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Analyse bibliographique 139 campagnes de dépistage. Il convient de préciser que ces résultats ont été obtenus avec des premiers lecteurs très entraînés à la fois dans la lecture des mammographies de dépistage et dans l’utilisation du CAD. Il paraît néanmoins opportun, au moment où le numérique remplace l’analo- gique, de favoriser l’équipement des mammographes numériques en systèmes CAD afin de familiariser les lec- teurs à l’utilisation du CAD. On peut envisager à terme la remise en question de la double lecture, ce qui permettra une baisse des coûts de détection sans perte de chance pour les patientes. Références [1] Khoo LA, Taylor P, Given-Wilson RM. Computer-aided detec- tion in the United Kingdom National Breast Screening Pro- gramme: prospective study. Radiology 2005;237:444-9. [2] Fenton JJ, Taplin SH, Carney PA, Abraham L, Sickles EA, D’Orsi C, et al. Influence of computer-aided detection on performance of scree- ning mammography. N Engl J Med 2007;356:1399-1409. Cancer de l’ovaire Impact de la qualité de l’échographie pelvienne sur la prise en charge des patientes ayant une suspicion de cancer de l’ovaire : étude randomisée contrôlée Yazbek J Raju SK, Ben-Nagi J, Holland TK, Hillaby K, Jurkovic D. Effect of quality of gynaecological ultrasonography on management of pa- tients with suspected ovarian cancer: a randomised controlled trial. Lancet Oncol 2008;9:124-31 Résumé. La performance diagnostique en échographie gynécologique pour différencier les lésions ovariennes bé- nignes et malignes est proportionnelle à l’expérience de l’opérateur. Cependant, on ne sait pas si l’amélioration de la qualité diagnostique va finalement modifier la prise en charge de ces lésions. Les auteurs se sont donc intéressés à évaluer l’impact de la qualité de l’échographie gynécolo- gique sur la prise en charge des lésions ovariennes suspec- tes de malignité, dans un essai contrôlé randomisé au Royaume-Uni. Matériel et méthodes. Cent soixante-cinq patientes présentant des lésions annexielles suspectes (clinique, échographie ou IRM, sans caractère d’urgence) ont été incluses dans cette étude entre 2004 et 2006. Cent cin- quante patientes ont été randomisées, soit avec une écho- graphie de niveau 2 (routine) (n = 73) ou de niveau 3 (expert) (n = 77). Les échographistes de niveau 3 avaient plus de 10 ans d’expérience en échographie gynécologique, exerçaient dans un centre de référence et étaient impliqués en recherche et enseignement en gynécologie-obstétrique. Les échographistes de niveau 2 étaient formés en échogra- phie gynécologique et évaluaient régulièrement pour second avis des lésions annexielles. Les échographies de niveau 3 étaient réalisées sur un échographe Aloka SSD- 5000™ et les échographies de niveau 2 sur un échographe Siemens Antares™. La valeur test était le nombre de procédures chirurgi- cales complètes de staging (incluant une laparotomie, au moins une annexectomie et des biopsies péritonéales) dans chaque groupe. Les évaluations secondaires étaient faites sur le nombre total de procédures chirurgicales, le nombre de procédures peu invasives (laparoscopie ou ponction de kystes échoguidée), le nombre de tests diagnostiques sup- plémentaires (scanner ou laparoscopie), le nombre de scanners de surveillance, la performance diagnostique des échographies de niveaux 2 et 3 et la durée du séjour hospi- talier. Résultats. Beaucoup plus de procédures chirurgicales lourdes pour suspicion de cancer de l’ovaire ont été réali- sées dans le groupe niveau 2 que dans celui de niveau 3 (27 sur 73 [37 %] vs 17 sur 77 [22 %] respectivement ; la diffé- rence entre les groupes était de 15 % [95 % IC 0-29] ; RR 1,68 [1,00-2,81] ; p = 0,049). Le nombre total de procédures chirurgicales était le même dans les deux groupes : 35 sur 73 (48 %) dans le groupe niveau 2 et 33 sur 77 (43 %) dans le groupe niveau 3 (RR 1,12 [0,79-1,59] ; p = 0,53). La durée moyenne de l’hospitalisation était de six jours dans le groupe 2 et de 5 jours dans le groupe 3. Un diagnostic échographique en adéquation avec l’histologie était porté dans 76 sur 77 (99 %) patientes du groupe niveau 3 contre seulement 38 sur 73 (52 %) patientes du niveau 2. Dix- huit sur 150 (12 %) des patientes incluses avaient finale- ment un cancer ovarien prouvé. Les sensibilités et spécifi- cités de l’échographie étaient de 40 % [95 % IC 6,5-84,6] et 100 % [34-100], respectivement, dans le groupe 2 et 88 % ; [47-98] et 96 % ; [82-99], respectivement, dans le groupe 3. Conclusion. L’amélioration de la qualité de l’échogra- phie a un effet sur la prise en charge des patientes pour les- quelles il existe une suspicion de cancer ovarien dans un centre de référence en cancérologie gynécologique, avec pour conséquences immédiates une diminution significa- tive du nombre des procédures chirurgicales lourdes et une hospitalisation plus courte. Commentaires de la Rédaction 1) Cette étude est intéressante à double titre. On savait déjà que la qualité du diagnostic échographique dépendait de l’expérience de l’opérateur. Mais cette étude montre également que la pertinence du diagnostic échographique des lésions annexielles a un impact sur les choix des mo- dalités de prise en charge et de traitement dans les équipes d’oncologie et de chirurgie gynécologique. Le fait de pré- dire un diagnostic le plus précis possible permet de plani-

