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Hypotension orthostatique : épidémiologie et mécanismes Jean-Jacques Monsuez, Romain Beddok, Abdel Mahiou, Alaine Ngaleu, Sid Belbachir Hôpitaux universitaires de Paris-Seine, Saint-Denis, hôpital René-Muret, service de cardiologie, 93270 Sevran, France Correspondance : Jean-Jacques Monsuez, APHP, policlinique médicale, hôpital René-Muret, avenue du Docteur Schaeffner, 93270 Sevran, France. [email protected] Disponible sur internet le : 22 mars 2012 Hypotension orthostatique en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com Dossier thématique Presse Med. 2012; 41: 10921097 ß 2012 Publié par Elsevier Masson SAS. 1092 Mise au point Key points Orthostatic hypotension: Epidemiology and mechanisms Orthostatic hypotension (OH) is defined as a decrease in systolic blood pressure more than or equal to 20 mmHg or diastolic more than or equal to 10 mmHg within three minutes of standing up. Discharge records for 0.4% of all hospitalizations include OH as a diagnosis. The prevalence of OH is related to aging, reaching 5 to 30% in unselected elders aged more than or equal to 65 years, especially those treated for hypertension and/or living in nursing homes or health care facilities. OH is associated with an increased risk of syncope and subsequent cardiovascular mortality. Standing results in pooling of 2530% of blood in the lower extremities and splanchnic-mesenteric circulation, thereby reducing venous return, ventricular filling, cardiac output and, in turn, blood pressure. Compensatory mechanisms to maintain BP involve the baroreflex and the sympathetic ner- vous system (SNS). Failure of SNS results in neurogenic OH, which is severe in multiple system atrophy with dysautonomia (Shy-Drager syn- drome), also commonly seen in patients with Lewy body dementia and in patients with Parkinson’s disease, in whom OH is less severe and occurs later. Conversely, SNS function is Points essentiels L’hypotension orthostatique est définie par une diminution de la pression artérielle systolique supérieure ou égale à 20 mmHg ou diastolique supérieure ou égale à 10 mmHg dans les trois minutes suivant le passage en position debout. Elle est notée chez 0,4 % des malades hospitalisés tous âges confondus. Sa prévalence dans la population générale aug- mente avec l’âge, atteignant 5 à 30 % au-delà de 65 ans, en particulier chez les sujets hypertendus et/ou institutionnalisés. Plusieurs études ont montré qu’elle augmente le risque de syncope et, à terme, la mortalité cardiovasculaire. Le passage en orthostatisme, qui redistribue 25 à 30 % du volume sanguin central vers les membres inférieurs et le territoire splanchnique, entraîne une diminution du retour veineux, du remplissage cardiaque, du débit cardiaque et de la pression artérielle, qui induit une série de mécanismes compensateurs mis en jeu par l’intermédiaire des baroréflexes et du système nerveux autonome (SNA). L’atteinte du SNA est à l’origine des hypotensions orthosta- tiques neurogènes. Elle est particulièrement sévère dans l’atrophie multi-systémique avec dysautonomie (syndrome de Shy-Drager), le plus souvent présente dans les démences à corps de Lewy, moins marquée et plus tardive dans la maladie de Parkinson. À l’inverse, au cours des hypotensions orthos- tatiques secondaires à une hypovolémie, à des médicaments tome 41 > n811 > novembre 2012 doi: 10.1016/j.lpm.2012.02.006

Hypotension orthostatique : épidémiologie et mécanismes

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en ligne sur / on line onwww.em-consulte.com/revue/lpmwww.sciencedirect.com

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Key points

Orthostatic hypotension: Epide

Orthostatic hypotension (OH)

systolic blood pressure more thdiastolic more than or equal to 1of standing up.Discharge records for 0.4% of aas a diagnosis. The prevalencreaching 5 to 30% in unselecteequal to 65 years, especially thand/or living in nursing homes

associated with an increased riscardiovascular mortality.Standing results in pooling of 2extremities and splanchnic-mereducing venous return, ventrand, in turn, blood pressure. Cmaintain BP involve the barorefvous system (SNS).Failure of SNS results in neuromultiple system atrophy with dydrome), also commonly seen

dementia and in patients with

OH is less severe and occurs late

Hypotension orthostatique : épidémiologieet mécanismes

Jean-Jacques Monsuez, Romain Beddok, Abdel Mahiou, Alaine Ngaleu, Sid Belbachir

Hôpitaux universitaires de Paris-Seine, Saint-Denis, hôpital René-Muret, service decardiologie, 93270 Sevran, France

