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HISTOIRE Objet d’étude 3 : La République et le fait religieux depuis 1880 (cours) Introduction : Les fondateurs de la III ème République (4 septembre1870) veulent une société laïque, c'est-à-dire libérée de l’influence de la religion encore très influente à cette époque. Dès 1880, les luttes d’opposition entre républicains et catholiques dominent la vie politique jusqu’en 1914. Par la suite, les rapports vont s’apaiser même si, périodiquement, des tensions resurgissent tout au long du XX ème siècle. Problématique : Quelles relations l’Etat français entretient-il avec le fait religieux depuis 1880 ? Quelle est la place des religions dans la République du XX ème siècle ? I) La séparation progressive de l’Eglise et de l’Etat Document 1 : Une importante législation laïque dans les années 1880 1880 (28-29 mars) : décrets sur les congrégations religieuses : expulsion des jésuites. 1880 (12 juillet) : suppression du repos hebdomadaire le dimanche, sauf pour les fonctionnaires. 1882 (18 mars) : loi scolaire rendant l'école obligatoire et laïque. 1884 (27 juillet) : loi rétablissant le divorce. 1884 (28-28 mars) : loi municipale. Elle réglemente notamment des sonneries religieuses et civiles des cloches et confie les clés des églises au curé et au maire. 1884 (14 août) : suppression des prières publiques officielles à l'ouverture de chaque session parlementaire. 1886 (30 octobre) : loi de laïcisation du personnel enseignant dans les écoles publiques. 1887 (15 novembre) : loi sur la liberté des funérailles et l'appréciation des dernières volontés des défunts (qui ne souhaitent pas d'enterrement religieux). 1889 (15 juillet) : loi militaire fixant le service militaire à trois ans et à un an pour les ecclésiastiques jusqu'alors dispensés (loi des «curés sac au dos»). Questions (à titre indicatif) - Expliquez le titre (législation, laïque) et contextualisez le document (années 1880)

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HISTOIRE Objet d’étude 3 :

La République et le fait religieux depuis 1880 (cours)

Introduction :

Les fondateurs de la IIIème République (4 septembre1870) veulent une société laïque, c'est-à-dire libérée de l’influence de la religion encore très influente à cette époque. Dès 1880, les luttes d’opposition entre républicains et catholiques dominent la vie politique jusqu’en 1914. Par la suite, les rapports vont s’apaiser même si, périodiquement, des tensions resurgissent tout au long du XXème siècle.

Problématique : Quelles relations l’Etat français entretient-il avec le fait religieux depuis 1880 ? Quelle est la place des religions dans la République du XXème siècle ?

I) La séparation progressive de l’Eglise et de l’Etat

Document 1 : Une importante législation laïque dans les années 1880

1880 (28-29 mars) : décrets sur les congrégations religieuses : expulsion des jésuites. 1880 (12 juillet) : suppression du repos hebdomadaire le dimanche, sauf pour les fonctionnaires. 1882 (18 mars) : loi scolaire rendant l'école obligatoire et laïque. 1884 (27 juillet) : loi rétablissant le divorce.1884 (28-28 mars) : loi municipale. Elle réglemente notamment des sonneries religieuses et civiles des cloches et confie les clés des églises au curé et au maire.1884 (14 août) : suppression des prières publiques officielles à l'ouverture de chaque session parlementaire.1886 (30 octobre) : loi de laïcisation du personnel enseignant dans les écoles publiques.1887 (15 novembre) : loi sur la liberté des funérailles et l'appréciation des dernières volontés des défunts (qui ne souhaitent pas d'enterrement religieux).1889 (15 juillet) : loi militaire fixant le service militaire à trois ans et à un an pour les ecclésiastiques jusqu'alors dispensés (loi des «curés sac au dos»).