Impact de la qualité de l’échographie pelvienne sur la prise en charge des patientes ayant une suspicion de cancer de l’ovaire : étude randomisée contrôlée

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Analyse bibliographique 139

campagnes de dépistage. Il convient de préciser que cesrésultats ont été obtenus avec des premiers lecteurs trèsentraînés à la fois dans la lecture des mammographies dedépistage et dans l’utilisation du CAD. Il paraît néanmoinsopportun, au moment où le numérique remplace l’analo-gique, de favoriser l’équipement des mammographesnumériques en systèmes CAD afin de familiariser les lec-teurs à l’utilisation du CAD. On peut envisager à terme laremise en question de la double lecture, ce qui permettraune baisse des coûts de détection sans perte de chancepour les patientes.

Références

[1] Khoo LA, Taylor P, Given-Wilson RM. Computer-aided detec-tion in the United Kingdom National Breast Screening Pro-gramme: prospective study. Radiology 2005;237:444-9.

[2] Fenton JJ, Taplin SH, Carney PA, Abraham L, Sickles EA, D’Orsi C,et al. Influence of computer-aided detection on performance of scree-ning mammography. N Engl J Med 2007;356:1399-1409.

nnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnCancer de l’ovaire

Impact de la qualité de l’échographie pelvienne sur la prise en charge des patientes ayant une suspicion de cancer de l’ovaire : étude randomisée contrôlée

Yazbek J Raju SK, Ben-Nagi J, Holland TK, Hillaby K, Jurkovic D. Effectof quality of gynaecological ultrasonography on management of pa-tients with suspected ovarian cancer: a randomised controlled trial.

Lancet Oncol 2008;9:124-31

Résumé. La performance diagnostique en échographiegynécologique pour différencier les lésions ovariennes bé-nignes et malignes est proportionnelle à l’expérience del’opérateur. Cependant, on ne sait pas si l’amélioration dela qualité diagnostique va finalement modifier la prise encharge de ces lésions. Les auteurs se sont donc intéressés àévaluer l’impact de la qualité de l’échographie gynécolo-gique sur la prise en charge des lésions ovariennes suspec-tes de malignité, dans un essai contrôlé randomisé auRoyaume-Uni.

Matériel et méthodes. Cent soixante-cinq patientesprésentant des lésions annexielles suspectes (clinique,échographie ou IRM, sans caractère d’urgence) ont étéincluses dans cette étude entre 2004 et 2006. Cent cin-quante patientes ont été randomisées, soit avec une écho-graphie de niveau 2 (routine) (n = 73) ou de niveau 3(expert) (

n

= 77). Les échographistes de niveau 3 avaientplus de 10 ans d’expérience en échographie gynécologique,exerçaient dans un centre de référence et étaient impliqués

en recherche et enseignement en gynécologie-obstétrique.Les échographistes de niveau 2 étaient formés en échogra-phie gynécologique et évaluaient régulièrement poursecond avis des lésions annexielles. Les échographies deniveau 3 étaient réalisées sur un échographe Aloka SSD-5000™ et les échographies de niveau 2 sur un échographeSiemens Antares™.