Correspondance :Jean-Jacques Monsuez, AP–HP, policlinique médicale, hôpital René-Muret, avenuedu Docteur Schaeffner, 93270 Sevran, [email protected]

Disponible sur internet le :22 mars 2012

miology and mechanisms

is defined as a decrease inan or equal to 20 mmHg or0 mmHg within three minutes

ll hospitalizations include OHe of OH is related to aging,d elders aged more than orose treated for hypertensionor health care facilities. OH isk of syncope and subsequent

5–30% of blood in the lowersenteric circulation, therebyicular filling, cardiac outputompensatory mechanisms tolex and the sympathetic ner-

genic OH, which is severe insautonomia (Shy-Drager syn-in patients with Lewy bodyParkinson’s disease, in whomr. Conversely, SNS function is

Points essentiels

L’hypotension orthostatique est définie par une diminution dela pression artérielle systolique supérieure ou égale à 20 mmHgou diastolique supérieure ou égale à 10 mmHg dans les troisminutes suivant le passage en position debout.Elle est notée chez 0,4 % des malades hospitalisés tous âgesconfondus. Sa prévalence dans la population générale aug-mente avec l’âge, atteignant 5 à 30 % au-delà de 65 ans, enparticulier chez les sujets hypertendus et/ou institutionnalisés.Plusieurs études ont montré qu’elle augmente le risque desyncope et, à terme, la mortalité cardiovasculaire.Le passage en orthostatisme, qui redistribue 25 à 30 % duvolume sanguin central vers les membres inférieurs et leterritoire splanchnique, entraîne une diminution du retourveineux, du remplissage cardiaque, du débit cardiaque et dela pression artérielle, qui induit une série de mécanismescompensateurs mis en jeu par l’intermédiaire des baroréflexeset du système nerveux autonome (SNA).L’atteinte du SNA est à l’origine des hypotensions orthosta-tiques neurogènes. Elle est particulièrement sévère dansl’atrophie multi-systémique avec dysautonomie (syndromede Shy-Drager), le plus souvent présente dans les démencesà corps de Lewy, moins marquée et plus tardive dans la maladiede Parkinson. À l’inverse, au cours des hypotensions orthos-tatiques secondaires à une hypovolémie, à des médicaments

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preserved in secondary OH associated with hypovolemia,anemia, antihypertensive or psychotropic drugs.Clinical manifestations and tolerance of OH depends on itsseverity and on cerebral blood flow autoregulation, which bothimpact on the risk of syncope, trauma and subsequent prog-nosis.

anti-hypertenseurs ou psychotropes, l’intégrité du SNA estrespectée.La tolérance clinique de l’hypotension orthostatique dépendde sa sévérité et de l’autorégulation de la circulation cérébrale,qui conditionnent le risque de syncope, de traumatisme associéet le pronostic à terme.

Hypotension orthostatique : épidémiologie et mécanismesHypotension orthostatique

Le passage en position orthostatique, qui réduit brutalementle volume sanguin central, déclenche une série de mécanismesphysiologiques compensateurs qui permettent le maintien de lapression artérielle et, de fait aussi, celui de la station debout. Cesmécanismes comprennent des réflexes mettant en jeu lessystèmes cardiovasculaires et nerveux autonome, dont la défail-lance conduit à l’hypotension orthostatique.

DéfinitionL’hypotension orthostatique est définie par une diminution dela pression artérielle systolique supérieure ou égale à 20 mmHgou diastolique supérieure ou égale à 10 mmHg dans les trois -minutes suivant le passage en position debout [1]. L’hypoten-sion orthostatique retardée, qui apparaît plus de trois minutesaprès le lever, est considérée comme une forme mineure dedysfonction sympathique adrénergique [2], tandis que l’hypo-tension orthostatique très précoce, apparaissant de façon brèvedans les 15 secondes après le lever, traduit plus un simpleretard d’adaptation des résistances vasculaires que leur défail-lance [3].Un score de gravité de l’hypotension orthostatique, basé surla fréquence et la sévérité des symptômes, a été proposé(tableau I) [4].Néanmoins, si ces définitions sont bien adaptées au diagnosticde l’hypotension orthostatique, elles ne prennent cependantpas en compte la multiplicité des causes pouvant en êtreresponsables.

