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ker Dukey - Créer Un Blog Gratuitementekladata.com/NeBQxLcBlKu5cSetq1ojxk1Afiw.pdf · Prologue BLAKE Mon nom de naissance est Damian. Il me va bien, c’est du moins ce que prétend

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KerDukey

MERCY

HEARTLESS–1

Traduitdel’anglais(États-Unis)parCharlineMcGregor

Milady

AVERTISSEMENT

Celivrecontientdesthèmesnoirsquecertainslecteurspourraienttrouveroffensants.Sivousêtessensiblesauxmanifestationsdeviolencephysiqueoumorale,ceromann’estpaspourvous.S’ilvousplaît,nelelisezpas.

Àceuxquinefontpassemblantdevivremalgrélacruautédumonde.Toutevieestfaitedeplusieursroutesetd’inévitablesdétours.Certainschoisissentlavoielaplusdirecte.D’autresseperdentsurlechemin du péché, d’autres encore l’empruntent jusqu’au bout. Il arrive qu’on trouve la voie de larédemption.Ets’ilestdescheminsqu’onnechoisitpas,c’estencoreànousqu’ilappartientde lessuivre.

Prologue

BLAKE

Mon nom de naissance est Damian. Il me va bien, c’est du moins ce que prétend celle qui mel’adonné.

—Tu es le fils du diable,me crachait-elle au visage, le regard embrumé par la drogue, un doigttremblantenfoncédansmajouechaquefoisquejerefusaisdemeplieràsescaprices.

Jesensencorel’empreintedesononglesurmapeau.JemefaisappelerBlake,désormais.C’estmondeuxièmeprénom,choisiparlasage-femmequim’aramenéd’entrelesmorts.Mamèreétaitsipresséedem’expulser de son ventre qu’elle a accouché prématurément. Je ne devaisma vie qu’à une soiréearroséesurlabanquettearrièred’unvan,et,lecordonombilicalnouéautourducou,j’aifaillilaperdre.

Onprétendquecertainespersonnesnaissentavecuneactivitécérébrale réduite.Unesortedezonefroideaucentredulobefrontal,làoùlaplupartdesêtreshumainssontdotésd’unezonechaudequileurpermetd’éprouverdessentimentsetdetomberamoureux.Lesraresindividuspourvusd’unezonefroideéprouvent des difficultés à ressentir des émotions, à être en empathie avec leurs semblables.D’aprèscertaines théories, il semblerait que cette zone froide soit une caractéristique essentielle des tueurs ensérie.Despsychopathes.D’oùleurincapacitéàselierauxautres,àéprouverdelacompassion.

Jeneressenspaslesémotionsdelamêmemanièrequelaplupartdesgens.Siçasetrouve,jesuisunpsychopathe,moiaussi.Jen’ensaisrien.Cequiestsûr,c’estquejesuiscapabledebaiserunefemmequim’aime, puis de la quitter avantmême que la sueur ait séché surma peau, sachant pertinemmentqu’elle va pleurer toute la nuit. Je peux fournir à ma mère l’argent nécessaire pour entretenir sonaddictionàladrogue,toutenespérantlafoisdetrop,cellequil’entraîneradansunderniervoyageversl’au-delà.Etaussi…jepeuxtuerdesang-froid.

Mes émotions sont corrompues depuis la nuit où ma vie a basculé. Je me fous du monde quim’entoure.Jemefousdetout,àl’exceptiondemonpetitfrère,quiestd’ailleurslaraisonpourlaquellejesuisdevenuuntueur.Enfin,j’auraispeut-êtreétéamenéàfairecoulerlesangdanstouslescas.Certainespersonnessontprédestinéesàdevenirmauvaisesdèsleurnaissance,àmarquerlemondedeleurnoirceur.CertainspeignentlemondeenTechnicolor.Moi,j’aichoisilerouge.Unrougesang.

Lescirconstancespeuvent-ellesnoustransformer?Lescrimesdesautrespeuvent-ilsnousobligeràchangerdevoie?Ont-ilslepouvoird’altérernotreâme?D’éteindrenotrelumièreetdefairedenousdesmonstres?Jel’ignore.Ilm’afalludutempsavantd’admettrecetteévidence:cemonstre,c’estmoi.Delamêmefaçonqu’onnedécidepasquandlesoleilselèveousecouche, jenepouvaispaschoisirmondestin.Onatranchépourmoi.Lorsquelavievousnoiedanssacruauté,vousn’avezpaslamoindreidéede ladirectiondans laquelle lecourantvavousemporternide l’endroitoùvous remonterezà lasurface.

Toutcequejesais,c’estquemesémotionssesontéteinteslesoiroùjesuisrevenuàlamaisonaprèsunefête.J’avaisdix-huitansetjem’attendaisàuneracléedemonbeau-père,parcequejerevenaissaouletquejeluiavaispourtantannoncéquejenerentreraispasdelanuit.Aulieudeça,jel’aisurprisdanslelitdemonfrèredeonzeans.C’estàcemomentqu’aeulieulamétamorphose.Commesi l’onavait

actionnéuninterrupteur.Sij’étaisdotéd’unezonechaude,elleaviréaufroidàcetinstantprécis,etmoiavec.Ilnem’étaitpluspossiblederaisonner.Desquestionsquejen’avaisjamaisimaginédevoirposerun jour m’ont soudain obsédé. Quelque chose en moi s’est fermé. Les fenêtres de mon âme ont étécondamnéesetj’aiétéchangéàjamais.

Les cris étouffés demon frère – parce qu’il avait la tête plaquée contre son oreiller pendant quel’hommequil’avaitconçu,l’hommequiétaitcenséleprotéger,l’aimeretlechérir,étaitallongénusurlui–ontfaitdéraillermavieetcelledeRyan,précipitantlafindemonbeau-père.

Sansciller,jesuisentréàpasdeloupdanslachambreetmesuispositionnéderrièrelui.Lesvapeursdel’alcoolsesontdissipées.Laragecouraitdansmesveines,brûlante,etj’aivurouge.Lafureurn’étaitpasuneémotionencet instant.C’était uneentiténéedesprofondeurs lesplusnoiresdemonêtre,quivibrait sousma peau et exigeait qu’on lui laisse libre cours. Rien neme paraissait plus juste que del’autoriseràprendre lecontrôle,à réclamer réparationpour lesabusdontnousétionsvictimesdepuistoujours, à laisser ma colère consumer le garçon qui vivait là, naguère, dévastant dans son âme lesderniersvestigesd’humanité.

Lesténèbrestapiestoutaufonddemoi,commeunmondesouslasurface,ontprislecontrôledemonêtre. J’ai agrippé la tête demonbeau-père et, de toutesmes forces, je l’ai tordue jusqu’à entendre lecraquementsourd,ledéclic,lechoc–appelezçacommevousvoulez–,lebruitdesoncouquisebrisait,mettantainsiuntermeàsavieetanéantissantsonâmenoire.

Alors,j’aitraînésoncorpschaudetcouvertdesueurpourl’écarterdemonfrère.Puisjel’aisortidelachambreetj’airefermélaportederrièremoi.Ilsedégageaitdesapeauuneodeurécœuranted’alcooletdetranspirationquimedonnaitlanausée.Jel’ailâchéenhautdesmarchesetl’aipoussédupied.Soncorpssansviearoulédansl’escalier,allantformer,plusbas,untasinforme.L’hommequiavaitdonnénaissanceàmonfrèreetavaitconstituémonuniquemodèlepaterneln’étaitplusqu’uncadavre.Sij’avaispuletuerplusieursfois,jel’auraisfaitsanshésiter.

Jemesuisrendudanslasalledebainsetj’aifaitcoulerl’eaudeladouche,avantderetournerdanslachambredemonfrèreetdesouleversoncorpstremblant.Jel’aimisdebout,l’aiemmenésouslejetetluiaijuréquedorénavantpluspersonneneluiferaitdemal.

Quandj’aiappelélapolice,lelendemainmatin,pourraconterquej’avaisdécouvertlecorpssansviedemonbeau-père,manifestementvictimed’unaccidentdomestique,personnen’adoutédemonhistoire.Sonamourdelabouteillen’étaitunsecretpourpersonne,etlesflicsnes’intéressaientpasassezàcetteaffairepoursoupçonnermonmensonge.Lesjournalistesontsimplementrelatéunemortfortuite.

Ryanetmoiavonsemménagéavecl’ordurequinousservaitdemère,et,siperdresesdeuxparentsdefaçonaccidentelleensipeude tempsn’avaitpas risquédeparaîtresuspect, je l’auraisbien tuée,elleaussi.Aulieudequoi,jeluiaidonnéassezd’argentpourqu’elledisparaissependantdesjoursentiersjusqu’àcequej’aievingt-deuxans,mondiplômededroitpénalenpoche,etquejem’engagedanslesforcesdepoliceavantd’obtenir lagardedeRyan.Ensuite, je l’aipayéepourqu’elleparte s’installerchezdesparentséloignés.

J’aisuividescoursd’artsmartiauxetde tiraprèscette fameusenuit. Jevoulaisêtreenmesuredeprotégermonfrèredetoutessortesdemenaces.Jemesuisfaitunpeudefricgrâceàmescompétenceseninformatique afin d’acheter àRyan tout ce dont il avait besoin, sans cesser de financer l’addiction denotremère.Les ordinateurs, j’en connaissais le fonctionnement depuis l’enfance. Je sais pirater à peuprès n’importe quel système, et j’ai usé de ce talent pour me faire de l’argent auprès d’étudiantssouhaitantmodifierleursnotesouaccéderàdesinformationsconfidentielles.Jetravaillaisexclusivementdepuisunordinateur,nepouvantpasrisquerderévélermonidentité.Pourmecontacter, ilfallaitavoirentenduparler demoigrâce aubouche-à-oreille, etme joindreparmail sur l’unedemesnombreuses

adresses. Ces messages atterrissaient directement dans un dossier « spam » que je n’ouvrais jamais.Commeça,siquelqu’untombaitparhasardsurcettemessagerie,elleparaissaitinactive.

Cesystèmeaégalementfonctionnéquandjesuisdevenutueuràgages.Jenotel’adresseélectroniquedesexpéditeurssansavoirbesoind’ouvrirleursmails.Cetteinformationmesuffitpourm’infiltrerdansleursmessageriesafind’yinsérerdesvirusquicopientleursdisquesdursetmepermettentd’épierleurshabitudes. J’obtiens ainsi lesmotsdepassede tous leurs comptes, y compris ceuxde leurbanque. Jepeux tout découvrir d’eux et de leur vie à l’aide d’une simple adresse mail, et, si je les estimesuffisammentfiablesetfortunéspours’offrirmesservices, j’ouvreuneboîtedechatet leur flanque lapeurdeleurvie.J’échangedeuxautresmessagesinstantanésaveceuxavantd’effectuerlamissionqu’ilsmeconfient.Ensuite,plusunmot,jedisparais.

Jemesuisfixéquelquesrègles:1.Jamaisplusd’unemissionparclient.Unefoisqu’ilsserendentcompteàquelpointilestfacile de faire tuer quelqu’un sans rien risquer, ils ont tendance à devenir sanguinaires. Ilsm’embaucheraientpourflinguerleurvoisinquiécoutesamusiquetropfort,sijelesécoutais.

2.Jamaisdemissiontropprochedel’endroitoùjevis.Vousconnaissezl’expression«Onnechiepasdevantsaporte»?Ehbien,jenetuepasdevantchezmoi.

3.Personnenesaitquijesuis–hommeoufemme.Onneconnaîtnimonnom,nimonâge,nimonvisage.Raisonpourlaquelletoutsefaitparl’intermédiaired’unordinateurintraçable.

Je vends très cher mes services. Du coup, je dois la jouer fine pour ne pas étaler ma fortune,

notammentenplaçantmesfondssurdescomptesoffshoreouenexerçantun travail«normal»afinderessembleràmonsieurTout-le-Monde.C’estpourçaquejemesuisengagédanslapolice:lesflicsnesont-ilspaslesmieuxplacéspourm’apprendreàtuersansêtrepris?

Le cours de ma vie s’est décidé cette nuit-là, quand, à dix-huit ans, j’ai tué un homme sans enéprouver lemoindre remords. Puis, lorsque j’ai entendu, par hasard, un riche étudiant raconter à soncamarade qu’il serait prêt à payer unmillion pour qu’on le débarrasse de son père tyrannique. Jemedoutais bien qu’il ne le disait pas sérieusement, mais je savais aussi qu’il existait des gens prêts àdébourserune fortunepour faire tuerquelqu’unet, à cet instantprécis,monplande carrière était touttracé.

Il m’a fallu six mois d’école de police, trois mois d’entraînement sur le terrain et deux ans depatrouillesupplémentairespourdevenirinspecteuràvingt-cinqans,leplusjeuneàprêtersermentdansnotreservice.Maisjesuisdouépourcetravail.Ilsm’ontentraînéàdeveniruntueurhorspair.Quimieuxqu’unassassinpourdénicherdesassassins?

Chapitrepremier:présentations

MELODY

—Melody,répètelechargédecourstoutenfeuilletantunepiledepapierssursonbureau.Ayanttrouvémafiche,ilrelèvelesyeuxavecungrandsourireetmelatend.—Vousécrivezsurlamusiqueavecbeaucoupd’enthousiasme.Vuvotreprénom,remarquez,cen’est

pasétonnant.Je lui retourne un sourire faiblard.À la vérité, lamusique, c’est la passion demamère.Onm’a

apprislepianoetobligéeàfairedesvocalises.Mais,moi,c’estlejournalismequim’attire.J’aienviedemerendreutile,derelayeruneinformationfiable.

Je redescends les marches de l’estrade et vais m’installer à côté du garçon taciturne. Je saisdésormaisqu’il s’appelleRyan– sonprénomestgriffonnéenhautde sa feuille, à côtéd’un20/20. Ilportetoujoursdesvêtementssombresetfuitlesregards,lesyeuxbaisséssursonbloc-notes.Jeparticipeàl’atelierd’écrituredepuisquatresemainesmaintenant,etpasunefoisilnem’aregardée.Detempsentemps,jefrôlesajambedelamienne,justepourvoirsijeparviensàdéclencherunequelconqueréactionde sa part. Peine perdue. Il semble tellement concentré sur ce qu’il rédige que lemonde doit cesserd’existerautourdelui.Curieusedesavoircequ’ilécritquandilestainsienfermédanssonunivers,jemesuisplusd’unefoispenchéesursacopiedansl’espoird’apercevoircequiluivauttousces20/20.Et,làencore,aucuneréactiondesapart,pasmêmeun«Dégage».

Quelquesimbécilesl’onttraitéde«zarbi»lepremierjour,avantd’enchaînersurcequ’ilsallaientmefaire.Me«déglinguer»,sijemerappellebien.Jepensaisque,l’université,celamechangeraitdulycée.Mais,visiblement,lefonctionnementestlemême.

Mespenséess’envolentversZane.Onestsortisensembleaulycéeetilétaitunanimementapprécié,carilrépondaitàtouslescritèresdelapopularité.Sportifetintelligent,ilneperdaitpassontempsaveclespetitesbrutesetaccordaitsachanceàtoutlemonde.Sûrdelui,ilestsociableettrèsséduisant.Nousavonsvécuunamouradolescent,puretbeau.Quandnousnoussommesséparés,audébutdel’été,surlapromessede rester amis, j’ai suqu’onnepouvaitpas échapper à la tristessedece jour.Nousallionspoursuivrenosétudesdansdesuniversitésdifférentes,aprèsuneannéepasséeensembleàvoyager,etlatentation serait partout. Il gardera toujours une place spéciale dansmon cœur. Il resteramon premieramour,legarçonàquij’aioffertmavirginité,maiscen’étaitpasl’amourfoupourautant.Ilétaittempspournousdeuxdenousamuserunpeuet,plustard,derencontrerlegrandamourquieffacerait toutcequel’onavaitressentiavant.