La valeur test était le nombre de procédures chirurgi-cales complètes de

staging

(incluant une laparotomie, aumoins une annexectomie et des biopsies péritonéales) danschaque groupe. Les évaluations secondaires étaient faitessur le nombre total de procédures chirurgicales, le nombrede procédures peu invasives (laparoscopie ou ponction dekystes échoguidée), le nombre de tests diagnostiques sup-plémentaires (scanner ou laparoscopie), le nombre descanners de surveillance, la performance diagnostique deséchographies de niveaux 2 et 3 et la durée du séjour hospi-talier.

Résultats.

Beaucoup plus de procédures chirurgicaleslourdes pour suspicion de cancer de l’ovaire ont été réali-sées dans le groupe niveau 2 que dans celui de niveau 3 (27sur 73 [37 %]

vs

17 sur 77 [22 %] respectivement ; la diffé-rence entre les groupes était de 15 % [95 % IC 0-29] ; RR1,68 [1,00-2,81] ; p = 0,049). Le nombre total de procédureschirurgicales était le même dans les deux groupes : 35 sur73 (48 %) dans le groupe niveau 2 et 33 sur 77 (43 %) dansle groupe niveau 3 (RR 1,12 [0,79-1,59] ; p = 0,53). Ladurée moyenne de l’hospitalisation était de six jours dansle groupe 2 et de 5 jours dans le groupe 3. Un diagnosticéchographique en adéquation avec l’histologie était portédans 76 sur 77 (99 %) patientes du groupe niveau 3 contreseulement 38 sur 73 (52 %) patientes du niveau 2. Dix-huit sur 150 (12 %) des patientes incluses avaient finale-ment un cancer ovarien prouvé. Les sensibilités et spécifi-cités de l’échographie étaient de 40 % [95 % IC 6,5-84,6]et 100 % [34-100], respectivement, dans le groupe 2 et88 % ; [47-98] et 96 % ; [82-99], respectivement, dans legroupe 3.

Conclusion

. L’amélioration de la qualité de l’échogra-phie a un effet sur la prise en charge des patientes pour les-quelles il existe une suspicion de cancer ovarien dans uncentre de référence en cancérologie gynécologique, avecpour conséquences immédiates une diminution significa-tive du nombre des procédures chirurgicales lourdes etune hospitalisation plus courte.

Commentaires de la Rédaction1) Cette étude est intéressante à double titre. On savaitdéjà que la qualité du diagnostic échographique dépendaitde l’expérience de l’opérateur. Mais cette étude montreégalement que la pertinence du diagnostic échographiquedes lésions annexielles a un impact sur les choix des mo-dalités de prise en charge et de traitement dans les équipesd’oncologie et de chirurgie gynécologique. Le fait de pré-dire un diagnostic le plus précis possible permet de plani-

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fier au mieux le temps chirurgical ; il est important, parexemple, d’établir très précisément des critères de nonopérabilité des lésions ovariennes, afin que le chirurgienne planifie pas inutilement une chirurgie de réductionlourde.2) L’expertise en échographie gynécologique permetd’améliorer la détection d’anomalies annexielles suspecteset de réduire le nombre d’interventions lorsque celles-cine sont pas requises. L’expérience permet aussi de carac-tériser plus précisément une lésion bénigne, et d’éviterainsi une chirurgie inutile. On sait qu’un des problèmes del’échographie gynécologique est d’apporter un diagnosticfiable pour différencier une lésion ovarienne bénigne d’unelésion ovarienne maligne, si bien que trop de lésions bé-nignes, voire fonctionnelles, sont opérées inutilement.Cette situation est bien visible dans cette étude, où seule-ment 12 % des patientes opérées pour une suspicion decancer ovarien avaient finalement une lésion annexiellemaligne.3) Enfin, cette étude souligne l’impact du niveau d’expé-rience de l’échographiste sur l’attitude que le clinicien vaprendre. À la lecture des résultats et de l’analyse de cetteétude, il semble que les échographistes de niveau 3 aientfait des comptes-rendus morphologiques plus précis et desconclusions plus claires, si bien que les cliniciens ont puprendre les bonnes décisions. Trop souvent, en effet, onpeut voir des comptes-rendus d’échographie purementdescriptifs, sans conclusion claire, et les cliniciens se basentalors sur la chirurgie et non pas l’échographie pour obtenirle diagnostic. Les conséquences tant psychologiquesqu’organisationnelles ne sont pas négligeables et doiventdonc inciter tout radiologue ou échographiste effectuantdes échographies gynécologiques à analyser les critèresmorphologiques de façon très précise et donner uneconclusion bien établie dans le dossier.

nnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnMammographie

L’étude DMIST a-t-elle sous-estimé, et pour quelles raisons, les performances de la mammographie numérique ?

Pisano ED, Hendrick RE, Yaffe MJ, Baum JK, Acharyya S, Cormack JB, etal. DMIST Investigators Group Diagnostic accuracy of digital mammogra-phy: exploratory analysis of selected population subgroups in DMIST.

Radiology 2008;246:376–383

Les auteurs rapportent les résultats d’une étude rétro-spective de la précision diagnostique de la mammographienumérique et de la mammographie analogique dans dessous-groupes de population de l’étude DMIST (DigitalMammographic Imaging Screening Trial) déterminée par

des combinaisons d’âge, de statut hormonal et de densitémammaire, en utilisant comme standard de référence lesrésultats histologiques des biopsies pratiquées, ou la sur-veillance mammographique pendant un minimum de10 mois.

L’étude DMIST incluait des femmes qui ont eu unemammographie digitale et une mammographie analogique,les examens étant lus par deux radiologues différents. Les33 centres participant à l’étude DMIST ont recruté49 528 femmes ; 42 760 dossiers étaient analysables. Lespatientes ont été réparties en 10 sous-groupes, selon l’âgeet la densité mammaire (en séparant les seins graisseux etpeu denses, des seins denses hétérogènes et homogènes).Les deux cohortes les plus jeunes ont aussi été subdiviséesselon le statut hormonal (pré- et péri-ménopause vs post-ménopause).

L’aire sous la courbe ROC (Receiver OperatingCharacteristic) pour chaque modalité a été comparéedans les dix sous-groupes évalués (âge < 50 ans, vs 50-64 ans, vs > 65 ans, seins denses vs seins non denses, pré-ou péri-ménopause vs post-ménopause pour les deuxcohortes les plus jeunes) (p < 0,002 indiquant une diffé-rance significative).

Tous les cancers de l’étude ont été évalués selon laméthode de détection (numérique vs analogique, vs lesdeux, vs aucune), le type de lésions (masse, calcification,autre), le type d’équipement numérique, la taille mammo-graphique, la taille et le type de la lésion histologique, ladisponibilité ou non d’une mammographie antérieurepour comparaison, le délai depuis la précédente mammo-graphie, l’épaisseur du sein sous compression.

Le seul sous-groupe où la mammographie numériqueétait significativement supérieure au film analogique étaitcelui des femmes en pré- ou péri-ménopause de moins de50 ans, ayant des seins denses (ROC 0,79

vs

0,54 ;

p

= 0,0015). La sensibilité était de 0,59 pour le numériqueet 0,27 pour l’analogique.

L’aire sous la courbe ROC n’était pas significative-ment différente dans les autres sous-groupes (

p

> 0,002).Pour les femmes de 65 ans et plus, aux seins graisseux,l’aire sous la courbe ROC montre une tendance non signi-ficative en faveur du film analogique (ROC 0,88 vs 0,70 ;

p

= 0,0025). Dans ce sous-groupe des femmes âgées de65 ans et plus, à seins non denses, 15 cancers ont été trou-vés par la mammographie analogique et manqués par lamammographie numérique, alors que seulement quatrecancers étaient trouvés avec le numérique et non vus avecl’analogique. Il faut noter que dans ce dernier sous-groupe, six des 15 cancers trouvés avec le film et ratés parle numérique l’ont été avec un équipement numérique demarque Fischer et que seulement 11 de tous les cancersont été vus par ce matériel Fischer. Cela représente unpourcentage plus élevé de tumeurs ratées en numérique(55 % des cancers) comparativement aux autres équipe-ments (18 % des cancers ratés avec les matériels Fuji etGeneral Electric Medical Systems).