57
Introduction La musique de Charles Christopher Parker, tout comme la musique de beaucoup d'autres compositeurs, a probablement la plus grande influence sur ma propre musique. Je vois Parker comme un compositeur majeur, bien qu'étant d'abord un compositeur spontané. Ses compositions écrites (i.e. thèmes), similaires a celles de beaucoup d'autres compositeurs spontanés, étaient principalement des points de départs pour ses discussions spontanées. Parker étant également quelqu'un dont la fonction serait analogue au rôle du chef percussionniste dans les sociétés traditionnelles ouest Africaines. Pour moi, Parker a traduit ces deux idées par un style qui est une version sophistiquée du blues, en quelque chose qui peut exprimer la Vie, du point de vue de l'expérience d'un afro-américain du 20ème siècle. Beaucoup d'autres, comme John William Coltrane par exemple, ont contribués à l'expression de cette musique traditionnelle, à un niveau technique, intellectuel et spirituel. J'ai eu beaucoup de ce que j'appelle "micro-information" venant de Parker. Il y a beaucoup de choses concernant des aspects techniques comme les mouvements mélodiques et les progressions, etc... mais il y a aussi l'aspect linguistique de la musique de Parker, ainsi que son contenu émotif et spirituel. En étudiant la manière dont s'est développé sa musique, on peut y trouver une bonne manière de voir les choses naturelles de la vie, de traiter avec la nature humaine en général.

Introduction - Gilles Rea · 2016. 3. 6. · exemple le "Body and Soul" de Coleman Hawkins en 1939, ou le duo Don Byas/Slam Stewart de 1945 sur "I've got Rhythm" et "indiana" (Town

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

  • Introduction

    La musique de Charles Christopher Parker, tout comme la musique de beaucoup d'autres

    compositeurs, a probablement la plus grande influence sur ma propre musique. Je vois Parker comme un compositeur majeur, bien qu'étant d'abord un compositeur spontané.

    Ses compositions écrites (i.e. thèmes), similaires a celles de beaucoup d'autres compositeurs

    spontanés, étaient principalement des points de départs pour ses discussions spontanées.

    Parker étant également quelqu'un dont la fonction serait analogue au rôle du chef percussionniste dans les sociétés traditionnelles ouest Africaines.

    Pour moi, Parker a traduit ces deux idées par un style qui est une version sophistiquée du blues, en

    quelque chose qui peut exprimer la Vie, du point de vue de l'expérience d'un afro-américain du

    20ème siècle. Beaucoup d'autres, comme John William Coltrane par exemple, ont contribués à l'expression de cette musique traditionnelle, à un niveau technique, intellectuel et spirituel.

    J'ai eu beaucoup de ce que j'appelle "micro-information" venant de Parker. Il y a beaucoup de

    choses concernant des aspects techniques comme les mouvements mélodiques et les progressions,

    etc... mais il y a aussi l'aspect linguistique de la musique de Parker, ainsi que son contenu émotif et

    spirituel. En étudiant la manière dont s'est développé sa musique, on peut y trouver une bonne

    manière de voir les choses naturelles de la vie, de traiter avec la nature humaine en général.

  • Cette histoire a déjà été contée de nombreuses fois auparavant... la présentation peut-être différente, mais c'est la même histoire.

    Pour ma part, la facette la plus dramatique du langage musical de Bird est de loin son aspect

    rythmique, en particulier son phrasé et son "timing", pas seulement sa seule façon de jouer, mais

    aussi combinée avec des musiciens dynamiques comme Max Roach, Roy Haynes, Bud Powell, Fats

    Navarro, Dizzy Gillespie et d'autres. Même si on a beaucoup parlé de l'aspect harmonique de la

    musique de Bird, la plupart de ces conceptions harmoniques étaient déjà présente dans la musique

    de pianistes et de saxophonistes de l'ère précédente, avant que Parker arrive sur la scène. Parmi

    d'autres, la musique des pianistes Duke Ellington, Art Tatum, comme celle des saxophonistes

    Coleman Hawkins et Don Byas, démontraient déjà une approche sophistiquée de l'harmonie.

    N'importe quel enregistrement de Tatum démontre un langage harmonique qui peut rivaliser avec

    n'importe quel autre musicien du temps de Charlie Parker. De plus, on peut aussi prendre comme

    exemple le "Body and Soul" de Coleman Hawkins en 1939, ou le duo Don Byas/Slam Stewart de 1945

    sur "I've got Rhythm" et "indiana" (Town Hall Duos), pour voir un grand nombre de ces aspects

    harmoniques déjà développés. Dans les enregistrements de Byas, on peut déjà trouver des indices

    du langage rythmique qui émergera complètement développé par la suite, chez Parker.

    En revanche, peu de choses ont été écrites sur l'aspect rythmique de son langage, et pour certaines

    raisons, il n'y a pas de mots ou de concepts pour décrire cela dans la plupart des langages

    Occidentaux. La théorie musicale occidentale s'est principalement développée dans une direction

    idéale pour décrire l'aspect tonal de la musique, particulièrement l'harmonie. Quoiqu'il en soit, le

    langage pour décrire le rythme en particulier n'est pas vraiment développé, sauf pour décrire la

    métrique (indications de mesure 4/4, 17/8 etc...) et d'autres choses liées à la notation. Mais à travers

    les années, les musiciens ont développé une sorte de langage d'initiés, un argot officieux très utile pour faire allusion à tout ce qui est déjà intuitif, ce qui est sous-entendu culturellement.

    Les implications du phrasé de Parker aident à catalyser les réponses qui viendraient éventuellement de musiciens comme Max Roach, Bud Powell, Fats Navarro, etc...

    Bien que la description de ces aspects rythmiques soient peu développés, on peut parler de ce langage du point de vue de la diaspora Africaine.

    Dizzy Gillespie parlait de la conception rythmique de Parker comme des "rythmes sacrés", suggérant

    ainsi un style de jeu relié à la musique des églises. Plus tard dans cet article, je reprendrai cette analogie pour traiter de l'opposition ternaire/binaire.

    Il y a une citation célèbre de Beethoven qui dit "La musique est une révélation plus haute que la

    philosophie". La tradition de musiciens comme Armstrong, Ellington, Monk, Bird, Von Freeman,

  • Coltrane, etc... a démontré au monde les sommets que peut atteindre la composition spontanée (l'improvisation), et qu'il y a une grande importance à cela.

    Particulièrement dans les cultures occidentales, les compositions spontanées complexes sont

    pratiquement devenues un art perdu, probablement maintenues en vie seulement par les écoles

    d'improvisation d'orgue français (Pierre Cochereau, Marcel Dupré, etc...) et certaines formes de

    musiques folkloriques. Mais l'approche et l'approche du concept de composition spontanée qui fut

    développé par le continuum Armstrong-Parker-Coltrane (pour utiliser une phrase d'Anthony

    Braxton), et la somme d'informations que cette forme de composition propose (aussi bien matériel

    que spirituelle), est stupéfiante. Ceci est particulièrement vrai quand on considère la rapidité avec

    laquelle cette musique s'est développée.

    Tout ceci n'est pas pour dire que les autres formes de musique n'ont pas accompli la même chose

    dans leur propre voix, mais cet article traitera spécifiquement de la composition spontanée exprimée dans la musique de Charlie Parker.

    La plupart des exemples musicaux qui vont suivre seront détaillés en terme d'analyse technique,

    majoritairement concentrée sur le rythme, ainsi que les éléments mélodiques et linguistiques de la musique de Parker.

  • Charlie Parker: Ko-Ko (1948 Live Version)

    CD: Complete Royal Roost Live (Savoy)

    Charlie Parker (as), Miles Davis (tp), Max Roach (dr), Curly Russell (b)

    Enregistré au Royal Roost, New York, 4 Septembre 1948.

    Ecouter sur YouTube: https://www.youtube.com/watch?v=fW4Bz33vkV8

    C'est l'une des mélodies les plus habiles que j'ai jamais entendu. Et la manière avec laquelle c'est

    joué n'est rien d'autre que de l'argot à son plus haut niveau. La manière dont la mélodie ondule en

    va-et-vient est irréelle, et Yard et Max gardent ce type de mouvement dans la partie spontanée de la musique.

    Je suis un grand fan de boxe, et je vois un grand nombre de similitudes entre la boxe et la musique.

    Il y a un moment dans le 8ème round de ce match du 8 décembre 2007 (Floyd Mayweather Jr.

    contre Ricky Hatton) ( https://www.youtube.com/watch?v=16EGkaCHmFg ), qui commence par un

    uppercut à 0.44s de la vidéo (2.19s du round), et aussi avec un crochet du gauche à 2.22 de la vidéo

    (0.42 du round) quand Floyd commence à prendre le dessus sur Ricky, abattant sur lui des coups

    venants de différents angles, sous un rythme imprévisible. Si vous écoutez ce combat avec un

    casque, vous pourrez presque entendre de la musicalité dans le rythme des coups. Mayweather

    envoie un assortiment de coups différents, au corps et à la tête, tous sortis d'un angle différent et

    dans un rythme imprévisible. Mais ce n'est pas seulement le rythme de Mayweather qui est

    imprévisible. C'est aussi le groove qui le contient.

    https://www.youtube.com/watch?v=fW4Bz33vkV8https://www.youtube.com/watch?v=16EGkaCHmFg

  • De mon point de vue, le travail de Max Roach sur cette version de Ko-Ko et très similaire au groove

    doux, fluide et imprévisible que des boxeurs professionnels comme Mayweather emploient.

    L'espace de jeu entre Max et Bird se construit avec un feeling très similaire à ce que je vois dans le

    rythme de Mayweather. Vers la fin de Ko-Ko, à 2m15s, Max fait exactement le même type de

    mouvement qu'un boxeur, accompagnant la seconde moitié de l'improvisation-interlude de Miles et

    continuant sur l'improvisation de Bird. Seulement dans ce cas c'est comme un contrepoint, une

    conversation en argot entre Yard et Max. C'est une technique qui peut à la fois être vue et entendue

    à travers la diaspora Africaine. Un certains nombre de techniques instrumentales sont impliquées ici,

    une agilité qui est démontrée, par exemple, par le dribble croisé, et d'autres mouvements utilisés

    par les athlètes, comme, par exemple, le mouvement "casse-cheville" du joueur de basket Allan

    Iverson En plus de ça, le solo de Max juste avant la reprise du thème est absolument magistral.

    Essayez de l'écouter à une vitesse diminuée de moitié si vous pouvez.

    C'était le premier enregistrement de Charlie Parker que j'ai jamais entendu. C'était le premier

    morceau sur la face A d'un album (quelqu'un se rappelle lequel ?) que mon père m'a donné. Et je

    peux encore me rappeler ma réaction ! Je n'avais absolument AUCUNE IDEE de ce qui se passait en

    terme de structure ou quoi que ce soit d'autre. Cela me semblait si ésotérique, si mystérieux,

    comme j'avais été habitué à des formes plus explicites de ces dispositifs rythmiques, tels que

    présentés dans la musique populaire Afro-Américaine avec laquelle j'avais grandi. Comparé à ce que

    j'écoutais plus jeune (jusqu'à 17 ans), la structure détaillée de la musique de Parker et de ses

    comparses bougeait beaucoup plus rapidement, avec plus de subtilité et de complexité que ce à quoi

    j'étais habitué. Quoiqu'il en soit, dès le départ, j'ai eu intuitivement l'impression distincte d'une

    communication, qu'elle sonnait comme une conversation.