Jefrotteletatouageàmonpoignet.Zanem’appelaitsa«fleurdelune»,la«reinedelanuit»,uneespècedefleurdecactusquines’ouvrequ’àlatombéedujour.Jenesuispasdumatin.Jesuisd’ailleurssouventenretardetgrognon.Enfait,jenereprendsviequelesoir.Zanemedisait:«Tuéclosauclairdelune. » Et il a pris mon innocence par une nuit de pleine lune, à l’arrière de son pick-up. Pas trèsromantique,maisparfaitpournous.Cesoir-là,ilagravéunpeudeluiàl’intérieurdemonâme.

Un soupirm’échappe – je suis en classe, et pas toute seule chezmoi. Je risque un coup d’œil endirection de Ryan, qui reste fidèle à lui-même, neme prêtant aucune attention. Ses yeux sont à demi

fermés, comme s’il sommeillait. Je caresse la fleur de lune sous laquelle figure, comme un rappel àl’ordre,lemot«VIVRE».Lejourdenotreséparation,Zaneetmoinousétionsfaittatouerlemêmemotifpournousrappelerquenousétionsmortels.Pourcertainsd’entrenous,lavieesttropcourte–uneleçonqu’ilavaitapprisequandsasœurs’étaitfaitrenverserparunchauffardquiavaitprislafuite.Annabelleétait morte sur les lieux de l’accident, abandonnée dans un fossé pendant trois heures avant d’êtreretrouvée. Si le conducteur s’était arrêté pour l’emmener à l’hôpital, elle serait encore présente. Ellerespirerait,iraitàl’école,tomberaitamoureuse.Ellerêveraitetaspireraitàdeveniractrice,àvivreunevieau-delàdesestreizetropcourtesannées.Lasemainedesamort,unecélébritédepassagedansnotrevilles’étaitmariée:devinezquellehistoireavaitfaitlaunedesjournaux…

Je glissema copie dansmon sac sansmême regarder la note et sorsma tablette. Rapidement, jevérifiemesmailsenattendantquel’amphithéâtreseremplisse.J’aiunmessagedemamèredatéd’hier,pourme rappeler qu’ils espèrentma visite ce week-end. Papa et elle ne seront pas contents demonabsencederéponse.Jejetteunœilàmontéléphone,soulagéemaisaussisurprisedenepasydécouvrirunappelmanquéouunSMSdeleurpart.Jelislemail:mamanaorganiséuneréuniondefamilleetveutquej’yassiste,uneinformationqu’ellem’adéjàtransmiselasemaineprécédente.Jelèvelesyeuxaucielmalgrémoi–@mamèreestunegrandetragédienne,quandelleveut.Si jefais tout le trajet jusqu’àlamaison justepourapprendrequ’elleabesoindemonavissurdes rideauxqu’elleveutacheterafindedécorersonnouveaubureau,jevaishurler.Jeredoutedéjàdeconduiredenuit.Ilesttroptardàprésentpourréserverunvol,etj’aibieninsistépourquemamèrenelefassepasàmaplace.Jefermelafenêtredemamessagerieetlèvelesyeuxverslechargédecours,M.Walker,quiréclamelesilence.

—Certainsd’entrevousm’ontrendudetrèsbonnescopiespourunpremierdevoir,commence-t-il.IldirigesonregardversRyanetmoiavecunsourireetunhochementdetête.Jenepeuxm’empêcher

derougirquandtouslesyeuxsebraquentsurnous.—Etpuis,j’enaiaussivud’autresquim’amènentàpenserquevousavezchoisicecourspardéfaut,

ajoute-t-ilenfronçant lessourcilsà l’attentiondescancresaffaléssur leurchaise.Pourvotreprochaindevoir,vousdevreztravaillerenbinômes.

Ryanémetungrognement,suivid’unbâillement–lessonslesplusfortsqu’iln’aitjamaisémisàmaconnaissance.J’esquisseunsourirefaceàsonaversionmanifestepourtouteinteractionavecautrechosequesonstylo.

—Jevousdemandedechoisiruneactivitépourlaquellel’undevousestvraimentpassionné,d’endiscuterensemble,puisderédigerunarticledessus.Lebutestdefaireressortirladifférencedepointsdevueentreceluiquelesujetpassionneetceluiqu’ilindiffère.

Jevoislesportifpeuintéresséparlescours,stupidedesurcroît,quiselèvedesonsiègeaupremierrang et passe en revue les rangéesde tables.Son regard sepose surmoi. Il entreprenddemonter lesmarches,sansmequitterdesyeux.

Pasquestionquejememetteenbinômeaveccetype.JedonneuncoupdecoudeàRyan,unpeuplusfortqueprévu,faisantripersonstylosursafeuille.Il

mejetteunregardglacial,aussinoirquelesabysses.—Désolée,dis-jeenfaisantlagrimace.Plusl’autreapproche,plusj’écarquillelesyeux.Comprenantlasituation,Ryanintervient:—Elletravailleavecmoi.Vatetrouveruneproieailleurs.L’autreouvrelabouche,puislarefermeavantdegrommeler:—Pourquoielleauraitenvied’écriresurtapassion?T’esqu’unchtarbéquisetaillelesveines,si

çasetrouve.Mespoilssedressentsurmanuqueetmonestomacsevrille.Commentpeut-onlanceruntrucaussi

étriquéetpuéril?Depuislepremierjour,quandjel’aivuassistoutseul,concentrésursonbloc-notes,j’éprouvel’étrangebesoindesoutenirRyan.Ilestdifférent,silencieux,etn’amanifestementquedunoirdans sa garde-robe. Il a l’air tout à fait normal – je n’entends pas par là que ceux qui s’habillentdifféremmentnesontpasnormaux…Non,ilestmieuxquesimplement«normal».Ilalescheveuxbrunsetbouclés,épaisetébouriffésdansunstyle«jesorsàpeinedemonlit».Sesyeuxenamande,marronfoncé,sontornésdelongscils,cequiluiconfèreunregardintense.Seslèvressontpleines,samâchoirepuissanteetsasilhouettemincemaisathlétique–ilmesureplusd’unmètrequatre-vingts.

—Ahoui?Etqu’est-cequit’amèneàcetteconclusion?demandeRyan,curieux,alorsqu’iltapotesonstylosurlatableavecungrandsourire.

Ledieudustadeéclatederireetlepointedudoigt.—Regarde-toi,toujoursennoir.Tuneparlespasettuneregardespersonne.Legenred’attitudequi

sentlepauvretypesuicidaire.Ilponctuesonanalysed’unsourirenarquois,visiblementtrèscontentdelui.—Waouh,tudevraisécrireunessaidepsycho.Ondiraitquetuastoutcompris.Àmoinsquetune

soisqu’unpauvremecquin’apasévoluédepuislelycée.Ryanseredressesursonsiègeetpoursuitd’unevoixassurée:—Jeportedunoirparcequ’ilsetrouvequecettecouleurmevabien.Jeneregardepassouventles

gensparceque,quandjelefais,lesnanass’imaginentquejeveuxlesbaiser,etlesmecsquejecherchela bagarre. Et je ne parle pas aux autres, car je tombe rarement sur quelqu’un qui vaille la peined’engagerlaconversation.

J’enrestesansvoix,lesyeuxrivéssurleprofildeRyan,incapabledem’endétourner.Voilàquecegarçon,quim’atoujoursparuintroverti,serévèlesûrdelui,téméraire,même.

—Unproblème?demandeM.Walkerenarrivantderrièreledieudustade.Cedernieralespoingsserréssifortquesesjointuresontblanchi.IldévisageRyansansciller.— Tout va bien, monsieurWalker, mais je vais devoir partir un peu plus tôt aujourd’hui, dis-je

polimentafind’attirersonattentionsurmoi.Vousn’yvoyezpasd’inconvénient?—Non,allez-y,Melody.Jevousenverraiparmaillapartieducoursquevousaurezratée.Surcesmots,ilfaitdemi-touretretourneàl’avantdelasalle,ledieudustadesursestalons.Quand

jereportemonattentionsurRyan,jedécouvresonregardintenseposésurmoi.Jeluisouris.—Salut,dit-ild’unevoixgraveetchaleureuse.Aussitôt,jeressensunebrûluresurmesjoues.—Alors, commeça, je vaux la peineque tu engages la conversation ? lui demandé-je, un sourcil

haussé.Seslèvresseretroussentenundemi-sourire.—Ehbien,jenevoispascommentonpeutfairecedevoirsansparler,doncjetentelecoup.Siçase

trouve, tu as quelque chose d’intéressant à dire, qui sait ? Je suis très curieux d’apprendre ce qui tepassionne,Melody.

Jerougisdeplusbelle.JerangemoniPaddansmonsacetlanceavecdétachement:—Jesuisdisponibledimanche,siçateconvient.Alorsquejesuissurlepointdemelever,ilmetendsontéléphoneportable.—Tupeuxenregistrertonnuméro.J’essaie de passer outre la photo provocatrice d’une femme nue et ligotée, à genoux, qui lui sert

d’écrandeveille.Maisl’imageestplutôtexplicite,etcertainementpaslegenrequel’onutiliseauhasardcommefondd’écran,surtoutquandondemandeàuneinconnued’enregistrersonnuméro.Maisjedécide

denepaslejugersursonchoixdephotoetm’exécuteavantdeluirendrel’appareil.Jesorsdelaclassesansunregardenarrière,alorsquejemeursd’enviedevérifiers’ilm’observe.La brise d’été me caresse la peau. L’odeur de l’herbe coupée enflamme mes sens, ravivant les

souvenirsdesétésdemonenfance.Lesyeuxrivéssurl’écrandemontéléphone,j’envoieunbrefSMSàmamèrepourluiannoncerquejeparsdel’écoleetdevraisarriveràlamaisonversminuit…etnevoispaslepoteauaveclequelj’entreencollisionavantdemeretrouversurlesfesses.Monsacglissedemonépauleetmonportablefaitunvolplanéendirectiondesfourrés.Jelèvelesyeuxversceux,perçants,dupoteauenquestionetquis’avèreêtreunhomme.Aveclesoleildanssondos,jen’arrivepasvraimentàdistinguer ses traits,hormis ses sourcils froncéset son regardnoir,quim’indiquent sans l’ombred’undoutequenotreaccrochageconstitueàsesyeuxunfâcheuxdésagrément.

Il me contourne en lançant : « Pauvre conne ! » Mon sang ne fait qu’un tour. Je me relèvebrusquement,luidonnantuncoupdesacaupassage.Ilfaitvolte-face,saisitcedernieretletireverslui.Je suis projetée contre son torse avant de retomber, les quatre fers en l’air, sur mes fesses déjàdouloureuses.

Jelefusilleduregard.—C’estquoi,tonproblème?Quel…quel…Moncerveauneme souffle riend’autre que ces bredouillements, donnant l’impressionque je n’ai

rienàfaireàlafac.—Trouduc!Jegrimacedemonmanquetotaldematurité,derépartieetdevocabulaire.Jenesuispasdugenreà

jurer.Trouduc,merépété-jeenmemorigénant.—Monproblème,c’estquetumerentresdedans,avantdem’agresseravectonsacquipèseaumoins

unetonne.Etpourfinir,tutejettessurmoiettuatterrisàmespiedsenmetraitantde«trouduc».Jerelâchelesoufflequej’avaisgardétoutlelongdesadescriptiondel’incident.—Lechocadûtedétraquerparceque,manifestement,tudélires.Oh,etnem’aidesurtoutpasàme

relever,hein,grommelé-je.—Jen’enavaispasl’intention.Quellemaladresse!Tuasbesoinderenforcertamassemusculaireet

d’apprendreàregarderoùtufouslespieds.Sondégoûtévidentpourmoimestupéfie,et jereste là,bouchebée, incrédule.Ilvientvraimentde

direça?Sansme laisser le tempsde formulerune répliquebiensentie, il s’éloigne tranquillementet,moi,jebouillonne.

Waouh,ilestsacrémentbienbâti!N’importequitomberait«surlecul»enseheurtantàcemurdebriques.Lesmusclesdesondosse

devinentsoussontee-shirtmoulant,etiladesfessesbienfermes.Merde!T’occupepasdesesfesses,c’estunconnardabsolu.Jerampejusqu’àmontéléphone,puismedirigeversmavoituresansautreincident.Jeconduisune

BMWSérie4décapotableflambantneuve.Très«gossederiches»,maisc’estmonpèrequiainsisté.Ilvoulaitquej’aieunevoitureneuvepourentreràlafacafindenepasavoirbesoindesgarçonspourmeraccompagneroudenepasêtrecoincéesijevoulaisrentreràlamaison.Ildétestaitl’idéequejepartesiloin,mais,aprèsmonvoyageavecZane, ilafinalementaccepté.Jesuissonbébé,safilleunique.J’aibienundemi-frère,maisiln’ajamaisvécuavecnous.Ilestnéavantquemamèrerendemonpèrefoud’amour.Ensuite,elleafaitlemêmeeffetaumarid’uneautre.Jen’enairiensujusqu’aujouroùjel’airencontré,àl’âgedeonzeans.Ilaaffirmésansdétourquemamèreétaitunesalegarce.Notrerelationatoujoursététendue.Autantdirequelaréuniondefamillededemainnem’emballepasdutout.

J’ouvremaportièreetrendsleursourireauxdeuxfillesquipassentprèsdemoi.Jenemesuispas

vraimentfaitd’amisdepuismonarrivéeici,alorsunsourirechaleureuxaupassage,c’estagréable.

Chapitre2:étrangleur

MELODY

Lestroispremièresheuresdutrajets’écoulentdansunesortedebrouillardmêlantlueursdespharesetpaysagesflous,tandisque,dansmatête,serejouentlesévénementsdelajournée.LasurprenanteprisedeparoledeRyan,etpuislacollisionaveccegoujat.Quifaittomberquelqu’unàlarenverseetneluipropose même pas de l’aider ? Je monte le son de la radio et Now, du groupe Paramore, emplitl’habitacle.Assezpenséàceconnard.Jetapotedesdoigtssurlevolanttoutenfredonnantlamusique,avantdememettreàchanterlesparolesàtue-tête,noyantlavoixdoucedelachanteuse,quandlajauged’essence attire mon attention : elle clignote sans discontinuer. Heureusement, je repère une station-service.

L’écrandemonportables’allume,mesignalantl’arrivéed’unSMS.Lenomn’apparaîtpas,maisjedevineaussitôtqu’ilvientdeRyan.

Voilà,legroslourddenotreclasses’esttrouvéunepassion:m’agresser.Ils’appelleClive,aufait.Jeneparlepeut-êtrepasbcpenclasse,ms je faisattentionàcequisepasseautourdemoi.

L’idéequecenazeaitpu frapperRyanfaitmontermacolèred’uncran.J’enregistresonnuméroet

range l’appareil dansmon sac. Je déteste les stations-service en pleine nuit. Ils ont beau éclairer lespompes,l’endroitresteflippant.

Leventfraismemordillelesbras,provoquantunfrissonaumomentoùjesorsdel’habitaclechaudetprotecteur.Avecunbâillement,jeremplisleréservoiràrasbord,puisentreacheterunecanettedeRedBulldansl’espoirdemeréveillerunpeupourlafindemontrajet.