Questions (à titre indicatif)

- Expliquez le titre (législation, laïque) et contextualisez le document (années 1880)- Dans quels domaines de la vie publique l’Etat légifère-t-il ? école, politique, code civil,

militaire, religieux- Comment interprétez-vous la mise en place de ses différentes lois en une dizaine d’années ?

séparation progressive de l’Etat et de l’Eglise (laïcité), libertés supplémentaires accordées aux femmes et aux futurs défunts

Document 2 : Aristide Briand et la loi de 1905

Avocat et journaliste, Aristide Briand est député socialiste en 1902. Rapporteur de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat en 1905, il est ensuite ministre de l’Instruction publique et des Cultes pendant les inventaires des établissements de culte en 1906.

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Questions (à titre indicatif)

- Type de document ? A quoi le voyez-vous ? Caricature car République (Marianne) plutôt grosse (gourmande d’impôts ?) prêt à recevoir dans son tablier des richesses. L’Eglise, représentée par le curé plutôt gros et avec un nez rouge (façon de montrer qu’il aime la bonne chère et le bon vin !) fait face à Marianne.

- Position des personnages ? Symbole ? Aristide Briand, instigateur de la loi de 1905, est au milieu pour séparer la République et l’Eglise. Comme dans un combat, il arbitre cette séparation mais réclame une entente cordiale entre les 2 parties. Son rôle est également de trouver un compromis pour satisfaire les religions.

- D’après vous, en quoi cette séparation pose-t-elle d’énormes soucis pour l’Eglise? L’Eglise perd beaucoup (inventaires des biens et des lieux de culte, perte de salaires, des subventions,..)

Synthèse :

La séparation entre l'État et les religions :

À partir de 1880, le combat pour la laïcité concerne aussi bien la vie publique que la vie privée. Les lois Jules Ferry de 1881 et 1882 instaurent l'école primaire gratuite, obligatoire et laïque. Le droit au divorce est rétabli en 1884. En 1886, les religieux ne peuvent plus enseigner dans les écoles publiques. Fermement appliqué par Emile Combes, la loi de 1901 limite la mainmise des congrégations religieuses sur l’enseignement. En 1905 enfin, la loi sépare définitivement les Églises de l'État. Le rapporteur de cette loi, Aristide Briand, propose que les lieux de culte puissent bénéficier d’aides publiques en tant que patrimoine cultuel de la nation. La pratique religieuse relève désormais de la vie privée.

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Jules Ferry (1832-1893). Avocat et journaliste, ce républicain joue un rôle décisif entre 1879 et 1882 comme ministre de l'Instruction publique. Il rend l'école primaire laïque, gratuite et obligatoire.Aristide Briand (1862-1932). Avocat et homme politique socialiste, onze fois président du Conseil, il cumule souvent ce poste avec celui de ministre des Affaires étrangères. En 1905, il est le porte-parole du projet de loi de séparation des Églises et de l'État.

II) Une laïcité remise en cause pendant la France de Vichy

Document 3 : Stéphanie Corcy, Chercheuse associée au Centre d’histoire sociale du XXe siècle

Vichy et la laïcité : les paradoxes de la neutralité scolaire

Entre guerre scolaire et question religieuse : les enjeux.

Une fois l’épuration lancée, par les lois de l’été 1940 et le statut des Juifs du 3 octobre 1940, et pratiquement menée à son terme parmi le personnel du ministère de l’Instruction publique, la question de la laïcité se pose au gouvernement du maréchal Pétain. Une querelle franco-française éclate alors sous les yeux de l’occupant, qui va indirectement en influencer le déroulement.