lossaireRIC Atherosclerosis Risk In CommunitiesHPG dihydroxyphenylglycolCG électrocardiogrammeIP point d’indifférence hydrostatiqueTA hypertension artérielleIBG meta-iodobenzylguanidineTS noyau du tractus solitaireHEP Systolic Hypertension in the Elderly

Program

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ÉpidémiologieLa prévalence de l’hypotension orthostatique, élevée, aug-mente beaucoup avec l’âge. Elle est mentionnée dans lesdiagnostics de sortie de 0,4 % de la totalité des maladeshospitalisés aux États-Unis, figurant en diagnostic principal chez17 % d’entre eux [5]. Chez les sujets de plus de 65 ans, laprévalence, plus élevée, est comprise entre 5 et 30 % selon lesséries, les populations et les tranches d’âge étudiées [4,6–8].Elle est enfin plus élevée chez les sujets âgés institutionnalisésque chez ceux qui vivent chez eux ou dans leur famille (54 à68 % vs 6 %) [5,9].L’hypotension orthostatique est fréquemment associée à unehypertension artérielle (mesurée en position allongée), enparticulier chez les sujets âgés, chez lesquels la conjonctiondes deux peut atteindre 30 à 50 % des cas [6]. Dans l’étudeSystolic Hypertension in the Elderly Program (SHEP), 12 % dessujets âgés atteints d’hypertension artérielle systolique avaientune hypotension orthostatique à l’inclusion [10].L’hypotension orthostatique symptomatique augmente le ris-que de syncope et de ses conséquences traumatiques poten-tiellement graves (fractures du col fémoral, hématomesintracrâniens, rhabdomyolyse), notamment chez les maladesâgés, chez lesquels l’incidence annuelle des chutes atteint 30 %[11], 30 % d’entre elles étant dues à une syncope [12], elle-même en rapport avec une hypotension orthostatique dans 9 à30 % des cas [12,13].Plusieurs études ont porté sur l’impact pronostique de l’hypo-tension orthostatique à long terme. Si certaines n’ont pasmontré de majoration de mortalité chez les sujets ayant unehypotension orthostatique [13,14], d’autres ont en fait authen-tifié le sur-risque de mortalité qu’elles entraînent chez le sujetâgé [15–17]. Le suivi prospectif d’une cohorte finlandaise de792 sujets de plus de 70 ans a montré que si la mortalité noncardiovasculaire n’était pas affectée, celle d’origine cardiovas-culaire l’était à la fois par la présence d’une hypotensionorthostatique diastolique ou systolique, constatées à l’inclusionchez 19 et 22 % des cas, respectivement. Au décours du suivi dequatre ans, la mortalité cardiovasculaire est multipliée (HR) par2,04 en présence d’une hypotension orthostatique diastoliqueet par 1,69 si elle est systolique. Les facteurs associés à ce sur-risque sont les malaises en tournant la tête (OR = 2,4), la prise

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Tableau I

Classification clinique de la sévérité de l’hypotension orthostatique

Grade 1 Grade 2 Grade 3 Grade 4

Symptômes orthostatiques Rares, non constants Fréquents (1/semaine) Fréquents Constants

Délai d’apparition après lever � 15 min � 5 min � 1 min le plus souvent Souvent � 1 min

Activités de la vie quotidienne Non limitées Limitation modérée Limitation marquée Incapacité sévère

Hypotension orthostatique Non constammentretrouvée

Habituellementretrouvée

Constatée � 50 % desexamens

Retrouvée dans 100 %des examens

D’après [4]. Noter que le délai d’apparition dépasse le cadre strict de définition des trois minutes