—Ceseratout?Jelèvelesyeuxverslecaissier.Ilalesépauleslarges,unemâchoirepuissanteetlecrânerasé.Ilse

lèchelesbabinesenmefixantdesesirismarron.Ilmedonnel’impressiond’êtreunefriandiseenvitrine.—Avecl’essence,dis-jeendésignantmavoiture,seulesurleparking.Ilmeretourneunsourireencoinens’attardantsurmapoitrinependantqu’ilm’annonceleprixtotal.Ce typen’a jamais vuune femmede sa vie, ouquoi?Qu’est-cequ’ilsont tousà se comporter

commedescons,aujourd’hui?—Ohé!(Jeclaquedesdoigtssoussonnezpourramenersonregardperverssurmonvisage.)C’est

unestation-service,ici,pasunclubdestrip-tease.Etceci,lancé-jeendésignantmapoitrine,n’estpaslamonnaie avec laquelle je compte payermon essence, alors arrêtez de lesmater comme s’ils allaientsauterdemontee-shirtpoursemettreàdansersurlecomptoir!

Il écarquille lesyeuxune fractiondeseconde,puis saisitbrusquement lacartedecréditque je luitends.Quandjequittelemagasin,jesenssonregardposésurmoi.

Jecompteprendreunedouchebienchaudeavantdem’effondrerdansmonlitenarrivantàlamaison.Je me glisse derrière le volant, verrouille les portières et sors mon portable de mon sac pour

répondreauSMSdeRyanavantderepartir.Ilt’afrappé?Tuessalementamoché?M

Saréponse,immédiate,mefaitsourire.Pastrop.Etpuislenoirmevabien.Mêmeauniveaudesyeux.J’espèreaumoinsquetuasrendulescoups.MNon, je l’ai juste laissé cogner. Il veut s’imaginer des trucs sur moi. Laissons-lepenserquejesuiszarbi.Je l’imagine, le cerveau en ébullition, à essayer de comprendre pkoi tu n’as pasrépliqué.Maisilesttellementidiotqu’ilcroiraquec’estparcequet’eszarbi.MExact.Etrienquepourl’emmerder,jeporteraimontitreavecfierté.Aufait,d’aprèsClive,tuasunfaiblepourleszarbis.Jesuisaussifièredemonpenchantquetoidetonsurnom.M

Jerangemontéléphoneetaperçoismonsouriredanslerétroviseur.Jel’aimebien,ceRyan.Depuis

quejesuisàlafac,jepensequec’estlapremièrepersonnedontjevaisapprécierlacompagnie.Sept longues et épuisantes heures de voiture, tout ça pour tomber en panne à un kilomètre de la

maison.Un grognementm’échappe alors que je tiremon sac de voyage du coffre, abandonnant le niddouilletdel’habitacle.

Marchervingtminutespourarriverchezsoiaubeaumilieudelanuittoutenessayantdenepasprêterattentionauxstridulationsaiguësdessauterellesquibrisentlesilence,quelleplaie!Ellesmefichentunepeur bleue depuis que l’une d’elles a sauté sur ma robe quand j’étais petite. Cette anecdote m’atraumatiséeàvie.

Uneimpressioncoutumièremesubmerge tandisque jeremonte l’alléeà lahâte.L’immensebâtisseblanchese tient là,solitaire,entouréeuniquementpar lanature.J’adorecetendroit, l’odeurde l’herbefraîchementtondue,etlachaleurlourdequimecolleàlapeauetsechangeenfrissonquanduncourantd’airtraverselesarbres.Touticimerappelleleslonguessoiréesd’étédemonenfance.

Lamaisoncomptecinqchambres,et,mêmesinousnesommesquetroisàyvivre,mamèreenafaitunfoyeraccueillantetchaleureux.Aveclafortunedemonpère,elleauraitpus’offrirunemaisonbienplus grande ; elle s’est montrée plutôt raisonnable, en l’occurrence. Papa travaille dans le secteurbancaireetsesinvestissementsl’ontpropulséaucœurducercletrèsfermédesmillionnaires.Cependant,cesrentréesd’argentn’ontjamaisaltérésonamourdelacampagne,etilm’atransmislemeilleurdecesdeuxmondes–sarichesse,grâceàlaquelleonn’ajamaiseuàsesoucierdulendemain,maisaussisonsensaigudesréalités.Monpèreatoujoursgardélatêtesurlesépaulesmalgrésafortune.

Lapénombrequim’attendm’arracheungrognement:pasuneseulelumièrepourm’accueillir.Merci,maman.Jefouilledansmonsacàmainàlafaveurdelaseulelueurblafardedelalune.Heureusement,mes

yeuxcommencentdéjààs’accoutumeràlanuit,etjenetardepasàretrouvermesclés.Jelâcheunsoupirsoulagé. Je suis épuisée. J’ai envie d’une douche et deme glisser sous les draps familiers, pour êtreréveilléedemainmatinparl’odeurducaféetdespancakesdemaman.

Je m’apprête à insérer la clé dans la serrure, quand je remarque que la porte est légèremententrouverte.Mamanadûla laisserainsipourmoi.Jepousselebattantetunfrissonparcourtmondos.Malgrélafatigue,moncerveauréagit:jamaismamèren’auraitlaissélaporteouverte,ellesaitquej’aiundoubledesclés.Moninstinctm’avertitdenepasentrer,maisjeréprimecesursautavecunhaussementd’épaulesenmeréprimandantpourmabêtise.Commelaplupartdesfilles,j’aiunecapacitécertaineàmeconvaincrequeriendemalnepeutm’arriver.C’estmamaisondefamille,iln’yaaucundanger.

Laissantmonsacdevoyagesurlesol,j’avancelentementàl’intérieur.Toutestplongédanslesilenceetlapénombre,maisriend’étonnantàuneheureaussiavancée.

Arrêtetaparano,tuesépuisée,c’esttout.Jemedirigeverslaconsole,oùjeposemesclés,mecrispantinstinctivementquandellesémettentun

tintementmétallique.Monrefletdanslemiroirdel’entréemefaitsursauter.Bonsang,Mel,ressaisis-toiunpeu!Puis, les événements s’enchaînent à toute vitesse, comme le nuage obscurcissant le soleil, l’éclair

zébrantlesnuéespendantl’orageetl’étoilefilantefendantlecielnocturne.Uneombretraverselemiroiret unemainm’agrippe à la gorge.Alors que le cuir froid de la paume gantéem’enserre le cou,monincrédulitécèdelaplaceàuneterreurquejen’aijamaisressentieauparavant.Lapeurmeparalyse.

Çan’estpasréel,çan’estpasréel,répètemonespritenboucle.Un corps chaud se plaque contremon dos.Le soufflementholé d’une haleineme caresse l’oreille

pour atteindre ma joue et s’insinuer dans mes narines. Un gémissement m’échappe, et je portemachinalement les mains à mon cou afin de retirer celle de mon agresseur, mon instinct de surviem’enjoignantdemedébarrasserdecetétauquim’empêchederespirer.

Monassaillantrelâchelapressionenhaletant.Uninstant,lachaleurdesoncorpss’écartedumien.Mais il retrouve son équilibre avant que j’aie le temps de profiter de sonmoment de faiblesse et ilraffermit son étreinte. À en juger par sa force et sa taille, je devine qu’il s’agit d’un homme. Unepuissanteodeurdesavonchirurgicalm’enveloppe.

Jel’observedanslemiroirsansparveniràdistinguersonvisage.Ilestderrièremoi,dansl’ombre,etplielégèrementlesgenouxafinquesatêtesetrouvepileauniveaudelamienne.Lapénombredel’entréesemblemenarguer.Si jamaisjeréchappedececauchemar, jenemeremettrai jamaistoutàfaitdemapeurdunoir.

S’il vousplaît, faites que je sois en trainde rêver.Çanepeut pas être réel.Çanepeut pas sepasserpourdevrai…

Lapoigneseresserreencore.D’unemain, ilenveloppepresquemagorgetoutentière.Jesensmesyeuxsebrouilleretune larmeuniques’échappedemapaupière.Jen’arrivepasàcroirecequiestentrain de se produire. C’est vraiment à moi que ça arrive ? J’ai l’impression d’assister en tant quespectatriceaucauchemardequelqu’und’autre.

«L’existenceesttropcourte,Mel.Jeveuxquetulavives.»LesparolesdeZanemefontl’effetd’unemoquerieplutôtqued’unréconfort.Le grognement de mon étrangleur me ramène à l’instant présent. La gorge à vif, je parviens à

bafouillermesderniersmots.Lamortestproche,jelasensdansl’air.J’aimislepieddanslatombeenrefusantd’écoutermoninstinctquimesoufflaitdenepasentrerdanslamaison.

—Espècedesaletrouillard.Tupourraisaumoinsmefaireface,si tudoismetuer, lâché-jed’unevoixrauquetandisquel’ultimeréservedecouragem’abandonne.

Pasquestiondemourirengeignant,c’estjustementcequifaitjouircesdétraqués.Alors,iln’aurapasmespleurs.Jelesluirefuse.

Il me fait pivoter vers lui, si vite que j’en ai la tête qui tourne. Il est d’une telle force que j’ail’impressionden’êtrequ’uneplumeentresesbras.Jelèvelesyeuxpourcroiserceuxdemonassassin,mais,avantquenosregardsserencontrent,jesensmatêtetiréeviolemmentenarrière.Unedouleurviveexplosesousmoncrâne,puismoncorpss’engourditetjesuccombeaubrouillardnoirquim’engloutit.

J’ailatêtecasséeendeux.Ellevasefendreparlemilieu,c’estsûr.Jegémisetportelesmainsàmon

crâne.Jenemesouvienspasd’avoirbuniprisuncamionenpleinefacelanuitdernière,alorspourquoiest-

ce que jeme sens aussimal ?Dubout des doigts, je découvre une entaille énorme et suintante, et aucontactdelaquellejegrimace.

Je reprends vite mes esprits et me mets à genoux pour examiner l’espace qui m’entoure. Suis-jeseule?Toutestcalmeetimmobile.Iln’yapersonneenvue.Pourtant,lamêmeatmosphèreinquiétanteflottedanslapièce.

Jeveuxrevenirauxdeuxsecondespendantlesquellesj’avaistoutoublié.Lapeurterréeaufonddemonventresepropageàchacunedemesterminaisonsnerveuses,etmapeausecouvredechairdepoule.Mesdents jouentdesclaquettessous la forcedemes tremblements. J’ignorecombiende temps jesuisrestéeallongéeici.Quelquesminutes?Desheures?

Lescoinssombresdelamaisonressemblentàuntrounoirdontjeneperçoisriendutout.Jeressensle besoin d’allumer toutes les lumières afin d’expulser la nuit. Je passemon corps en revue en quêted’autresblessuresetm’assurequemesvêtementssontintacts.Jesuistoujourshabillée.

Jemerelèveàgrand-peineetgrimacequandunmorceaudemiroirbrisés’enfoncedansmapaume.—Aïe!crié-je.Àcausedemagorgeàvif,jereconnaistoutjustelesondemavoix.Tantbienquemal,vacillante,

jeréussisàmemettredeboutenutilisantlaconsolepourmesoutenir.—Maman?Papa!Mon cerveau me hurle de me taire et de m’enfuir sur-le-champ, mais, tout ce que je veux, c’est

retrouvermesparents.Alorsquejem’aventureplusavantdanslamaison,lesangdégoulinedemapaume,coulelelongde

mesdoigtsetlaissederrièremoiunetraînéedegouttelettes,tellesentierdemiettesd’HanseletGretel.Àladifférencequemonsentiermeconduitdroitversl’enfer.

Moncœurtambourineàmesoreilles,faisantvibrerdouloureusementmatête.Boum.Boum.Boum.Assez!Plus de battements de cœur, plus de respiration, je n’aspire qu’au silence. À la mort. Soudain,

j’entends mon propre gémissement et le bruit mat de mes genoux heurtant le plancher. Mes paumesensanglantées viennent recouvrir ma bouche ouverte. Des hurlements silencieux me déchirent lesentraillesetleslarmesenflammentmesyeux.

Jerampeverslecorpssansviedemonpère.—Non,non,non,non,non.Ilalesyeuxouverts,fixéssurmoi,maisleurcouleurjadequ’ilm’atransmiseadésormaisdisparu.

Unesortedevoileglacéenmodifielacouleur.Sapeaubronzéealateintedupapiermâché.

—Papa!Papa,réveille-toi.S’ilteplaît,réveille-toi…

J’examinesoncorpsetdécouvrelestachesgluantesquiparsèmentsachemisecommeunmotiftieanddyedesannéessoixante.C’estdingue,lespenséesquipeuventvoustraverserl’espritquandplusriennefaitsens.Jecherchelablessureparlaquelles’échappesavieetplaquelapaumedessuspendantquemonesprit confus tâche de raviver les notions de secourisme apprises à l’école.Mais j’ai les mains quitremblenttropfortpourparveniràlescontrôler.

Ilestmort.Jesenslefroidsousmapaume,lesangfigésousmesdoigts.C’estàcemoment-làquejeperçoisl’humiditésousmesgenoux.Jesursautecommesousl’effetd’unélectrochocet,enpoussantdetoutesmesforcessurmespiedscontre lebois, jeglissesur les fesses jusqu’à l’autreboutde lapiècedansmahâtedem’éloignerducauchemardanslequeljeviensdemeréveiller.

Enfin,jemeremetsdeboutetcoursjusqu’autéléphone.C’estalorsquejelavois,installéeàlatabledelasalleàmanger.Latêtebaissée,lapoitrineentièrementcouvertedusangquiimprègnesonchemisier.Sescheveuxbrunsretombentmollementdevantelledansuneassiettedenourriture.Lerestedelatableestsensdessusdessous,lerepasestéparpilléetunebouteilledevinestrenversée.Elleseraittellementfurieuse,siellevoyaittoutcebazar!

Lentement,jem’approched’elle.—Maman…,murmuré-je.Jesaisqu’elleestmorte,maislapetitefillequicroyaitauxféesetaupèreNoëlareprispossession

demoncorps.—Maman, je suisarrivéeà lamaison.S’il teplaît, réveille-toi.S’il teplaît,maman, réveille-toi.

Maman!Jesuisaumoinsàdeuxmètresdemamère.Pourtant,larivièrepourprequiacoulésoussachaiseme

coupe le chemin jusqu’à elle. Jamais je n’ai vu autant de sang.Comment peut-il provenir d’une seulepersonne?Ellealapeausipâle…

Blanche-Neige,chuchotelapetitefillepriseenotagedansmonesprit.—Maman,répété-jeentendantlamain.Maisellen’estpluslà.Ilneresteplusiciqu’unairviciéetlesrestesdemafamillemassacrée.Jem’effondreausoletrestelà,prostrée,pendantcequimesembleuneéternité.L’odeurdescorpsen

décompositionemplitmesnarinesetmedonneenviedevomir.Legoûtmétalliquedusangquiflottedansl’airagressemespapilles.

Autour de moi, des bruits bourdonnent. La silhouette d’un homme emplit mon champ de vision.Hurlant,jetentedelerepousser,maisjesuisimpuissante.Jemedébats,jecrie,jusqu’aumomentoùunedouleurvivemedéchirelacuisse.Unengourdissementbienvenum’envahit,m’enveloppeetprotègemonespritfragilequivoleenéclats.Etpuis…plusrien.

Chapitre3:intrigue

RYAN

Jesupporteleresteducourscommeàmonhabitude.Jesuisphysiquementprésent,maismonespritest ailleurs. Je pense àMelody.Voilà quatre semaines que je viens en classe, quatre semaines que jeréussisàmeretenirdelamolester,aussibienaveclesyeuxquelesmains,alorsquemoncerveauestenroue libre. Je l’imagine dans toutes les positions possibles, mais reviens toujours à la levrette, mespoingsserrésdanssacrinièrealorsquejelabaise,fort,vite,passantdesachatte,quejedevineétroite,àsonpetitculprobablementencorevierge.Jeveuxsavoirquelgenredecrisellepoussedansl’intimité.Jeveux voir jusqu’où je peux aller avec elle.Ce qu’une princesse comme ellem’autoriserait à lui fairesubiravantdem’opposerunrefus.

