    interventions sociales qu'il en arrive dfinir trois types de bnficiaires de l'action

    sociale: les fragiles, les assists et les marginaux. une intervention sociale ponctuelle correspond les fragiles, une intervention rgulire, les assists et, enfin,

    ce qu'il nomme une infra-intervention, les marginaux.

  • 35

    Paugam (1991) a recherch la correspondance entre les caractres des trois types mentiOlms et le sens que les individus donnent leurs expriences vcues. L'auteur ajoute que: le recours l'assistance a souvent t dcrit comme une preuve humiliante qui peut introduire un changement profond dans l'itinraire moral d'un

    individu (1991, p. 25). Ces affirmations concordent avec les tudes de Ridgway et Zipple (1990) et de Minsky, Gubman et Duffy (1995) cites dans notre problmatique, o les rsultats mettaient en vidence que les diffrents types de

    soutien offerts aux personnes atteintes d'un trouble de sant mentale grave ont un

    impact sur l'identit de ces personnes, principalement si elles sont considres

    comme des tres fragiles, en besoin de protection.

    Paugam (1991) a aussi explor la relation entre la recherche d'une identit et d'un statut et la condition objective des personnes reconnues en situation de prcarit conomique et sociale. C'est en examinant attentivement le sens que les individus

    donnent leurs expriences vcues qu'on peut dgager les lments positifs ou ngatifs, dynamiques ou passifs de leur identit. De cet auteur, nous retenons les

    consquences de la dsignation et de l'tiquetage sur le plan identitaire, le

    questionnement sur les formes d'intervention ainsi que l'organisation sociale par

    rapport ce qu'ils peuvent faire vivre aux personnes atteintes d'un troub le de sant mentale grave sur le plan de l'habitat. Effectivement, nous croyons que ces concepts

    peuvent tre d'un apport prcieux pour enrichir notre tude dans le champ de

    l'intgration sociale des personnes atteintes d'un trouble de sant mentale grave sur le

    plan de l'habitat dans la rgion de Lanaudire Sud.

  • 36

    Vu Illra bilit

    1IIIpact de la trajectoire rsidentielle, du rseau familial,

    sorial et professionnel et des dimensions: conolllique cl ps~'Chologi(J1ll'sUI'I'accs au

    logement et sur le sens que lui donnent les personnes atteintes

    de troubles mentaux et les tnl\'lIilleul"s sodaux

    Figure 1 : Schma conceptuel

    INTGRATION SOCIALE

    Stigmatisation

    IlIIl'acl de la dislTimination ct des

    prjugs I)ar rapl)ort aux personnes diagnostiqnes

    d'un trouhle de sant mentale sur l'accs et le

    \' tir u Cil logcmen1

    Idcn tit

    1m pact des ex priences rsidentielles des

    personnes atteilltes d'un tronble de sant mentale

    ail plan personnel et sodal

  • CHAPITRE III

    MTHODOLOGIE

    3.1 Type de recherche

    Dans cette recherche, de nature qualitative, nous avons explor la question du

    processus d'intgration sociale chez les personnes qui vivent des problmes de sant

    mentale dans le champ de l'habitation. Ce phnomne a t tudi dans son ensemble

    et partir des points de vue et du sens que lui donnent les personnes qui le vivent ou

    qui sont en contact avec cette problmatique. Nous avons privilgi la construction

    d'un savoir au plus prs de l'exprience des personnes et nous nous sommes

    intresse aux paroles qui portent l'empreinte de l'exprience, tout en tant

    consciente que cette construction est dlicate. Corin (2000) souligne que dans nos tentatives de comprendre l'autre, il y a toujours un risque de projeter nos propres sentiments et nos propres penses dans l'autre. Elle rappelle que: toute rencontre

    est une entreprise d'interprtation o chacun cherche comprendre et interprter les

    signes et les mots de l'autre en fonction de son propre cadre de rfrence (Corin, 2000, p. 22). Prcisons que nous ne nous considrons pas comme extrieure la situation mais davantage comme participante la construction d'un savoir mergeant

    peu peu par l'coute et le dialogue avec l'autre.

    Par rapport la recherche qualitative en travail social, Groulx (1998 p. 22) affirme que celle-ci permet un dcentrement vis--vis les manires dominantes de

    concevoir l'intervention et les pratiques sociales et d'analyser les problmes

    sociaux , ce qui va dans le sens o nous voulons diriger cette recherche. Faire appel

    aux savoirs des personnes concernes, c'est nous ouvrir d'autres perceptions,

    d'autres visions, ce qui nous apparat tre essentiel l'enrichissement des pratiques

    en travail social.

  • 38

    3.2 chantillons

    Pour les fins de cette recherche, nous avons ralis dix entrevues semidiriges,

    dont six avec des personnes atteintes d'un trouble de sant mentale grave et quatre

    avec des travailleurs sociaux exerant en sant mentale.

    Nous voulions recueillir leurs perceptions, points de vue et expriences en regard

    du processus d'intgration sociale des personnes atteintes de troubles mentaux sur le

    plan de l'habitat. Depuis quelques annes, nous observons un changement dans les

    recherches faites auprs des personnes atteintes de troubles mentaux. En effet, elles

    tendent vouloir impliquer davantage cette clientle dans les tudes axes sur leurs

    besoins et reconnatre leur savoir exprientiel. Aussi, comme le trouble de sant

    mentale touche le fonctionnement gnral de la personne atteinte, le volet

    biopsychosocial nous aide mieux comprendre ce que vivent ces personnes. Par

    consquent, nous trouvions intressant d'entendre les points de vue sur cette

    problmatique, autant des personnes atteintes d'un trouble de sant mentale que des

    travailleurs sociaux.

