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INTERCOMMUNALITÉS, MÉTROPOLES, PÔLES MÉTROPOLITAINS… OÙ EN SONT LES TERRITOIRES ? Jeudi 29 mars 2012 INSET d’Angers Actes du séminaire

Jeudi 29 mars 2012 INSET d’Angers - CNFPT

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INTERCOMMUNALITÉS, MÉTROPOLES,PÔLES MÉTROPOLITAINS… OÙ EN SONT LES TERRITOIRES ?

Jeudi 29 mars 2012

INSET d’Angers

Actes du séminaire

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� KARINE PAVIS-MAURICE,Directrice adjointe chargée des ressources, INSET d’ANGERS

� OLIVIER DEDIEU, Politologue, Université de Montpellier 1

� FABIEN DESAGE,Maître de conférences en sciences politiques, université de Lille 2

� CHRISTOPHE BERNARD,Secrétaire général, Assemblée des communautés de France (AdCF)

� VICTOR CHOMENTOWSKI, Consultant, chargé de cours en finances locales, université de Paris 1, Sorbonne

� MAURICE FRANÇOIS,DGA, Nantes Métropole

� DOMINIQUE GARNIER,DGS, communauté de communesd'Erdre et Gesvres

� DAMIEN CHRISTIANY,Consultant - Juriste

� PHILIPPE LACAÏLE,Directeur général des services, ville de Tours / Tour(s) plus

� CYRILLE BERTOLO,DGA ressources, ville de Caluire-et-Cuire

� ROMUALD GOUJON,Consultant en finances, Cabinet Partenaires Finances Locales

� VÉRONIQUE JACQUES,Responsable des finances, Communauté d'agglomération d’Orléans

� AKIM CHEKHAB,Consultant, cabinet Accès conseil

� RÉMY LESAOUT,Sociologue, Maître de conférences à l’université de Nantes

� MICHEL PIRON,Député de Maine et LoireConseiller GénéralPrésident de la communautéde communes des Coteaux du Layon

INTERVENANTS

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� INTRODUCTION INSTITUTIONNELLE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P.5� KARINE PAVIS-MAURICE, Directrice adjointe chargée des ressources, INSET d’ANGERS

� QUELLES ÉVOLUTIONS POSSIBLES DE LA LOI RCT ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P.5� FABIEN DESAGE, Maître de conférences en sciences politiques, université de Lille 2

� LA CONTRAINTE FINANCIÈRE, MOTEUR DES FUTURES ÉVOLUTIONS DE L’INTERCOMMUNALITÉ ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P.23� VICTOR CHOMENTOWSKI,

Consultant, chargé de cours en finances locales, université de Paris 1, Sorbonne

� TABLE RONDE VERS DE NOUVEAUX TERRITOIRES ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .P.34� OLIVIER DEDIEU, Université de Montpellier� FABIEN DESAGE, Maître de conférences en sciences politiques, université de Lille 2� CHRISTOPHE BERNARD, ADCF� DOMINIQUE GARNIER, DGS com. Com. Erdre et Gesvres / ADGCF� MAURICE FRANCOIS, DGA Nantes Métropole� VICTOR CHOMENTOWSKI, Consultant, chargé de cours en finances locales, université

de Paris 1, Sorbonne

� ATELIER 1 : TERRITOIRE(S) ET COMPÉTENCES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P.48� OLIVIER DEDIEU, Politologue, université de Montpellier� FABIEN DESAGE, Maître de conférences en sciences politiques, université de Lille 2� DOMINIQUE GARNIER, DGS, communauté de communes d'Erdre et

Gesvres Maurice FRANCOIS, DGA Nantes Métropole,� VICTOR CHOMENTOWSKI, Consultant, chargé de cours en finances locales, université

de Paris 1, Sorbonne

� ATELIER 2 : LES PACTES FINANCIERS ET FISCAUX AU SERVICE DES PROJETS DE TERRITOIRE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P.68� CYRILLE BERTOLO, DGA des ressources, ville de Caluire-et-Cuire� ROMUALD GOUJON, Consultant en finances, Cabinet Partenaires Finances locales� VÉRONIQUE JACQUES, Responsable des finances, Communauté d'agglomération d’Orléans

� ATELIER 3 : TERRITOIRE(S), GOUVERNANCE ET MANAGEMENT : SE PRÉPARER À 2014 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .P.84� AKIM CHEKHAB, Consultant, cabinet Accès conseil� MICHEL PIRON, Député du Maine-et-Loire, Conseiller Général, Président de la Communauté

de Communes des Coteaux-du-Layon� RÉMY LESAOUT, Sociologue, Maître de conférences à l’université de Nantes� FABIEN DESAGE, Maître de conférences en sciences politiques, université de Lille 2

� CONCLUSION : LES MOTS CLÉS ET LES IDÉES FORCES DES ATELIERS . . . . . . . . .P.101

SOMMAIRE

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INTRODUCTION INSTITUTIONNELLE

� KARINE PAVIS-MAURICE,Directrice adjointe chargée des ressources, INSET d’ANGERS

Un an après son adoption, la réforme des collectivités territoriales, l’une des réponses à cetémiettement communal qui est une spécificité française, amène des interrogations, dans uncontexte de tension financière obérant les organisations et les missions des collectivités. Cettemise en tension est également traversée par la perspective de la mandature de 2014. Frein oucatalyseur, qu’est-ce qui l’emportera ? La réforme a déjà produit des effets significatifs : lesschémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI) en cours d’élaboration devraientaboutir à une transformation profonde de la carte intercommunale, les pôles métropolitainssuscitent un fort intérêt dans les agglomérations et les encouragements à la mutualisation deservices dont la réforme est porteuse rencontrent un écho indéniable dans les collectivités. Lesdifférentes échéances sont assez proches pour que les cadres territoriaux commencent à s’ypréparer. Pour cette raison, l’INSET d’Angers, en collaboration avec le réseau INET / INSET duCNFPT, propose trois journées de formation et d’échange au cours de l’année 2012. Premièreétape de ce triptyque, cette journée a pour ambition de discerner, à travers les difficultés demise en œuvre de la réforme de 2010 et ses limites, les problématiques émergentes qui détermineront les futures transformations du paysage territorial. Ces temps d’échange s’inscriventdans la diversité des produits apportés par le réseau INET / INSET aux agents et collectivitésterritoriales pour répondre de manière adaptée aux besoins de formation et d’information descadres territoriaux et complètent notre offre de formations plus classiques. Je remercie les différents intervenants qui sont les acteurs de cette journée ainsi que Marie Tavernier, chef duprojet.

� MARIE TAVERNIER,Conseillère en formation, INSET d’ANGERS

L’idée de cette journée est aussi de permettre aux personnes présentes de livrer leurs interrogations et de relayer les inquiétudes des agents des collectivités territoriales.

� OLIVIER DEDIEU,Politologue, Université de Montpellier 1

La première partie de la matinée sera structurée autour de deux conférences, dont les auteursvont nous proposer leurs approches respectives, qui ne sont pas forcément parole d’évangilemais qui ont pour vocation de susciter un débat. Les conférences seront suivies d’un tempsd’échange, puis d’une table ronde. La première conférence sera tenue par le politologue Fabien Desage. Il s’appuiera sur son ouvrage, « La politique confisquée : sociologie des réformes et des institutions intercommunales », coécrit avec David Guéranger, pour évoquerla sociologie des réformes et des institutions intercommunales.

QUELLES ÉVOLUTIONS POSSIBLESDE LA LOI RCT ?

� FABIEN DESAGE,Maître de conférences en sciences politiques, université de Lille 2

Ma réflexion est universitaire et clairement critique, fondée sur une recherche empirique portant sur la production des réformes des institutions intercommunales et sur leur mise enœuvre. Le propos, un peu provocant, vise à susciter un débat sur ce que sont et ce que peuvent devenir les structures intercommunales.

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LE SENS DU « CHANGEMENT » ?

La citation ci-dessous est souvent utilisée en sciences sociales, même si elle vient de la littérature. Son auteur, Giuseppe Tomasi di Lampedusa (1896 – 1957), évoque la Sicile aumilieu et à la fin du XIXe siècle, alors confrontée à l’unification italienne – le film Le Guépard,adapté pour le cinéma par Luchino Visconti en 1962, est plus connu que le livre. « Guépard »est le nom donné aux aristocrates siciliens.

« Je vais dans les montagnes, à Ficuzza ; ne le dis à personne, surtout pas à Paul. De grandeschoses se préparent, oncle, et je ne veux pas rester à la maison. D’ailleurs, si j’y restais, on mepincerait immédiatement. Le prince eut une de ces visions brutales dont il était coutumier : une scène cruelle de guérilla,des coups de feu dans les bois, son Tancrède par terre, éventré comme le pauvre soldat. − Tu es fou, mon fils, pas avec ces gens-là ! Ce sont des bandits, des filous. Un Falconeri doitrester avec nous, du côté du roi. Les yeux de Tancrède redevinrent malicieux. − Le roi, bien sûr, mais lequel ? Le jeune homme retrouva cette expression sérieuse qui le rendait impénétrable et si cher àson oncle. − Si nous n’y sommes pas, nous aussi, ils fabriqueront une république. Si nous voulons quetout continue, il faut d’abord que tout change. » Dans cet échange, Tancrède, neveu et fils adoptif du prince Falconeri, donc du Guépard, seconfrontent. Falconeri est un aristocrate, loyaliste à l’Ancien régime et à la domination bourbonnesur la Sicile de l’époque, tandis que Tancrède participe au mouvement révolutionnaire – qui serarequalifié plus tard – des Chemises rouges de Garibaldi qui vont conquérir l’Italie et faire l’unitéitalienne. Le Guépard a cette réplique célèbre : « Si nous voulons que tout continue –c’est-à-dire que nous gardions nos prérogatives aristocratiques –, il faut d’abord que toutchange », donc, que la République s’installe en Italie ou en tout cas, que l’Italie change de roi.Et c’est effectivement ce qui va se passer, puisque c’est un roi qui créera une monarchieconstitutionnelle italienne. L’histoire récente des réformes intercommunales en France peut être placée sous l’auspice decette citation, si l’on se place du point de vue des maires. Si nous voulons garder nos prérogatives et notre centralité dans le système politique français, et pas uniquement local,peut-être faut-il d’abord que tout change ou donne l’impression de changer, et que se développent des structures intercommunales. Je vais tenter de vous montrer qu’à l’inverse dece que l’on entend encore fréquemment, ces structures n’ont jamais été instaurées contre lesmaires. Les réformes qui les ont instituées ont au contraire renforcé considérablement la centralité des maires dans le système politique français. Ce paradoxe mérite d‘être expliqué.

LA POLITIQUE CONFISQUÉE

Mon intervention s’inscrit donc dans la continuité de l’ouvrage intitulé : La politique confisquée– Sociologie des réformes et des institutions intercommunales, paru en avril 2011 et coécritavec David Guéranger, chercheur au LATTS (Laboratoire Techniques, Territoires et Sociétés).Il est issu de la rencontre entre deux chercheurs en sciences politiques qui ont travaillé, à la findes années 1990 et au début des années 2000, sur le fonctionnement des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ; sujet peu étudié en sciences politiques, si l’onexcepte le travail de Rémy Le Saout, ici présent, premier sociologue à se pencher sur cesstructures avec une approche de sciences sociales. Si ces structures sont peu questionnées,c’est notamment parce que les chercheurs prennent au mot ce qu’en disent parfois les acteursde celles-ci : elles seraient techniques et dépourvues d’enjeux politiques. On s’y intéresse doncmoins qu’à des structures qui apparaissent plus centrales. Dans les années 1990, David Guéranger et moi-même avons, en parallèle, étudié des

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structures intercommunales. David étudiait l’agglomération de Chambéry et son histoire intercommunale complexe, longue et sédimentée, faite d’évolutions de statut : de SIVOM àdistrict, puis à communauté d’agglomération. Pour ma part, j’étudiais, avec une méthode assezproche, la communauté urbaine de Lille, territoire marqué par l’ancienneté de la coopération intercommunale, puisque faisant partie des quatre communautés urbaines obligatoires issuesde la loi de décembre 1966. Elle a été créée en 1968. La communauté urbaine de Lille est souvent présentée comme un fer de lance, un mastodonte de l’intercommunalité, une structureparticulièrement intégrée, héritée d’une loi gaullienne, volontariste, de transformation du local par le centre. David et moi opérions séparément, mais nos méthodes étaient assez comparables et c’est ce qui nous a donné l’envie d’écrire un ouvrage ensemble.

Nous travaillions dans une perspective socio-historique, sur le temps long. Nous observions nonseulement ce que devenaient les intercommunalités au moment des réformes ou juste après,mais aussi ce qui s’y passait à plus long terme. Concrètement, les terrains s’y prêtaient bien.J’étudiais une structure qui avait plus de trente ans à l’époque – et qui fêtait son 30e anniversaireen grande pompe – et David observait un territoire qui avait été traversé par des mouvementsde réforme significatifs. Travailler sur le temps long est important : s’il faut que tout changepour que rien ne change, on s’aperçoit qu’en réalité, il n’y a rien de bien nouveau dans les réformes. Par beaucoup d’aspects, la réforme de décembre 2010 ressemble, dans son élaboration et par ses effets, à toutes les précédentes.

En plus de cette profondeur historique qui permet de regarder les évolutions des structures intercommunales, nous apportions également un œil sociologique. Nous essayions de comprendre comme elles fonctionnaient concrètement. Nous les avons donc observées de l’intérieur, de manière participative, en y passant plusieurs années en tant que stagiaires, enassistant aux réunions de bureau, aux réunions politiques et administratives, afin de comprendre les rouages.La célébration de ces structures nous intriguait. À la fin des années 1990 et au début des années 2000, le discours dominant dans les années 1960 de défiance des maires vis-à-visdes structures communales n’existe plus. Au contraire, à la fin des années 1990, paraît à Lilleun ouvrage portant le titre éloquent « La Métropole rassemblée ». Il s’agit d’un panégyrique dela communauté urbaine, où des élus de toutes les formations politiques du territoire prennentla parole pour célébrer cette institution et son fonctionnement consensuel.

Dans un système politique français marqué par la règle majoritaire et la logique de la compétition partisane, il était surprenant de constater que trente ans après avoir été dénoncéespar les élus locaux et les maires, ces mêmes maires, de toutes formations politiques, prenaientleur plume pour dire que ces structures représentaient un horizon de la démocratie locale et rassemblaient au-delà des différences, au niveau des territoires. Il faut faire de ce consensus une énigme. Il ne faut pas considérer qu’il est naturel et lié à ungénie des lieux ou à une technicité de ces structures. Il faut le considérer comme un discourstrès puissant, construit en partie par les élus eux-mêmes pour justifier leur fonctionnement trèsatypique et en particulier, très consensuel dans ces arènes.

David et moi avons mis nos travaux en commun et avons ensuite eu l’occasion de développernos recherches sur d’autres territoires comme Marseille, Nantes, ou sur de plus petites structures telles que la communauté de communes du Briançonnais, afin de varier les focales.Par ailleurs, les travaux sur l’intercommunalité se sont multipliés et nous avons pu mettre nos hypothèses à l’épreuve, comme nous le faisons ici aujourd'hui. Cet ouvrage n’est pas uniquement destiné aux universitaires ; il s’adresse aussi à un public plus large, dont les fonctionnaires territoriaux, qui doivent être interpellés sur ce processus que nous appelons une« confiscation politique ».

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(1) Lampedusa, Le Guépard, Le Seuil, 1980 (1ère éd. 1958), p. 35.

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En effet, cette assemblée politique ne fonctionne peut-être pas de la manière dont elle devraitle faire dans une démocratie. Peut-être que l’intercommunalité n’a pas participé à ce que l’onpouvait attendre de la décentralisation et de la démocratisation du local. Et les fonctionnairesintercommunaux sont un public privilégié de ces analyses, notamment parce qu’ils sont souvent placés en porte-à-faux. Nous avons observé – je le dis sans démagogie, comme je ledirais si je ne m’adressais qu’à des élus – que les fonctionnaires des intercommunalités sont plutôt les gardiens de l’institution, face à des élus qui le sont moins, pour des raisons sociologiques ou du fait de leur positionnement multiple. Paradoxalement, les fonctionnaires attendent une politisation de leur institution, alors que les élus cherchent à les dépolitiser. Cet ouvrage est donc une pierre que nous lançons dans le jardin de ceux qui pensent que l’intercommunalité est un objet non politique, et une sorte d’interpellation des fonctionnaires,mais aussi des citoyens, des militants des partis politiques, afin de les convaincre que ce quise passe dans les structures intercommunales est important et qu’ils doivent s’en saisir, pourque les choses ne se fassent pas sans eux.

QUAND LE « BIG-BANG » INTERCOMMUNAL FAIT « PSHIIIT »…

L’expression est humoristique et ironique. Nous n’avons pas inventé la notion de big-bang :elle vient des promoteurs de la réforme, ceux du comité Balladur, dès 2008. Le « pshiiit » estune expression de l’un de nos hommes politiques célèbres… Pour comprendre ce qu’il est advenu de la loi portant réforme des collectivités territoriales (RCT) de décembre 2010, il fautd’abord revenir sur les précédentes tentatives et inscrire la réforme intercommunale dans letemps long. Mon idée est de montrer la non-originalité de l’élaboration de cette réforme, qui,au contraire, ressemble beaucoup aux précédentes. Il faut également changer d’échelle d’analyse. Moins qu’une exégèse sans fin des textes de loi,il faut comprendre comment ceux-ci évoluent dans le processus extrêmement complexe et erratique de l’élaboration législative mais surtout, dans la mise en oeuvre localisée des lois :une fois que les lois existent, comment sont-elles appropriées localement ? Ces lois de réforme intercommunale ont la caractéristique d’être formidablement domestiquées et apprivoisées par les maires sur leur territoire. Les élus ont en effet de fortes capacités à relativiser, voire à neutraliser les attentes réformatrices. Il faut enfin revenir sur le succès quantitatif de l’intercommunalité de ces quinze dernières années, qui est un succès en trompe-l’œil. On célèbre souvent l’idée que l’intercommunalité aurait réussi, puisque le territoire national est couvert d’intercommunalités : plus de 95 % descommunes sont sous l’empire d’une intercommunalité. Hormis la région parisienne, la plupartdes territoires sont désormais intégrés ; les communes sont dans des EPCI et les habitantsaussi. Mais c’est un succès illusoire. L’intercommunalité s’est diffusée sur le territoire parcequ’elle n’est plus la réforme volontariste qu’elle a cherché à être. Elle a été acceptée, confisquée par les maires. Il faut essayer de replacer ce succès sur le temps long.

Ma présentation s’articule en trois points. Dans le premier, « la RCT de décembre 2010 : chronique d’une “petite mort” annoncée », j’apporterai quelques éléments de diagnostic quimontrent un processus classique de neutralisation des intentions réformatrices qui s’est déroulé en deux ou trois ans. Avec « le temps long des réformes intercommunales : mythes réformateurs et réappropriations locales », je vous montrerai l’intérêt de prendre du recul, d’élargir la focale sur les précédentes réformes et de revenir sur les mécaniques qui sont systématiquement à l’œuvre et qui expliquent pourquoi chacune des réformes a dû réduire demanière assez sensible ses intentions initiales. Pour terminer, j’évoquerai les effets « pervers » (?)de la « confiscation » de l’intercommunalité par les maires. Ce point permettra de discuter d’un lieu commun, celui des bienfaits du consensus. S’il permet à tout le monde des’accorder, pourquoi être critique par rapport au consensus ?, nous demande-t-on parfois. Jevais essayer de vous montrer que le consensus a de nombreux angles morts et des effets pervers et qu’il empêche les structures intercommunales de mener de nombreuses politiques.

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Il a donc des coûts pour le territoire et ses populations, notamment les plus faibles, que je recenserai rapidement.

LA RCT DE DÉCEMBRE 2010 :CHRONIQUE D’UNE « PETITE MORT » ANNONCÉE

La loi de décembre 2010 résulte d’une série de compromis. Comme pour les précédentes lois,un comité réformateur se met en place avec des élus locaux, intégrés en son sein. Le comitéBalladur est contraint de revenir sur plusieurs éléments : au regard de la généalogie despropositions et de la remise en cause de certaines d’entre elles, on comprend comment lecomité prend progressivement conscience des limites du pensable et de l’acceptable,notamment pour les associations d’élus locaux et pour les parlementaires, eux-mêmes éluslocaux. En particulier, le comité est contraint de revenir très rapidement sur la propositiond’élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct. Aujourd’hui, dire que ledispositif du fléchage correspond au suffrage universel direct est un abus de langage pour unpolitiste : concrètement, on ne peut pas parler de suffrage universel direct pour le système dufléchage ; j’y reviendrai.

Les modalités d’achèvement de la carte intercommunale, pensé d’abord sur un modeexclusivement réglementaire, par l’intervention des préfets, donnent également lieu à uncompromis : la mise en place des CDCI a laissé une place importante aux élus locaux. Le comité Balladur souhaitait faire des métropoles l’étendard de la réforme et voulait créer,également par voie législative, onze métropoles, dont on sait aujourd’hui qu’il n’en reste qu’une: la métropole de Nice. Les métropoles devaient être des structures qui concentreraient sur leterritoire des agglomérations l’ensemble ou la majeure partie des compétences des autres niveaux de collectivités territoriales, notamment des Régions et des départements. Là encore,les modalités d’évolution des propositions ont significativement amoindri cet objectif et l‘ontsoumis à des règles d’adoption qui rendent cette évolution improbable, voire quasi impossible,et qui vont la réduire à la portion congrue.

À l’issue des travaux du comité Balladur, un processus législatif se met très rapidement enplace, qui va renforcer cette disposition au compromis. C’est une mécanique bien connue dufonctionnement du système des réformes du local en France. Je renvoie notamment aux travaux de mon collègue Patrick Le Lidec, qui montrent bien que l’une des spécificités françaises, contrairement à un lieu commun, n’est pas d’être un système jacobin. C’est aucontraire un système où les intérêts des élus locaux sont complètement représentés et intégrésdans les politiques du Centre et des gouvernements, notamment via le cumul des mandats, quifait que la plupart des parlementaires qui élaborent nos lois sont aussi des élus locaux. Les démarches législatives, les navettes entre l’Assemblée et le Sénat aboutissent à vider de leursubstance les propositions les plus intégratrices, les plus volontaristes, qui cherchaient à renforcer l’autonomie des structures intercommunales. D’ailleurs, dans le cadre de la réformede 2010, ce ne sont pas les volets concernant l’intercommunalité qui font débat, alors qu’ilsconstituent les trois quarts de ce texte de loi. C’est sur la question du conseiller territorial quel’on se focalise et c’est elle qui entraîne le plus de polémiques et de débats, tandis que le voletintercommunal est adopté de manière assez consensuelle et discrète. Et pour cause : les évolutions tendent à asseoir le rôle des maires et la représentation des communes dans l’intercommunalité.

Plusieurs exemples permettent d’illustrer ces évolutions. La représentation de chaque commune est désormais garantie dans tous les conseils communautaires ; le poids des villescentre ne peut excéder 50 %. C’est un vrai problème démographique et démocratique : dansdes configurations intercommunales où la ville centre pèse plus de 50 %, elle ne peut pas avoirplus de 50 % des conseillers communautaires. Le principe de la reconnaissance de la

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représentation de chaque commune n’est pas fondé sur des aspects démographiques ; il tendà favoriser des logiques de représentation territoriale par rapport à des logiques de représentationdémocratique et démographique. Enfin, la loi prévoit une répartition des sièges à l’amiable, cequi renforce les logiques de négociation entre les élus sur la composition de ces instances.

Par ailleurs, on maintient et l’on renforce la clause de compétence générale pour les communes, ce qui devient désormais leur spécificité, puisque ce n’est plus possible pour lesautres collectivités. Beaucoup de dispositions de la loi transforment les propositions et les horizons les plus volontaristes en chimères. En effet, les conditions pour acquérir de nouvelles compétences,pour fusionner les communes au sein des EPCI et créer des communes nouvelles – ce qui relevait d’une stratégie de petits pas de la part des réformateurs – sont tellement difficiles à remplir car soumises à la règle de l’unanimité, qu’il est sûr qu’elles ne seront jamais remplies! On peut parier qu’il coulera beaucoup d’eau sous les ponts avant que les communes de cesEPCI puissent fusionner et devenir des communes nouvelles.

Enfin, on peut dire que qualifier le fléchage de suffrage universel direct est un abus de langage. Le fléchage est précisément la mesure qui permettait de donner des gages sur la démocratisation des structures intercommunales, mais sans la faire, notamment en maintenantcomme circonscription unique et centrale la circonscription communale. Les électeurs ne voteront pas pour les conseillers communautaires. Ils auront uniquement le choix de voter pourune liste communale, comme c’est le cas aujourd’hui. C’est par la composition de la liste queles électeurs sauront quels conseillers municipaux seront désignés au conseil communautaire,si la liste arrive majoritaire. Il n’y a donc pas de circonscription. Le fléchage n’est pas un panachage ; ce n’est pas le citoyen qui ajoute la flèche. Une telle mesure aurait donné de l’autonomie dans le choix des conseillers communautaires.

On compare souvent, et à tort selon moi, la loi PLM (Paris – Lyon – Marseille) au système dufléchage. Or ce sont des modes de scrutin différents : la loi PLM vise à désigner l’instance souveraine, le conseil municipal de Paris, par exemple. Le conseil d’arrondissement possèdepeu de compétences par rapport au conseil municipal de Paris, Lyon ou Marseille. Dans le système intercommunal, c’est exactement l’inverse : ce sont les communes qui gardent l’autonomie politique et la légitimité première.

La loi Pélissard – Sueur, que l’on aurait pu prédire, porte l’estocade finale. En étudiant les structures intercommunales sur le temps long, on aurait pu parier qu’une telle loi surviendrait: une loi permettant de ne pas tenir l’achèvement de la carte intercommunale – un tiers des départements n’ont pas élaboré leur SDCI dans les temps – et une loi assouplissant la logiqueréformatrice au nom de revendications d’élus. Je vous cite les propos de François Fillon devant des députés UMP locaux, rapportés par LesDernières Nouvelles d’Alsace, en mai 2011 : « On n’obligera pas les communes à se mariercontre leur gré […] Si certains préfets ne l’ont pas compris, dites-le moi, je le leur dirai ». C’estassez clair. Concrètement, c’est un retour à l’ordre : il demande aux préfets de ne pas fairepreuve de trop d’autorité.

La loi Pélissard renforce le rôle des CDCI par rapport aux préfets. Elle repousse la date butoirde l’application de la loi et en assouplit les conditions. De manière plus importante – et j’insistesur ce caractère emblématique de ce processus de neutralisation –, elle remet en cause le seul aspect de la loi qui pouvait avoir des effets sur le gouvernement des structures intercommunales, à savoir le plafonnement du nombre de vice-présidents. Cette limitation estrepoussée sine die, après les élections municipales de 2014. Nous aurons un nouveau parlement, mais on ne voit pas pourquoi cette disposition serait de nouveau adoptée. En toutcas, on sait qu’elle pouvait avoir des effets, puisque le nombre de vice-présidents est l’un deséléments du troc intercommunal et de la répartition des ressources politiques qui permettent

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les consensus politiques et donc, la dépolitisation de l’intercommunalité et empêchent l’autonomisation des structures intercommunales.

LE TEMPS LONG DES RÉFORMES INTERCOMMUNALES :MYTHES RÉFORMATEURS ET RÉAPPROPRIATIONS LOCALESLa litanie de la réforme et les « fenêtres » d’opportunité

Après ce rapide retour sur la neutralisation de la dernière réforme territoriale en date, il faut revenir sur les précédentes réformes. Pour dire d’abord que l’histoire des réformesintercommunales, en France, est presque aussi ancienne que celle des communeselles-mêmes. Dès 1792, des parlementaires de l’Assemblée constituante déclarent qu’il y atrop de communes en France. Ils proposent la création de municipalités de canton – qui sontdéjà des fusions de communes à l’échelle des cantons – mais celles-ci ne vont pas aboutir.Après l’éclipse de la Restauration et de l’Empire, la IIIe République remet les municipalités àl’ordre du jour et restaure l’autonomie communale avec la loi de 1884. Elle met en place uneintercommunalité négociée, volontariste, qui fonctionne sur un mode unanimiste. Différentstravaux montrent bien les débats sur l’émiettement communal français depuis la fin du XIXesiècle, sur les limites des moyens d’action des communes et leur incapacité à prendre encharge certains équipements et investissements.

S’il faut attendre les années 1960 pour que se mettent en place les principales réformesintercommunales, qui ressemblent à celles que nous avons aujourd’hui, c’est parce que le rôledes maires et de leurs associations, dans le régime politique des IIIe et IVe Républiques, faitpeser une hypothèque permanente sur les réformes du local en France. À l’encontre du schéma jacobin, il faut comprendre que c’est précisément l’organisation des élus locaux qui empêchede manière récurrente les réformes du local.La Ve République est une sorte de parenthèse réformatrice, mais qui change beaucoup moinsla donne que certains le disent parfois. Dans le cadre de ma thèse, j’ai travaillé, à partir des archives du ministère de l’Intérieur et des archives locales, sur l’élaboration de la loi sur lescommunautés urbaines de 1966, qui donne naissance à ces structures à partir de 1968. Cetteloi est le résultat d’un contexte particulier qui fait que les élites nationales, pour la première foisdepuis la IIIe République, sont un peu différentes des élites locales. En effet, la caractéristiquedu personnel politique gaulliste, avec le changement de régime de 1958, est l’arrivée de nouveaux profils : des élus moins ancrés localement, qui vont donc davantage vouloir en découdre avec les élus locaux des anciennes formations partisanes qui se sont opposées enpartie à la Ve République et surtout, à l’élection du président de la République au suffrage universel direct. Je renvoie ici aux travaux de Patrick Le Lidec.

C’est une parenthèse, pendant laquelle les réformateurs mettent à l’agenda des réformes quiétaient dans les tiroirs depuis longtemps, mais qui ne bénéficiaient pas d’un contexte politiquefavorable au niveau parlementaire. Ils vont cependant revenir assez vite sur ces ambitions, etla loi sur les communautés urbaines porte en elle ces revirements, cette évolution vers les compromis. En effet, dans le projet de départ, figure (déjà !) l’élection des conseilscommunautaires au suffrage universel direct. Il y a également l’idée que les communautésurbaines seront des collectivités territoriales. Le processus législatif et la crainte desgouvernants gaullistes de s’aliéner l’ensemble des élus locaux ont raison de ce volontarismede départ.

Cette période des débuts de la Ve République est intéressante aussi car se développe un discours de justification des réformes intercommunales au sommet de l’État. Le discours va sesolidifier, être plus élaboré. On retrouve plusieurs figures réformatrices : le discours sur les économies d’échelle et la quête du territoire de gestion optimale, c'est-à-dire l’idée qu’il existerait des territoires où l’on pourrait gérer une compétence de manière optimale ;

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l’accroissement du rayonnement – oui, la question de la métropolisation et du rayonnementest déjà présente dans les années 60 !...

Mais on voit aussi émerger un autre discours important, selon lequel les enjeux, au niveau desagglomérations, seraient plus des enjeux techniques que politiques. Au départ, ce sont les réformateurs qui tiennent ce discours, contre les élus locaux. L’histoire intercommunale a cecide paradoxal et d’intéressant que ce sont les élus locaux qui, ensuite, s’approprieront ce discours et reprendront à leur compte cette idée que l’intercommunalité serait plus technique,façon de justifier le fonctionnement politique atypique qui se met en place.

DES COMPROMIS DÈS LA PHASE D’ÉLABORATION DE LA LOI

Les compromis sont nombreux ; même les lois gaullistes sont marquées par des compromisimportants. Par exemple, sur la définition des périmètres, où le réformateur, tout au long du processus législatif, en rabat sur ses intentions initiales.

Le référendum de 1969, coup de poker du général De Gaulle pour reprendre la main, échoueen partie parce que les élus se mobilisent largement pour faire gagner le « non ». Cela produitun tournant radical dans les réformes territoriales, puisque cela clôt la parenthèse réformatriceet sonne le glas des intentions les plus volontaristes. Tout débat sur l’intercommunalité est misen suspens – il n’y en aura pratiquement pas jusqu’à la fin des années 1980. Les lois de décentralisation sont très discrètes sur l’intercommunalité ; elles réaffirment même le rôle descommunes et des maires.

La loi portant sur l’administration territoriale de la République de 1992 et la loi Chevènementde 1999 marquent un retour de l’intercommunalité à l’agenda réformateur, mais avec un principe totalement différent des lois des années 1960 : la réaffirmation du principe du volontariat. La loi ATR va échouer, au moins du point de vue quantitatif : il y a très peu de créationsde structures nouvelles, les statuts sont parfois appropriés de manière cocasse –l’agglomération marseillaise, dont on connaît bien le contexte rural… fera ainsi partie despremières communautés de communes…– et de manière assez dispersée, par rapport auxintentions.

C’est la loi Chevènement de juillet 1999 qui remet en selle les intentions réformatrices et varéussir quantitativement ; mais elle se traduit par l’autonomisation des structuresintercommunales. Cette loi réussit en séduisant les élus locaux plus qu’en leur imposant lacoopération, ce qui est une condition sine qua non, désormais. Les travaux de David Guérangermontrent que si l’opération réussit en 1999, c’est parce que Jean-Pierre Chevènement obtientles arbitrages que n’avait pas obtenus Pierre Joxe lors de la loi ATR de 1992. Il les obtient duPremier ministre, contre Bercy, qui devra mettre la main au portefeuille pour financer par desdotations bonifiées aux nouvelles structures intercommunales.

Tel est le processus législatif : la partie est perdue d’avance, pour les réformateurs, dont unegrande partie des intentions disparaissent et sont neutralisées. Et si l’on regarde la mise enœuvre des réformes, le processus est encore plus marqué : ce qui reste d’autonomie intercommunale dans la loi est perdu dans la mise en œuvre.

LA MISE EN ŒUVRE DES RÉFORMES, MOMENT PRIVILÉGIÉ DELEUR « APPRIVOISEMENT »

À Lille ou Chambéry, que nous avons étudiées de près en nous appuyant sur des archives locales relatives à la mise en œuvre des réformes des années 1960, mais aussi de 1992 et de 1999, nous avons observé que les élus locaux s’accommodaient du SIVOM ou de la

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communauté urbaine en mettant en place un régime politique nouveau et singulier : « leconsensus ». Cette idée qu’il y aurait des compromis partisans qui n’existent pas ailleurs estune caractéristique des structures intercommunales et on la rencontre dans pratiquement tousles EPCI de France.

Ce consensus est l’arbre qui cache la forêt. Il y a un accord fondateur dans la plupart des structures intercommunales en France qui reconnaît la souveraineté et la primauté des communes, même lors de la création d’une structure intercommunale. Car précisément, pourcréer des structures intercommunales dans de nombreux contextes, il faut d’abord passer parune reconnaissance de la primauté des communes et des maires. En attestent les « chartesdes maires » ou « chartes fondatrices » qui rétrocèdent souvent informellement aux communesdes compétences qui sont censées leur avoir été prises par la loi.De nombreux mécanismes expliquent ce processus, que David et moi appelons la « municipalisation » des structures intercommunales, au moment de leur mise en place. Cettemunicipalisation est d’abord liée à la préférence des élus municipaux. Les élus communauxsont issus d’institutions anciennes qui sont « déjà là » au moment où sont créées les structuresintercommunales et où ils trouvent leur légitimité politique. Quand les structures intercommunalessont créées, ils cherchent d’abord à rassurer ou à réassurer l’existence de leur commune. Celadonne lieu à des effets d’aubaine très clairs au moment de la création des structures intercommunales, qui n’avaient parfois pas été anticipés par le législateur. Lorsque j’ai étudiéLille, par exemple, il se trouve que les communes pouvaient transférer à la communauté urbaine tous leurs emprunts relatifs aux compétences qui lui avaient été transférées, ce quipeut paraître logique. La conséquence a été qu’à l’année N-1, les investissements en matièrede voirie des communes ont explosé de plus de 80 %. À peine créée, la nouvelle structure étaitultra endettée et n’a pas pu mener une seule politique publique, à part la construction de sonpropre siège, pendant trois ans. À l’inverse, les communes, au moment de la création de lacommunauté urbaine, se trouvaient toutes désendettées. La création des piscines, des centressportifs ou culturels municipaux s’est faite au début des années 1970, après la création de lacommunauté urbaine et sans aucune logique communautaire. Parce que les communes sesont subitement trouvées désendettées par la création de la communauté urbaine, qui reprenait tout un ensemble de compétences parfois considérées comme moins nobles mais qui,en tout cas, suscitaient de l’endettement.On voit aussi émerger dès cette époque un discours de justification de l’exception politique intercommunale. Il faut justifier, pour l’extérieur et pour les élus, la mise en place de compromisinter-partisans, qui sont des compromis inhabituels et pour certains, illégitimes, dans notredémocratie représentative majoritaire. Ces compromis sont précoces. La communauté urbainede Lille est alors dominée électoralement par la SFIO (Section française de l’Internationale ouvrière), dans les années 1960 – ce qui n’empêche pas le gouvernement gaulliste de faire descompromis avec des élus de celle-ci. Ces élus SFIO, dès la mise en place de la communautéurbaine, nomment un vice-président gaulliste alors qu’à l’époque, le discours officiel est celuide l’affrontement radical entre les gaullistes et la SFIO. Un compromis partisan s’installe doncdès le départ. Et dans beaucoup de grandes intercommunalités, les exécutifs sont composésd’élus qui vont du Parti communiste à l’UMP. Les effectifs partisans doivent justifier ces exceptions : pourquoi ces exécutifs multi-partisans se mettent-ils en place ici alors qu’ils semblent moins acceptables ailleurs ? On observe plusieurs discours de justification, dont celui du génie des lieux. Par exemple, dansle Maine-et-Loire, on évoquera certainement la douceur du climat ou l’esprit angevin pour expliquer que les gens font des compromis. À Chambéry, on parle d’esprit savoyard. À Lille, on parle d’esprit des gens du Nord, qui ont su surmonter leurs conflits entre patrons et syndicalistes en parvenant à faire des compromis dans les usines ; donc, il faut aussi du compromis dans les intercommunalités. Chaque lieu a son discours sur son propre génie pourexpliquer ce consensus. C’est précisément la raison pour laquelle il est nécessaire d’invalidercette hypothèse, qui apparaît structurelle et non liée à un élément culturaliste.

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L’autre justification récurrente est celle de la technicité. C’est l’idée que par définition, les compétences intercommunales seraient « techniques » et non politiques. Ce discours ne tientpas, même dans les années 1970. Il est d’ailleurs contesté de l’extérieur par certaines associations et formations politiques. En 1977, par exemple, les élus communistes et socialistesqui constitueront la vague rose et qui arrivent à la tête de nombreuses communes interrogentla gestion de l’eau, la répartition de la voierie, le logement social : de quel droit et à quel titreces sujets ne seraient-ils pas politiques ? Aujourd’hui, on redécouvre, à travers les questionsde délégation de service public, de modes de gestion de l’eau ou de la voierie, que ce sont desquestions précisément éminemment politiques. Elles font sens politiquement pour les citoyensde manière très concrète. Dans les réunions publiques, les gens parlent de la gestion du ramassage de leurs ordures, de la façon dont ils peuvent garer ou non leur voiture… C’est cequi crée du conflit, du clivage et de la politique dans une cité. Ce discours est encore moins tenable aujourd’hui, avec la multiplication des compétences des structures intercommunales,qui interviennent sur presque tout. Il devient difficile de dire que c’est la technicité qui justifieles consensus…

QUELQUES EFFETS (PERVERS ?)DE LA « CONFISCATION »DE L’INTERCOMMUNALITÉPAR LES MAIRES DES « MACHINES » À PRODUIRE DU CONSENSUS

Le premier effet est organisationnel. Aujourd'hui, les structures intercommunales sont des machines à produire du consensus ; des machines politiques, qui impliquent parfois aussi lamachine administrative. Ce fonctionnement consensuel est le propre de la plupart des structures intercommunales. Les principales communautés urbaines, aujourd’hui, qu’il s’agissede Lille, Lyon, Marseille, Bordeaux ou Nantes, ont des exécutifs très larges, avec de grandescoalitions partisanes qui gouvernent ces structures.Loin d’être naturel, de résulter d’un esprit des lieux ou d’une technicité propre, ce consensusimplique un travail et une production de compromis qui mobilisent l’organisation politique etadministrative. Le fonctionnement des instances des EPCI s’apparente à un ensemble de tamissuccessifs, dans lesquels on va expurger les différends et surtout, éviter qu’ils ne deviennentpublics et n’arrivent jusqu’au niveau du conseil communautaire. C’est non seulement le travaild’identification des différends dans les commissions mais c’est aussi le rôle, bien plus centralque celui du conseil, du bureau, qui, dans les intercommunalités, est l’instance des maires etdans lequel on neutralise les différends. Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de conflits dans lesstructures intercommunales. Mais ils ont toujours l’aspect de conflits territorialisés : tel maires’oppose à un autre sur la présence d’un équipement, sur une partie de la dotationcommunautaire de solidarité, sur le calcul de l’attribution de différentes ressources… Et ce quiest caractéristique des structures intercommunales est que ces conflits et ce travail politique empêchent la montée des élus en généralités politiques. Ils sont rarement arrimés à des lignes de clivage de type partisan ou à la construction de clivages plus généraux sur le fonctionnement ou les choix urbains.

Cela a aussi des effets sur les règles de comportement des élus. David et moi avons longtemps observé le fonctionnement intérieur des structures intercommunales. Nous utilisonsen partie les outils forgés par le sociologue allemand Norbert Elias, qui a travaillé sur la sociétéde cour et les mœurs courtoises. Il montre comment, dans certaines configurations

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institutionnelles, en l’occurrence, le château de Versailles, cela produit des formes de relations courtoises. Les structures intercommunales sont frappantes de courtoisie. Les élus locaux s’ytrouvent entre eux. Ce sont des structures à huis clos dans lesquelles les logiques de la convivialité et de la proximité prévalent sur celles de l’affrontement et des différends. Je nesais pas s’il faut s’en inquiéter, mais il faut prendre au sérieux ces effets de socialisation sur lesélus. Certains élus n’arrivent plus à jouer leur rôle d’opposant politique dans l’instance municipale : ils sont tellement associés à l’exécutif de la structure intercommunale qu’ils nepeuvent plus être opposants, le lendemain, en conseil municipal. Cela crée des situations deschizophrénie et des positionnements impossibles.

ENSEMBLE DE RÈGLES INFORMELLES CONCERNANTLA RÉPARTITION DES RESSOURCES ET LA REDÉFINITIONDE LA SOUVERAINETÉ INTERCOMMUNALE

La confiscation a aussi pour effet de générer des règles informelles concernant la répartitiondes ressources et la définition de la souveraineté au niveau intercommunal. D’abord, un droitde veto informel est concédé aux maires sur leur sol. Il n’y a pas ou peu de politiques publiquesqui peuvent se faire sans le consentement a minima d’un maire. Il faut d’ailleurs relever le faible nombre de contentieux administratifs dans les structures intercommunales, précisémentparce qu’il n’y en a pas besoin. En quarante ans d’histoire de la communauté urbaine de Lille,je n’ai trouvé qu’un seul cas de contentieux entre un maire et l’intercommunalité qui soit alléjusqu’au tribunal administratif ! Les maires n’en ont pas besoin. L’intercommunalité fonctionnedans un jeu à somme positive, gagnant / gagnant, dans l’idée qu’il ne peut y avoir de décisioncommunautaire que si elle profite à l’ensemble des élus. Ceci a des effets inflationnistes. Onapplique une logique de compensation, de troc intercommunal. On pourrait donner des dizainesd’exemples de la façon dont on justifie la création d’un grand équipement en répartissant uneautre partie des ressources.

LA FAIBLE PUBLICITÉ DES ÉCHANGES COMME COROLLAIRE

Autre effet de cette confiscation, la faible publicité des échanges intercommunaux. De nombreuses instances fonctionnent à huis clos et ont un rôle éminemment central dans cesstructures. « Pour vivre heureux, vivons cachés… » Il faut dire que les accords intercommunauxsont intenables pour les élus à l’extérieur, notamment dans leur formation partisane. Par exemple, à la communauté urbaine de Lille, imaginez la vice-présidente communiste appeléeà justifier en interne, actuellement, en pleine campagne, qu’au sein de l’exécutif, dans le cadredes réunions du bureau, elle est assise entre un vice-président du Modem et un élu UMP ouancien UMP. En réalité, elle ne peut pas le justifier. C’est très compliqué. Inversement, Marc-Philippe Daubresse, ancien ministre UMP, peut difficilement expliquer qu’à un moment donné, il est allié avec des élus communistes. La contrainte du huis clos est donc extrêmement forte.

DU POINT DE VUE DE L’ACTION PUBLIQUE

Quels effets cette confiscation a-t-elle du point de vue de l’action publique, et notamment survous, fonctionnaires territoriaux, et votre travail ? Il y a d’abord la difficulté d’arbitrer et de créerdes normes globales et opposables aux communes. Tous les fonctionnaires intercommunauxque je rencontre me parlent du manque de transversalité, d’une incertitude sur les priorités del’institution, etc. C’est l’un des effets du jeu politique consensuel.Il y a aussi la difficulté de mener des politiques re-distributives sur le territoire, par exemple en

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matière de logement social ou de dotation de solidarité communautaire. Comment peut-on fairepour compenser sérieusement l’inégalité du logement social sur le territoire s’il y a un droit deveto municipal, si le maire de la commune la plus riche a toujours l’outil du permis de construireet la possibilité, même en amont, de s’opposer à la construction de logements sociaux ou entout cas, de s’y opposer dans un rapport qui modifierait sensiblement la répartition sur le territoire ?

Autres difficultés, la faible capacité de faire émerger des lignes d’action claires, et donc, l’incertitude, ou encore l’absence de tireurs d’alarme internes, qui explique peut-être la judiciarisation. Si aujourd’hui, quand il y a des remises en cause du fonctionnement des délégations de service public, ce sont presque toujours des associations extérieures qui portent l’affaire devant le tribunal et entraînent ensuite une crise institutionnelle, c’est en partie parce que les questions sont rarement posées et relayées en interne par les élus.

QUELQUES CONCLUSIONSLe succès quantitatif paradoxal de l’intercommunalité : « Tout changer pour que rien ne change. »

Le succès numérique de la loi Chevènement doit être apprécié par rapport à l’autonomie de cesstructures, aujourd’hui. Les structures intercommunales sont-elles autonomes et capables demener des politiques publiques, de produire des normes à l’échelle de leur territoire ? C’estcontestable. Les maires n’ont accepté l’intercommunalité que dans la mesure où leur rôle s’entrouvait préservé et renforcé. Je le dis et suis prêt à le défendre : aujourd'hui, les grands gagnants de l’intercommunalité sont les maires et non leur commune. Au contraire, les communessont actuellement évidées et les conseils municipaux font partie des structures affaiblies. L’hypothèse de la confiscation devient nécessaire pour comprendre le succès en trompe-l’œilde l’intercommunalité et le report récurrent du suffrage universel direct. Il n’y a pas de paradoxeau fait qu’aujourd’hui, l’intercommunalité renforce ses compétences et son rôle. Les budgetssont croissants par rapport aux communes, il y en a quantité d’exemples. Et il n’y a pas de démocratisation concomitante. On pourrait y voir une contradiction. L’hypothèse de la confiscation permet au contraire d’y voir un lien logique : c’est précisément parce que l’intercommunalité renforce leur rôle, parce que les maires en ont besoin de manière centraledans les politiques publiques qu’ils mènent sur leurs communes, notamment pour asseoir leurlégitimité politique, qu’ils ne peuvent courir le risque des alternances dans ces structures, lerisque de se trouver un jour minoritaires ; ils vont donc plutôt préférer des formes d’arrangementavec d’autres élus.L’intercommunalité est une affaire éminemment politique et non technique. Il ne faut pas selaisser bercer par le refrain de la technicité. La technicité est le discours qui a été produit pourjustifier des consensus partisans. Le processus de dépolitisation est structurel et paradoxal. Aujourd’hui, dans les intercommunalités, ce sont les élus qui dépolitisent et ce sont plutôt lesfonctionnaires qui sont amenés à faire des choix, à dire qu’ils ont besoin d’arbitrages et de majorités claires. Cela pose la question de l’ambiguïté du rôle du fonctionnaire intercommunal.Peut-il assumer la politisation qu’il réalise, parfois, sans les élus ?