J’aimelesoulagementqueprocurel’actesexuel.Peudechosesmeprocurentduplaisir.Lesexenem’en donne pas beaucoup,mais c’est un exutoire. J’adore franchir les limites des autres. J’adore lesdégrader.Sadique,moi?Assurément.

Bonsang,j’espèrequ’ellepréfères’envoyerenl’airavecsauvagerie,parcequeçamedémangedefessersonpetitculserré.Jeferaismieuxdemetenirloind’elle,jelesaisbien.C’estpourquoijemesuisgardédemanifesterlemoindreintérêtquandelleestvenues’asseoiràcôtédemoi.Jel’avaisremarquéeparmi la fouledes étudiants avantmêmequ’on entre en classe.Son épaisse chevelure chocolat qui separederefletsrouxausoleil,sesyeuxvertsquibrillent,mêmedeloin,pleinsdevieetdebonheur.Cettefilleestcommeuneroseépanouiedansunbuissond’épines.Ellesortdulotavecsasilhouetteféminineparfaite, ses seins ronds, sa taille fine, ses hanches et son cul qui sont autant d’invitations à ladépravation.Sesjambesinterminablesm’inspirentl’enviedelesécarteretdelesmenotterauxmontantsdemonlit.

D’ailleurs, je ne suis pas le seul à l’avoir repérée. Lesmecs se pressent autour d’elle telles desabeillesenquêtedemiel.Elleest forcémentconscientede sonpouvoirde séduction.Pourtant, elle lajoue cool. Ça m’intrigue, mais, après m’être tapé toutes les salopes du lycée et n’avoir récolté riend’autre que des drames et une attention dont je n’avais pas besoin, j’ai décidé de ne pas renouvelerl’expérienceaveclesétudiantesdemafac.Laproiedemonchoixdoitêtreaussidépravéequemoi,pourqu’ellene s’enfuiepasencourantet encriantauviolquand je la fesseraiouque je la surprendraienpleincoïtavecmessex-toys.

Jemefichebiendeslois,etjeretireunegrandefiertéàlescontourner.Etcejolipetitbrin,Melody,je l’ai surnomméedansma tête«hors limites».Et ellememène laviedure, surtoutquand sa cuissefermefrôle lamienneetquemaqueuemenacedebondirhorsdemoncaleçonpourseglisserdanssaculotte,histoiredeprendre lamesuredesongoûtpour l’humiliation.Jeveuxmefilmeren trainde luibaiserlabouche,rienquepourleplaisirdelatitillerensuiteaveccettevidéo.Etmêmesijeneparvienspasauboutdemesfantasmes, jepeuxcomptersur ledestin.Quelquechosevaseproduire,c’estdéjàécrit.Alors,jem’ysoumets.Cejeuestdéjàtropentamépourquej’yrenonce.

Cettefillerespirel’argent–ausenspropreduterme.J’aisurprisquelquesSMSqu’elleéchangeaitavecsonpère,surtoutdesappelsàlaprudencedelapartdecedernier.Illuirappelaitdebienrecharger

sontéléphone,deprendresabombelacrymogèneetdes’enfermeràcléavantdesecoucher.Lepaternelsurprotecteur.Unautremonde,carrément.Moi, si jevaisà l’université, c’estuniquementparceque jesuisnébrillant.Jen’aipaslamoindreidéedequinoustenonscesgènes,maisBlakeetmoi,onesttousles deux doués et dotés d’un QI largement au-dessus de la moyenne. Blake a entièrement payé monéducationetm’afaitpromettredetravaillerduretdemeconstruireunebellevie.Ilestconvaincuqu’ilneserapastoujourslàpourmoi.

«Certainspoursuiventunemission,Ryan.Lamienneestdem’assurerquetuentressainetsaufdansl’âgeadulte,quetuvivesetquetuparviennesàquelquechose.Tuméritesd’êtreheureuxetdenejamaiséprouverquelebiendecemonde.»

La culpabilité est unemotivation puissante.La culpabilité a façonné la vie deBlake. Jamais il nesongeàluiouàcequ’ilmérite.Jel’observesouvent.J’essaiedepénétreràl’intérieurdesonespritafindevoircommentilperçoitcertainsévénementsdenotrevie.Pourmesauver,ilacommislepéchéultime,cequilaisseforcémentdestraces.Ilpensequ’enécartantlerestedumonde,enrefusanttouteémotion,ilpeutmettredecôtésaconscience.Maissi laculpabilité legouverne,etsi lessouvenirsdela trahisonabsoluealimententsonsang,commentpeut-ilresterinsensible?Jeneluiparlejamaisdeça,cenesontquedespenséessurlesquellesjem’attardequandjeposeleregardsurlui.

Je suis doué pour observer le monde qui m’entoure sans que les gens se rendent compte quej’enregistretoutdansuncoindematêtepouryréfléchirplustard.Lesactes,lespersonnalités,lesdésirsdesautresmefascinent.Jenemefaispasd’illusions,jesaisquejen’entrepasdanslanormedesjeunesgarsdemonâge.Etsijedonneauxautresl’impressionqu’ilnefautpasvenirmegratter,c’estvoulu.J’aidesbesoinsdifficilesàcombler,maisquecesdernierssoientmalvusnem’empêchepasdelessatisfaire.Ilfautjustequejememontreplusmalinquelesautres.Or,parchance,ilsetrouvequejelesuis.

J’aigrandivite.Jamaisonnem’amontrélamoindreaffection,dumoinspersonneàl’exceptiondeBlake.Maismême luiestencoreplusperturbéquemoi.Alors, sonaffection,ellen’étaitpasdugenrecâlinsetbonsconseils,maisplutôt:«Jet’achèteraitoutcequ’iltefaut,jet’apprendraiàtebattreetjetueraipourtoi.»

Notremèreestunesalopesanscœurquiselaissesauterparlestypespourlefun,etc’estainsiquejevois les femmes : desobjetsdeplaisirque l’onbaise etque l’on jette.Monpère était unalcoolique,violentavecBlakeetmoi.Jen’avaispaslamoindrechanced’êtrenormal,et,àcausedemesproblèmes,j’aimemefairefrapper.J’aimeallerdanscesclubsinfréquentablesoùdesdominantsetdesmaîtressesmefouettentjusqu’ausang.Jeleurracontequec’estpourmepunirdesabusperpétrésparmonpère,dumanqued’amourdemamèreetdecequemonfrèreestdevenupourmoi.Lavérité,c’estquej’aienviequeleurscoupsdefouetinstillentdessentimentsenmoi,mefassentéprouverunpeudelaculpabilitéquiconsumeBlake.Quandçanemarchepas,ilresteaumoinslasensationdusangmauditquis’écouledemoncorpstandisquejepousseledominantàboutenmemoquantdesesvainestentativespourprovoquermasouffrance,cequisusciteunpetitfrissond’excitation.Or,cefrisson,jel’adore.J’aimeladouleur,etpousserquelqu’unàl’infligerestlaseulechoseaumondequimeprocureunevraiesatisfaction.

Etmerde!Ilaraison,Clive,avecsonsweat-shirtdegolfencachemire.Jesuiszarbietjemefaisdumal.Saufquecen’estpasmoiquimetaillade.Jelaissecesoinauxautres.

Chapitre4:leplaisirdansladouleur

RYAN

Ensortantdelasalledeclasse,jeremarquequeCliveetsoncomparse,Jacob,mesuivent.Lapartietordue demon cerveau se délecte à l’idée qu’ils vont essayer deme fairemal, et qu’ils parviendrontseulementàmedonnerduplaisir.Jepousselesportesdesortieetcillefaceauchangementdeluminosité.Blakesetientdevantmoi,adosséàunarbre,inabordable.Etjesourisdevoirlesfillesqui,malgrétout,luijettentdesregardsetdessouriresaguicheurs.Lessalopes…Jelèvediscrètementlamaincontremonflancpour lui indiquerdenepasbougerde sonposte.Aussitôt, il pose lesyeux surClive,qui arrivederrièremoietmebouscule.

—T’asplusrienàdire,maintenantquetagroupien’estpluslàpourt’écouterjouerlesgrosdurs?crache-t-il.

Jemetourneversluiaumomentoùil lèvelepoingetmel’envoiedanslamâchoire.L’unedemesdentspercelapeautendre,quisemetaussitôtàsaigner.Legoûtmétalliqueréveilleinstantanémenttouslesrecoinslesplussombresdemonesprit.Jeluisouris,jubilantintérieurementdevantsonairperplexe.

—Allez,tapette.Tunetedéfendspas?Ilmefrappeànouveau,dansl’œilcettefois.Ladouleurquiexplosemedonnelachairdepoule.—Hmm,jevaisprendrelejolipetitculdeMelodyetjepenseraiàtoiquandellehurlera,rétorqué-

je.Jesourisdeplusbellefaceàsonincrédulitégrandissante,commes’iln’enrevenaitpasquedetelles

parolesaientpufranchirmeslèvres.Jelesaiprononcéesassezbaspourqu’ilsoitleseulàlesentendre.Mais mon plaisir ne dure pas. Le poing de Blake arrive par la droite, rapide comme l’éclair, et

atterritenpleindanslevisagedeClive,quis’effondrelourdementausolcommeunemarionnettedontonauraitcoupélesficelles.

—Jen’aipasletempsdetelaisserjouirdelabagarre,Ryan,lancemonfrèreenbaissantlesyeuxsurletypequ’ilvientd’étendre.Jedoispartir.

JemepasselepoucesurlalèvreetensucelesangtoutensuivantBlakejusqu’àmavoiture.—Dépose-moiàl’aéroport.Jenefaisqu’unaller-retour,jeserairentrédemainmatin.Jen’aimepas

devoirmedéplacerjusqu’icijustepourtetransmettreunsimplemessage,Ryan.Jedétestequetupassestesnuitsdanscesclubs.Jet’aidéjàdemandéderentrerdormiràlamaisonetdegardertonportablesurtoiafinquejepuissetecontacter.

Jesaisqu’ilvautmieuxnepasluiposerdequestionsquandildoitquitterlaville,etquec’estcensérester entre nous, au cas où quelqu’un nous interrogerait – ce qui n’arrive jamais. Et je sais qu’ils’inquiètequand jene rentrepas à lamaison,mais jem’en fiche. J’étais tropoccupéà satisfairemesfantasmes,lanuitdernière.

Jeneluirépondspas,soupesantlesconséquencesdesondépart.J’aidépensétoutmonargentliquidelanuitpassée.Or,ilm’enlaissetoujoursunpeuplusquandilpartenvoyage,unesortedepot-de-vincoupablequifinancemesnuitsdedouleur.Monespritestdéjàauclub.JemevoisattachéaubancàjouirdescoupsdefouetdeMaîtresseDawn.

Toutlelongdutrajetjusqu’àl’aéroport,jesuisenpilotageautomatique.Trèsvite,jedisaurevoiràBlake.Puis j’envoieaussitôtunSMSàMelodypourétablirune formede relationentrenous,histoirequ’elle ne soit pas trop choquée si j’essaie d’obtenir un petit quelque chose de sa part dimanche.J’abandonnemonprojetderesterloind’elle.J’aienviedelaregardersedisloquer,danstouslessensduterme.Ellemefascinebeaucouptrop,àcestade,etlesrécentescoïncidencesmesoufflentquel’histoireestainsiécrite.Etpuis,detoutefaçon,c’estellequiascellésonsortenessayantdesuscitermaréaction.Ce qu’elle ignore, c’est qu’elle a attirémon attention pour la première fois il y a des semaines, et ànouveauquandelleapoufféen lisant l’undesSMSdesonpère.Son rireest légercommeunsouffle,aussinaturelquelebattementdesailesd’unoiseauquandilprendsonenvol,sanseffortetpleindegrâce.Oui,ellearetenumonattention,ettouts’estparfaitementdérouléaujourd’hui.

Jerentreàlamaisonmedoucher,puisjemerendsauclub.

Chapitre5:impact

BLAKE

Jen’aijamaishésitéavant.Jetuesansaucunremords.Lafillequim’aime,Abby,cellequejebaiseetque jequitteparceque jen’éprouverienàsonégard,estétudianteenpsycho.Selonelle, j’auraisdestendancespsychopathes.Unmanqued’empathie.Unenuit,elleaprétenduenpleurantquejenepouvaisme lier à personne sans ces émotions-là.Mais si c’est vrai, alors pourquoi est-ce que je tiens àmonfrère?

Et pourquoi ai-je hésité quand une larme a coulé des yeux verts de la petite bombe qui a faillis’assommerenmepercutantplustôtdanslajournée?Pourquoiai-jemarquéuntempsd’arrêtdevantlemot«VIVRE»tatouésouslafleur,àsonpoignet?Pourquoilefaitdelavoirdanslemiroirnem’a-t-ilpasdonnéenviedeserrerplusfortautourdesoncoupourmettreuntermeauxproblèmesengendrésparcettemissionpourrie?J’étaissidéréde lareconnaître.Cettecoïncidenceabouleversémescertitudes.L’odeurdesoncorpsaranimél’hommequisommeillaitenmoi.Elleavaitpeurettremblait.Sasueurafait jaillir son parfum jusqu’à moi, m’humanisant au pire moment, en cet instant où j’avais vraimentbesoind’êtrelediableauquelmanaissancem’avaitprédestiné.

«Espècedelâche.Situdoismetuer,donne-toiaumoinslapeinedemeregarderenface»,a-t-ellemurmuré.

Cequecesparolesm’ont rendu fierd’elle !Unsentimentnouveaupourmoi.Ellen’étaitdoncpasaussifaiblequejel’avaisd’abordcru.

Alors,macolèreestmontéed’uncran.Jenevoulaisrienressentir.Jedevaisla tuer.Cettemissions’estenliséedansuntelmerdierquej’envisagedetraquerleclientquim’aembauchéetdeletuerpourlapeine.Iln’étaitpascenséyavoirquelqu’und’autrequelesparents.Çadevaitêtreunmeurtrepropreetrapide,pendantleursommeil.Unefilleenvieetdeuxcadavresbaignantdansleursangaumilieudeleursalleàmanger,çan’étaitpasainsiquej’avaisimaginéquitterlamaison.Maisjen’avaispaslechoix.Alors,jel’airetournéefaceaumiroir,contrelequeljeluiaicognélatêtepourl’assommer.Leverres’estbriséentoutpetitsmorceauxautourd’elle,commedesconfettis.Elleétaitsibelle…Jesuissanscœur,pasaveugle.Elleétaitlà,allongée,avecsescheveuxétalésautourdesonvisage.Ellen’auraitriensentisijel’avaistuéeàcetinstant.Pourtant,jen’aipaspum’yrésoudre.

Jemesuistapidanslapénombreetj’aiattenduqu’ellereprenneconscience.Toutemavie,jemedemanderaipourquoijesuisresté.Lejouroùjemesuisbrisé,jen’airienvu.J’aisenti,enrevanche.Lachaleurm’aabandonné,quelque

choseenmois’estdésintégré.Quandjetue,jenepensejamaisàlapersonnedontjevolelavie,niàsafamilleouàceuxquivont

trouverlecorps.Alors,observerunefillesortird’unrêvepourplongertoutdroitdansuncauchemaretlavoir se rompre juste sous mes yeux, c’est un moment irréel. Et une expérience particulièrementinconfortable.