Les initiatives de ministres de l’Instruction publique de Vichy provoquent le débat. La loi du 3 septembre 1940 abroge la loi du 7 juillet 1904 portant suppression de l’enseignement congréganiste1. Georges Ripert, secrétaire d’Etat à l’Instruction publique et aux Beaux-Arts du 6 septembre 1940 au 13 décembre 1940, autorise en effet, les élèves des écoles libres à bénéficier de la Caisse des écoles par une loi du 15 octobre 1940. Par un arrêté du 23 novembre 1940, les devoirs envers Dieu sont réinscrits par son successeur, Jacques Chevalier, dans les programmes de l’enseignement primaire, après avoir été supprimés par Paul Lapie en 1923. Catholique intégriste, Jacques Chevalier se coule immédiatement dans le moule de la Révolution nationale. Deux lois du 6 janvier 1941 achèvent de déclencher la guerre scolaire : la première introduit l’enseignement religieux dans les horaires normaux à titre d’option autorisant les prêtres à le dispenser à l’école, la seconde donne aux communes le droit de subventionner les écoles libres. D’autre part, le régime de Vichy accorde des subventions aux instituts catholiques, reconnus d’utilité publique, ainsi qu’aux facultés de théologie protestante2.

La politique scolaire menée par Jacques Chevalier est perçue par une partie de l’opinion publique comme une menace pour la laïcité et un ultime épisode du retour de cléricalisme. Ses réformes sont accueillies très favorablement par l’Eglise, mais avec de la réticence de la part de la gauche catholique3. Marcel Déat entame dans son journal « L’œuvre » une campagne contre la cléricalisation de l’école publique. La presse collaborationniste prend donc la défense de la laïcité. La question scolaire, posée par les relations entre enseignement public et école libre, et la question religieuse, qui interroge la place de l’Eglise dans la société, resurgissent, alors que l’Eglise soutient la Révolution nationale et espère une aide massive à l’enseignement religieux4. […]

1 Et l’article 14 de la loi du 1er juillet 1901 sur les associations, article qui interdisait aux membres des congrégations religieuses non autorisée de diriger un établissement.

2 Jean-Marie Mayeur, La question laïque, Paris, Fayard, 1997, p. 174. Sauf à celui de Toulouse, dont le recteur, Mgr Bruno de Solages, refuse ce financement.

3 Pierre Giolitto, Histoire de la jeunesse sous Vichy, Paris, Perrin, 1991, p. 162. 4 La loi du 15 octobre 1940 autorise les élèves des écoles libres à bénéficier de la Caisse des écoles. Un arrêté du 23 novembre

1940 réintroduit les devoirs envers Dieu dans les programmes de l’enseignement primaire, après leur suppression par Paul Lapie en 1923.

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Une loi du 6 janvier 1941 introduit l’enseignement religieux dans les horaires normaux, une seconde donne aux communes le droit de subventionner les écoles libres.

http://histoire-sociale.univ-paris1.fr (9 avril 2010)

Questions (à titre indicatif)

- Type de document ? A quoi le voyez-vous ? Texte récent (référence 1991, 1997) et écrit par une chercheuse d’histoire sociale du XXème siècle.

- De quelle période historique parle ce document ? France de Vichy sous le gouvernement Pétain.

- Quelles sont les idées principales de ce texte concernant la scolarité ? L’Eglise récupère une grande partie de ce qu’elle a perdu en 1905. C’est un effacement partiel des lois laïques arrière avec le retour des congréganistes, l’instruction religieuse fait son retour dans l’école publique, les communes peuvent subventionner les écoles libres (école privée)

- Comment est perçue par l’opinion cette politique scolaire ? Bien par l’Eglise qui souhaite réclamer des aides financières mais plutôt mal par l’opinion (gauche catholique) qui désire conserver sa laïcité.

Synthèse :

Une laïcité remise en cause au cours du XXème siècle :

En dépit du jour de congé hebdomadaire institué en 1882 pour permettre aux enfants de recevoir une instruction religieuse, la question scolaire reste vive tout au long du 20e siècle, opposant partisans de l'école laïque et partisans de l'école dite «libre». Sous le Front populaire (1936), des circulaires interdisent le port de signes religieux dans les établissements scolaires. À l'inverse, sous le régime de Vichy (1940-1944), la suppression des Écoles normales ou la réintroduction de l'enseignement religieux facultatif dans les écoles publiques mettent à mal le principe de la laïcité.