L’évolution des intercommunalités doit être banalisée. Il ne faut pas penser seulement entermes d’intercommunalité ; il faut aussi penser en termes d’évolution des institutions politiqueset se dire que la révolution intercommunale accompagne aussi une séparation entre le rôlecroissant des instances qui produisent de l’action publique à huis clos et des instances de délibération, plus visibles, mais qui sont dépossédées et qui, en tout cas, n’ont pas de rôle central dans l’action publique. Ces débats sont à mettre en parallèle avec les travaux menésen sciences sociales sur le fonctionnement des instances de l’Union européenne : la comparaison est éloquente.

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Le maire est donc au cœur du processus de confiscation. Il faut désacraliser la figure du maire,qui n’est pas épargné par la crise de la démocratie représentative, comme on le dit parfois. Onconnaît également une abstention croissante au niveau communal. Mais le maire apparaîtcomme une sorte de sainteté dans le paysage local de la démocratie française. Parmi les programmes des candidats à l’élection présidentielle, aucun n’ose contester le rôle du maireni proposer de réfléchir aux questions de la démocratie locale en France.

UNE RÉFLEXION SUR LA « PUBLICITÉ » EN DÉMOCRATIE

Je vous propose, pour conclure, de faire une escapade en Belgique, pour observer le frontonde l’hôtel de ville de Verviers, commune wallonne, dont la devise est aussi l’exergue de notrelivre et explique le sens de notre démarche. Sur le fronton figure, depuis 1830, année de lacréation de la Belgique, cette belle inscription : « Publicité, sauvegarde du peuple ». Dans lelivre, nous formulons l’hypothèse qu’il faut délivrer les élus d’eux-mêmes dans les structuresintercommunales. Le livre contribue à cette publicisation. C’est en rendant public ce qu’il s’ypasse que l’on peut leur donner les moyens d’assumer leur rôle politique, de ne pas être prisonniers des logiques corporatives et de la proximité de ces logiques. Aujourd’hui, pour unélu, il est impossible de politiser l’intercommunalité de manière dissonante ou clivante. J’ai vude nouveaux élus qui avaient envie de revisiter certains points : « Ne pourrait-on pas regarderd’un peu plus près le contrat de gestion avec la Société des eaux du Nord ? » Mais une foisqu’ils se sont faits rabrouer à huis clos, en réunion de bureau, par la majorité des autres élus,ils ne peuvent pas revenir à la charge. Pour cela, il faudrait que ce soit public, qu’ils prennentune position dont ils savent qu’elle sera soutenue par l‘extérieur et qu’elle portera ou représentera des intérêts sociaux contradictoires, ce qui est le sens de la démocratie : traduireet représenter des intérêts contradictoires, faire des compromis à partir de ceux-ci et avecceux-ci, et non avant d’avoir explicité quels en étaient les intérêts.

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� OLIVIER DEDIEUPour lancer la discussion, je citerai Galilée,qui disait : « Et pourtant, elle tourne… » Uncertain nombre de phénomènes limitent lamontée en puissance des démarches deprojets ; pour autant, il y a des projets dansl’intercommunalité. Au-delà de cela, y a-t-ilune vraie spécificité de l’intercommunalité ?Dans un département, il faut gérer desréalités cantonales ; dans une mairie, il fautgérer des réalités de quartier…

� FABIEN DESAGE« Et pourtant, elle tourne » ? Oui. Notre livre ne dit pas que les structuresintercommunales fonctionnent mal, qu’ellesne font rien ou qu’elles font tout mal, loin delà. Nous nous demandons plutôt commentelles pourraient mieux tourner, si ellespourraient mener des politiques plusre-distributives, qui serviraient leursambitions initiales, c’est-à-dire d’êtrecapables de planifier sur un territoire,d’élaborer des priorités mais aussi, avecleurs modestes marges d’action, decompenser des inégalités territoriales et delutter contre des processus ségrégatifs. Lesstructures intercommunales sont actives ;elles produisent de l’action publique. C’estd’ailleurs ce qui fait office d’écran. Commeelles réalisent beaucoup de choses, on oubliede se demander ce qu’elles pourraient faired’autre et ce qu’elles pourraient faireautrement.

S’agissant de la spécificité, l’inter-communalité donne à voir de manièrestylisée, presque caricaturale – c’est presqueun cas d’école –, des processus que l’onpeut observer à d’autres échelles. Mais demanière moins évidente, parce que dansd’autres lieux, il y a plus de publicité. Nousobservons également, avec nos collèguesspécialistes des institutions communales,des mécaniques de décalage dans desinstances à huis clos, des bureaux quiprennent des décisions et des formes deconciliation en coulisses. Mais on sait que lepublic est plus important aux réunions duconseil municipal qu’à celles du conseil

communautaire ; il y a une visibilité desprises de position. Dans la commune, onpeut débattre de ce qui va se discuter.Combien de conseils communautairesdonnent lieu à des débats ou à desdiscussions, parmi les citoyens, sur ce qui s’yjoue ? Très peu. On le constate ailleurs,notamment au niveau régional, maisl’intercommunalité est une sorte de cascritique, précisément lié à la spécificitédémocratique, ou non démocratique, de cesstructures.

� CHRISTOPHE BERNARD,Secrétaire général, Assemblée des communautés de France (AdCF)

Nous nous félicitons, au sein de l’AdCF, quede nombreux chercheurs se penchent sur laquestion de l’intercommunalité ; nous lesaccompagnons. Nous l’avons d’ailleurs faitpour l’ouvrage et les travaux qui ont étéconduits par Rémy Le Saout surl’intercommunalité en campagne. Nous nenous attendons pas à ce que la recherchesoit laudative sur le fait intercommunal etnous pouvons imaginer que des éléments, ycompris sur le fonctionnement et le cœur demoteur, puissent être pointés et critiqués.Nous n’avons rien à redire sur la manièredont les objets de recherche sont mis enœuvre. Cela ne nous empêche pas d’avoirun esprit critique sur ce qui est produit, de lamême façon que nous l’avons sur laproduction des lois. C’est donc davantagedans ce cadre que j’interviens.

S’agissant de la thèse de fond, il nousimporte de pointer du doigt le défaut depublicisation du fait intercommunal. Nousnous employons à le faire connaître, pasuniquement pour faire prendre consciencede l’ampleur qu’il a prise dans notre société,mais aussi pour que sur le plan politique, ilsoit pris en charge, connu, reconnu, discuté,amené sur la place publique. Parce que cequi est touché par l’intercommunalité touchele quotidien des citoyens. Les membres del’AdCF sont des élus, des gens quidébattent, qui ont des « dissensus »… En revanche, le fait de remettrel’intercommunalité au cœur du débat faitconsensus.

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Quelque chose me gêne davantage : à la finde la lecture de votre ouvrage, on sedemande s’il faut vraiment « sauver le soldatInterco » ou arrêter les frais. Dans ce livre, ily a un tel cumul de toutes les affres vécuespar les instances délibératives que l’on sedemande s’il ne faut pas carrément stopperl’outil. Je pourrais revenir sur la manière dontvous présentez la réforme, mais jen’évoquerai par tous les points ; je lesapprocherai par blocs.

Premièrement, votre approche uniformisanteet systématique me met très mal à l’aise. Jeconsidère que les maires ne réagissent pastous de la même façon, que lescommunautés ne sont pas toutes construitesde la même manière, qu’elles ont desréactions différentes, par exemple surl’exercice des compétences ou le partagedes rôles entre les communes et lacommunauté. Je suis très loin d’avoir unevue uniforme et selon moi, la vie est un peuplus compliquée, au sens où il y a davantagede diversité que l’impression que vous endonnez.

Deuxièmement, vous mettez dans un mêmelot l’Association des maires de France (AMF)et l’AdCF. Or, en période de réforme, lesdeux associations n’ont pas toujours été surla même longueur d’ondes et en accord surles attendus. Cela ne signifie pas que l’on envienne aux clivages partisans, à l’oppositionsystématique. Nous cherchons une positioncommune pour faire avancer un certainnombre de nos thèses.

S’agissant de la notion de consensus, je vaisdonner un contre-exemple qui me paraît toutaussi gênant qu’un consensus qui résulteraitde la négociation d’une indemnité ou d’unevoiture de fonction contre un vote de budget.Dans un syndicat d’agglomération nouvelle,structure assez approchante des nôtres,l’élection du président s’est jouée dans lasection du Parti socialiste ; je ne sais pas sic’est un gain. Je mets cette question audébat d’une prise en charge partisane del’intercommunalité. Je ne suis pas sûr quepour se mettre à l’écart du consensus etentrer dans le jeu politique, on gagne à allerdans ce sens.

Ensuite, vous faites un rapprochement entrele sens politique et le sens partisan. De moncôté, je ne le fais pas ipso facto. Il peut yavoir un débat, en conseil communautaire,par exemple sur un circuit de ramassagescolaire ou de transport en commun, quirejoint des notions politiques fortes liées à ladesserte de tel quartier, à ce que celaentraîne au plan de logiques à caractèrepolitique vis-à-vis de tel ou tel corps social. Ilpeut y avoir une discussion forte, parfoisrelatée dans la presse quotidiennerégionale, sans que pour autant, la ligne defracture en conseil communautaire soit entredroite et gauche. Pourtant, le sens politiqueexiste et peut déboucher sur un consensus,in fine. Je n’ai pas l’impression que nousayons obéré ou manqué un débat public surun sujet qui intéresse toute la population.

Enfin, la communauté, jusqu’à présent,procède des communes et ne se construitpas contre les communes, faute de quoi celane fonctionnerait pas. Bâtir les schémas decoopération intercommunale sans les mairesserait improductif. Aujourd'hui, même si vousdites que l’on passe du big-bang au « pshiiit »,près de 200 fusions vont s’opérer sur 68schémas que nous avons analysés. Si l’onprononce ces 200 fusions du jour aulendemain, il est certain qu’il y aura besoindes communes et des élus municipaux pourparticiper à l’écriture des nouveaux statuts.Ce n’est pas quelqu’un d’autre qui le fera.C’est l’une des raisons pour lesquelles celane peut pas se faire contre les maires et lescommunes. La dissociation que vous faitesentre maires et communes, entre maires etconseils municipaux, à mon sens, est un peurapide et masque une diversité extrêmementlarge.

� FABIEN DESAGEVous avez raison sur la question del’uniformité des hypothèses ; c’est l’un deseffets de style du développement d’unexposé qui, en quarante minutes, doitsynthétiser et proposer des hypothèses. Cesont des phénomènes suffisammentsaillants, majoritaires ou observés dansdifférents contextes qui permettentd’élaborer ces hypothèses. Mais l’intérêt deles confronter est aussi de recueillir parfois

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des contre-exemples, d’observer descontextes où le fonctionnement estsensiblement différent. Cet effet de style seretrouve dans l’ouvrage, même si celui-citente d’expliquer beaucoup d’autres chosesque je n’ai pu évoquer ce matin, faute detemps, notamment dans quelles conditionss’autonomisent parfois les structuresintercommunales. Certaines parmi cellesobservées se sont quelquefoisautonomisées, en partie, des maires et descommunes. Le paradoxe soulevé estqu’elles s’autonomisent précisément quandil n’y a pas de réformes puisqu’au momentdes réformes, les maires sont très mobiliséspour veiller à ce que leur application nemodifie pas trop le rôle de leur commune.Dans l’entre-deux, quand il n’y a pas degrandes réformes, c’est le moment où lesmaires s’investissent un peu moins, où lesfonctionnaires se renouvellent, où lesmunicipalités mettent en place leurs proprespolitiques publiques. Et c’estparadoxalement à ce moment-là que lesstructures finissent par exister, pardévelopper leurs propres outils.

Faut-il sauver l’intercommunalité ? Si nousn’y croyions pas, nous n’aurions pas écrit celivre. Je ne sais pas si c’est bien,scientifiquement, mais nous croyons enl’intercommunalité et en ses capacités. Notrelivre porte bien sur la politique etl’intercommunalité confisquées et sur lanécessité de se la réapproprier. Nouspensons que l’intercommunalité n’aura dusens, de l’intérêt pour le citoyen, des effetspositifs plus importants que si elle estpolitisée, politiquement réappropriée. Aprèstout, n’est-ce pas cela, une démocratie ?Accepterions-nous aujourd’hui que legouvernement national, pour la gestion despriorités, fonctionne de la même manière que les structures intercommunales ?Accepterions-nous de dire qu’il y a desenjeux techniques sur lesquels on peut semettre d’accord, de Jean-Luc Mélenchon àNicolas Sarkozy, et de faire ungouvernement d’union nationale ? Cela sediscuterait. Je ne pas sûr que l’on trouveraitdes gens qui ont des intérêts convergents.

Selon nous, pour exister et se développer,les structures intercommunales doiventassumer le fait d’être des structurespolitiques comme les autres, de se banaliseret peut-être, alors, prendre une partie de laplace des communes. Mais faut-il seplaindre, quand une structure concentre la richesse sur son territoire et une autre, lapauvreté, si c’est à une échelle plus vasteque l’on décide de la répartition desressources sur ce territoire ? Entre lacommune résidentielle et la communepauvre, il y a nécessairement desinteractions. Il n’est pas forcémentsouhaitable que le maire de l’une ou del’autre ait le dernier mot pour décider de cequi concerne l’ensemble du territoire.

� JOAQUIM SOARES,directeur de l’animation territoriale, fondation Abbé-Pierre d’Île-de-France

Ce qui nous intéresse particulièrement, àpropos de l’intercommunalité, ce sont lespolitiques de l’habitat et notamment, les jeuxd’acteurs au niveau de la programmation etde la construction du logement social et,parmi les enjeux de lutte contre laségrégation territoriale, ceux qui concernentla diversité de l’habitat. À cet égard, lesplans locaux de l’habitat (PLH), qui sont desdocuments de programmationintercommunaux fixant des objectifs deconstruction ambitieux, deviennentsilencieux sur la localisation et le type delogement social. À l’intérieur del’intercommunalité, on voit même descommunes qui ont des plans locauxd’urbanisme malthusiens qui brident lesambitions du PLH. En matièred’intercommunalités, certaines régions sontà la pointe et d’autres le sont moins. EnÎle-de-France, l’intercommunalité a du mal àexister. D’ailleurs, dans la salle, il n’y a guèrede représentants, voire aucun,d’intercommunalités ou de communesfranciliennes – je rappelle qu’il y en a 1 300.Quelle est votre explication ?

� FABIEN DESAGEJe n’ai pas beaucoup d’explications surl’intercommunalité francilienne, parce qu’il

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faudrait vraiment mener une étude deterrain. Paris a toutes les spécificités liées aurôle de l’État, du département et de la villede Paris. Les compromis politiques quifondent les intercommunalités – selon moi,à tort plus qu’à raison – sont d’autant pluscompliqués que le paysage politique estextrêmement morcelé. Certaines communesont une forte autonomie tandis quebeaucoup d’autres n’ont plus de moyensd’action.

Avant de préparer cette séance, j’ai lu unarticle intéressant sur l’intercommunalité àColombes, en région parisienne, annonçantque la structure intercommunale allait réunirdes villes UMP, socialistes et communistes,qu’elles allaient se mettre d’accord dansl’intercommunalité en faisant valoir leursdifférences. Les structures intercommunalesde la région parisienne ont unfonctionnement politique assez proche decelui d’autres structures. C’est le cas dePlaine-Commune, où l’on retrouve lefonctionnement consensuel que l’on observeailleurs. Mais du point de vue de la capacitéà construire l’intercommunalité, c’est unterritoire un peu particulier.

Il se trouve que je viens de terminer uneétude sur les politiques de l’habitat pour lePuca (Plan, Urbanisme, Construction,Architecture). Concrètement, il y a desévolutions : les structures intercommunalesconstruisent du logement social dans descommunes où elles n’en faisaient pasauparavant. C’est notamment lié auxfonctionnaires, qui font un travail deconviction. Il est compliqué, pour le maired‘une commune résidentielle, de dire, face àses pairs, qu’il sera le mauvais joueur qui nefera pas de logement social dans sacommune, sous peine d’être mis au ban. Enrevanche, et c’est là que l’on retrouvel’autonomie communale pour le pire, lesmaires gardent la main sur le peuplement.C’est une logique où l’on neutralise d’un côtéce que l’on a concédé de l’autre. C'est-à-direque l’on construit bien du logement social,mais pas dans une logiqued’intercommunalité. Les élus de communesrésidentielles disent le faire parce qu’ils ont

constaté qu’il y avait des pauvres dans leurcommune. Et les ménages venant decommunes où le taux de logements sociauxest déjà important et qui sont en déficit deconstruction ne seront pas prioritaires et n’ytrouveront pas de logement. C’est ce quel’on observe statistiquement en termes deflux. Aujourd'hui, le consensus et le droit deveto des maires sur certains aspects fontpeser une hypothèque sur la question dupeuplement au niveau intercommunal. Ils’agit pourtant de l’une des seules causes del’intercommunalité susceptibles de modifierla donne de manière durable en matière deségrégation.

� OLIVIER BOURREAU,Responsable de la direction des politiques de citoyenneté, del’éducation et des loisirs, ville, communauté de communes et syndicatmixte de la restauration de la régionde Sablé-sur-Sarthe

Je suis fonctionnaire territorial et je travaillepour ces trois entités. Je suis plutôt d’accordavec votre propos, mais je ne le considèrepas de la même façon. Selon moi,aujourd’hui, l’intercommunalité est un outil ;ce n’est qu’au sein de l’intercommunalitéqu’il peut y avoir consensus, parce qu’ellen’est qu’un outil, dont il faut définir commentil fonctionne, etc. Depuis 1792, on sedemande s’il faut inventer une collectivité quiait un sens politique ; dans ce cas, ce n’estplus un outil. Si les élus ne partagent pasdes objectifs sur un territoire, à travers uneliste ou par un autre mode de scrutin, ce sontdes élus communaux que l’on amène à unétablissement public. Tant qu’il n’y aura pasla possibilité de faire un choix politique surun territoire donné, au sein d’une vraieentité, le problème existera toujours. C’estl’éternel lien entre population, territoire,pouvoir. En tout cas, le consensus estnormal.

Notre PLH est un contre-exemple etfonctionne très bien. Il y a une répartition parconsensus dans les seize communes. Tantque les élus locaux représenteront une fortepopulation au niveau national dans nosinstances, on sera toujours confronté au

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problème du logement social. Quel pouvoirdonner aux élus locaux ? Chacun a sesidées sur la question, mais le problème cléest celui du choix politique, au départ.

Du fait que tout est cloisonné, je croisfortement aux communes nouvelles, commej’ai cru aux communautés urbaines. EnFrance, il faut d’abord montrer l’exemple.Ensuite, on s’y raccroche. Il y a unecommune nouvelle qui doit se créer enrégion parisienne. Si cela fonctionne,l’exemple fera peut-être des petits.

� FABIEN DESAGEVous dites, à propos du mode de scrutin,que si les élus étaient choisis directement,cela créerait une entité. Je suis d’accordavec vous, mais c’est utopique. Il n’y aurapas d’élection au suffrage universel : les élusn’en veulent pas. On pourrait faire lachronique des amendements parlementairesproposés par des élus, qui sont souventminoritaires – comme par hasard – ou quisont plutôt des adjoints, qui déposent, soitpar cavalier, soit lors de l’examen d’une loi,un amendement visant l’élection au suffrageuniversel direct des conseillers ; ils ne sontjamais adoptés. Nous sommes dans unelogique circulaire. Cette réforme ne serajamais adoptée si l’on ne modifie pas lestatut des élus nationaux. Ce n’est pas laquestion du suffrage qui est la clé centrale,mais celle du cumul des mandats, qui faitqu’aujourd’hui, l’élection au suffrageuniversel des conseillers communautairesest impossible, même si elle commence àposer des problèmes de constitutionnalité auvu des compétences et de l’impôt que lèventces structures.

� OLIVIER BOURREAUPlutôt que de vouloir tout changer d’un seulcoup – ce que l’on n’a pas réussi à fairedepuis trois siècles –, il vaudrait mieuxconstruire tout doucement, pierre par pierre.C’est ce que je crois voir depuis les années1990. Le fléchage est peut-être l’une de cespierres. Je suis intervenant au CNFPT. Celafait vingt ans que je prône une organisationde type Paris-Lyon-Marseille au niveau local.Pour la première fois, aujourd'hui, une loi va

dans ce sens. Ce serait formidable s’il y avaitun choix territorial tout de suite. Il s’agit devie en société, dans des bassins de vie. Onsait très bien que les pays sont rarementefficaces. La construction brique par briqueest peut-être la solution par laquelle il fautpasser.

� JEAN MALAPERT,Président de la communauté de communes du Coglais

Les situations sont très différentes d’unterritoire à l’autre. Aujourd'hui, la «grenellisation » arrive sur le terrain. Dansnotre intercommunalité, nous travaillons surun plan local d'urbanisme intercommunal,avec les démarches de PLH, de plan dedéplacements urbains, de trame verte etbleue qui l’accompagnent. Nous avançons.

Je suis membre de l’AMF et de l’AdCF. Jetrouve la perspective des communesnouvelles intéressante. Demain, nousmanquerons d’élus dans nos communesrurales comme nous manquons demédecins aujourd'hui. Ces élus ne peuventpas se réunir en journée parce qu’ilstravaillent et si les réunions ont lieu le soir,les techniciens ne peuvent y assister parcequ’ils doivent respecter un délai avant dereprendre le travail le lendemain.

Tout cela va évoluer. J’ai trouvé votrediscours pessimiste et je rejoins l’idée quel’édifice se construit. Il ne faut pas oublierque notre logique est celle d’une politique deprojets et non de démarches.

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LA CONTRAINTE FINANCIÈRE, MOTEUR DES FUTURES ÉVOLUTIONSDE L’INTERCOMMUNALITÉ ?

� VICTOR CHOMENTOWSKI, Consultant, chargé de cours en finances locales, université de Paris 1, Sorbonne

Je ne sais pas pourquoi l’on dit que l’argent est le nerf de la guerre ; il en est plutôt le carburant. Quant à la contrainte financière, elle sera le moteur des futures évolutions. C’est ceque je vais essayer d’évoquer

J’ai découpé ma présentation en quatre parties : − par le passé, à quoi avons-nous assisté, dans le contexte global des finances et de la fiscalité locales ? − quelle incidence cela a-t-il pu avoir sur le développement de l’intercommunalité ? − en quoi est-ce porteur d’indications pour l’avenir du contexte financier des collectivités ?− et particulièrement dans les intercommunalités ?

Je commencerai par un retour sur les trente dernières années. Nous avons évoqué les « trenteglorieuses » de la décentralisation et des collectivités locales. On peut même parler desquarante ou cinquante dernières années, selon la date où l’on place le curseur : en 1959, avecles ordonnances du début de la Ve République, ou bien en 1974, avec le premier effet importantsur la fiscalité locale, à savoir la nouvelle taxe d’habitation et la rénovation de taxe foncière de1974…J’ai participé à ce mouvement « pour le meilleur et pour le pire ». À la différence de FabienDesage, je suis en quelque sorte à la fois entomologiste et insecte : je regarde ce que font lesinsectes et j’essaie de comprendre leur comportement. Il se trouve que j’ai aussi été insecte ;j’ai donc pu avoir une influence, de temps en temps, sur l’évolution de certaines lois, j’ai puformuler des appréciations ou conseiller certains d’entre vous.

Au départ, il y avait une fiscalité complètement assoupie, figée : c’était le système de1789-1790, à peine amélioré par la suppression de l’impôt sur les portes et fenêtres, à la fin duXIXe siècle. Au contraire, on a assisté depuis 1974 à une rénovation de la fiscalité associée àune redistribution croissante du budget de l’État, avec une volonté de péréquation. Je faisquatre constats à propos de la fiscalité. Lorsque l’on étudie une période assez longue commecelle-ci, la révision des valeurs locatives – dite de 1970 mais mise en place en 1974 – a été uneformidable rénovation. Mais ce qui fut neuf est devenu vieux. Aujourd’hui, l’on ne parvient mêmepas à faire évoluer les valeurs locatives et à modifier la fiscalité sur les ménages. On peut fairele même commentaire à propos de la taxe professionnelle : elle a été créée en 1975 ; c’étaitune innovation « sensationnelle » par rapport à la patente, pour ceux qui l’ont connue. Mais laTP vient d’être supprimée. Je brosse donc un paysage qui est né au début des années 1970et qui est déjà caduc, aujourd'hui.

Le plus étrange, au cours de cette période, est le fait que dans le domaine fiscal, on s’est deplus en plus détaché des réalités et essentiellement des réalités économiques : on s’est détaché des loyers en ce qui concerne les valeurs locatives, on s’est détaché des élémentsconstitutifs des capacités contributives des entreprises et notamment, de leur valeur ajoutée.L’histoire des faits économiques nous apprend que si l’on ne prend pas de décisions pendanttrès longtemps lorsque la situation réelle évolue, le jour où l’on doit faire la réforme, la marcheà franchir est haute et souvent douloureuse. C’est ce que nous sommes en train de vivre avecla taxe professionnelle – je ne sais pas ce qu’il en sera pour les valeurs locatives, mais je donnerai quelques indications.

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Pour remédier à l’ineptie des impôts locaux, qui ne fonctionnaient plus et étaient devenus injustes, tout un système de dégrèvement et d’exonération a été mis en place. C’est finalementle contribuable national, par l’intermédiaire de l’État, qui a dû pallier le contribuable local. Cesont des emplâtres sur une jambe de bois, mais qui ont aggravé les situations de distorsion quipouvaient exister en matière de fiscalité.

Pour les transferts budgétaires de l’État, le système de la taxe locale a été remplacé par laDGF et les dispositifs que vous connaissez. La taxe locale, recette liée à l’appareil commercialdes années 60, très inégalement réparti sur le territoire, a été remplacée peu à peu par des mesures un peu égalitaristes sur la base de la population, ou de péréquation des ressourcesen fonction du potentiel fiscal, ou encore, de compensations pour les Régions et départementsbasées sur des indicateurs de dépenses.

Une partie des transferts liés à la compensation des dépenses résultant notamment de la décentralisation des années 1980, et qui continuent aujourd'hui encore, est plus ou moins fondée sur l’idée du remplacement à l’euro près de la dépense transférée. Petit à petit, ces dotations de compensation finissent elles-mêmes par devenir des dotations de péréquationparce qu’au bout d’un certain temps, on finit par oublier quel était le point de départ de l’existence de la compensation.

Le système est dit de plus en plus complexe et illisible – j’y ai participé pour partie et en suisdonc responsable –, mais surtout, il n’est pas sûr qu’il soit efficace par rapport aux objectifs recherchés, du fait des arbitrages, des consensus, des négociations contradictoires engagéespar des groupes de pression, des associations d’élus ou simplement, des collectivités particulières.Compte tenu du fait que les marges de manœuvre disparaissent, on a progressivement substitué à des systèmes de péréquation internes aux transferts de l’État – par exemple, la dotation de solidarité urbaine – des systèmes de péréquation externes. On va chercher l’argentlà où il y en a encore, dans les collectivités elles-mêmes, pour le redistribuer. Parfois, il s’agitde systèmes de péréquation occultes, opaques, semi internes, par exemple par le blocage degaranties. La dotation forfaitaire des communes a été garantie à peine deux ans; c’est le lapsde temps le plus court que j’aie pu observer dans les garanties « éternelles » qui sont donnéespar le législateur.

S’agissant des transferts, pendant ces quarante dernières années, on peut dire que dans le domaine des collectivités locales, il y a eu un décalage entre le contexte économique dans lequel les réformes sont pensées et le contexte dans lequel on tente de les réaliser. C’est undécalage de dix à vingt ans, le temps de se mettre d’accord pour instaurer un certain nombrede systèmes, puisque l’on raisonne sur le système qui prévalait auparavant. Les chocspétroliers qui ont bouleversé et stoppé les « trente glorieuses » lors des années 1970 n’ontpas été pris en compte dans les systèmes mis en place par la suite. On retrouve ce décalagede dix à vingt ans dans la construction de l’intercommunalité, prévue à une certaine périodemais qui traîne en longueur et qui dérive. On fait le même constat pour les valeurs locatives.

Je qualifie la plupart des réformes d’« idéologiques » et de « téléologiques ». Idéologiques,parce qu’elles partent d’idées dont on estime a priori qu’elles sont bonnes ; téléologiques, ausens où l’on pense qu’elles vont atteindre un objectif. Malheureusement, il n’y a pratiquementaucune évaluation pour vérifier si les idées que l’on avait a priori, par exemple sur lesrépartitions financières, ont atteint leurs objectifs et à quelle vitesse.

La plupart des modalités utilisées ne s’inspirent pas de la théorie économique, ni même d’observations statistiques. Aujourd'hui, on commence seulement à les prendre en compte. Laréforme de la dotation globale de fonctionnement de 1985 avait des objectifs louables ; onchangeait complètement le système. Mais en même temps, en garantissant une progression

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à toutes les collectivités, le système a été bloqué en trois ans. Il semble que la capacitéprévisionnelle des parlementaires – ce qui est normal – et des techniciens – ce qui l’est un peumoins – ait été particulièrement mauvaise, puisque l’on n’avait pas prévu le blocage.Je parle de la faiblesse de la réflexion en théorie économique et je prendrais en exemple unouvrage excellent, qui est malheureusement épuisé. Il s’agit de L’Économie publique locale, dePierre-Henri Derycke et Guy Gilbert. Sa bibliographie ne comporte aucun ouvrage antérieur à1982 et, entre 1982 et 1987, presque tous les ouvrages étaient des traductions de livresanglo-saxons. Cela montre qu’en France, au niveau théorique, il y avait très peu de recherches,de réflexions, et cela peut expliquer pourquoi les systèmes financiers mis en place nes’appuyaient sur aucune théorie.

D’autre part, il y a un travers que je qualifie de « franco-hexagonal » : on ne regarde querarement ce qui se passe à l’extérieur, tant on est persuadé d’avoir le meilleur système – et àcet égard, j’ai été heureusement surpris de voir l’inscription sur le fronton de l’hôtel de villebelge de la photo présentée précédemment. En tout cas, en France, c’est bien pour cela qu’onle réforme tout le temps : c’est tellement bon que l’on ne peut pas s’en passer… ! J’ai eu lachance de travailler dans près de 20 pays et j’ai pu voir qu’ailleurs, on pouvait avoir des visions totalement différentes. Je vous cite l’un des exemples les plus étonnants que j’ai pu percevoir– je ne sais pas si c’est encore le cas aujourd’hui –, vers 1993, en Hongrie : il était interditd’avoir un mandat local et d’être représentant national. Un député ne pouvait pas avoir de mandat local, parce qu’il ne devait pas être influencé par le terrain ; bien sûr, il était tout demême élu sur un territoire. Mais l’élément intéressant, c’est que c’est ainsi que l’on présentaitla chose : il fallait une étanchéité totale entre le niveau national et le niveau local.

Je passerai rapidement sur la décentralisation, qui n’est pas vraiment l’objet de mon propos.De mon point de vue de financier, de celui qui s’intéresse au vote du budget, ce qui me semble le plus important, c’est la disparition de la tutelle. Je travaille dans des pays où il existeencore une tutelle a priori, et je vois toute la différence qu’il peut y avoir lorsque les actes financiers ne sont soumis qu’à une tutelle a posteriori : cela accélère considérablement le processus de décision. Les documents budgétaires sont rarement re-toqués. D’abord, parcequ’ils sont bien élaborés et souvent, parce qu’il y a des contraintes préalables.La globalisation des financements est une particularité française. Les financiers (les banquespar exemple) n’aiment pas la globalisation. Ils préfèrent qu’il y ait un rapport entre l’objetfinancé, sa durée de vie, son système économique et le mode de financement. La globalisationa atteint son niveau complet vers 1983-1984, avec la dotation globale d’équipement. Laglobalisation a complètement bouleversé le système de financement des investissements et asimplifié la programmation, au risque de faire perdre tous les garde-fous de l’évaluation de laqualité, de la rentabilité économique et de l’utilisation des équipements. Là encore, j’ai étésurpris de voir, par rapport à d’autres pays et à d’autres cas de figure, que l’on ne faisaitpratiquement presque jamais d’études économiques sur les équipements en France.

Quant au transfert de compétences, il concerne surtout les départements et les Régions et jene m’attarderai pas sur la question.Comme Fabien Desage, je pense que la décentralisation n’a pas forcément aidél’intercommunalité car elle a peut être trop renforcé le pouvoir des maires. Surl’intercommunalité, je n’ai que quelques éléments à ajouter. D’abord, je serai un peu moinspessimiste que lui, tout en étant très réservé : finalement, il y a « un sens de l’histoire »…, enmatière d’intercommunalité en tout cas. S’il n’y avait pas eu une pulsion, une pression, unprogramme, une prévision, un chemin, je ne sais pas là où l’on en serait aujourd’hui. Ce chemin,à mon sens, débute avec le rapport d’Olivier Guichard, ne serait-ce que pour une question determinologie : il parlait de « communautés de communes » et de « communautés de ville ». Ila fallu attendre quinze ans pour que ces mots deviennent des réalités avec la loi ATR. Mais pourles petites fourmis que nous sommes, quinze ans, ce n’est pas long. On peut reprocher àl’intercommunalité d’aller lentement, mais le chemin est toujours tracé. Il y a parfois des

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bifurcations, certes, mais je n’entrerai pas dans le débat de l’élection au suffrage universel duprésident – à laquelle nous finirons cependant par arriver. Je ne sais ni quand, ni comment,mais nous y arriverons.J’ai donné quatre objectifs à évaluer – ce qui est très simplificateur, bien sûr – à partir desquelson peut se poser la question du chemin parcouru en matière d’intercommunalité. L’un desobjectifs consistait à réduire le nombre de collectivités. Dans les années 1970, la plupart despays européens réduisaient de façon autoritaire le nombre de collectivités – en Allemagne,avec les Kreis, et en Belgique aussi, je crois, on a divisé par dix le nombre de communes. LaGrèce et la France sont les deux seuls pays qui ont échappé ou résisté à ce processus. Ce n’estpas par hasard que je parle de la Grèce : c’est le deuxième pays en Europe pour le nombre decommunes par habitants. Le troisième ou le quatrième est la Pologne, mais elle n’en a que 3 000. S’agissant de cet objectif de réduction des collectivités et donc, des communes, on viseaujourd'hui à passer de 36 500 communes à 3 000 entités – que je ne sais comment nommer :collectivités, intercommunalités… – qui représenteraient l’ensemble du territoire. Nous ensommes à 2 500. En termes d’objectif quantitatif, nous sommes donc assez proches du résultat.

Je rappelle que les premières communautés urbaines étaient des intercommunalités dedépenses : il s’agissait de mettre des dépenses en commun. C’est la loi ATR qui a changé laperspective en mettant en place une intercommunalité de projets. Les « villes nouvelles »,intercommunalité de projets, ont été un épisode charnière et souvent un laboratoire d‘idéesrepris partiellement par d’autres, et parfois d’ailleurs de façon incomprise. Il y avait l’idéed’adapter de nouvelles collectivités locales à des territoires pertinents, à des bassins d’emploi,et de ne pas se contenter de l’héritage du découpage paroissial de 1789, d’autant plus qu’endeux siècles, le pays avait changé.Autre objectif : avec la loi Villes nouvelles, puis la loi ATR de 1992 et, par la suite, la loiChevènement, l’intercommunalité a été utilisée pour réduire les écarts de ressources entrecollectivités, en mettant la taxe professionnelle en commun, puisqu’elle était la ressource laplus discriminante entre les collectivités locales. Il s’agissait aussi de faire converger les taux.En effet, pour les contribuables, il était difficilement supportable qu’en passant d’un trottoir àl’autre, d’une commune à l’autre, on puisse, pour des logements de même catégorie, subir despressions fiscales totalement différentes.

Une partie du chemin a été faite et le processus est encore en cours. La loi créant le district,premier pas de l’intercommunalité « moderne », a été votée en 1959. En tant qu’observateuret acteur, je trouve que cinquante ans, c’est très long ; c’est la contrepartie des compromis, desdiscussions, des consensus. Par ailleurs, bien que j’aie été un fanatique de l’utilisation de laDGF pour inciter à la création des intercommunalités, je trouve que le processus est trèscoûteux. Cette année, les dotations d’intercommunalité s’élèvent 2,6 Md€. Cela fait longtempsque cela dure et de grosses sommes ont été injectées. Pour le contribuable national, financerà fonds perdus des intercommunalités qui n’ont pas de projet n’est pas très agréable. Maispour ceux qui créent une collectivité, recevoir un « pactole » est très agréable. C’est pourquoije dis que je suis à la fois entomologiste et insecte : j’ai conseillé des collectivités et les ai aidéesà obtenir des dotations globales de fonctionnement élevées. Et même des ensembles decollectivités, puisque j’ai été à la base de la DGF des villes nouvelles, à une époque où l’onpensait qu’elles ne pouvaient pas en avoir.

Mais il y a une différence : pour les intercommunalités créées récemment, ce sont des millionsqui arrivent soudain alors que les collectivités ne sont pas prêtes et n’ont aucun projet. Je n’aivu cela dans aucun des pays dans lesquels j’ai travaillé. On a l’air d’oublier que l’argent est rare,que c’est une matière qu’il faut manier avec précaution et parcimonie. Il ne vient pas degénération spontanée, mais du budget de l’État et des transferts, qui se sont multipliés. Entermes de pourcentage, ce n’est pas énorme : la part du budget de l’État qui est dédiée auxcollectivités locales est passée de 12 % à 17 %, tout confondu, y compris les compensations.C’est tout de même important, mais les collectivités ne s’en satisfont pas. Par ailleurs, la dette

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de l’État a augmenté de 60 % entre 1980 et 2010 et surtout, elle représente cinq fois les recettesannuelles de l’État, alors que la dette des collectivités locales ne représente qu’une année deleurs ressources.

Les collectivités sont astreintes à la règle d’or par l’obligation de l’équilibre budgétaire. L’Étatn’y est pas astreint pour le moment, mais il ne résiste pas à la tentation de dépenser plus ; latentation du déséquilibre. Au regard des résultats des dernières années, le solde général del’État est passé de 55 Md€ de déficit en 2004 à 92 Md€ en 2011 – il s’agit de donnéesprévisionnelles : je m’appuie sur la loi de finances. L’année 2010 a été exceptionnelle, avec unsolde négatif de 152 Md€ lié à la réforme de la taxe professionnelle, qui, en principe, a étépartiellement rattrapé ensuite. Dans le même temps, les collectivités locales ont vu leur épargneprogresser de 26 Md€ en 2004 à près de 40 Md€ en 2011.

Ce tableau du budget de l’État et des collectivités locales inspire une première remarque : letotal État et collectivités locales est à peu près constant, à près de 24 % du produit intérieur brut.La « sphère locale », hors hôpitaux et sécurité sociale, reste donc à une proportion à peu prèsconstante. C’est la répartition entre l’État et les collectivités locales qui change : là où l’Étatreprésentait 17 %, en 2004, il ne représente plus que 14 %, alors que les collectivités, avec lanouvelle vague de décentralisation, passent de 8 à 10 %. Les variations ne sont pas très fortesd’une année à l’autre, mais c’est un mouvement continu. Le déficit de l’État a donc doublétandis que la part des collectivités locales a augmenté.

Certes, si l’État a connu des déficits budgétaires d’environ 15 à 17 % par an, c’est parce qu’enmême temps, il a financé les transferts vers les collectivités locales et payé ses fonctionnairespar la dette. Vos traitements ont été financés à 15 % au moins par de la dette.L’idée d’opposer la dette des collectivités locales à celle de l’État est une vision tout à faitconstitutionnelle et repose sur le principe d’autonomie des collectivités locales. Mais elle n’estpas très réaliste du point de vue de la provenance des financements. État et collectivités localessont dans le même bateau. On peut critiquer les agences de notation mais lorsque la Franceperd un A, la ville de Paris en perd un également, alors qu’elle n’a absolument rien fait et querien n’a changé. Heureusement, cela ne se traduit pas par des conditions financièresdifférentes. Mais il faut savoir que les situations sont très proches.

Compte tenu de ce panorama, j’ai identifié quelques éléments qui pourraient brosser le contextefinancier de l’avenir et je propose trois scénarios. Le premier est extrêmement court. Il m’estinspiré par l’économiste libéral Paul Leroy-Beaulieu, qui travaillait vers la fin du XIXe siècle. Cescénario s’appelle « le pire n’est pas sûr, mais il est possible ». Leroy-Beaulieu avait écrit dansun article retentissant, au début de la guerre de 1914, que compte tenu du coût de la guerre,les États belligérants ne pourraient la financer que pendant un mois, sinon, ils iraient à la faillite.Il a eu à la fois raison et tort. Il a eu raison parce que les pays sont arrivés à la faillite ; il a eutort parce que cela n’a pas duré un mois, mais quatre ans, avec des millions de morts. Il fautdonc se méfier des impossibilités économiques : tout est possible et le coût n’est pas toujoursfinancier.

Je propose donc deux autres scénarios qui postulent que ce n’est pas tout à fait impossible.J’ai appelé le premier « la continuité et la recherche de paix sociale », en ajoutant : « souscontrainte, car le marché n’oublie jamais ». Il ne faut pas trop s’écarter de la situation et desrevendications du marché. Je ne parle pas uniquement des agences de notation, mais aussides créanciers : l’Argentine, qui est dans une meilleure situation financière qu’il y a dix ans, n’esttoujours pas éligible aux financements internationaux parce qu’elle n’a pas remboursé sa dettede l’époque ; l’avenir de la Grèce est inquiétant ; quant à l’URSS, redevenue Russie en 1991,il a fallu qu’elle rembourse partiellement les emprunts russes de 1914 pour être de nouveauéligible au niveau international. Le marché n’oublie jamais. D’une façon ou d’une autre, un Étatqui n’a pas remboursé sa dette aura toujours des difficultés pour se financer par la suite. Cette

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contrainte n’empêche pas une recherche de continuité et de paix sociale. On peut imaginer que l’enveloppe des concours de l’État stagne mais qu’elle ne baisse pas etreste à un niveau constant. Il y aura plus de péréquation, probablement par des fonds commele FPIC. Pour les intercommunalités, cela pose énormément de problèmes, puisqu’il peut yavoir des communes pauvres dans une intercommunalité riche ou l’inverse. D’où des difficultésde répartition qui ne sont pas réglées partout. Autre recours possible, le FNGIR, qui est unegarantie éternelle. Mais l’éternité n’est pas très longue en matière de finances locales. Ladernière garantie de la DGF avait duré deux ans. La garantie individuelle de ressources dureraentre cinq et dix ans, en étant optimiste. Par ailleurs, une éventuelle dotation globale defonctionnement d’agglomération pourrait aller de pair avec le FPIC.

Autre élément de contexte : le fait que le coût des compétences transférées au niveau régionalet départemental soit lié à une fiscalité beaucoup plus rigide qu’auparavant va gêner de plusen plus les Régions et les départements dans leurs apports de financements aux communeset intercommunalités, qui étaient significatifs pour les investissements du bloc communal. Jene crois pas beaucoup à une nouvelle fiscalité régionale et départementale, même si elledemandée. Si elle était créée, il est probable que son rendement serait relativement faible,puisque l’on s’attend à une fiscalité accrue au niveau national et donc, à une concurrence defiscalités, peut-être au détriment des collectivités territoriales. On parle aussi d’une modulationdu taux de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. J’y crois peu, mais on pourraitimaginer qu’elle puisse exister. En tout cas, il me semble que la probabilité est faible.

La révision des valeurs locatives est une autre piste. Pour les valeurs locatives professionnelles,le travail est engagé. Mais les situations sont compliquées entre le foncier bâti des entreprisesindustrielles et le foncier bâti des commerces. Face à la difficulté de faire une réforme qui nechange rien – c’est une spécialité française : on peut tout changer, à condition que le taux nechange pas et que le produit reste le même… –, l’une des solutions serait d’instaurer unecinquième taxe, une taxe foncière sur le foncier bâti mais qui serait purement économique etdétachée de l’impôt sur les ménages, sous peine de multiplier les difficultés. Cela a été évoquéplusieurs fois et il est possible que cela se fera.

Concernant la révision des valeurs locatives pour les ménages, je suis complètementpessimiste : on n’a pas réussi à la faire pendant deux siècles, entre 1789 et 1974, et on n’a pasréussi changer les bases entre 1974 et 2012. Les perspectives ne me paraissent pas trèsfavorables pour l’avenir. Mais est-ce que cela gêne tellement ? En matière de fiscalité sur lesménages, il suffit d’adapter les taux, de les modifier à un niveau local et surtout de délier lapartie taxe d’habitation de la partie taxe foncière, puisqu’elles ont les mêmes bases. Finalement,ce que j’imagine, pour la recherche de la continuité sous contrainte et de la paix sociale, c’estla création d’une taxe d’habitation qui dépendra encore plus fortement du revenu, qui est déjàtrès largement pris en compte aujourd’hui.

Du côté des dépenses, ce scénario ne prévoit pas de changement, ou très peu, pour la fonctionpublique territoriale, hormis une application plus stricte de la spécialisation des compétences,éventuellement – ce n’est pas une certitude. Mais il y a un point d’interrogation sur lefinancement des investissements. Aujourd'hui, vous vous heurtez à la déconfiture de Dexia età la situation difficile de certains établissements financiers – réelle ou prétextée – pour trouverdes financements adaptés aux collectivités locales. Il faut dire que trouver des financements àlong terme dans un contexte économique et financier difficile au niveau international esttoujours assez délicat, et les accords de Bâle 3 n’incitent pas les banques à prendre desengagements à très long terme.

On peut imaginer un découplage du marché, en revenant plus ou moins – je ne sais pascomment ni à quelle vitesse – à la situation des années 1970, avec, d’une part, une Caisse desdépôts qui aurait des prêts privilégiés, des prêts aidés avec des conditions particulières et

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d’autre part, des conditions de marché bien plus drastiques pour certaines collectivités. Cela peut sembler peu enthousiasmant, mais c’est ce que j’ai appelé « continuité », sansruptures très fortes.

Quelles pourraient être des ruptures plus fortes ? C’est le troisième scénario : les transferts del’État ne stagnent pas, ils baissent. L’État ne garantit plus le FNGIR, ne garantit plus les autresgaranties. Il y a 36 façons de ne pas continuer avec les montants actuels.

Le premier objectif, qui n’est pas indiqué dans le premier scénario mais qui est parfois évoqué,est l’idée d’une décroissance des dépenses locales. De même que l’État essaie de baisserglobalement ses dépenses, il va inciter les collectivités locales à faire de même, sans les yobliger mais par divers moyens, à commencer par la diminution de leurs ressources. Dans lesannées 1970, la Caisse des dépôts a fait faire une étude pour savoir quel était l’élément majeurexplicatif du niveau des investissements dans les collectivités locales. L’étude a été confiée àun bureau très important qui, après des mois de recherches, a conclu que c’était l’argent queleur donnait la Caisse des dépôts elle-même qui permettait aux collectivités locales de financeret que moins elle en donnait, moins il y avait de financements et d’investissements, etinversement. Le serpent se mordait la queue. À l’époque, la Caisse était quasiment seule, etcela aurait été un moyen facile à actionner.

Pour atteindre l’objectif de diminuer les ressources des collectivités locales, l’État, dans cescénario, pourrait réduire ses concours. Les péréquations seraient accrues : moins on endonne, plus on essaie de cibler les collectivités qui ont des besoins plus importants. On pourraitmême aller jusqu’à une baisse ou une suppression partielle de la compensation de la taxeprofessionnelle sur la partie des salaires, à laquelle vous êtes tous attachés et qui est vitale pourles intercommunalités. La dotation de compensation de la taxe professionnelle qui a compenséla baisse de la taxe professionnelle de 1987 ne représente plus aujourd’hui que 10 % de lacompensation de l’époque. On peut donc imaginer qu’en vingt ans, la compensation de taxeprofessionnelle disparaisse de la même façon. Une opportunité serait peut-être de mener une réflexion d’avenir autour de la création d’uneDGF d’agglomération qui pourrait être obligatoire, dans un pacte financier dont certainséléments seraient définis par la loi, a minima, suivant le vieux principe que l’on n’oblige pas,mais qu’en l’absence de décision, certains dispositifs s’appliqueront. Cela peut s’envisageressentiellement parce qu’il y a une convergence des péréquations au niveau des territoiresintercommunaux – mais cela pourrait concerner d’autres territoires – et qu’à un moment, ilfaudra bien faire le ménage entre les systèmes de péréquation et les dotations au niveaucommunal et intercommunal.