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d’antagonistes calciques (OR = 2,31), de diurétiques (OR = 2,29),l’hypertension artérielle (HTA) associée (OR = 2,23), un poids nonélevé (OR = 2,26) et le diabète (OR = 1,92) [16].Le sur-risque est également majoré chez l’adulte en milieu devie. Ainsi, dans l’étude Atherosclerosis Risk In Communities(ARIC), une hypotension orthostatique est constatée à l’inclu-sion chez 5 % des 674 sujets d’âge moyen inclus. Au décours dusuivi de 13 ans, la mortalité est supérieure dans ce sous groupe(13,7 %), comparativement à celle des sujets sans hypotensionorthostatique à l’inclusion (4,2 %) et indépendamment del’impact des facteurs de risque cardiovasculaires associés [18].L’hypotension orthostatique complique l’évolution d’un certainnombre d’affections neurologiques (hypotension orthostatiquedite neurogène), dont elle est un symptôme particulièrementfréquent, qu’il s’agisse d’atteintes du SNA (dysautonomiefamiliale, défaillance autonomique pure, dysautonomie diabé-tique), de la moelle (traumatismes, myélite transverse,tumeurs, syringomyélie), des noyaux gris centraux (maladiede Parkinson, syndrome de Shy-Drager maintenant renomméatrophie multi-systémique avec dysautonomie) ou d’atteintesdu tronc ou du cortex cérébral (démences à corps de Lewy,séquelles d’accidents ischémiques, sclérose en plaque) [4,6,8].La plus fréquente de ces situations est la maladie de Parkinson,au cours de laquelle une hypotension orthostatique estconstatée chez 43 à 58 % des malades hospitalisés [8,19].Dans une série récente de 270 patients atteints de maladie deParkinson suivis en ambulatoire, une hypotension orthosta-tique est retrouvée chez 47 % d’entre eux, avec une netteprépondérance chez les plus âgés d’entre eux [20], prépon-dérance également observée dans la cohorte allemande quisuit 3314 sujets atteints de maladies de Parkinson [21]. Leschutes sont plus fréquentes chez les parkinsoniens ayant unehypotension orthostatique que ceux qui en sont indemnes [22].La dysfonction nerveuse autonome se manifeste différemmentdans chacune des variétés d’hypotensions orthostatiques neu-rogènes. Immédiate et sévère dans l’atrophie multi-systémiqueavec dysautonomie, elle est le plus souvent présente dans les

démences à corps de Lewy, alors qu’elle est moins marquée etplus tardive dans la maladie de Parkinson [6].

Physiopathologie

Redistribution sanguineEn position allongée, 25 à 30 % du volume sanguin est localisédans le thorax. Le passage en position orthostatique déplace,du simple fait de la gravité, 300 à 800 mL de sang vers lesmembres inférieurs et le territoire splanchnique. Cette redis-tribution réduit de 25–30 % le volume sanguin central, la moitiéde cette variation se produisant la première minute d’orthos-tatisme [23]. Elle entraîne une diminution du retour veineux, duremplissage cardiaque, du débit cardiaque et de la pressionartérielle. La réduction du volume d’éjection systolique, liée aufait que les ventricules ne peuvent éjecter que le sang qu’ilsreçoivent, atteint 40 % au pic de cette modification posturale.L’une des approches permettant la quantification des modifica-tions orthostatiques en physiologie « conventionnelle » est dedéterminer le point d’indifférence hydrostatique (HIP), défini parle site du réseau vasculaire où la pression vasculaire estindépendante de la posture. Pour le réseau artériel, il est situéprès du ventricule gauche et change peu. Pour le réseau veineux,il se situe au niveau du diaphragme, mais se modifie au décoursdu passage en orthostatisme du fait de la contraction musculairedes membres inférieurs et l’augmentation du retour veineux quien résulte et déplace ce point d’indifférence hydrostatiqueveineux vers le haut, au voisinage de l’oreillette droite [23].

Baroréflexes

La baisse de pression artérielle induite par le passage enposition debout réduit l’activation des barorécepteurs de lacrosse aortique et du sinus carotidien. Ces mécanorécepteurs,activés par la pression, sont constitués par les portionsterminales des fibres afférentes des nerfs vague et glosso-pharyngien respectivement, qui gagnent le noyau du tractussolitaire (NTS), situé dans la moelle dorso-médiane. Ladiminution d’activité de cette voie afférente met en jeu, à

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Évaluation simplifiée de la réponse hémodynamique lors d’unemanoeuvre de Valsalva par l’électrocardiogramme (ECG). A.Patiente de 60 ans, maladie de Parkinson récente, peu évoluée,traitée par L-dopa atteinte d’une hypotension orthostatique peusévère. ECG de base : rythme sinusal à 80 par minute. B. Mêmemalade. Accélération de fréquence cardiaque (100 par minute)lors d’une épreuve de Valsalva (réponse adaptée). L’atteinte duSNA est plus tardive et moins sévère dans la maladie deParkinson que dans les autres variétés d’hypotensionorthostatique neurogène. Noter l’apparition du tremblementintentionnel