    Pour revenir à "Ko-Ko", tout d'abord le rythme du thème semble un peu venir "du quartier", mais sur

    Mars ! Dans la forme et le mouvement, il y a tant d'hésitations, de retour en arrière, de

    stratifications. Le phrasé redondant en groupe de 3 et la manière dont la mélodie change en groupes

    inégaux, divisant les 32 temps en un pattern imprévisible de 3-3-2-2-3-3-2-2-1-3-4-4. Par "retour en

    arrière", je veux parler de la façon dont les pattern rythmiques semblent s'inverser par moment; par

    exemple les 8 sont brisés en 3-3-2, puis en 2-3-3. Par "hésitation", je renvoie au 8 suivantes brisées

    en 2-2-1-3, comme une sorte de mouvement bégayant.

    La Mélodie d'ouverture de Ko-Ko

  • "Stratification" est juste ma façon de nommer la nature funky de la mélodie et l'accompagnement

    de Max. Avec cette musique j'ai toujours prêté plus d'attention à la mélodie, la batterie et la basse;

    quoi qu'il en soit, cette forme est composé seulement de mélodie et de batterie, la partie de Max

    étant composé spontanément. La manière dont Max promène son balais sur la caisse claire,

    bougeant fréquemment à des places imprévisibles , ajoutent à la nature insaisissable et complexe de

    la performance. Par exemple, pendant le thème, et sous la première interlude improvisé de Miles

    (m.9), Max propose un commentaire ésotérique, qui devient plus conséquent à mesure que Parker rentre, mesure 17.

    Quoiqu'il en soit, le "beat" est toujours implicite, jamais directement exposé. Sur cette version de

    Ko-Ko, la perception du temps par Bird est tellement forte que son jeu délivre les pistes aux auditeurs non initiés pour trouver leur équilibre.

    Mélodie de Ko-Ko, trompette, sax, casse claire et grosse caisse:

  • On entend rarement ce genre de commentaire chez les batteurs , la musique d'aujourd'hui étant explicitement établie.

    La manière dont Max choisi des parties spécifiques de la mélodie comme place pour ses

    commentaires participe à cette réalisation si mystérieuse du rythme. La plupart est suggérée, au lieu

    d'être directement exposé. Et tout cela continue dans les sections de composition spontanée, où

    Yard joue avec de très fort accents qui forment un espace de jeu avec les exclamations de Max. Les

    "coups" sont mixés ici, certains durs, d'autres doux, vers le haut, le bas, de manière à former un

    groove puissant mais imprévisible. J'ai toujours pensé que la vitesse et la virtuosité apparente de

    cette musique obscurcissait sa dimension plus subtile pour de nombreux auditeurs, comme si

    seulement les initiés ou les membres d'un ordre secret pouvaient la comprendre. Cette sorte de

    dialogue habile continue tout au long de la performance, construisant ces flux et ces reflux, comme

    dans une conversation. A noter que Miles joue le Fa de la mesure 28 trop tôt; d'après

    l'enregistrement studio original de 1945, enregistré avec Dizzie et Bird jouant la mélodie, le Fa doit

    tomber sur le premier temps de la mesure 29. Bref, Yard et Max jouent leurs parties correctement, et le jeune Miles Davis a probablement du mal à se retrouver sur ce tempo très rapide.

    La musique composée spontanément peut être analysée d'une manière similaire au contrepoint, en

    terme d'interaction entre les voix. C'est un contrepoint qui a ses propres lois basées sur un ordre

    plus naturel et la logique intuitive - ce que le philosophe Schwaller de Lubicz appelle "L'intelligence

    du cœur". De mon point de vue, l'ADN culturel des créateurs de ce type de musique devrait être pris

    en compte, de la même manière que l'environnement et la culture sont pris en compte lorsque l'on étudie n'importe quelle entreprise humaine.

    Max tend à jouer de manière à commenter lors des pauses de Bird, et à ponctuer ses phrases par

    des figures de terminaison. Pour un batteur, faire ceci requiert d'être extrêmement familier avec le

    langage du soliste.

    J'ai entendu beaucoup d'enregistrement Live, où il est clair que Max anticipe la structure des phrases

    de Parker, et y propose la ponctuation appropriée. Ce n'est pas inhabituel; les amis proches finissent

    fréquemment la phrase de l'autre lors d'une conversation. Chez des musiciens comme Parker et

    Roach, tout cela est internalisé à un niveau instinctif. Comme cette musique est du "son rapide crée

    spontanément", je pense que l'activité mentale de premier plan est orientée principalement vers la sémantique

    Ce qui est frappant ici, c'est le niveau de la conversation - ce sont des sujets très profonds !

    La plupart du temps, les critiques et les professeurs parlent de cette musique en terme

    d'accomplissement individuel, mais ne se concentrent pas assez sur "l'interplay". Je pense que cette

    musique raconte d'abord et avant tout une histoire. Il y a assurément une volonté d'exprimer la

    musique en utilisant une logique de conversation. Ce que je veux dire, c'est que si la syntaxe est

    importante, la sémantique est primordiale.

    Trop souvent, ce à quoi ce réfère la musique est ignoré.

  • La dernière moitié du pont qui va sur les dernière 8 mesures avant le solo de Roach (1m32s),

    propose ces points de conduite de voix rythmiques très importants où Max se met à refaire ses

    coups de boxeur, jouant une des choses les plus funky que j'ai pu entendre. On peut entendre les

    exclamations des autres musiciens, et aussi surement de certains auditeurs éclairés, comme un

    commentaire additionnel. Il y a tellement à dire sur cette section que je pourrait écrire un livre

    dessus; un monde entier de possibilités est impliqué, étant donné que les relations rythmiques sont beaucoup plus subtiles que ce qui se passe harmoniquement.

    2ème moitié du dernier pont et 8 dernières mesures de Ko-Ko

  • Ceci montre que sur ces morceaux rapides, Yard essaye de jouer avec des petits bouts de phrases

    ponctués par de courts groupes de notes en utilisant de accents forts, tandis que Max joue d'une

    façon qui permet de démarquer les phrases de Parker avec de longs groupes articulés autour de pattern "Epitritic"

    Max travaille ces patterns en répétant des figures, destinés à créer chez l'auditeur une sensation

    rythmique particulière, pour soudainement le déplacer et créer ainsi une tension chez l'auditeur. Le

    passage ci-dessus est un exemple parfait pour ça, créant un danse hypnotique de 2-3-3, pour rompre

    cet équilibre attendu avec une réponse en 2-1-3-1-1, puis continuer avec une version variée de sa

    danse initiale. Même les exclamations des musiciens et de l'auditoire participent de ce que je

    considère comme une performance rituelle profane. Toutes ces choses que je mentionne sont des

    traits que je considère comme une sorte d'ADN musical transmis par l'Afrique. Ce niveau de

    complexité musicale demande une participation intellectuelle autant qu'émotionnelle, de la part des

    musiciens comme des non-musiciens (quand ils peuvent s'ouvrir à la musique, ce que tout le monde

    ne peut pas faire). La place de chaque instrument est aussi très instructive. Evidement, les so listes

    sont au premier plan, jouant les instruments qui ont le mouvement le plus rapide. Dans le cas

    particulier de ce groupe, la basse serait approximativement deux fois moins rapide que le soliste,

    avec le batteur ayant une fonction instable, changeante. En terme de commentaire, le batteur serait

    le 3ème plus lent après la basse et le piano, et proposerai le commentaire le plus lent d'un point de

    vue rythmique. Quoi qu'il en soit, ici les éléments de la batterie sont à une vitesse proche de celle du soliste.

  • Charlie Parker: Celebrity

    CD: Bird - The Complete Charlie Parker on Verve (Verve VE2 2512)

    Charlie Parker (as), Hank Jones (p), Ray Brown (b), Buddy Rich (dr).

    Enregistré à New York, en Octobre 1950

    Ecouter sur Grooveshark: http://grooveshark.com/s/Celebrity/26Fpvj?src=5

    A la différence de Ko-Ko, j'ai choisi ce morceau à cause du manque de dialogue entre Parker et

    Buddy Rich qui joue ici plus le rôle d'un gardien du tempo. Il en découle que les phrases de Bird se

    détachent plus du fond qui est moins impliqué du coup. Ici, on peut se concentrer sur la qualité des

    questions/réponses du jeu de Parker, tant concernant l'aspect mélodique qu'harmonique. La

    structure harmonique de cette forme est basée sur une des formes standard de l'époque, le "Rhythm Changes", qui vient de la composition de George et Ira Gershwin, "I Got the Rhythm".

    De mon point de vue, les choses qu'il faut regarder pour comprendre les concepts de Bird, sont le

    rythme et la mélodie, les concepts harmoniques étant assez simples. Pas seulement parce que j'ai pu

    apprendre ça de compositeurs spontanés majeurs de cette période, mais parce qu'on peut trouver

    des citations de musiciens de cette période ayant cette idée, comme par exemple celle qui suit, de Charles Mingus:

    http://grooveshark.com/s/Celebrity/26Fpvj?src=5

  • "J'apprécie particulièrement les musiciens qui ne swing pas seulement, mais qui inventent de

    nouveau pattern rythmiques, en même temps que de nouveau concepts mélodiques. Et ces

    musiciens sont: Art Tatum, Dub Powell, Max Roach, Sonny Rollins, Lester Young, Dizzy Gillespie et

    Charles Parker, qui est le plus grand génie de tous pour moi, parce qu'il a bousculé tout autour de lui" (Liner notes de "Let My Children Hear Music").

    Si vous n'avez pas lu ces liners notes ( http://mingusmingusmingus.com/mingus/what-is-a-jazz-

    composer ) de Charles Mingus, je vous conseille de les lire.

    Ce qui est clair du point de vue de Mingus, c'est que ce sont les concepts rythmiques et mélodiques

    qui sont les vraies innovations de cette musique. D'un côté, Mingus se réfère aux innovations

    rythmiques et mélodiques, ainsi qu'à la complexité, choses qui peuvent entretenir l'intérêt d'un

    musicien, du point de vue de la technique artistique. Et puis sur d'autres points de l'article, Mingus

    parle de la nécessité qu'ont les compositions spontanées d'être, de raconter les histoires, les

    expériences ou les intérêts de la vie des musiciens qui jouent ces musiques, ou celles d'autres

    personnes, et ce sont ces principes qui transcendent l'art de la musique en une "chose" et qui est

    directement reliée à l'essence même de ce qu'est qu'être humain. Je vois la musique de Bird comme complètement ancré dans cette tradition, quelle que puisse être son nom.