    3.2.1 chantillon des personnes atteintes d'un trouble de sant mentale grave

    Les six personnes atteintes d'un trouble de sant mentale grave ont t

    slectionnes avec l'aide d'un coordonnateur clinique du centre de radaptation La

    Myriade. Cette ressource offre des activits de radaptation et d'encadrement

    d'intensit variable pour les personnes atteintes d'un trouble de sant mentale grave

    en vue d'une intgration sociale dans la communaut. Les personnes qui ont t

    slectionnes pour cette recherche devaient rpondre aux critres d'admissibilit du

    centre de radaptation La Myriade, soit:

    ~ avoir un diagnostic d'un trouble de sant mentale grave; ~ tre stable au point de vue mdical; ~ avoir un suivi en psychiatrie;

  • 39

    ~ ne pas avoir une dficience intellectuelle; ~ avoir dj vcu au moins deux ans en logement;

    ~ ne pas avoir t suivies par la chercheure.

    Nous avons contact ces personnes nous-mmes, suite un premier contact fait

    par le coordonnateur clinique, pour leur expliquer le sens de cette recherche. Ces

    personnes taient toutes intresses partager volontairement leur exprience.

    3.2.2 chantillon des travailleurs sociaux

    Du ct des travailleurs sociaux, nous les avons slectionns partir des

    cliniques externes de psychiatrie rattaches l'hpital Pierre-Le Gardeur. Lors du

    recrutement, nous avons t sensible l'effet de dsirabilit sociale, du fait que nous

    travaillons nous-mme l'hpital Piene-LeGardeur et que nous connaissions les

    travailleurs sociaux de l'arrondissement. Les travailleurs sociaux qui ont particip

    cette recherche rpondaient aux critres exigs par cet tablissement pour travailler

    en clinique externe de psychiatrie, soit:

    ~ tre titulaire d'un baccalaurat en travail social; ~ avoir plus de deux ans d'exprience auprs de la clientle en sant mentale;

    ~ travailler en psychiatrie adulte dans la rgion de Lanaudire Sud; ~ tre membre de l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Qubec.

    Ils ont donc t contacts, en premier, par une lettre d'invitation que nous avions

    prpare pour leur expliquer le sens de notre recherche. Spcifions que notre nom

    n'apparaissait pas sur cette lettre d'invitation. Par la suite, les travailleurs sociaux

    intresss participer cette recherche ont appel notre directeur de mmoire et une

    agente de recherche pour raliser cette entrevue.

  • 40

    3.3 Obtention du brevet dontologique

    Avant de procder la ralisation des entrevues, nous avons obtenu un brevet

    dontologique de l'UQM et du comit central d'thique de la recherche du CSSS de Lanaudire. Le mandat de ces comits est de veiller la scurit et au bien-tre des

    sujets et d'assurer le respect de leurs droits. Comme mentionn prcdemment, nous avons tenu compte de l'influence de notre statut sur le recrutement. Nous avons aussi

    accord une grande importance la rdaction et la distribution du formulaire de

    consentement libre et clair prvu cet effet. Ce formulaire dcrivait clairement les objectifs et les modalits de la recherche ainsi que l'utilisation des donnes recueillies.

    Les personnes taient informes de leur droit de refuser de rpondre une

    question ou de pouvoir se retirer tout moment. Il incluait galement l'numration des personnes qui avaient accs aux informations recueillies, de quelle manire la

    confidentialit des donnes tait prserve et de la dure de conservation. Nous tions

    ouverte rpondre toutes questions pouvant les aider prendre une dcision. Puis,

    si la personne acceptait, elle devait signer le formulaire et nous procdions ensuite la ralisation des entrevues.

    3.4 Choix de l'instrument de collecte de donnes

    Nous avons choisi la mthode d'entretien, car elle nous permettait d'avoir un

    vritable change avec les gens que nous avons rencontrs. Cette mthode permet de

    rcolter des tmoignages en respectant les interlocuteurs sur leurs propres cadres de

    rfrence: leur langage. Pour viter que ces personnes s'loignent de notre sujet de recherche, nous avions prpar un schma d'entretien (Annexes 2 et 3).

    Tel que dfini par Quivy et Van Campenhould (1998), dans ce type d'entrevue, le chercheur dispose d'une srie de questions guides, relativement ouvertes, propos

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    desquelles il est impratif qu'il reoive une information de l'interview. Le guide

    d'entretien a t labor en fonction de notre cadre thorique. Les thmes abords

    traitaient des concepts rattachs la thorie de l'intgration sociale, soit les concepts

    de vulnrabilit, de stigmatisation et d'identit. Prcisons que nos questions

    d'entrevue taient de forme ouverte afin de permettre une plus grande latitude dans

    l'expression. Nous n'avons pas procd de faon identique dans chacune des

    entrevues. Parfois, une seule question permettait une personne de s'exprimer sur plusieurs dimensions alors que pour d'autres, nous avons d questionner de faon

    plus systmatique. Nous nous sommes donc adapte selon les caractristiques

    expressives des personnes. Les questions furent bien accueillies et aucun moment

    nous n'avons peru de rticences rpondre.

    3.5 Collecte de dOlU1es

    Les persolU1es interroges nous ont livr leurs points de vue et leurs expriences

    avec gnrosit. La dure approximative des entrevues fut d'environ 60 minutes et

    celles-ci se sont droules au lieu choisi par les persolU1es.

    Les quatre travailleurs sociaux ont opt pour faire les entrevues dans leur milieu

    de travail respectif. Spcifions encore que nous n'avons pas ralis nous-mmes les

    entrevues avec eux. Par souci thique, notre directeur et une agente de recherche ont

    ralis les entrevues. Quatre personnes atteintes d'un trouble de sant mentale prfraient nous rencon