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partir de ce noyau du tractus solitaire, deux voies efférentes,inhibition vagale et activation sympathique.L’inhibition vagale résulte des connections du NTS avec lenoyau ambigu, dont les fibres efférentes gagnent le noeudsinusal cardiaque, qu’elles freinent moins, augmentant enconséquence la fréquence cardiaque. La voie efférente sym-pathique part du NTS, relaie dans la moelle caudale ventro-latérale puis dans la moelle rostro-ventro-latérale, dont l’acti-vation (désinhibition en aval de l’hypotension) conduit àla stimulation sympathique (relais ganglionnaire) des fibresartérielles et cardiaques. La voie efférente sympathique activeparallèlement les neurones synthétisant la vasopressine dansles noyaux para-ventriculaires et supra-optiques [4,6,24].L’activation sympathique induite par le passage en orthosta-tisme augmente la libération de noradrénaline, dont les tauxplasmatiques doublent dans les cinq minutes qui suivent.Inversement, cette augmentation reste inférieure à 60 %(ou à 150 pg/mL) en cas d’hypotension orthostatique neu-rogène, témoignant de l’atteinte du baroréflexe et de saréponse sympathique [25]. La mesure du dihydroxyphenylgly-col (DHPG) plasmatique reflète encore mieux l’activation del’innervation sympathique. Elle est réduite, y compris à l’étatbasal en position couchée, au cours de la maladie de Parkinsonavec hypotension orthostatique, de la défaillance autonomiquepure, mais préservée chez les malades atteints d’atrophiemulti-systémique avec dysautonomie [4,6,8,24].La réponse sympathique à l’orthostatisme peut être évaluée pardes enregistrements microneurographiques (Muscle sympa-

thetic nerve activity, MSNA), qui montrent l’augmentation d’ac-tivité sympathique au passage en position debout. Une étudeélectrophysiologique couplant la MSNA à l’hémodynamique chezdes sujets sains au cours d’un test d’inclinaison (608) progressifsuivi d’une exposition au froid (cold pressor test, qui entraîne unevasoconstriction sympathique supplémentaire), puis à unedépression (–50 mmHg) de l’hémicorps inférieur (pour majorerl’hypotension et déclencher une présyncope) a permis de mon-trer que les salves (bursts) d’activité sympathique enregistrés enMSNA augmentent parallèlement aux résistances périphériquesau cours de ces épreuves successives. La présyncope survenantlors de la dépression de l’hémicorps inférieur survient d’autantplus tardivement que l’activité sympathique en MSNA a aug-menté. Le concept de « réserve de vasoconstriction » sympathi-que qui en découle, variable d’un sujet à l’autre, rend compte deleur tolérance, elle aussi variable, à l’orthostatisme [26].L’innervation sympathique peut aussi être évaluée en imagerieisotopique, en particulier cardiaque, en utilisant le 6-fluorodo-pamine marqué au F18 en tomographie par émission de posi-tons, ou le meta-iodobenzylguanidine (MIBG) marqué àl’I123 en scintigraphie [8].Une approche intéressante de l’évaluation du SNA a été déve-loppée à partir des mesures continues de fréquence etde pression artérielle au doigt (FinapressW) au cours d’une

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manoeuvre de Valsalva. Lors d’une épreuve chez un sujetindemne d’atteinte du SNA, la pression artérielle diminue audébut de l’épreuve, avec correction en seconde partie, paral-lèlement à une accélération progressive de fréquence cardia-que (figure 1). À la reprise de la ventilation, la PA remonterapidement à des valeurs normales et la tachycardie se corrigetout aussi vite. Chez les sujets atteints de dysautonomie(hypotension orthostatique neurogène), la baisse de pressionartérielle progresse pendant toute la manoeuvre, au cours delaquelle la fréquence cardiaque ne s’accélère pas. À l’arrêt de lamanoeuvre, la fréquence ne se modifie pas plus et la remontéetensionnelle est très lente [8].

Territoire splanchnique

Le réseau splanchnique et mésentérique est un territoire vascu-laire particulier par son volume (25 à 30 % du volume sanguintotal), ses faibles résistances et sa régulation. À la différence des

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veines musculaires, les veines de ce territoire de capacitance sontcaractérisées par l’abondance des cellules musculaires lisses etl’importance de leur innervation sympathique. L’activation sym-pathique lors du passage en orthostatisme, en y activant lesrécepteurs a-adrénergiques veineux, recrute une partie du litvasculaire splanchnique et mésentérique pour restaurer le retourveineux cardiaque. Les voies effectrices de cette activationpassent, après un relais dans la colonne intermédio-latéralemédullaire en D4-D9, par le grand nerf splanchnique. De ce fait,l’hypotension orthostatique survenant au décours des lésionsmédullaires, est surtout le fait des atteintes au-dessus de D6(splanchnique), tandis que la sympathectomie lombaire, à l’in-verse, y expose beaucoup moins [4].