    J'ai toujours vu les compositions spontanées de Bird comme des explications contenant différents

    types de structures de phrases. Ici, après l'introduction de Buddy Rich, Parker commence "Celebrity"

    avec un ouverture de 27 mesures, mais dans lequel cet énoncé est une structure interne. L'harmonie

    et le timing aident à structurer cet énoncé, et donnent à l'auditeur une idée du dialogue. De façon

    générale, ce que j'appelle "tonalités mélodiques dynamiques" suggèrent des fins de phrases

    ouvertes qui sont souvent (mais pas toujours) suivies par une réponse, et qui en fait mènent ou invitent à la réponse.

    Ouverture (8 temps, statique à dynamique)

    Réponse (8 temps, préparation à la dynamique)

    Elaboration (8 temps, dynamique à statique)

    Fermeture (2 temps)

    Nouvelle Ouverture (8 temps, statique à dynamique)

    Réponse (8 temps, préparation à la dynamique)

    Extension (7,5 temps, dynamique à dynamique)

    Demi-Fermeture (6,5 temps)

    http://mingusmingusmingus.com/mingus/what-is-a-jazz-composerhttp://mingusmingusmingus.com/mingus/what-is-a-jazz-composer

  • 16 premières mesures de "Celebrity"

    Suite aux "nouveaux concepts mélodiques" auxquels Mingus fait référence, souvent les musiciens

    utilisent ce que j'appelle des Chemins Invisibles. Je veux dire qu'ils ne suivent par forcement le

    chemin exact ou accepté de la structure harmonique pour une composition, mais au contraire ils

    suivent leurs propres routes harmoniques et mélodiques, qui, d'un point de vue fonctionnel

    réalisent le même travail. La description musicale de ce travail musical est de former des chemins

    dynamiques qui mènent aux même destinations harmoniques et rythmiques que l'harmonie

    composé pour le morceau. Cela diffère légèrement du concept académique de substitutions, parce

    que les Chemins Invisibles peuvent être des routes alternatives complètes qui n'ont pas

    nécessairement de lien avec l'harmonie proposée points par points, qui ne peuvent pas être

    expliqué avec ces moyens, mais qui néanmoins réalisent la même fonction d'amener aux points

    cadentiels de la musique. Ces chemins peuvent être rythmiques, mélodiques ou harmoniques; tout

    ce qui est nécessaire sont trois éléments requis pour n'importe quel chemin: un départ, une

    structure et une destination.

    Beaucoup de vieux musiciens, spécialement les musiciens autodidactes moins entraînés sur

    l'harmonie théorique Européenne, m'ont dit que les musiciens de cette époque pensaient

    principalement en terme de structure harmonique très simple, quasiment qu'avec l es 4 triades de

    bases (majeur, mineur, diminuée et augmentée) avec quelques formes de 7ème de dominante.

    Même si les structures harmoniques étaient simples, les différentes manières avec lesquelles elles

  • progressaient et étaient combinées étaient complexes, ce qui montre encore du doigt que ces

    musiciens étaient plus concernés par l'idée de mouvement des sons musicaux. Ceci est souvent

    négligé par les académiciens, qui ont l'habitude d'analyser la musique à l'aide d'outils de notation,

    au lieu de réaliser que la musique est pour tout et avant tout du son, et le son est toujours en

    mouvement. Ce sont dans ces zones de rythmes et de mélodies que le plus complexe était

    concentré. Beaucoup de ces musiciens n'ont pas appris la musique du point de vue statique de la

    notation, ils ont donc une vision plus dynamique rattachée à la qualité du son plutôt qu'à la qualité

    de l'écriture. Malheureusement, pour des raisons de droits, je ne peux pas vous donner d'exemples

    sonores pour cet article, , alors, ironiquement, je serais forcé d'utiliser la notation. Mon choix serait

    d'utiliser des symboles géométriques et des diagrammes. Peu importe, j'aurai besoin de beaucoup plus de temps et de place dans cet article pour expliquer ces symboles.

    En analysant ces passages, nous pourrons voir quelques fois des structures hybrides ou des schémas

    harmoniques qui changent pendant la course d'une seule phrase mélodique. En sortant du solo de

    Buddy Rich, une de ces idées semble courir au long du chemin suivant, ou quelque chose comme ça , pendant 32 mesures:

    || C-7 F7 | Bb A7 | F7 Db-6 | C-7 F7 | F-7 Bb7 | Eb/\ Eb- | Bb/\ | C7 F7 ||

    Le pont est un peu plus varié, les patterns mélodiques de Bird créant leur propre logique interne, qui se résolvent dans la logique de la composition.

    || Eb-6 | A-6 Eb-6 | D- | F-6 | G-6(/\) | G-6 | C-6 | (F7) ||

  • En réfléchissant un peu, vous remarquerez que ces tonalités de passage remplissent la même

    fonction que la structure harmonique de cette musique. A noter qu'ici, Yard réalise ce qu'il proposa

    dans 2 citations:

    "Je réalisais qu'en usant les notes supérieures des accords comme ligne mélodique, et avec la

    bonne progression harmonique, je pouvais jouer ce que j'entendais en moi. C'est là que je suis né."

    (1939, dans "Masters of Jazz")

    "J'ai trouvé qu'en utilisant les intervalles supérieurs d'un accord comme ligne mélodique, et en les

    appuyant avec les changements harmoniques nécessaires, je pouvais jouer les choses que j'entendais. Je suis alors devenu vivant." (1955, dans "Hear Me Talkin'to Ya)

    Quoiqu'il en soit, la version de Parker concernant les intervalles supérieurs d'un accord n'était pas

    celle sous la forme de neuvièmes bémols, de onzièmes ou de treizièmes, mais sous la forme de

    simple de structures triadiques et mélodiques, résidant à un niveau plus haut dans l'étendue de

    l'échelle tonale, que je considère comme Matrice". (qui sait seulement ce que Bird pouvait penser de ça ??!)

    Dans ce cas, les structures simples, mineures comme Eb-6, A-6 et F-6 sont les intervalles supérieurs

    de Ab7, D7 et Bb7. Ces triades mineures avec une sixte ajoutée sont une structure très importante

    en musique, souvent appelés par erreur demi-diminuées (par exemple, un A-6 peut être appelé F#

    demi-diminué de nos jours). Dans ce cas, la fonction de A-6 est celle d'un la mineur dynamique, au

    même titre que la fonction de D7 est celle d'un ré majeur dynamique. Par dynamique, j'entends

    énergisé avec le potentiel pour changer. Ajouter une sixte majeure à une triade mineure est similaire

    (et réciproque) fonctionnellement à ajouter une 7ème mineure à une triade majeure, et cette

    fonction, dans de nombreux cas, et d'énergiser la triade, de la préparer avec un meilleur potentiel pour les changements., à cause de la perception du triton, qui est instable.

  • Le pianiste Thelonious Monk était un maître de cette technique et a fait la demonstration de cela à

    de nombreux autres musiciens de son temps (comme Dizzy et Bird par exemple). Considérant le

    pourquoi appeler un accord demi-diminué ou triade mineure avec sixte ajoutée, et bien c'est un cas

    ou le changement de nom peut obscurcir la fonction mélodique et harmonique d'un son particulier.

    Dizzy Gillespie mentionne cela dans son auto biographie, quand il dit ça pour lui devant ses

    collègues, il n'y a pas seulement des accords demi-diminués; ce qu'on appelle demi-diminué aujourd'hui, ils appellent cela triade mineure avec une sixte majeure à la basse.

    "Monk ne sait pas vraiment ce que je lui ai montré. Mais je sais quelques choses qu'il m'a montré.

    Comme, l'accord mineur avec une sixte à la basse. J'ai d'abord entendu Monk jouer ça. C'est

    démontré dans quelques uns de mes morceaux comme "Woody'n You", l'introduction de "Round

    Midnight", et une partie du pont de "Mantaca". … Il y avait beaucoup d'endroit ou j'uti lisais cette

    progression...et la première fois que j'ai entendu ça, Monk me le montra, et il appela ça un accord

    mineur avec sixte a la basse. De nos jours, ils n'appellent plus ça comme ça. Ils appellent la sixte à la

    basse la tonique, et l'accord un C-7b5. Ce que Monk appelait un Eb-6 avec sixte à la basse, les mecs

    de maintenant appellent ça un C-7b5... C'est exactement la même chose. Et Eb-6 est C, Eb, Gb et Bb.

    C-7b5 est la même chose, C, Eb, Gb et Bb. Certaines personnes appellent cela "demi diminué, par moment." (d'après le chapitre "Minton's Playhouse", dans "To Be or Not To Bop")

  • Charlie Parker: Perhaps (Take 1)

    CD: Complete Savoy & Dial Studio Sessions (Savoy 17079)

    Charlie Parker (as), Miles Davis (tp), John Lewis (p), Curly Russel (b), Max Roach (dr).

    Enregistré à New York, le 24 Septembre 1948

    Ecouter sur Deezer: http://www.deezer.com/track/74759648

    Cette composition est un autre exemple des nombreux dispositifs rythmiques que Parker utilisait

    dans sa musique, qui ne sont pas beaucoup traités. D'après moi, la mélodie est clairement une

    explication avec des variations. La phrase d'ouverture de la mélodie est un exposé de quelque chose,

    suivit par "mais peut-être" (jusqu'à la mesure 5), ou commence la première explication alternative.

    Puis "peut-être", (dans la mesure 7), commence alors une nouvelle explication encore différente.

    "Peut-être" (dans la mesure 9), ici commence la mise au clair de toutes ces idées exposées, puis la mélodie finie avec une réponse à la mesure 11 et 12, "peut-être, peut-être, peut-être".

    C'est pourquoi nous pouvons penser les segments mélodiques entre les "peut-être", comme des

    sortes de discussion et éclaircissements à propos d'une situation particulière, ce qui donne une

    preuve de plus de la leçon littéral des "matous", celle de toujours raconter une histoire avec votre

    musique.

    Evidemment, il y a dans cette musique une dimension onomato-poétique de la mélodie qui me

    permis de reconnaître et d'interpréter les "peut-être" au début de ma carrière, lorsque je ne connaissais que peu de choses concernant la structure de la musique.

    Mais cet exemple plus évident me permis donc de remarquer que ces choses là existaient aussi dans

    la musique, et que peut-être il y avait alors des éléments de compositions spontanées qui permettaient de montrer ces caractéristiques.

    http://www.deezer.com/track/74759648

  • Ce fut ma réaction intuitive à cette chanson quand je l'ai entendu la première fois dans mes années

    de formation, lorsque j'étais encore en train d'apprendre comment jouer, et c'est toujours de la

    même manière que je le perçois aujourd'hui. Mais au-delà de cet exemple assez évident, je ressens

    que la partie spontanée de sa composition, comme toutes les compositions de Parker, sont aussi des

    explications, et qu'elles racontent toutes une histoire. Et comme je l'ai mentionné avant, elles

    contiennent le même genre d'exclamations, de dialogue, de phrasé linguistique, et un sens commun

    de la structure, comme en fait n'importe quelle conversation de tout les jours, à l'exception que

    cette structure linguistique est basée sur la sous-culture de la communauté Afro-Américaine de ces

    temps là, ce que la plupart des gens appellerait l'Argot.