Autre piste : la recherche d’une efficacité transferts / territoires, qui est l’un de mes hobbiesactuels. Le système de redistribution et de péréquation mis en place a privilégié l’idée del’égalité, notamment de l’égalité de ressources par habitant, sans que l’on se demande si lesterritoires avaient les mêmes besoins. Cette fois-ci, je me place du côté des territoires. Certainspeuvent avoir des problèmes d’accès aux services publics ou d’enclavement. Cela ne se jouepas « à la tête de pipe », pour reprendre l‘expression d’un conventionnel de 1789 à propos dela contribution mobilière. Il disait que le logement serait un meilleur indicateur du revenu despersonnes que la capitation, parce que la tête d’un individu n’indique pas quels sont ses besoinsni ses revenus… Nous sommes dans une situation étrange où l’un des principes au fronton denos hôtels de ville est l’égalité, et l’égalité pour tout le monde. Mais tout le monde n’est pas aubord de la mer, tout le monde n’est pas à la montagne. Nous pourrions peut-être réfléchirautrement. Il est intéressant de voir que les derniers travaux de la DATAR s’intéressent à lasituation des territoires et pas simplement à la somme des individus pris isolément.

Je crois très peu à un calcul des dotations de l’État en fonction des dépenses des collectivités.En France, nous ne savons pas faire cela, contrairement aux Anglais. De temps en temps,

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ceux-ci eux-mêmes abandonnent, puis recommencent. Cela repose sur un systèmeextrêmement complexe, coûteux, et je pense que l’on ne le fera pas.Je ne reviens pas sur les Régions et les départements : c’est la même chose. Je pense quedans un tel contexte de ruptures et de révisions déchirantes, il n’y aurait pas de nouvellesfiscalités départementales et régionales ni de modulations du taux de la cotisation sur la valeurajoutée des entreprises, ce qui d’ailleurs serait contradictoire avec l’idée même de cettenouvelle taxe.

S’agissant de la révision des valeurs locatives pour les ménages, on pourrait aller très loin avecl’idée que si l’on veut faire des révisions, la collectivité pourrait elle-même prendre la décision.Si c’est un problème de répartition pour ses propres contribuables, il suffit de faire une grilleparticulière commune par commune. C’est ce qui existait en Tunisie avec la « taxe locative ».Pourquoi pas en France ?On peut aussi envisager une modification de la fonction publique et peut-être, de la fonctionpublique territoriale. Je ne suis pas dans un lieu peu propice pour évoquer cela, mais en matièrede rupture, il faut tout envisager, sans forcément penser à une guerre de quatre ans.

Concernant les emprunts, on peut envisager un contingentement, que je n’ai pas cité mais qui,pour les investissements, serait globalement beaucoup plus fléché. Je comprends larevendication des collectivités locales de voir la TVA entièrement remboursée sur lesinvestissements. Rappelons-nous la création du Fonds d’équipement des collectivités locales,prévue par une loi votée en 1978 mais qui n’a jamais été appliquée. Nous sommes dans unsystème qui pousse à la dépense, et pas forcément à la dépense la plus judicieuse. S’il y amoins d’argent, peut-être serons-nous obligés de faire les choses différemment, avec unFCTVA fléché.Pour être réaliste et raisonnable, je croirais volontiers en un mélange des scénarios 2 et 3, enfaisant abstraction du scénario 1, le scénario catastrophe. Quelles conséquences peut-on tirer pour les intercommunalités ? Elles seront différentes selonleur position vis-à-vis du fonds national de garantie et la DCRTP, les deux garanties de la taxeprofessionnelle, qui était le cœur du financement des collectivités locales. Si le FNGIRreprésente 80 % de vos recettes et que l’on annonce qu’il aura tendance à baisser, votreenvironnement sera négatif ; si, au contraire, vous recevez un FNGIR faible, disons de moinsde 20 % des recettes, vous pouvez voir l’avenir d’une façon plus optimiste. Plus la rupture sera forte, dans le sens du scénario 3, plus il faudra des pactes financiers préciset éventuellement, contraignants, à l’intérieur des intercommunalités. Certes, la France a descapacités de résistance formidables aux contraintes extérieures. La crise de 1929 n’est arrivéeen France qu’en 1934. Mais la contrainte financière, à la fois parce que c’est une contrainteéconomique globale, une crise globale et une contrainte de l’État, va peut-être entamer un peul’art des compromis locaux anciens. Si, au niveau national, on ne peut plus se permettre de faireune péréquation supplémentaire à travers la DSU et que l’on est obligé de prendre directementsur les ressources des collectivités, il en sera de même dans des pactes financiers moins douxqu’autrefois.

Une autre piste est la révision plus ou moins drastique et volontaire des politiques publiqueslocales. Si je fais simplement une projection des dépenses actuelles à partir des compétencesque vous exercez et des services que vous vous proposez, je peux dire que vous allez « dansle mur ». Ma première étude, le scénario de l’inacceptable financier pour les départements,datait de 1990. Les départements n’allaient pas du tout « dans le mur ». Mais ensuite, on a « chargé la barque » avec divers transferts, dont le RSA. En fait, tous les scénarios sont bâtispour qu’ils ne se produisent pas, ou pas tels quels. On lit dans la presse des informations surdes révisions globales de systèmes de chauffage dans les écoles, par exemple à Paris ouChambéry. Il y a là une vision très claire que la dépense publique ne peut plus être la même.Il y aura forcément des révisions et des modifications, même si on ne peut pas encore lesenvisager toutes.

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L’emprunt, lui, risque d’être contingenté, d’une manière ou d’une autre ; cela peut faire hurler.Mais la plupart du temps, le recours à l’emprunt répond à des investissements qui entraînentdes dépenses récurrentes. Dans un système de plus en plus contraint, on regardera de plusen plus près quelles sont les dépenses d’investissement qui auront des conséquences. Il nes’agit pas de rentabilité financière ; l’évaluation économique permet de connaître le bien etl’amélioration qu’apporte l’investissement à l’ensemble de la population. Une école a unerentabilité économique élevée, mais une rentabilité financière nulle. Je travaille sur plusieursprojets de financement de collectivités locales à travers le monde, en particulier avec la Banquemondiale. Nous sommes obligés de faire des évaluations économiques des investissements.Dans certains pays ou dans certains cas, cela peut paraître idiot. Mais cela oblige à réfléchir àl’opportunité de certains investissements.Je voudrais donner un coup de projecteur sur les problèmes entre territoire et habitants, suiteà une étude que j’ai faite récemment. Le graphique présente une situation sur trois indicateurs,dans douze agglomérations : la valeur ajoutée du territoire par habitant, c'est-à-dire le PIB parhabitant de ces collectivités, le revenu par habitant et le produit fiscal local par habitant. Auniveau moyen national, le PIB par habitant est de 30 000 €. En l’occurrence, l’échelle va de 10 000 à 50 000 €. Ce sont des collectivités assez riches, puisque l’une a une valeur ajoutéesupérieure à 50 000 €. Les revenus par habitant sont des revenus moyens et non des revenusmédians : ils n’expriment pas toutes les disparités de revenu qui existent à l’intérieur duterritoire. On remarque que les moyennes ne sont pas très différentes, ce que d’autres étudesont confirmé. On remarque aussi que la fiscalité locale par habitant, donc, la ressource de lacollectivité locale, n’est pas en relation avec la valeur ajoutée du territoire.On peut en déduire deux choses. D’abord, la fiscalité locale était déconnectée de la réalitééconomique, pour le meilleur et pour le pire. Certains territoires ont bénéficié de cette situation,d’autres en ont pâti. On oublie toujours que si l’on tarde à faire une réforme du fait de larésistance de ceux qui vont en pâtir, on tarde aussi pour ceux qui en bénéficieraient. Ensuite,il n’y a pas de relation directe entre la production, la valeur ajoutée et le revenu des habitants: les habitants peuvent vivre en dehors de l’agglomération. Il faudrait redéfinir les indicateursde ressources et de production pour les collectivités locales. Mon rôle de consultant m’amène à présenter une conclusion assez pratique : que faut-il faire ?En premier lieu, il faut travailler au niveau local. Je ne sais pas si le pacte financier doit êtreobligatoire ou défini a minima, s’il doit prendre en compte la DGF intercommunale, mais vousdevez réunir le maximum de données et d’informations, même si vous ne le mettez pas enplace immédiatement, pour pouvoir travailler dans ce domaine et envisager les opportunités etles risques.

Deuxièmement, lorsque c’est possible, il faut évaluer les politiques publiques qui ont desdépenses récurrentes et éventuellement, faire des choix. Dans l’ensemble des compétencesque vous exercez, il y a sans doute des domaines qui peuvent être interrogés.

Troisièmement, il faut programmer les équipements sur une base de rentabilité économique,au moins partiellement. Pour certains équipements, notamment en matière de transports, larentabilité économique est presque systématiquement étudiée, mais pour beaucoup d’autres,elle ne l’est pas. C’est extrêmement dommage et dommageable.

Au niveau national, il faudrait commencer par aller voir ce que font les autres. Nous avonstoujours tendance à nous dire que nous sommes les meilleurs, mais il faudrait étudier lespratiques de nos voisins ; pas forcément les systèmes mis en place, mais les critères retenus.Au niveau de l’Union européenne, par exemple, dans les fonds de cohésion qui seront instaurésdans le prochain programme, l’accès aux services publics, par exemple l’accès à la santé, serapris en compte. En France, je n’ai jamais vu ce critère dans le système de DGF ou ailleurs.Nous sommes entourés de systèmes de financement des collectivités locales oud’organisations, mais nous ne regardons pas ce qui se passe ailleurs. L’OCDE produit destravaux qui sont parfois très intéressants. Il serait utile de les étudier.

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Une autre piste consiste à proposer des objectifs quantifiés et un calendrier pour des domainesclés. Je parle essentiellement du bloc communal et je pense à quatre domaines en particulierqui pourrait faire l’objet de réflexion :− assurer l’égalité d’un accès minimal à des services de base. Il faut définir le minimal entenant compte des tailles des collectivités et de la densité de la population ; − définir un socle minimum de ressources pour les collectivités ;− favoriser l’économie productive. Vous connaissez les théories sur l’économie résidentielle.Je suis un homme du XXe siècle et à l’époque, nous étions encore très productivistes. On peutfaire de la redistribution – à condition qu’il y ait un résultat –, mais si l’on ne favorise que celle-ci,les producteurs eux-mêmes risquent de décider d’arrêter ;− réfléchir, au niveau national, sur la manière de flécher le financement des investissementspour économiser cette matière rare qu’est l’argent.

DE LA SALLEA-t-on une vision claire du bilan de la suppression de la taxe professionnelle et de ses effets ?Par ailleurs, le FPIC entré en vigueur avec la loi de finances 2012 suffira-t-il à compenser lesinégalités territoriales ?

� VICTOR CHOMENTOWSKILe coût de la suppression de la taxe professionnelle est évalué à 6 ou 7 M€. C’est un cadeauaux entreprises. Était-il nécessaire ? Pas forcément ; ou partiellement. 3 Md€ auraient peut-êtresuffi. Le principe de la réforme était qu’un minimum d’entreprises pâtissent du système.Actuellement, près de 40 000 établissements paient davantage qu’auparavant, sur 3 millionsde contribuables. C’est dérisoire. Parmi ces établissements, on cite les entreprises de travailtemporaire, les banques et les assurances – que je ne plains pas : ce sont des entreprises quiavaient largement bénéficié du système de la taxe professionnelle. C’est un impôt qui a opéréun coup de balancier des commerces vers l’industrie.

En 1972, la CIDUNATI (Confédération intersyndicale de défense et d’union nationale d'actiondes travailleurs indépendants), dirigée par Gérard Nicoud, brûlait les perceptions tant elle étaitremontée contre la patente. Cette situation a accéléré la réforme de la taxation desprofessionnels. Alors, on a déclenché un coup de balancier en allégeant la charge qui pesaitsur 2 000 000 petits contribuables à patente sur les 2 500 000 de l’époque pour la reporter sur 500 000 industriels et PME. Aujourd’hui, le mouvement est inverse, mais le contexteéconomique est très différent. Ce sont quelques gros établissements de services (banques etassurances) qui sont visés. Mais on aurait pu supprimer la taxe professionnelle sans forcémentdécider qu’aussi peu d’entreprises pâtissent du système.S’agissant du résultat, nous sommes aujourd'hui dans la marche haute. On a beaucoup tardéà faire évoluer la fiscalité en fonction de la réalité économique du terrain. L’État payait entre 25et 35 % de la taxe professionnelle. Pour la collectivité qui touche cet argent, c’est très bien. Maisd’un point de vue économique, ce n’est pas sérieux. On ne peut pas continuer à déverser del’argent là où il n’y a pas de production. Je parle de la capacité contributive des entreprises, dupoint de vue du fiscaliste. Je ne pose pas la question de savoir si le territoire y avait droit ou sic’était juste. Globalement, la réforme me semble trop complexe, avec les IFER qui s’ajoutentà la cotisation foncière… Mais on s’oriente vers une plus grande réalité économique.

On a craint, et l’on craint toujours que la CVAE entraîne un enrichissement sans cause desterritoires qui ont beaucoup de valeur ajoutée. C’est le cas pour une partie de l’Île-de-France.Pendant les cinq ou dix premières années, cela n’aura pas d’effet puisque, avec la contrepartiedu FNGIR, les collectivités qui sont perdantes sont garanties et celles qui sont gagnantespaient. Dans un premier temps, il y aura donc une relative insensibilité. Mais c’esttendanciellement que cette question va se poser. En tant que Parisien, cela m’attriste peu maisen tant qu’économiste, je pense que c’est là où se trouvent les capacités productives qu’il fautessayer de trouver les contributions. Ensuite, on pourra faire de la péréquation. Il est absurde

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d’aller chercher de l’argent sur des territoires où il n’y en a pas : on est obligé de remplacer cettecapacité contributive par des transferts de l’État.

Le FPIC représente 125 M€ cette année et doit monter progressivement à 1 Md€ en six ans,ce qui, au regard du total des dotations d’intercommunalité (2,6 Md€), n’est pas négligeable.Est-ce que cela va résoudre les problèmes d’inégalité ? J’y réfléchis actuellement. La taxeprofessionnelle tant honnie, dont je disais moi-même qu’elle ne correspondait plus à la réalitééconomique, était le facteur le plus discriminant d’inégalité entre collectivités. On ne peutpourtant pas répartir une couche uniforme d’entreprises sur l’ensemble des 550 000 km² duterritoire. C’est impossible. Les entreprises s’implantent le long des voies ferrées, des voies detransport, des voies navigables, le long de la mer… Quel que soit le système, la répartition desentreprises et des capacités contributives sera inégalitaire.

Que faut-il rechercher ? Quel est le degré d’inégalité supportable ? Il faudrait une doctrine surcette question. J’ai émis l’hypothèse d’un socle de ressources, car la solution actuelle d’unestricte égalité est-elle juste ? Est-ce équitable ? Les besoins de toutes les collectivités sont-ilsles mêmes ? L’accès à des services publics minimaux en sera-t-il amélioré ? Je ne le sais pas.Y aura-t-il plus de kinésithérapeutes dans la Creuse si l’on modifie le système financier ? Il y apeut-être d’autres méthodes pour résoudre les inégalités territoriales.

Je considère le FPIC comme un levier très intéressant pour favoriser l’intercommunalité. Il vaobliger les collectivités, quel que soit le niveau, à établir un pacte financier, à réfléchir à lapertinence de leur périmètre – si l’on peut encore le changer… Je crois toujours que la solutionvient de l’extérieur des systèmes, jamais de l’intérieur. Ce ne sont donc pas lesintercommunalités elles-mêmes qui vont se décider à évoluer ; elles vont y être obligées.

Depuis vingt ans, je donne des cours de finances locales à des étudiants qui sont desgéographes ; ce ne sont pas des économistes et encore moins des financiers. Quand je leurparlais des agences de notation, ils en riaient et se demandaient quel rapport cela pouvait avoiravec leur discipline. Curieusement, cette année, ils ont trouvé qu’il y avait un rapport… Certes,les agences de notation sont critiquables et pas toujours transparentes. Mais elles donnentdes indications, comme les radars sur les autoroutes : quand le radar indique que vous rouliezà 180 km/h, vous dites qu’il était mal réglé, que vous n’étiez qu’à 160 km/h. Peut-être, mais ilfallait rouler à 130 km/h. Les agences de notation donnent des indications qui ne sont pas trèsprécises, mais alertent quand on va un peu trop loin.

Comment en est-on arrivé à cette situation de dette des États ? Elle est due au fait que l’argentn’était pas cher. Quand on peut emprunter à 1,5 % – ce qui était le cas de la France en 2011– alors que l’inflation est à 2 %, pourquoi s’embêter à créer des impôts ? Mais quand on vientvous taper sur les doigts en vous disant que ce n’est pas bien, il faut changer de logique. LeFPIC est un dispositif qui nécessitera de changer.

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TABLE RONDEVERS DE NOUVEAUX TERRITOIRES ?

� OLIVIER DEDIEU,Université de Montpellier

� FABIEN DESAGE,� CHRISTOPHE BERNARD,

ADCF� DOMINIQUE GARNIER,

DGS com. Com. Erdre et Gesvres / ADGCF� MAURICE FRANCOIS,

DGA Nantes Métropole� VICTOR CHOMENTOWSKI

� OLIVIER DEDIEUAutour de cette table ronde, Maurice François et Dominique Garnier vont réagir auxinterventions de Fabien Desage et Victor Chomentowski en témoignant de leurs réalitésprofessionnelles. Christophe Bernard apportera une vision institutionnelle et plus macro.

� MAURICE FRANÇOIS,DGA, Nantes Métropole

Je commence à faire figure d’ancien, puisque je suis « entré en intercommunalité » en 1983,à une époque où personne n’en parlait. C’était celle de Montargis, premier district créé enFrance, en application de l’ordonnance de janvier 1959. J’ai ainsi eu la chance de suivre lesdébats et les textes qui se sont succédé sur le sujet au long de ces années.

Commençons par définir de quoi l’on parle. Si l’on parle de la question de la réforme desstructures territoriales françaises, du nombre de niveaux et de nombre de collectivité et que l’onregarde l’intercommunalité à travers ce prisme, on ne peut qu’être critique sur le dispositif.Qu’est-ce que l’intercommunalité, en dehors des glissements sémantiques, si ce n’est que lepalliatif de la non-réforme des collectivités territoriales françaises ?

Fabien Desage a fait appel à un auteur italien. Je ferai appel à Francis Blanche, qui disait : « Il faut penser le changement et non changer le pansement ». Or, c’est ce que nous faisons :nous changeons le pansement parce que, comme pour tout soin palliatif, on améliore le confortdu malade. Mais cela ne le guérit pas. Au bout d’un certain temps, il s’habitue.

Alors, on change le pansement, le médicament. En l’espèce, le gouvernement propose unnouveau texte. Ce n’est que cela, l’intercommunalité : des tâtonnements successifs, quitournent autour d’une réforme que l’État français n’arrive pas à faire. Au fond, je suis à la foisd’accord avec ce qui a été dit en ouverture, mais aussi un peu critique. En effet, on ne peut pasjuger les structures intercommunales comme si c’étaient des collectivités territoriales commeles autres. Pour cela, il faut changer la loi.

Les textes qui concernent l’intercommunalité se suivent avec une certaine logique mais aussiparfois quelques contradictions. En effet, les lois de 1992 et 1999 reposaient sur le partage dela richesse provenant de la taxe professionnelle. Or, fonder les lois relatives à l’intercommunalitésur le partage de la TP, c’est oublier que cet « impôt imbécile », selon une expression célèbre,

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était déjà bien malade en 1999. Il ne restait plus qu’à délivrer l’acte de décès. C’est ce qui aété fait lors de la dernière réforme portant suppression de la TP.

On avait jusqu’à présent construit l’intercommunalité en l’accompagnant d’incitations financières– on n’attire pas les mouches avec du vinaigre… Or, la principale novation de la dernière loi dedécembre 2010 a été de mettre un terme à cette méthode, en rappelant, à juste titre, que lasolidarité fonctionnait dans les deux sens. C’est bien connu : quand on est riche, on n’a rien àpartager et quand on est pauvre, on trouve toujours quelque chose à partager. C’est ainsi qu’ilfaut voir l’intercommunalité, aujourd’hui. Si l’on se contente de promouvoir l’intercommunalitéau prétexte de faire des économies d’échelle ou pour récupérer de la ressource, ce n’est plusd’actualité. Nous devons désormais apprendre à faire des économies et à gérer les chosescorrectement, sans perdre le lien avec l’habitant, qui est un acteur de l’action publique et passeulement un bénéficiaire. Certes, il n’est pas appelé à voter pour désigner les éluscommunautaires, pour le moment, mais il vote tout de même pour des élus : les conseillerscommunautaires sont bien des élus.

Nous sommes devant une réalité, celle de la contrainte financière et fiscale. C’est le seulscénario qui va se développer. Il est illusoire de penser que demain, nous pourrons retrouverune situation plus favorable, du moins à court terme. Il va donc falloir désormais gérer la raretéet ne pas se contenter de le dire. Certes, la performance et l’efficience sont très utiles, maisinsuffisantes. Nous devons revenir à notre objet social, à nos finalités et ne nous intéresserqu’à ce que sont nos obligations. Depuis 1974 et les « trente glorieuses », le local a investi tousles champs de la collectivité, tous les champs du social. Ce n’est pas une critique, c’est un fait.Il fallait peut-être se substituer au retrait de plus en plus réel de l’État. Pourquoi, aujourd’hui,devons-nous revenir à nos finalités ? Parce que la demande sociale est illimitée, mais pas lesressources. Il nous faut désormais apprendre à répondre de façon prudente à la demande sociale ;les arbitrages seront sans doute douloureux. Les élus, et nous avec eux, allons devoirréapprendre à choisir, arbitrer, expliquer ; bref, faire de la politique pour ne pas n’être soumisqu’à « l’injonction managériale ».Je ne partage pas totalement les critiques qui ont été portées sur l’intercommunalité. Ellepermet de faire progresser l’action politique, au bon sens du terme. Elle permet de placer lesélus face à leurs responsabilités collectives et de partager les contraintes. À cet égard, le PLHest un bon exemple : on arrive à faire construire des logements sociaux dans des communesqui ne le feraient pas spontanément. C’est une prise de responsabilité collective et un partagedes nécessités. Certains PLH sont très volontaristes et conduisent à la construction delogements sociaux dans des communes où la loi ne l’exige pourtant pas.

Bien sûr, ce n’est pas parfait. Mais si l’on a en tête le mythe de la réforme territoriale, il va falloirattendre la prochaine révolution. En attendant, on peut faire fonctionner les intercommunalitésde façon sérieuse et efficace, en n’oubliant pas le citoyen, pour peu que les élus et lesfonctionnaires s’en donnent les moyens. La loi n’est qu’un garde-fou ; en conséquence,utilisons-là, avec ce qu’elle a d’imparfait, en faisant fonctionner nos institutions et nos services,avec comme seul objectif, l’intérêt général. Le législateur n’est pas seul responsable si cela nefonctionne pas toujours très bien. Il nous donne des outils ; à nous de savoir nous en servir.

� DOMINIQUE GARNIER,DGS, communauté de communes d'Erdre et Gesvres

Je vais rebondir sur les questions financières pour dire en quoi les deux interventions ont faitécho ou non à ce que je vis au jour, le jour. Je me retrouve beaucoup dans ce qui a été dit sur les enjeux de demain, qui sont même queceux d’aujourd’hui au sein de ma communauté, compte tenu de la raréfaction des ressources,

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qui, de toute façon va nous contraindre. Il faut en convaincre nos élus, parce qu’aujourd'hui, ilsse voilent la face, et il faut anticiper cette contrainte par la construction de notre pacte financieret fiscal. Cela fait écho à ce que nous essayons de mettre en place dans ma communauté decommunes. Il a beaucoup été question de DGF territorialisée. Le FPIC est une chance pourmettre le débat de la péréquation au niveau intercommunal, ce que nous n’avions jamais eul’occasion de faire. Il faut se saisir de cette opportunité pour répondre à ces enjeux.

Cette remarque m’amène à la notion de consensus et de débat politique au niveau de lacommunauté. Pour l’intercommunalité, même si vous avez porté des critiques à cet égard, larecherche de consensus peut être une chance pour arriver à finaliser ces questions de pactefinancier et fiscal. Mon point de vue ne rejoint pas le vôtre, parce que sur mon territoire, je nele vis pas de la même manière. La gestion du consensus peut être très mauvaise si l’on estdans une optique de consensus mou, un consensus qui ne fait pas avancer les choses. Maisun consensus qui fait avancer pas à pas et qui fait évoluer un certain nombre de pratiques estun bon consensus.

À une époque, certains élus ne voyaient que leurs propres intérêts et étaient renfermés sureux-mêmes. Mais aujourd'hui, un certain nombre d’évolutions intercommunales ont permis,par le consensus, de faire avancer les lignes de partage entre les différents interlocuteurs. Jeprendrai l’exemple de l’urbanisme et des schémas de secteur ; en l’occurrence, pour notreterritoire, du schéma de cohérence territoriale. Quand l’intercommunalité est née sur notreterritoire, les élus étaient très territorialisés par rapport à leur intérêt en matière d’urbanisme.Les maires étaient front debout devant toutes les normes que l’on pouvait imposer. Le travailde recherche de consensus accompli a ensuite permis de faire évoluer les lignes de partageet d’arriver à obtenir des compromis grâce auxquels on a pu élaborer un PLH, qui s’est traduitsur le terrain de manière opérationnelle par des constructions de logements sociaux, parexemple. Cela, c’est l’intercommunalité qui l’a apporté, et cela ne pouvait se faire que par lebiais du consensus. Si nous avions été dans le conflit, nous n’y serions pas parvenus. Parconséquent, je suis critique par rapport au consensus mou, mais je pense que le consensusqui permet à un territoire d’avancer est une richesse.

Fabien Desage relevait que les conflits étaient souvent absents des intercommunalités du faitde la confiscation du débat politique en leur sein. À mon sens, l’intercommunalité telle qu’on lavit peut aussi se faire le théâtre de débats politiques territoriaux. Je prends l’exemple de lamise en place de la redevance incitative sur le territoire, où l’on voit les lignes de partagepolitiques tomber complètement. Il y a dans mon intercommunalité des élus de gauche quidéfendent la recherche de justice sociale dans un tel dispositif contre des élus de gauche quirecherchent la défense environnementale et le principe du pollueur – payeur. Aujourd'hui, cen’est pas parce que l’on défend une ligne partisane que l’on avance sur de telles questions ;ces lignes de partage ont explosé sur un certain nombre de sujets. C’est aussi parce quel’intercommunalité, dans un certain nombre de politiques, commence à gérer des contacts avecl’usager. Nous ne connaissions pas cela par le passé, dans notre territoire. Cela amène ledébat. Par exemple, les usagers ont pris possession du débat sur la redevance incitative etmènent ce débat avec les élus.

� CHRISTOPHE BERNARD,Secrétaire général de l’AdCF

Je voudrais réagir à propos de la réforme du 16 décembre 2010 : on peut voir le verre à moitiévide ou à moitié plein. Je partage ce qui a été dit : il y a une pierre ajouter à l’édifice, et uncertain nombre d’éléments ont été cités qui ne sont pas sans incidence sur l’évolution del’intercommunalité. Les dispositions importantes ne sont pas différées sine die.

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Pour revenir à la question des vice-présidents, nous avons été porteurs d’un amendementvisant à décaler l’application de la loi – et non de la reporter sine die, comme cela a été dit –après les élections de 2014, pour une raison simple et pragmatique – certes, elle peut effrayerau regard de principes démocratiques à appliquer le plus rapidement possible. Il s’agissait dene pas bloquer les évolutions de périmètre à l’aune de problèmes de gouvernance qui peuventse poser. En tout état de cause, la ligne a été constante, du côté de l’AdCF, sur le fait d’arriverà un encadrement du nombre des vice-présidents. Nous étions même porteurs d’une solutiondifférente, à savoir l’application d’un pourcentage ou d’un nombre maximum plutôt quel’application des deux, qui va sans doute poser des difficultés dans un certain nombre de cas.

Pour revenir au scrutin fléché, il est pour nous un premier pas, mais il ne constitue pas unsuccès absolu et abouti dans le processus qui s’engage. Tout d’abord, parce qu’il y a un côtéassez mécanique, qui pose des problèmes, y compris pratiques. Dans la mesure où les têtesde liste seraient conseillers communautaires – et si c’est ce qui se dessine, le projet de loi n°61va devoir le détailler –, on risque de retrouver en première position des personnes désignéesqui seront à la fois accaparées sur la commune comme adjoint et prises dans un mandatcommunautaire de plus en plus lourd.

Je pourrais multiplier les remarques sur la présentation de Fabien Desage, mais je meconcentrerai sur quelques points. Il a été dit au sujet de la réforme que nous avions reculé surles compétences. Je n’en ai pas le sentiment. Je veux bien admettre que nous n’ayons pasprogressé sur la question. Je pense notamment à un amendement que nous avions rédigé surla définition de l’intérêt communautaire, qui repose sur le conseil communautaire et non pas surles communes. Il n’y a pas eu unanimité des associations d’élus et donc, il n’y a pas eu degain. Mais il n’y a pas non plus eu recul.

Je pourrais ajouter d’autres éléments d’appréciation sur la réforme, tenant par exemple au faitque sur la mutualisation, qui est un élément porté par celle-ci, nous avançons vers plusd’intégration au sein des communautés. De notre point de vue, c’est une progression. Différentséléments n’ont pas été mis en avant par la presse nationale, qui préférait porter son attentionsur le nouveau statut de conseiller territorial et les nouveaux objets posés dans le paysage, àsavoir la métropole et le pôle métropolitain. Mais à notre sens, le « reste » est excessivementimportant.

La mise en place du FPIC sera un moment majeur pour plusieurs raisons. Même s’il connaîtun début en douceur, il va monter en puissance. Au niveau national, il ne représente pasénormément par rapport au volume des dotations. Pour autant, pris isolément sur l’ensembled’un territoire, il peut avoir de grandes répercussions et engager de nouvelles logiques deredécoupage territorial, que nous verrons peut-être poindre à l’occasion des révisions des futursschémas programmées en 2015. C’est un élément que nous observerons.

Nous avons un deuxième point d’observation. Nous organisons des réunions dans lesdifférentes régions autour de la mise en œuvre de la réforme et des impacts tenant àl’installation du FPIC et à la réforme de la fiscalité. Nous interrogeons les personnes qui ont la« chance » d’être bénéficiaires du FPIC sur ce qu’elles vont faire de cette ressource financière,et il y a plutôt de bonnes surprises, de notre point de vue. Certes, il y a des réactionsminimalistes : certaines intercommunalités ont un produit de FPIC relativement modeste etpréfèrent, plutôt que de le disperser à travers les communes, le garder à la communauté enattendant de voir, s’il monte en puissance, ce qu’elles en feront les années suivantes. C’est lepremier pas. D’autres, au contraire, sont plus volontaristes et annoncent d’ores et déjà que sila croissance du FPIC se vérifie dans le temps – puisque cela va se jouer à la faveur de jeuxemboîtés entre ce que l’on va constater sur la fiscalité et sur les dotations –, ce qui reviendradu FPIC sera conservé au niveau communautaire et engagé sur des projets à caractère

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communautaire. L’intercommunalité d’Aurillac, par exemple, a déjà délibéré dans ce sens. Il ya donc des moments qui seront intéressants à analyser du point de vue des dynamiques crééespar le FPIC.

Quant à l’Île-de-France, je voudrais compléter les propos de Fabien Lesage, parce qu’elle a uneproblématique assez spécifique. Il existe un continuum urbain entre les première et deuxièmecouronnes, avec une centralité et une polarisation autour de Paris. Il y est techniquement plusdifficile d’y délimiter des bassins de vie et des unités urbaines qui se détachent les unes lesautres que dans des régions où des agglomérations polarisent et délimitent plus aisément lesterritoires. C’est l’un des éléments explicatifs de la difficulté de voir naître des périmètres quisoient « cohérents » – entre guillemets, car la cohérence est un peu complexe à tracer. Celas’ajoute bien sûr à des logiques politiques que je ne nie pas. Avec des personnalités politiques de premier plan, il est parfois plus difficile d’assembler, parceque des questions de leadership se posent avec plus d’acuité que dans d’autres systèmesrégionaux.

� OLIVIER DEDIEUEst-ce que vous constatez une politisation croissante de l’intercommunalité ? Les réalitésfinancières vont amener à devoir dépasser ce consensus et à faire des choix plus clivants.

� MAURICE FRANÇOISJe ne le crois pas. Quand on travaille sur le PLH, notamment sur le logement social, on peutdire a priori que c’est déjà très clivant. Si l’on arrive, au bout du compte, à ce que même descommunes qui n’ont aucune obligation légale et quelle que soit leur étiquette, s’engagent àconstruire du logement social, cela signifie que les élus ont placé l’intérêt général de leurshabitants au-delà de leurs divergences politiques. Avec du courage, de la transparence et dudébat, on peut parfaitement gérer la dureté des temps. C’est moins facile qu’avant. Cela nousdemande, à nous élus et administrateurs, d’être plus convaincus de ce que nous défendons.Mais je ne suis pas sûr que cela sera plus ou moins clivant, sauf si les élus le décident. Sil’objet qui les réunit au sein de leur intercommunalité est la gestion au mieux de leur territoire,ils trouveront toujours le moyen de s’arranger, et c’est heureux, sans pour autant perdre leurâme.

� DOMINIQUE GARNIERPour ma part, je parlerai d’autre clivage, qui n’est pas un clivage au sens politique partisan, maisun clivage sur le type de politique que l’on souhaite pour le territoire, entre ceux qui ont unevision territoriale des choses et ceux qui en ont une vision strictement communale. La visionterritoriale existe. J’y vois d’ailleurs plus volontiers une vision de la commune qu’une vision dumaire. Fabien Desage a beaucoup parlé des maires mais à mon sens, aujourd'hui, il s’agitplus, pour eux, de défendre leur commune en tant que telle que leur place et leurs prérogativesde maire. C’est plutôt ce débat que nous avons et demain, ce clivage va devenir croissant,compte tenu des problématiques liées aux pactes financiers, notamment.

Nous avons commencé à travailler sur le sujet du FPIC dans le cadre du pacte financier. Nousavons étudié toutes possibilités : le garder à l’intercommunalité, le partager… L’une dessolutions évoquées est de l’utiliser pour accroître la création de services communs dans lecadre de la mutualisation. Ce débat amène un clivage entre ceux qui ont une vision territorialeet ceux qui ont une vision strictement communale. Selon moi, le débat de demain concerneradavantage ce clivage que le clivage partisan.

� OLIVIER DEDIEUQuand je parlais de clivage politique, ce n’était pas forcément au sens partisan, mais au moinsen termes de débat politique.

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� FABIEN DESAGEJe voudrais réagir à la question relative aux changements que pourrait produire la rétraction desressources. Potentiellement, cela remet en cause une règle du jeu fondamentale descompromis intercommunaux tels qu’ils fonctionnent aujourd’hui, celle du principe gagnant /gagnant. Les capacités d’arbitrage qui n’impliquent pas de compensation sont rares,aujourd'hui. Je pense par exemple à Lille et aux conditions dans lesquelles a été réalisé leGrand Stade. Il s’accompagne d’un plan piscine et d’un ensemble de plans qui vont permettreà des élus très périphériques d’être intéressés par ce projet, qui coûte très cher à lacommunauté urbaine et qui l’endette pour de nombreuses années.

La restriction des ressources pose la question de leur gestion. Peut-on continuer sur le principegagnant / gagnant ? Cela offre des marges de manœuvre et des opportunités aux acteurs quiveulent favoriser l’autonomie de l’intercommunalité – mais il n’est pas sûr qu’ils soient tousmajoritaires, notamment parmi les maires – pour poser des normes intercommunales vis-à-visdes maires. J’ai pu l’observer à Nantes, au sujet des ZAC communautaires. Si la ressource serestreint, il est plus facile d’expliquer au maire qu’il n’est pas possible d’amener le réseaujusqu’à la nouvelle ZAC ou que l’on pose certaines conditions pour créer des ZACcommunautaires et y installer des équipements. Cela peut donc être une opportunité d’instaurerdes normes et des conditions d’arbitrage, mais ce n’est pas assuré, parce que le consensusintercommunal possède de nombreuses ressources – il l’a montré historiquement. La question de la progression à petit pas renvoie au temps long. En lisant les projets de loi surles communautés urbaines, je me demande comment les réformateurs acceptaient d’avaler lapilule de la restriction forte de leurs ambitions réformatrices. En fait, ils se disaient qu’en créantune communauté urbaine, cela créerait un engouement, que le mouvement serait lancé et quel’intercommunalité se diffuserait pas à pas. Ce n’est pas ce qui s’est passé : la communautéurbaine est devenue une espèce de butoir, le stade ultime de l’intercommunalité, alors mêmequ’elle était présentée comme une offre qui allait être saisie et permettre d’engranger par uneffet d’engrenage.

Un dernier mot à propos du logement social, qui cristallise beaucoup d’enjeux, notammentceux de la politisation. Il faut s’intéresser aux critères. Quand on demande aux représentantsde la fondation Abbé-Pierre, du DAL, des locataires ou des offices HLM s’ils ont l’impressionque l’intercommunalité et les PLH construisent suffisamment de logements sociaux ouchangent la donne en matière de répartition, ils répondent que non, de manière radicale. Lestock de demandes de logements sociaux dans les agglomérations, même là où le PLH estambitieux, ne diminue absolument pas. La question du critère est importante. Effectivement,aujourd’hui, on construit du logement social. Mais il ne faut pas oublier qu’il se construitparallèlement à tout le reste. Je reprends l’exemple de Nantes, pourtant vertueuse et qui s’estdotée d’un PLH ambitieux. Le taux relatif du logement social, dans les communes qui étaienten retard et qui en construisent, n’augmente pas, voire diminue. Cela signifie que lescommunes qui étaient en retard, avec un taux à 7 ou 8 %, ont beau construire du logementsocial, comme elles continent à construire beaucoup plus de logements privés, elles ont untaux relatif, un retard par rapport aux 20 % prévus par la loi SRU, qui s’accroît. Il y a donc unequestion d’arbitrage. On n’arrivera pas à rééquilibrer les ressources sur le territoire si l’on fixeune norme de 20 ou 30 % partout. Ce n’est typiquement pas une logique politique, mais unelogique proportionnelle, qui impose de faire 20 ou 30 % de logements sociaux à Roubaix maisaussi dans les communes résidentielles qui en n’ont que 4 % actuellement.

� VICTOR CHOMENTOWSKIIl faut donc détruire les logements sociaux à Roubaix…

� FABIEN DESAGEPour faire augmenter le taux ? Je n’en sais rien. On peut détruire des logements sociaux àRoubaix, et c’est d’ailleurs ce qui se passe : l’ANRU en détruit beaucoup, sans forcément les

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reconstruire tous. Mais elle les reconstruit surtout sur place, précisément parce qu’elle n’arrivepas à les reconstruire ailleurs.

Je ne dis pas que l’enjeu que nous nous fixons est une bonne chose, je n’en sais rien, mais sinous nous donnons comme ambition de rééquilibrer spatialement le logement et de rééquilibrerla richesse, le consensus ne permet pas de le faire. Je peux le démontrer aussi bien sur larichesse économique que sur la richesse fiscale et le logement social.

� CHRISTOPHE BERNARDÀ propos des petites pierres et du temps long, je suis arrivé en 1988 sur le plateau deMillevaches : 5 habitants au km², une communauté de communes de trois communes. C’étaitun SIVOM. Il s’est transformé en communauté de communes, qui s’est étendue et qui doitfusionner ; il s’est donc bien passé quelque chose. Il y a eu un mouvement effectif et uneconcentration de compétences s’est faite, qui a été loin d’être anodine, avec un substratpolitique très sensible à la publicisation des débats. Aujourd’hui, cette même communauté seprojette à travers un schéma de coopération qui va l’associer à vingt autres communes. Enl’occurrence, il s’agit véritablement de temps long. Cela marque aussi des évolutions qui ne sefont pas dans un coin et dans le bureau des maires, mais avec la population, parce que c’estdans les gènes du territoire.

Pour revenir à la question de la politisation, je ne préjuge pas de la manière dont la campagnede 2014 va se dérouler d’un point à un autre du territoire. Un très bon livre écrit par un collectifd’auteurs coordonné par Rémy Le Saout fait état de la mise en campagne de l’intercommunalitédurant les dernières municipales à Nantes, Rennes, Nice et Grenoble et montre qu’il ne sepasse pas tout à fait les mêmes choses, du point de vue du débat public, sur la questionintercommunale. J’ai la faiblesse de penser que ce sera aussi le cas avec le scrutin fléché.Mais cela donnera au moins un visage aux élus potentiellement communautaires, qui ne sontaujourd'hui absolument pas identifiés. Certes, ce n’est pas la panacée. D’ailleurs les positions sont différentes au sein de l’AdCF surle pas d’après, mais elles rejoignent ce qui a été dit précédemment : considère-t-onl’intercommunalité comme un outil, comme une coopérative de communes ou comme unterritoire de projets ? Cela marque des différences assez fortes, qui sont loin de recouper deslignes politiques partisanes, mais qui font néanmoins débat sur le « vivre ensemble » et lacapacité de projeter le débat, et d’y projeter le citoyen.

� MAURICE FRANÇOISJe ne veux pas laisser dire ce qui a été dit sur le logement social. Il ne faut pas confondre leproblème qui touche la politique du logement social et la façon dont les territoires essaient derépondre à cette politique. S’il n’y avait pas l’intercommunalité, Rennes et Nantes n’en seraientpas là où elles en sont dans ce domaine. Il est vrai que le financement du logement socialdépende des crédits de l’État, dont on connaît la tendance, mais aussi des collectivités locales,qui, depuis des années, grâce à l’intercommunalité, mettent beaucoup de crédits. Le plussouvent ce ne sont pas les communes, mais les intercommunalités qui ont commencé à investirdes fonds dans cette politique – sauf à Rennes, qui l’a fait d’abord et a entraînél’intercommunalité. En tout cas, s’il n’y avait pas l’intercommunalité, les chiffres de productiondu logement social seraient pires. Il faut reconnaître à l’intercommunalité, et c’est incontestable,qu’elle a fait faire des progrès importants, dans ce domaine comme dans bien d’autres. Laproblématique est d‘une autre dimension : elle est nationale et concerne la politique definancement du logement social.

S’agissant des élections, en 1989, les candidats des communes de la périphérie et ceux deRennes avaient intégré dans leur programme le développement de l’intercommunalité – sousla pression des élus de la périphérie. À Nantes, en 2001, la communauté urbaine, qui avait été

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créée le 1er janvier de cette année, n’a pas été absente des débats des élections municipales.En 2009, un maire – je ne cite pas la commune – avait choisi comme slogan : « les habitantsde … d’abord ! » Non seulement il a été battu, mais il a changé de slogan en cours decampagne, parce que les habitants identifient parfaitement l’endroit où les choses se passent.Ils votent aux élections municipales selon la place qu’occuperont leurs représentantscommunaux dans la structure intercommunale (majorité ou minorité). Vous pouvez ne pas êtred’accord, mais cela fait quelques années que je le constate.

� VICTOR CHOMENTOWSKILe logement et les PLH ne sont pas ma spécialité, mais ils ont tout de même trait à l’exercicedes compétences. Il ne suffit pas que la loi prévoie ; encore faut-il qu’elle ait les moyens. Si jene m’abuse, l’urbanisme est encore entre les mains des maires et non des intercommunalités,globalement. Au départ, les communautés urbaines s’occupaient de sujets assez simplescomme le prolongement d’un tuyau d’une commune à l’autre. Même si le projet était pluscompliqué, parce qu’il s’agissait d’argent, de taxe professionnelle, cela restait des situationsprimaires. Aujourd'hui, avec le PLH, c’est plus compliqué. Quand la politique de la ville devientune compétence de l’intercommunalité, ce n’est pas un succès, à quelques exceptions près.

� MAURICE FRANÇOISC’est la politique de la ville qui n’est pas une réussite...

� VICTOR CHOMENTOWSKIC’est l’intercommunalité qui n’est pas le bon échelon pour l’appliquer. J’en reviens à l’aspect financier. L’un des éléments intéressants du FPIC est qu’il va accroîtrela transparence d’information financière entre les collectivités, au cas où elle n’existerait pas.J’ai pu observer combien les communes méconnaissent la situation financière des communesvoisines, qui font pourtant partie de la même intercommunalité. Très peu d’intercommunalitésfont ce que l’on appelait autrefois des « atlas financiers » ou des situations financières. Avecle FPIC, qui obligera à débattre des données, à demander pourquoi telle commune perçoit etpourquoi telle autre donne, il y aura plus de transparence

Par ailleurs, je constate – ce n’est pas un élément statistique – que les collectivités qui ont del’argent acceptent plus facilement l’idée de participer à une péréquation. Tout d’abord, en raisonde cette transparence : elles ne peuvent plus défendre leurs richesses. Mais aussi parcequ’elles savent qu’il faut travailler ensemble et qu’elles, elles ont les ressources nécessairespour faire ce travail commun. Ce que veulent les collectivités riches, que ce soit au niveaudépartemental, communal ou intercommunal, c’est avoir un calendrier, une perspective. Ellesne veulent pas d’une situation révolutionnaire où on leur prendrait tout, et si on leur ditclairement où elles vont, elles sont disposées à mettre des fonds en jeu.

� OLIVIER DEDIEULe devenir de la loi portant réforme des collectivités dépend, dans une certaine mesure, durésultat de l’élection présidentielle. L’AdCF a questionné les candidats sur la manière dont ilsvoyaient cette réforme, qui, d’ailleurs, est incomplète, puisque qu’il manque les volets relatifsaux finances et aux compétences. Vers quoi peut-on se projeter, en fonction du résultat ?

� CHRISTOPHE BERNARDNous avons effectivement interrogé tous les candidats avant le dépôt des signatures au Conseilconstitutionnel. Heureusement, ceux qui ont répondu sont ceux qui ont été qualifiés pour seprésenter à l’élection. Ce résultat de consultation est restitué intégralement sur notre siteInternet , et de façon plus concentrée, dans notre journal Intercommunalités. Nous les avonsinterrogés à partir de la même question, en les laissant libres de répondre ou non, sur le champ

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de la réforme institutionnelle, le champ financier et le champ de l’intercommunalité.Sur le champ de la réforme institutionnelle, les lignes de fracture ne sont pas énormes. Ce quenous pressentons et ce qui a été annoncé touche peu à l’intercommunalité et davantage à laquestion du conseiller territorial avec, à gauche, une volonté de rebattre les cartes et de revenirà un autre système. Mais ils ne se sont pas appesantis sur la question.

