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Influence de la démographie médicale et du contexte socioéconomique d'exercice sur la pratique du frottis par les généralistes français MAJ Chiara 1,2 , PANJO Henri 2 , PONCET Lorraine 2 , RIGAL Laurent 1,2 , RINGA Virginie 2 Mail contact : [email protected] 1-Département de Médecine Générale, Université Paris-Sud, F-94276, le Kremlin Bicêtre, France 2-INSERM, Centre de recherche en Epidémiologie et Santé des Populations (CESP), U1018, Equipe Genre, Sexualité, Santé, F-94807, Villejuif, France INTRODUCTION Malgré l’existence d’un dépistage efficace grâce au frottis cervico-utérin (FCU), plus de 1170 femmes sont mortes d’un cancer du col utérin en France en 2012. Les recommandations en France sont de réaliser un FCU tous les 3 ans chez toutes les femmes entre 25 et 65 ans après deux frottis normaux à un an d’intervalle mais moins de 60 % des femmes sont à jour. Le FCU peut être réalisé par un gynécologue, un médecin généraliste (MG), une sage-femme ou bien un autre spécialiste. Du fait de l’évolution de la démographie médicale et des inégalités sociales d’accès au spécialiste, l’implication du MG dans ce dépistage est primordiale. L’objectif de cette étude est d’analyser les caractéristiques individuelles des MG (personnelles et d’organisation du travail) et les caractéristiques contextuelles du département d’exercice (sociales et de démographie médicale) associées à la non pratique du frottis par les MG. VARIABLE EXPLIQUÉE : NE PRATIQUE JAMAIS DE FROTTIS CONSTRUCTION À PARTIR DE 2 QUESTIONS POSÉES AU MG CONCERNANT SA DERNIÈRE PATIENTE ÂGÉE DE 50 À 60 ANS, SANS FACTEURS DE RISQUES PARTICULIERS POUR LE CANCER ET RÉGULIÈREMENT SUIVIE : CONCLUSION Notre étude retrouve que plus les inégalités socio- économiques et de démographie médicale sont importantes dans un département, plus les MG se désengagent de la pratique des frottis. MATÉRIEL ET MÉTHODE Les caractéristiques des MG libéraux exerçant en France proviennent du Baromètre santé médecins généralistes 2009. Les caractéristiques contextuelles du département d’exercice des MG proviennent de l’INSEE et d’Ecosanté. Ces caractéristiques ont été analysées à l’aide de modèles mixtes à intercept aléatoire avec en niveau 1 les MG et en niveau 2 les départements d’exercice du MG (Logiciel SAS 9.3). RÉSULTATS L’analyse a concerné 1063 MG exerçant en France (Corse et DOM-TOM exclus). Parmi eux, 70,7 % étaient des hommes. L’âge moyen était de 50,6 ans (écart-type = 8,7). 34,7% des médecins déclaraient ne jamais pratiquer de frottis. La proportion de MG ne pratiquant jamais de frottis variait significativement entre les départements de 12 à 57%, entre le 2,5ème et le 97,5ème percentile de la distribution (variance inter-départements = 0,71, p ≤ 0,0001). En analyse univariée : Plusieurs caractéristiques individuelles (personnelles et d’organisation du travail des MG) étaient associées de façon significative au fait de déclarer plus souvent ne jamais pratiquer de frottis. Presque toutes les caractéristiques contextuelles, à l’exclusion du mode de dépistage dans le département (organisé versus individuel), étaient associées au fait de déclarer ne jamais pratiquer de frottis. Le dépistage organisé ne concernait à l’époque que 3 départements. En analyse multivarié (tableau 1) : Les caractéristiques individuelles des MG associées au fait de déclarer ne pas pratiquer de frottis étaient : être un homme, avoir moins de 51 ans, pratiquer régulièrement l’acupuncture et l’homéopathie, avoir des dossiers informatisés et ne pas adhérer à un réseau de santé. Pour les caractéristiques contextuelles, les MG étaient plus nombreux à ne jamais faire de frottis dans les départements où les inégalités sociales étaient plus importantes, où le temps moyen d’accès à un gynécologue était inférieur à 15 minutes, où la densité départementale de gynécologues était plus élevée et où la densité départementale de MG s’éloignait de la moyenne nationale (pente en–dessous de 9,5 MG/10 000 habitants). Tableau 1 : Analyse multivarié des variables explicatives individuelles (MG) et contextuelles (département d’exercice du MG) et de la variable expliquée : MG qui ne pratique jamais de frottis (N= 1013) « AU COURS DES 3 DERNIÈRES ANNÉES, AVEZ-VOUS DÉJÀ RÉALISÉ VOUS-MÊME UN FROTTIS CERVICAL, JE DIS BIEN RÉALISÉ VOUS-MÊME ? » (N= 1063) NE PRATIQUE PAS CET ACTE N'Y A PAS PENSÉ DÉJÀ RÉALISÉ DEPUIS < 3 ANS PAR AUTRE MÉDECIN REFUS DE LA PATIENTE PATIENTE AURAIT ÉTÉ GÊNÉE SI VOUS L'AVIEZ PROPOSÉ AUTRE OUI (31,3 %) NE SAIS PAS (0,1 %) NON (68,6 %) « PARMI CES RAISONS, QUELLE EST CELLE QUI A FAIT QUE VOUS N'AYEZ PAS RÉALISÉ CET ACTE ? » Variable = 1 Variable = 0 Caractéristiques OR IC 95% Variables individuelles de niveau médecin Sexe (Ref=Femme) Hommes 3,92 [2,67 – 5,76] Age (ans) (Ref=plus de 50) Moins de 40 2,21 [1,39 – 3,53] 41/50 1,68 [1,18 – 2,38] Dossiers informatisés (Ref=Oui) Non 1,78 [1,23 – 2,56] Acupuncture (Ref=Jamais) Régulièrement 2,95 [1,34 – 6,50] Occasionnellement 0,49 [0,18 – 1,34] Homéopathie (Ref=Jamais) Régulièrement 2,10 [1,26 – 3,52] Occasionnellement 1,25 [0,90 - 1,73] Participe à un réseau de santé (Ref=Oui) Non 1,72 [1,25 – 2,36] Variables contextuelles au niveau du département Taux de pauvreté à 60% (Ref= ≤14%) >14% 1,66 [1,09 – 2,54] Densité des MG (unité = 1 MG/10 000 habitants) Pente en-dessous de 9.5 MG/10 000 hab. 0,52 [0,37 – 0,74] Pente au-dessus de 9.5 MG/10 000 hab. 1,17 [0,92 – 1,48] Densité des gynécologues (1 Gyn./100 000 femmes) 1,06 [1,03 – 1,10] Temps d’accès au gynécologue (Ref= >15 minutes) 0.0081 15 minutes 2.02 [1.20 - 3.41]