    C'est particulièrement évident si on regarde le rythme des phrases musicales. La manière dont Max

    répond à la mélodie est formellement conversationnel. J'entends les même types de rythmes que je

    vois lorsque je regarde certains boxeurs, joueurs de basket, danseurs, et le "timing" de la plupart des

    activités qui se pratiquent dans les quartiers urbains.

    Quoiqu'il en soit, cette même sensibilité rythmique peut revêtir différents niveau de complexité, et avec la musique de Bird et sa bande, cela prend un niveau artistique très compliqué.

    Ce propos sur la conversation musicale nous amène à la descendance de l'ADN de la diaspora

    Africaine. L'académicien Schwaller de Lubicz se réfère a une théorie qui dit que les anciens

    Egyptiens, vers le tout début de leur existence, avaient un langage dont la structure et l'énonciation

    consistaient en de pure modulations de tons, similaires à la musique, en opposition au langage

    phonétique que nous utilisons. Etant donné que leurs anciens écrits ne contiennent pas de symboles

    pour les voyelles, l'idée semble un peu tirée par les cheveux. Cependant, à cause de la conservation

    écrite de tout les documents de cette civilisation sur plus de deux millénaires, de grands changements ont du opérer au sein du langage.

    De nombreux linguistes modernes croient en quelque sorte l'opposé, c'est-à-dire que les langages

    humains originaux contiennent des claquements, ou étaient principalement des langages claqués.

    Ces linguistes utilisent le langage des Hadza de Tanzanie, ou les Jul'hoan du Botswana comme

    preuve. Quoi qu'il en soit, la manifestation des langages percussifs dans la région du Niger-Congo de

    l'Afrique Subsaharienne nous raconte une autre histoire. Par exemple, le langage percussif des

    Yoruba du Niger, du Ghana, Togo et du Benin; les Ewe du Ghana, Togo et Benin; les Akan du Ghana;

    et les Dagomba du nord du Ghana, existent toujours aujourd'hui. Dans les langages de ces

    territoires, les langages utilisant une tessiture sont communs, ou la hauteur est utilisée pour distinguer les mots (en opposition aux formes/courbes, du Chinois par exemple)

    Comme beaucoup de ces langage Ouest-Africain sont tonals, la communication supra segmentaire

    est possible juste à travers la prosodie (i.e. rythme, accent et intonation). Il y a un petit doute quant

    à la prosodie concernant les émotions (les sons qui peuvent représenter le plaisir, la surprise, la

  • colère, le bonheur, la tristesse etc...) seraient apparu avant les concepts modernes du langage. Si les

    premiers Egyptiens ont développé une forme complexe de communication supra-segmentée, c'est

    possible que la théorie de Lubicz soit correcte. Dans n'importe quel cas, il y a beaucoup de précédents pour l'utilisation exclusive des tons comme langage

    Si l'on regarde les section de composition spontanée, bien sûr, beaucoup de dispos itifs musicaux

    sont impliqués, rythmiques, mélodiques, harmoniques et formels, à un niveau très complexe. C'est

    pourquoi la plupart des musiciens qui étudient cette musique sont absorbés par les paramètres

    musicaux; il y en a tant ! Mais je pense que beaucoup de ce qui est accomplit musicalement ici peut

    être vu clairement si l'on se place du point de vue de la diaspora Africaine, plutôt que d'avoir une

    discussion sur la structure harmonique, etc...

    Beaucoup de rythmes utilisés par Parker ne sont pas seulement liés à la musique africaine au sens

    linguistique que j'ai défini plus haut, ni au fait d'avoir un groove ou swing certain. Beaucoup de tendances structurelles rythmiques de la Diaspora ont été transmises à la culture Afro-Américaine.

    Nous pouvons commencer par regarder le concept de "clave" dans le jeu de Parker. La phrase a

    0m26s de la Take 1 est précisément le genre de phrase musicale habile qui faisait la renommé de

    Parker parmi ses pairs. J'ai le sentiment que l'intensité du phrasé contient des f igures rythmiques

    très similaires à des patterns de clave. Cette phrase est répétée presque mot pour mot à 0.55s, ajouté à quelques modifications et un léger changement dans le pattern de clave:

    A 0.26s:

    A 0.55s:

  • Bien sûr, vous devez écouter l'enregistrement pour avoir ressentir cette intensité, et je pense qu'il

    ne semble pas y avoir beaucoup de discussion autour de cet aspect de la musique de Bird, ce sens

    interne de la structure rythmique.

    La reconnaissance d'un sens de la clave dans le jeu de Parker est une clef pour commencer à étudier

    ses concepts rythmiques complexes en détail. Ce serait très instructif d'écouter les compositions

    spontanées de Bird seulement pour leur contenu rythmique, sans considérer les hauteurs. Alors, on

    pourrait voir que beaucoup de phrases contiennent le même genre de structures rythmiques que

    l'on trouve chez les maîtres percussionnistes de l'Ouest Afrique, à l'exception des hauteurs de note.

    Un étude des points de départs et d'arrivée des phrases de Parker révélerait une parenté avec ses

    maîtres percussionnistes subsahariens.

    Comme exemple, cette phrase mélodique à 0m38s de "Perhaps":

    Il y a ici beaucoup de changements rythmique d'intensité qui suggèrent une compression et une

    décompression des phrases. En partant sur le 3ème temps de la mesure 2, le changement dans

    l'accentuation au travers de la phrase suggère un groupe de 6-4-5-3-4 (en quart de temps). Ce

    concept est similaire à la figure classique de mop-mop: 4-3-5-4, et c'est aussi une des marques de

    fabrique des compositions spontanées de Bird.

  • Charlie Parker: 52nd Street Theme #275, #238, #218, #214

    CD: The Complete Benedetti Recordings of Charlie Parker, Three Deuces and Onyx Club (Mosaic 129)

    Charlie Parker (as), Miles Davis (tp), Tommy Potter (b), Duke Jordan (p). Composée par Thelonius

    Monk.

    Enregistré à New York, en Juillet 1948

    Ecouter sur YouTube: #214 ( https://www.youtube.com/watch?v=JVDeQm88oOM ), #218 (

    https://www.youtube.com/watch?v=hmcN2-eRc04 ), #238 (

    https://www.youtube.com/watch?v=ph8cJYRWeNw ), #275 (

    https://www.youtube.com/watch?v=yRoS5eDZFLE )

    https://www.youtube.com/watch?v=JVDeQm88oOMhttps://www.youtube.com/watch?v=hmcN2-eRc04https://www.youtube.com/watch?v=ph8cJYRWeNwhttps://www.youtube.com/watch?v=yRoS5eDZFLE

  • Ces différentes performances de Parker, enregistrées par le saxophoniste Dean Benedetti, montrent

    le mélange de relâchement et de tension opérant dans ce groupe particulier, que je considère

    comme le groupe actif de Bird le plus efficace. J'avais entendu parler de ces enregistrements avant

    de savoir qu'ils existaient vraiment physiquement, et j'ai même entendu certains d'entre eux

    longtemps avant que le coffret sorte, alors ce fut un réel plaisir d'enfin pouvoir entendre la

    collection toute entière. Pour des raisons économiques, Benedetti avait l'habitude de n'enregistrer

    que les solos de Parker et pas ceux des autres musiciens, aussi ces enregistrements sont donc un peu

    fragmentés. D'autant plus que la qualité sonore est souvent mauvaise; il n'y a pas d'enregistrements

    à partir desquels les audiophiles pourront écrire. Quoi qu'il en soit, pour les musiciens étudiant cette

    musique, cette collection est une mine d'or. Je la compare à trouver une tombe dans la vallée des rois en Egypte, relatif aux trésors musicaux qu'ils contiennent.

    Exemple A: 52nd street Theme #275 solo de Charlie Parker

    ( https://www.youtube.com/watch?v=yRoS5eDZFLE )

    Cette version de la composition de Monk était en général jouée en tant que musique de transition,

    comme un signal pour dire que le set va se terminer. Cette prise est juste un fragment (similaire à

    une trouvaille lors d'une fouille archéologique), mais mec, ça swing dur! Lorsque le solo de sax de

    Parker entre après qu'il ait parlé à l'audience, le groupe installe un groove sérieux, tout le monde

    répond à Yard, et la pulsation est retenue à l'extrême , ce qui donne l'impression que le groupe

    ralenti.

    https://www.youtube.com/watch?v=yRoS5eDZFLE

  • Solo de Bird sur "52nd Street Theme #275"

    Il est clair que ce groove touche personnellement ceux qui sont présents, comme on peut l'entendre

    par les nombreuses exclamations du public. Ces réactions des personnes présentes sont ce que

    j'aime dans les enregistrements live en général; au moins pour les enregistrements faits en présence

    d'une audience réactive. Le rythme solide de cette mélodie spontanée qui grimpe, que Yard joue sur

    les 8 premières mesures d'ouverture, crée une tension qui contrebalance parfaitement avec la

    mélodie serpentante des 8 mesures suivantes, avec ses patterns claves dansants, changeants, qui

    commencent à la 11ème mesure (à 0m42s).

    Rythme du pattern-clave à la mesure 11 de 52nd Street Theme #275

    Encore une fois, ceci démontre une utilisation du rythme qui met en avant des éléments

    directement hérités de concepts Ouest-Africains.

  • Exemple B: 52nd Street Theme #238

    ( https://www.youtube.com/watch?v=ph8cJYRWeNw )

    Cette version est elle aussi très dynamique. J'aime beaucoup l'espace que Bird utilise dans cette

    version très décontractée. Dès le début, quand Parker joue l'augmentation de la mélodie , on peut

    sentir qu'il est au meilleur de son jeu. Il ne se soucis même pas de finir la mélodie, se lançant

    immédiatement dans une improvisation. Le pont est merveilleux ! Évidemment, Parker joue la

    mélodie ici, mais "trébuche" un petit peu. Il sonne comme Michael Jordan ici, si vous voyez ce que je

    veux dire, en en plein milieu et transformant son faux pas en un beau discours mélodique ou les

    antécédents et conséquents sont tout les deux précédés par le même faux pas (entre guillemets)

    rythmique (m.1 et m.5, ci-dessous), ce qui a pour effet de transformer ce bégaiement original en une

    partie de la forme de ce discours. Comme beaucoup des conversations de Bird, la forme du discours

    est irrégulière mais rend un sens rythmique parfait en terme d'équilibre, un trait qui le distinguait de

    la plupart de ses collègues musiciens. Aussi, les chemins tonals alternatifs et les résolutions

    retardées (m.6, 7 et 9 du pont), ajoutés au côté très moderne de son discours.