Par ailleurs, hormis Marine Le Pen, tous les candidats se prononcent pour poursuivre lemouvement d’achèvement de l’intercommunalité, mais avec des distinguos sur les précautionsà prendre en termes de concertation avec les élus et de pouvoir des commissionsdépartementales de coopération intercommunale. Eva Joly, par exemple, propose de renforcerla majorité qualifiée pour amender le schéma – la réponse d’Europe Écologie – les Verts estd’ailleurs assez fouillée. Pour les autres, il y a une précaution de campagne assez récurrentequi vise à assurer le devenir de la commune. Plus on va vers la droite sur l’échiquier, plus cetteaffirmation est forte ; de Marine Le Pen à Nicolas Dupont-Aignan, le gradian de défense de lacommune est assez prononcé.Sur la question des compétences des communautés et de leur place dans le mécanoinstitutionnel général, leur rôle clé est souligné par tous. Le candidat François Hollande marqueune volonté de rouvrir le débat sur la question du PLU intercommunal. Marine Le Pen sedétache en voulant restituer le pouvoir de police strictement au maire ; il n’est plus question depouvoir optionnel. Jean-Luc Mélenchon se prononce pour une généralisation des communautésurbaines et, quand on est dans un système « polynucléaire » (sic), pour encourager lescommunautés de communes. C’est une forme d’achèvement de l’intercommunalité qui rejointl’idée que la communauté urbaine serait le système le plus intégrateur, vers lequel il faudraittendre. Les candidats dont les scores sont moins élevés dans les sondages, tels que PhilippePoutou et Nathalie Arthaud, sont favorables à des formes de collectivités locales à démocratiedirecte ; cela nous renvoie vers des figures idéologiques, où les élus seraient sous le contrôlepermanent d’assemblées de quartier.

Le scrutin universel direct est incontournable pour tous les candidats, mis à part pour les « petits » candidats, qui souhaitent un système relevant davantage de la démocratie directe quede la démocratie représentative. Jean-Luc Mélenchon estime qu’il ne faut pas aller plus loin,car cela risquerait de pousser à la fusion entre communes et que cela risquerait de remettreen cause l’existence même de celles-ci. Du côté de François Hollande, on s’interroge sur le faitet la manière d’aller plus loin. François Bayrou est favorable au scrutin de liste dans les petitescommunes et réfléchit au plafond de population à retenir – il est question de 500 habitants. Lesujet n’est pas tout à fait stabilisé chez les candidats.Les questions financières suscitent une forme d’unanimité pour tracer le scénario 2 ou 3 quinous a été présenté, mais les candidats sont prudents : il leur est difficile d‘annoncer desréductions de dotation – quoique François Bayrou l’ait fait, au sujet de l’apport de l’État, puisqueil a annoncé le chiffre de 250 M€ de réduction. Certains veulent aller plus loin dans lapéréquation et l’utiliser comme un outil corollaire des efforts à conduire en matière d’économie.Je pense à Europe Écologie – les Verts, qui avancent une mise en perspective des deux enpoussant une analyse de la péréquation plus fine que ce qui est posé dans le paysageaujourd’hui avec le système mécanique que nous connaissons et en la mettant en regard avecles dépenses. Marine Le Pen a la volonté de mettre les communautés sous contrôle pour leursdépenses et ne veut plus laisser les élus œuvrer à leur guise.

� OLIVIER DEDIEUQuel bilan tirez-vous du processus de réforme de la métropole, à Nantes – qui n’est pas unemétropole ? Dans la réflexion sur les nouveaux territoires, l’idée de métropole a beaucoup étémise en avant mais finalement, les réflexions privilégient les pôles métropolitains.

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� MAURICE FRANÇOISLa loi n’a pas été à la hauteur des espérances ou des annonces. À la lecture du rapportBalladur, on s’attendait à autre chose. C’est une constante : les projets de loi surl’intercommunalité sont toujours très ambitieux, mais se terminent souvent par un « pschiiit ».En revanche, quelques éléments de cette loi méritent que l’on s’y attarde. S’agissant de lamétropole, la communauté urbaine peut très bien avoir toutes les compétences d’une futuremétropole ; il faudra simplement qu’elle négocie avec le conseil général pour récupérer lesvoieries départementales sur son territoire. Ce n’est absolument pas révolutionnaire. Pourquoiy en a-t-il une à Nice ? Parce qu’il en fallait au moins une pour que ce gouvernement ne soitpas complètement ridicule, compte tenu des annonces. S’il n’y en a pas d’autres, c’est sansdoute parce que la loi n’a pas été votée par la majorité des élus de gauche, qui dirigentaujourd’hui les grandes villes. En tout cas, cette notion de métropole est objectivement sansintérêt et assez proche du texte sur les communautés de villes de la loi de 1992. Qui n’en aproduit que cinq…

La notion de pôle métropolitain, elle, est beaucoup plus intéressante. Je précise qu’elle résulted’un amendement parlementaire. Le pôle métropolitain me paraît être un élément importantd’évolution des mentalités et des réflexions locales. Il doit permettre aux élus de parler de toutce qu’ils peuvent faire, ensemble, sur un territoire. Malheureusement, il faut un territoire ; or, leterritoire se dilate et les structures ne l’accompagnent jamais. Il suffit de voir l’évolution récentedes aires urbaines… Mais au moins, les élus pourront débattre ensemble, et ils ne feront quece qu’ils ont envie de faire ensemble ou à quelques-uns. C’est un élément très nouveau parrapport à toutes les organisations intérieures. Auparavant, les élus qui entraient dans unestructure, qu’il s’agisse d’un district hier, d’une communauté de communes, d’agglomération ouurbaine, étaient enfermés dans des compétences, ne parlaient que des sujets qui s’yrapportaient. C’étaient des établissements publics à compétences spécialisées. Or, au sein dupôle métropolitain, les élus, s’ils le décident, pourront parler de tout. Les avantages de cedispositif sont nombreux, les élus vont apprendre à parler de choses dont ils ne parlaient pasavant et parviendront ainsi à mieux se comprendre ; ils vont s’apprivoiser, en quelque sorte. Lesdébats pourront dépasser le clivage communautaire et bien évidemment, le clivage municipal.Le miracle se fera ou ne se fera pas, mais en tout cas, c’est une véritable novation et il seraitextrêmement dommage que les élus ne s’en saisissent pas.

Pour moi, la métropole, c’est la continuité, avec simplement la voierie départementale en pluset quelques autres « bricoles » ; autrement dit, rien – même si les conseils généraux trouventque c’est désagréable. En revanche, avec le pôle métropolitain, on change de culture et dedimension et les élus peuvent s’ouvrir de vraies perspectives.

� OLIVIER DEDIEULes pôles métropolitains ne sont-ils pas les pays d’avant, dans la philosophie ?

� CHRISTOPHE BERNARDOu les inter-SCOT… Je pense que cette réflexion n’est pas à balayer d’un revers de manche.Non pas sur le fait que cela pourrait être un pays ; ce n’est pas le sujet. Mais le pôlemétropolitain est entré dans la loi au moment où le pays disparaissait. Il reste un problèmed’aménagement du territoire. L’intercommunautaire, pour les parties « urbaines », disposed’outils, avec des possibilités largement ouvertes et où les élus ne manquent pas de s’engager.Ainsi, des actions sont lancées avec les autres associations d’élus dits du « bloc local » pourmettre en réseau les pôles métropolitains à travers le territoire national. On constate que c’esttrès riche. Les pôles métropolitains auraient vocation à animer des cénacles d’échanges entredifférents niveaux, différentes parties du territoire. J’ai dit « niveaux », c’est un lapsus, mais unlapsus intéressant, parce que c’est l’une des difficultés qui peut se présenter pour le pôlemétropolitain. Par exemple, Dunkerque était dans un syndicat mixte qui avait tout du pôlemétropolitain, mais il était multi-niveaux, et aujourd’hui, il est obligé de se rabattre uniquement

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sur le « bloc local », ce qui n’est pas sans poser de problèmes pour un certain nombre decompétences qu’il voulait organiser et développer. Pour faire le parallèle avec le pays, la nécessité d’aller à l’intercommunautaire peut encore seposer. La croissance naturelle des communautés qui va s’opérer par l’évolution des schémasde coopération ne coupe pas court, en particulier sur des territoires à faible densité depopulation, à la nécessité de travailler à plusieurs communautés sur un certain nombre desujets, notamment à caractère stratégique et programmatique, pour entrer dans le cadre, parexemple, de programmes européens ou de contrats de projets État – Région – même si leuravenir après 2014 est incertain. En tout cas, on a débranché cette capacité, au moins du pointde vue de sa visibilité nationale – puisque rien n’interdit de poursuivre les pays en les appelantéventuellement autrement et sans qu’ils soient sous l’imprimatur du préfet de Région, quireconnaissait les pays auparavant.

Quoi qu’il en soit, il y a un petit hiatus qui nous a surpris sur le fait qu’en même temps que l’onpoussait le pôle métropolitain, ce qui était une bonne chose, on coupait court aux pays,symboliquement, en abrogeant les dispositions de la loi Voynet qui avait les avaient porté surles fonts baptismaux après la loi Pasqua.

� DOMINIQUE GARNIERJe partage ce que vient de dire Christophe Bernard par rapport à « l’oubli » des territoiresruraux. Je fais écho à un débat que nous avons eu au sein de notre communauté, lorsque nousavons décidé d’adhérer au pôle métropolitain de Nantes / Saint-Nazaire, dans la poursuite dusyndicat mixte du SCOT. Beaucoup d’entre nous y ont vu une grande chance, qui allaitpermettre, au-delà de la discussion et de la stratégie, de mettre le doigt sur des actionsvéritablement concrètes au service de nos habitants. Mais quid, demain, des territoires voisinsqui seront en dehors du pôle métropolitain, par rapport à un certain nombre de problématiquesqui seront traitées par celui-ci, notamment en matière de développement économique ? Jepense que le pôle métropolitain est une opportunité que nous devons saisir pour avancer surles coopérations et sur l’inter-territorialité. Mais n’y a-t-il pas un risque de fracture entre cesterritoires et le territoire dit « métropolitain » ? À Nantes, cette question a suscité des débats avec le département. Dans un territoire où il yaura un pôle métropolitain extrêmement fort, quel sera le rôle du département ? Il pourraitreprendre l’inter-SCOT, ce qui lui donnerait une vision territoriale de l’ensemble des SCOT.C’est un débat qui, aujourd'hui, n’est pas tranché.

� MAURICE FRANÇOISJe ne pense pas que la question se pose en termes d’alternative entre pôle métropolitain etpays. La carte des aires urbaines au dernier recensement montre combien celles-ci se sontdilatées. Depuis le début de la réorganisation territoriale, on constate que les populations vonthabiter de plus en plus loin et que les structures courent après ce territoire.

Faire disparaître le pays n’était peut-être pas une très bonne idée – encore que l’on saitcomment et pourquoi il a été créé. Prenons l’exemple du pays de Châteaubriant : faut-il créerun pays avec des communes qui sont dans l’aire urbaine du pôle métropolitain de Nantes /Saint-Nazaire ou ne vaudrait-il pas mieux privilégier un pôle métropolitain qui essaied’approcher le plus près possible de l’aire urbaine ? Certes, il restera toujours des territoiresinterstitiels, qu’il ne faut pas abandonner. Mais depuis les années 1950, c’est l’urbain quiconcentre de plus en plus la population et il faut bien traiter ce phénomène. Si depuis quelquesannées, on alterne les lois sur les communautés urbaines, de villes, d’agglomération, c’est bienpar ce qu’organiser les territoires urbains est essentiel. La loi de 1995 sur les pays a voulucompenser ce mouvement pour remettre le rural dans le débat. Il n’est pas sûr que cette loi aitchangé grand-chose… Il y a bien ce mouvement alternatif entre territoires urbains et rurauxmais au fond, reste-t-il des ruraux ? Nous sommes tous plus ou moins des rurbains. Tous les

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territoires, sauf exceptions, vivent par rapport à un pôle plus ou moins urbain ; un pôled’importance variable, mais un pôle de concentration urbaine.

� DOMINIQUE GARNIERMon propos n’était pas de dire qu’il fallait des pays à côté des pôles, mais de laisser le moinsde monde sur le côté par rapport à la « richesse » que vont générer ces pôles métropolitains.

� MAURICE FRANÇOISNous sommes d’accord : il ne faut pas les oublier. Cela se fera bien sous l’œil attentif desconseils généraux, qui sont inquiets.

� FABIEN DESAGEMais avant de se lancer dans les pôles métropolitains, ne faut-il pas se demander quelles sontles conditions et les raisons pour lesquelles les pays n’ont pas été une réussite ? Pourquoin’ont-ils pas remis en cause les institutions politiques existantes que sont les communes, lescantons, les départements ? Pourquoi cela prendrait-il différemment ?Il y a une contradiction au sein des pôles métropolitains. Certes, les aires urbaines, l’espace àréguler, les échanges, les mobilités sont de plus en plus étendus ; mais au niveau étendu, ona des structures de plus en plus faibles politiquement, qui n’ont pas de légitimité politique. Cesont des structures du deuxième, voire du troisième degré, qui n’ont aucun moyen de régulationdes espaces sur lesquels elles seront. Le pôle métropolitain de Nantes / Saint-Nazaire, parexemple, est confronté à des dynamiques d’urbanisation au-delà de l’aire de la communautéurbaine. Il y a une augmentation des départs des ménages vers l’extérieur de la communautéurbaine. Comment le pôle sera-t-il en mesure, demain, de négocier ou de déterminer desnormes d’urbanisation qui limiteraient la consommation d’espace, alors qu’il n’aura pas ledixième de la légitimité politique de chaque maire ou de chaque commune ?

Une institution nouvelle, oui, mais pour quoi faire ? Aura-t-elle les outils, les ressources et lalégitimité pour créer des normes ? En démocratie, il n’y a pas beaucoup d’autres moyens, pourobtenir une légitimité politique, que le suffrage et l’élection.

� OLIVIER DEDIEUEst-ce que ces stratégies d’aménagement ne sont pas gérées dans des démarchesinter-SCOT, qui sont souvent l’assise de ces futurs périmètres ? De toute façon, oninstitutionnalise ces périmètres. C’est encore la question du verre à moitié vide ou à moitiéplein. Mais il y a un aspect plus inquiétant. On observe un dynamisme des aires urbaines partout enFrance, en tout cas pour celles qui sont attractives. Doit-on garder le modèle des grandesmétropoles d’équilibre de la Datar des années 1970 ? N’y a-t-il pas d’autres modèlesd’aménagement ?

� MAURICE FRANÇOISPour répondre à la question Fabien Desage, ou bien l’on regarde la production régulière descartes de l’Insee et on se contente de constater que l’aire urbaine se développe, ou bien, enattendant « le grand soir », on essaie de faire quelque chose pour gérer les territoires etrépondre au mieux aux besoins de ceux qui y habitent.

� FABIEN DESAGECe n’est pas « le grand soir », mais la démocratie représentative ! C’est beaucoup moinsambitieux que « le grand soir »…

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� MAURICE FRANÇOISSi demain, le Parlement vote une loi qui, tout en « réorganisant » les départements et en «réduisant » le nombre de régions, institutionnalise les intercommunalités en collectivitésterritoriales en prévoyant l’élection des représentants au suffrage universel direct, alors l’horizonterritorial sera plus clair… Il faudra toutefois commencer par s’accorder sur les limitesterritoriales de ces futures structures locales. En attendant ce grand jour, il ne nous est paspossible de ne pas nous saisir des textes tels qu’ils sont. Même si l’organisation est trèsimparfaite, même si cela demande beaucoup d’énergie pour avancer d’un centimètre, il faut aumaximum travailler ensemble au-delà des limites territoriales héritées de l’histoire. DominiqueGarnier et Stéphane Bois, qui est dans la salle, ne me contrediront pas si je dis que lorsqueJean-Marc Ayrault et Joël Batteux ont commencé à travailler sur le SCOT de Nantes /Saint-Nazaire avec les élus des communautés de communes, il y avait des positions politiqueset des discours assez éloignés les uns des autres. Et puis, avec le temps Ils ont appris à seconnaître et à travailler ensemble. Je suis sûr que le schéma de secteur de la communauté decommunes d'Erdre et Gesvres serait différent de ce qu’il est s’il n’y avait pas eu le SCOT deNantes / Saint-Nazaire. Et ceci, pas uniquement parce qu’il fallait que le schéma de secteur soitcompatible avec le SCOT, mais parce que les élus ont pris l’habitude de travailler ensemble,de partager un certain nombre de problématiques et de rapprocher leurs point de vue. Certes,ce n’est pas parfait, c’est une démocratie représentative au troisième degré, cela demande ducourage, de l’énergie, du temps et peut-être même de l’argent, mais c’est beaucoup mieux querien du tout. Je ne suis pas certain que la réforme des structures locales communes etdépartements soit à l’ordre du jour des programmes politiques…

� CHRISTOPHE BERNARDSi, dans celui d’Europe Écologie – les Verts.

� MAURICE FRANÇOISEt l’on va supprimer les communes… Franchement, que signifie la démocratie dans unecommune de 120 habitants ? Certes, il y a des citoyens, mais que représente le budget, quellessont les capacités d’action dans un territoire comme celui-là, pris isolément ?

� FABIEN DESAGEEn quoi l’échelle changerait-elle le rapport aux enjeux, à la démocratie ? Une commune de120 habitants doit bien décider si ses espaces ruraux sont urbanisables ou non, si elle veut fairevenir une nouvelle population, si elle fait le choix de maintenir ou non une école… Par ailleurs,les conflits, dans les communes rurales, sont aussi saillants, si ce n’est plus, que dans lescommunes urbaines. La différence est qu’ils ne prennent pas forcément le pli ou la forme deconflits partisans. Mais je ne pense pas qu’il y aurait moins de politisation. Il faut vraiment seméfier : dire qu’il n’y aurait pas de conflits d’intérêts, pas de groupes gagnants ou perdants surune politique, qu’il n’y aurait pas les effets qui structurent les rapports entre les groupes sociauxest un discours qui peut être dangereux. Pour citer Paul Ricœur, la démocratie ne signifie pasqu’il n’y a pas de conflits et qu’il y a du consensus ; c’est au contraire reconnaître les conflits,trouver les moyens de les réguler et de faire des compromis. Et non trouver des accordstechniques pour trouver de bonnes politiques ensemble.

� CHRISTOPHE BERNARDJe voudrais conclure en évoquant les deux « ratés » que sont la métropole, mais aussi lacommune nouvelle. La commune nouvelle aurait pu répondre à un certain nombre de débats que vous venezd’avoir. Il y a sur notre territoire des communes dévitalisées ; c’est une réalité. Il existe 20 000communes de moins de 500 habitants. Une fois qu’elles ont payé la secrétaire de mairie àmi-temps et refait le toit de l’église, tous les cinq ans, elles ne peuvent plus engager aucunedépense. Cette difficulté n’est pas uniquement technique ; elle est inscrite dans le temps en

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termes d’aménagement et de capacité de faire et elle pose des questions politiques que je nenie pas. Nous avons repéré un certain nombre de communes rurales qui, pour cette raison,mais aussi pour entrer sur la scène des négociations au niveau intercommunal, souhaitent allervers la commune nouvelle. Mais pour constituer une commune nouvelle, la barre a été placéetellement haut – pas tellement en termes de consensus, mais en termes de consultation deshabitants, avec un corps électoral qui doit être beaucoup plus représenté sur pour tous lesréférendums locaux – que l’on n’est pas près d’en voir naître. C’est une thématique importante,qui illustre les difficultés évoquées.

Quant à la question métropolitaine, l’idée d’Édouard Balladur était d’aller au-delà de ce qui estprévu dans la loi, c'est-à-dire une « CU+ », avec un statut réservé à huit ou dix métropoles àvocation européenne, donc, dans une perspective dite de compétitivité, et éventuellement ausside cohésion sociale. Il y avait un sens effectif, mais limitatif. On peut se demander pourquoi lelégislateur, au bout du compte, n’est pas allé, au nom de l’intérêt national, jusqu’à décliner lesmétropoles qui devaient passer le pas. Elles étaient sur un système PLM. Du point de vuedémocratique, cela répondait à un certain nombre de préoccupations, que nous partageonsplus ou moins autour de cette table.

Selon nous, c’est un élément à revoir. Autant le rapport Balladur fixait une ambition – et ce nesont pas l’AMF et l’AdCF qui ont sifflé les arrêts de jeu en disant que ceci n’était pas possibleet que c’était cela qu’il fallait faire –, autant le rapport Belot a fixé le champ des possibles. Et àmon sens, cet équilibre est peut être à revisiter.

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ATELIER 1TERRITOIRE(S)ET COMPÉTENCES

Animation : � OLIVIER DEDIEU,

Politologue, université de Montpellier

Intervenants :� DAMIEN CHRISTIANY,

Consultant� CHRISTOPHE BERNARD,

Secrétaire général de l’AdCF� PHILIPPE LACAÏLE,

Directeur général des services,ville de Tours / Tour(s) plus

� OLIVIER DEDIEU Nous avons proposé à chacun des troisintervenants de cet atelier de se spécialiserdans l’un des trois thèmes qui le composent.Christophe Bernard va présenter un bilandes schémas départementaux decoopérations intercommunales. Il évoqueraaussi la question de l’inexistence des SDCIdans un tiers des départements français,aujourd’hui.

ÉTAT DES LIEUX DE LA RÉFORME INSTITUTIONNELLE :LES SCHÉMAS ET LEUR MISEEN ŒUVRE

� CHRISTOPHE BERNARD,Secrétaire général de l’AdCF

Je vais présenter la consolidation desschémas adoptés au 31 décembre 2011 etdes deux schémas supplémentaires qui ontété arrêtés postérieurement. Je reviendraipar la suite sur les aspects juridiques tenantà l’existence ou à l’absence de schéma, demême que sur les incidences d’évolution depérimètres qui iraient a contrario du schéma.

Aujourd’hui, 68 schémas ont été adoptés,dont deux en janvier et en février de cetteannée (Nord et Essonne). D’autres sont en

cours de finalisation et seront adoptés aprèsl’élection présidentielle et les électionslégislatives, compte tenu des enjeuxpolitiques.

Un énorme travail d’amendement a étéconduit, loin de l’approbation intégrale ou dela récusation pure et simple du projetprésenté par le préfet. Les débats ont étéimportants durant toute la période où lacommission devait s’en saisir. Dans lesdépartements où avaient lieu des électionssénatoriales, on a noté une pause qui aprolongé les concertations et contribué aureport de l’adoption du schéma. Certainescommissions départementales decoopération intercommunale ont purementet simplement rejeté le schéma à la majoritésimple, mais sans atteindre la majorité desdeux tiers nécessaire pour l’amender. C’estle cas du département du Lot, où le projet dupréfet posait des ambitions très fortes et uneréduction énorme du nombre decommunautés.

Sur le plan géographique, il est intéressantd’étudier les secteurs où les schémas n’ontpas été adoptés. La carte est loin d’être lamême que celle des sénatoriales etpourtant, si vous vous projetez sur unelecture politique, le Sud-Ouest était moinsenclin à mettre en œuvre les schémas qued’autres régions. En tout cas, nous n’avonspas constaté d’« effet sénatoriales » surcette carte.

Les grandes tendances nationales liées àl’adoption des schémas, exprimées en tauxet en volumes moyens, recouvrent en réalitéune formidable hétérogénéité d’un point à unautre du territoire, avec des départementsdont le substrat communal n’est pas du toutle même. La taille des communes desLandes n’a strictement rien à voir avec cellesde la Marne et l’intercommunalité, dans cesdépartements, est tout à fait différente. Dans certains départements, 90 % desintercommunalités ont une correspondancecantonale ; dans d’autres cas, elles se sontlargement évadées, et depuis longtemps,des contours des cantons. Il faut avoir cela

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en ligne de mire lorsqu’on analyse leschiffres.En moyenne, la réduction du nombre decommunautés est de 20 %, à rapporter àl’ambition des projets des préfets, que nousavions analysés en juin, qui posait uneréduction de 35 %. Ce n’est pas vraimentune surprise : il y a eu une diminution del’ampleur de la réduction du nombre decommunautés. Néanmoins, sur ces 68schémas, cela représente 250 fusions – àgéométrie variable : parfois ce sont deuxcommunautés qui se rejoignent, parfois trois.Certains départements sont en pointe,comme la Dordogne, où des fusionsimportantes vont s’opérer. Le moins que l’onpuisse dire, si les schémas sont appliquéscomme ils se doivent, c’est que le paysagepeut connaître des modifications assezsubstantielles.

Cette hétérogénéité est réelle : certainsdépartements (Allier, Cantal, Corse-du-Sud,Finistère, Guadeloupe, Vendée) ne verrontaucune fusion. La Dordogne en verra seize.

En Allier, la couverture communautaire estachevée depuis longtemps. Nous avonsremarqué que ces départements qui étaienten avance pour la couverture périmétraleavaient des difficultés à bouger les lignes,car les « positions » sont prises et arrêtées,les compétences se sont durcies au sein descommunautés. Gérer une fusion est parfoisplus compliqué en terrain couvert parl’intercommunalité qu’en terrain vierge –pour résumer.

Du côté des syndicats, on constate uneréduction moyenne de leur nombre de 21 %et une forte variabilité, là aussi, qui peuts’expliquer parce que certains départementsavaient mené l’écrémage des syndicatsdepuis un certain temps. Je pense parexemple à tous les syndicats primairesd’électrification qui, dans certainsdépartements, avaient disparu. On relève defortes amplitudes de taux de réduction :l’Aube (– 61 %), la Vienne (– 62 %). Celarecouvre des syndicats qui n’avaient plus devie ; des directives avaient été données aux

préfets pour faire disparaître tous les inactifsen priorité. Dans un certain nombre de cas,cependant, leur suppression est renvoyée àune étape ultérieure : on rejoue lesagencements communautaires, on observecomment les compétences sont reprises etpeuvent se re-distiller avant de passer àl’étape de la réforme de la carte syndicaleproprement dite. Il y a un différé dans letemps pour mieux maîtriser les effets induitsdes révisions prononcées surl’intercommunalité à fiscalité propre.

Au total, la carte prévoit 400 extensions decommunautés. C’est considérable. Il y avait2 581 communautés au 1er janvier 2012.Avec 250 fusions et 400 extensions, lepaysage va changer.

On relève peu de créations ex nihilo. On enretrouve néanmoins dans des départementsqui étaient en retard en terme de couvertureintercommunale à fiscalité propre (le Loiret,la Corse…) Il existe une spécificitéfrancilienne, où la couverture par descréations est prononcée, comme dans lesYvelines, mais les départements de lapremière couronne sont à l’écart del’achèvement : aucune obligation ne leur estposée. Nous verrons cependant si l’effet duFPIC ne les ramènera pas à une certaineforme de raison.

S’agissant de l’analyse qualitative, onconstate une très forte hétérogénéité decontenu. Certains schémas se limitent à unevingtaine de pages quand d’autres en font200, avec des annexes substantielles. Ledépartement du Nord, par exemple, a fait ungros travail de 300 pages, une analysebassin par bassin, communauté parcommunauté, avec des simulations.Globalement, il y a peu de simulationsfinancières, parce que les services de l’Étatne sont pas plus « malins » que les servicesterritoriaux : il manquait certains élémentspour faire des projections. On relèvequelques tentatives sur la DGF, qui nousparaissent assez audacieuses, parce quel’exercice de projection dans le systèmeactuel est assez périlleux.

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Parmi les critères géographiques retenuspour délimiter les propositions des schémas,le seuil de 5 000 habitants a été privilégié.C’est parfois une sorte de prétexte pour nerien faire : le fait que la plupart descommunautés dépassent ce seuil exonèred’efforts à conduire sur la révision de lacarte. En revanche, certains arguments sontprésentés pour baisser le seuil de 5 000habitants au-delà d’espaces montagneux,dans des zones rurales peu denses commel’Orne.

Les références aux bassins de vie, aux airesurbaines et aux SCOT sont plus ténues. Lesraisons en sont multiples. D’abord, cela netombait pas forcément sous le sens. Par ailleurs, les données de l’Insee pour les airesurbaines ont été présentées très tardivementet elles ne sont pas encore produites pourles bassins de vie. Ceux-ci ont été construitssur des référentiels datant de 1999 et necorrespondent donc plus à la réalité.Néanmoins, on a fréquemment recours àdes cartes sur des zones de chalandise, dedéplacement de populations autourd’équipements en cours de conception.

Pour rendre compte de la diversité dupaysage, on peut observer l’évolution dunombre de communautés, qui varie de – 60 % dans les Deux-Sèvres à + 42 % enHaute-Corse. C’est le gradian maximum ; ilillustre bien l’hétérogénéité des situations.Certains départements connaîtront desrévisions importantes, y compris dans dessystèmes montagneux. En Hautes-Alpes,par exemple, le projet de carte du préfetnous paraissait très audacieux et finalement,il est passé à deux communautés près,puisque l’objectif cible était de septcommunautés et que le schéma adoptéconclut à neuf. Les espaces montagneux àfaible densité nous ont réservé une surprisepar rapport à ce que nous pouvionspressentir. Des décisions restent encore àprendre sur d’autres schémas, égalementaudacieux, tels que celui du Nord, qui estbloqué. Dans ces cas, le projet a souvent étéfait en chambre et peu partagé avec les élus,d’où un certain nombre de difficultés.

L’illustration de l’évolution du nombre desyndicats montre aussi une fortehétérogénéité : l’Aube passe de 193 à 76syndicats et à l’autre bout de l’échelle, leLoiret passe de 76 à 73. Dès le départ, lesvolumes sont différents, ce qui explique lavariabilité de l’évolution.

En termes d’agenda, trois étapes peuventêtre relevées. Pour les schémas, l’année2012 est assez douce, avec une mise enœuvre volontaire des schémas basée surdes arrêtés pris par les préfets. Une périodeplus lourde s’annonce pour 2013, avec unedate butoir d’achèvement au mois de juin.Puis interviendra la révision de la carteintercommunale, qui a été avancée à 2015suite à la modification apportée par la loiPélissard – Sueur.

En parallèle, il faudra revoir la question de lagouvernance. Pour un certain nombre decommunautés, des révisions statutaires vontdevoir être opérées pour une mise enconformité avec la loi à propos de laventilation des délégués entre communes etsurtout, de la question du nombre total dedélégués au regard de la population de lacommunauté. Ces accords vont intervenir etles élus les ont en tête quand ils révisent lesschémas.

Je ne m’attarde pas sur les compétences.Nous pourrons éventuellement évoquer letransfert des pouvoirs de police, dontl’évolution est acquise. Le schéma demutualisation de services doit être opéranten 2015 et va faire bouger lesquestionnements et réflexions relatifs àl’organisation interne des communautés.

Il faut mettre en parallèle ces éléments àcaractère institutionnel avec les évolutionsen matière de finances, l’impact du FPIC etde la réforme de la fiscalité. La situationd’une commune riche qui intègre un territoireen moyenne « pauvre » avec peu dechances de se faire prélever n’est pas lamême que celle d’une commune riche quirejoint un ensemble riche et seraéventuellement soumise à un prélèvement.

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On sent déjà que certaines logiques vont semettre en œuvre pour essayer d’échapper àcelui-ci. Il existe déjà des réflexions dans cesens en Île-de-France. Même s’il estaujourd'hui peu significatif au plan national,le FPIC va monter en charge et, dans lesterritoires, il peut générer des prélèvementssignificatifs, rapportés à l’habitant. À monsens, il faut mettre en écho les objectifs duschéma et le « nerf de la guerre ».

� OLIVIER DEDIEUAucune réalité départementale neressemble à une autre, au regard desstratégies des préfets, des jeux d’acteurslocaux et des majorités dans les CDCI.Parmi les participants à l’atelier, certainssouhaitent peut-être témoigner del’expérience de leur propre territoire.

� PHILIPPE LHUISSIER,Chargé de mission, conseil généralde Maine-et-Loire

Dans notre cas, cela s’est globalement bienpassé parce que tout le territoire étaitcouvert par des communautés decommunes. Nous sommes aussi à la pointepour les pays. En revanche, il y a eu undébat sur le cas d’une commune qui voulaitchanger de communauté de communespour se rapprocher d’une plus grosseagglomération – en l’occurrence, celle deCholet. Cette demande a été écartée : lacommunauté de communes d’origine s’yopposait parce que ce départ l’auraitaffaiblie. D’où le report de la décision. Lesélus n’ont pas respecté le choix de lacommune de voir cette modification inscritedans le schéma de coopérationintercommunale.

Plus globalement, en termes deconséquences pratiques des fusions,plusieurs SCOT sont en cours d’élaborationet d’approbation. Les changements depérimètre auront des impacts nonnégligeables sur ces démarches. Parailleurs, on commence à élaborer des PLUintercommunaux. C’est une logique demodifications sans fin, puisqu’il faudraencore procéder à des révisions de schéma.

Ne faudrait-t-il pas y mettre un frein ? S’il y aencore des modifications de périmètre, nousallons faire la fortune des bureauxd’études…

S’agissant des syndicats, je n’ai pas le détailen tête, mais il y a eu quelques réductions.Deux syndicats étaient inactifs enMaine-et-Loire. Deux syndicats d’eaupotable ont été fusionnés pourrapprochement. D’autres fusions sontenvisagées. Il reste encore des décisions àprendre mais globalement, cela s’est bienpassé.

� VINCENT DEGROTTE,Architecte, urbaniste, directeur du CAUE de Loire-Atlantique

Je voudrais relever une dimension qui n’apas été beaucoup abordée ici, la dimensionparticipative de la citoyenneté, voire mêmede la démocratie locale, qui doit être prise encompte dans le jeu politique et degouvernance des maires au sein desintercommunalités, qu’il s’agisse decommunautés de communes ou de pays –puisque certaines communautés decommunes voudraient voir disparaîtrecertains pays. Il y a un jeu de gouvernanceet un rapport à la démocratie locale et à laparticipation des représentants de la sociétécivile, notamment, qui apportenténormément sur les problématiquesd’aménagement de territoire. J’aimeraisavoir des retours d’expérience oud’expérimentation ou même, un profil pourdemain, parce que la remise en causepolitique des pays vise parfois directementles conseils de développement et donc, lareprésentation démocratique locale. AuCAUE, notre préoccupation est bien de «faire ensemble » et de générer de la qualitésur tous les projets de territoire. J’aimeraisajouter cette dimension au débat et auxanalyses prospectives.

� CHRISTOPHE BERNARDVous avez compris que je ne suis pasforcément en accord avec ce que FabienDesage met en avant dans son ouvrage. Ilrègle la question des conseils de

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développement en un paragraphe, enexpliquant que ce n’est pas cela qui remet ladémocratie représentative au centre dudébat. Mais il n’est pas là pour en discuteravec nous et je ne veux pas faire un mauvaisprocès sur la question.

Les conseils de développement n’ont plusde support juridique dans les pays depuisl’abrogation de l’article 22 de la loi Voynet.Leur existence est donc soumise auxusages locaux. En revanche, l’appuijuridique demeure et reste effectif pour lescommunautés d’agglomération. Mais la miseen œuvre et l’animation des conseils de développement est extrêmementhétérogène d’une agglomération à l’autre etmise en avant avec plus ou moins d’entrain.Cela ne recoupe pas forcément des lignespolitiques claires de droite et de gauche. Jepense au président de la communautéd’agglomération de Mantes-en-Yvelines(CAMY), qui ne tarit pas d’éloges sur leconseil de développement et l’intérêt qu’il enretire. On connaît aussi l’importance destravaux de Plaine-Commune et de sonconseil de développement, ou du GrandLyon, également très engagé surl’accompagnement des élus. La questionreste devant nous, mais il est vrai que cetélément n’a pas été central dans le débatautour de la réforme territoriale. Lacoordination nationale des conseils dedéveloppement avait avancé desamendements qui n’ont pas connu de suite.

S’agissant des relations entre communautésde communes et pays, la Direction généraledes collectivités locales imaginait quel’évolution naturelle des communautés decommunes allait tuer les pays, puisque l’ons’orientait vers des recoupements. Certainséléments posés dans la loi visaient àconsidérer la maille pays comme l’un deséléments devant participer de la réflexion surla redéfinition de périmètres decommunautés. Mais dans de nombreuxschémas, ce n’était pas un élément central.Cela a pu être pris en compte là où les payssont assez forts, notamment dans lesDeux-Sèvres. Mais les communautés de

communes n’ont pas toutes été toisées à lamaille du pays et il y aura des systèmes quivont co-exister.

Des questions lourdes restent posées,notamment en termes d’ingénierie. Lesnombreuses fusions que j’évoquais vontsoulever la question des repositionnementsde personnel, qui vont nécessairementinterférer à la fois avec les pays et avec lesmissions dont l’État se retire. Ce serapeut-être l’occasion de redéployer desservices pour recouvrir des missionsabandonnées par celui-ci. Des réflexionssont en cours à ce sujet. Nous essayonsnotamment de réaliser une analysenationale avec d’autres associations. En toutcas, cette question de l’ingénierie, enparticulier hors des territoires urbains, peutêtre intégrée dans la réflexion sur la recomposition des périmètrescommunautaires. Il y a également desagences départementales qui fleurissent etdes réflexions sont en cours sur la mise enplace de sociétés publiques localesdépartementales pour délivrer de l’ingénierieaux territoires. Cela pose des questions, entermes de prospective, sur le départementde demain et sur le rôle des communautésentre elles pour prendre en main desquestions qui les préoccupent sans s’enremettre au niveau départemental.

� CLAUDE NARIOO,directeur général adjoint chargé dupôle du développement et del’attractivité, communautéd’agglomération de Pau – Pyrénées

Pour élaborer le SDCI, nous avons essayéde travailler à l’échelle du pays et d’élargirau maximum l’intercommunalité à l’échelledu bassin de vie, qui déborde un peu dupays. Nous avons un syndicat mixte àl’échelle du pays. L’intercommunalité, dontle président dirige le syndicat mixte, s’estbeaucoup interrogée sur l’opportunité defondre nos intercommunalités. Je ressensbien l’intervention de Monsieur Desage cematin à ce propos. Nous avons eu desquestions essentiellement fondées – de monpoint de vue et non de celui de mon

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institution – sur les équilibres économiquesinternes au territoire et les recettes qui y sontliées. En clair, nous n’avons pas su sortir dudébat de clocher et des concurrences queles élus se représentent entre les territoires,en particulier au regard de la place del’industrie. Aujourd’hui, nous sommesbloqués, en termes d’évolution. Nous nousdemandons comment nous allons en sortir.Le pôle dont j’ai la charge comprend lechamp de la coopération territoriale, quicommence par notre environnement proche: les communes de l’agglomération maiségalement, les communautés voisines. Detoute façon, techniquement, il nous fautprendre ce sujet à bras le corps. Nousengageons des réflexions pour éclairer lesélus sur les représentations qu’ils se font desrelations économiques entre nos territoires.Il y a quelques grands groupes, dans lesPyrénées-Atlantiques, dont Total, qui y a sonsiège social, ainsi que de grandesentreprises aéronautiques qui sont répartiesentre Pau, son agglomération etl’environnement palois. Ces grands groupesproduisent de la richesse dans le territoire.Nous travaillons sur la ventilation de cetterichesse et nous espérons obtenir lacollaboration de Laurent Davezies pourremettre les cartes sur table à ce propos etdépasser ces clivages qui, du point de vuetechnique, apparaissent comme archaïquesmais qui sont encore très présents et qui ontvraiment contrarié l’évolution de la carteintercommunale.

� OLIVIER DEDIEUQuels seront les pouvoirs du préfet en 2013dans les départements sans schéma ?

� CHRISTOPHE BERNARDÀ défaut de schéma adopté, il existeplusieurs cas de figure. Le préfet peut arrêterdes projets de périmètres ; il devra passerpar l’avis de la commission départementale,avec le délai de trois mois qui, à défaut, vautavis favorable. Après cet avis de la CDCI,l’arrêté de projet est pris, avec unepossibilité, au moment du passage encommission, de modifier celui-ci avec larègle des deux tiers des présents – règle

aujourd’hui discutée, parce qu’elle pose desdifficultés. Ensuite, il y a saisine pour avissimple du conseil communautaire etparallèlement, avis des conseils municipaux,avec un accord de conseils municipauxreprésentant la moitié de la population etl’accord de la commune la plus peuplée sielle détient plus d’un tiers de la populationtotale du regroupement prévu. À défaut dedélibération dans les trois mois, on retombedans le système de validation. En casd’accord du conseil communautaire et desconseils municipaux, un arrêté de périmètreest pris. En cas de désaccord, l’avis de laCDCI est sollicité, avec audition possible.Après cet avis, le préfet prend une décisionqui doit respecter ce que la CDCI auraarbitré, dans la mesure où elle aura délibéréaux deux tiers. Le préfet n’a donc pastotalement la main sur la prise d’arrêté et laconduite des opérations. Il revient à deuxreprises vis-à-vis de la CDCI et une fois laconsultation des communes etcommunautés intéressées conduite, onrepasse devant la CDCI. Le préfet est «encadré » par l’accord aux deux tiers, s’il sefait, de la commission départementale decoopération intercommunale.

� GUY AUBERT,Cadre pédagogique, délégation du CNFPT, Pays-de-la-Loire

L’un des principes fondamentaux dudéveloppement durable est la gouvernanceparticipative. Les conseils dedéveloppement s’étaient beaucoup appuyéssur les réseaux d’acteurs locaux. Lagouvernance sera-t-elle au cœur de laréorganisation des territoires et descommunautés ou ne sera-t-elle quepolitique, au sens où elle ne concernera queles représentants politiques élus ?

� CHRISTOPHE BERNARDD’un point de vue formel et d’après la loi, cesont les élus qui ont la main, en relation avecles préfets. Mais les pratiques de chacunedes communautés peuvent amener à desconcertations et des réflexions préalables,notamment avec leur conseil dedéveloppement. Nous n’avons pas

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beaucoup de remontées sur des démarchesconduites en ce sens. De plus, l’année2011-2012 est essentiellement concentréesur des questions à caractère juridique,politique et financier, qui gouvernent lemoteur de la réflexion des élus sur ce quiprévu ou non dans le schéma. Cela n’exclutpas pour autant une publicité des débats. Lapresse quotidienne régionale s’en faitd’ailleurs volontiers l’écho. Les évolutions nes’opèrent pas dans un cénacle éloigné de lapopulation parce que très souvent, les élusqui sont sur un rang défensif ont tendance às’appuyer sur la mobilisation de celle-ci pouréviter d’entrer malgré eux ou d’êtredémembrés dans leur communauté parceque rattachés à l’agglomération qui rayonneen son pourtour. Cependant, dans lesréflexions qu’ont nos élus et les témoignagesqui nous reviennent, s’il y a quelques cas demobilisation « citoyenne », ils ne sont pastrès courants. On peut citer le Grand Alès etla communauté d’Anduze, où des élémentsassez forts ont mêlé la population au débatpolitique sur le devenir de la communauté decommunes. Ou bien, en matière dedémarche citoyenne, la communauté deMulhouse Alsace Agglomération, qui a «muté » avant l’adoption du schéma et a enfinobtenu une homogénéité correspondant plusau bassin de vie : une communauté decommunes voisine concentrait de la taxeprofessionnelle et refusait de participer audevenir de l’agglomération, alors qu’elle étaittotalement partie du bassin de vie. Ladémarche citoyenne participatived’information et d’échange mise en œuvre ainterféré dans ce débat.

� PHILIPPE LACAÏLE,DGS, ville de Tours / Tour(s) Plus

Le SDCI d’Indre-et-Loire fait partie desschémas qui se sont arrêtés en cours deroute. Il était pourtant bien lancé. Pour desraisons d’ordre politique, liées à l’extensionde la communauté d’agglomération, et surintervention d’une personnalité locale qui setrouve être membre du gouvernement, leschéma a été complètement stoppé.

S’agissant de la question de la consultation

citoyenne, il me semble que trois approchessont possibles. D’abord, une approched’expertise et de réflexion par rapport à lacohérence des bassins de vie, des bassinsd’emploi et des grands enjeux dedéveloppement et d’infrastructures. C’estl’approche dont les préfets ont essayé de sefaire les promoteurs. On les accuse souventde faire de la politique ; en réalité, beaucoupd’entre eux, dans ce genre d’exercice, ontune démarche technique.La deuxième approche est très politique : onexamine les projets de regroupement etleurs évolutions au regard de la volonté desquelques grands élus du département –dans un département, quel qu’il soit, il y atoujours quelques élus qui dominent ; c’estaussi cela, la démocratie locale… Ce débatse situe donc dans un cercle assez restreint,où ces quelques élus vont discuter en directavec le préfet. La commissiondépartementale comprend plusieursdizaines d’élus. Mais quand on discute aveceux, on voit bien que le fond des décisionsne se prend pas essentiellement en séance.

Une troisième approche, plutôt citoyenne,consisterait à recueillir le sentiment de lasociété civile sur ces regroupements. Il mesemble que la démarche initiée après la loidu 16 décembre 2010 a fait l’impasse sur cevolet. On peut considérer que ce n’est pasquelque chose de positif, mais peut-être ya-t-il plusieurs temps dans ces démarches.

En tout cas, mon sentiment est que leschoses ont besoin de mûrir, dans un certainnombre d’endroits. Avant de confronter celaà l’opinion de la société civile, je pense qu’ily a encore du travail à faire. Il me sembleque les élus et le représentant de l’État ontun travail à faire ensemble avant d’aller versla société civile. Le point de vue de celle-ciest important mais dans ce genre d’exercice,il me paraît nécessaire de privilégier d’abordun temps d’échange entre le préfet et lesélus. Ce temps est long. De plus, depuis laloi du 16 décembre 2010, d’autrespréoccupations ont émergé, qui renvoientaux grands enjeux qui se poseront à la suitedes rendez-vous majeurs des mois d’avril,

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mai et juin 2012. On peut parler aujourd'huide territoires et de compétences, mais à titretemporaire. En ce qui concernel’intercommunalité, je crois que noussommes à la croisée des chemins et quequel que soit le résultat de l’électionprésidentielle et des élections législatives,nous avons devant nous des chantiersassez vastes qui vont s’ouvrir.

� OLIVIER DEDIEUQue peut-on dire de la toute-puissance – ouplutôt, de l’ex-toute puissance – des préfets ?

� CHRISTOPHE BERNARDPuisque le mot est prononcé, la question dela mainmise des préfets a alimenté un granddébat et animé la campagne sénatoriale,front contre front, surtout après lanon-adoption des schémas. L’AdCF et l’AMFse sont beaucoup mobilisées pour fairepasser la loi Pélissard, qui a rejoint laproposition de loi de Sueur dans une sortede fusion, pour éviter que les collectivités seretrouvent dans un vide inconfortable où lespréfets auraient la main. Nous n’avons pasde suspicion à leur endroit sur desdémarches politiques partisanes, mais surun emmené de mise en œuvre de schémasun peu technocratique et décroché de lamobilisation des élus. Certains projetsétaient merveilleux sur le papier. Mais sivous prononcez une fusion entre plusieurscommunautés et que vous la faites passerde force, que se passe-t-il ? Qui écrit lesstatuts ? Qui passe le pacte financier ? Quirègle quoi ? Il ne suffit pas de le scanderdepuis le haut d’une préfecture. Ce n’estd’ailleurs pas ce qui va être fait, ni ce quevoulaient les préfets.

� OLIVIER DEDIEUPour l’anecdote, je citerai le cas d’un mairequi ne souhaitait pas, vis-à-vis de sapopulation, assumer politiquement l’entréede sa commune dans une agglomération. Ilétait prêt à ce qu’elle soit intégrée de force età s’indigner, mais au fond, il était d’accordsur le principe. Comme le préfet faisait durétropédalage, le maire était coincé :politiquement, il n’arrivait pas à l’assumer

devant sa population, alors qu’il savait qu’ilétait dans l’aire urbaine et que l’usage desservices intercommunaux pouvait êtrestructurant pour ses administrés. En fait, ilregrettait que le préfet ne lui ait pas forcé lamain.

� JOAQUIM SOARES,directeur de l’animation territoriale, fondation Abbé-Pierre d’Île-de-France

Je distingue deux approches : l’approchepurement technique, où l’on cherche à fairedes économies d’échelle, qui est doncpurement technocratique, et l’approche quise base sur une vision du développementterritorial, qui suppose un projet politiquearticulé autour de points forts, sur lesquelson peut mobiliser la société civile pour uneconsultation. Dans ce que l’on observeaujourd'hui, dans ce nouveau découpage dela carte intercommunale, quelle est la part dela vision politique qui mobilise le projet parrapport au regroupement purementtechnocratique ?

� PHILIPPE LACAÏLEC’est une très bonne question. Je pense qu’ilne faut pas opposer les approches. Chacunea ses avantages et ses inconvénients et apporte quelque chose à la construction del’ensemble. On peut parler de schémas et deprojets mais il faut bien, à un moment donné,se mettre autour de la table, discuter de lamanière la plus objective possible et ensuite,confronter cela au prisme ou au tamis duregard politique et des grands enjeux définispar la politique, en associant, si possible, lasociété civile.