III) La montée actuelle des religions

Document 4 : La mosquée Sahaba de Créteil (Val –de-Marne)

L'inauguration de la mosquée a eu lieu en 2008. Le budget du projet s'est élevé à 4,7 millions d'euros. 2,2 millions d'euros proviennent de fonds privés. Une subvention d'un million d'euros a été accordée par la ville pour l'espace culturel et de loisirs et un emprunt de 1,5 million d'euros a été cogaranti par Créteil et le conseil général du Val-de-Marne. La ville a mis le terrain à la disposition de l'Union des associations musulmanes de Créteil, avec un bail de 99 ans.

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Synthèse :

Les relations entre la république et les religions depuis 1946 :

La constitution de 1946 réintroduit à la fois la laïcité et la liberté de l'enseignement. Mais l'application de ces principes ne va cesser de susciter des débats, notamment lors du vote de la loi Debré en 1959, des projets de réforme de la gauche en 1982-84 ou à propos du voile islamique dans les années 2000. Aujourd’hui, les relations entre l'État et les représentants des religions se sont normalisées. Le respect strict de la laïcité, c'est-à-dire de la neutralité de l'État au plan des croyances, s'impose dans tous les secteurs : santé, enseignement, administration...

Alsace-Moselle: partie du territoire français (regroupant l'Alsace et le nord de la Lorraine) occupée par l'Allemagne de la fin de la guerre franco-allemande en 1871 à la fin de la Première Guerre mondiale en 1918.

Anticlérical: qui s'oppose à l'influence et à l'intervention du clergé dans la vie publique.

Aumônerie: institution assurant le service et l'enseignement religieux dans une institution (lycée, prison, hôpital...).

Association cultuelle: association chargée de gérer les édifices servant à l'exercice du culte (église, temple, mosquée, pagode...).

Clergé: ensemble des personnes consacrant leur vie à Dieu ou assurant la célébration d'un culte religieux.

Commune de Paris: gouvernement insurrectionnel français en 1871 mené par des ouvriers et des socialistes qui gérèrent les affaires publiques sans recours à l'État.

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Concordat: traité réglant les rapports entre un État et le Vatican pour fixer les droits respectifs de l'Église catholique et de l'État.

Congrégation religieuse: associations de religieux ou de religieuses assurant des missions de soins, d'assistance et/ou d'enseignement.

École confessionnelle: établissement d'enseignement privé qui se réfère à une religion.

École normale: établissement chargé de la formation des instituteurs et institutrices.

Inventaires des biens: état détaillé et estimatif des biens mobiliers et immobiliers des églises avant leur transfert aux associations cultuelles à la suite de la dissolution des établissements publics du culte.

Laïcisation: action de soustraire à l'autorité religieuse, d'organiser selon les principes de la laïcité.

Laïcité: forme d'organisation de la société, inscrite dans la Constitution, consistant à séparer la société civile et politique de la société religieuse. La laïcité scolaire fait de l'enseignement public un espace de neutralité religieuse où l'on respecte la liberté de conscience et de pensée.

Liberté de conscience: droit que chacun a de pratiquer la religion de son choix (une des libertés individuelles fondamentales).

Libre-penseur: personne se fiant à la raison et à la science, considérant les religions comme un obstacle au progrès.

Loi Debré: texte juridique qui définit trois statuts pour les écoles privées: intégration totale à l'Éducation nationale, contrat d'association (avec subvention et contrôle de l'État), contrat simple (sans aide de l'État).

Ministre du culte: personne dirigeant le culte devant une assemblée de fidèles (prêtre, pasteur, imam, rabbin...).

Sécularisation: action qui consiste à rendre des membres du clergé à la vie laïque, ou à laïciser des biens d'Église; passage d'un bien ou d'une fonction à l'état laïque.