    Pont: 2 temps de bégaiement / 6 temps d'antécédent / 3 temps de bégaiement / 18 temps de conséquent de 52nd Street Theme #238

    A partir des 2èmes 8 mesures du premier solo on peut entendre le type de conduite de voix mélodique très douce que Parker popularisa dans sa musique.

    https://www.youtube.com/watch?v=ph8cJYRWeNw

  • 2èmes 8 mesures, pont et dernière 8 mesures de 52nd Street Theme #238

    Ce type de discours clairs et précis étaient déjà présents dans la musique de certains compositeurs

    spontanés, comme par exemple le saxophoniste Don Byas. Quoi qu'il en soit, ce fut au travers des

    performances dynamiques de Parker que la plupart des musiciens furent exposés au concept, due en

    majorité au phrasé unique de Bird et à ses conceptions rythmiques très avancées. Byas et Bird

    venaient tout deux du Centre-Ouest, et tout deux ont développé cette chose rythmique sacrée du

    Centre-Ouest. Byas était de Muskogee, en Oklahoma, et Bird a développé ses aptitudes musicales à

    Kansas City, dans le Missouri (même si il est né à Kansas City de l'état du Kansas). Le Centre -Ouest à

    produit beaucoup de très bons musiciens. Par exemple, Oscar Pettiford était un bassiste fantastique

    d'Okmulgee, en Oklahoma, qui a apporté une contribution extraordinaire à cette musique, bien que

    ces apports soient rarement reconnus à leur juste valeur. Muskogee et Okmulgee sont toutes deux à

    l'Est de l'Oklahoma, juste au sud de la zone métropolitaine de Kansas City. Cette partie du pays était donc un foyer d'activité durant les années 20, 30 et 40.

    La qualité des concepts rythmiques dans cet exemple est frappante. Il y a beaucoup de patterns -

    clave rythmiques ou Parker joue par groupe de 3 hauteurs, ce qui tend à produire des patterns

    rythmiques alternatifs. Après tout, Bird avait une conception très rythmique des choses, même dans

    ses années de formation, et c'est cette conception qui a le plus contribué à changer la direction de la

    musique en ces temps. Dizzy Gillespie disait:

  • "Je crois que Charlie Parker et moi partagions le même esprit , car nous nous sommes inspirés

    mutuellement. Il y avait tant de choses que Charlie Parker faisait bien, c'est très difficile de dire de

    quelle manière il m'a influencé. Je sais qu'il n'a rien à voir avec ma manière de jouer de la

    trompette, et je pense que j'étais un peu plus avancé, harmoniquement, que lui. Mais

    rythmiquement, il était vraiment plus avancé, dans la structure de ses phrases, et comment il allai t

    d'une note à l'autre. Comment tu va d'une note à l'autre fait vraiment la différence. Charlie Parker

    entendait le rythme et les patterns rythmiques différemment, et après que nous eûmes

    commencés à jouer ensemble, je commençais à jouer, rythmiquement parlant, plus comme lui.

    Dans ce sens, il m'a influencé, moi et chacun d'entre nous, parce que ce qui marque un style, ce

    n'est pas ce que tu joues mais comment tu le joue." (d'après "Giant Steps: Bebop and the Creators of Modern Jazz" 1945-65).

    Je voudrais souligner ici que la contribution rythmique de Charlie Parker revêt bien plus que le

    phrasé. Les gens ont l'habitude d'écrire sur les "triplets", ou les notes de passage. Ces approches

    nous renseignent plus sur le background des musicologues qu'elles ne le font sur la sensibilité de

    Parker. Le rythme est quelque chose qui était constamment souligné dans les communautés Afro-

    Américaines; comme le dit Dizzy, cela a à voir avec la manière et la façon dont une chose est faite.

    De mon point de vue, ce n'est pas seulement le phrasé de Bird qui était important, mais aussi sa manière de placer ses phrases musicales, et comment elle s'équilibrent entre elles.

  • Exemple C: 52nd Street Theme #218

    ( https://www.youtube.com/watch?v=hmcN2-eRc04 )

    Ce que j'aime dans cette version de 52nd Street Theme, est la forme du premier chorus, qui établit

    le reste de la performance, et cela illustre en partie ce à quoi Dizzy faisait référence dans sa citation.

    C'est une véritable exemple de composition spontanée et de comment les micro-formes peuvent

    être très complexes. Personne ne peut sous estimer le pouvoir de l'intuition et de la perspicacité,

    mêlées à de la préparation, de la logique et du talent. La performance de Yard est un exemple très clair de tout ça.

    A la première écoute, les phrases semblent sonner de façon très symétriques et douces, et une

    rapide observation révèle ce qui apparaît en premier être comme des points de départs et d'arrivés

    complètement aléatoires, sans points d'équilibres clairs. Un examen plus attentif met en lumière

    une symétrie naturelle assez sophistiqué. Le premier antécédent fait environ 3 mesures de long,

    suivit par une conséquent ressenti comme 5 mesures. La division d'un espace d'à peu près 8

    mesures en 3 et 5 est quelque chose qui a été débattu à travers l'histoire comme étant la proportion

    correspondant au nombre d'or. Beaucoup de choses ont été écrites sur cet é quilibre du nombre d'or,

    sur internet et dans les livres, je ne rentrerai donc pas dans les détails. Quoi qu'il en soit, la qualité

    linguistique est le résultat du rythme et de la mélodie, le timing des phrases et leur formes contribuent à l'efficacité de cette musique.

    La phrase d'ouverture est très codifiée au sens qu'elle créer beaucoup de mouvement dans un

    contour solide. Il y a beaucoup de "double retours" (ce qu'on avait l'habitude d'appeler "aller en

    arrière pour plus") , cela me rappelle les mouvements multiples sensationnels du basketteur de la

    NBA Tim Hardaway, et Yard casse vraiment des chevilles ici. La réponse à la mesure 3 contient sa

    propre paraphrase, avec la phrase en Sol bémol Maj. transformée en sa réponse en Fa Maj. (un

    équilibre de 5-5-4 en terme de pulse sur 8 notes), avant de muter en une phrase "brise cheville" que

    Parker fini en s'échappant avec vitesse. La phrase suivante est parfaitement centrée dans ces

    secondes 8 mesures, en étant contenue dans 4 mesures des 8, même si en réalité c'est un peu poussé en avant d'un temps.

    Le question-réponse sur le pont à la même structure rapport au nombre d'or, je veux dire une

    groupement de phrase en 3/5 mesures. Après une exclamation comme ferait un "Preacher" ) qui

    commence aux dernières 8 mesures, la phrase finale possède un mouvement de voix très beau et

    subtil où Bird joue un mi bémol aspiré ("ghosted Eb") (3ème mesure après le pont), qui annonce une

    phrase plus complexe. Cette phrase semble alors réveiller Max, parce qu'il devient plus répondant à partir de ce moment.

    https://www.youtube.com/watch?v=hmcN2-eRc04

  • Ici, les choix mélodiques de Parker sont brillants, alternants sans heurts entre diatonisme,

    mouvement de voix chromatiques placés très attentivement, et pentatoniques. Pour le phrasé, les

    phrases de Bird ont la qualité de quelqu'un qui parlerait avec l'accent du Sud. Si vous écoutez

    attentivement, il y a un effet de voix qui traîne un peu, très légèrement, quelque chose qui traine

    derrière le temps, de la même manière que les gens parlent dans le sud, ou au quartier

    Premier Chorus de 52nd Street Theme #218

  • Exemple D: 52nd Street Theme #214

    ( https://www.youtube.com/watch?v=JVDeQm88oOM )

    Cette version démarre alors que Bird est déjà entrain de jouer, près de la 5ème mesure, mais qui sait

    depuis combien de temps Bird est entrain de jouer ? J'ai prêté beaucoup d'attention à cette version

    de 52nd Street Theme, car elle est très complexe, avec de nombreuses interactions. Quoi qu'il en soit, je commenterai juste brièvement chaque section.

    Le premier chorus de Parker est une forme conversationnelle typique. Quelque chose qui frappe est

    cette phrase répétée de 5 notes qui apparaît au début du 4ème temps des 4 premières mesures du

    pont (0m13s sur l'enregistrement). Ce qui est intriguant est le rythme, qui effectue une diminution

    du temps entre les phrases. La première phrase commence sur le 4ème temps de la 4ème mesure et

    finie sur le 2ème temps de la 5ème mesure. Ceci répété 2 temps plus tard, commençant sur le 4ème

    temps de la 5ème mesure et finissant sur le 2ème temps de la 6ème. Puis, comme la phrase change

    de tonalité, de la dominante secondaire à la dominante , Bird commence directement sa phrase,

    cette fois ci sur le 3ème temps de la 6ème mesure, et il la termine sur le 1er temps de la 7ème

    mesure. Ce genre de passage me fait toujours penser que Parker était profondément conscient non

    seulement des points cibles mélodiques, mais aussi rythmiques, toujours en équilibrant les points de

    départs et d'arrivé. Ainsi les phrases, même si elles semblent démarrer à des endroits étranges, sont

    toujours en proportions équilibrées. En d'autres termes, Bird était très attentif aux formes

    rythmiques et mélodiques, mais comme Dizzy l'a dit, le véritable enjeu demeure le placement de ces

    phrases.

    Le second chorus démarre avec une tentative avortée de jouer un de ses licks typiques venant du

    clarinettiste Alphonse Picou, joué dans la variation sur la marche de Porter Steele, en 1901, "High

    Society", une phrase que Parker citait fréquemment (par exemple au début du second chorus de son

    célèbre "Ko-Ko" de 1945). C'est clair que quand il joue cette phrase, la clef de Sol # de Parker colle

    sur son sax, le drame de tout les joueurs de sax. Quoi qu'il en soit, Parker décolle rapidement la clef,

    et change de direction en plein milieu, et continue avec une exécution parfaite son discours

    improvisé. Deux indices m'ont aidés à dresser cette conclusion. Premièrement, il réussi à jouer le

    Sol# 9 temps plus tard immédiatement dans une phrase qui succède (gardez à l'esprit que le tempo

    est rapide). Deuxièmement, en regardant la vidéo d'un show de 1952 de Diz et Bird jouant "Hot

    House", j'ai remarqué que Bird a une capacité à résoudre très rapidement les problèmes de son sax,

    quand, juste avant le pont, durant la mélodie, il décolle sa clef d'octave, encore en plein vol. Quand

    j'étudiais cette musique, j'ai vu beaucoup d'autres musiciens faire ce genre de choses, notamment le

    grand saxophoniste Ténor de Chicago, Von Freeman.

    https://www.youtube.com/watch?v=JVDeQm88oOM

  • Le début des deuxièmes 8 mesures commencent avec une citation avortée. Je ne suis pas vraiment

    sûr de l'origine de la citation (j'ai l'impression que ça vient d'un cahier d'études), mais j'ai entendu

    Parker jouer ça plusieurs fois, par exemple, dans son blues "Chi Chi", et dans d'autres musiques, alors je sais que ça devrait quelque chose comme ça:

    Quoi qu'il en soit, Yard trébuche un peu, et puis ça sort comme ça, avec le redressement spontanée de la phrase, encore une démonstration de sa vitesse de pensée.