L’une des choses que le législateur a bienréussie, dans la loi RCT, est la méthode detravail posée pour la définition des schémas.C’est une bonne intuition que de fairetravailler les élus dans une commissionrénovée – l’ancienne CDCI était bizarrementformatée, avec une surreprésentation dudépartement, de la région et des communes,une sous-représentation des EPCI et unpouvoir réel des élus très limité. La nouvelleversion des CDCI est très intéressante.L’exercice que le législateur a confié à la

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commission et au préfet est unecoproduction, une co-construction de lacarte intercommunale. Le progrès est asseznotable.

Au-delà, tout est affaire d’hommes, defemmes et de circonstances : il faut que cetravail puisse se faire en bonne intelligence,dans la bonne écoute des positions des unset des autres. Des situations peuvent sebloquer très vite et n’aboutir à rien. Dans unecertaine mesure, cela rehausse aussi laplus-value du politique et le rôle des préfets.

J’ai constaté, dans le départementd’Indre-et-Loire, que jusqu’à une certaineintervention politique qui a bloqué ledispositif, ce travail de co-production entreles élus, le préfet et ses services était menéde manière plutôt intelligente. Il y avait d’uncôté une vision du département assezcohérente au regard de l’expérience des dixannées de la loi Chevènement et d’un autrecôté, une prise en compte d’interrogations etd’attentes manifestées par les élus, et pasuniquement les grands élus locaux.J’imagine que ce constat vaut pour d’autresdépartements. En tout cas, il faut essayerd’avoir une approche qui fasse la part à cestrois problématiques : technique, politique etcitoyenne.

COMPÉTENCES : CONTENU,ÉTENDUE, EXCLUSIVITÉ,TRANSFERTS… Exercice par qui et pour qui ?

� DAMIEN CHRISTIANY,Consultant

En préalable à mon exposé, je voudraisappuyer Christophe Bernard sur le constatpartagé de l’extrême hétérogénéité desSDCI. Celui du Maine-et-Loire, qui a étéévoqué, ne voit guère de changements,puisque le nombre d’intercommunalités estréduit de 27 à 25, avec des hypothèses defusion très isolées pour certainesintercommunalités. Ce n’est pas le cas pourd’autres territoires, notamment ledépartement des Deux-Sèvres, qui évolue

fortement sur la recomposition de la carteintercommunale, en particulier dans lesecteur nord.

Mon intervention porte sur la question descompétences communautaires et avec elle,les conséquences de la redéfinition de lacarte intercommunale et la manière dont onpeut appréhender la reconfiguration descompétences entre des territoires qui sontappelés à fusionner ou dont le périmètre estpartiellement amené à fusionner par le biaisde retrait de communes ou d’adhésion isolée de communes membresd’intercommunalités limitrophes.

Notre cahier des charges est assez denseen ce moment et je constate, au niveaunational, que la question des compétencesnourrit aujourd'hui des difficultés croissantes,liées à l’évolution de leurs conséquencesjuridiques et financières, notamment ensecteur périurbain et en secteur rural.

La loi de décembre 2010 a posé plusieurséléments sur l’évolution de la procédure defusion et a tenté de simplifier la gestion descompétences communautaires dans cecadre, avec la reprise par le haut decompétences obligatoires, optionnelles oufacultatives. Sur le terrain et en pratique, laquestion est beaucoup plus délicate, aupoint qu’elle a été au cœur des réflexionsparlementaires dans le cadre despropositions de loi Pélissard, à l’Assembléenationale, et Sueur, au Sénat. Il s’agissait desavoir comment gérer des compétencespour lesquelles nous n’avions pas d’outilssusceptibles de concilier des impératifs derecomposition de périmètre avec unecertaine continuité de service public, soit àl’égard de compétences créées par lesintercommunalités – et ne résultant donc pasd’un transfert –, soit dans le cadre deprocessus de transfert ponctuel decompétences, par exemple, en matière devoirie, d’assainissement ou d’eau potable.

Mon approche personnelle – et critiquable –m’amène à faire le constat suivant. Nousvoyons aujourd’hui une tentation forte de

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revenir aux heures glorieuses des syndicatsde communes à travers la notiond’intercommunalité à la carte. La loiPélissard autorise désormais le maintien oula reconstitution de syndicats de communesdans des domaines de compétenceextrêmement ciblés, qui, comme par hasard,présentent de réelles difficultés : les servicesà la population, le volet scolaire, avec l’actionsociale, la petite enfance et l’enfance –jeunesse, mais aussi des compétences àcaractère environnemental commel’assainissement, l’eau ou lesproblématiques à caractère plus techniquetelles que la voirie.

Les réponses apportées par la loi Pélissardsur l’évolution des schémas départementauxqui n’ont pas encore fait l’objet d’uneapprobation au sein des départementsconcernés paraissent satisfaisantes, maison peut s’interroger sur ses conséquenceset celles de la réforme territoriale sur ledevenir de ces compétences. Lesconsultants sont régulièrement confrontés,dans le cadre des processus de fusion, àdes refontes de compétences qui relèventdu bricolage. On bricole avec les outilsfournis par les textes ou par les initiativeslocales – qu’il s’agisse d’ententescommunautaires, de constitution desyndicats mixtes ou de syndicats decommunes – avec la tentation de creuser lapiste de la société publique locale ; jusqu’àenvisager de créer une SPL pour gérer unmulti-accueil…

Par ailleurs, dans le cadre de processus derapprochement en secteur périurbain et ensecteur rural, nous assistons aujourd'hui àretour en arrière de l’intercommunalité.J’observe souvent que les processus defusion, actés ou non au sein des SDCI,peuvent être validés sur le terrain dès lors que l’on redéfinit le rôle del’intercommunalité vis-à-vis des communes.On entend souvent que certes, un nouveauprojet politique va être redéfini à travers leprocessus de fusion, mais qu’il ne fautoublier que l’intercommunalité est avant toutun outil au service des communes. C’est une

remarque récurrente. Qu’attendent lescommunes d’un processus de fusion ?Qu’attendent-elles en matière derecomposition du périmètre communautairedans le cadre du redéploiement descompétences ? « Est-ce que nous nous orientons vers une harmonisation parle haut ? » « Allons-nous mettre toutes les compétences dans la corbeille de lamariée ? » – expression que l’on entendfréquemment… « Allons-nous remettre àplat nos compétences par une redéfinitionde l’intérêt communautaire ? » « Quellesconséquences sur les aspects financiers, entermes de transfert de charges, deréévaluation des attributions decompensation ? »

Souvent, la question de l’outil est récurrente :on travaille sur de l’intercommunalité nonplus gestionnaire de compétences, mais surde l’intercommunalité partenaire à partentière des communes membres. Depuis lamise en œuvre progressive de la réformeterritoriale, on se pose à un moment laquestion de la redéfinition du rôle de sonintercommunalité sur le territoire puisquedésormais, on va réfléchir à 30 ou à 40… Jetravaille en ce moment sur un projet defusion à 115 communes, ce qui est bienautre chose que de travailler à 15, à 30 ou à50. Cela nécessite de redéfinir le rôle del’intercommunalité sur des notions très à lamode : la territorialisation des politiquespubliques, les compétences à la carte… Ya-t-il un intérêt à saucissonner noscompétences et, par exemple, à porter unecompétence sur un espace communautaireet non sur une autre partie de territoire ?Cette réflexion est rendue possible par la loiPélissard, qui permet « le transfert partiel decompétences facultatives » à desintercommunalités et qui ouvre ainsi desbrèches sur la refonte de certainescompétences à l’égard du nouveau territoirecommunautaire.

La question de la territorialisation despolitiques publiques ou la question plusgénérale de redéfinir l’intercommunalitécomme « outil au service de » amène

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d’intéressantes initiatives comme lerenforcement de l’expertise communautairepour le compte des communes en matièred’assistance à maîtrise d’ouvrage, demaîtrise d’œuvre ou d’instructiond’autorisations d’urbanisme. Comment lescommunes vont-elles pouvoir gérer, par lebiais de l’intercommunalité, le basculementdu retrait définitif de l’État sur les missionsd’ATESAT et l’instruction des autorisationsd’urbanisme ?

On sent bien que l’intercommunalité joueaujourd’hui un double jeu – sans aucuneconnotation péjorative. Elle intervientd’abord pour le compte de communesmembres sur de la gestion de compétencesclassiques. Mais elle devientprogressivement un partenaire à part entièrequi, paradoxalement, se positionne aussi sur des compétences qui ne relèvent pas nécessairement de compétencescommunales : les délégations decompétence, le transport à la demande, enlien avec le conseil général, les mécanismesd’aide à la pierre, le logement conventionnéou les politiques gérontologiques, à traversles mécanismes de CLIC. On observe uneévolution du rôle de l’intercommunalité sur leterritoire. Le couple communes /communauté est un mécanisme à deuxniveaux. Lorsque l’on travaille sur desprocessus de fusion, les échanges avec lescommunes qui sont au cœur du mécanismemontrent qu’elles attendent de plus en plusun autre rôle de l’intercommunalité.

S’agissant du transfert de charges, j’observeune certaine maturité sur ce sujet et dans lesflux financiers entre communes etcommunauté. Il y a notamment uneévolution de la mutualisation de la dépensepublique, à travers de nouveauxmécanismes de transfert de charges qui,cette fois, vont enfin impacter toutes lescommunes et pas uniquement celles quiportent la charge de centralité sur deséquipements de proximité qui vont bénéficierà une population pluri communale. Cetteévolution est manifeste pour le volet desservices à la population, en matière

d’enfance – jeunesse, mais aussi le voletscolaire ou la voirie, où l’on refond la relationfinancière entre communes et communauté.

Les communes sont prêtes à jouer le jeu,notamment dans le cadre de la définition denouvelles règles financières entre leuréchelon et l’échelon intercommunal. Parexemple, quand on travaille avec desintercommunalités sur un transfert decompétences en matière d’enfance –jeunesse ou de petite enfance, il n’est plusrare, aujourd'hui, de s’attaquer à des critèrestrès objectifs tels que le potentiel financier dechacune des communes ou la populationDGF et de ne pas rester obnubilé par le coûtde la charge dans le compte administratif dela seule commune qui porte l’équipement surson territoire, c'est-à-dire la charge decentralité.

� GUY AUBERT,cadre pédagogique,délégation régionale du CNFPTdes Pays-de-la-Loire

L’idée de la fusion de communautés decommunes est-elle portée par un véritableprojet de développement du territoire, avecdes compétences choisies en fonction de ceprojet, ou par une approche plustechnocratique, avec un effet d’aubaine dela part des communes qui vont intégrer unenouvelle communauté de communes ?

� DAMIEN CHRISTIANYIl n’y a pas de généralité en la matière et lesdeux approches existent. Certainesintercommunalités, notamment dans leMaine-et-Loire, initient un processus defusion résultant de l’instauration conjointed’un projet de territoire. On travaille d’abordsur une harmonisation progressive decompétences, on réfléchit en amont à ce quel’on veut faire ensemble à travers le nouveauterritoire et quand on est d’accord sur lamanière de les exercer, on enclenche leprocessus de fusion. Pour le consultant, ilest intéressant de disposer de deux ou troisans pour travailler. Cela permet de remettreles compétences à plat, avec une réflexionplus ambitieuse sur leur reconfiguration et

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leur spatialisation et le cas échéant, sur letransfert de nouvelles compétences.Une autre approche plus technocratique estla carotte financière : quelles sont lesconséquences d’un processus de fusionlorsque vous prenez en compte, dès la première année, la dotationd’intercommunalité par habitant, qui est laplus intéressante sur un territoire ? Là, on ale sentiment de brider la réflexion. Unprocessus de fusion a avant tout pourobjectif de renforcer ou de bonifier lesressources du territoire, qui va prétendre àun coefficient d’intégration fiscale plusintéressant qu’il ne l’était, vu de manièredistincte, entre les communautésintéressées par le processus de fusion.J’observe cette réflexion autour du CIF àtravers des dossiers de transfert decompétences. Il n’est pas rare que l’on nousdemande, dans un cahier des charges, defaire une simulation pour voir s’il est possiblede passer à plus de 0,5 % en termes de CIFpour bénéficier de la dotation de garantie quipermettra d’avoir un rythme d’évolution de ladotation d’intercommunalité analogue à laDGF forfaitaire des communes. Parexemple, telle intercommunalité a un CIF de0,85 % et l’intercommunalité voisine, un tauxde 0,20 %. Après réflexion, il est décidéd’appliquer 0,85 % sur tout le territoire, cequi permettra d’obtenir 1 M€ de dotationd’intercommunalité, et ce n’est qu’après lafusion que l’on envisage ce que l’on veutfaire ensemble, sachant que la loi Pélissarddonne désormais deux ans pour réfléchir aucontenu des compétences facultatives. Lerôle du consultant est celui d’assistant à lamaîtrise d’ouvrage. Il n’est pas maîtred’ouvrage.

� CHRISTOPHE BERNARDPlusieurs élus voudraient que l’onintervienne pour plafonner la bonification etéviter la course au CIF due à l’effetd’aubaine. Ils souhaitent privilégier laréflexion sur les projets et sur la constructionplus au fond.

� GUY AUBERTL’article 1 de la loi Chevènement était fondé

sur la notion de projet de territoire, « unprojet commun de développement dans unespace de solidarité ». On peut penser qu’ila été complètement dévoyé.

� CHRISTOPHE BERNARDCertes, mais même ceux qui commencentpar l’approche arithmétique devront faireprojet, à un moment ou à un autre. C’est unebonne chose de faire ses calculs, maisderrière, il y a des compétences quiemportent de la cohésion. Ainsi, latarification incitative sur les orduresménagères n’est pas qu’une questiontechnique ; elle implique une communicationqui dépasse la préoccupation de la réductiondes déchets. Ou encore, les questionsd’habitat sont éminemment des questionsqui ont un sens et préfigurent une réflexionsur le projet.

Comme Victor Chomentowski, je pense quele vecteur financier poussera aussi àréfléchir différemment et aboutira, pour ceuxqui ne l’avaient pas fait, à un pacte financierqui ne soit pas simplement la répartition dela manne, puisque manne il n’y a plus. Celaoblige à passer à un cran supérieur. Il y a eudes démarches qui, au début, étaient partiesde manière technique et cynique sur leretour de DGF attendu ; ce n’est plus tout àfait cela qui se joue.

Philippe Lhuissier évoquait le risque d’unmouvement perpétuel. Une révision est eneffet prévue en 2015 et d’autres suivrontrégulièrement, mais je ne peux mecatastropher de cet aspect. Il n’est pas facilede considérer que l’on est en mouvementperpétuel et qu’il va falloir bouger les lignes,mais c’est une manière de prendre encompte l’évolution des mobilités, des modesde vie. Nous aurions pu être conservateurset défensifs en demandant que l’on netouche pas aux périmètres descommunautés qui fonctionnent bien, qui sontbien intégrées, qui ont un maximum decompétences... Mais ces beaux objets sontparfois en décalage avec la vie réelle, avecla relation aux équipements, etc., ce quiimplique d’évoluer.

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La difficulté tient au fait que lorsque l’ontouche le bout d’une plaque, cela entraîneles autres plaques. Je comprends que l’onn’ait pas nécessairement envie de nourrirdans le temps les assistants à maîtrised’ouvrage – même si je les aime beaucoup.Mais on peut se poser la question del’échelle du SCOT, par exemple, et de sarelation avec la communauté. C’est ce qui vaprogresser et permettra des évolutions etdes stabilisations. Je ne pense pas qu’il yaura des révisions terribles. J’ai aussi espoirque l’on arrivera à contenir l’extensionurbaine et à jouer des densifications, ce quifigure aussi parmi les objectifs descommunautés.

� PHILIPPE LHUISSIERJe voudrais aborder la question descommunes nouvelles. En Maine-et-Loire,trois sont en projet, dont deux sur la mêmecommunauté de communes. L’une concernesix communes et est bien avancée. Lesconseils municipaux ont déjà délibéré et elledevrait entrer en vigueur début 2013. Dansla même communauté de communes, sixautres réfléchissent à l’éventualité de seregrouper. Au final, il y aura peut-être deuxcommunes nouvelles et deux communes quiresteront isolées, car elles n’ont pas vouluse lancer dans la démarche. Dans cesconditions, comment va fonctionner lacommunauté de communes ? La réflexionsur la mutualisation de compétences a déjàété lancée. La communauté de communesprésentera moins d’intérêt. En tout cas, celarisque d’être plus compliqué. Comment celase passe-t-il dans les autres communesnouvelles ? Y en a-t-il beaucoup en cours dedéveloppement ?

� DAMIEN CHRISTIANYVous faites mention d’un territoire que jeconnais, dans lequel il y a un contexte trèslocal à prendre en compte. S’il y avait desprojets de communes nouvelles aussidenses dans toutes les intercommunalités,cela se saurait. On organiserait un colloquenational sur les communes nouvellescomme substitution à l’intercommunalité…Sur le territoire en question, il ne restera plus

que trois communes. Elles peuvent seregrouper au sein d’un syndicat mixte oud’un syndicat de communes. En termes degouvernance, il y a de toute façon unerefonte de la manière dont les collectivitéss’organisent aujourd’hui. Mais il ne faudraitpas que sur ce territoire, les communesnouvelles soient appréhendées comme lecontre-pouvoir par rapport àl’intercommunalité. Certaines compétencescommunautaires pourraient, à moyen oulong terme, être rétrocédées à leur profit.Ceci pose clairement la question de l’intérêtde s’être engagé dans cette démarche àl’égard de l’intercommunalité.

� CHRISTOPHE BERNARDLes communes nouvelles sont victimes dedeux ratés. Tout d’abord, la barre a étéplacée suffisamment haut pour en faire peuet ne pas mécontenter ceux qui pensent quela commune est l’horizon indépassable del’organisation institutionnelle française. Il y aun deuxième élément que nous avionsrepéré et sur lequel nous avons essayéd’intervenir. C’est le cas où unecommunauté se transforme en communenouvelle. Le problème, pour les élus qui fontce choix, est que même en communenouvelle, ils vont devoir se rattacher à unecommunauté, parce qu’elle retombe sous lesceau des communes isolées. On aurait puconcevoir qu’il n’y ait pas d’obligation en lamatière, en fixant toutefois des seuils pouréviter l’apparition de communes nouvellesdéfensives qui ne voudraient pas entrer enintercommunalité et refonderaient des clubsde riches. Mais d’une autre côté, celaobligerait des communautés à tailleconséquente se transformant en communenouvelle à entrer ipso facto de nouveau dansune communauté ; c’est tout de même assezsportif.

� JOAQUIM SOARES,directeur de l’animation territoriale,fondation Abbé-Pierre d’Île-de-France

En tant que consultant, commentvoyez-vous l’évolution de la compétence dudroit des sols et de l’urbanisme ?Voyez-vous des plans intercommunaux

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d’urbanisme s’élaborer ? Par ailleurs, enmilieu rural, en matière d’éradication del’habitat indigne – je pense à laproblématique liée aux propriétaires occupants, qui sont souvent des personnesâgées –, voyez-vous des compétences apparaître ? Enfin, les petites communesprétendent-elles avoir une réflexion sur la précarité énergétique, qui est un sujetd’actualité ?

� DAMIEN CHRISTIANYS’agissant de la question du droit du sol, iln’y a pas véritablement de religion, là nonplus. Dans des territoires à caractèrepériurbain qui adhèrent déjà à un syndicatmixte de SCOT, on peut considérer que lacompétence est déjà transférée. Si l’onapplique les mesures du Grenelle sur lerenforcement de ces outils à l’égard descommunes, quand on travaille sur la fixationdu nombre de logements par commune àtravers le SCOT, on peut considérer qu’il y aindirectement une certaine dépossession dela fixation des orientations.

Je fais abstraction de débats qui ont eu lieu,à travers la réforme territoriale ou la loiGrenelle, sur la question d’un transfertobligatoire de la compétence des PLU àl’échelle des intercommunalités, mais j’aivraiment le sentiment qu’il y a aujourd'huiune certaine maturité sur l’intérêt des’engager dans une réflexion pour fixer desrègles communes en matière d’urbanismesur un territoire. Il est vrai cependant que derrière le PLU communautaire, ce qui fait souvent peur, c’est la notion de transfert de compétences, detransfert de la maîtrise d’ouvrage. La notionde transfert recouvre implicitement celle detransvasement ; donc, on perd un pouvoir,on perd la capacité de décider. La tentationest plutôt de procéder par étapes. On tend àse rassurer en définissant des chartes : deschartes d’urbanisme, des chartespaysagères…, qui ont la valeur que l’onsouhaite véritablement leur donner,c'est-à-dire une valeur très informelle etimplicite, en tout cas sans contraintejuridique. Mais entre la prise de conscience

et le fait de transformer l’essai, il y a parfoisun écart sur ce que l’on peut constater entreles différents territoires.

Il y a par ailleurs une vraie confusion entre lanotion de PLU communautaire et la questionde l’instruction des autorisationsd’urbanisme. Ce n’est pas tout à fait lamême chose. L’instruction des autorisationsd’urbanisme est une délégation decompétence – ce n’est donc pas un transfert– qui est fixée de manière conventionnelleentre les communes et l’intercommunalité.Et s’il y a convention, il y a date d’échéance,contrairement à un transfert de compétencequi, en principe, est perpétuel. Il y a souventégalement confusion entre la notiond’instruction et de compétence de signature.On considère souvent que la signature vaêtre déléguée avec l’instruction alors quel’on peut sans difficulté déconnecter lasignature du maire de l’instruction desautorisations d’urbanisme.

Auparavant, il y avait deux compétences surlesquelles les débats étaient passionnés –et passionnants : l’urbanisme et le scolaire.Aujourd'hui, la compétence la plus «passionnelle » n’est pas celle del’urbanisme, mais la compétence scolaire.Pour l’urbanisme, il y a eu une évolution eton constate maintenant une maturitéglobale, avec une réflexion commune àl’échelle d’un territoire intercommunal. Enrevanche, les problématiques scolairessuscitent encore des débats extrêmementvifs sur les questions des regroupementspédagogiques intercommunaux et descartes scolaires.

Quant à votre deuxième interrogation, jemettrais votre réflexion sous le vocable plusgénérique d’action sociale, à travers lelogement et la précarité énergétique. Il estvrai que ces compétences ne sont pasvraiment au cœur de la réflexion,aujourd’hui. Quand il faut commencer parharmoniser l’intérêt communautaire enmatière de voirie, ce ne sont pas lesquestions de précarité énergétique oud’accompagnement au vieillissement de la

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population qui constituent un enjeu centraldans les territoires. En revanche, j’observesouvent que derrière la notion d’actionsociale, il y a la volonté de renforcer l’identitédu territoire communautaire. Je travailleavec l’UNCCAS (Union nationale descentres communaux d’action sociale) et jeconstate que la volonté d’engager desactions à travers l’action socialeintercommunale recouvre aussi, à unmoment, la volonté, pour l’intercommunalité,de structurer une compétence à travers unoutil d’action sociale formalisé par le biaisd’un CIAS, par exemple, qui lui permettrapeut-être d’être enfin reconnue et d’apporterla réponse la plus rationnelle à l’égard de lapopulation. En matière d’accompagnementau vieillissement, par exemple, certainsterritoires ont des initiatives très ciblées ettrès intéressantes en matière de portage derepas, de gestion d’EHPAD, de gestion deCLIC. En première couronne del’agglomération d’Angers, la communauté decommunes Vallée Loire Authion, sur lesecteur de Saint-Mathurin-sur-Loire, mèneune réflexion sur le renforcement d’unecompétence en matière d’action sociale pourle public des 0-25 ans et pour toutl’accompagnement au vieillissement de lapopulation sur le territoire.

� VINCENT DEGROTTELes intercommunalités commencent àprendre naturellement la compétencerelative aux autorisations du droit des solspour les villes de plus 10 000 habitants. Yaura-t-il assez rapidement une obligationpour les intercommunalités de plus de 5 000habitants de prendre cette compétence ? Jeparle bien de la compétence de l’ADS et nonde l’urbanisme et des PLU. Dans lespremiers éléments de la loi SRU, au débutdes années 2000, la question du PLUintercommunal était déjà posée – et mêmeécrite – comme quelque chose d’obligatoire.On écrit régulièrement des choses trèsintéressantes dans les lois mais dans lesdécrets d’application, on a tendance à lesécarter rapidement, pour des considérationsbien souvent politiques. Dix ans après, on sedemande comment les remettre à l’ordre du

jour. C’est la question qui est posée autravers de la planification.

Pour le CAUE, travailler cette question de laplanification à l’échelle du territoire, mieuxréfléchir les PLU intercommunaux tout enpréservant un urbanisme de projet au niveaudes communes semble être l’une dessolutions les plus pertinentes, en tout casdans la chaîne de réflexion en matièred’urbanisme. Cela permet de conserver desniveaux de compétence et surtout deréflexion sur un projet d’urbanisme qui soitcohérent. Y aura-t-il obligation de prise decompétence de l’ADS pour lesintercommunalités de plus de X milliersd’habitants ?

� CHRISTOPHE BERNARDJusqu’à présent, l’ADS a été l’horizonindépassable. On s’attache plus à pousserau bout la logique qui prévaut dans leGrenelle, c'est-à-dire une planificationconstruite à l’échelle intercommunale, et às’orienter vers le PLUI. Tous les outilsnationaux du Grenelle vont dans ce sens.Michel Piron, député du Maine-et-Loire, aété le porteur d’amendements sur le PLUintercommunal. Nous avions pris uneprécaution : au lieu de le rendre obligatoirepour toutes les communautés de plus de 50000 habitants, nous préconisions uneobligation de délibérer sur la question, aumoins pour introduire le sujet et le débatdans les communautés. Il avait présenté ceprojet au moment de la loi de Grenelle, maisil lui avait été opposé qu’il s’agissait d’unequestion institutionnelle et qu’elle devait êtretraitée dans le cadre de la loi RCT. Lors dudébat sur la loi RCT, il a obtenu une majoritéen commission, mais il s’est fait battre enséance plénière. C’est l’un de nos regretssur la loi. Nous savions que nous n’aurionspas gain de cause sur tout, mais il noussemblait important de poser le débat pour yrevenir. Il y a un décalage par rapport àl’urbanisme de projet et à ce qui est prévupar le Grenelle.

Nous allons très prochainement produireune étude sur toutes les communautés qui

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ont pris la compétence en matière de PLUI.Nous en avions déjà produit une, mais nousavons aujourd'hui une base de données plusétoffée en termes de compétences. Je vousinvite à visiter notre site pour retirer del’information sur ce sujet.

� DAMIEN CHRISTIANYPour compléter les propos de ChristopheBernard, il y a un détail qui ne trompe pas etqui peut être un indice révélateur de lamanière dont on appréhende l’urbanisme àl’échelle des intercommunalités, aujourd'hui,notamment en matière d’ADS : lesformations relatives à l’intercommunalité quifonctionnent le mieux sont les formations ausein des DDT. J’en dispense régulièrement àl’égard d’agents instructeurs qui sont dans leflou total sur la question de l’évolution del’ATESAT. Ils sont incapables de nousdonner des éléments temporels sur lafixation des échéances de conventionsd’assistance à l’égard des communes etsont frustrés de cette incapacité à répondreaux questions. Certaines intercommunalitésrecrutent, par le biais de la passerelle, desagents instructeurs d’ex-DDE intervenantdans des bureaux de maîtrise d’œuvrecommunautaires, par exemple.

LA PLACE DES COMMUNES,LA PLACE DES PARTENAIRES

� PHILIPPE LACAÏLE,DGS ville de Tours / Tour(s) plus

J’ai en réalité trois casquettes, parce qu’àTours, il y a une autre intercommunalitéimportante que la communautéd'agglomération, qui porte notamment lapremière ligne de tramway en cours deréalisation ; c’est le Syndicat intercommunalde transport de l'agglomération tourangelle(SITCAT). Le périmètre des transportsurbains ne correspond en effet pasexactement à celui de la communautéd’agglomération. C’est l’un des sujets traitésdans le futur SDCI. De par mes fonctions, j’aiune triple vision : celle de la gestion d’unsyndicat – mais où la communautéd’agglomération représente la majorité de la

population – qui fonctionne comme leservice des transports de la communautéd’agglomération, celle d’uneintercommunalité et celle d’une commune,puisque je dirige les services de la ville deTours depuis quatre ans. L’ensemblereprésente un peu plus de 300 000habitants, dont 150 000 habitants dans laville centre, et près de 5 000 agents.

Organiser la mutualisation est passionnante,mais laisse assez peu de temps libre !Quand on réfléchit en termes decompétences, de périmètres et de territoirespour les intercommunalités, on est à lacroisée des chemins. Nous savons quel’intercommunalité, en version loiChevènement, est quelque chose quifonctionne. En revanche, nous ne savonspas ce qui va se passer après. Quelle est laprochaine étape ? Le statu quo est difficile àenvisager. Va-t-on vers une fusion descommunes autour de la ville centre ? Va-t-onvers le maintien de la situation actuelle, avecun attachement particulier à ce que reste lacommune, notamment dans ses missions deproximité vis-à-vis des citoyens ? Ou va-t-onvers autre chose, dont on peut sentir lesprémices ? Monsieur Christiany parlaitd’EPCI envisagés comme prestataires deservices pour les communes. Commepraticien, c’est une réalité que je constate.Au fil du temps, à côté du bloc descompétences transférées, je vois émergercette demande, qui peut prendre une formetrès triviale, telle que le conseil juridique, ouune forme plus sophistiquée à traversl’instruction des ADS.

Le législateur aura à se prononcer dans lesmois à venir sur cette articulation, d’autantplus que l’articulation entre les EPCI, lesdépartements et les Régions n’est pasréglée de manière définitive. Le départementest une collectivité en mutation et peut-êtreen voie de disparition. À l’inverse, la Régionest le niveau de collectivité qui tend aurenforcement. Il y a donc quatre strates decollectivités qui sont en mutation. Selon moi,l’intercommunalité est bien placée pourenvisager l’avenir avec une certaine

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sérénité. Il reste cependant à traiter laquestion de l’articulation avec lescommunes, notamment avec la ville centre.

Je vais vous livrer ma réflexion et mesinterrogations sur le fonctionnement del’intercommunalité aujourd’hui et quelquespistes de perspectives, vues par un directeurgénéral des services.

Parmi mes interrogations, certaines sont descraintes. J’en ai relevé de trois ordres. Lapremière porte sur la mutualisation desservices. La loi RCT en a étendu la forme,mais ses modalités sont plus complexesqu’auparavant et il n’y a pas d’incitationsfinancières. Certes, il n’est pasindispensable d’avoir des incitationsfinancières pour agir. Mais ce n’est passeulement une affaire de techniciens et laprise de conscience politique reste assezfaible. Dans une intercommunalité, lorsqu’onparle de mutualisation, le maire de la villecentre est en général intéressé, mais lesautres communes peuvent avoir une attitudeambiguë. Les petites communes peuventpenser que puisque le bateau est en train desombrer, s’en remettre à un ensemble pluslarge peut les aider. Dans les communesplus importantes, où les services sont plusétoffés, cela devient plus compliqué. Pour lemaire, la gestion de son personnel reste unélément de pouvoir, un élément décisionnelfort. Aux yeux de beaucoup de sesconcitoyens, il est aussi un employeur. Lamutualisation me paraît indispensable. Elleest lancée, mais nous sommes au tout débutde l’exercice.

Ma deuxième réflexion a trait àl’environnement financier des EPCI, qui s’estbeaucoup transformé et qui a même étécomplètement bouleversé. Le dispositif quiétait au cœur de la loi Chevènement acomplètement disparu. Le mécanisme definancement reposait sur la progression duproduit de la taxe professionnelle – je faisabstraction de la DGF bonifiée. Ce systèmea aujourd'hui complètement disparu. Unenouveauté a été introduite : l’institution dedroit commun d’une fiscalité sur les

ménages. En effet, depuis l’an dernier, lescommunautés perçoivent la fractiondépartementale de la taxe d’habitation, quiest un impôt assez inégalitaire, difficile àmanier, avec des abattements. Cechangement profond de l’environnementfinancier des EPCI s’accompagne d’unerupture potentielle du lien entre lesentreprises et le territoire. Il est encore tôtpour apprécier les effets définitifs de cetteréforme, mais je pense qu’elle contribue àfaire émerger un autre système et alimenteles interrogations sur le devenir del’intercommunalité. Il est plus facile de voirun avenir se dessiner quand on sait que,chaque année, on peut se reposer sur unerecette fiscale qui évolue de 3 à 4 %, commecela a été le cas entre l’instauration de lataxe professionnelle unique et sasuppression. Aujourd'hui, les élus regardentl’avenir différemment. La moitié de laressource fiscale est liée à ce que vont payerles ménages et l’autre moitié, à la CET, lacontribution économique territoriale, qui vaévoluer de manière quasi nulle.

Troisième sujet d’interrogation : les effets dela réforme du mode de désignation desdélégués communautaires. À partir de 2014,on entrera dans un système analogue à celuide Paris – Lyon – Marseille. Il est trop tôtpour en mesurer les effets, mais j’y vois lerisque de la fin d’une certaine forme deconsensus ; peut-être cependant aubénéfice d’un rapport plus direct entre l’éluet le citoyen communautaire ? En tout cas, ilest probable que les conditions defonctionnement des EPCI changeront.

S’agissant des enjeux, je pense en premierlieu que nous allons vers une simplification,une clarification, une meilleure pertinencedes périmètres des EPCI. Je lis lesproductions de l’AdCF et des experts quitravaillent ces questions et il me semble quele mouvement va dans la bonne direction,celle d’une meilleure cohérence territorialesur tout le territoire.

Le deuxième enjeu renvoie à l’articulationavec les départements et les Régions. La

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création des métropoles est intéressante.C’est une sorte d’EPCI qui pourraitfonctionner à trois niveaux : un EPCI avec des compétences purementcommunautaires, un EPCI avec descompétences déléguées ou transférées parl’échelon départemental et un troisièmeniveau, par l’échelon régional. La notion demétropole porte l’idée de la maîtrise, sur sonterritoire, de l’ensemble des grands vecteursde détermination politique. Ne faudrait-il pasintégrer cet aspect dans la réflexion surl’avenir des départements ? Je ne suis pasun grand défenseur de l’institutiondépartementale, peut-être du fait de monexpérience ou du tropisme lié à mesfonctions, mais il me semble que c’est unequestion qu’il faudra se poser demain.

Le troisième aspect qui me paraît important,parce que lourd d’enjeux, est l’articulationentre l’EPCI et les communes membres, quirecouvre deux types de problèmes. Lepremier concerne la ville centre. Il estévident que le rapport d’un EPCI avec saville centre ne peut pas être le mêmequ’avec les autres communes. Cette réalitéest parfois difficile à admettre pour les élus.Quand le président de l’EPCI est le maire dela ville centre, c’est d’une évidence criante.Mais je pense qu’il en va de même quand lesdeux exécutifs ne sont pas identiques, parceque dans une intercommunalité, la villecentre est en général le vecteur d’attractivitéde l’ensemble. Aujourd’hui, il existe unefiction juridique qui fait que la ville centren’est pas traitée différemment des autrescommunes de l’EPCI. On respecte unprincipe d’égalité qui conduit à ne pas fairede différenciation dans le traitement desunes ou des autres. Cette question mérited’être posée, pour l’avenir.

Le second problème renvoie à l'articulationavec les autres communes, qui doitégalement être examinée. Pour lescommunes de moins de 3 500 habitants,l’intercommunalité est devenue une bouéede sauvetage, avec, d’un côté, le retrait del’État, qui assurait un certain nombre demissions, notamment celle de l’ADS, et de

l’autre côté, des finances communales quine permettent que des investissementslimités et qui, sur la section defonctionnement, laissent peu de marges demanœuvre. Les communes plusimportantes, elles, s’interrogent en termesde devenir : faut-il arrimer complètement sondevenir à l’intercommunalité ou faut-ilconserver une spécificité liée au caractèreparticulier de la commune ?

Il me semble que nous sommes arrivés à unpoint charnière de l’intercommunalité.Allons-nous continuer vers une certaineforme d’intégration ou allons-nous passerdans un autre système où la prestation deservices l’emportera sur la vision intégrée duterritoire ? Je pense que, par rapport à ceque comportait la loi Chevènement, nousnous sommes progressivement écartés decette vision qui consistait à créer un territoiresolidaire et pertinent, fondé surl’aménagement de l’espace et ledéveloppement économique. Le législateurqui aura à traiter de ces questions dans lesprochains mois devra s’interroger à cetégard. Veut-on généraliser l’approche del’intercommunalité prestataire de services,simple gestionnaire d’un certain nombre decompétences dont personne ne conteste lalégitimité, comme les ordures ménagères,l’assainissement, les transports ? Ouveut-on rester fidèle à une vision plusglobale du territoire, qui fait place à lasolidarité entre les entités qui le composent ?

S’agissant de l’aspect des compétencesstricto sensu, nous avons abordél’urbanisme à travers les ADS. Deuxéléments sont à distinguer. L’aide àl’instruction des autorisations relatives au solest une modalité relativement technique. Levéritable enjeu, qui est majeur et qui nousrenseignera sur la façon dont cela va sedessiner par la suite, est le PLUintercommunal, qui me semble être la clé devoûte de l’avenir. J’ai suivi avec beaucoupd’intérêt les projets de textes et j’ai été navréde leur issue. Les élus sont très partagés surcette question. Certains en voient bien lanécessité et y sont plutôt favorables : quand

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on a un PLH d’agglomération, un PDU, deséquipements structurants, une démarche quis’inscrit au niveau du territoire, on voit bienque le PLUI s’impose. D’autres élus le voientmais ne le veulent pas : signer un permis deconstruire, demander des précisions,recevoir les constructeurs et promoteurs,pour un maire, est quelque chosed’important et de sérieux. Le transférer à unEPCI n’est pas neutre, même s’il fonctionnebien et que l’on en ressent la nécessité. Il ya là un passage à franchir qui n’est pasfacile. Je plaide plutôt pour une approchegradualiste, pour une approche des petitspas, où il faut rassurer les uns et les autres,en commençant par transférer l’instructiondes demandes d’ADS. Cela me paraît unenjeu fondamental pour demain.

D’autres champs de compétence doiventêtre approfondis. Il existe des compétencesqui n’ont été transférées que partiellement.C’est le cas de la voirie, dont le transfert, enoutre, relève d’un cadre juridique complexe,qui mérite d’être mis à plat. Il y a aussi descompétences stratégiques qui n’ont pastrouvé de solution, aujourd’hui, en particulierdans le champ scolaire, qui est assez peutraité au niveau des communautésd'agglomération. Il y a également le secteurdu social. Est-ce qu’une communautéurbaine, une communauté d’agglomérationou une communauté de communes peut sedésintéresser complètement desproblématiques sociales ? J’ai tendance àpenser que non. En même temps, ledépartement est très recentré sur desmissions sociales. Faut-il, parallèlement àcela, charger l’EPCI de compétences fortesdans ce domaine, sachant que lescommunes, à travers leur CCAS, continuentà exercer un rôle important ?

Le dernier enjeu sur lequel je souhaiteinsister est celui de la gestion du personnel,qui est une chose parfois complexe. Auniveau des intercommunalités, à travers lamutualisation des services, on peut arriver àredonner un peu d’air au système. Pour mapart, je participe au CTP et à la CAP de laville et de l’agglomération. Nous avons des

discussions avec les organisationssyndicales, à la fois pour des raisonsexogènes liées à des évolutions législativeset statutaires, mais aussi pour des raisonsendogènes : la maîtrise de nos finances,celle de l’évolution des carrières des agentset de leur gestion à moyen et long terme. Lamutualisation peut nous permettre deretrouver des marges et permettre auxagents d’envisager une carrière qui ne soitpas uni communale, parce que faire unecarrière dans une seule collectivité est uneperspective qui n’offre pas suffisamment demotivation. Je pense que cette mutualisationest le moyen de re-motiver une partie dupersonnel, mais aussi de moderniser lagestion des agents. Notre communautéd'agglomération est récente et compteenviron 500 à 600 personnes ; ellefonctionne avec des critères modernes enmatière de RH. À côté, il y a une villed’environ 4 500 agents. Pour moi, lamutualisation est un vecteur puissant demodernisation des RH. Il y a là un champque les organisations syndicales sontcapables d’entendre, parce que l’on peutaussi travailler à l’harmonisation du régimeindemnitaire. La mutualisation ne doit pasconsister qu’à réduire des services ou deseffectifs. Il faut essayer de se projeter enmenant un travail sur le déroulement de lacarrière dans le cadre de la mutualisation etsur l’amélioration du régime indemnitaire.

Vous l’aurez compris, je fais partie des gensqui pensent que l’intercommunalité a trèsbien marché, que s’il y a une réformeinstitutionnelle qui a porté ses fruits, c’estbien celle qui a porté sur l’intercommunalitédepuis 1999. Nous sommes aujourd'hui à lacroisée des chemins et plusieurs devenirssont possibles.

� VÉRONIQUE SAUVAGE-MORVAN,Chef de projet, direction dela formation, CNFPT

Les conclusions de Monsieur Lacaïlerejoignent mes interrogations. Commenttravaille-t-on les questions de l’impact del’intercommunalité sur l’organisation dutravail, sur le travail quotidien des

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personnes, sur les politiques et pratiques deRH – carrières et statuts – et sur le dialoguesocial ? Je m’interroge aussi sur le climatsocial en cette période d’incertitude assezforte. Il y a ici des responsables de servicequi auraient sans doute des choses à dire.

Je voudrais aborder la question descompétences sous l’angle des compétencesdes personnes. Les collectivitésd’aujourd'hui sont-elles équipées pourrépondre aux nouveaux enjeux desnouvelles compétences des organisations ?Ne faudrait-il pas anticiper le développementd’expertises sur certains sujets ? Parailleurs, cette question préoccupe-t-elle lesélus ? Entre-t-elle dans le cadre dediscussions d’ordre politique surl’intercommunalité et la réorganisation duterritoire ?

� DAMIEN CHRISTIANYJe constate souvent une certainepaupérisation de la réflexion, notamment surles conséquences d’un transfert decompétences ou d’un processus de fusion àl’échelle des intercommunalités. La questiondu scolaire en est tout à fait symptomatique.C’est l’une des rares compétences où, dujour au lendemain, les effectifs del’intercommunalité vont au minimum doubler,voire tripler. Dans les communes où leseffectifs sont importants, ce sont souvent lesdirections scolaires qui interviennent à la foisau sein du fonctionnement des écoles, surtout le volet périscolaire et sur tout lepersonnel d’entretien. Lorsque l’on pose laquestion des conséquences de lastructuration d’un nouveau service àl’échelle de l’intercommunalité, on vousrépond trop souvent qu’il n’est pasenvisageable de restructurer le service RH,qu’il faut s’organiser, que les servicesactuels porteront et dirigeront l’accueil denouveaux services à l’échelle du territoire…Mais c’est une question qui mérite d’êtreposée. Certains centres de gestion y sontconfrontés. C’est le cas enBasse-Normandie, où les centres de gestioncommencent à être sollicités de manièrecroissante par les territoires sur lerenforcement de la professionnalisation

dans la gestion de carrières, dans le cadredes processus de transfert. Quand voustransférez une compétence telle que lacompétence scolaire, du jour au lendemain,vous pouvez passer de dix ou quinze agentsseulement dans une communauté decommunes à plus de cinquante agents, cap« psychologique » pour pouvoir constituervotre propre comité technique paritaire ausein de la collectivité. En secteur périurbainou rural, c’est un véritable enjeu.

� CHRISTOPHE BERNARDAu plan national, les élus se préoccupentréellement des questions de mutualisation.Nous avons engagé avec l’INET une étudede cas pratiques dans les communautés surles effets induits, les précautions à prendreou les bonnes manières de faire. Parailleurs, l’enjeu fort que constituent pour lesélus les évolutions et conséquences de lamutualisation en termes de personnel nousa conduits l’an dernier à engager une étudeen lien avec le CNPT, avec deux étudiantesen psychologie qui ont enquêté auprès desalariés de communautés mutualisées ounon pour apprécier les impacts desévolutions et la manière dont était ressentil’avancement de l’intercommunalité. Leseffets étaient contrastés. De son côté,l’ADGCF, l’Association des directeursgénéraux des communautés de France,souhaite mener des travaux sur l’évolutiondu métier de directeur général et le passagede son rôle de développeur à celui demanager. Par ailleurs, les débats politiquesqui ont suscité des saillies caricaturales surl’envolée des effectifs intercommunaux ontété marqués par l’absence notable depédagogie et d’éléments explicatifs sur leursévolutions. L’AdCF est en train de travailleravec le CNFPT sur cette question. Nousdevrions pouvoir produire des élémentscartographiques à la fin de l’année. Enfin,nous allons essayer d’organiser un colloquecommun avec l’AMF sur les questions demutualisation.

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ATELIER 2LES PACTES FINANCIERS ETFISCAUX AU SERVICE DESPROJETS DE TERRITOIRE

Animation : � CYRILLE BERTOLO,

DGA des ressources,ville de Caluire-et-Cuire

Intervenants :� ROMUALD GOUJON,

Consultant en finances,Cabinet Partenaires Finances locales

� VÉRONIQUE JACQUES,Responsable des finances,Communauté d'agglomérationd’Orléans

Cet atelier a pour enjeu de dresser uneesquisse de la mise en œuvre des pactesfinanciers depuis 2008, de dégager desfacteurs de réussite et éventuellement,d’échec, de dessiner ensemble desperspectives. Certains sont déjà en train deréfléchir au nouveau pacte financier et fiscal.En tant qu’agents et fonctionnaires, vousavez la quasi-obligation de penser déjà àl’évaluation ex-post de ce qui a été mis enplace.

PANORAMA INTRODUCTIFIl existe plusieurs pactes financiers et fiscauxet plusieurs démarches au service desterritoires. Fabien Desage évoquaitl’absence de politique dans lesintercommunalités, parfois. Mais il y aénormément de projets de territoire qui ontvu le jour comme documents fixant desorientations et des valeurs dans denombreuses intercommunalités. Certes, lesenjeux et les problématiques ne sont pas lesmêmes dans une communauté urbainecomme le Grand Lyon que dans uneagglomération ou une communauté decommunes rurale. Mais pour beaucoup,nous avons observé la mise en place d’unprojet de territoire. Ce qui montre bien qu’il ya de la politique dans les intercommunalitéset que les élus savent se mettre autour de la

table pour discuter et élaborer desdocuments fixant des orientations politiques.

Le pacte financier et fiscal vient consolidercette démarche en tant qu’outil detranscription politico-technique des valeursdu projet de territoire et de ses modalités definancement. C’est ce qui permet de réfléchirà la manière dont on va répartir lesressources, gérer les projets en commun etmettre en œuvre le territoire tel qu’il estdéfini. Le pacte a pour objet de gérer lesinterrelations et interdépendances entre lescommunes et l’intercommunalité, mais aussid’amener à réfléchir au partage desressources, à la définition de l’intérêtcommunautaire, à la prise en compte descharges de centralité, à la ou aux politique(s)d’investissement, à l’adaptation de l’offre deservice public, à la mutualisation, etc.

Plusieurs logiques parfois concurrentes sontà l’œuvre au sein des pactes financiers telsqu’ils ont pu être élaborés à partir de 2000.Le premier axe est celui du développementdu projet communautaire. C’est la logique del’intercommunalité avant tout, et ledéveloppement du projet communautairepeut parfois se faire au détriment descommunes et d’autres logiques, notammentcelle de la solidarité territoriale et de lapéréquation, qui est l’un des axes que l’ontrouve beaucoup dans les pactes actuels, àtravers la question du reversement de DSC,essentiellement, et des fonds de concoursen général. L’autre axe importantfréquemment abordé dans les pactesfinanciers est celui de l’optimisation fiscale,notamment dans les agglomérations, où lemécanisme du coefficient d’intégrationfiscale fait grossir le gâteau. Selonl’expression de Michel Klopfer, il y a des «jokers » : la taxe d’enlèvement des orduresménagères (TEOM) et la redevanced’assainissement, qui permettent de fairebeaucoup augmenter le CIF et donc, ladotation de l’intercommunalité, pourschématiser.Le pacte financier est une boîte à outils,dans laquelle on met un peu ce que l’on veutet ce que les élus veulent y mettre. Commeles pôles métropolitains, c’est un lieu dedébat.