L’âmed’unêtrequisefracture,çasevoit.Onassisteàl’effondrementdesonmonde,àl’envoldesescroyances.Onremarquelechagrinnuquivireàlacolère,avantdesemuerendouleurinconsolable.Les

questionssesuccèdentdanssonesprit:«Pourquoicelam’arrive-t-ilàmoi?»…L’absencederéponsesàsonmalheurtransformesestraits.Desvoletssefermentsursesyeux,obstruentlalumière,l’arrachentàl’êtrequ’ilétaitnaguèreetletransformentàjamais.Lesépauless’affaissent.Labouchetombe.Lapeaupâlit.Onvoitpasserlacolère,lechagrinetl’incrédulité.Laragedanssesyeux,commeunetempêteenmer,avantqu’ellesecalmesurunocéanvide.Quandonaccomplitcegenredemission,onne tuepasseulementlacible,ontuelajoiedeceuxquil’aimaient.Commentlaissera-t-ellecetévénementlachanger,elle?Quedeviendra-t-ellequandelleémergeradecesacteshorriblescommisparuntueursansâme?

Elle pleure comme une enfant, appelant ses parentsmorts. Et ça remue quelque chose enmoi. Jen’aimepaslavoirexploserainsienmillemorceaux.Jeveuxlesrassemblerpourlareconstituer,etc’estunsentimentquej’apprécieencoremoins.Jen’aimepasnonpluslesangquiluitachelesgenouxnilaplaiequimutilesoncrâneparmafaute.Jen’aimepassonregardvidequandellefixelafemmequ’elleappelle«maman».Jen’aimepaséprouverdeschoses.Cen’estpasmoi.Jenepeuxpasresterlà.

Jecomposelenumérod’urgencesurleurtéléphonefixeetjem’envais.J’arriveàlamaisonvers7heureslelendemainmatin.L’atmosphèreempestelasueuretlesexe.La

blondeallongéesurnotrecanapéestàdeminue,etsonvisagetachédemaquillagelafaitressembleràunepoupéedecirerestéetropprèsdufeu.

Je donne un coup de pied dans le siège. Elle grogne et lève les yeux vers moi. Les cheveux enbataille,elleplisselespaupières.

—T’espasRussel,marmonne-t-elleenselevant,lesseinsàl’air.Ilsportentdestracesdemorsures.—C’estRyan,pasRussel.Tiens,lancemonfrère,quiarriveducouloiretluiagiteunbilletdecent

dollarssouslenez.—C’estquoi,ça,bordel?réplique-t-elleenattrapantl’argent.Jesuispasuneprostituée,merde!Elleramassesonhautàterreetl’enfileparlatête.Illuicouvretoutjustelesseins.—Etsic’étaitlecas,jeteprendraisplusqueçapourtouteslessaloperiesquejet’ailaissémefaire.

Jevaismettredessemainesavantderemarchernormalement,connard.Elletoisemonfrèred’unairfurieux.Jemepasselamainsurlesyeux.Jesuisépuisé.—Super,benc’estgratos,alors,conclutRyan,quiluireprendlebilletdesmains.Jeneteretienspas.Cettenananeconnaîtmêmepassonprénom,etelles’offusquequ’illatraitecommeunepute?Jela

regardes’éloigneretclaquernotreported’entréederrièreelle,sifortquelesmursenvibrent.Jelâcheunsoupir.—Laissecettemerdedanslesclubs,Ryan.Onadéjàparlédecegenredefillesetdufaitquetules

ramènesici.Etrangecettecaméravidéo,jeneveuxpasvoircequetuasenregistrélà-dessus.Jamaisdelavie.

J’aibesoind’unedoucheetdedormir,enpriantpourquelesyeuxvertsquirefusentdequittermonespritconsententàmelaisserunpeuderépit.

Chapitre6:levide

MELODY

Deux semaines. Cela ne fait que deux semaines. Pourtant, j’ai l’impression qu’une éternité s’estécoulée.Pendant les interrogatoires, lespoliciersmefontrevivremoncauchemar,encoreetencore.Etl’impossibilitéd’enterrermesparentsmepèselourdement.Ilsembleraitquelapoliceconservelescorpspoureffectuerd’autresanalysespostmortem,aucasoùl’ontrouveraitdenouveauxindices.J’aientêtel’imagedescadavresendécompositiondemonpèreetdemamère,allongéssurunedalledansl’attented’êtredisséqués et auscultés.Onnepeutpas contrôler lespenséesquinoushantent.Lesmiennes sontmorbides,rempliesdesouvenirsdelafameusenuitsousformedeflashs.Hadèsestvenuentachermavie,memontrerleMal,levrai.

—Ilsacceptentdemelaisserrentrerdanslamaisonaujourd’hui,Mel,donctuferaismieuxdevenir.C’estbêtedepayerunhôtel.

Markus,mondemi-frère.Ilsl’ontappeléquandj’aisombrésousl’effetduchocet,depuis,ilestlààmeprendrelatête.Ilaversédeslarmesquandilsluiontannoncélamortdenotrepère.C’étaitbizarredevoirpleurerunhomme,surtoutMarkus.C’estunconnard,quinecessaitdesedisputeravecpapaetnousdétestait,mamèreetmoi.D’oùmasurprisedelevoirpeiné.

—Jeveuxappelerl’avocatdepapaafindelancerlaprocédure,m’annonce-t-il.Sous-entendu:ilveutsonhéritage.—Jenesuispasprêtepourça,Markus.Jeveuxlesenterrerd’abord.Ilmesaisitparlesavant-bras,etlafaçondontilserrelazonefragilem’arracheunegrimace.—Deuxsemaines,Mel.Jet’accordedeuxsemaines.Ensuite,jeveuxrécupérercequim’appartient.Sesyeuxsontàprésentdénuésdetoutchagrin,etjeretrouvedanssesirisbleuslafroideurhabituelle.

Ilneluiaurapasfallulongtempspourredevenirlesalaudsanscœurquejeconnais.Ilsefichebienquemafamilleaitétéassassinéeetqu’ilnemerestepluspersonne.Toutcequil’intéresse,c’estl’argent.

—Tumefaismal.Ilme relâche etme pousse,me faisant tomber en arrière sur le lit.Quand je reprendrai la fac, la

première chose que je ferai, ce seram’inscrire à des cours d’autodéfense. Je détesteme sentir aussifaibleentrelesmainsd’unhomme.

Jelèvelesyeuxversluiet,malàl’aisedevantlafaçondontilcontemplemesjambesnues,jechangedeposition.Iladébarquédansmachambred’hôtelàl’aube.Jedorstoujoursenculotteettee-shirt.EtMarkusabeauêtremonfrère,nousn’avonsjamaisressentilamoindreaffectionl’unenversl’autre.

—Ramassetonbazar,j’aibesoindetoiàlamaisonpourm’aideràréglerdestrucs.Unfrissonmeparcourtlecorpsàl’idéed’yretourner.—Je…jenepensepas…pouvoiryaller.—Mel, j’ai besoin de ton aide.Comme je n’ai jamais vécu sur place, tu doismemontrer où ils

rangeaientlesdocumentsetlesfactures.Etilfautquetuappelleslafemmedeménageetlejardinier,etquetuemballesleursaffaires.

Jen’encroispasmesoreilles.

—Markus,çafaitdeuxsemaines.Jenesuispasencoreprêteàtrierleursaffaires.Il lève les yeux au ciel et s’agenouille devant moi, posant ses paumes moites sur mes cuisses

dénudées.Ilcommenceàlescaressertoutenparlant.— Je sais que c’est dur,Mel.Mais tu dois affronter la réalité. Ils sont partis, et conserver leurs

affairesn’y changera rien.Ondoit déciderde cequ’onva fairede lamaison.Or, lavendre avecdesvêtementsdegensmortsencoreaccrochésdanslesarmoires,çan’estpaspossible.

Chaquemotquisortdesaboucheestpareilàuncoupdefouetquimelacèrel’âme,entaillantplusprofondémentencorelefilténuetfragilequimeraccrocheàlavie.

J’ôtesesmainsdemesjambesetmeprécipitedans lasalledebains.Quelquesspasmesau-dessusdes toilettesnefontremonterquede labile,quimebrûle lagorge.JesensMarkusderrièremoiavantd’entendresonsoupir.

—Etsij’habitaisàlamaison,enattendantqu’ondécidedecequetufais?Jecroiselesbrassurmonventreethochelatête.—Oui,d’accord.L’idéedevendrelamaisondemonenfancem’estinsupportable,mêmesicen’estplusqu’untombeau

désormais.Unebandeadhésivejauneestaccrochéeàlaporte.Markusl’arrachepourentrer.Moi,jen’arrivepas

àbouger.Lesangdansmesveiness’esttransforméenciment.—Allez,viens,m’enjoint-il.Impossible.Jesuispétrifiée.Leslarmesmenacentdecouler,maisjelesréprime.—Jeretourneàlafac.Jenepeuxpasresterlà.Appelle-moiquandlapoliceenaurafiniavecleurs

corps.Surcesmots,jefaisvolte-faceetdévalel’escalier.Monfrèremesuitetm’attrapeparlepoignet.—J’aibesoindetaprésence,Mel.Jesecouelatête.—Jenepeuxpas.S’ilteplaît,laisse-moipartir.Jereviendrai,ilmefautjustedutemps.Ilplisselespaupièresetmerelâche,detouteévidencefurieux.—OK.Va-t’en.Jepousseunlongsoupiretfouilledansmonsacàlarecherchedemesclésdevoiture.Markusl’afait

réparer,cedont je luisuis reconnaissante.Pourtant, jesuis incapablederester.J’aibesoindeprendremesdistances.

Chapitre7:l’oubli

MELODY

Mavoiture avale les kilomètres quime séparent dema résidenceuniversitaire enmoins de tempsqu’àl’aller.Jerouleplusvite–tropvite–surlamajeurepartiedutrajet.Lanuitcommenceàtomberquandj’arrivesurlecampus,quifourmilled’alléesetvenues,degensquipoursuiventleurviecommetouslesjours.C’estfoudesedirequ’unseulmomentalepouvoirdemodifierdéfinitivementtousceuxquivontsuivre.Qu’aurait-ilpusepasser?Queserais-jeentraindefaire,encetinstant,sicethommenem’avaitpasprismafamille?

Lesyeuxsansviedemonpèremereviennentenmémoire,etunebouleacidemerongelesentraillesenmême tempsque labile enflammemagorge. Jenepeuxéchapper aux souvenirs. Ils se rejouent enboucledansmatête,ravivantladouleur.

Certainsviventdesexistencespaisiblessansjamaisfairel’expériencedelamortquivientleurvolerdes êtres trop chers, trop jeunes, trop tôt. Je ne souhaite à personne de vivre ce terrible néant. Lasouffrance, la colère, l’amour, la perte, la confusion…un chagrin si profondqu’ilm’envelopped’unegangueglaciale.Commentfairepourqueças’arrête?Commentmeblinderfaceàlatempêtequidéchirematêteenlambeaux?

«Toc-toc-toc.»Jesursauteenentendantquelquechose tapercontre lecarreaudemaportière. Jeporteunemainà

moncœuraffolé.Etlapeurtoutebête,cellequiavantm’auraitfaitrire,medonneaujourd’huienviedepleurer.Jeprendsuneprofondeinspiration,larelâcheetbaissemavitre.Lesourireultra-brightdeClivem’accueille.

—Salut,beauté.T’étaispasséeoù?Jeravaleunerépliquepleinedehaineethausselesépaules.Soncopainsetientàcôtédelui,unsac

remplidebouteillesd’alcoolàlamain.—Nous,onvaàunefête.Tuveuxvenir?Jemanqued’éclaterderire.Pourquoiirais-jeoùquecesoitaveccetype?Pourtant,jereportemon

attentionsurlesacde«liquidedel’oubli»quetientsonpote.Unverre,voilàcedontj’aibesoin.Jen’aiétésaoulequ’unefoisdansmavie,autourd’ungrandfeudejoieaprèslafêtedefind’annéeaulycée.Etj’avaisdormisouslesétoiles,danslesbrasdeZane.Jem’étaissaouléepournoyerlechagrindenotrefutureséparation,quiallaitmarquerl’épilogued’uneépoquedemavie.

JehochelatêteetCliveouvrelaportière.—Cool.Tuveuxpassertechanger?Jebaisselesyeuxsurmonshortenjeanetmabrassière.—C’estnécessaire?Ilpromènesurmoncorpsunregardavide,s’arrêtantsurmapoitrine.—Pasdutout,maisjesaisquecertainesfillesaimentporterunerobeetdestalonshautsàcegenre

desoirées.Lenouveaucoupd’œilquejejettesurlesacdesonacolyteprovoquechezluiunsouriresatisfait.

—T’inquiète,j’enaipleinpourtoiaussi.

Chapitre8:lebesoin

BLAKE

Cela faitune semaineque je suiscepetit con, à l’affûtde lamoindrebêtise. J’aidécidéd’aller àl’encontredemesprincipes etdenepas le tuer.Au lieudequoi, jevaisme servirde la loipour luidonnerunebonneleçon.Jesuispeut-êtreunsalaud,maisjenepassepasmontempsàassassinerlesgensquimedéplaisent…mêmesicen’estpasl’enviequimefaitdéfaut.

Aprèsl’altercationdeRyanaveccettepetitefrappe,leschosesnesesontpascalmées.Ellessesontmêmeenvenimées,aupointquecetenfoiréluiacassélebrasenlebousculantdanslesescaliers.Alors,direque j’éprouve l’enviebrûlantede sentir sonsangsurmesmains seraituneuphémisme.Mon frèren’estcertespasparfait,maisc’estmonfrère,etjeleprotégeraicontreventsetmarées.

Jefilel’autrecrétin,quiquittesarésidenceuniversitaireavecsonmeilleurami.Cederniertransporteunsacremplidebouteillesd’alcool.Ilstraversentleparkingets’arrêtentprèsd’uncabrioletBMW.Macibledonnequelquescoupsà lavitreets’adresseà lapersonneassiseà l’intérieur.Quandilouvre laportière,lelargesourirequ’ilarborenepeutsignifierquedeuxchoses:soitilvientdegagnerauloto,soitilestintéresséparlaconductricedelavoiture.Bronzée,jambesfuselées,petitshortenjeanmoulantsurunfessiersexyendiable,taillefine,seinsparfaitsetlèvrespleines.

MelodyMasters.ElleestdumêmeâgequeRyan,soitvingtansdepuislemoisdernier.Saseulefamilleétantledemi-

frèrequim’apayépourl’exécutiondesesparents–elleaaussiunetanteducôtédesamère,maisplusdegrands-parentsenvie–,elleseretrouvecomplètementseule.Depuiscettefameusenuit,jesuiscommeobsédéparlamission,etj’airassemblétouteslesinformationspossiblessurcettefillequialepouvoirdem’empêcher dem’abandonner àmes pulsionsmeurtrières. J’aurais dû savoir que c’était elle à saplaqued’immatriculation.J’aimémorisétouslesdétailsquej’aicollectésàsonsujet.C’étaitilyadeuxsemaines,lanuitoùjel’aivuesebriser,deuxsemainespendantlesquellesjen’aicesséderêverdesesyeuxvertsetde l’unique larmequis’enestéchappée.Deuxsemainesque lesévénementsdecettenuittournentenboucledansmatête.Çan’auraitpasdûsepasserainsi.

Jelessuisàtraverslecampuspourarriverdevantlebâtimentd’unefraternité.Elleneportepasdetenuesexyàoutrancecommelaplupartdesautresfillesprésentes.Et,pourtant,onlaremarque–unphareau milieu de l’océan. Elle est unique. Sa présence ici, seulement deux semaines après le sauvageassassinat de ses parents, est étonnante.Àmoins qu’elle n’ait changé.Àmoins qu’elle n’ait laissé laglaces’emparerdesoncœuretqu’ellenesoitdésormaisdevenuecommemoi:indifférente.