Autorégulation

Le maintien de la perfusion cérébrale à un débit identiquemalgré les variations de pression artérielle est connu de longuedate sous l’appellation d’autorégulation. Cette autorégulation,liée à la vasomotricité artérielle cérébrale, fait que les varia-tions de débit sanguin cérébral sont relativement minimes pourdes variations importantes de pression artérielle. Elle s’étendentre 50 et 150 mmHg de pression artérielle systolique [4]. Lafonctionnalité de l’autorégulation représente donc l’un desfacteurs contribuant potentiellement à la tolérance cliniquede l’hypotension orthostatique, ou, à l’inverse, son défaut àla survenue d’une syncope, dont la définition rapporte lescaractéristiques cliniques (perte de connaissance transitoire)à une hypoperfusion cérébrale diffuse [12,27].Le développement du Doppler transcrânien a permis l’évaluationde la perfusion cérébrale, le plus souvent à partir des vélocités duflux de l’artère cérébrale moyenne, en particulier lors demanoeuvres d’orthostatisme. On n’observe pas de différenced’accélération du flux artériel de la cérébrale moyenne lors dupassage en orthostatisme de sujets normaux âgés par rapport àdes sujets jeunes [28,29], ce qui témoigne de l’absence d’altéra-tion physiologique de l’autorégulation avec l’âge. En revanche,une étude prospective sur les chutes, menée dans une popula-tion de 544 sujets de plus de 70 ans a montré que si l’accélérationdu flux de la cérébrale moyenne est observée au lever dansl’ensemble de la cohorte, elle est plus marquée chez les femmesque chez les hommes (dont les augmentations de vitesse restentcependant dans les limites de la normale). L’autorégulationcérébrale est donc mieux conservée avec l’avancée en âge chezla femme que chez l’homme [30].

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L’étude du passage en orthostatisme de 21 malades atteintsd’hypotension orthostatique (âgés de 52 à 78 ans) a mis enévidence deux profils différents. Le premier, qui concerne lamajorité des malades (16/21) est marqué par une accélérationdu flux au Doppler transcrânien, témoignant d’une autorégula-tion conservée (voire accrue, chez huit d’entre eux). Le second,caractérisé par une diminution franche des vitesses du flux de lacérébrale moyenne avec la baisse de pression artérielle systé-mique en orthostatisme, est celui d’une altération d’autorégu-lation, qui survient chez cinq des 21 malades, exposés de fait àun risque de syncope plus élevé [31].Des études semblables ont été menées chez des malades ayantdes hypotensions orthostatiques d’origine neurologique. Lacomparaison des vitesses de flux de la cérébrale moyennede malades atteints de maladie de Parkinson et de témoins apermis de montrer que la maladie de Parkinson avec hypoten-sion orthostatique s’accompagne d’une altération de l’auto-régulation cérébrale [32]. L’autorégulation cérébrale estégalement altérée chez les patients atteints de lésions médul-laires placées au-dessus de D6, chez lesquels on observe uneréduction de vélocités artérielles cérébrales lors d’un testd’inclinaison, alors que les variations de pression artériellesystémique restent limitées [33].La place de l’autorégulation cérébrale dans la physiopathologieet les manifestations orthostatiques a enfin été confirmée parle modèle expérimental particulier que constitue le vol spatial,au décours duquel les manifestations orthostatiques sont trèsfréquentes, mais dont la sévérité est inversement proportion-nelle aux capacités d’autorégulation en pré-vol, variables d’uncosmonaute à l’autre [34].

ConclusionL’hypotension orthostatique est une affection fréquente quirelève de deux situations distinctes, selon que la mise en jeu duSNA est préservée (hypotension secondaire à une hypovolé-mie, une déshydratation ou à des médicaments hypotenseursou psychotropes) ou non (hypotension orthostatique neu-rogène). Sa tolérance clinique, qui dépend en partie de l’auto-régulation de la circulation cérébrale, conditionne le risque desyncope, de traumatisme associé et le pronostic à terme.

an Ra frce.

Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflitsd’intérêts en relation avec cet article.

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Hypotension orthostatique : épidémiologie et mécanismesHypotension orthostatique

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