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Tous les sujets « qui fâchent » peuvent êtreabordés dans un pacte financier et fiscal :• la coordination fiscale et les règles de lienentre les taux. On peut très bien s’obliger etprévoir des augmentations de taux dans lescommunes. Le Grand Lyon a réussi à fairemonter les taux à ses principales communespour pouvoir augmenter les siens ensuite ;• les transferts de compétences et leurintensité, en lien avec le coefficientd'intégration fiscale et la dotation globale defonctionnement ; • la méthode d’évaluation des charges destransferts et la détermination des attributionsde compensation. À Lille Métropole, letransfert de la voirie s’était accompagné,dans les communes, d’une forteaugmentation des investissements de voirie.La commission locale d'évaluation descharges transférées (CLECT) n’avait pasbien fait son travail ni respecté lesdispositions de l’article 1609 nonies C ducode général des impôts, où un certainnombre d’éléments sont déterminés. Lepacte est l’un des endroits où l’on peut enparler. La CLECT doit aussi adopter unrèglement intérieur de fonctionnement ; • la détermination des reversements, aussibien en fonctionnement, avec la DSC, qu’eninvestissement, avec des fonds de concours.Il existe aussi des fonds de concours enfonctionnement. Ils sont un peu moins usitéset plus complexes à utiliser mais ilsconstituent une possibilité qu’il faut se laisserouverte ; • le niveau de service offert, la répartitiondes charges, en examinant la situationfinancière des différentes parties prenantespour essayer de répartir au mieux lescharges, les compétences et lesinvestissements.

Une enquête flash a été réalisée en 2008par l’AdCF sur les pactes financiers en débutde mandat. Il en ressortait que les pactesétaient globalement peu formalisés ou àtravers des délibérations éparses – moins de10 % des répondants avaient un pacte écrit– et qu’ils étaient essentiellement centrés surla péréquation et la solidarité financière, àtravers des reversements – DSC ou fondsde concours, majoritairement. Enfin, deuxpréoccupations majeures étaient mises en

avant. D’une part, la réduction des DSC ; onconsidérait déjà que l’intercommunalité étaitun peu une « vache à lait », une coquille videvouée à ne faire que du reversement.D’autre part, l’instauration d’une fiscalitémixte, qui traduisait la préoccupation sur lescontraintes financières desintercommunalités. D’ailleurs, la plupart descabinets de consultants mettent aujourd’huien avant le risque qui existe au sein desintercommunalités qui ont vu leur niveaud’investissement augmenter très fortement,surtout à partir de 2008, pas toujours avecles moyens suffisants, en se privant parfoisd’un certain nombre de leviers et en lesrefusant, à travers des reversements faitsaux communes qu’il faudrait rediscuter,quand cela va mal.

Quel est l’intérêt de mettre en place un pactefinancier ? Il est obligatoire de facto lorsqu’ils’agit de répartir la DSC, de discuter del’attribution de compensation, de voter unprogramme pluriannuel d’investissement oudes projets d’investissement : on est déjàdans la logique de mise en place du projetde territoire. L’avantage d’une démarche unpeu formalisée, c'est-à-dire concertée enamont et transparente, est de forcer le débatsur la répartition des richesses et sur laquestion de l’équité fiscale sur le territoire. Ily a énormément d’éléments qui entrent encompte : la qualité des investissements, leurniveau, leur territorialisation… Lorsque l’onparvient, ce qui n’est pas évident, à mettresur la table la richesse réelle des communesà travers des critères un tant soit peuobjectifs, dont il faut discuter non seulementau niveau national, mais aussi au niveaulocal, c’est toujours une expérience trèsintéressante. Elle est un peu rude, au départ,parce que tout le monde conteste leschiffres. En outre, quand on commence àélargir le débat sur les notions derétrospective, de santé financière descommunes, voire de prospective, avec lamise à plat, devant les autres, de son PPI,certains avis peuvent grincer. Il y a desenjeux différents, on trouve toujours de trèsbons arguments ; et chacun a de très bonsarguments. L’autre avantage d’une démarche formaliséeest qu’elle oblige à définir et à expliciter une

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stratégie financière commune. Ceci vientégalement en contradiction avec l’affirmationd’une absence de politique. Chacun a sesintérêts particuliers, qui, pour lui, sontl’intérêt général, mais on parvient à uncompromis, à un consensus peut-être moumais en tout cas, à une approbationcommune et qui peut fonctionner – parcequ’en général, c’est voté – autour d’uncertain nombre d’axes et de stratégies. Etparfois, quand le contexte est favorable, onpeut arriver à faire voter à l’unanimité unerevalorisation des dotations d’attribution decompensation (DAC). L’agglomération deSaint-Brieuc y est ainsi parvenue.

Il y a tout de même aussi des inconvénientset des difficultés, à commencer par lalourdeur de la démarche. Mettre en place unpacte formalisé et même, réfléchir ensembleà une stratégie financière suppose déjà quetout le monde, autour de la table, soit à peuprès au même niveau, les élus comme lesagents, ce qui n’est pas évident. Denombreuses informations et formations desélus et des agents sont nécessaires enamont pour comprendre des mécanismesqui sont complexes. Les cabinets mettentparfois en place des dispositifs un peucompliqués, qui rendent l’évaluation difficile.

Une autre difficulté réside dans le fait quec’est une logique d’ensemble qui peut êtreparfois contraignante. Il y a un systèmeglobal, un accord, un compromis ; quand ils’agit de le modifier, soit en interne, soit enraison d’un bouleversement externe commele FPIC, et qu’il faut remettre un peu d’argentsur la table, cela complique la chose.L’appropriation, l’envie de travailler sur unprojet commun des élus, mais aussi desagents, est aussi une difficulté. Il y a un jeuentre la transparence que l’on veut biendonner et une certaine méfiance à l’égard dece que dit l’autre, de la véracité de seschiffres… C’est donc un processuscomplexe, qui doit être rendu le plusdémocratique possible, c'est-à-direapproprié. Les grands enjeux du pactedoivent être bien discutés.

En termes de méthodologie, on part engénéral d’un état des lieux financier, sipossible concerté, bâti sur une analyse

financière rétrospective et prospective etcela pour tout le monde. C’est là que celadevient difficile. Rares sont lescommunautés d'agglomération quiexplicitent et font voter leurs prospectives auconseil communautaire.

Autre aspect important, la nécessitéd’identifier des leviers d’action et le bonniveau d’exercice des compétences. Onpeut procéder à des reversements au seindes zones d’activités. On peut se demanderqui est à même d’exercer les compétencesau bon endroit et au bon niveau. C’est cequ’ont fait le gouvernement et le parlementlégislateur pour répartir, dans le cadre de laloi RCT, un certain nombre de compétenceset en rediscuter. Ce sujet amène celui de lasubsidiarité : qui peut le mieux faire ? Et ceci,sans penser aux institutions. C’est difficile : ily a des élus, des citoyens qui votent, descontribuables…

Le positionnement sur l’efficacité de ladépense est un sujet est relativement peuabordé mais intéressant à discuter. Il nesuffit pas de se demander qui est le mieux àmême d’exercer une compétence, il fautaussi déterminer à quel niveau il est le pluspertinent de dépenser. Est-ce qu’un eurodépensé par l’agglomération équivaut à uneuro dépensé par une commune ? Sur quelthème ? N’est-il pas plus rentable deconstruire un grand équipement que de fairetel autre investissement ? Ces questionsdoivent être envisagées.

Il faut aussi souligner l’intérêt d’un regardextérieur – celui des cabinets, notamment –pour avancer et objectiver. Au départ, cessujets font polémique. Il est nécessaire dedédramatiser l’enjeu. L’intervenant extérieurest souvent gage d’objectivité. C’est parfoisun peu complexe. Il y a des interventions quidevraient être simples mais qui ne le sontpas.

Le deuxième élément qu’il est intéressant demettre en place est la logique du pas à pas.Il s’agit de ne pas lâcher tant que tous ne sesont pas approprié les enjeux. Cela reste unexercice très difficile, parce qu’il faut prendredu temps, bien en discuter et les explorer

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entièrement. Chacun a ses propres enjeuxet des intérêts très légitimes, qu’il faut faireressortir pour permettre ensuite un arbitragecommun. C’est un peu oligarchique, au sensoù ce sont le bureau et les principaux élusdu conseil communautaire qui en discutentavec les maires, sachant qu’en général, cesont les mêmes. Autant on peut discuter àquinze ou à vingt, autant il est délicatd’expliquer la problématique et ce qui a étévoté à tous les conseillers communautaireset municipaux.

Aujourd'hui, les pactes sont à nouveaud’actualité. D’abord, parce qu’il faut préparerle bilan de fin de mandat et qu’il faut seposer la question de l’efficacité desdispositifs mis en place, parfois il y a justedeux ans, pour certains – ce temps de miseen place est très long. Ensuite, il convient deprendre en compte les effets de la loi RCT,de la réforme de la taxe professionnelle etdu FPIC, mais aussi une contraintefinancière souvent accentuée.

Quels sont les facteurs d’évolution qui sontau cœur des réflexions des directeursfinanciers des intercommunalités ? Le premier est l’impact de la loi RCT, avec la question des métropoles, de la territorialisation de la DGF,l’assouplissement des conditions de révisiondes attributions de compensation…

Le deuxième facteur est l’impact de laréforme de la taxe professionnelle. Lesintercommunalités ont de nouvellesressources qui sont encore très malappréhendées : comment faire uneprospective de CVAE ? Est-il possible dejouer sur la TASCOM, sur les IFER ? Laréforme de la TP est aussi une source dediscussion nouvelle sur la répartition et lacréation de la richesse dans un territoire.Hier, c’était simple : il fallait attirer lesentreprises qui investissaient pour gagner dela TP. Aujourd'hui, nous avons la fiscalité surles ménages, la TASCOM… Faut-il attirer lessurfaces commerciales ? Ce sont autantd’éléments qui rebattent un peu les cartes.

La révolution du FPIC est également unfacteur d’évolution, notamment à travers

l’analyse agrégée de la richesse territoriale.Cela nous force à réfléchir de manièrecommune et à comparer tout le territoire.Cela aussi, c’est nouveau, et celas’accompagne de la définition de nouveauxcritères de richesse, qui peuvent bousculerles équilibres.

� GWÉNAËL LEBLONG-MASCLETCes enjeux complexes relèvent en grandepartie du tabou de la question financière del’intercommunalité. Comment faire prendreconscience aux élus qu’il s’agit d’unequestion centrale qui mérite que l’on y passedu temps et de l’énergie ? Commentprioriser un vrai débat qui ne soit passimplement technique ou financier, maisvéritablement politique ?

� CYRILLE BERTOLOJe ne prétends pas avoir la réponse à cettequestion, qui est très pertinente, parcequ’elle est au cœur du sujet. À Saint-Brieuc,nous avons eu la chance d’avoir unenouvelle équipe d’élus qui voulaient changerles choses, un bureau qui s’est rapidementapproprié la question et surtout, un présidentqui a très vite compris l’intérêt financier detravailler sur ces sujets. Nous lui avonsexpliqué le lien entre le CIF, la DGF etl’intégration des compétences, au regard dela situation financière de l’agglomération.L’agglomération voulait prendre de nouvellescompétences ; il fallait envisager la questionde la mutualisation. Les élus avaient aussi lavolonté de développer un programmed’investissement considérable, ce quisupposait que nous ayons d’abord unestratégie financière.

L’un des facteurs de réussite a donc été lefait que ce président se soit saisi de cesquestions et ait mis le sujet au centre de latable. Tous les élus communautaires ont étéinvités à une journée de formation etd’information sur l’évaluation du pacte. Jevous disais qu’il fallait prendre le tempsd’expliquer et de laisser chacun s’exprimer,mais nous n’y sommes pas entièrementparvenus. Il y a eu des arbitrages politiquesdifficiles, tendus, parce qu’il fallait avancer etque l’on ne pouvait plus attendre.

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Autre facteur favorable : deux communes dela majorité ont accepté une diminutionconsidérable de retour de DSC parcequ’elles avaient été largement « avantagées »dans le cadre du dispositif précédent, quin’avait pas fonctionné en termes depéréquation et qui avait renforcé lesinégalités territoriales : l’agglomération avaitdonné plus aux communes les plus riches,en raison d’un blocage au moment du votede la fiscalité mixte. Mais il y a eu un effortpolitique au sein de la propre majorité dubureau et ces deux communes ont acceptéde perdre pour donner aux autrescommunes. Nous parlions ce matin deconsensus, c’en est un bel exemple. Il y adonc eu un portage politique très fort.

� ÉRIC MAGNON,DGS, ville et communautéde communes du pays deChâteau-Gontier

À Château-Gontier, nous sommes partis dutravail que nous avions mené sur la chartede territoire, il y a dix ans. Il y avaiténormément de questions diffuses. Une foisque nous avons tout listé et que tout lemonde était d’accord, nous avons repris labase de nos rapports fiscaux et nous avonsposé la question : si telle chose estprioritaire, êtes-vous prêt à lâcher telle autrechose ? C’est de cette façon que nous avonsengagé la réflexion.

� SOPHIE KOTRAS,Directrice de la prospective et de la coopération territoriale, ville d’Angers et Angers Agglomération

Je voudrais souligner l’importance de fairede la rétro-prospective et d’ouvrir un largespectre. Je ne suis pas aux finances, maisje m’occupe des fonds européens, de tousles partenariats avec l’État et la Région etdes dispositifs contractuels. Il est importantde mettre les choses à plat. Quand onexplique qu’il va falloir par exemple réduire laDSC ou faire une présentation consolidéedes richesses du territoire et donc, dechaque commune, il faut aussi intégrer desparamètres qui ne sont pas propres auterritoire, à savoir : qui bénéficie du FEDER,du FSE ? Qui sont les maîtres d’ouvrage duterritoire au niveau communal et

intercommunal ? Quelles sont lescommunes qui ont d’autres sources definancement ou d’autres ressources ? Il fautvraiment ouvrir grand les fenêtres et mettrebeaucoup de lumière, sous peine des’exposer à des reproches. La charge decentralité pèse sur Angers : il y a 33communes, 270 000 habitants dansl’agglomération, dont 150 000 dans la villed’Angers. Mais on nous renvoie toujours lefait qu’Angers touche des fonds du FEDERsur des produits structurants, etc. Il est doncvraiment important, avant de démarrer ladémarche prospective, que le diagnostic soitle plus large possible et montre aussi lesressources extérieures de chacun despartenaires.

� CYRILLE BERTOLOIl y a un compromis à trouver pour avancer.Je me souviens d’un débat sur le transfertde l’enseignement supérieur lors de lacommission locale de l’évaluation descharges. Il avait été décidé que tel montantserait versé par la ville de Saint-Brieuc auSyndicat de gestion du pôle universitaire, leSGPU. C’était un montant fixe, que l’on peutretrouver en se basant sur les trois ou quatredernières années, suivant la méthode quel’on veut. La question de savoir quel était leretour sur investissement pour la part de laville a été posée. Est-ce que cela ne venaitpas minorer la subvention et les charges ? Ily a eu des débats à ce sujet. Nous avonssorti des études sur les retours en termesfinanciers : il y a des étudiants qui viennent,qui consomment dans les bars et lescommerces du centre-ville… Cela peut allertrès loin, sur n’importe quelle compétence.Si le pacte s’aventure sur ces enjeux, onn’en finit jamais. Ce sont des questions trèsintéressantes, on peut les aborder sur desproblématiques spécifiques, mais pourélaborer un pacte, il faut rester sur desenjeux plus généraux, des valeurs autour dela détermination de la richesse territoriale etde sa répartition.

PROJET DE TERRITOIRE ETSTRATÉGIE DE FINANCEMENT :L’EXPÉRIENCE ORLÉANAISEVéronique Jacques, responsable desfinances, ville et communauté

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d'agglomération d’Orléans (AgglO)

La direction des finances est mutualiséeentre l’AgglO et la ville d’Orléans depuis2008. La communauté d'agglomérationregroupe 22 communes, 280 000 habitantset emploie 524 agents. Le budget de 2012est de 375 M€. Différentes strates decollectivités sont représentées autour de latable et mon propos ne cadrera pasforcément avec toutes les attentes. Maisavant de travailler à l’AgglO, j’ai travaillé à laCaisse des dépôts puis chez Dexia et de cefait, j’ai une expérience de l’ensemble desstrates de collectivités locales.

Les principales ressources du budget de2012 sont les ressources fiscales enprovenance des entreprises, la redevanced’assainissement et la TEOM. Je vaiscentrer mon exposé sur l’élaboration de lastratégie financière du mandat 2008-2014,sachant que c’est au cours du mandatprécédent que la communauté decommunes est devenue communautéd'agglomération, que les transferts decharges ont été évalués et que l’attributionde compensation et la DSC ont été mises enplace. Ces questions sont occultées dansma présentation car sur ce mandat-ci,aucune modification n’est intervenue.

Avec la réforme de l’intercommunalité,beaucoup de communautés évoluent, soiten nombre de communes, soit encompétences ; les cartes sont rebattues. Jevais vous exposer ce qu’a fait l’AgglO. C’estmodeste et simplifié, puisqu’il n’y a pas eude modification de périmètre.

Lorsque l’on m’a demandé de venirtémoigner dans cet atelier sur le pacte fiscal,je ne voyais pas bien ce que je pouvais endire. Mais il m’est apparu que l’AgglO s’étaitimplicitement dotée d’un pacte fiscal et queles élus de l’agglomération n’en avaientjamais parlé. Je suis arrivée en 2001. Aprèsle premier projet d’agglomération de2001-2008, une chose était évidente pourtout le monde, en tout cas pour le président,les vice-présidents et l’administration : il étaithors de question d’élaborer un nouveauprojet d’agglomération sans définir les

modalités de son financement. L’AgglO avaitdéjà réalisé une première ligne de tramwayavant 2001, et la période de 2001 à 2008avait été consacrée à transformer lacommunauté de communes enagglomération et à commencer àrembourser les emprunts de cette premièreligne de tramway.

À l’annonce d’une deuxième ligne detramway et d’autres projets structurants, ilétait difficile d’envisager d’élaborer ce projetd’agglomération sans définir, dès le départ,la façon de le financer et sans décisionpolitique partagée avec l’ensemble descommunes sur la manière de procéder.Cette position était portée par le président,Charles-Éric Lemaignen, et par levice-président aux finances, Michel Martin,sachant que le premier est expert enfinances locales et le second,expert-comptable. La démarche a étépragmatique. Comment faire adhérer lesélus ? Parmi les 22 communes, il y a tous lestypes de collectivités : de toutes petitescommunes, de gros bourgs, des villes déjàurbaines et la grande ville centre, Orléans,qui représente plus de la moitié de lapopulation. Or, il fallait que cette vue soitpartagée par tous et que tous sel’approprient. J’ai tendance à croire que lesfinances locales ne sont pas trèscompliquées car par certains côtés, elless’apparentent à la gestion d’un budgetfamilial ou d’une entreprise. Quand vousramenez un projet à l’échelle de l’individu, jepense qu’il ne viendrait à l’idée de personnede dire qu’il va acheter un appartement ouune maison sans établir de plan definancement, sans s’assurer qu’il a del’apport personnel. Pour une collectivité,c’est la même chose. C’est simple àexpliquer, à condition de sortir de tout cevocabulaire : DSC, AC (attribution decompensation), FPIC… qui n’est vraimentcompris que par l’administration. Il faut restermodeste et simple, essayer d’êtrepédagogique. Ce n’est pas toujours facile,mais c’est un objectif quotidien.

Les élus de l’AgglO ont fait le choix d’unedémarche participative ; un très bon choix, àmon sens, même s’il n’est possible qu’à la

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condition d’anticiper suffisamment parrapport au calendrier de décision. Pour lepacte financier – qui est le volet financier duprojet d’agglomération –, l’administrationavait commencé à réfléchir avant même lesélections de 2008, en établissant le bilantechnique et financier du mandat précédent.Cette réflexion a permis aux élus dedisposer rapidement d’éléments leurpermettant de bâtir leur stratégie. Lareconduction de la même équipe a permisune continuité. Si les élections avaientdésigné une autre majorité, beaucoup dechoses auraient pu être rebattues.

S’agissant des modalités de la démarche, jevoudrais souligner l’importance de l’analysefinancière. Elle est un outil indispensabled’aide à la décision, qu’elle soit élaborée eninterne ou avec un appui externe. Lesservices du Trésor public peuvent êtresollicités pour l’élaboration d’une analyserétrospective – moins pour une prospective –,qui permet déjà de disposer desfondamentaux. L’analyse prospective estl’outil de travail au quotidien del’administration et l’outil de pilotage des élus.Le pilotage de la situation financière se faitde la même façon à l’AgglO et à la villed’Orléans, à savoir par l’autofinancement.

Pour objectiver les marges de manœuvredisponibles, il est souvent souhaitable desolliciter un avis externe à la collectivité.Vous êtes pour la plupart largement à mêmede réaliser une analyse financière descomptes de votre collectivité. Mais il estparfois difficile de faire passer les messageslorsque l’on est dans la collectivité, parceque les élus peuvent s’interroger sur lapertinence de votre regard. Par conséquent,il faut engager les élus à prendre un avisextérieur. Les élus de l’AgglO ont donc demandé à unconsultant de faire un point surl’autofinancement, l’endettement, les margesde manœuvre de la communauté et ontdécidé de voter le projet d’agglomérationpour 2008-2014 avec ses modalités definancement. C’est pourquoi nous n’avonspas parlé de pacte financier à l’AgglO : leprojet d’agglomération comportait sonpropre volet financier, qui a été voté dèsl’origine.

S’agissant de la démarche, les 84 éluscommunautaires des 22 communes ont étéconviés avec les suppléants, lespersonnalités qualifiées et les directeurs àassister à un séminaire financier animé parun consultant extérieur, qui avait pour objetd’exposer en détail la situation financière del’agglomération et de présenter les choixstratégiques possibles. Un second séminaired’une demi-journée a ensuite été organiséavec des ateliers thématiques :infrastructures, déchets, assainissement,etc., pour préciser les projets du mandat. Unatelier financier portait sur les moyens àmobiliser pour financer les projets issus desautres ateliers.

Les conclusions du séminaire présentaientl’ensemble des contraintes : l’agglomérationallait réaliser une seconde ligne de trammais le taux du versement de transport étaitdéjà à son maximum. La première ligne detram, initiée lorsque la collectivité n’étaitencore qu’un SIVOM, avait été largementfinancée par des excédents cumulés deversement de transport, dont le taux avaitété porté à 1,75 %, taux maximum àl’époque, dès la décision de réalisation prise.Par conséquent, pour la première ligne detram, le plan de financement reposait sur lamobilisation d’un fonds de roulement trèsimportant, les emprunts n’étant appelés qu’àpartir de 2000, 2001. Lorsque les élus ontsouhaité une deuxième ligne de tram, ilfallait finir de digérer la première, d’autantplus qu’au-delà du remboursement desemprunts, il fallait absorber les coûts defonctionnement du nouveau réseau, quiavaient beaucoup augmenté avec la mise enservice de la première ligne de tramway. Eneffet, le coût d’exploitation d’un réseau n’estpas le même selon qu’il s’agit uniquementd’un réseau de bus ou d’un réseau mixtecombinant tram et bus. Pour la secondeligne, les simulations réalisées auguraientd’une nouvelle augmentation, même enredimensionnant le réseau de bus et bienque le tram soit plus efficace, plus moderne,plus qualitatif. Les analyses financièresmontraient qu’avec la seconde ligne detramway, la contribution du budget principalau budget des transports allait devenir trèsimportante. Ce subventionnement du budgetannexe est autorisé dans le cadre de

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l’instruction budgétaire M4 (plan comptableM43) car il est admis que les réseaux detransport urbain ne sont pas rentables. Dansl’agglomération comme ailleurs, unepersonne qui achète un abonnement ou unticket de bus ne paie environ que 25 % del’exploitation – et rien de l’investissement.Par conséquent, l’équilibre du budgetannexe des transports dépendait de lacontribution du budget principal. Nous avonsdonc étudié les marges de manœuvre et lesrecettes de celui-ci.

Le budget de l’assainissement, qui est unbudget autonome (budget M49), doits’équilibrer par ses propres recettes. En2008, la construction d’une stationd’épuration était déjà engagée à hauteur de25 M€ et un projet de deuxième station seprofilait : deux des trois stations del’agglomération étaient vraiment obsolètes,le préfet sonnait l’alarme et les élus avaientconscience du préjudice environnemental.La deuxième station d’épuration va êtreinaugurée sous peu. Ces deux seulsinvestissement ont représenté 50 M€ dedépenses pour le budget annexe, maiségalement des surcoûts d’exploitation, car lecoût d’exploitation des nouveauxéquipements, dont les rejets sont « propres »,revient plus cher. Donc, le budget del’assainissement étant autonomefinancièrement, il fallait faire progresser sespropres recettes pour qu’il reste équilibré.

Le budget principal devait financer lacontribution au budget des transports. Parailleurs, les élus avaient définis des besoinsen matière d’investissement et d’actions surles compétences du budget principal : lesinfrastructures, l’économie, qui estimportante pour nos communautés parceque c’est elle qui génère une partie de larichesse, de l’emploi, du développement,mais aussi sur le logement social, pourlequel l’agglomération fait beaucoup.Comment, dès lors, financer le projetd’agglomération ? Le premier argumentconsistait à réaliser des économies defonctionnement. Pour cela, les élus ontenvisagé plusieurs pistes : la mutualisationdes services, la diminution de la DSC… Lesmodalités de financement de la compétence

de la gestion des déchets ont également étéanalysées. En 2001, au début du précédentmandat, la compétence n’atteignait pas lepetit équilibre. Il a été atteint notamment enaugmentant le taux de TEOM au cours dumandat, mais il se situe aujourd'hui dans lamoyenne et n’est pas élevé. Pour lenouveau mandat, les élus ont décidéd’atteindre le grand équilibre de lacompétence « gestion des déchets »,c'est-à-dire que la compétence s’équilibrepar ses propres recettes, notamment cellede TEOM. L’agglomération y parvientaujourd'hui, sachant que les élus se sontvraiment penchés sur la question del’optimisation des collectes. Ce projet a durédeux ans et est aujourd'hui opérationnel. Ilreste encore quelques margesd’optimisation sur les collectes, mais il fautque les élus fassent admettre à leurshabitants qu’un bon service n’est pasforcément un service fréquent.

En revanche, il y a eu un grand débat sur lesrecettes du budget principal. C’est iciqu’apparaît la notion de pacte fiscal. L’AgglOne disposait pas de marge de manœuvre surson taux de taxe professionnelle à cause dela règle du lien. Face au besoin de financerl’augmentation de la contribution à verser aubudget des transports, les élus ont décidé derépartir l’effort entre entreprises etparticuliers et de mettre en œuvre unefiscalité mixte. Un calendrier décisionnel aété élaboré, en tenant compte de la règle dulien entre fiscalité économique et fiscalité surles ménages. Les simulations réalisées parle cabinet indiquaient que la fiscalité mixtedevait être mise en place au plus tard en2010. La démarche participative adoptéepour élaborer le projet d’agglomération, lecharisme du président, la manière dont il apleinement porté la stratégie, avec levice-président, et promu l’enjeu deconstruire ce projet d’agglomération avec lesmoyens de le financer ont permis d’instaurerla fiscalité mixte dès la fin 2008.

En janvier 2009, le projet d’agglomération aété adopté avec son volet financier. Le débatsur les orientations budgétaires de 2009 aégalement eu lieu en janvier et comprenaitle projet de voter un produit de fiscalité mixte.

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En février, le conseil a voté le budget ; les tauxde fiscalité ont été adoptés en mars :

• Le taux de la TEOM est resté stable. Lastratégie consistait à le maintenir sur deuxans, le temps d’atteindre le grand équilibrede la compétence en bénéficiant des effetsde la réorganisation des collectes. À ce jour,le taux est inchangé parce que le grandéquilibre est atteint et que les élus pilotent lacompétence dans le respect de son équilibrefinancier.

• Le taux de taxe professionnelle a été votésans changement, car l’Agglo ne disposaitpas de marges de manœuvre.

• Un produit de 7 M€ de fiscalité mixte a étévoté. L’année d’instauration, on ne vote pastaux, mais un produit, les services fiscauxdéfinissant les taux de fiscalité d’après ceproduit.

Pour 2010, le débat sur les orientationsbudgétaires et le budget, préparés fin 2009,intégraient logiquement une augmentationdu taux de taxe professionnelle, renduepossible par l’instauration de la fiscalitémixte en 2009. Mais la réforme supprimantla taxe professionnelle dès 2010 a eu unimpact sur la stratégie de l’AgglO, puisqu’iln’a pas été possible de relever le taux relaisautant qu’avant la réforme.

Ainsi, malgré la réforme de la taxeprofessionnelle, l’agglomération a réussi àmettre en œuvre le volet financier de sonprojet d’agglomération. Le projet s’estdéroulé exactement comme prévu etannoncé en début de mandat. Cette lisibilitédonnée aux maires est extrêmementimportante. Le schéma et le calendrier duprojet d’agglomération ont été totalementrespectés. La stratégie financière a étélargement débattue dès le début du mandat.Je pense qu’elle a été comprise – cela quine signifie pas qu’elle ait été acceptée –, etelle a été mise en œuvre dans des délaiscourts. Quand j’entends dire que des pactesfinanciers seraient élaborés en 2012, celam’interpelle parce que le milieu du mandatne m’apparaît pas comme la périodeoptimale pour mener ce type de démarche.

Il convient ici de souligner l’impact positifd’un pacte financier ou d’une stratégiefinancière sur les partenaires bancaires,notamment sur les grandes institutions tellesque la Banque européenne d’investissementet la Caisse des dépôts et consignations.Les décisions prises par les élus pourmobiliser les ressources nécessaires pour lefinancement du projet d’agglomération ontpermis de financer le projet de tram avec desconditions d’emprunt très favorables.

Aujourd’hui, les élus restent très attentifs àl’équilibre financier et à l’évolution del’autofinancement. C’est ainsi qu’ont étémises en place, dès le début du mandat, desrevues de projets, qui permettent de vérifierl’avancement technique et financier dechaque projet du projet d’agglomération. Lesélus et l’administration disposent de tableauxde bord financiers mensuels; l’évaluation sefait en continu, les critères sont publiés ettous les ans, ils sont présentés devant leconseil de communauté.

À la de 2011, la santé financière del’agglomération est en ligne avec la stratégiefinancière. Le niveau d’endettement del’AgglO est élevé, mais l’autofinancement esten adéquation. C’est ce qu’a relevé lachambre des comptes dans son récentrapport sur la gestion de l’agglomération, quisouligne à juste titre que celle-ci porte endirect tous ses investissements et parconséquent, tous ses engagementsfinanciers. L’ensemble de la dette est logéedans les comptes de l’agglomération ; lasituation est sous contrôle. Le contexte actuel n’est pas favorable pourles collectivités, mais rien n’est perdu. Il nesert à rien de se lamenter sur la diminutiondes financements. Il faut comparer lasituation des collectivités françaises aveccelle des autres pays. À mon sens, on peutsouvent faire aussi bien, voire mieux, avecmoins d’argent. Le développement durable,j’aimerais parfois que l’on en parle moins etque l’on en fasse davantage. Ledéveloppement durable, c’est aussil’humain, le logement social… Quant aufoncier, c’est un vrai débat. Il faut optimiserson utilisation, mais aussi optimiser lesmoyens humains et techniques. Les

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collectivités locales ont des atouts. Ellesdoivent réfléchir aux moyens de maintenirleurs projets malgré la crise.

� CYRILLE BERTOLOSi l’expérience orléanaise fonctionne, c’estaussi parce qu’il y a de la maturité, des élusvolontaires, une continuité politique qui évited’avoir à tout reprendre en début de mandat,ce qui prend forcément du temps.

� SAMUEL HORION,DGA du pôle « ressources »,Lorient Agglomération

La présentation de cette expérience donnel’impression d’une reconstructionextrêmement positive. Tout semble s’êtrepassé idéalement. Pourtant, il y a sans douteeu des difficultés… Quel périmètre et quelformat avez-vous retenu pour le séminaireafin qu’il ne soit pas trop ennuyeux ni troparide ? Y a-t-il eu véritablement consensussur le vote des délibérations ou avez-voustrouvé des clivages ? Enfin, est-ce unquestionnement endogène de la part desélus qui fait émerger ce processus ?N’est-ce pas plutôt le choc externe de lasuppression de taxe professionnelle ou duFPIC ?

� VÉRONIQUE JACQUESEn 2008, même si le président Lemaignenet le maire de la ville centre ont été réélus, ily a eu des changements dans lescommunes de l’agglomération. Lacomposition du conseil n’était plus tout à faitla même et il y a eu des écueils, que leprésident et moi-même avions bien repérés.Même s’il est difficile, pour un personneladministratif, de dire qu’un élu a pris ou nonla bonne décision, il peut avoir un avis sur leplan technique. En l’occurrence, je pensaisque la bonne décision consistait à mettre lesressources financières en face de l’ambitiondu projet d’agglomération. Si les élus nevoulaient pas instaurer la fiscalité mixte etaugmenter les impôts, il fallait réduirel’ambition en termes d’investissements etd’actions.

� CYRILLE BERTOLOLe projet d’Orléans est assez exemplaire ence sens que l’équipe n’a pas fait les chosesà l’envers. Il y a d’abord eu une réflexion sur

la manière de financer les projets, alors quec’est souvent le contraire qui se produit : onpose les projets et ensuite, on court aprèsles financements. Ou alors, on ajoutechaque année trois ou quatre millions…

� VÉRONIQUE JACQUESNous avons pu adopter une démarchepragmatique et logique parce qu’un premierprojet d’agglomération avait été élaboré dèsla création de celle-ci, en 2001, ce qui étaitassez novateur. C’était une volonté politiquedu président Lemaignen, soutenue par leDGF de l’époque, Henri-Jacques Perrin.Lors du séminaire organisé pour préparer ceprojet d’agglomération, j’avais fait desprospectives financières « en live ». Les élusréfléchissaient, ils venaient me voir pour medire par exemple qu’il y avait tant de millionsdans la prospective du budget del’assainissement. À la clôture du séminaire,j’ai proposé trois versions de financement duprojet d’agglomération, qui comportaient desmontants d’investissement, des enveloppes,mais qui étaient peu affinées. Aucunedécision n’était prise. Il s’agissait simplementd’alerter les élus en montrant que la versionchère du projet d’agglomération ne passeraitpas. C’est cette maturité des élus et del’administration du premier mandat qui apermis de réussir, pour le deuxième projet,à intégrer le volet financier. C’étaitindispensable. Les élus voulaientabsolument réaliser la deuxième ligne detramway et quel que soit le résultat desélections, elle se serait faite. Donc, il fallaitla financer.

Le président a souhaité ouvrir le séminairele plus largement possible : les 84 éluscommunaux, les suppléants, les DGS, lespersonnalités qualifiées des petitescommunes ainsi que les directeurs del’agglomération, qui devaient biencomprendre qu’il n’y avait pas de marges demanœuvre. Le président voulait unedémarche pédagogique et l’appui d’uncabinet de confiance et d’expérience pourprésenter le projet de façon très simple.

Il est évident qu’il y a eu des clivages. Il y atrès rarement unanimité à l’agglomération etles débats sont souvent enlevés – mais engénéral, constructifs. En l’occurrence, le

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consensus sur le fait que l’on ne pouvaitréaliser le tram sans prévoir comment lefinancer était acquis. Mais avec laperspective de la réforme, il y a beaucoupplus de postures politiques qu’auparavant etle clivage est plus fort.

Enfin, s’agissant du choc externe, lorsque lasuppression de la taxe professionnelle a étéenvisagée, la stratégie était définie et nousétions lancés. Une fois que le marché estnotifié, la dépense est engagée et il faut lapayer. Mais nous devons donner enpermanence les bons chiffres aux élus pourleur montrer où en est l’autofinancement.

� CÉCILE FISCHER,Chargée de mission, ville et communauté urbaine de Brest

Ce que vous avez présenté est un belexercice de prospective dans le cadre d’unpacte financier et fiscal. L’expérience dupartage avec l’ensemble des élusm’interroge.

� VÉRONIQUE JACQUESDans les économies possibles, le consultantexterne avait relevé une marge demanœuvre pour l’agglomération : lasuppression de la DSC ou au moins, sarévision. Les simulations ont fait l’objet dedébats. Dans la réalité, elle est restéeinchangée. Les élus ont décidé un gel de laDSC et de sa répartition. C’était uneinterprétation des textes. Lorsque la réformequi changeait la pondération des critères estintervenue, la DSC a été redéfinie et n’a plusbougé. La chambre des comptes a repéréque nous l’avions gelée mais s’est contentéede le mentionner. C’est un élément du pacte.Le conseil aurait pu revoir les attributions decompensation, qui auraient légalement puêtre diminuées, sous certaines conditions demajorité ; cela n’a même pas été mis endébat. Avec le consultant, nous avonsproposé la fiscalité mixte parce que noussavions qu’il n’était pas question de toucherà la DSC, et encore moins à l’attribution decompensation. Nous ne nous sommes paséchinés à trouver des solutions qui,techniquement, étaient possibles, maisauxquelles les élus n’étaient pas favorables.Parmi les champs envisageables, nous

avons écarté ceux qui ne déboucheraientpas politiquement. D’où ce consensus quidonne l’impression d’une configurationidéale.

PACTES FINANCIERSET FISCAUX :NOUVELLES CONTRAINTES,NOUVEAUX OUTILS

� ROMUALD GOUJON,Consultant en finances,Cabinet Partenaires Finances locales

Ma présentation porte sur des élémentsprospectifs techniques. Je me concentreraisur les enjeux et conséquences de laréforme fiscale, avec le basculement d’unelogique de TPU à une logique de fiscalité surles ménages et de taxe d’habitation commemoteur intercommunal des pactes fiscaux ;mais aussi sur l’enjeu de la péréquation, viale FPIC.

Notre cabinet n’accompagne que descollectivités locales et principalement, desintercommunalités ; nous observons parmielles des situations très différentes. Certainspactes financiers et fiscaux sontopérationnels depuis le début du mandat ; laréforme exige leur actualisation et leurredéfinition. Mais beaucoup d’autresintercommunalités sont en train d’en mettreen place, même si le milieu de mandat n’estpas le moment le plus propice. Cesinitiatives ne sont pas forcémentconsécutives à la réforme de la TP ou auxproblématiques de péréquation, mais cesaspects prennent une place prépondérantedans les pactes.

Il faut souligner l’apparition d’arborescencesfinancières compliquées, voire très rigidesdans les pactes financiers et fiscaux,auxquelles les bureaux d’études ne sontsans doute pas étrangers. Le pacte doitrester un outil au service du projet deterritoire. Sans un groupe d’élus moteurs, ladémarche ne peut aboutir, sauf à recourir àdes montages financiers qui n’ont pas degrande pertinence en termes de projet deterritoire. Nous travaillons beaucoup sur lespactes qui sont en milieu de parcours et

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lorsque les montages financiers ont été trèsrigides et très compliqués, les réformesactuelles sont difficiles à prendre en compte.

Face aux contraintes financières accrues etaux problématiques bancaires actuelles, lesgroupements de commandes peuvent êtreune solution intéressante pour les territoiresqui regroupent beaucoup de petitescommunes autour d’une ville centre, maisaussi pour de grosses intercommunalités,quand il s’agit de très faibles montantsd’emprunt.

La réforme fiscale a fait basculer la logiquede TPU autour de laquelle s’étaientstructurés la plupart des précédents pactesfinanciers et fiscaux dans une logique où lemoteur de la fiscalité devient la taxed’habitation pour les EPCI sous régime denouvelle fiscalité professionnelle unique etque les élus, deux ans après la réforme,n’ont pas encore bien appréhendée. Entermes de pilotage stratégique des pactesfinanciers sur le plan fiscal, cette nouvellelogique n’est pas encore prise en comptedans les pactes. Ceci a des conséquencesdirectes sur l’enjeu technique quereprésente l’abandon du système de l’EPCIen TPU, qui fonctionnait sur un jeu de pistonentre les communes membres qui votaientleur fiscalité sur les ménages, et de l’EPCIdont les ressources reposaient sur la fiscalitésur les entreprises, ce qui permettait dedégager des fonds immédiatementdisponibles au moment de déclencher desinvestissements, en cas de haute fiscalité.Aujourd'hui, la fiscalité sur les entreprises,avec le pouvoir de taux sur la CFE, nereprésente que 20 à 25 % de la taxeprofessionnelle. Mais il y a toujours la mêmerègle de lien entre les deux taux. En réalité,le produit de la fiscalité sur les entreprisesest ridicule, sauf si l’ensemble descommunes membres déclenchent deshausses de fiscalité. Mais ce levier fiscaln’existe plus vraiment. Depuis un an, denombreuses intercommunalités ont choisi devoter le taux maximal de CFE, mais cela negénère que très peu de rentrées d’argent. Levéritable levier fiscal porte dorénavant sur lataxe d’habitation et la problématique estdevenue plus politique que technique.

Beaucoup de groupements communauxsont confrontés à la difficulté de lancer desinvestissements quand les communes etl’intercommunalité n’ont pas d’autre moyend’encaisser des recettes supplémentairesque la hausse de la taxe d’habitation. C’estl’élément central sur lequel nous travaillons,en matière de pacte, avec lesintercommunalités et les communes. Laquestion de la stratégie fiscale était déjà unenjeu des pactes précédents, mais elle estmaintenant devenue inévitable. S’il n’y a pasde coordination sur le vote du taux de lafiscalité sur les ménages dans le mandat ousur la durée du pacte, qui va procéder à ceshausses de taux ? Cela peut se faire enmême temps, mais politiquement, c’estcompliqué, voire impossible s’il n’y a pas detraçabilité ou de projection au sein d’unpacte financier et fiscal. C’est l’enjeu majeurdes redéfinitions sur lesquelles noustravaillons actuellement. L’environnementtechnique, financier et fiscal est l’élémentdéclencheur et est en lien direct avec lesprojections d’investissement et le projet duterritoire. Il a toute sa place dans laredéfinition des PFF.

Une réflexion est à conduire sur lesintercommunalités, qui sont au cœur despactes financiers et fiscaux. Quand on faitabstraction de la TEOM et du versement detransport, 90 % des ressources sontconstituées par le panier fiscal qui aremplacé la taxe professionnelle et par laDGF, tous deux soumis aux pressions quel’on sait. Compte tenu du manque devisibilité sur les possibilités d’évolution decertaines taxes qui remplacent la taxeprofessionnelle et dont le dynamisme est loind’être assuré, il y a un risque à moyen termepour ces EPCI, dont la croissance au niveaunational était aisée quand elle reposait surles bases de taxe professionnelle, mais quiest aujourd'hui menacée, maintenant qu’ilssont confrontés à une rigidité plusimportante. Ceci est à mettre en parallèleavec les reversements aux communes et lesliens financiers entre l’intercommunalité etles communes membres. Cette réflexion atoute sa place dans la redéfinition despactes. Le discours des consultantsextérieurs sur la DSC peut paraître

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caricatural, quand ils préconisent de lasupprimer ou de la diviser par deux et derecourir plutôt aux fonds de concours pourne pas obérer la DGF. Nous savons que cetype de solution n’est pas pertinent. Lesoutils de DSC sont extrêmement rigides. Ilfaut les prendre en compte et les mettre encorrélation avec la future ressource fiscaleque percevra l’intercommunalité dans lecadre de la réforme. Mais il est évident quelà où il y avait des DSC très importantes ouqui évoluaient de façon dynamique, seloncertains critères, il n’est pas envisageable deles diviser par deux ou de les fairedisparaître.

La péréquation pourrait être un nouvel outilpermettant de procéder aux ajustements despactes en cours que l’on voudrait faire maisauquel la rigidité des dispositifs, notammenten matière de DSC, fait obstacle,notamment du côté des élus. Si la répartitiondu FPIC était votée à l’unanimité par l’EPCI,ce serait un outil précieux au service du PFF.Cela permettrait de définir qui porte lesinvestissements et pourquoi pas, de lesflécher vers l’EPCI, si c’est lui qui porte lesinvestissements et le projet de territoire entermes financiers. Mais cette problématiquede l’unanimité qui pèse sur le fonds depéréquation rend l’outil extrêmement rigide.C’est un dispositif très technocratique, unsystème en vase clos. L’État n’intervient pas.Le prélèvement s’opère au niveau du blocintercommunal sur les EPCI et communesmembres, en fonction de plusieurs critères,dont celui de la richesse fiscale du territoire.Les blocs intercommunaux éligibles sontégalement prélevés selon d’autres critères,qui sont plus compliqués, comme la richessefiscale ou le revenu moyen par habitant. 150M€ sont prélevés et reversés entre blocsintercommunaux cette année, pour unobjectif de 1 Md€ en 2016, a priori. GillesCarrez vient d’annoncer que pour 2013, lamontée en puissance serait gelée, sousréserve de confirmation. Les simulationsréalisées en début d’année montrent quedes sommes considérables sont en jeu etque les impacts sur les territoires sonténormes, parce que les reversements ou lesprélèvements se font en argent comptant.Cela ne remplace pas le dispositif qui existaitauparavant.

� COLETTE LAMARCHE,Directrice des finances,Communauté d'agglomération de Niort

Comment intégrer le FPIC dans lesprospectives, sachant qu’une année, on peutêtre contributeur et l’année suivante,percepteur ?

� ROMUALD GOUJONC’est la difficulté de l’exercice. Logiquement,hors modification importante du périmètred’une intercommunalité, les critères pris encompte pour calculer les prélèvements oules reversements sont relativementstructurés et ne sont pas censés varier trèsfortement à la hausse ou à la baisse d’uneannée sur l’autre. La richesse fiscalepotentielle d’un territoire et le revenu moyenpar habitant, normalement, ne fluctuent pasannée après année. Mais avec leséchéances électorales de 2012 et le rythmesoutenu des réformes de ces dernierstemps, il est impossible de dire si le dispositifne sera pas retouché dans la prochaine loide finances. On peut tracer des prospectivesà un terme de trois ans, puisque que lescritères sont relativement structurés, mais àlégislation constante. Or, depuis quelquesannées, la législation est très mouvante.

� JEAN MALAPERT,Président de la communauté decommunes Coglais Marchesde Bretagne

Notre communauté de communes regroupe12 000 habitants. Nous travaillons sur unpacte financier avec trois thématiques : lamise en place d’un plan de développementpour mutualiser les subventions, uncoefficient d’intégration fiscale très élevé etun pacte « pool bancaire » qui permet à lacollectivité chef de file de représenter lacommunauté auprès de banques. Laproblématique est de distribuer au niveaulocal ce que l’on ne peut pas trouver auniveau national, départemental ou régional.Il faut aller chercher l’épargne là où elle étaitpour faire en sorte qu’elle revienne et soitréinvestie dans le territoire. Pourquoi lesbanques ne réinvestissent-elles pas auniveau des territoires et ne prêtent-elles pasaux collectivités locales ? Parce que lescollectivités ne sont pas des acteurs dumouvement de l’argent : nous empruntons,

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mais nous n’apportons pas. Nous avons parexemple une SPL qui a de l’argent. Nousl’avons placé dans une banque etmaintenant, nous demandons à celle-ci denous renvoyer l’ascenseur.