Influence de la démographie médicale et du contexte … · 2020. 2. 6. · Influence de la démographie médicale et du contexte socioéconomique d'exercice sur la pratique du frottis

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Page 1: Influence de la démographie médicale et du contexte … · 2020. 2. 6. · Influence de la démographie médicale et du contexte socioéconomique d'exercice sur la pratique du frottis

Influencedeladémographiemédicaleetducontextesocioéconomiqued'exercicesurlapratiquedufrottisparlesgénéralistesfrançais

MAJChiara1,2,PANJOHenri2,PONCETLorraine2,RIGALLaurent1,2,RINGAVirginie2 Mailcontact:[email protected]épartementdeMédecineGénérale,UniversitéParis-Sud,F-94276,leKremlinBicêtre,France2-INSERM,CentrederechercheenEpidémiologieetSantédesPopulations(CESP),U1018,EquipeGenre,Sexualité,Santé,F-94807,Villejuif,France

INTRODUCTION

Malgré l’existence d’un dépistage efficace grâce au frottiscervico-utérin (FCU), plus de 1170 femmes sont mortes d’uncancer du col utérin en France en 2012.

Les recommandations en France sont de réaliser un FCU tousles 3 ans chez toutes les femmes entre 25 et 65 ans après deuxfrottis normaux à un an d’intervalle mais moins de 60 % desfemmes sont à jour. Le FCU peut être réalisé par ungynécologue, un médecin généraliste (MG), une sage-femmeou bien un autre spécialiste.

Du fait de l’évolution de la démographie médicale et desinégalités sociales d’accès au spécialiste, l’implication du MGdans ce dépistage est primordiale.

L’objectif de cette étude est d’analyser les caractéristiquesindividuelles des MG (personnelles et d’organisation du travail)et les caractéristiques contextuelles du département d’exercice(sociales et de démographie médicale) associées à la nonpratique du frottis par les MG.

VARIABLEEXPLIQUÉE:NEPRATIQUEJAMAISDEFROTTISCONSTRUCTIONÀPARTIRDE2QUESTIONSPOSÉESAUMGCONCERNANTSADERNIÈREPATIENTEÂGÉEDE50À60ANS,SANSFACTEURSDERISQUESPARTICULIERSPOURLECANCERET

RÉGULIÈREMENTSUIVIE :

CONCLUSIONNotre étude retrouve que plus les inégalités socio-économiques et de démographie médicale sont importantesdans un département, plus les MG se désengagent de lapratique des frottis.