SousleregardcarnassierdeClive,ellea l’airmalà l’aiseetsedandined’unpiedsur l’autre, lesbrasballantsetlesmainsagitées.Sesyeuxbalaientleslieux,commepourfuircetteattentioninquisitrice.Elleluidonneensuiteuncoupdecoude,désignantlesacqueportesoncopain.Ilensortunebouteille.Puistouslestroiscontournentlamaisonpourgagnerlejardinoùlafêtebatsonplein.Jememêleàungroupe de gars hilares qui sifflent une fille dont le haut est complètement transparent. Ses seins quasidénudésmerappellentquejen’aipasbaisédepuisaumoinsdeuxsemainesetquej’auraisbienbesoindemesoulager.Jeresteàl’écarttoutenobservantMelody,quiaccepteungobeletrougedesmainsd’untype

plantéàcôtéd’unfût.Leconnardquil’aamenéeiciluisertunverre,etellerepoussed’uncoupd’épaulesamain trop pressante en secouant la tête. Il esquisse unemoue chagrinée et lui offre un autre verre,qu’elleaccepteetvided’unetraiteavantdeluirendrelegobelet.Danslapolice,desofficiersdonnentdes conférences pour dissuader les jeunes femmes d’accepter de boire dans un contenant déjà ouvertpendant les fêtes estudiantines.Elle joue avec sa sécurité, et çam’irrite.Etmon irritationm’exaspèreplusencore.Ungrognementme remontedans lagorge,mais jeconcentremonénergieetparviensà leravaler.Celuiquilesaccompagnelescontemple,labouchecolléeaugoulotdesabouteille.Etmoi,jeresteenretraitdelafoule.J’observe.J’attends.

Lasoiréesedéroulesur lemêmemodèle.Manifestement,elleestvenuedans lebutdesesaouler,

commeàpeuprèstouslesautresparticipantsàlafête.Leboncopaintientàpeinedebout,ilsemblesurle point de tomberdans la piscine. Je vais trouver le chef de la fraternité et lui suggèred’obligerM.Connardàramenersonamiàlamaisonavantqueneseproduiseunaccidentquinuiraitàlaréputationdugroupe.IlmeremercieduconseiletsedirigeversClive,àquiillancesesclés.

—Tiens,prendsmonSUVetraccompagnetonpotechezlui.Ilestcomplètementbourré.—OK,mec.Méfiant, je les suis jusque devant le bâtiment pour noter le numéro d’immatriculation, prêt à

intervenir.Clivepoussesoncopaindanslavoitureetseretourne.—Tuviens,Melody?Àcetinstant,jemepostederrièreelleetposelesmainssursesépaules.Jesenssoncorpsseraidirà

moncontact.—Dis-luiderevenirtechercheraprès.Sarespirations’accélère.—Reviensmechercheraprès,lance-t-elle.L’autreplisselespaupières,puisilsetapotelacuisse.— Pourquoi tu ne viens pas directement avec moi ? On peut aller quelque part où on sera plus

tranquilles.Histoiredediscuter,toutça,toutça.«Toutça»,espècedepetitloser.—Non,reviensmechercheraprès,insiste-t-elle.—OK,alorstunebougespasdelà,ordonne-t-ilavecunsoupir.IlsautedansleSUVetdémarre.LecorpsdeMelodytremblesousmesmains.—Hé,calme-toi.Je lafaispivoterfaceàmoi.Sesyeuxsontremplisde larmeetsarespirationsaccadéesoulèvesa

poitrine.Sesirisvertscontemplentmonvisage,puisellelèvelamainpourmegifler.—Çanesefaitpas,desepointercommeçadansledosdesgens,Ducon.Sourcilsarqués,j’intercepteetretienssonpoignetàquelquescentimètresdemonvisage.Ellehalète

àprésent,etsesyeuxfouillentlesmiensavantdetombersurmeslèvres.Ellesortsapetitelanguepourenhumecterlessiennes.Lâchantsonpoignet,jereculed’unpas.

—J’essayaisjustedet’empêcherd’agirbêtement.Ellefroncelessourcils.—Quoi?—Ilconduitalorsqu’ilabu,luiexpliqué-jeendésignantlevéhiculequis’éloigne.Alors,àmoinsde

vouloirgonfler lesstatistiquesdesmortsparaccidentsde laroute, tuferaismieuxdemeremercieraulieud’essayerdemefrapper.

Ellefrottesonpoignetdélicatàl’endroitoùjel’aiagrippé.—Jen’avaispasl’intentiondepartiraveclui,jenepeuxpasleblairer,affirme-t-elle,sesyeuxaux

refletsdejadeplantésdanslesmiens.C’esttoi,pasvrai?Moncœurs’arrêteunefractiondeseconde.Jerestemuet.—Legarsdanslequeljesuisrentréeilyadeuxsemaines,poursuit-elle.Jelibèrel’inspirationquejeretenais.Putain,maisqu’est-cequiclochechezmoi?—Tun’espasfaible.J’aiparlésansréfléchir.Sonregardseradoucitetuneesquissedesourireluiretrousseleslèvres.—Ahnon?Pourtant,jemesenssacrémentfaible,etjem’excusedet’avoirtraitédetrouducul.Ellepouffe,puisdétournelesyeux,gênée.Waouh,entendre lemot«cul»prononcéparses lèvres

suffitàprovoquerundébutd’érection.—Jecroisquec’était«trouduc»,corrigé-jeenhaussantunsourcil.Souriante,ellehochelatête.—Çan’estpasmameilleureinsulte.Tuavaisdûesquintermesneurones,cejour-là.Elle s’abîme dans la contemplation de la nuit, comme si son esprit vagabondait au loin. Et je

comprendsalorsqu’ellerepenseàlafameusenuitoùsonuniversabasculé.Jemerepassetouslesdétailsdecettemission.Sisonfrèren’étaitpaslaseulefamillequiluirestait,

jel’auraistuépourlechaosqu’ilacréé.—Jesuisdésolé,murmuré-jeenluicaressantlebras.Sapeaubronzéeestdoucecommelasoie.Ellesecouelatête,prenantmongestepourunemarqued’affectionalorsquejevoulaisjustel’extraire

desessouvenirs.Jeneveuxpasconstammentmerappelerlapagailledel’agressionchaquefoisquejepenseàelle,etsurtoutlaraisonpourlaquelleelleesttoujoursenvie.

—Alors,c’esttamaison?demande-t-elle.Jesouris.Ellecroitquej’appartiensàunefraternité.Commeellesetrompe!—Non,jen’étudiepasici.—Qu’est-cequetufaislà,danscecas?Je balaie la foule des fêtards du regard. Lamusique, trop forte, s’est transformée en un battement

désagréablesurlequeluneétudianteéméchéebrailledansunmicro.—Jecherchaisquelqu’un.Elles’agiteetdonneuncoupdepieddansunemottede terre imaginaire.Etmoi, j’enprofitepour

admirerseslonguesjambesnues.Cettefilleestsublime,maissemblepeusûred’elle.Commentpeut-elleignoreràquelpointelleestattirante?

—Ah,OK.Jetelaisseyaller,alors.Sonsouriren’illuminepassesyeux.Jemedépêchedeladétromperenenfonçantlesmainsdansmespoches,lesyeuxrivéssurelle.—Ilssontdéjàpartis.Tuveuxquejeteraccompagnecheztoi?Ellehochelatête.L’alcoolqu’elleaconsommélarendunpeuvacillante.Alorsquejechemineàsescôtés,jedoisl’arrêter,carellecommenceàmarchersurlaroute.Jepasse

unbrasautourdesatailleetjesens,sousmapaume,lachaleurdesapeau.Ellesetournealorslentementfaceàmoietpenchelatêteenarrière,lespaupièresàdemibaissées.Puisellesehaussesurlapointedespiedsetécraseseslèvresdoucesetpleinessurlesmiennes.Elleaungoûtdesucre,deceriseavecunetouchedevodka.Machinalement,jenouelesbrasautourdesatailleetattiresoncorpssouplecontremoi.Meslèvreslagoûtent.Salangues’insinuedansmaboucheentrouverte.Etuneguerreférocecommenceentrematêteetmonsexe,maisjeneseraisplusunêtrefroidetimplacablesijemelaissaiscontrôlerpar

despulsions.Alors,àcontrecœur,jelarepousse.—Qu’est-cequetufais?J’aibesoindetempspourordonnerlespenséesconfusesquitourbillonnentdansmatête.Cettefille

me fait ressentir des choses inédites !Lesbattementsdemoncœur se sont accélérés etmapeau s’estcouvertedefrissonsélectriquesquandellem’aembrassé.Jenepeuxpassupportercettesituation.Putain,maispourquoimefait-elleceteffet-là?

—J’aijusteenvied’unpetitmomentd’oubli,chuchote-t-elle.Elleglisselesmainslelongdemesbras,puislespassedansmescheveux.Denouveau,ellesehisse

surlapointedespieds,maiscettefoisjerecule.— Tu te conduis de façon irresponsable. Je pourrais être n’importe qui. Tu me laisses te

raccompagnercheztoi,etensuitetutejettesàmoncou.Tuveuxtefairetuer?Ouvioler?Enfin,vuqu’onnepeutpasparlerdeviolquandilyaconsentement,tucherchespeut-êtreàcequ’ontetraitecommeunetraînéed’unenuit?

Mesparolessontdures,maisjesuisquelqu’undedur.Etj’aibesoindemeleremémorer.Jeneveuxpasqu’ellemedésire,etencoremoinsqu’ellem’apprécie.

Elle laisse retomber ses mains et recule à son tour. Une lueur tourmentée illumine ses yeuxmagnétiques,puisj’ylisdelapitié.Etenfindelacompréhension,quimodifiesestraitscommesiellevenaitjustederésoudreunmystère.

—Waouh,t’esvraimentuntrouduc,alors.Sij’étaisunmecquichercheunpeuderéconfort,unbaiserpourm’aideràmedébarrasserdesouvenirsquimehantent,ceseraitacceptable,mais,parcequejesuisunefille,çafaitdemoiunetraînéequiveutqu’onlavioleouqu’onlatue?Jenet’aipasdemandédecoucheravecmoi,jet’aijusteembrassé.(Ellepasselesmainsdansseslonguesbouclesbrunes.)Mercidem’avoirinterrompue.Jemesuisunpeuemballée,maisjetejurequ’aucunsavonn’auraitpumelaverdetapuanteursionétaitallésplusloin.Décidément,jenesuispasdouéepourdécrypterlesgens.

Surcesmots,ellefaitvolte-faceetsedirigeverslesrésidencesuniversitaires,seuledanslenoir,etsesparolesrésonnentenéchodansmoncerveau.Jen’arrivepasàdécidersij’aienviedeluiserrerlagorgeetderegardersesyeuxsebrouillerdelarmes,oudeluiarrachersonshortpourplongermonsexeen elle, la faire hurler, la salir irréversiblement. À quelques mètres derrière elle, je la suis afin dem’assurerqu’ellerentresansencombre.Sijenel’aipastuéequandelles’estpointéechezsesparentsdefaçoninattenduecettefameusenuit,cen’estpaspourautoriserunautreàlefaireàmaplace.Jesaiscequisecachedanslapénombre.Alors,jenelaisseraipersonned’autrequemoiluifairedumal.

Jesuisvraimentuntrouduc.Aussitôtquejevoislalumièredanssachambre,jesorsmonportableetenvoieunSMSàAbby.Toccupée?

Saréponsemeparvientaprèsmoinsdetrentesecondes.Oui,jesuisàunefête.Pourquoi?

Ellelesaitparfaitement.Lesseulesfoisoùjeluiécris,c’estquandj’aienviedebaiser.Tusaisbienpourquoi.

Benfaudraquetu te trouvesuneautreconnepour teservirdetroupour lanuit.Jesuisavecunmec.

Alorslà,c’estnouveau.Mon«troupourlanuit»?Ilfautvraimentqu’elleenaitassezdemafroideuràsonégard.Dommage,elleauneboucheàtomberparterre.Jeneprendspaslapeinederépondre.

Jeretourneàlafête,oùjesaisquejetrouveraicequ’ilmefautparmilesmoruesàmoitiénuesquisetrémoussentlà-bas.J’aijusteenviedebaiserpourcesserdepenseràelle,deressentirdestrucsdontjen’aipasbesoindem’encombrer.

JerepèreAbbyparmiungroupedefêtards.Lemondeestvraimentpetit.Elledanseavecsescopines,sansl’ombred’ungarsprèsd’elle.JeluienvoiealorsunautreSMS:

Tuneréussiraspasàmerendrejaloux,Abby.Alors,nejouepasunepartiequetunepeuxpasgagner.

Jescannelafouleetremarquesameilleureamieprèsdubar,avecletéléphoned’Abbyàlamain.Jesouris.Lasalepetitegarce:ellesefaitpasserpoursacopine.Jel’approcheetjetteuncoupd’œil

par-dessussonépaulependantqu’elletapesaréponseàmonSMS.—C’estquoi,tonproblème?lancé-je,lafaisantsursauter.Elleseretourneetesquisseunegrimacedégoûtée.—C’est toi,monproblème.Ellenous abandonnedès l’instantoù tu l’appelles, et toi, tu la traites

commedelamerde.Elleméritemieux.Jelasaisisparlebrasetl’attireàl’extérieur,suruncôtédelabâtisse.Ellen’essaiemêmepasdese

libérer,tentantdéjàdemesuivresurseschaussuresquil’empêchentdemarchercorrectementetclaquentsurlaterrasseenbois.

—Qu’est-cequetufous?—Jetemontrepourquoiellet’abandonnedèsquejel’appelle.Jelaplaquecontrelemur,passelamainsousl’ourletdesarobeetlaluirelèvebrusquementjusqu’à

lataille.Unhoquetluiéchappe.Pourtant,ellenem’interromptpas.Sapoitrinefrôlemontorseàchacunedeses respirationssaccadées. Jepose les lèvresdanssoncouet les faisglisser jusqu’au lobedesonoreille, que jemordille délicatement. Son parfumme pique le nez et la langue.Dégoûtant.Cette nanadevraitvraimentarrêterlesproduitsbonmarchédontelles’arroselecorps.

—Qu’est-cequetufiches?Blake,arrête,tuesavecAbby.Seshalètementssporadiquesm’indiquentqu’ellemelaisseraaucontrairefaireabsolumenttoutceque

jeveux.—Abbyestparfaitementconscientedecequ’ilyaentrenous.Lesexe,c’esttoutcequejepeuxlui

donnerettoutcedontj’aienvie.Ellelesait.Jeglisseunemainàl’avantdesaculotte,etellemelasaisitdansunsoupir.Elleesttrempée.—Non,arrête.Jenepeuxpas.Abbyestamoureusedetoi.Jem’écartejusteassezpourpouvoirobserversesyeuxbrunsteintésdedésir.—Ehbien,danscecas, tuesnullecommecopinesi tu lasabordesenm’envoyantdes textosàsa

place.Parcequ’aulieudecoucheravecelle,jevaismetaperl’unedesgarcesquitraînentparici.Elle lance samain en arrière, prête à la rabattre surmoi, mais je lui attrape le poignet en riant.

Qu’est-cequ’ellesonttoutesàvouloirmefrapper,cesoir?—Jenesuispasunegarce,crache-t-elle.Jebaisselesyeuxsursaculottebienvisibleetluiretourneunsouriremoqueur.

—Jeneparlaispasde toi,maissi l’aventure te tente…Etpourcequiestde tanullitéenmatièred’amitié,jeconfirme.Regarde-toi,colléeaumecdonttacopineestamoureuse.