La démarche de notre communauté est trèssimple et a commencé par l’élaboration d’unprojet, ce qui est indispensable. Ensuite,nous avons décidé de mobiliser nos projetset de mutualiser les subventions auprès duconseil général et du conseil régional pourne pas nous heurter à la question del’enveloppe. C’est la communauté decommunes qui est chef de file. Nous y avonsbeaucoup gagné. Nous avions par exemplequatre dossiers DETR. L’enveloppe s’élevaitpour nous à près de 600 000 € et les quatredossiers représentaient près de 900 000 €.Nous avons posé les deux premiers dossierspour 500 000 € et nous mettons un fonds deconcours pour les autres communes,apporté par le conseil de communauté.Ainsi, tout le monde est servi. Pour être chefde file, il faut de la rigueur. Nous avons décidé de garder notre FPICpour le cibler sur des études, compte tenudu fait que l’on ne sait jamais ce dont on vadisposer pour faire de l’investissement.Lorsque nous aurons cet argent, il permettrad’autofinancer des études qui intéressentaussi les communes. Nous avons enBretagne un établissement public foncier,nous avons des réserves foncières et deszones d’activités en cours de réalisation. Lamise en place du PLUI a été lancée. Celarecouvre le PLH, le plan de déplacements,etc. Aujourd'hui, l’intercommunalité intègrede plus en plus. Je suis membre de la CDCI,qui a donné comme objectif de constituerune agglomération du pays de Fougères en2016. Ma commune compte 1 000 habitants.Dans une agglomération, je vais me perdre.Autant faire de notre communauté decommunes une commune nouvelle pouraller ensuite en agglomération. La communecentre, Fougères, représente 18 000habitants. Notre commune nouvelle enreprésentera 12 à 13 000, ce qui nousamènera presque à égalité dans ladiscussion ; nous aurons une force de frappeplus importante.

S’agissant de la fiscalité, nous avons uneconvention entre les communes et lacommunauté de communes. En 2011 et2012, les communes ne touchent pas à leurfiscalité. Nous, nous demandons 15 %.L’addition du produit fiscal des communes etde la communauté de communes fait uneaugmentation de 16,5 %, moinsl’augmentation des bases à 4 ou 4,5 %.Nous l’avons bloquée. Cela nous permettout de même d’augmenter notre CIF etd’augmenter la cotisation foncière desentreprises. Par ailleurs, des objectifs sontdonnés aux services pour le développementde la communauté afin de faire en sorte queles bases augmentent de 3 à 3,5 % par an.Comment ? À travers des opérationsd’Opah, notamment. Ces 3,5 % reviennentdonc en recettes supplémentaires pourfinancer le fonctionnement. Ensuite, nousaugmentons le taux, qui, lui, va alimenter lefonds de développement qui finance lesfonds de concours pour les communes quin’ont pas eu de subvention. Tout cela estcadré dans le cadre de conventions. Parfois,certaines communes sont mécontentes.Dans ce cas, nous organisons desséminaires.

� VICTOR CHOMENTOWSKIOn peut concevoir le pacte financier de deuxfaçons différentes. Ou bien il y a un projet definancement qui était sur les rails, comme àOrléans, qui s’inscrit sur plusieurs années etqui suppose l’accord des élus sur le moyenet long terme. Ou bien il y a des pactesfinanciers avec des projets un peu plus flous,plus répartis, sur lesquels il y a une meilleureégalité de ressources entre collectivitéslocales. Cela présente plusieursinconvénients. J’ai travaillé avec des villesnouvelles qui ont essayé de faire de l’égalitédans la collectivité depuis maintenanttrente-cinq ans. Aujourd'hui, en 2012, lescommunes qui étaient les plus riches en1985, lorsque l’on a inauguré la TPU desagglomérations et des villes nouvelles, sonttoujours les plus riches. Le processus estlong, du fait de la nécessité de faire descompromis, de la volonté des élus de ne passe heurter les uns aux autres et de larecherche de solutions. Il est plus facile detravailler autour d’un projet dans un pacte

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que de travailler autour d’un équilibrefinancier à froid. Cela ne signifie pas quec’est impossible.

Par ailleurs, la recherche d’égalité se heurteau fait que la taille des collectivités localesest très disparate. Les coûts de la centralitéont déjà été évoqués et je n’ai pas encoreobservé que l’on prenne en compte levolume de la population dans desrépartitions de DSC. Un chercheur del’université de Rennes a pourtant inventé il ya quarante ans le principe du logarithme dela population. Il avait remarqué que lesdépenses de fonctionnement n’étaient pasfonction de la taille de la commune, mais dulogarithme de la taille de la commune. Poursimplifier, une ville de 100 000 habitantsn’est pas cent fois plus coûteuse qu’unecommune de 1 000 habitants, mais trois foisplus coûteuse. Ce principe commence à êtreutilisé, puisqu’il a été retenu pour le FPIC.On pourrait imaginer qu’il y ait encore unchantier d’évaluation des coûts de centralitéà 21 % – plus ou moins, selon lesintercommunalités et la taille des collectivitéslocales. Égalité versus inégalité… – ouplutôt, « péréquité »…

� ROMUALD GOUJONComment les élus de la communauté decommunes de Coglais parviennent-ils à uneunanimité en termes d’attribution du FPIC,dans le cadre du pacte ?

� JEAN MALAPERTQuand j’ai voulu toucher à la DSC et àl’attribution de compensation, j’ai essuyé unéchec. En revanche, l’augmentation de lafiscalité nous regarde, de même que lespolitiques nouvelles. Cela a été clair dès ledépart : j’ai dit qu’il n’était pas question departager la DSC et qu’ils devaient la garder.Il faut la majorité des deux tiers,naturellement.

� FRÉDÉRIC SADORGE,Directeur du pôle « ressources »,communauté de communesdu pays de Santon

Dans notre cas, la proposition est déjà passée en bureau élargi, qui réunit les

vice-présidents et l’ensemble des maires. Ilcomprend 19 élus et le conseilcommunautaire, 50. Si les choses sedéroulent aussi bien qu’en bureau et que lesmaires tiennent leurs délégués, nousdevrions pouvoir y arriver. Mais il suffit d’unevoix contre pour que cela ne passe pas.

Nous nous posons d’ailleurs la question desavoir s’il faut voter la délibération tous lesans. Obtenir l’unanimité une année, c’estbien, mais souvent compliqué. Le faire tousles ans est difficilement jouable. Pourl’instant, nous profitons de l’effet de surprise,puisque personne n’avait spécialementanticipé cette recette nouvelle. Nousprofitons aussi du fait que nous sommes entrain de renégocier notre PPI. L’argent dufonds représente exactement les 200 000 €qui nous manquaient pour permettre auxélus de financer les dépenses qu’ilsvoulaient engager dans le mandat.

� DANIÈLE HAVARD,DGS, communauté de communes du Questembert

Notre communauté de communes n’a pasde pacte financier écrit, mais il me semblequ’elle en a un implicitement. Le FPIC estaujourd'hui estimé à 112 000 € bénéficiaires.D’ici 2016, comme nous ne sommes passpécialement pauvres, nous seronscontributeurs. Sachant que quand il s’agit departager, il est difficile de s’entendre, il vautmieux préciser dès le départ quelles sont lesrègles de répartition en matière deprélèvement et de reversement.

� CYRILLE BERTOLOSi vous n’êtes pas contributeur cette année,vous ne devriez pas l’être dans cinq ans.L’enveloppe sera prise chaque année enplus sur les collectivités. Si cette année, lacollectivité est contributeur et qu’elle paie 50 000 €, l’année prochaine, elle paiera 100 000 € et elle montera jusqu’à 300 000 €sur cinq ans. C’est simplement uneaugmentation. Mais si vous n’êtes pascontributeur aujourd'hui, vous ne le serezpas demain ; c’est certain. Donc, dans cinqans, vous serez cinq fois plus riche sur leFPIC, normalement.

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� SAMUEL HORION,DGA du pôle « ressources »,Lorient Agglomération

Est-ce que l’agglomération d’Orléans aétudié le chemin parallèle en termes de CIF,dans le cas où elle n’aurait pas pris lescompétences en termes de pacte financierni optimisé fiscalement le territoire ? Onprocède souvent à des évaluations enregardant comment s’est fait le projet deterritoire par rapport à l’évaluation financière,mais il me semble intéressant, pour rouvrirles yeux des élus sur le chemin financier quia été choisi, de pouvoir leur dire : « Nous neprenons pas cette compétence. Nousn’avons pas tel CIF. Nous n’allons pas à telleDGF. Nous ne bâtissons pas de liens fiscauxentre la fiscalité sur les ménages et lapossibilité d’augmenter le taux de CFE…Voilà ce qu’il serait advenu… »

� VÉRONIQUE JACQUESNous l’observons pour ce qui est du CIF.L’intégration fiscale de l’agglomération a étéaméliorée, mais c’est une conséquence desmesures fiscales qui ont été prises : cen’était pas un objectif en soi. Selon moi,certaines collectivités raisonnent à l’envers :elles visent le CIF pour gagner en DGF.Nous n’avons pas fait ce raisonnement, maisnous savions que l’augmentation de lafiscalité et de la redevance d’assainissementaméliorerait le CIF. Aujourd'hui, il se situe tout de même dans la moyenne des agglomérations. Je suppose que globalement, il y a beaucoupd’agglomérations qui ont dû mieux s’intégrerdurant ce mandat.

� SAMUEL HORIONNe vous méprenez pas sur mon propos. Laquestion n’est de forcer sur le CIF pourengranger de la DGF. Je pense que chaquecollectivité évalue le projet de territoirechemin faisant, dans l’évaluation financièrede ses PPI et de ses prospectives. Mais ilme semble aussi important de voir s’il y a euune optimisation. Nous sommes enconcurrence sur les dotations quand il s’agitd’enveloppes normées de l’État. Je penseque nonobstant l’évaluation des politiquespubliques ou l’évaluation financière, il estintéressant d’examiner la réalité de sa DGFet observer l’optimisation fiscale du territoire

et ce qu’elles auraient pu être sans cela.Quand les courbes se séparent, il est parfoisjudicieux de le montrer aux élus.

� VÉRONIQUE JACQUESNous ne sommes pas dans ce genre deschéma. L’objectif des élus était celui d’unebonne santé financière, d’unautofinancement calé par rapport auprogramme d’investissement et àl’endettement. Le CIF est un effet collatéralfavorable, mais ce n’est pas ce que nousvisions. Je veux bien que nous évaluions,mais nous avons aussi beaucoup à faire parailleurs.

� VICTOR CHOMENTOWSKI,consultant, chargé de coursen finances locales, universitéde Paris 1, Sorbonne

Des années d’observation me font dire quel’on ne peut pas chercher d’optimisationcontinue. Il y a un moment où l’on se placeà un certain niveau de CIF, de fiscalité. Onne peut pas changer sans arrêt. Au débutdes années 1980, le taux de foncier bâtidans l’impôt sur les ménages produisait uneffet de levier formidable : on pouvaitmultiplier par trois le rendement d’unehausse de fiscalité. Je connais un maire quia fixé le taux de foncier bâti au maximum.C’était extraordinaire : il a pu toucherbeaucoup d’argent. Mais après, c’était fini ; iln’y avait plus de marge. Il l’a regrettéensuite. Il faut aussi imaginer ladynamique…

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ATELIER 3TERRITOIRE(S),GOUVERNANCE ETMANAGEMENT : SE PRÉPARER À 2014

Animation : � AKIM CHEKHAB,

Consultant, cabinet Accès conseil

Intervenants :� MICHEL PIRON,

Député du Maine-et-Loire, Conseiller Général, Président de la Communauté de Communes des Coteaux-du-Layon

� RÉMY LESAOUT,Sociologue, Maître de conférences à l’université de Nantes

� FABIEN DESAGE,Maître de conférences en sciences politiques, université de Lille 2

� AKIM CHEKHAB,Consultant, cabinet Accès conseil

Nous allons aborder la thématique de notreatelier à travers plusieurs pistes de réflexion :l’élu et sa relation au citoyen, la réforme etles vice-présidents, la proximité et lemanagement stratégique, c'est-à-direl’articulation de la sphère décisionnellepolitique avec la sphère administrative ausein des EPCI, des communes-centre oudes communes périphériques. Ce seral’occasion de s’interroger sur l’émergence denouvelles pratiques professionnelles, maisaussi sur les paradoxes, les contraintes, lespressions qui rythment la vie de l’espacecommunautaire, des administrés et del’administration.

� FABIEN DESAGE,Maître de conférences en sciences politiques, université de Lille 2

J’ai réalisé différents travaux sur lesstructures intercommunales et leurinstitutionnalisation et dans ce cadre, j’ai pu observer les fonctionnairescommunautaires, leur relation aux élus et lamanière dont ils sont parfois mobilisés pourmettre en œuvre des réformes internes. J’ai

également écrit récemment un article portantsur le rôle des fonctionnaires dans la mécanique de l’évolution del’intercommunalité, intitulé : « Lesfonctionnaires intercommunaux ont-ils uneâme ? », titre un peu ironique que j’essaieraide vous expliquer. J’ajouterai quelques motssur l’autonomie de la fonction publiqueterritoriale.

� MICHEL PIRON,Député du Maine-et-Loire, Conseiller Général, Président de la Communauté de Communes des Coteaux-du-Layon

En tant que parlementaire depuis 2002, jeme suis attaché à suivre particulièrementdeux grands secteurs : celui des collectivitésterritoriales et celui du logement et del’urbanisme. En 2006, j’ai rendu un rapportcomparant notre pays à quatre autres payseuropéens sur la question de lagouvernance et de l’architecture territorialedes pouvoirs : « Gouverner en France, queléquilibre territorial des pouvoirs ? »J’essayais d’y réinterroger le système,comme cela s’est fait dans tous les pays quinous entourent, sauf dans le nôtre – ou sipeu…

J’assume par ailleurs avec Jean-PierreBalligand, socialiste, la responsabilité de l’Institut de la décentralisation,conformément à une tradition deco-présidence partagée entre majorité etopposition. Cet institut de formation gèreégalement la revue Pouvoirs locaux.

� RÉMY LESAOUT,Sociologue, Maître de conférences à l’université de Nantes

Je suis directeur de l’UFR de sociologie àl’université de Nantes et je travaille depuisquelques années sur la question del’intercommunalité. J’ai écrit quelquesarticles, mais j’ai aussi dirigé plusieursouvrages collectifs sur ce sujet, dont l’un, quiporte sur la question de l’intercommunalitédans la loi du 16 décembre 2010, serabientôt publié.

Je centrerai mon propos sur l’élu et sarelation au citoyen à travers la question de

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l’intercommunalité et de la démocratie.Quels sont les liens entre démocratie etintercommunalité ? En quoi affectent-ils lesproblématiques et les organisations eninterne des intercommunalités ? Ce thèmeest récurrent dans la politiqueintercommunale. Il recouvre deux élémentsdistincts mais très imbriqués : le rapportentre la population et ses représentants, quirenvoie à la logique de gouvernement deterritoire, et la prise de décision au sein desintercommunalités, qui s’inscrit plutôt dansune logique de gouvernance. La premièrethématique concerne le débat récurrent surles modes de scrutin à proposer et lacapacité qui est donnée à la populationd’intervenir sur les orientations politiques. Ladeuxième thématique renvoie à l’idée desorientations politiques en interne et à lamanière dont elles peuvent être structuréesdifféremment, si nécessaire.

Les débats récurrents sur le mode dedésignation des élus communautairesremontent à l’origine de l’intercommunalité.La loi du 16 décembre 2010 pose le principede l’élection au suffrage universel desdélégués communautaires. Derrière cetaffichage symbolique, l’intervention ducitoyen dans le gouvernement des territoiresest en réalité une intervention a minima,puisque c’est le principe du scrutin fléché quiest retenu. Les enjeux de cette question ontdéjà été évoqués. Fabien Desage a biendécrit le mode de fonctionnement desstructures intercommunales et le régime duconsensus dans l’ouvrage qu’il a co-écritavec David Guéranger, La Politiqueconfisquée. Il y montre qu’il y a unarrangement entre les élus – principalemententre les maires – pour se répartir lesressources de l’intercommunalité, dansl’idée de consolider leur position. Lesmécanismes et les principes qui tendent àbouleverser ce consensus sont trèscontrôlés, notamment l’élection au suffrageuniversel, qui rompt cette habitudeinstitutionnelle. On l’observe dans les débatsqui ont lieu autour de la loi relative auxcollectivités territoriales, où l’idée d’unetransformation majeure du mode dedésignation des élus communautaires, à

travers la proposition d’élection directe duprésident, ou d’une déconnexion entre lesélections municipales et les électionsintercommunales, qui remet en cause lerégime du consensus, mobilise la vigilancedes élus. Le principe du scrutin fléché – quia été accepté – relève d’un compromis quiévite que d’autres principes, plus radicaux,soient adoptés. Sans anticiper sur ce quipassera en 2014, l’introduction de cettedisposition semble suffisante pour ne pasaller plus loin dans les possibilités offertesaux citoyens d’intervenir sur les questionsintercommunales. Mais ce dispositifamènera nécessairement les élus encampagne, lors des prochaines municipales,à faire œuvre de pédagogie par rapport à cequ’est l’intercommunalité, puisque si ledispositif est maintenu – et mon avis, il sesera –, les candidats devront expliquerpourquoi il y a ce scrutin fléché et pourquoitel individu est positionné pour représenterla commune dans la structureintercommunale.

Un autre point important de la réforme de2010 est la réduction du nombre device-présidents. Paradoxalement,l’introduction du principe du scrutin fléché oudu suffrage universel direct, censé améliorerla démocratie intercommunale, et le fait qu’ily ait moins de vice-présidences vontpeut-être renforcer au contraire le processusde captation du pouvoir par les maires. Caren réduisant le nombre de vice-présidents,on réduit aussi le nombre d’acteurssusceptibles d’avoir un accès privilégié à lagestion des intercommunalités. Dans cette configuration, il n’y a pasd’évolution majeure à attendre en termes degouvernement des territoires et degouvernance. Tous les travaux surl’intercommunalité montrent que lesévolutions, dans ce type d’institution, sonttrès lentes et se font par touches ou parlégères adaptations. Sinon, cela bouleversetrop de situations acquises et cela perturbel’architecture générale de nos institutionsjusqu’au Sénat. Il est illusoire de penserqu’avec un volontarisme affiché, on vachanger quelque chose.

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Dans ce rapport à la démocratie, deux pistespourraient améliorer la visibilité de cesstructures intercommunales et de ce qu’ellesfont. En anticipant l’effort pédagogique quisera nécessaire pour les élections de 2014,on peut proposer une évaluation de l’actionréalisée par les intercommunalités. Il y a unpoint de vue assez fréquent selon lequel,dans une élection démocratique, si lapopulation ne sait pas qui fait quoi etcomment cela se passe, il y a suspicion surla qualité de la politique. Ce postulat n’estpas justifié mais le fait est que d’un point devue démocratique, on n’est souvent pas aucourant de ce qu’il s’y passe. D’où laproposition, un peu naïve et commune,d’instaurer un mécanisme d’évaluation despolitiques publiques dans lequel les experts,consultants, universitaires, élus,fonctionnaires seraient là pouraccompagner, mais n’en seraient pasforcément les principaux acteurs. C’esttechniquement très difficile à réaliser parceque l’action intercommunale est à la fois trèsimbriquée et autonomisée par rapport àl’action communale. Mais il faudrait trouverun moyen de dire réellement ce qu’il en està la population : soit que les élus captent despouvoirs et font n’importe quoi, soit qu’il y aaussi des choses qui se font. Cela peutheurter d’un point de vue politique etdémocratique, mais la population n’est pasforcément soucieuse de savoir qui fait quoi.Ce qui compte, c’est que les bus arrivent àl’heure, que les piscines soient ouvertes, etc.Il y a donc deux formes de débat politique :l’un, construit sur la représentation de cequ’est une démocratie idéale, et l’autre, plus« pragmatique ». Le scrutin fléché est uneillusion démocratique. Tous les candidats àl’élection présidentielle en sont satisfaits caril ne bouleverse pas trop les choses.Peut-être faudrait-il trouver, deux ans avantles élections locales, des manièresd’exprimer ce qui est réalisé. C’est difficile àfaire, mais il faudrait éviter de retourner versune évaluation émanant des cabinets privés.

La deuxième piste se situe dans les relationsqui se nouent entre la structureintercommunale et les communes etnotamment, dans un jeu entre centre et

périphérie. Ce rapport se constitue danstoutes les institutions qui se créent parmutualisation ou captation d’autres espaces.Ce n’est pas seulement un rapportorganisationnel, mais aussi un rapport depouvoir, à la fois symbolique et réel, où unepartie de la décision se décale et change unpeu de lieu. Cela a toujours existé.Auparavant, cela se jouait entre lescommunes et l’administration d’État, maisavec l’intercommunalité qui se développetrès fortement, il y a le sentiment, danscertains espaces municipaux, d’unedépossession de la capacité, politique outechnique, et d’une « reprise en main »d’administrations beaucoup plus puissantes,qui sont nécessaires pour apporter del’expertise. J’ai mené une étude auprès desDGS de petites communes. Ils sont rassurésd’entrer dans une intercommunalité, car ilsaccèdent à une expertise juridique ettechnique qu’ils n’avaient pas et qu’ils saventdésormais où trouver. Mais il peut y avoir unsentiment de dépossession de certainséléments. Un autre élément dedépossession, dans cette construction,résulte du rapport entre l’élu et cetteadministration. Dans la commune qu’il gère,l’élu ne dispose pas de moyens nid’expertise, surtout quand il s’agit d’unepetite commune. Les orientations politiqueset techniques sont plutôt captées parl’administration intercommunale ; c’est unschéma classique de dépossession dupolitique par le technique. Ceci dit, les busarrivent tout de même à l’heure. On peut se demander si cette dépossessionrelative du politique municipal par rapport autechnique intercommunal n’est pasrenforcée par un jeu des élus, qui, dans laconfiguration actuelle, en tout cas dans lesgrosses communautés, ont peut-être intérêtà s’investir dans l’intercommunalité et dansce qui se passe au niveau du bureau desmaires pour côtoyer des élus plus puissantset travailler sur leur propre carrière. Mais ilest compliqué, sur le plan de la gestion del’agenda, d’être à la fois maire d’unecommune de 10 000 habitants etvice-président d’une intercommunalité, sansparler de toutes les autres possibilités des’investir qui sont offertes aux élus. Il est

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peut-être plus « rentable » politiquement etsymboliquement de s’investir dansl’intercommunalité et d’être moins présentdans la commune. D’où une gestion descommunes périphériques doublementdépossédée, soit par la technique desintercommunalités, soit par la difficulté depositionnement de l’élu dans cetteconfiguration. Faut-il y remédier ? Comment ?Peut-être en organisant, pour préparer 2014,des discussions sur ces rapports entrecentre et périphérie. À Nantes Métropole,l’idée première des pôles de proximité,même s’ils n’entrent pas exclusivement danscette logique, était de trouver une solutionpour régler ces tensions qui sont inévitables.

Le deuxième aspect, moins visible pour lapopulation, est donc la question du rapportentre les administrations intercommunalesplus puissantes et les communes – à la foisleurs techniciens et leurs élus. Reste à voir sices techniciens ont une âme…

� MICHEL PIRONPoser la question de la relation du citoyenaux élus, c’est interroger la citoyenneté etl’élection. S’interroger sur la représentativitédes communes et l’organisation desvice-présidences, c’est s’interroger sur unmécanisme qui concerne le pouvoir.S’interroger sur la proximité, c’ests’interroger sur le type de relations entre les« représentants » du pouvoir et ceux qui sontcensés en avoir moins. Mais au nom de quoiet pourquoi ?

La question qui nous amène à franchir le pasde l’élection nous oblige à ne plus resterdans le monde de la réflexion, qui, pardéfinition, est un monde nuancé, auxcouleurs de l’arc-en-ciel, dans lequel rienn’est en noir et blanc. Basculer du côté del’élection, c’est basculer du côté où l’onchoisit de faire ou de ne pas faire. L’universredevient blanc ou noir. C’est très difficile,quand on entend encore réfléchir. Laréflexion est le monde de la nuance. Lemonde de l’action condamne à choisir.Chaque fois que l’on entre dans le concret, ilfaut trouver des réponses aux questions :faut-il… ? Comment ? Au service de qui ? Au

service de quoi ? La relation au citoyenrecouvre la relation électorale, en ce quiconcerne les élus, et en ce qui concernel’administration, la relation de médiation :l’administration est au service de l’intérêtgénéral. Ces relations sont marquées soitpar des aspects immédiats, soit par desaspects médiats. Nous sommes en périodeélectorale et il ne nous échappe pas quemême au niveau présidentiel, la relation estde plus en plus immédiate, tant il est vrai queles médias se mettent sous l’emprise del’immédiat : à chacun son scoop, matin, midiet soir, avec le moins de recul possible. Laprégnance de l’image ne médiatise plus rien; au contraire, elle nous met en contact directavec toutes les émotions possibles. Celadevrait interroger le fonctionnementdémocratique. Je préférerais un plus demédiatisation, du côté des médias, que d’«immédiatisation ». En tout cas, la relationélectorale existe. Elle se passe par le visuel,par l’audio ou par l’écrit. Les échelons, ladistance, le décryptage et le tempsd’explication des uns ne sont pas forcémentles mêmes que ceux des autres. Le tempsde l’écrit nourrit sans doute une partie de vosréflexions, et tant mieux.

Quand on aborde la relation entrecommunes et intercommunalité, on abordela question du scrutin. Je suis convaincu quebien qu’imparfait, le système du fléchage,que j’ai défendu à l’Assemblée, a unimmense mérite : pour la première fois, onva voir dans les élections municipales –dans un pays qui compte 36 700 communes,dont 60 % comptent moins de 500 habitants– un signe visible qui va nous obliger àpenser à l’intercommunalité en même tempsqu’au scrutin municipal. Il sera impossibled’éliminer la question intercommunale de laquestion communale : les deux seront liéespar ce fléchage. Introduire la dimensionintercommunale dans des scrutinscommunaux est un incontestable progrès.Certes, on peut discuter du réglage de cefléchage. Personnellement, je souhaite qu’ilne remonte pas trop haut et ne laisse pastrop de communes en dehors. Si on le rendobligatoire au-dessus de 3 500 habitants,l’immense majorité des communes de

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France y échapperont. L’argument avancéest qu’avec la parité, il est difficile deconstituer des listes municipales entièresdans les communes moins de 1 000habitants. Avec le fléchage, la mission vadevenir quasiment impossible. J’ai mespropres interrogations à propos de la paritéet je les ai défendues en commission, àl’Assemblée. Le mot « universel » quiqualifie le suffrage m’autorise à penser queje peux être représenté par une femmecomme je peux représenter les femmes. Onva se servir de la difficulté de constituer deslistes à parité pour faire remonter le fléchagele plus haut possible et l’on verra à nouveau,dans la plupart des communes de moins de1 000 habitants, voire de moins de 2 000,des scrutins municipaux qui se feront dansl’ignorance la plus totale de la dimensionintercommunale. Je souhaite que le seuilretenu pour ce fléchage descende aumaximum dans nos communes.

La question de la relation au citoyen n’estpas seulement une question d’élection.Encore une fois, c’est une relation médiateou immédiate. Si la légitimité est du côté desélus et justifie qu’ils puissent prendre desdécisions, c’est grâce au suffrage universel.Mais aucun pouvoir ne peut se dispenserd’une bonne administration. L’exercice directdu pouvoir est impossible : la médiation del’administration est impérative. C’est vrai auniveau national, régional, départemental,intercommunal et communal. Certainsprincipes de la relation entre administrationet élus mériteraient d’être sinon réinterrogés,du moins remis en valeur. Quelledifférenciation entre administration et cabinetdans les instances des grandes collectivités? Quel lien entre l’administration et les élus,et réciproquement ? Ce débat a toujoursexisté, notamment en France, qui estpassée de la monarchie absolue à unjacobinisme assez aigu. La question de laréalité du pouvoir derrière la scène atoujours existé, et elle n’est pas tranchée – jedoute d’ailleurs qu’elle puisse l’être.

La question de la médiation del’administration renvoie de la forme au fond.L’interrogation fondamentale qui sous-tend

tout ce tissu de relations est la suivante :pour quoi faire ? J’ai un point de vue différentque celui qui a été exprimé à propos desvice-présidents. Je ne suis pas sûr que leurmultiplication garantisse une bonnegouvernance. Je préside pour ma part unecommunauté de douze communes. J’aiessayé de faire accepter qu’il n’y ait quequatre vice-présidents et je crois êtreparvenu. La facilité consisterait, puisqu’il y adouze communes, à ce que chacune soitreprésentée par un président ou unvice-président. En plus encore, à nommervice-président les deux tiers des élus, pours’assurer de la majorité… Mais quand il y aautant de vice-présidents que de maires, ons’expose au risque que chacun vienne avecles intérêts de sa propre commune commepensée première. Or l’intercommunalitén’est pas la simple somme des intérêtscommunaux, comme l’intérêt général n’estpas la simple somme des intérêtsparticuliers. S’imposer l’exercice difficiled’avoir moins de vice-présidents que decommunes commence avec des questionsde fond : comment s’organise-t-on ? Quellessont nos priorités ? Quels sont les grandschantiers et domaines dans lesquels nousentendons intervenir ? Une fois que l’on s’estdéterminé sur un certain nombre d’objectifs,il faut se poser la question : pour quoi faire ?Dès lors, les élus ne réagissent plusexactement de la même manière et pardéfinition, les vice-présidents sont en charged’un peu plus que les revendications deleurs communes.

S’agissant de la gouvernance, FabienDesage a employé l’expression de « troc »entre élus ; bien sûr, cela existe. Mais je necrois pas que les termes se posent demanière aussi simple, aussi binaire, entre,d’un côté, des choix politiquement noblesparce que correspondant à un affichagepartisan et de l’autre, de petits arrangementspour se partager les fonctions à l’amiable etavoir la paix. Dans le premier cas, il s’agitd’un a priori idéologique, qui n’est pasforcément condamnable mais qui estpartisan ; dans l’autre cas, ce sont de petitscompromis territoriaux. D’autres voies sontpossibles. Elles s’appuient sur le même

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questionnement : l’intercommunalité,pourquoi et pour quoi faire ? Quand vousbâtissez une intercommunalité, vous êtesamené à discuter des questions d’habitat,d’économie, du choix des zones d’activitéset de leur implantation, du tracé destransports en commun, en fonction decritères objectifs et non pour contenter l’unou l’autre… Une fois que vous avez discutéde ces questions, que vous avez défini degrandes orientations dans vos projets, onpeut tout à fait imaginer qu’il y ait desmajorités d’idées ; des majorités d’élus, quine sont pas forcément du même bord sur leplan national – qui impose un systèmebinaire – mais qui peuvent collaborer sur leplan territorial de manière extrêmementefficace, avec de larges majorités.

À l’Assemblée nationale, j’ai défendu, envain, la question du PLU intercommunal. Enmatière d’urbanisme commercial, j’ai réussià obtenir la quasi-unanimité à l’Assembléeet l’unanimité au Sénat. Mais la propositionde loi est restée au congélateur après le votesénatorial et n’est pas revenue devantl’Assemblée. J’espère que certainsparviendront à la décongeler… Sur le plandu logement, en commission saisie au fond,il y a eu sept voix contre sept. Nous aurionspu avoir une majorité. Le PLU estfondamental, car il gère le rapport àl’espace. C’est une responsabilité territorialeéminente. Cela fait longtemps que l’ons’affranchit des frontières communales pouraller du logement au travail, pour empruntertel ou tel moyen de transport. La plupart demes collègues, notamment du PS et desVerts, étaient favorables au PLUI. Mais dansla commission comme dans l’hémicycle, lesprésidents d’agglomération, que je rencontrerégulièrement en tant que président déléguéde l’AdCF, n’étaient pas là, alors que les présents dénonçaient l’inter-communalisation des PLU sur tous les tons,notamment l’AMF, qui n’était pas en reste.Nous avons donc perdu ce débat. Mais ilétait intéressant. Vous pouvez le consultersur Internet. Il s’agissait là d’un vrai objet derelations entre communes etintercommunalité, d’un sujet qui ne passaitpas par des clans ou des différencesétiquetées ou partisanes et qui étaitvéritablement territorial. Même à

l’Assemblée, il peut y avoir autre chose quede l’étiquetage ou du troc. Il me semble qu’afortiori, on doit pouvoir parler davantage deprojets sur les territoires. La tension entrecentre et périphérie est inévitable et il fautl’accepter. Elle est normale. Il ne s’agit pasde la nier, mais de la gérer.

Quant à la question de l’évaluation, certainsratios financiers, qui ont le mérite d’être dansle grand public, sont en cours d’amélioration.La question de l’intercommunalité n’a pasété suffisamment prise en compte,notamment celle des comptes consolidés.Nous les réclamons depuis des années pouravoir des ratios significatifs. Mais il fautveiller au choix des critères et déterminer quiles définit.

Enfin, s’agissant de la question de laproximité – ou de la distanciation –, elle nese pose pas de la même manière selon lataille de l’intercommunalité. Qu’y a-t-il decommun entre la communauté urbaine deLille, la communauté d'agglomération deSaumur et la communauté de communesdes Coteaux-du-Layon ? Il fautnécessairement démultiplier les médiations,mais cette question ne peut pas être traitéede manière uniforme. Quant à ladépossession, je renvoie au radical du terme: pour qu’il y ait dépossession, il faudrait qu’ily ait possession. Êtes-vous si sûrs quederrière les apparences du pouvoir, il y aitautant de possession ? Dans bien des cas,je ne suis pas certain que les pleurs sur ladépossession recouvrent une réalité si forte.

La question du rapport entre les communeset l’intercommunalité, les élus et lescitoyens, amène celle du rapport entre ledépartement et la Région, du rapport de cecouple avec le couple intercommunalité –communes et du rapport de ces deuxcouples avec l’État. De ce point de vue, jevous avoue très humblement que je crois demoins en moins à la réforme par petitestouches. Dans le cadre de la réformeterritoriale, on a fait de petites avancées surle plan des relations entre l’intercommunalitéet les communes qui sont insuffisantes àmon goût. On n’a presque pas avancé surcelles de la Région et des départements. Etque dire de la relation entre l’État, les

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Régions et les autres collectivités, qui n’apas du tout été réinterrogée ? C’estpourquoi, au risque de paraître trèsutopique, je me demande si l’on ne pourraitpas réformer comme l’ont fait l’Allemagne,dans des circonstances particulières, l’Italie,la Grande-Bretagne, avec la loi dedévolution, et l’Espagne, qui est allée trèsloin dans un fédéralisme non officiel, maisextrêmement fort. Est-il possible pour nousd’assumer une vraie décentralisation sanspasser un jour par un référendum ?L’approche par petits bouts peut se traduirepar un risque avéré lié à l’empilementpermanent des structures que noussubissons actuellement, qui peut générer devéritables surcoûts.

� AKIM CHEKHABPour poser autrement la question, commentécoute-t-on le citoyen ? Quelle place luidonne-t-on quand on met en œuvre lespolitiques publiques communautaires ? Queltype de retour imaginer et à quel momentl’assurer ? Le faites-vous vous-mêmes ausein de vos EPCI ? Comment, par ailleurs,peut-on penser l’articulation opérationnelleentre l’administration communautaire et lesadministrations des communes ?Parvenez-vous à travailler avec voscollègues et de quelle manière ? Bref, qui,concrètement, écoute les citoyens et lesinforme sur les projets communautairesstructurants ou sur d’autres, qui concernentle quotidien ? Comment travaillez-vous dansl’administration, au service du citoyen ?Disposez-vous de tableaux de bord partagésentre l’administration communautaire et lesautres administrations ? In fine, commentassurez-vous cette traçabilité ? Autant dequestions concrètes sur lesquelles nousattendons vos témoignages sur la manièredont vous appréhendez, dans vos EPCI oudans vos communes, cette relation avec lescitoyens.

� CHRISTIAN MARTINEAU,direction des services techniques, ville de Saint-Macaire-en-Mauges

Notre commune de 6 500 habitants faitpartie de la communauté de communesMoine-et-Sèvre. Il est parfois difficile detrouver l’articulation entre les compétences

intercommunales et les compétencescommunales. Pour certaines compétences,il peut y avoir un centre intercommunal quiregorge de matière grise, qui traite lesdossiers importants et valorisants mais quin’a pas de service technique assezdéveloppé pour prendre en charge toutes lesquestions qui sont à la marge de ces grosdossiers. Par exemple, l’enlèvement desordures ménagères est assuré par lacommunauté de communes mais dès qu’il ya des déchets refusés ou épars, c’est pris encharge par la commune. Les activités noblessont confiées à une structure et le reliquatest confié à une autre. Cela crée unsentiment d’hostilité entre les agents desstructures, qui est préjudiciable à l’intérêtgénéral. Les relations avec les administréspeuvent aussi être compliquées parce qu’ilsne savent plus à qui s’adresser. Les agentsle vivent mal ; cela génère une déperditiond’énergie et des frustrations.

� MARIE-LAURE ÉTIENNE,DGS, ville et agglomération de Pau

L’intérêt de s’enquérir de ce qui se fait dansd’autres pays a été soulevé, de même quecelui d’envisager des réformes globales. LeDanemark a fait sa réforme territoriale et saréforme de l’État en même temps. Cetteréforme est aujourd'hui quasiment aboutie :ils ont réussi à supprimer un ou deuxéchelons et à répartir les compétences. Leproblème a été pris dans le sens contraireau nôtre. Ils ont commencé par donner lecadre, vers 2004, et ont laissé à chacun letemps de se construire. Les parlementairesont défini un seuil minimum de 20 000habitants pour le communal ouintercommunal. Puis, les choses se sontfaites petit à petit, et à moyens humains etfinanciers constants. En 2011, environ 75 %des agents publics d’État et des agentsterritoriaux ont changé d’employeur parglissement et par redéploiement.

Je suis pour ma part fonctionnaire d’État etla question de Fabien Desage m’intéresse :les fonctionnaires territoriaux ont-ils une âme ?L’âme, au départ, c’est le service public.Comment se positionne la collectivité à cetégard ? À Pau, les services sont mutualisésdepuis 2009 entre la ville centre (86 000

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habitants) et l’agglomération (155 000habitants). Ce contexte de mutualisationeffective et mon expérience de fonctionnaired’État me permettent de me positionnerexclusivement sur l’intérêt du territoire etdonc, sur la question du service public. Vusous cet angle et dans l’optique du thème denotre atelier, il me semble que lagouvernance et le management recouvrentdeux gros blocs : la gouvernance correspondau rôle politique et le management relèvedavantage des fonctionnaires territoriaux quile mettent en application, sachant qu’il estnécessaire de définir clairement le rôle dechacun : qui décide ? Qui met en place desstratégies ? Qui fait les choix ? Qui est encapacité de faire des propositions et de lesmettre en œuvre ? Quand et comment ? Surl’ensemble des sujets présentés aujourd’hui,nous avons beaucoup de questions à nousposer à propos de cette répartition et dupositionnement des élus dans la stratégie duchoix et de la prise de décision. La Hongriea complètement différencié la question de lareprésentation locale et les mandatsnationaux ; d’où la question dupositionnement de la stratégie par rapport aufait de mettre en œuvre. Bien entendu, il fautfaire du lien entre les deux. Même si lastratégie a les couleurs de l’arc-en-ciel, elledoit être en adéquation avec l’âme dufonctionnaire, c'est-à-dire le service public,en relation avec les usagers. Mais ces choixstratégiques doivent prendre de la hauteuret se distancier de l’actualité immédiate, dela pression quotidienne, des échos de lapresse locale ou du ramassage des papiersgras, qui font partie de la vie de jours.

� MICHEL PIRONLa question posée induit que le citoyen n’estpas consulté, ou pas suffisamment. Or, il y amille manières de consulter le concitoyen.Ainsi, une consultation a eu lieu récemmentsur plusieurs projets portant sur un nouveaurapport de la ville avec les berges de laMaine. L’exposition a duré un mois ; desmilliers de personnes ont répondu. Cetteconsultation, qui n’avait rien d’obligatoire, apermis de recueillir l’avis des citoyens. C’estune pratique désormais très répandue.Avez-vous vraiment le sentiment que les

citoyens, aujourd'hui, ne sont pas en mesurede faire valoir leur point de vue sur lesgrandes décisions ? Je ne parle pas desenquêtes d’utilité publique, où il est difficilede faire valoir l’intérêt général face à deslobbies parfaitement organisés qui, souscouvert des habillages associatifs,défendent une multitude d’intérêtsparticuliers sous le paravent de l’intérêtgénéral.

� AKIM CHEKHABPour reformuler la question, commentpeut-on organiser une écoute citoyenne ouun rapport avec les citoyens sur la questiondes politiques publiques communautaires ?

� DOMINIQUE GARNIER,DGS, communauté de communesd’Erdre et Gesvres

La question de la relation à l’élu et au citoyeninterroge le champ sociologique. Qu’attendle citoyen, aujourd’hui ? Parfois, on leconsulte et il répond, comme dans l’exemplequi vient d’être cité mais parfois, concernantd’autres politiques publiques, on sedemande comment faire participer lapopulation au débat public. Depuis quelquesannées, l’écart se creuse entre, d’une part,les élus ou les fonctionnaires territoriaux quiparticipent à la mise en œuvre d’actionspubliques d’intérêt général, et d’autre part,les intérêts des citoyens qui sont de plus enplus particuliers et qui, dans leur expression,se heurtent à des stratégies collectives.Nous essayons de répondre à cettepréoccupation à travers des réunionspubliques, des conseils de quartier ou desconseils de développement… Sur monterritoire, qui n’est pourtant pas un pays,nous avons mis en place un conseil dedéveloppement, qui est une émanation de lasociété civile. C’est une expérienceintéressante. Il a apporté une visionterritoriale des choses, que je distingue de lavision parfois strictement locale des élus, quia amené ceux-ci à se positionner et àévoluer dans leur propre vision. Mais lesconseils de développement ne sont pasforcément représentatifs ; ils ne représententque leurs membres et les associations aunom desquels ils siègent. La difficulté de

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trouver le bon lieu et la bonne techniquepour associer la population aux décisions àmettre en œuvre subsiste.

Sur notre territoire, nous avons actuellementun conflit relatif à la redevance incitative. Leshabitants se mobilisent de manièreextraordinaire parce que l’on touche à leurportefeuille. Mais sur d’autres sujets de fondcomme l’urbanisme, l’aménagement duterritoire, les PLU ou le schéma de secteur,nous avons beau organiser des réunionsouvertes, des conseils de quartier pouressayer d’intéresser les citoyens à la chosepublique, nous n’y parvenons pas. Ilsinterviennent uniquement sur laconstructibilité de leur terrain. Nousrecueillons des avis sur les problématiquesde déplacement, mais par le biais du conseilde développement. Les individuseux-mêmes ne se mobilisent pas sur cessujets. Je pense qu’aujourd'hui, cet écart secreuse. Nous avons pour vocation de menerune politique d’intérêt général, maiscomment mobiliser les gens sur l’intérêtgénéral quand ils ne se préoccupent que deleur propre intérêt particulier ou corporatiste ?

� CLAUDINE PÉZERIL,Consultante formatrice,Initiactives sociales

Je ne pense pas que les gens ne sont pasintéressés. Le fait est que les champsd’expertise montent de plus en plus et lescommunautés de communes et lesintercommunalités, qui constituent la matièregrise, se sont éloignées du citoyen lambda,qui est fondamentalement intéressé par lachose publique. Sur quels espaces publicstravailler ces questions ? Vous regrettez quela population ne vienne pas à une réunionportant par exemple sur un PLU. Demandezà un habitant lambda ce qu’est un PLU…Comment venir discuter dans une réunionsur des champs très techniques, auxquelson se sent complètement étranger ? Onpourrait amener le citoyen à penser la chosepublique en l’y invitant sur le terrain duquotidien : comment vivez-vousactuellement dans votre quartier ?, commentvivez-vous dans votre centre-bourg ?, enleur posant des questions sur leur vie

quotidienne. Peut-être qu’alors, des gensviendront discuter avec vous. Vous tentezdes processus de participation qui peuventou non être efficaces, mais il faut arriver àcapter les gens, à leur expliquer. J’appelleles élus à faire de la pédagogie pour éviterque le citoyen soit déconnecté de ses projetsdu quotidien et qu’on ne vienne le chercherqu’au moment des élections.

� DOMINIQUE GARNIERLe PLU n’est pas le meilleur sujet pourintéresser le citoyen ; je l’ai cité pour montrerque les gens sont plus intéressés par leurintérêt particulier que par l’intérêt général.Mais votre propos fait écho à un autreexemple. Sur notre territoire, nous avonstravaillé sur un Agenda 21. Nous avonsorganisé des forums de discussion avec lapopulation. Les premières présentations ontréuni à peine dix à quinze personnes. Nousavons donc réorienté nos thématiques, dontcertaines intéressent la vie quotidienne desgens : comment faire ses courses, commentjardiner… Par ce biais, nous espérons lesaccrocher à ce qui constitue leur quotidien. Ily a sûrement des techniques à trouver.

� AKIM CHEKHABSur le sujet de la démocratie participative,les premières personnes formées sont lesagents et les cadres, chefs de projets trèsexperts, mais qui n’ont pas souvent depratique du débat. Comment dépasserl’expertise pour aller vers les citoyens ?

� FABIEN DESAGEÀ mon sens, ce n’est pas en leur présentantdes projets déjà engagés ou largementdécidés que l’on intéresse les gens à lachose publique. C’est en politisant leschoses que l’on intéresse les gens à lapolitique, en faisant effectivement de lapédagogie, en leur montrant qu’il y aplusieurs choix possibles et différentesoptions. C’est ce qui a créé de l’intérêt pourla démocratie depuis le XIXe siècle enFrance, et depuis le suffrage universel. C’estainsi que l’on allait « faire campagne », dansles campagnes, en incitant à aller voter deshabitants, qui, au départ, ne voyaient aucunintérêt à quitter leur ferme et qui ne

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comprenaient pas quel sens cela avait d’allervoter.

Il faut intéresser. Pour cela, nous devons,nous, élus, chercheurs, fonctionnaires,étudier ce qui se fait ailleurs. La France n’estpas championne du monde pour associer leshabitants aux projets d’action publique. Elledoit s’inspirer des pratiques de l’étranger.L’exemple de la conduite de projets delogements sociaux – les « logementscommunautaires – au Québec est édifiant.Ce sont des associations qui se saisissentdes terrains, qui informent ensuite les élusqu’elles vont elles-mêmes réaliser deslogements sur tel terrain avec l’aide d’unGAT, un groupement d’assistance technique,et les élus entérinent la décision ; mais leprojet a été mis en place par des groupescommunautaires structurés. Si despersonnes participent à ces groupes, c’estparce qu’elles savent qu’ils ont uneautonomie d’actions. En France, nous avonsdes fonds de participation des habitants.Mais ce n’est pas avec les 500 ou 1 000 €que l’on donne par an à un fonds departicipation que l’on peut inciter unepersonne confrontée à quantité de difficultésà sortir de chez elle et à participer à uneréunion pour décider, avec une dizained’autres sur tout le quartier, de l’affectationde 1 000 €.

Il existe pourtant des outils, en France,comme le référendum d’initiative locale, créépar l’acte II de la décentralisation. Qui autilisé cet outil ? Je ne dis pas que c’est lapanacée ni qu’il faut y avoir recours sans lepréparer, mais aujourd’hui, les équipementsmajeurs qui structurent le territoire et lesmétropoles sont décidés sans aucun recoursau référendum d’initiative populaire. Lechampionnat d’Europe va bientôt avoir lieu.De grands stades se construisent danstoutes les grandes métropoles françaises,sans aucune consultation, alors qu’ils nesont pas une priorité des citoyens. Mais ilsvont impacter de ces structures pour vingt outrente ans. Il faut apporter une réflexion surl’utilisation des outils, sur la manière deré-impliquer le citoyen dans la mécanique dedécision et de montrer que le choix estpossible. Savoir si l’on fait un tramway, un

parking de stationnement, un stade ou depetites rénovations d’équipements, ce nesont pas des questions techniques ; ce sontdes choix politiques. Si on les y intéresse etsi on les y associe, les gens s’impliquent.

Il y a des exemples, à travers le monde,dans des endroits où les populations ontpourtant moins de capital culturel etéconomique qu’ici, où les participations àcertains projets sont massives, pour peu queles citoyens aient cette impression d’avoirune emprise sur la réalité. C’est le minimum.Vous-même, iriez-vous participer à desréunions pendant un an, dix fois par an, pourdécider du choix du pot de fleurs à mettre enbas de chez vous ? Pour ma part, je nepense pas que je le ferais et je ne vois paspourquoi j’attendrais de gens qui sont plusen difficulté que moi le fassent. Il fautréfléchir sur le type de mécanisme que l’onutilise et aller en chercher ailleurs.