MATÉRIELETMÉTHODE

Les caractéristiques des MG libéraux exerçant en Franceproviennent du Baromètre santé médecins généralistes2009. Les caractéristiques contextuelles du départementd’exercice des MG proviennent de l’INSEE et d’Ecosanté.

Ces caractéristiques ont été analysées à l’aide de modèlesmixtesà intercept aléatoire avec en niveau 1 les MG et enniveau 2 les départements d’exercice du MG (Logiciel SAS9.3).

RÉSULTATS

L’analyse a concerné 1063 MG exerçant en France (Corse etDOM-TOM exclus). Parmi eux, 70,7 % étaient des hommes.L’âge moyen était de 50,6 ans (écart-type = 8,7).34,7% des médecins déclaraient ne jamais pratiquer de frottis.

La proportion de MG ne pratiquant jamais de frottis variaitsignificativement entre les départements de 12 à 57%, entre le2,5ème et le 97,5ème percentile de la distribution (varianceinter-départements = 0,71, p ≤ 0,0001).

En analyse univariée :Plusieurs caractéristiques individuelles (personnelles etd’organisation du travail des MG) étaient associées de façonsignificative au fait de déclarer plus souvent ne jamaispratiquer de frottis.Presque toutes les caractéristiques contextuelles, à l’exclusiondu mode de dépistage dans le département (organisé versusindividuel), étaient associées au fait de déclarer ne jamaispratiquer de frottis. Le dépistage organisé ne concernait àl’époque que 3 départements.

En analyse multivarié (tableau 1) :Les caractéristiques individuelles des MG associées au fait dedéclarer ne pas pratiquer de frottis étaient : être un homme,avoir moins de 51 ans, pratiquer régulièrement l’acupunctureet l’homéopathie, avoir des dossiers informatisés et ne pasadhérer à un réseau de santé.Pour les caractéristiques contextuelles, les MG étaient plusnombreux à ne jamais faire de frottis dans les départements oùles inégalités sociales étaient plus importantes, où le tempsmoyen d’accès à un gynécologue était inférieur à 15 minutes,où la densité départementale de gynécologues était plusélevée et où la densité départementale de MG s’éloignait de lamoyenne nationale (pente en–dessous de 9,5 MG/10 000habitants).

Tableau1:Analysemultivariédesvariablesexplicativesindividuelles(MG)etcontextuelles(départementd’exerciceduMG)etdelavariableexpliquée:MGquinepratiquejamaisdefrottis (N=1013)

« AUCOURSDES3DERNIÈRESANNÉES,AVEZ-VOUSDÉJÀ

RÉALISÉVOUS-MEMEUNFROTTISCERVICAL,JEDISBIENRÉALISÉVOUS-MEME? »

(N=1063)

NEPRATIQUEPASCETACTE

N'YAPASPENSÉDÉJÀRÉALISÉDEPUIS<3ANSPARAUTREMÉDECINREFUSDELAPATIENTEPATIENTEAURAITÉTÉGÊNÉESIVOUSL'AVIEZPROPOSÉAUTREOUI(31,3%)

NESAISPAS(0,1%)

NON(68,6%)« PARMICESRAISONS,

QUELLEESTCELLEQUIAFAITQUEVOUSN'AYEZPASRÉALISÉCETACTE? »

Variable=1

Variable=0

Caractéristiques OR IC95%Variablesindividuellesde niveaumédecin

Sexe (Ref=Femme)Hommes 3,92 [2,67– 5,76]Age (ans)(Ref=plusde50)Moins de40 2,21 [1,39– 3,53]41/50 1,68 [1,18– 2,38]Dossiers informatisés (Ref=Oui)Non 1,78 [1,23– 2,56]Acupuncture (Ref=Jamais)Régulièrement 2,95 [1,34– 6,50]Occasionnellement 0,49 [0,18– 1,34]Homéopathie (Ref=Jamais)Régulièrement 2,10 [1,26– 3,52]Occasionnellement 1,25 [0,90- 1,73]Participe à unréseau desanté(Ref=Oui)Non 1,72 [1,25– 2,36]

Variables contextuellesauniveaududépartementTaux depauvreté à 60%(Ref=≤14%)>14% 1,66 [1,09– 2,54]Densité desMG (unité =1MG/10 000habitants)

Pente en-dessousde9.5MG/10000 hab. 0,52 [0,37– 0,74]Pente au-dessus de9.5MG/10000hab. 1,17 [0,92– 1,48]Densité des gynécologues (1Gyn./100000 femmes) 1,06 [1,03– 1,10]Tempsd’accès augynécologue (Ref=>15minutes) 0.0081

≤15minutes 2.02 [1.20- 3.41]