    La réponse de Max à la phrase dans les 8 dernières est encore une de ses phrases pleins de dialogues

    funky. Max fabrique sa transition branchée avec un seul coup de caisse claire juste après

    l'exclamation blues répétée de Parker. puis deux coups de caisse claire entre les phrases de Bird,

    suivit par un de ces ratios funky, cette fois ci 4 pour 6, la grosse caisse jouant les 4 contre les 6 du

    temps, , jusqu'à la fin avant le début de l 'autre mesure. Je tends à penser cette manière de jouer

    comme calculée, comme une technique ou l'on vise (en utilisant soit la logique, soit l'intuition, le

    ressenti, ou les deux) le point d'arrivé dans le temps ou l'on veut résoudre le rythme, une sorte d e

    conduite de voix rythmique. J'ai déjà fait référence à ça un peu plus haut. J'ai aussi remarqué le

    commentaire contrapuntique spontané que fait un des auditeurs pendant la phrase, qui semble aller

    avec ce que Max et Yard sont en train de faire.

  • Les 4 chorus suivants gardent l'énergie, et il y a beaucoup à apprendre de techniques variées.

    Certains des temps forts sont par exemple Bird jouant en couches de phrases groupées sur 3 temps

    (0.53s), le contraste "lumière/obscurité/lumière" commençant avec la dominante secondaire sur le

    pont à 1m04s, le bourrage de note sur le pont à 1m26s, les figures modulantes octatoniques

    descendantes (je veux dire diminuées) à 1m44s (qui fonctionnent comme un cycles de dominantes) ,

    l'effet de diminution dans le conséquent à 2m12s (quelqu'un dans l'audience le remarque aussi), la

    phrase extrêmement mélodique à 2m15s, et finalement la manière funky dont Max arrange les 4/4

    entre Bird et Miles, que Max continue de diriger tout au long. La manière dont Max Roach échange

    avec le charleston pendant les 4/4, et intensifie ses interactions avec les soufflant, démontre son approche compositionnelle dans son jeu spontané.

    Les 4/4 sont ingénieux , brillants, commençant avec une ouverture ultra-mélodique de Parker.

    La phrase qu'il joue à 2m46s est inhabituelle même pour les standards de Bird, car elle commence

    sur une tonalité dominante très noire, progresse vers un son dominant clair, puis anticipe le

    mouvement sur la sous-dominante avec le dernier triton. L'énergie que cette phrase génère est

    résumée à 2m52s (après Miles), avec une paire de tritons ascendants judicieusement placée,

    inhabituels dans leur rythme et leur progression tonal. Ce rythme est similaire aux patterns 4 contre

    3 que Max a effectué, ou la pulsation de base de la musique est donnée à voir selon différents points

    de vue (3 contre les 4 notes de Bird). Même si les implications tonals sont trop difficiles à expliquer

    complètement ici, les 8 tons, Sib - Mi - Sib - Mi progressant en Si - Fa - Si - Fa, fonctionnellement,

    servent à inverser la gravité tonale normale, en approchant la tonalité dominante (la matrice Sol 7)

    depuis la quinte inférieure au lieu de l'habituelle quinte au dessus. Il existe une théorie toute entière

    qui explique ce genre de mouvement (voir mon site ici: http://m-

    base.com/symmetrical_movement.html#theory) , mais ici, il y a assez pour dire que cette expression

    à nue des deux tritons permettent une interprétation ambiguë. Le triton Sib - Mi - Sib - Mi pourrait

    être vu pour être l'équivalent fonctionnel du spectre tonal représenté en partie par Do7, Fa#7, Sol -

    6,Réb-6 (n'importe lequel ou tout ces accords de dominantes, et oui, je considère un accord mineur

    6 comme ayant potentiellement une fonction dominante). De la même façon, le triton Si - Fa - Si - Fa

    peut-être vu fonctionnellement comme étant Sol 7, Do#7, Ré-6, Ab-6. Par conséquent, la

    progression représente un transition assez sombre de tonalités en progression de quintes

    ascendantes, que j'associe avec les énergies lunaires.

    Cette phrase en triton est la continuité de la fin de la phrase précédente, en triton également. A mes

    oreilles, Miles ne semble pas préparé pour répondre à ce discours. Bird joue dans un état de

    conscience constamment alerte, ou chaque idée est inspirée de la précédente, entrecoupé des

    réponses de Miles. A 2m59s, Yard continue son modèle ombre-à-lumière, en nous donnant le 3ème

    discours consécutif ou il semble tonalement émerger d'un donjon, et ça devient clair qu'il est dans

    une trame. Même son entrée sur le pont continue cette approche, du côté obscur, 7 bémols ou le

    mode de Sol bémol mixolydien , et, après un tournant serpentant en Sol diminué, émerge la lumière avec Fa majeur. Cela nous donne la 4ème progression lunaire consécutive.

    Parker fini avec une phrase qui est une reprise fonctionnelle de ces figures octatoniques qu'il a

    présenté un peu plus tôt; quoi qu'il en soit, cette phrase se finie par une progression mélodique rock fonctionnant comme dominante - sous-dominante - dominante.

    Il était évidement sur un pic créatif ce soir là.

    http://m-base.com/symmetrical_movement.html#theoryhttp://m-base.com/symmetrical_movement.html#theory

  • Charlie Parker: Ornithology (Live at Birdland 1950)

    Album: One Night in Birdland (Columbia JG 34808)

    Charlie Parker (as), Fats Navarro (tp), Bud Powell (p), Curly Russell (b), Art Blakey (dr).

    Enregistré à New York, au Birdland le 15 et 16 Mai 1950.

    Ecouter sur YouTube: https://www.youtube.com/watch?v=LphuCadyQi0

    J'ai possédé plusieurs versions de cet enregistrement, et presque tous présentaient une

    imperfection technique d'une façon ou d'une autre. Ma version la plus complète est un CD re -

    masterisé avec l'aide de l'excellent batteur Kenny Washington, qui a corrigé le pitch de

    l'enregistrement. Le solo de Bud Powell est aussi présent en entier sur cet enregistrement, alors qu'il ne l'était pas sur l'enregistrement LP que je possède toujours.

    Ces performances sont parmi les plus solides que j'ai entendu de la part de ces musiciens, mais ce

    qui fait que cet enregistrement est vraiment bon pour moi, c'est le fait qu'ils interagissent tous les

    uns avec les autres. Blakey propose une accompagnement totalement différent de ce que fait Max

    Roach. Néanmoins, les rythmes drivés d'Art sont très eff icaces. Mais sur la ligne de front, Parker,

    Navarro et Powell sont tout à fait ingénieux ! Chaque performance solo est au-delà des mots. Ces

    gars là (("cats") sont de vrais compositeurs spontanés au sommet de leur jeu, leurs discours étant si précis qu'ils pourraient l'avoir composé par écrit.

    https://www.youtube.com/watch?v=LphuCadyQi0

  • La première chose que l'on entend est l'intro sinueuse de Bud, très décontractée comme toujours ,

    qui démarre harmoniquement aussi loin que possible de sa pédale de Ré, glissant de Lab majeur à La

    mineur à Sol majeur vers l'ouverture de la mélodie par Bird. Malgré l'impression de rubato, Bud joue

    au tempo à l'introduction de la chanson. J'ai l'impression que Bud était déjà entrain de jouer quand

    l'enregistrement démarre, comme les premiers sons que nous entendons sont sur le troisième

    temps de la troisième mesure d'une introduction de 8 mesures. De toute façon, ce que Bud laisse entendre correspond à 5 demi mesures (22 temps) avant que Yard entre.

    Un livre entier pourrait être écrit juste sur cette performance, mais je vais seulement discuter

    certaines choses. On peut apprendre beaucoup de choses des différentes variations dans les

    harmonies spontanées que joue Fats à la fin de la mélodie, avec l'harmonisation à la fin de la musique étant différente de celle du début.

    Harmonie de Fats Navarro, à la fin d'Ornithology

    J'ai l'impression que le feeling et les conceptions rythmiques de Fats et étaient celles les plus

    proches de Bird parmi les joueurs de trompette de son époque. Rythmiquement, ils sont comme une

    seule voix allant vers le break du solo grimpant de Bird. Un de mes passages préférés dans cet

    enregistrement est la femme qui crie "Go Baby" juste après le break de Parker. J'ai d'ailleurs eu l'habitude d'appeler cet enregistrement "Go Baby".

  • Harmonie de Fats Navarro, sur la portée supérieure, allant vers le solo de Parker sur "Ornithology":

    La mélodie de Parker, juste après cette exhortation, à l'air de répondre rythmiquement au crie de

    cette femme. Bird semble avoir un sens intuitif des connections entre les expression musical es et

    non-musicales. Une fois, Parker a mentionné la connexion entre la musique et les expressions

    d'animaux variés aux membres de son groupe, dans le Jay McShann Band, lors d'une tournée à

    travers les monts Ozarks. Sa musique était pleine de référence courbes et codées qui pouvaientt être

    comprises par ses collègues de l'ensemble musical, et les musiciens de l'auditoire qui étaient intimes

    avec cette façon de communiquer. Bird a aussi dit à sa dernière femme, Chan Parker, qu'il désirait

    utiliser la musique sur un mode plus ouvertement linguistique, ainsi qu'à de nombreux autres musiciens, comme le bassiste Charles Mingus (Charlie Parker, de Carl Woideck, pp 214-216).

  • J'ai une interview audio ou Paul Desmond a faîte avec Charlie Parker, ou Bird parle du fait que raconter une histoire avec sa musique était pour lui le point le plus iportant:

    CP: Il y a définitivement des tas d'histoires qui peuvent être dîtes à travers l'idiome musical vous

    savez. Vous n'emploieriez sûrement pas le mot idiome mais c'est vraiment dur de décrire la

    musique autrement que de la manière la plus basique possible; basiquement, la musique est de la

    mélodie, de l'harmonie, et du rythme. Mais, je veux dire, les gens peuvent faire plus avec la

    musique que ça. Cela peut être très descriptif de bien des façons, vous savez, pour bien des horizons. Vous êtes d'accord, Paul ?

    PD: Oui, et vous avez toujours une histoire à raconter. C'est une des choses les plus impressionnantes de tout ce que j'ai pu entendre chez vous.

    CP: C'est plus ou moins l'objet. Je crois que c'est comme ça que ça devrait être.

    La plupart des gens prennent cela au sens non-littéral, mais crois que Parker et beaucoup d'autres

    musiciens étaient vraiment sérieux quand ils parlaient de raconter des histoires au travers de leurs musiques, comme il l'est démontré dans la composition "Perhaps".