� MICHEL PIRONLes exemples du Danemark et du Québec,exemple fédéral, soulèvent la question del’enchevêtrement des pouvoirs nationaux etterritoriaux, en France. Qui sait, parmi laplupart de nos concitoyens en France, quidécide de quoi ? Cet enchevêtrement résultede l’accumulation de décentralisations nonassumées, inachevées, illisibles, et d’unecentralisation perpétuée à traversl’invraisemblable sur-réglementationnationale dans laquelle nous sommes. Sinous sommes les plus grands cumulards demandats, c’est parce que nous sommesenfermés dans un système qui y nouscontraint. En Rhénanie-Westphalie, enAndalousie, en Toscane, en Écosse ou auPays de Galles, ce sont les élus régionauxqui font 80 % des règles, qui légifèrent, qu’ils’agisse d’États fédéraux assumés ou nonexplicites, comme en Espagne. En France,la quasi-totalité du champ réglementaireémane de l’administration centrale – leGrenelle II va d’ailleurs encore donner lieu à197 décrets… ! Dans tous ces pays, on saitidentifier celui avec lequel on n’est pasd’accord. Le débat politique a une autreallure. Les choix et les non-choix résidentdans des décisions de décideursparfaitement identifiables. Chez nous, cela

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n’est pas le cas. Quand on a fait des erreursau niveau départemental ou régional, ons’en prend à l’État qui ne paie pas assez. Etquand l’État n’est pas content, on accuse lescollectivités territoriales. Chacun se renvoiela patate chaude. En France, si vous voulezchanger les règles du jeu qui vous freinentquand vous avez des responsabilitésterritoriales, il ne vous reste plus qu’à monterau niveau national pour essayer de peser encumulant les mandats pour essayer dedesserrer l’étau dans lequel vous êtes. C’estcomplètement pervers. Je reste convaincuque l’on ne s’en sortira que si l’on penseconcomitamment la réforme territoriale et laréforme de l’État.

� MARIE-LAURE ÉTIENNEDépasser l’expertise pour intéresser leshabitants ne doit pas signifier que l’onconsidère l’expertise comme univoque. Ellepeut être respectivement stratégique,technique, d’usage, pédagogique, sociale…Dès lors que l’on analyse les choses de cettefaçon, on donne la parole aux différentespersonnes qui exercent l’expertise.

� AKIM CHEKHABUn autre exemple peut appuyer cetteapproche de l’expertise. Aux Pays-Bas,lorsqu’il y a des démarches de concertationavec les habitants, seuls les techniciensviennent aux réunions de concertation, pourgarantir la neutralité des réponses parrapport à celles que pourraient faire les élus.Pourrait-on imaginer cela en France ?

� RÉMY LESAOUTQuand on agit dans un cadre institutionnel,dans une collectivité qui doit son existenceà une relation a priori non marchande avecla population, il y a toujours le soucid’associer cette population ou au moins, lavolonté qu’elle s’intéresse à ce que l’on fait.Le même débat existe dans les associations,mais il prend une autre forme ; elles n’ontpas de personnel permanent. Depuis la crisedu bénévolat, il n’y a plus personne. Au-delàde l’individualisme des Français, l’une desexplications réside dans le fait que cesstructures se technicisent énormément. Lebénévole qui intervient pour encadrer lesenfants ne peut plus le faire parce qu’il n’a

pas les diplômes nécessaires… Latechnicité fait qu’il y a une distance. La préoccupation permanente sur lamanière d’intéresser les habitants dépenddes structures dans lesquelles on agit. Elleme semble beaucoup plus forte dans lescollectivités territoriales que dans lesadministrations d’État. Une piste de réflexionest à étudier : est-ce que les populations neprennent pas plus de distance quand leservice fourni est de qualité ? J’ai travaillépour Nantes Métropole auprès des servicesde nettoiement. Personne ne se soucie desavoir qui assure le nettoyage des trottoirs ;peu importe. Le service est assuré etglobalement, selon les communes, la qualitéde service est là. Les administrations,comme les élus, anticipent souvent enmettant en place un service de qualité afinqu’il soit au plus près des besoins de lapopulation. Encore faut-il qu’une partie de lapopulation construise la demande. Sachantque tous ne sollicitent pas des services –hormis les groupes constitués qui défendentdes intérêts particuliers –, peut-être que lesanticipations permanentes et la qualité dutravail effectué expliquent qu’il n’y ait pas derevendications majeures : les bus arrivent àl’heure, les écoles sont ouvertes, il y a despiscines. Certes, ce n’est certainement passatisfaisant pour toute une partie de lapopulation qui souhaite accéder à autrechose. Mais depuis deux ou trois ans, je medemande si, au-delà de la technicité, il n’y apas un lien de causalité entre l’améliorationdes services offerts et le fait que lespopulations s’investissent moins. Il mesemble que c’est une piste à explorer.

� AKIM CHEKHABNous ne savons pas si les fonctionnaires ontune âme, mais ils ont une pratiqueprofessionnelle. Deux exemples peuventl’illustrer : celui du DG d’une collectivité detaille importante, qui regrettait de ne pouvoirs’impliquer dans l’EPCI autant qu’il lesouhaitait car il lui aurait fallu mobiliser uncadre à temps plein pour suivre toutes lesréunions de la vie communautaire ; et celuidu DG d’un EPCI qui indiquait qu’avec 80communes dans son EPCI, il n’avait pas letemps de rencontrer tous ses collègues DGSou secrétaires généraux de mairie.

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Ceci amène la question suivante : sur lesprojets structurants de l’EPCI, qui portentdes enjeux forts et mobilisent des sommesimportantes, il y a une articulation entre lescommunes périphériques et l’EPCI, maisexiste-t-il l’équivalent pour la régulation destensions au quotidien ? Comment créer despratiques communes et des modes defonctionnement permettant de travailler àpartir d’une commande relativement floue dupoint de vue communautaire – puisqu’elleémane d’un consensus ? Et quelle estl’articulation entre la ville centre, les villespériphériques et la communauté ?

� LAURENCE PENHOUËT,DGA, Saint-Brieuc AgglomérationBaie d’Armor

Notre agglomération compte 14 communeset 110 000 habitants, dont 48 000 pour laville centre. Quand nous parlons avec noscollègues des communes, nous ne voyonspas une politique complètement différente.À l’agglomération, les vice-présidents sontaussi bien de la majorité que de la minorité,mais du fait du consensus, la position dumaire dans sa commune peut être différentede celle qu’il a dans les instancescommunautaires. Nous voyons que noscollègues DG des autres communesinterviennent sur un positionnement politiquealors qu’en fait, c’est peut-être lepositionnement de leur élu dans lacommunauté d’agglomération. C’est assezdifficile. Quand on travaille avec lescommunes, il est très important d’échangeret d’être en relation directe avec lescollègues de l’administration. Il y a un réelbesoin de communiquer. À l’agglomération,nous avons une réunion mensuelle del’ensemble des DG des 14 communes ; auvu de tous les sujets que l’on traite, onpourrait en organiser tous les quinze jours.

Je voudrais rebondir sur ce qui a été dit àpropos de la matière grise. Les situationssont différentes selon la taille descollectivités. Saint-Brieuc Agglomérationemploie environ 400 agents et connaît unemontée en puissance des compétences,avec un projet de territoire ambitieux. Parailleurs, la commune centre est importanteet réunit des compétences, de même que

certaines communes périphériques qui ont10 000 à 12 000 habitants. Il faut donc quenous travaillions dans le cadre decoopérations de mutualisation et d’échangesde pratiques ; nous essayons aussi detravailler de plus en plus par métier. Noussommes en train de mettre en place unextranet pour permettre cet échange.Lorsque deux collègues de deux structuresdifférentes travaillent sur un dossieridentique de marché public, ils peuvent sepasser tout simplement l’information. Maiscela nécessite une réelle volontéd’administration ; les élus nous encouragent,certes, mais il faut qu’entre nous, lesadministratifs des différentes collectivités, il yait une vraie confiance. Enfin, il me semble très important, dans lescommunautés d'agglomération, de biencomprendre les collègues des mairies. D’oùl’intérêt de panacher les recrutements entreagents des communes, mais aussi de l’État.C’est enrichissant et c’est toute la chanceque nous avons, dans les collectivitéslocales.

� MARIE-ANDRÉE RASCOUËT,Responsable des relationsintercommunales, ville de Vertou

Vertou est l’une des communes de NantesMétropole. Plusieurs outils sont en placepour assurer un travail collaboratif avec lacommunauté urbaine. La conférence desDGS, qui se réunit à intervalles réguliers, aune double mission. Elle prépare laconférence des maires, qui se dérouleégalement à des rythmes réguliers, maisdepuis quelque temps, elle se saisit aussi deproblèmes particuliers qu’ils souhaitentapprofondir. En parallèle, de nombreuxréseaux référents se sont constitués dansdes domaines d’activité de NantesMétropole, comme le réseau « Agenda 21 »,le réseau « démocratie participative », leréseau « plan climat ». Ces référents sont unpeu spécialisés et se retrouvent, selon lesbesoins, pour essayer de parler le mêmelangage et mettre des projets en place. Auniveau des communes, cela demandebeaucoup de temps et une mobilisation trèsgénérale ; nous avons parfois du mal àsuivre.

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� RÉMY LESAOUTEn travaillant auprès des DGS desintercommunalités, j’ai observé que cettepossibilité d’avoir des référents dépendaitnon pas du type de la commune, mais desmoyens dont elle disposait. Un DGS quitravaille dans une commune où il est le seulcadre A et où il n’a pas beaucoup de moyensn’arrive pas à suivre ce rythme. Mais il y ades communes un peu plus pourvues quiparviennent à proposer du personnel et quipermettent au DGS de se libérer de tâcheschronophages. Tout le monde n’est pas àégalité pour pouvoir faire ce travail.

� MICHEL PIRONAvant d’apporter mon témoignage en tantque président de communauté decommunes, je voudrais répondre « oui »,sans hésitation, à la question : « lesfonctionnaires ont-ils une âme ? » J’avaisrapporté la dernière loi de la législationprécédente, en février 2007, sur la fonctionpublique territoriale, qui a été votée sansaucune voix d’opposition. Ce côtéspiritualiste de l’Assemblée atteste que lesfonctionnaires ont une âme.

Les mots « mutualisation », « réseau » et « référent » m’amènent à vous faire partd’une expérience que nous menonsactuellement dans notre communauté decommunes. Nous envisageons d’entrer dansune forme de mutualisation des personnelsà un horizon de un à deux ans. D’abord,parce que nous constatons qu’il y a descompétences que nous n’avons pas et desredondances qui sont inutiles. Il est évidentqu’à moyens constants, si l’on veut monteren compétence et répondre aux attentes desjeunes agents qui intègrent une toute petitecommune à 24 ou 25 ans, qui ont envied’évoluer dans leur statut, d’assumerd’autres responsabilités ou de se spécialiser,par rapport aux missions généralistes quisont celles d’un agent de petite communerurale, il y a un vrai problème. Nous enavons pris conscience ; nous y avonsréfléchi préalablement entre élus, en nousappuyant sur une personne spécialisée enressources humaines. Nous menons aussiun travail avec l’ensemble des personnels et

nous sommes confrontés à la question de ladisponibilité des secrétaires généraux demairie, dans les toutes petites communes,qui ne sont parfois même pas employés àplein temps. Il est difficile de leur demanderde sacrifier une journée… Nous en sommesau début du processus. Plusieurs entréessont possibles. Cela peut passer parl’informatique – un serveur et des logicielscommuns –, par la voierie… Nous ne visonspas la totalité des compétences ; ce seraitstupide, pour une communauté de 14 800habitants. Il y a également des compétencesqui sont au-delà du périmètre intercommunalet qui nécessiteront toujours de l’ingénierieà l’échelle départementale ou régionale.Quelle est la bonne échelle d’ingénierie àtrouver ? Sur cette articulation, nous nousdonnons deux ans pour progresserfortement.

Pour ma part, je fais une distinction entre lespersonnels administratifs, qui sont frustrésmais qui sentent également leursinsuffisances, dans une société de plus enplus complexe, où beaucoup de domainesne sont qu’effleurés – dans les communesrurales, l’insécurité est croissante,aujourd'hui, notamment en matièred’urbanisme –, et les personnels qui sontproches des gens, directement au contactdes habitants et qui sont parfois très isolés,dans le milieu rural. Je pense auxassistantes maternelles, au personnel desbibliothèques, par exemple, pour lesquels lapiste des réseaux est à développer. C’est unprocessus long et difficile.

� ISABELLE MENET,Directrice du développement,Coglais Communauté

Notre communauté de communes compte12 000 habitants et est située dans le paysde Fougère. Nous avons fait appel à uncabinet pour travailler sur la question de lamutualisation des services et despersonnels, dans le cadre du schéma, après2014. Nous allons entreprendre desdémarches assez importantes, notammentl’élaboration d’un PLUI – nous avonsrépondu à l’appel à candidatures et nousavons été retenus. Nous sollicitons les

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secrétaires de mairie et les agents qui ontdes compétences pour travailler sur cesprojets. Nous constatons en effet qu’il y a untrès grand décalage, qui génère desblocages. Il y a un vrai changement deparadigme et il faut inventer ensemble unenouvelle méthode de travailler. Ce n’est passimple. Nous nous cherchons.

� MICHEL PIRONLe problème ne concerne pas seulementl’administration de la collectivité ; il s’agitparfois aussi d’un problème d’élus. Parfois,les agents administratifs sont plus allantsque leurs élus.

Claude Guilcher, responsable de la divisionde l’administration générale, Brest MétropoleOcéane

Les deux collectivités de la communautéurbaine et de la ville de Brest ont mutualiséleurs moyens humains. La mutualisation aété achevée en 2007 et les personnels sont entièrement des personnelscommunautaires. En revanche, les autrescommunes de Brest Métropole Océane nele sont pas. Mais certaines de leurscompétences sollicitent des services de lacommunauté urbaine : les espaces verts, lenettoiement… Il y a des demandes etpeut-être qu’une mutualisation complète seréalisera, à terme. Il y a longtemps eu uneculture ville et une culture communautéurbaine, mais désormais, le pas est bienfranchi. Nous nous sentons complètementintégrés. S’agissant des instances degouvernance managériale, nous avons uneconférence des DGS et une réunion desmaires des communes, qui examinent lesprincipaux sujets stratégiques. Les petitesquestions des citoyens sont traitéesdirectement dans les services.

� AKIM CHEKHABUn beau travail sur l’égalité entre hommeset femmes a été réalisé à Brest. La questiondes ressources humaines est importante.Certes, il faut avoir l’expertise sans perdre lecitoyen au passage, mais il faut aussiaccompagner en interne pour régler uncertain nombre de pratiques.

� CLAUDE GUILCHERNous avons une vice-présidente déléguée àl’égalité femmes – hommes qui travaille surce sujet, en lien avec la vice-présidentedéléguée aux ressources humaines.

� AKIM CHEKHABEn termes de pratiques, qu’est-ce qui se faitde manière convergente, dans vosstructures ? Qu’arrivez-vous à capitaliser eninterne ? Comment approfondissez-vous vospratiques communautaires et commentparvenez-vous à créer un « fonds commun »entre fonctionnaires communautaires etfonctionnaires des collectivités ?

� CHRISTIAN MARTINEAU,Direction des services techniques, ville de Saint-Macaire-en-Mauges

Il y a trois ans, la mutualisation suscitait descraintes. Aujourd’hui, qu’au niveautechnique, les agents sont en attente, parcequ’au-delà des craintes, il y a desopportunités. Les patrimoines ont aussiconsidérablement évolué depuis dix ans,notamment les bâtiments, mais lescompétences n’ont pas forcément montédans ce secteur. Autant elles ont suivi dansle domaine des espaces verts, où il y a eubeaucoup de recrutements professionnelsdans les années 1990, et en matière devoirie, qui reste un peu plus complexe, maisoù la technicité a suivi, autant dans ledomaine des bâtiments, cela devientpresqu’ingérable pour la plupart descommunes, et pas uniquement les petites.Avec la mutualisation, on pourrait affecterdes gens à des métiers professionnels etprocéder à des recrutements quipermettraient aux agents de mieux répondreaux demandes des élus, des habitants etdes associations. Beaucoup d’agentssouffrent aujourd'hui de ne pouvoir le faire.

� FABIEN DESAGEJ’ai volontairement laissé un sens assez flouà la question que j’ai posée : lesfonctionnaires communautaires ont-ils uneâme ? Il y a certes un effet de style, mais elleinvite à se demander si les agentscommunautaires ont une autonomie, s’il y aune spécificité du travail d’agent

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communautaire. À mon sens, il y a desspécificités très importantes et elles ne sontpas simples à gérer ; notamment, celle defaire face à une commande politique. Pourtous les fonctionnaires que je rencontre dansles structures intercommunales, lescommandes sont floues et incertaines. Etelles ne peuvent pas être autre chose, parcequ’elles sont un résultat extrêmementcomposite et fluctuant. En permanence, lesfonctionnaires communautaires sont enquête d’un projet global, de transversalités,qui sont compliquées à trouver en raisonmême du fonctionnement politique de cesstructures. C’est un autre avatar dufonctionnement consensuel : il complique latâche des agents.

Cela renvoie à des questionnements entermes de souffrance au travail. Nousrencontrons des agents communautaires,notamment des cadres intermédiaires, quiont du mal à se dépêtrer de cette complexitéet qui en tirent une frustration par rapport àleurs attentes. J’étudie le profil social desdiplômes des agents communautaires, quiest en très forte évolution. Quand oncompare les cadres A qui sont entrés dans lafonction publique il y a vingt ans à ceux quiy entrent aujourd’hui, on constate qu’ils sontbeaucoup plus diplômés et qu’ils ont de trèsgrandes attentes vis-à-vis de l’institutionqu’ils intègrent. Il y a une forme dequiproquo, car ils entrent dans une structureintercommunale en pensant qu’ils serontdans l’échelon où les décisions se prennentet où l’on peut mener des politiques àl’échelle d’un territoire, mais ils découvrentque ce n’est pas exactement là que cela sejoue et que ce n’est possible qu’à lacondition que les communes et les mairesse soient accordés, que les spécificités duterritoire aient été prises en compte. Celaproduit des effets.

Le premier effet est ce que l’on appelle l’« exit », en sciences sociales [le refus departiciper, la défection]. Il y a énormément decas de jeunes agents qui arrivent à despostes de catégorie A et qui quittent leurstructure intercommunale pour rejoindred’autres structures. Autre effet, la souffrance

au travail, qui se manifeste de plus en plus.C’est l’attitude de « loyalty » [la fidélitémalgré tout] : on se sent fort, mais parfois,on souffre. Cela peut aussi se traduire pardes formes de politisation, par une actionsyndicale : il y a des mouvements assezimportants qui se montent – parfois demanière informelle, parce qu’il est mal vud’être syndiqué chez les cadres A. C’est ladernière réaction que l’on observe, « voice »: la prise de parole pour essayer de changercertaines choses. On l’observe notammentdans leur autonomie. L’âme du fonctionnairecommunautaire, c’est parfois de sedébrouiller avec ses contraintes et de lutterau nom de l’intérêt communautaire, parfoisplus que ne le font directement les élus. Celane signifie pas que les élus ne le font pas,mais les élus sont dans plusieurs mondes,dans différents espaces, alors que lesfonctionnaires communautaires sont àdemeure dans l’institution intercommunale :c’est leur seul lieu de réalisationprofessionnelle et ils en attendent beaucoup.On voit donc se mettre en place desstratégies de résistance à des logiques deréappropriation municipale. J’ai vu desfonctionnaires aller convaincre des élus àl’aide d’arguments techniques ou juridiques ;ils utilisent les ressources qui sont les leurspour affirmer l’autonomie de l’institution.

L’une des façons de gérer les contraintesspécifiques du rôle et du métier d’agentcommunautaire est de trouver uncompromis. Je ne sais pas s’il faut assumerce rôle d’une certaine politisation des agentspour faire tenir l’intérêt communautaire. Entout cas, l’une des voies qu’ils empruntentpour être moins mal, dans cette situation oùils ont à assumer une politique que leur élun’assume pas ou pas complètement, est dela mener de manière progressive, prudenteet d’élaborer un discours, une expertise quisera l’argument qui permettra de l’emporterlorsqu’il faudra faire des arbitrages.

Les fonctionnaires communautaires ontcette âme, cette spécificité d’être dans uneinstitution qui leur crée beaucoup decontraintes. Quand on réfléchit à des formesde réorganisation administrative, on

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demande souvent aux fonctionnaires de s’encharger. On leur dit : vous allez ouvrir unchantier de réorganisation de tel ou telservice pour que nous soyons meilleurs, qu’ily ait plus de transversalité, plus de globalité,et l’on oublie complètement le pan des éluset l’impact direct de la structure politique del’organisation sur le travail desfonctionnaires. Il n’y a pas d’organisationsadministratives, même les EPCI, qui soientdéconnectées du fonctionnement des éluseux-mêmes. C’est implique de réorganiserles élus en même temps que lesfonctionnaires.

� MICHEL PIRONC’est très difficile… L’âme peut nous aider àtranscender, plutôt qu’à transverser… Jetrouve les propos de Fabien Desage trèsintéressants et très lucides. N’est-on pas aucœur de la démocratie ? Le fonctionnaireterritorial, par vocation et par fonction, estdans une certaine proximité – même si, dansune grande agglomération, il n’est pas aucontact du trottoir tous les matins – quin’existe pas pour le fonctionnaire del’administration de l’État, au niveau central.Ce lien à l’élu, l’impact des citoyens, il letrouve dans la page non pas nationale, maislocale du quotidien, le lendemain. Il y a unespécificité du fonctionnaire territorial, qui estdans un bateau qui ne s’éloigne pasénormément des rives de son territoire. Celacrée nécessairement une relation decomplicité, avec tous les aléas quil’accompagnent : accord ou désaccord,tension ou détente dans les relations avecles élus. Cela me paraît inéluctable, maismoi qui suis décentralisateur, je continue depenser qu’une partie de cette relation estpervertie par le manque de marge, y comprisdans le pouvoir règlementaire, quepourraient retrouver des gens qui ont degrandes qualités et une très grandequalification mais qu’ils ne peuvent pasdéployer véritablement. Un directeur de laRégion de Pays-de-la-Loire m’a dit qu’ilpassait 50 % de son temps à se bagarreravec l’administration centrale pour justifierdes projets de formation professionnelle quel’État met deux ans à valider. C’est aberrant :il serait capable de le faire en six mois. Cela

obère toute une partie des relations à l’élu etau territoire.

� ÉLISABETH CHICH BOURGINE,Conseillère juridique, ville d’Angers / Angers Loire Métropole

Je ne suis pas sûre d’être en accord avec cequi a été dit. 25 services sont mutualisésentre Angers et l’agglomération. Le servicejuridique est le plus abouti : il travaille à lafois pour la ville d’Angers, pour Angers LoireMétropole et pour les communes membres.Nous avons mis en place une plate-formecollaborative où nous mettons ligneénormément de documents. Ce n’est pasanodin. Nous avons été le premier serviceconsulté sur cette plate-forme, que lescommunes fréquentent largement. Mais encomparaison, il y a relativement peu dedemandes – ce qui n’est pas neutre – etquand il y en a, il y a une différence depositionnement. Je connais bien les élus dela ville et je sais dans quelle direction ilsveulent aller. À partir de là, les consultationsque nous faisons sur les modes de gestion,qui sont des domaines politiques, sontbeaucoup plus abouties et révélatrices de lapolitique mise en œuvre à tel moment par telélu. En revanche, quand ce sont lescommunes périphériques qui font desdemandes, nous n’avons pas cettelégitimité, ou seulement par délégation, et enoutre, nous n’avons pas cette connaissance.L’élu est à ce point légitime que nous avonsune obligation de neutralité absolue qui estbeaucoup plus forte que si nous répondionsà la ville centre. Il y a une différence depositionnement en fonction de qui nousinterpelle. Pour moi, c’est plus une richessequ’une difficulté.

� ANNE-MARIE PETIT,Directrice de l’action territoriale et citoyenne, ville de la Roche-sur-Yon

Ma direction est la seule à ne pas êtremutualisée avec la communautéd’agglomération de la Roche-sur-Yon, qui aété créée en 2010, mais certains collèguesme font des retours.

Nous avons évoqué ici la pédagogie parrapport à l’électeur, mais jamais par rapport

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au fonctionnaire. L’organisation de lacommunauté d’agglomération de laRoche-sur-Yon a été mise en place sans lesfonctionnaires. Je l’ai vécu en direct. On leura dit que leurs profils de poste seraientchangés, qu’ils seraient « coupés entranches », qu’ils travailleraient tant de %pour l’agglomération et tant de % pour laville. C’est la mutualisation. Le souci qui sepose à la Roche-sur-Yon est que le maire estprésident de l’agglomération et le retour quenous avons, c’est que les fonctionnaires nesavent pas pour qui ils travaillent, quel estleur cadre, puisque la commande vient dumême homme. Quand nous en discutonsentre directeurs, nous nous heurtonstoujours à cette difficulté de savoir qui passecommande et pourquoi il commande. Cetteambigüité sur le terrain suscite un malaisedes cadres et des structures. Nous n’avonspas bénéficié de cette pédagogie, nousavons dû nous adapter. Du jour aulendemain, les services ont dû s’occuper del’agglomération à tant de %, d’autresservices à tant de %, et quand on leur enparle, certains disent qu’ils sont arrivés à 150 %.

À La Roche-sur-Yon, le malaise décrit parMonsieur Desage est vécu en direct.

� DOMINIQUE GARNIER,DGS, communauté de communesd'Erdre et Gesvres

Je voudrais compléter ce qu’a dit FabienDesage à propos de la particularité du rôledu fonctionnaire territorial. Je pense qu’il y aune dimension qui a été oubliée, en tout caspour nous, les DGS : nous avons un rôled’intercesseur avec les niveaux supra, qu’ils’agisse du pôle métropolitain, du conseilgénéral ou du conseil régional, parce quenous sommes chefs de file de politiquescontractuelles qui impliquent des communeset des intercommunalités. Nous devonsgérer toutes ces complexités. C’est unespécificité intercommunale qui n’existe pasdans les communes – j’ai également étédirecteur général d’une commune.

Par ailleurs, je confirme que nous assumonstous les jours le rôle du garant de l’intérêtcommunautaire, du projet de territoire. Nousdevons parfois rappeler à des élus qu’ils ont

voté un projet de territoire dans lequel ils ontdéfini un certain nombre d’objectifs, et celanous met mal à l’aise. Ce positionnementn’est pas facile, selon la relation que l’onavec l’élu, mais c’est une réalité que viventbeaucoup de collègues dans lesintercommunalités.

� MICHEL PIRONJe ne vois pas comment conclure cet atelierautrement que par des interrogations. Lechantier est devant nous en termes dedéveloppement des réseaux, demutualisation et de gestion des ressourceshumaines. La gouvernance est totalementémiettée sur le territoire et cela épuise lesgens qui essaient de travailler les uns avecles autres. Mais nous sommes dans unephase de transition. Il faut souhaiter que lapolitique ne soit pas seulement celle desmoyens, que ce ne soient pas les moyensqui définissent la politique et que l’on sesitue davantage dans l’anticipation. Maisj’observe aussi que dans les grandesagglomérations, où il y a un pôle urbain trèsfort et des compétences en matière deressources humaines, les questions demutualisation sont abordées de manièresouvent très professionnelle alors que l’on asouvent tout à inventer dans les collectivitésde dimension plus réduite, où la question dela GRH existe, mais sans les compétences.

Cet immense chantier n’interroge passeulement la relation des administratifs entreeux ; il doit aussi réinterroger la relation entreles élus et les administratifs. Cela ne peutpas réussir si cette relation n’est pasrevisitée des deux côtés. N’oublions pas quenous partons du postulat que lesfonctionnaires ont une âme ; et les élusaussi, je l’espère…

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CONCLUSION : LES MOTS CLÉS ET LES IDÉES FORCES DES ATELIERS SYNTHÈSE DE L’ATELIER 1 – TERRITOIRE(S) ET COMPÉTENCES

� OLIVIER DEDIEUMa synthèse est forcément réductrice. Nous avons abordé trois grandes questions : laproblématique des périmètres et l’impact de la révision de la carte intercommunale, les enjeuxen termes de compétences et les rapports entre les communes et l’intercommunalité.

Pour amorcer le débat sur les schémas départementaux de coopération intercommunale, unbilan nous a été présenté. Il montre une ambition qui n’est pas forcément à la hauteur de cequi était affiché au départ en termes de taux. Les situations sont très variables en fonction desréalités de territoire et les évolutions ne peuvent être interprétées que si l’on tient compte dece qu’était la situation antérieure à la loi RCT de 2010. En effet, certains étaient déjà allés trèsloin dans la structuration intercommunale du territoire ; les taux de progression étaient doncmoindres. L’évolution dépend aussi de la stratégie adoptée par les acteurs de l’État et enparticulier, par le préfet, et des relations avec les grands élus, puisque le dispositif de réflexionest semi ouvert et que la place du citoyen dans le débat est marginale.

Sachant qu’un tiers des territoires n’étaient pas concernés par des schémas, qui, à ce jour, nesont pas adoptés, nous nous sommes demandé comment procéder, en l’absence de schéma,par rapport à une loi qui donne au préfet de département, de manière temporaire et pour unepériode déterminée, des pouvoirs exorbitants du droit commun.

L’idée de passer en force sur les territoires n’a pas été jugée pertinente : ce n’est pas la solutionla plus simple en termes d’évolution de l’intercommunalité. D’où la difficulté de conjuguer deuxapproches, l’une, de type technique et l’autre, de type politique.

La problématique des compétences est un sujet délicat à traiter parce que la fusion desintercommunalités touche des territoires qui n’avaient pas forcément choisi les mêmes typesde compétences, au départ. Ce qui génère une difficulté pour appréhender les nouvellesstructures à créer. La question est d’autant plus complexe que les critères d’application de laloi de 2010 ne sont pas simples.

Par ailleurs, nous avons relevé un paradoxe dans la situation actuelle. On s’oriente vers unestratégie de rationalisation et de diminution du nombre de structures intercommunales, mais ily a aussi une tentation de revenir à une sorte de stratégie de syndicats à la carte plutôt que des’inscrire dans la philosophie définie par la loi Chevènement.

Les réalités sont très disparates en fonction du type de compétences, mais aussi selon qu’ils’agit de territoires urbains, périurbains ou ruraux. La loi Pélissard a également des impacts surla question, notamment à travers la notion de transfert partiel de compétences facultatives, quine clarifie pas les règles du jeu.

Enfin, la question financière du calcul des transferts de charges entre l’intercommunalité et lescommunes a été évoquée, avec le constat qu’il y a aujourd'hui beaucoup plus de maturité etune approche plus globalisée des enjeux financiers dans les rapports entre les communes etles intercommunalités. Les communes jouent donc peut-être plus le jeu qu’avant. La question des rapports entre communes et intercommunalités a notamment été abordée

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sous l’angle de la mutualisation. Celle-ci va croissant, mais les modalités sont complexes. Laprise de conscience des enjeux de la mutualisation ne s’opère pas de la même manière enfonction du type de territoire. Les porteurs sont la plupart du temps les villes centre, mais parfoisaussi les petites communes, qui y voient un effet d’aubaine au regard de leurs capacitéstechniques et financières, le chaînon manquant étant le territoire intermédiaire entre la grandeville et le rural.

SYNTHÈSE DE L’ATELIER 2 – LES PACTES FINANCIERS ET FISCAUXAU SERVICE DES PROJETS DE TERRITOIRE

� CYRILLE BERTOLOIl n’y a pas une démarche type de pacte financier et fiscal, mais des pactes financiers plus oumoins formalisés et donc, des approches différentes au sein de chaque intercommunalité.

Les éléments que l’on retrouve en général dans un pacte financier et fiscal sont la stratégiefinancière et la manière de mettre en œuvre le projet de territoire et les valeurs qui y sontportées, qui transparaissent de prime abord. D’autres éléments être abordés dans ce cadre : − la répartition des nouvelles charges du territoire et la façon de répondre aux besoinsexprimés par la population ;− la répartition des charges de centralité, souvent évoquée mais très peu analysée ou en toutcas, pas assez travaillée pour pouvoir y répondre de la manière très pertinente ;− l’ensemble des reversements de l’intercommunalité en direction des communes : la dotationde solidarité communautaire, qui est facultative, sauf pour les communautés urbaines,l’attribution de compensation obligatoire et désormais, des fonds de concours, aussi bien enfonctionnement qu’en investissement, même s’ils sont plus fréquents en investissement parceque plus faciles à utiliser ;− le niveau des investissements sur le territoire et éventuellement, le niveau d’équipementspertinent et leur répartition : quel est l’intérêt d’avoir une piscine par commune quand unegrande piscine intercommunale mutualisée permettrait de réaliser des économies et desatisfaire les besoins de la population ? − les transferts de compétences et la manière dont les charges qui y affèrent sont répartiesentre les communes et l’intercommunalité : il incombe à la commission locale d’évaluation descharges de bien poser les questions et aux élus, plus globalement, de définir la manière de lestransférer.

Les facteurs de succès et les éléments qui permettent de mettre un pacte en œuvre ou en toutcas, d’en favoriser l’émergence sont d’abord un terreau politique favorable ou mature. Le retourd’expérience de l’agglomération Orléans Val de Loire a montré l’existence d’un tel terreau auniveau de l’ensemble des élus, en particulier chez le président et le vice-président en chargedes finances, qui ont immédiatement adhéré à la démarche et qui comprenaient même avantqu’on leur explique. Dans ces conditions, il est plus facile de mettre en œuvre un pacte financieret fiscal ou en tout cas, une approche stratégique de l’intercommunalité et de la relation entrecelle-ci et ses communes. Deuxième facteur : un portage politique très fort. Lorsqu’un présidentet l’équipe du bureau s’approprient le projet et en font un élément essentiel, il est évident quele projet démarre plus rapidement. Un troisième facteur de réussite est la contrainte financière :souvent, on se pose la question parce que l’on ne peut pas faire autrement, qu’il y a desquestions à résoudre et qu’il faut bien y trouver des solutions. Un autre facteur est l’anticipation.C’est plutôt le rôle des fonctionnaires que de préparer les prochains mandats, en anticipantsur les questions qui devront être traitées et en les amenant aux élus pour les obliger à se lesposer. Il faut aussi un bon timing. Aujourd'hui, certains lancent des pactes financiers et fiscaux,ce qui est une entreprise relativement complexe en milieu de mandat ou à proximité de la fin

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du mandat. En tout cas, il est clairement apparu que l’appropriation par les élus et parl’ensemble des personnes impliquées dans l’intercommunalité autour de ces questions étaitessentielle et nécessitait du temps.

Quel est l’intérêt de mettre en place un pacte financier ? Au sein d’une intercommunalité, dufait des relations d’interdépendance, il est indispensable de mettre en place un pacte, qu’il soitformalisé ou non. Il apporte lisibilité et transparence pour le bloc communal et pour lescommunes, qui ont une visibilité sur les reversements et les investissements qu’elles pourrontfaire sur un mandat. Il apporte aussi un élément assez noble pour la démocratie locale, à savoirune réflexion sur ce qu’est la richesse d’un territoire, sur la manière dont on doit répartir cetterichesse et assumer les charges afférentes.

Deux questions trouvent toutefois difficilement une réponse. La première est celle de lasubsidiarité : quel est le meilleur niveau pour la dépense ? On peut se poser cette question pourl’exercice d’une compétence et il est difficile d’y apporter une réponse scientifique ou objective ;cela dépend souvent de chaque territoire. La deuxième question, qui est un peu le corollairede la première, est celle de l’efficacité de la dépense et donc, de la meilleure manière de répartirles équipements sur un territoire en termes de réponse aux besoins, mais aussi de rentabilitéde l’investissement. Quand l’intercommunalité dépense 1 €, n’est-ce pas plus rentable quelorsque c’est la commune qui le fait ?

Plusieurs données viennent impacter ces pactes financiers et fiscaux. La loi RCT de 2010prévoit un certain nombre de dispositifs dont on s’aperçoit qu’ils ne sont pas complètementappropriés par les communes et par les intercommunalités ou en tout cas, qu’ils sont en coursd’expérimentation.

La réforme de la taxe professionnelle et le nouveau panier fiscal qui en résulte ont égalementdes répercussions. D’une part, il est difficile de faire des prospectives très pertinentes sur laCVAE et sur la TASCOM. D’autre part, comment évaluer la richesse sur la surface commerciale,comment l’optimiser, comment la répartir et qui s’en occupe ?

Nous avons peu abordé la question de la réforme de la fiscalité de l’urbanisme, mais elle auraaussi des incidences en 2012. Un certain nombre de marges de manœuvre doivent êtrediscutées au sein de l’intercommunalité. En novembre 2011, les mesures votées par la loi sesont appliquées d’office partout, du fait du délai de mise en place de la loi. En 2012 et 2013, ily aura des débats plus intéressants à mener sur le niveau de la fiscalité dans les opérations,puisque ces dispositions remplacent toutes les opérations de programmes d’aménagementd’ensemble et de projets urbains partenariaux.

Enfin, la mise en place du Fonds de péréquation des ressources fiscales intercommunales etcommunales apporte une révolution, celle de l’agrégation de la richesse territoriale, puisque sarépartition s’établit sur une richesse territorialisée.

En termes d’impact, ces facteurs d’évolution modifient la trame de ce qu’était l’intercommunalitépuisque désormais, ce ne sont plus les entreprises qui sont le cœur de la ressource desintercommunalités mais en grande partie, les ménages, notamment à travers la taxed’habitation.

Quelles sont les perspectives, s’agissant des pactes financiers et fiscaux ? Les maturités étanttrès différentes au sein des intercommunalités, les questions qui se posent le sont également.Certaines intercommunalités sont en train de mettre un pacte en place et de le formaliser tandisque d’autres sont dans une démarche d’approfondissement et d’évaluation de ces logiques. Àcourt terme, il va donc y avoir une prise en compte plus ou moins prononcée des facteurs

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d’évolution que j’ai évoqués. Je conclurai par deux points qui ont été soulevés et qui me paraissent pertinents. D’une part,re-répartir la richesse territoriale est un processus qui est relativement long. D’autre part, il fautlancer des chantiers pour définir ce qu’est la richesse d’un territoire et sur la manière dont il fautla répartir.

SYNTHÈSE DE L’ATELIER 3 – TERRITOIRE(S), GOUVERNANCE ETMANAGEMENT : SE PRÉPARER À 2014

� AKIM CHEKHABJe vous propose une synthèse à partir de mots-clés en cinq points, avec les pistes d’action quiont été ouvertes durant ce débat. Pour poser le cadre, nous avons évoqué la question de « changement de paradigme » et de « gouvernance émiettée ».

Le premier point concerne le contexte ou le diagnostic. Nous avons parlé de « mise en tension »ou de « mise sous tension » des organisations et des territoires. C’est d’ailleurs l’une desdéfinitions du management. Il a été question du « centre » et de la « périphérie », des «temporalités des projets », de l’« expertise », des « effets et impacts », notamment en directionde la population, de l’« évaluation ». Si je devais ramasser le diagnostic en trois verbes, jedirais que nous avons parlé d’analyser, d’évaluer et de prioriser.

Le deuxième point porte sur les enjeux. Ils sont nombreux. J’en cite quelques-uns : l’échelled’intervention, le partage de l’expertise, la qualité du service public – nous avons beaucoupparlé des missions de service public… Les trois verbes par lesquels je synthétise la questiondes enjeux sont : délimiter, partager et améliorer.

Troisième point, la méthode. Un terme clé est revenu, la notion de « pédagogie » ; pédagogieen direction des habitants, pédagogie en direction des agents dans la conduite du changementet l’explication du projet et enfin, pédagogie en direction des élus, qui sont souvent sectorisés,dans les EPCI, pour leur donner une capacité à créer de la transversalité dans la vision. Lestrois verbes que je retiens pour synthétiser cette partie relative à la méthode sont : expliquer,écouter, associer.

Le quatrième point regroupe les deux grands axes de mise en œuvre ou en tout cas,d’exploration ; en quelque sorte, la stratégie. Les deux grands axes qui ont été définis sont lamise en commun, que l’on peut résumer par la mutualisation, ainsi que la création et l’animationde réseaux pour générer de l’expérience et de la capitalisation de savoirs.

Le cinquième et dernier point porte sur le management. Il nous a été dit ce matin qu’il fallaitpasser d’une communauté de dépenses à une communauté de projets, qui recouvre lemanagement de projets. De nombreuses expériences ont été citées par les participants àl’atelier : des échanges de pratiques, des recrutements panachés au niveau des ressourceshumaines pour créer de la culture mixte dans les EPCI, des conférences de DGS pour associerl’ensemble des collègues, la création de référents par métier dans les collectivités pour créerdu liant entre la ville centre, l’EPCI et les autres communes, la mise en place de réseaux, laformation et l’accompagnement des agents. Les trois verbes clé qui résument la dimensionpratique sont : réguler, informer, accompagner.

� MARIE TAVERNIERJe remercie tous les intervenants, qui ont respecté le souhait que nous avions de laisserlargement la place à l’échange.

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RAPPEL DU PROGRAMME DE LA JOURNÉE

Problématique

Un an après son adoption, la réforme des collectivités territoriales est l’objet d’interrogations quant à saportée et son avenir. En effet, si elle produit déjà des effets significatifs (les SDCI en cours d’élaborationdevraient aboutir à une transformation profonde de la carte intercommunale ; les pôles métropolitainssuscitent un fort intérêt ; les encouragements à la mutualisation de services, dont la réforme est porteuse,rencontrent un écho indéniable dans les collectivités), elle s’inscrit également dans un contexte oùl’exacerbation des difficultés de financement de l’action publique impacte fortement les organisations etleur palette d’interventions. Le début de la nouvelle mandature sera-t-il un moment d’accélération desréformes si l’urgence financière l’emporte sur les réticences au changement qui ont pesé sur l’élaborationde la réforme de 2010 ? La proximité de cette échéance conduit donc l’INSET d’Angers en collaborationavec le réseau INET/INSET du CNFPT, à proposer aux cadres territoriaux, qui y seront confrontés, 3journées de formation et d’échanges au cours de l’année 2012. La première a pour ambition de discerner,à travers l’analyse des difficultés de mise en oeuvre de la réforme de 2010 et ses limites, lesproblématiques émergentes qui détermineront les futures transformations du paysage territorial.

Journée animée par Olivier DEDIEU, Université de Montpellier

09h00 - Accueil09h15 - Introduction institutionnelle

09h30 - QUELLES EVOLUTIONS POSSIBLES DE LA LOI RCT ?Fabien DESAGE – Maitre de conférence en sciences politiques à l’université de Lille 2, co-auteur de «La politique confisquée : sociologie des réformes et des institutions intercommunales »• Quel bilan provisoire des effets de la loi du 16 décembre 2010 et la visée prédictive sur la carteintercommunale ?• Réforme institutionnelle : quels fondements politiques ? quelle maturité politique des collectivités ?• Quels éléments pour une prospective des chantiers à venir : la quête de l’échelle omni pertinente ; le deuil obligé de la simplification définitive ?• Territoires et service public : Comment répondre aux défis de l’incontournable inter territorialité et auxexigences des citoyens ?

10h30 - LA CONTRAINTE FINANCIERE, MOTEUR DES FUTURES EVOLUTIONS DEL’INTERCOMMUNALITE ?Victor CHOMENTOWSKI – Consultant – Chargé de cours finances locales Paris 1 – Sorbonne• Endettement public, l’inévitable implication des collectivités territoriales dans la maîtrise des déficits etl’interdépendance des secteurs de l’action publique : quelles conséquences pour l’action publique localeet quelles réponses envisageables ?• Focus sur les grandes questions à l’ordre du jour des collectivités : fiscalité, dotations, péréquation, cofinancements• Nouvelle donne financière et impacts prévisibles sur le « bloc communal »

11H30 - TABLE RONDE : VERS DE NOUVEAUX TERRITOIRES ?Animation : Olivier DEDIEU, Université de Montpellier, Fabien DESAGE, Christophe BERNARD, ADCF.Dominique GARNIER, DGS com. Com. Erdre et Gesvres / ADGCF , Maurice FRANCOIS, DGA NantesMétropole., Victor CHOMENTOWSKI• Quels scénarii envisageables pour l’après 2012 ? La place des questions territoriales dans le débatpré-électoral 2012,• Comment préparer les débuts de mandat 2014 ? Des questions s’imposeront à l’agenda descollectivités du bloc communal : reprise et accélération de la refonte de la carte intercommunale,élaboration des schémas de mutualisation, pactes financiers et fiscaux à revisiter, nouvelles articulationsà inventer entre citoyenneté communale et citoyenneté communautaire.

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13h 00 - Déjeuner

ATELIERS AU CHOIX

14H00 - ATELIERS - PARTICIPATION À L'UN DES TROIS ATELIERS QUI SE DÉROULERONT EN PARALLÈLE

ATELIER 1 - TERRITOIRE(S) ET COMPETENCESAnimation : Olivier DEDIEU, Université de Montpellier. Damien CHRISTIANY, Consultant. ChristopheBERNARD, Secrétaire Général de l’ADCF. Philippe LACAILE, DGS Ville de Tours / Tour(s) +• Périmètre et révision de la carte intercommunale. Les SDCI, les problématiques et les conséquencesdes chantiers de fusions. La situation des syndicats de communes : entre l’obligation de les supprimeret l’opportunité d’en créer ?• Compétences : contenu, étendue, exclusivité, transferts ; exercice par et pour qui ? La définition de lacompétence, la concurrence et la complémentarité entre les communes et les communes etl’intercommunalité.• La place des communes ; la place des partenaires. Projet communautaire ou projet de territoire. Lacontractualisation ou l’appel à projet : quel nouveau mode d’action à créer ? Le choix de la mutualisationdes services ?

Atelier 2 - LES PACTES FINANCIERS ET FISCAUX AU SERVICE DES PROJETS DE TERRITOIREAnimation : Cyrille BERTOLO, DGA Ressources Ville de Caluire et Cuire. Romuald GOUJON, ConsultantFinance, Cabinet « Partenaires finances locales», Véronique JACQUES, Responsable des financesCommunauté Agglomération d’Orléans.• Construire le projet de territoire et la démarche stratégique. Partager une vision du territoire et définirune stratégie globale. Rendre lisible les enjeux de l’ensemble des acteurs impliqués. Comprendre lefonctionnement du territoire et identifier les interactions.◦ Allocation stratégique des ressources. L’impact de la péréquation horizontale : définir la richesseagrégée du territoire. La méthode de l’agrégation territorialisée des comptes. Elaboration du pactefinancier et fiscal. Pilotage et l’évaluation en continue du projet.

Atelier 3 - TERRITOIRE(S), GOUVERNANCE ET MANAGEMENT: SE PREPARER A 2014Animation : Akim CHEKHAB, Consultant Cabinet ACCES Conseil. Michel PIRON, Député de Maine etLoire –Conseiller Général - Président de la communauté de communes des Coteaux du Layon. RémyLESAOUT, Sociologue Maitre de conférences Université de Nantes. David GUERANGER, Enseignantchercheur ENPC/LATTS• L’élu et sa relation aux citoyens. Exécutifs de transition et préparation du mode de scrutin. Quellereprésentativité locale ? La difficile émergence d’une citoyenneté communautaire : les limites deschangements apportés par la réforme ; les réponses à expérimenter. La prise de décision del’intercommunalité.• La réforme : la représentativité des communes et l’organisation des Vices présidences. De la recherched’un intérêt intercommunal à la gestion du compromis politique. Vers une démocratisation de la décisionintercommunale ?• Intercommunalité et proximité. Quelle place pour les communes, les quartiers des villes-centre, dansla vie de l’agglomération ? La relation habitant – territoire. La participation des citoyens aux décisionslocales : dans le quartier, pour la commune ou au niveau de l’intercommunalité.• Manager le changement : les chantiers stratégiques et opérationnels à conduire au sein du bloccommunal en transition.

16h30 - 17h - Conclusion

Les mots clés et les idées forces des ateliers

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