Jesecouelatêteenémettantunmurmuredésapprobateur.La colère, puis la culpabilité se lisent dans ses yeux et elle baisse la tête. Je la titille encore en

replongeantlamaindanssaculotte.Ellerelèvelevisage, la lèvrecoincéeentresesdents,etdanssonregardjevoislabataillequifaitrage.Elleposelapaumesurmamainetlapousseplusavant,jusqu’àcequej’effleurel’entréedesonsexe.Jelasensmouillée,prêteàm’accueillirquandjeveux,maisj’aidéjàobtenud’elle ce que je souhaitais.Avecun large sourire, je retiremesdoigts et étale son suc sur leslèvres.Elleplisselenezettendlamainversmoiquandjefaisminedereculer.Jericane,unriresombrefaceàsonattitudepitoyable.Puisjeretournedanslamaison,quejetraverseenpassantdevantAbbysansmême la regarder. Je viens de me comporter en parfait connard et je n’en éprouve pas le moindreremords. Que je ne ressente rien pour ces filles, c’est normal.Mais «YeuxVerts », elle, continue àm’obséder.

Chapitre9:patience

RYAN

Jemontelesmarchesetrejoinsmaplacedanslaclassed’écriturecréative,attendantqueSeanfasseson entrée.C’est le gars avec qui j’ai formé un binômequandMelody ne s’est pas présentée pour ledevoir.Elleestauxabonnésabsentsdepuisplusdedeuxsemainesetn’aréponduàaucundemesSMS.Jemedemandesiellen’apasabandonnélafac.

—Salut,monpote,ditSeanens’asseyantàcôtédemoiàlaplacedeMelody.(Jeluirépondsparunhochementdetête.)Çateditqu’onailledansunbarcesoir?

Jel’observe.Sesmèchesblondesetboucléesluitombentjolimentsurlefrontetsesyeuxvertpâlerespirentl’innocence.Jesaisqu’ilestgay,mêmes’ildéploiebeaucoupd’effortspournepaslemontrer.Je l’ai surpris en train deme reluquer un jour où je l’avais invité chezmoi pour travailler sur notreprojet.

—Ilyauradesfilles,danstonbar?Jedécèlesonlégermouvementderecul.—Ilyenatoujours,non?Onestàlafac,répond-ild’unevoixquiaperdusonbelenthousiasme.Laportes’ouvred’uncoupsurMelody.Sachevelurebrune luimasque levisage,maissonaura la

rendfacilementreconnaissable.Ellesedirigeverslechargédecoursquifaitofficedeprofesseurpourcemodule.Ilsouritgentimenttoutenluiparlantàmi-voixetposeunemainsursonépaulecommepourlaréconforter.Ellehochelatête,puissedirigeversl’escalier.Ellebloqueunemèchedecheveuxderrièresonoreilleet lèvelesyeuxversmoi.Elleaquelquechosededifférent.Elleamaigri,etsesyeuxsontremplisde…chagrin.Tandisqu’ellegravitlesmarches,sajupeenjeanm’offreunevuemagnifiquesurses jambesmusclées.Arrivéeauniveaudemonsiège,elle jetteuncoupd’œilàSean,qui sedéplacesanshésiterpourluilaissersaplace.

—Merci,murmure-t-elleens’asseyantsur lesiège laissévacant.Jesuisvraimentdésoléed’avoirraténosrendez-vouspourledevoir.

—Jet’aienvoyédesSMS.—J’aiégarémonportable,jen’aipasencorerécupérémesmessagesettoutlereste.Je fouille son regard en quête de la vérité.Et c’est exactement ce que j’y vois : la sincérité et le

chagrin.—Jeviensdepasserdeuxsemainesvraimentmerdiques,Ryan.J’aibienbesoind’unami, là,si tu

acceptesdemecroirequandjetedisquejenet’auraispasdélibérémentignoré.Laisse-moimerattraper,OK?

Jehausseunsourcil.—Terattrapercomment?Ellesedétendfaceàmonesquissedesourire.—Calmos,nevapasimaginerdestrucscochons.Jet’inviteàdéjeuneretàboiredesverres,si tu

veuxbiensortirtesaouleravecmoicesoir.—Arrange-toipourtrouverlemoyendemerépondre,àl’avenir.

Jeplisselespaupièresunesecondepourobserversonairchoqué,puisjeluisouris.—Et j’aimebien imaginerdes trucscochons,pour ton information.Maisbref, je suis tonhomme.

Seanetmoi,onévoquaitjustementl’idéedesortircesoir.Ellesetourneverslui.—Çatedérangesijem’incruste?Ill’examinequelquessecondesavantdereportersonattentionsurmoi.—Biensûrquenon.Plusonestdefous,plusonrit.Melodyhochelatête.—Merci.J’aienviedeluidemanderpourquoicesdeuxsemainesontétéaussimauvaises,maisjem’abstiens.

Onatousnotrepetitjardinsecret,unepartd’ombrequ’onn’apasforcémentenviededévoileraugrandjour.Jevoisquesonregards’estassombri,presqueaupointdedevenirplusnoirquelemien.Elleesttroublée, hantée, et j’ai envie de plonger dans ses ténèbres, de nager dans sa souffrance… Maisj’attendrai.

Lecourss’achèvesansqueMelodyécrivelemoindremot.Quandonsortdelasalle,jeluidemande:—Oùest-cequ’onvadéjeuner?—Melody!l’appelleClivederrièrenous.Qu’est-cequit’estarrivé,hiersoir?Jesuisretournéte

chercher.—J’aipréférérentrer,répond-elleenhaussantlesépaules.J’étaisfatiguée.Le regard soupçonneux qu’ilme jetteme tire un sourire narquois. Il la prend délicatement par le

poignetettentedel’entraîner,maiselleselibère.—Écoute,Clive,jecroyaisavoirétéclaire,hiersoir,quandtum’asmislesmainsauxfesses:jene

suispasintéressée.Illuijetteunregardnoir.—Danscecas,pourquoituesalléeàlafêteavecmoi?— Parce que c’était une fête et que j’avais envie de m’amuser. Ce n’est pas parce que je vous

accompagneàunefête,reprend-elleenlesdésignant,luietsonsoupirant,quejevousinviteàmepeloter.Sur cesmots, elle s’éloigne et le laisse avec sa colère. Je la suis, passant unbras sur son épaule

histoiredelefaireunpeuplusenrager.Elleremarqueleplâtrequidépassedemamanchedechemiseetm’enveloppelepouce.

—Merde…Qu’est-cequit’estarrivé?Toutsourire,jedésigneClivederrièrenous.—Lui.Ilm’afaittomberdanslesescaliers.EllesetournepourlancerunregardfurieuxendirectiondelasilhouettedeClivequis’éloigne.—Quelfilsdepute!Sean,quimarcheàmescôtés,ricane.—Donc,si jerésumelasituation:cen’estpasparcequetusorsavecnousqu’ona ledroitde te

peloterlesfesses,c’estbiença?demandé-je.Monexpressiontrèssérieusemevautuneclaquesurletorseetunrire.Lesonestjoli.Pourtant,la

tempêtequigrondetoujoursdansses iris interromptbrutalementsonaccèsde joie.C’estsansdoute laseule fille que j’aie rencontrée qui ne m’ennuie pas au bout de cinq minutes. Je n’apprécie pas lacompagniedesfemmes…nicelledeshommes,d’ailleurs.Ilm’estdifficiledetrouverquelqu’undemonniveauintellectuel.Lesgensengénéralm’agacent,ettrèsraressontceuxquim’intriguent.

Melodynousregardetouràtour,Seanetmoi,avantdehausserlesépaules.

—Çadépenddunombredeverresquevousm’offrez.Onéclatetouslesdeuxderire,maislemiensonnefaux.—Jecroyaisquec’étaittoiquiinvitais?Ellesourit.—Çasignifiequej’aurailedroitdevouspeloterlesfesses?Enpoussantlaportedesortie,Seanluiadresseunclind’œil.—Moi, je suis un homme facile. Si tu paies, tu peuxme peloter autant que tu veux.Au fait, j’ai

entendudirequeClives’étaitfaitarrêterpourconduiteenétatd’ivresselanuitdernière.Jemetourneverslui.—Commentilapusortirsivite?—Sonpèreestavocat,répond-ilavecunhaussementd’épaules.Etunavocatdepremierordre.Benvoyons!—OnvachezFrankie?suggèreSeanalorsquenousquittonslebâtiment.—OK,acquiescé-je,captantlehochementdetêteapprobateurdeMelody.Peum’importeoùjemange.Lesrepasnesontquelemoyendenourrirmoncorps,çan’arienàvoir,

chezmoi,avecleplaisirdugoût.Nousnousinstallonsàunetableetcommandonsburgers,fritesetmilk-shakes.—Alors,c’étaitcomment,tonvoyage?Tuesrentréecheztesparents,c’estbiença?m’informé-je.LesyeuxdeMelodysemettentàbrillercommeduverrepoli.Elleblêmitets’agitesursonsiègeen

se tordant les mains. Quand le carillon retentit, elle tourne les yeux vers la porte et sa respirations’accélère.Crisedepanique.Suivantsonregard,jevoisentrerdeuxofficiersdepolicequejeconnaissous le nom de Ryes et Mills, des amis de Blake. Je leur fais un signe de la tête. Alors qu’ilss’approchentdenotretable,jereportemonattentionsurMelody.Elleneleslâchepasdesyeuxetjelavois secouer très légèrement la tête quand ils arrivent à notre hauteur. Je tends le bras vers elle aumomentoùunemainseposesurmonépaule.

—Salut,Ryan.Commentçasepasse,l’école?medemandeRyes.Melodybougesursonsiègeetsemblemieuxcontrôlersarespiration.—Laroutine.LepolicierremarquemamainserrantcelledeMelodyetsouritdetoutessesdents.—Onorganiseunbarbecuesamediprochain.Tonfrèreysera.Tudevraisveniraussi,etamenerta

copine.—Veuillezm’excuser,murmureSean,jedoisallerauxtoilettes.Jem’écartepour le laisser sortirde labanquetteet l’observequi sedirigevers les toilettesen se

passantlesmainsdanslescheveux.Melodysuitmonregard,unsourireauxlèvres.—Onverra,dis-jeàRyes.Surce,laserveusenousapportenosboissons.—Bon,çam’afaitplaisirdetevoir.Soissage,conclutRyesenriant.Ilrepartenmedonnantunetapeamicalesurl’épaule.—Çava?demandé-jeàMelody.Sourirecrispé.—Commentçasefaitquetuconnaissesdespoliciers?—Monfrèreenestun.Elle hoche la tête,mais je vois bien que son esprit est ailleurs. J’aimerais en savoir plus, être à

l’intérieurdesoncrânepourvoircequ’ellepense.Jevoudraislaquestionner,maisjem’enabstiens.Jepassemoi-mêmepasmaldetempsperdudansmespensées,etjen’aimepaslesgensquiviennentfrapper

àuneportequejerechigneàouvrirdevanttémoins.—Jepeuxm’asseoir?intervientSean,deretour.Leparfaittiming.Jemelèveetlelaisseseglissersurlabanquette.

Chapitre10:perdue

MELODY

QuandRyanm’ademandé si j’étais alléechezmesparents,des imagesd’euxm’ontaussitôt emplil’esprit.Etpuis,lesofficiersdepolicesontentrésdanslerestaurant,etmoncerveauafaitlaconnexionentrelesdeuxévénements.J’aibiencruquej’allaistomberdanslespommes.Lesténèbresontcommencéàserefermersurmoiàmesurequelespoliciersapprochaient.C’estlamaindeRyanquim’araccrochéeàl’instantprésent.J’aiétésoulagéequ’ilnemeposepasdequestionssurmacrisedepanique.

Toutmerappellemesparentsassassinés,neserait-cequem’éveillerchaque joursansrecevoir lesSMS inspirésdepapa.Ungesteaussi simplequeceluid’enfilermesvêtementsme renvoieà laviréeshoppingencompagniedemamanpourlesacheter.Préparerlepetitdéjeunermefaitprendrecruellementconsciencequeplusjamaisjenegoûteraiàsacuisine.Mavoiturem’évoquepapa.L’odeurdusoleilquichauffelebétonmereplongeaucœurdesvacancesd’été.Jen’arrivepasàleuréchapper.Pourtant,illefaut, car à la suitede tous cesbons souvenirs arrive inévitablement celuide leurmort atroce, de leursouffrance,deleurpeur.Etaveclui,madouleuretmesangoisses.Jen’enrevienstoujourspasqueleurassassinm’aittouchée.Lesmainsquiontvolélaviedesdeuxseulespersonnesquej’aimaisonttenulamienneàleurmerci,sansmelaprendre.Oubiensi,ilm’atuée,etjesuisenenfer.

J’essuielalarmeégaréesurmajoue.Ilfautquejem’endurcisse.Lasonneriedemontéléphonemeprévientquej’aimanquédeuxappelsdeMarkus.Jen’encroispas

mes yeux : il a enregistré son numéro dansmes contacts avant deme rendre enfinmon portable ! IlcontinueavecdesSMS:

J’aibesoindetoiici.Arrêtedetecomportercommeunegamine.J’aibesoindescodesducoffre.Aucabinetd’avocats,ilsrefusentdemeparler.Ilsdisentquel’avocatdepapaestenvacances.

Sestextosmedonnentenviedehurleretdeluiarracherlapeaujusqu’àcequ’ilressenteenfindela

douleur.Commentpeut-ilêtreaussifroid,aussiégoïste?Jejettemontéléphonesurlebureau.Machambreuniversitairenem’apporteaucunréconfort.Papaa

payélesupplémentpourquej’ysoisseule.Etça,pourêtreseule…Unespacevide,àl’imagedemavie.Jenemesuisrapprochéedepersonneici,àl’exceptiondeRyan,etmesamisd’enfanceonttousquittélenidetvolentdésormaisde leurspropresailes. Jen’aimêmepaseudenouvellesdeZane.Quant à la«maison»…Cetendroitn’estpluschezmoi,enfait,c’estdevenuunescènedecrime.Untombeau,uncauchemarquis’estgravésurchaquesouvenirquejegarded’elle.

Le typede la fête, celuiquim’a littéralementmise sur les fesses l’autre jour, est la seule choseàlaquelle jemeraccroche.Dèsquemespenséess’évadent, jerepenseà luietauchocquej’aiéprouvéfaceàsonimpolitessecrasse.J’aimémoriséchaquedétaildelascène,etjepeuxmerepasserl’incidentenboucle.Sonodeur de terre, sa voixdebaryton, sa façonde se tenir…C’est commeçaque je l’aiimmédiatement reconnuà la fête.Etvoilàqu’il s’est révéléêtreunconnardencorepirequeceque jecroyais. Jen’arrivepasàcomprendrecomment j’aipume laisseralleraupointde l’embrasser.C’estvrai qu’il est très beau, mais ses yeux restent méfiants. Pff ! Pourquoi faut-il qu’il affiche une tellecontradiction?

Jem’emparedemesaffairesdetoilette : j’aibesoind’unedouche.Sousle jet, je laissecouler leslarmesenespérantqu’ellesm’aiderontàévacuercevidequimedévore.Jesuisperdue.J’aimeraismedissoudredansl’eauetmelaisseremporterdanslescanalisationsjusqu’àlamer.Masolitudepèsesurmoncœur.C’estunfardeauécrasantquim’étouffe,consumemespensées.

Tuestouteseule,tun’aspersonne.Tun’esàpersonne.La sensation est là, sur ma peau, m’enveloppant de sa brume froide et poisseuse, m’ôtant toute

chaleur.Commentpeut-oncommettrepareillehorreur?Pourquoieux?Pourquoimoi?Pourquoi?Ilfautquejedébranchemoncerveau…

Jem’essuieetenfileunjeanskinny,unhautnoiràbretellesetdesbottinesdemotard.Jelissemescheveux et sors sans maquillage. Mes pieds me portent dans une sorte de brouillard jusqu’à ladiscothèque.Mon esprit est en pilotage automatique. Ilm’ordonne de cesser de réfléchir, de ne fairequ’exister.