    Dans le premier chorus d'Ornithology, c'est tout de suite clair que Bird est un maître pour changer

    l'équilibre de ses phrases musicales. Un exemple de ceci est la manière dont il amène un

    changement de dynamique en mettant en place des attentes grâce à des phrases très régulières à

    0.42s, pour 4 mesures; qui se voient répondues à 0.46s, ou Bird tronque la paraphrase en 2 mesures

    pour installer le changement en pattern clave à 0.49s (le milieu de la mesure 16 dans mon exemple

    au dessus). Ceci est similaire à la technique qu'utilise Max sur Ko-Ko, exemple que j'ai discuté auparavant. Ce concept est difficile à expliquer sans vous montrer cela avec la forme musicale.

    J'entends la phrase à 0.42s comme deux sous-sections distinctes, antécédent et conséquent, en terme de courbes mélodiques et accentuations.

  • 0.42s sous section 1a (antécédent)

    0.44s sous section 2a (antécédent conséquent)

    0.46s, sous section 1b (antécédent tronqué)

    0.48s, sous section 2b (conséquent étendu et changé)

    Pattern clave de la phrase, du milieu de la seconde mesure de la sous section 2b (0.49s)

    La phrase antécédent à 0.42s, sous section 1a, se poursuit dans son conséquent à la sous section 2a.

    Quoiqu'il en soit, la phrase antécédent à 0.46, la sous section 1b, est interrompue, suivie par un

    conséquent étendue, la sous section 2b (0.48s), dans lequel le déplacement rythmique, ou le

    changement d'accentuation se réalise vers 0m49s, depuis le milieu de la 3ème mesure de la sous

    section 2b. Les phrases à 0m42s (sous section 1a) et 0m46s (sous section 1b) sont symétriques au

    regard de la longueur. La phrase qui suit, que Parker ne joue pas, et ce que j'imagine pouvant être le conséquent à 0m48s (sous section 2b) sans l'extension pattern clave.

  • Mais il y encore plus à l'œuvre ici, et je soupçonne l'intuition d'être à l'œuvre pour l'extension du

    conséquent. Les phrases d'ouvertures de chaque antécédent sont elles même des pattern clave,

    dans le sens ou elles contienne le même type de rythmes décalés (i.e. les groupes de 3) qui sont

    présents dans le pattern-clave. Ils sont répondus par des versions étendues de ce type de rythme dans le conséquent de la sous-section 2b, à 0.49s.

    C'est ce genre de symétrie rythmique complexe dans la structure des phrases de Parker qui est

    souvent négligée lorsque des analyses de sa musique sont réalisées, mais beaucoup de musiciens de

    cette périodes l'avaient compris intuitivement. La structure à une forme "Able Was I Ere I Saw Elba" ,

    ou le motif du début est équilibré avec le même motif à la fin. Si vous écoutez tout ce passage en ne

    considérant que le rythme, sans se préoccuper des hauteurs, alors je pense que c'est plus facile

    d'entendre les patterns rythmiques auxquels je fait référence. Dans un exemple sur une variation de

    cette symétrie particulière, la 2nd moitié du 3ème chorus (2m01s à 2m08s), contient virtuellement

    la même structure antécédent-conséquent qui est jouée à 0m42s, avec une réponse qui l'équilibre d'une manière différente, mais utilise toujours le même pattern-clave.

    "Ornithology", 2m01s

    Cette approche d'équilibrage rythmique des phrases, et la symétrie rythmique dynamique qui en

    résulte, rappellent les phrases qu'utilisaient les percussionnistes et les danseurs de claquettes. Ces

    techniques sont des occurrences constantes dans la musique de Parker, comme le démontre cette

    chanson, et Navarro et Powell démontrent la même tendance. Bien entendu, tout ceci se passe si

    rapidement que l'analyse que j'ai faîte ne se passe pas tel quel chez mes musiciens. Mais je pense

    que ces types d'équilibre sont impliqués dans le feeling de la musique, et c'est ce qui contribue à

    l'effet de la musique. Je crois que les initiés (les musiciens qui sont proche du niveau musical de

    Parker) sont les premiers affectés. Puis ils transmettent les informations et influencent les musiciens

    en dessous d'eux, etc. L'impacte collective de ces concepts (bien qu'ils soient transmis sous leurs

    formes dilués), sera ainsi éventuellement communiqué aux oreilles du public.

  • Les types de rythmes que Parker joue à 1m05s sont similaires aux choses que j'ai pu entendre chez

    les percussionnistes de la Diaspora Africaine. Si vous écoutez ça juste en considérant le rythme, vous

    pouvez imaginer un batteur jouer exactement le même genre de phrase; en fait, Blakey joue une

    partie des phrases avec Bird, et on peut entendre Bud souligner le même poids rythmique, ce que

    j'appelle pousser le temps. Comme l'exclamation de la femme en début de solo, je crois que ces

    réponses musicales éclairs étaient automatisées dans le jeu de Bird comme les cris des supporters dans une événement sportif.

    Au début du 3ème chorus (1m40s), Bird réalise un de ses tricks qu'il a appris je pense du pianiste Art

    Tatum, de bousculer un peu la forme en commençant sa phrase 2 temps plus tôt. Ce n'est pas facile

    de faire ça pour un mélodiste, car votre mélodie spontanée doit être assez solide pour suggérer ce

    déplacement. Vous pouvez même sentir Bird s'arrêter pour penser à ce qu'il est sur le point de faire avant de le jouer.

    Pour aller en peu plus en avant, après que Fats ai raconté son histoire extraordinaire, et que Bud

    Powell ai pris un solo qui tue tout , les deux chorus d'échange entre Parker et Navarro sont vraiment

    à faire dresser les cheveux sur la tête !

    Il y a à 6m09s une citation de cartoon suivie par du bachotage ridicule. Deux amis guitaristes m'ont

    rappelé que ça vient de la chanson "Jarabe Tapatio", connue en anglais sous le nom de "Mexican Hat Dance. La forme originale de la mélodie:

    Fats répond avec une réponse du même type.

    Au début du second chorus de l'échange entre les cuivres (6m25s), Bird joue cette figure modulante

    de tétracorde , qu'il change subtilement pour la faire correspondre à la structure sous-jacente de la

    musique, jouée de sa manière typiquement laid-back, le groove qui en résulte tue tout:

  • L'antécédent est structuré comme un tétracorde Lydien, dans ce cas Sol La Si Do, avec Sib comme note de passage ajoutée.

    Le conséquent contient un tétracorde Dorien, avec Si comme note de passage ajoutée:

    (A noter que les références aux termes de Lydien et Dorien sont rapport à la terminologie de ces

    structures, basées sur les 4 dernières notes des modes ecclésiastiques, en tant que "spécificités des quartes" à l'époque médiévale)

    Les deux formes de ce tétracorde sont abondantes dans les mélodies spontanées de Bird, et sont

    parmi ses structures mélodiques favorites. Même si vous ne connaissez pas la structures

    harmoniques sous-jacente de la musique, vous pouvez discerner la structure mélodique en écoutant

    comment Bird souligne la seconde hauteur du début du tétracorde, montrant quels sont les tons

    principaux et quels sont les tons de passage. Encore une fois, ceci montre l'importance du rythme et

    des accents dans la musique. Aussi, dans le conséquent, Bird contracte la fin de la phrase, encore

    une fois soulignant la structure du tétracorde. Auditivement, ce changement subtile ne serait

    probablement pas remarqué par la plupart des auditeurs, ce qui est le cas, comme ici le conséquent

    est vraiment une paraphrase subtile de l'antécédent.

  • Il y a une symétrie fonctionnelle engagée ici, comme, techniquement, les deux phrases commencent

    par la même hauteur, mais le Si et le Sib changent la fonction relative aux deux tétracordes. Dans le

    premier cas (1ère mesure), le Si naturel est fonctionnellement une partie du tétracorde et Sib est le ton de passage, alors que c'est l'inverse dans le deuxième cas.

    A 6m42s, Parker joue une autre figure pattern-clave, suivit par du bachotage. Au final, j'aime

    l'harmonisation spontanée que Bird fait sur la tête de la phrase, particulièrement la mélodie

    symétrique à 7m39s , avec le Ré b qui amène sur la phrase suivante (enfin, plus proche du Ré bémol que du ré naturel), le Ré b étant l'axe symétrique des 10 précédentes hauteurs.

    Ce ne sont que quelques exemples. Il y a tellement de choses qui se passent dans cette chanson que

    je dois juste arrêter d'en parler ! Le point le plus important, pour moi, est combien nous pouvons

    apprendre de ces techniques très avancées. Il y a tellement de choses qui se passent, bien plus que

    le swing, ou les choses comme ça. Bird faisait ça aussi."

  • Charlie Parker (with Machito and his Orchestra): Mango Mangue

    Chanson: Mango Mangue

    Groupe: Charlie Parker with Machito and His Orchestra

    CD: The Essential Charlie Parker (Verve)

    Charlie Parker (as), Mario Bauza, Frank "Paquito" Davilla, Bob Woodelen ( tp); Gene Johnson, Fred

    Skerrit (as); Jose Madera (ts), Leslie Johnakins (bars), Rene Hernandez (p), Roberto Rodriguez (b), Luis Miranda (conga), Jose Mangual (bongo), Ubaldo Nieto (timbales), Machito (vocal, maracas).

    Enregistré le 20 décembre 1948, à New York.

    Ecouter sur Grooveshark: http://grooveshark.com/s/Mango+Mangue/3DoA18?src=5

    Le genre de changement dans les phrases que nous avons vu dans "Perhaps" sont bien plus visibles

    dans "Mango Mangue", particulièrement parce qu'ils contrastent avec le matériel harmonique

    plutôt stable, une chose rare dans le répertoire musical de Parker; en fait, rare dans la musique de

    cette période. Parker était parmis ces quelques musiciens de l'époque à pouvoir vraiment "miauler"

    sur un vamp (en référence aux "cats"). La plupart des matoux ne savaient pas comment souffler sur

    une palette harmonique statique, exception faites des improvisations basées sur le blues, comme

    leur langage d'improvisation était entièrement construit à travers un environnement qui impliquait

    des changements d'accords non statiques. C'était la différence entre Parker et beaucoup de

    personnes influencés par ce dernier. Bird était d'abord un joueur mélodique qui jouait au travers des

    notes. La plupart des gens influencés qu'il a influencé ont joué au travers des changements d'accord

    (c'est la façon qu'a Dizzy Gillespie de caractériser ce que Bird faisait). Non pas que Bird n'eu pas la

    connaissance de la structure des accords; c'est juste qu'il avait un dont intuitif pour la mélodie, et les

    patterns mélodiques qui l'autorisait à adapter son langage a beaucoup de genres musicaux différents.

    http://grooveshark.com/s/Mango+Mangue/3DoA18?src=5

  • Pour citer Mingus encore une fois:

    "Bud et Bird, pour moi, devraient être reconnus comme compositeurs, bien qu'ils aient travaillés

    dans un contexte structuré en utilisant les compositions d'autres personnes. Par exemple, ils ont

    fait des choses comme "All the Things you Are" ou "What it this things called Love". Leur solos sont des nouvelles compositions classiques dans les formes structurées qu'ils utilisaient...

    Par exemple, Bird m'a appelé un jour et m'a dit: "Comment est-ce que ça sonne ?" Et il jouait ad-lib

    sur la "Berceuse" de l'Oiseau de Feu de Stravinsky! J'imagine qu'il a du faire ça sur tout

    l'enregistrement, mais il m'a appelé à ce moment là, et c'était la section sur laquelle il était entrain

    de jouer librement, et ça sonnait magnifiquement. Cela m'a donné une idée de ce qui ne va pas

    avec les symphonies d'aujourd'hui: elles n'ont rien qui illustre ce qu'est la symphonie elle même, après l'avoir écrite. "

    Mingus considérait donc Parker comme un compositeur, un compositeur spontané, et il apparaît

    dans cette citation que Bird était capable d'improviser sur une grande variété de structures. Nous

    pouvons imaginer les progrès qui auraient pu être fait dans le domaine des musiques d'orchestre si

    les compositeurs spontanés avaient eu accès à l'orchestre symphonique avec toutes les couleurs

    qu'il présente. Quoi qu'il en soit, les structures mélodiques de Bird sur cet enregistrement de

    "Mango Mangue", ne sortent pas vraiment de l'ordinaire, pour lui tout du moins. C'est pour le timing

    et la sophistication rythmique de Parker et des musiciens accompagnateurs que j'ai choisis cet

    exemple.

    A 0m46s, les bongos exécutent une très belle conduite de voix rythmiques (qui démarre aux congas),

    s'installant sur le 3ème temps ; puis, en partant sur le 3ème temps suivant, jouant 2 patterns

    identiques qui sont tout deux contenus dans 4 temps; puis encore, démarrant sur le 3ème temps

    d'après, jouant 2 patterns identiques contenus dans 3 temps. Ceci a pour effet de décaler le début

    de la phrases du 3ème temps sur le 2ème, et de mener sur le premier temps au début du solo de

    Bird. Encore une fois, ceci est la démonstration de mise une place d'un pattern, et son altération

    pour conduire rythmiquement les voix vers un point spécifique dans le temps, pour ou installer un nouvel évènement, ou terminer un processus.

    Les harmonies diminuées des saxophones sont belles, peu souvent entendues dans la musique

    populaire Américaine de cette époque, et c'est troublant de voir comment les phrases de Bird vont

    parfaitement, mélodiquement parlant, avec les textures changeantes d'à peu près 1m05s, jusqu'à

    1m19s. Mais ce qui m'excite particulièrement dans cette musique, c'est le montuno en

    "appel/réponse" à 2m11s, et comment les rythmes spontanés de Bird concordent parfaitement avec

  • les joueurs Cubains. Les passages comme ça me font réaliser combien le jeu de Parker contenait de

    pattern clave, un exemple claire de l'héritage Africain. Même si la clave ne peux pas être clairement

    entendue, en écoutant le pattern de cascara dans la section précédente, à 0m46s, vous pouvez vous orienter vers la clave (clave au dessus, ci-dessous):

    Exemple a 0.46 de "Mago Mangue", clave (au dessus) et cascara (en dessous):

    La phrase qui commence à la mesure 9 dans l'exemple ci -dessous (2m18s sur l'enregistrement) et la

    phrase à la mesure 25 (2m32s sur l'enregistrement) montrent comment les accents de Parker

    accrochent avec la clave et la cascara sur des points clefs communs aux deux phrasés.

    Exemple à 2m11s de "Mango Mangue"

  • Basé sur ces preuves musicales, je crois que Parker a joué un rôle plus important que ce qu'on lui

    prête habituellement dans l'intégration de ces deux cultures musicales. On accorde toujours une

    importance moindre à Bird lorsque les historiens parlent de la fusion entre la musique Afro-

    Américaine et Afro-Cubaine. Quoi qu'il en soit, Machito et Mario Bauza en dépeignent une image

    différente. Machito dit que Parker était impliqué dans son orchestre de musiciens cubains

    longtemps avant que Norman Granz propose de faire un enregistrement, en 1948, et même avant

    qu'ils rencontrent Parker, Machito et Mario Bauza connaissaient la musique de Bird, et Bird

    connaissait leur musique. Machito a déclaré avec modestie (ici:

    http://www.cubaliteraria.com/autor/leonardo_acosta/03articulos4.html ) "Charlie Parker était un

    génie, je n'étais rien comparé à lui". J'ai aussi lu dans une interview que Bauza remarqua que les

    improvisations rythmiques de Parker correspondaient naturellement avec les rythmes que les

    musiciens Cubains jouaient en ce temps, et que Bird était un des seuls musiciens d'Amérique dont

    les rythmes s'agençaient si bien avec les leurs. Bien sûr, dans cet enregistrement, la section

    rythmique de Machito tue !

    http://www.cubaliteraria.com/autor/leonardo_acosta/03articulos4.html

  • Charlie Parker & Dizzy Gillepsie: Groovin'High

    Chanson: Groovin'High

    Charlie Parker (as), Dizzy Gillepsie (tp), John Lewis (p), Al McKibbon (b), Joe Harris (dr). Composé par Dizzy Gillespie.

    CD: Diz'n'Bird at Carnegie Hall (Blue Note 57061)

    Enregistré au Carnegie Hall, à New York, le 29 Septembre 1947.

    Ecouter sur Grooveshark: http://grooveshark.com/s/Groovin+High/58RxkM?src=5

    Parker était en feu durant ce concert, au top de sa forme. La section rythmique n'était pas la

    meilleure, mais Bird était explosif. Ce n'est pas l'enregistrement le plus créatif de Parker que j'ai pu

    entendre (sans qu’il soit à dénigrer pour autant), mais c'est un enregistrement très raffiné, à l'égal

    de sa célèbre version de "Just Friends" avec orchestre à cordes. De ce que j'ai pu lire, ils ont amenés

    Bird sur scène pour ce concert en quintet, qui était en sandwich entre deux sets du big band de Dizzy.

    J'ai fouillé ce concert au Carnegie Hall de 1947 plus que sur celui du 15 Mai au Massey Hall Concert

    de Toronto, où les musiciens étaient distrait; ils se ruaient dans la rue entre les solos pour se

    renseigner sur le combat de poids lourds qui avait alors lieu à Chigago, entre Rocky Marciano et

    Jersey Joe Walcott (Marciano gagna au premier round par K.O. !). Aussi, j'ai toujours pensé que

    http://grooveshark.com/s/Groovin+High/58RxkM?src=5

  • Mingus ruina l'enregistrement avec le ré-enregsitrement qu'il fit plus tard: la basse est beaucoup trop forte et joue en avant du temps.

    L'incroyable sens du temps de Parker est à l'œuvre à partir du moment où il prend le break. Il swing

    grave, et c'est encore plus flagrant ici car il joue sans accompagnement pe ndant 4 mesures. La

    chanson commence en Mib Majeur, mais juste avant le solo de Bird, la musique module pendant

    une interlude en Réb Majeur, puis, après une seconde interlude, revient en Mib Majeur pour le solo

    de Dizzy. Le solo de Yard contient un exemple classique de ce que j'appelle "couper les angles", où

    Bird prend ce chemin, commençant par une de ces phrases rythmiques typiques imitant la voix, juste

    après les 8 derniers temps du break, puis bouge rapidement vers un chemin harmonique autour de

    La mineur 6, avant de retomber sur la sous-dominante Sol b Majeur (de Ré b Majeur). Dans ce cas, la

    mélodie qu'il joue est plus un mouvement mélodique de voix plus qu'un mouvement harmonique, la

    trajectoire de sa mélodie étant orientée vers le Fa aigu et le Lab, deux hauteurs qui ont une fonction

    de dominante du point de vue mélodique, dans la tonalité de Ré b Majeur. Fonctionnellement, cette phrase finale est donc une progressions sous-dominante / dominante.

    Solo de Parker sur le break de Groovin'High:

    Pour les trois chorus suivants, Parker donne une conférence sur l'économie de moyens, racontant

    son histoire avec une approche compacte, allant droit au but. Ses phrases musicales sont

    parfaitement équilibrées, sans être prévisibles; il était un maître de la forme intuitive. Mais ce que je

    veux discuter ici est la précision "relaxée" qu'il démontre, une sorte de jeu extrêmement relâché et

    variable et en même temps très détaillé. Ce genre de Laid-Back, derrière le beat, la avec une

    précision décontractée semble avoir été la norme avec les musiciens comme Art Tatum, Don Byas,

    Bird et Bud Powell; à Chicago, on avait l'habitude d'appeler ça "le son des débutant professionnels"

    L'expression des rythmes et des modes est si précise qu'une écoute répétée et détaillée est comme

    lire un texte de théorie musicale avancée, un texte qui en apprend plus à chaque lecture, avec les

    mots qui sont en mouvement en plus de ça ! Dans ce sens, c'est comme la tradition de la

    transmission orale d'histoires, mais les informations sont encodées avec le symbolisme musical. Pour

    ces raisons, j'ai toujours senti que ça musique racontait des histoires, à beaucoup de niveau différents.

  • Charlie Parker & Dizzy Gillespie: Confirmation CD: Diz'n'Bird at Carnegie Hall (Blue Note 57061)

    Charlie Parker (as) Dizzy Gillespie (tp), John Lewis (p), Al McKibbon (b), Joe Harris (dr).

    Enregistré au Carnegie Hall, à New York, le 29 Septembre 1947.

    Ecouter sur Grooveshark: http://grooveshark.com/s/Confirmation/58RxH2?src=5

    La mélodie elle-même est une leçon de théorie. Il y a tellement de petits détails subtils qu'elle est

    rarement jouée de cette manière par les musiciens modernes. Normalement, Parker solotait en

    premier lorsque qu'il jouait avec Dizzy, Birks disait que comme ça, lorsque Parker jouait en premier,

    il (Diz) était inspiré pour jouer à son meilleur. Ce qui est extraordinaire ce n'est pas seulement la

    virtuosité de Bird, mais la fluidité de ses idées et comment elles continuent de l'une à l'autre d'une

    manière parlée, comme une conversation. Bird prend seulement 3 chorus, mais il raconte une

    histoire épique dans cette petite période de temps.

    http://grooveshark.com/s/Confirmation/58RxH2?src=5

  • Il y a beaucoup de "bachotage" dans cette composition spontanée. Bachotage est un terme que j'ai

    tout d'abord entendu utilisé par Dizzy dans son autobiographie "To Be or Not To Bop", lorsqu'il parle

    de Parker compressant une phrase longue et rapide dans un petit espace de te mps, une phrase qui

    n'est pas seulement jouée 2 fois au tempo, mais avec d'autres relations rythmiques inhabituelles

    relatives à la pulse. Il y en a beaucoup dans cette version de Confirmation, et pas toutes rapides. Bird

    avait cette capacité à pouvoir ré-atterrir sur ses pattes, comme un chat, après avoir joué certaines

    des phrases rythmiques les plus outrageantes. Mais la clef dans ce que Yard faisait, était ce feeling

    du temps incroyable, si calme, fluide, que les phrases ne sonnaient pas de manière étrange, et ce de

    quelques manières que ça so