QuandRyanetSeanmerejoignent,j’ensuisàmonquatrièmeverred’alcool.J’agitelamaindansleurdirectionetsignaleaubarmanderemettrematournée.

—Hé,tuascommencésansnous?s’étonneSean.Jeluisouris.Lachaleurdel’alcoolaremplacélefroidglacialdemonesprithanté.—Ouais,vousallezdevoirrattrapervotreretard.Jefrappesurlebaretdescendsmonshotculsec.Lebarmanhausseunsourciletadresseunsignede

têteàRyan.—Oui,remettez-luiça,indiquecelui-ci.Lebarmanestplutôtmignonavecsescheveuxblondsenbataille,sesbrasmusclésetsesyeuxbleus.—Jen’aipasbesoindesapermission,grommelé-je,furieuse,enluitendantmacartedecréditavec

unregardnoir.Faitescouler.Souriant,ilprendmacarteetposeunemainsurlamiennepourretenirmonattention.— Jem’inquiétais juste pour vous, beauté. Vous avez déjà pasmal bu, et vous allez bientôt être

complètementsaoule,sivouscontinuezàcerythme.Jeretiremamain.—C’estbienlebut,oui.L’airambiant,alourdid’unmélangedesueur,detensionsexuelleetdevapeursd’alcool,mecolleàla

peau.LesbassesentêtantesduDJ,lesmainsdeSeanetdeRyansurmeshanches,undevant,underrière,mefontoubliertoutlereste.Jeflottedansunnuagealcoolisé.

—Allonschezmoi,mecrieRyanàl’oreille.Ilm’attrape par lamain etmes jambes le suivent tandis qu’ilm’entraîne à travers la discothèque.

Dehors,l’airfraismegiflelevisageetm’emplitlespoumons.J’ailatêtequitourne,lavisionbrouillée,les jambes en coton. Un gloussement remonte de ma poitrine, avant de se transformer en sanglotsincontrôlables.

—Hé,qu’est-cequinevapas?

Je reconnais la voix deRyan, qui susurre àmon oreille, et je laisse le réconfort de sa proximités’engouffrerenmoi.Mespaupièresseferment.

Lespetitsbonshommesquifrappentàcoupsdemarteaudansmatêtem’arrachentungrognement.J’ai

labouchesisèchequej’aidumalàdécollermeslèvres.Lesouvenirdelanuitpasséemerevientd’uncoup,suividelaraisonpourlaquellejevoulaismesaouler.Papaetmaman.Partis.Assassinés.

Jemesensbrisée,éparpilléeenmillemorceaux.Voilà,jenesuisqu’unnuagedepoussièredanslevent, les cendres d’un feu éteint.Lamainquim’aprise à la gorgedans lamaisondemesparents estencorelà.Ellemeserrefort,dérobantmonâme.

Jeremonteledrapetbalaielapièceinconnueduregard.Toutestpropre,presquetrop.Lalumièrecruedu soleilmepique lesyeux. Jedégagemes jambesdescouverturesetgrimacequandmesorteilsentrent encontact avec leplancher froid.Sur lapointedespieds, jegagne laporte et lâcheun soupirsoulagéenconstatantquelasalledebainsestouverte,etàseulementquelquesmètresdelapièceoùj’aidormi.Enypénétrant,jemeretrouvefaceàunmiroiretunfrissonmeparcourtlesveines.J’ailesmainsquitremblent,commechaquefoisquejemevoisdansuneglacedepuiscettefameusenuit.

—Toutvabien,Mel.Tuessaineetsauve.J’essaiedeme rassurer, lesyeux rivésàmon reflet. Jene reconnaispas l’imagedéforméequime

regarde.Mescheveuxbrunsontperduleurbrillance,mespupillessontdilatées.J’aivraimenttropbu.Jebaisselesyeuxverslaculotteetlabrassièrequejeporteetlâcheunnouveaugrognement.

Soudain,uneombrepassederrièremoi,meparalysant.L’ombreprendlaformed’unhomme.Mortede peur, je perds mon souffle. Les battements de mon cœur ralentissent avant d’accélérer de façonerratique. Une main posée sur mon épaule fait surgir un flot de souvenirs de la nuit alcoolisée. Lespicotementsdansmagorgemedonnentleslarmesauxyeux.Unhaut-le-cœurmevrillelescôtes.

—Putain,pourquoiilcontinueàramenerdesfillesàlamaison?marmonnel’hommederrièremoi.Jecrachepeuélégammentdanslelavaboetouvrelerobinetpourlaverlestracesdemabile.Puisje

relèvelesyeux.C’estimpossible!Sesirisontlacouleurmétalliqued’unrevolver,avecdestachesvertsombre.Sescheveuxbrunssontcoiffésenarrière.Sachemiseblancheestsortiedesonpantalonlarge.Quelquesboutonsensontdéfaits.Jeposelesyeuxsurlesmusclespuissantsquejedevinedessous.Puisreportemonattentionsursonregard,rivéaumien.

Chapitre11:déjà-vu

BLAKE

Cen’estpaspossible!J’aifaceàmoilesyeuxvertsquihantentmesnuitssanssommeil.Elleestlà,dansma salle de bains, en sous-vêtements. Je passe son corps en revue presquemalgrémoi. Svelte,toniqueetbronzée,elleal’airsidoucequej’aienviedetendrelamainpourtouchersapeau.Sesseinsrondsremplissentlabrassièrequ’elleporte,etmanifestementmonregardappuyéluifaitdel’effet,carjevoissesmamelonsdurcir.J’enai l’eauquimemonteà labouche.Ellebougeses jambes,attirantmonattention sur leV parfait entre ses cuisses, sur son shorty de dentelle noire quime secoue le bassin.Bordel,elleestglabre,jevoissesreplisàtraversladentelle.Monsexes’éveilleaussitôtetdurcit.Maisqu’est-cequ’ellefoutici?

—Ah,salut.Elleestavecmoi,annonceRyan,quivientd’arriveretmetapoteledos.Il passe près de moi et la prend par la main pour l’entraîner avec lui. Je cède alors à une

violente impulsion, mû par des émotions que je n’ai jamais ressenties jusqu’ici. Je la saisis par lepoignet, les immobilisant tous les deux. Les iris verts se plantent dans les miens et ses lèvress’entrouvrent. Putain, putain, putain…Elle est venue passer la nuit ici avecRyan.Or, les préférencessexuellesdemonfrèreneconviennentpasauxjeunesfemmesauxyeuxvertscommeelle.Maispourquoil’idéequ’ellesoitvenueicisefairesauterparRyanmetord-ellelestripes?

—Qu’est-cequetufais,Blake?Lâche-la.Jechasselabrumeconfusequim’empêtrelecerveau.Libérantsonpoignet,celuiquiporteletatouage

«VIVRE» et la fleur, je lève les yeux versmon frère. Ilm’observe, en quête de réponses que je nesouhaitepasluidonner.

—Jet’aidéjàditcequejepensaisdetamaniederamenertesputesici,Ryan.Sonhoquetm’obligeàreportermonattentionsurelle.—Vatefairefoutre!souffle-t-elle,avantdesortirdelasalledebainsentrombe.Ryanmepousseauniveaudutorse.Jebaisselesyeuxsurl’endroitoùilvientdeposersamain,avant

d’observer son visage, un sourcil haussé. Jamais, auparavant, il n’a pris la peine de réagir à mesremarques.

—Arrête,Blake.Ellen’estpascommelesautres.Elleestdifférente,etjen’aipasbesoinquetuluifassespeur.Pourça,jepeuxtrèsbienmedébrouillertoutseul,siçamechante.

Surcesmots,ilfaitvolte-face,melaissantsansvoix.J’adoremon frère. Ilpeutagirde façon irresponsable,notammentquand il ramèneà lamaison les

traînéesqu’il lèvedansdesclubs.Pourtant, jamais jusqu’àaujourd’hui jen’aieuenviede lui fairedumal.Jamaisjusqu’àelle.L’idéequ’ilsoiticiavecelle…«Elleestdifférente.»

Etmerde!Cettefillem’aembrouillélatête.J’aifailliàmamission,danscettemaison,ennelatuantpas. Je l’ai regardéesebriser.Depuis, ellemehantequand j’essaiededormiretoccupemespenséespendantmes heures d’éveil.Et voilà qu’elle est là, chezmoi, dans le lit demon frère.Qui est-elle ?Pourquoia-t-elleétéenvoyéepourmettrelebazardansmatête?

Jeterminedemeprépareretmerendsaurez-

de-chaussée. J’ai dû les rater au moment où ils sortaient de sa chambre, car je les retrouve dans lacuisine,devantuncafé.Et tous lesdeuxhabillés.Elleposesurmoiun regard intensealorsque jemedirigeverslacafetièrepourremplirmatasse.Jem’apprêteàprendreunegorgéequandunblonddébouledanslapièce,simplementvêtud’unboxer.Putain,maisc’estquoi,cebordel?Ilrougitcommeunefilleenmevoyant.

—Salut.Ilm’adresseunhochementdetêteavantdesetournerversMelody,quiréprimeunsourire.—J’airatéunefête?demandé-je,unsourcillevéfaceausourireironiquedeRyan.—Tunesupporteraispaslesfêtesquej’affectionne,frangin.Melodyécarquillelesyeux.—Ryan,mercidet’êtreoccupédemoi,ettoiaussi,Sean,maisplusjamaisjenetoucheraiàunverre

d’alcool.Elle pose sa tasse dans l’évier, son bras effleurant le mien au passage. Ce bref contact suffit à

réveillermonérection.—Jedoisretournerdansmachambreuniversitaire.Et,surunpetitsigned’adieupar-dessussonépaule,ellequittemamaison.Plutôtdésinvolte,comme

aurevoir.—Ellen’estpas tongenre, lancé-jeàRyan,avantdeposer lesyeuxsur le typequasinuplanté là

commeunestatue.Vaterhabiller,toi,lafêteestfinie.Monfrèresuitduregardlegarsquis’éloigne.—C’estjustedespotesdelafac,répond-ild’untondénuédetouteémotion.Letypeàquituviensde

causeruneattaquecardiaque,c’estSean,etlananaquetuasinsultéedanslasalledebains,c’estMelody.Etbienqu’ellemefascine,jenelabaisepas.

Pourquoiest-cequecetaveumedétendtoutàcoup?OK,jenevaispasm’attarderlà-dessus.Jesorsde lapièceavantquemon frèrenepuisse interpréter lepetit sourirequi s’ébauche surmes lèvres. Jem’endoutais:unefillecommeellenesauteraitpasdanslelitd’unsalopardtordudesonespèce,mêmesielleatentésachanceavecmoi.Jeparsautravailsansajouterunmot.

Chapitre12:leslimites

RYAN

Assisdevantmoncafé,jemesensunpeufatigué.Jen’aimepastropboiredel’alcool.Mais,vuqueMelodymevidaitquasimentlesshotsdanslabouchehiersoir,jen’aipasvraimentpuyéchapper.Jemerepasseenbouclelesévénementsdelaveille.

JemerevoisporterMelodyjusqu’autaxi.Elleétaitagitée,mêmedanssonsommeilalcoolisé.C’étaitdoncainsiqu’elleavaitchoisidegérersesproblèmes,avecl’alcool.Etlatempêtequej’avaisluedanssesyeuxindiquaitqu’elleessayaitdelutterpoursemainteniràlasurface.J’aieuenviedeluiposerdesquestions,del’inciteràs’ouvriràmoi.Maissondiscoursincohérentnem’arienrévélédesavisitechezsesparents,nidelaraisondesasilongueabsence,nicelledesonchagrin.Surtoutcela,elleestrestéemuette.

Seanestmontédanslavoitureàcôtédemoi,jetantdefréquentscoupsd’œilverselle,endormiedansmesbras.J’aidonnémonadresseauchauffeurdutaxi,etlesdixminutesdutrajetsesontdérouléesensilence.Quandonestarrivésàdestination,Seanasembléhésitant.Manifestement,ilnesavaitpastrops’il était le bienvenu ou pas. J’étais curieux de voir s’il allait me laisser emporter uneMelody sansconnaissancechezmoisanspipermot.Aprèstout,ilnemeconnaîtquedepuisdeuxsemaines.

Auboutducompte,c’estlechauffeurquiainterrompunotresilence.—Ellevabien?Vouslaconnaissez?Jeluiaisouri.—C’estnotremeilleureamie,ellevitunerupturecompliquée.Sean,bébé,vaouvrirlaportière.Lechauffeurdetaxiagrimacéethochélatêteennousregardanttouràtour,Seanetmoi.Quantàce

dernier,ilmecontemplaitd’unairmédusé.—Laportière,ai-jerépétéenluidonnantuncoupdepieddanslacheville.Ilestsortiduvéhicule,puisl’acontournéencourantpourvenirouvrirdemoncôté.Jemesuisextrait

delavoitureavecpeine–pasfacileavecunepersonneendormiedanslesbras.—Paielacourse.Seanafouillédanssonportefeuille,tenduunbilletdevingtauchauffeurettapésurletoitdutaxipour

luisignifierquenousn’avionsplusbesoindelui.Celui-cis’estexécutéenprojetantdesgravillonsauxalentours.

—Lacléestdansmapocheavant.Lesyeuxécarquillés,Seanaplongélamaindansmonpantalon,etsapeaupâles’estenflammée.J’ai

dûréprimerunéclatderireenlevoyantincapabledecroisermonregard.Cegarsestaussifacileàlirequ’unlivreouvert,etlepire,c’estqu’ilnes’enrendmêmepascompte.Pathétique.Iladéverrouillélaporteetm’asuiviàl’intérieur.Jesuismontédirectementàl’étage,oùj’aiallongéMelodysurmonlit.

—Enlève-luisonpantalonetseschaussures.Ilfautquej’aillepisser.Ilaparurechigner,sonregardpassantd’elleàmoi.—Sean.—Pourquoituasracontéauchauffeurdetaxiquec’étaitnotremeilleureamie?

J’aiplissélespaupières.—Ilposaitdesquestions.Fautdireque,deuxétudiantsquiramènentunenanaévanouie,c’estunpoil

suspect,non?Jemesuisditques’ilnouspensaitplusintéressésparbaiserentrenousqu’avecelle,illafermerait.

LevisagedeSeans’estempourprédeplusbelle.Jemesuisapprochédelui,siprèsquenosvisagessetouchaientpresque.Jemesuismordulalèvreetj’aivusespupilless’yattacheravidement.

—Iln’apasbesoindesavoiràquelpointonaimelachatte,etàquelpointonaenviedegoûteràcelledeMelody.

Là,ilasursautéets’estécarté.—ElleestHS,Ryan.Benvoyons!Etceseraitpourçaqu’ilnevoulaitpaslagoûter.Punaise,s’ilyavaitbienuneoccasion

rêvéepourm’avouerqu’ilboxaitdansl’autrecatégorie,c’étaitcelle-là.Jeluiaitournéledosenlançantpar-dessusmonépaule:—J’aimequelesfemmessachentcequileurarrivequandellessontavecmoi,Sean.Tumeprends

pourqui,sérieusement?Jesouriaisàl’idéequ’ilsetordaitlesmainsd’anxiété.Unefoismesaffairesposées,jemesuisdouché,laissantvolontairementlaportedelasalledebains

ouverte pour que Sean aperçoive dans le miroir le reflet de mon corps mouillé depuis son posted’observationdans le couloir.Et je l’imaginais se retenir de caresser son sexe en érection. J’ai alorscoupé l’eauet suissorti,histoirequ’ilmevoieenvrai. Il s’estmisà respirerplusvite, lespaupièreslourdes.Jeluiailaisséunebonneminutepourbienprofiterduspectacle.Jememaintiensenforme.JesuispluspetitqueBlake:monfrèreestlarged’épaulesetbaraqué,jesuisminceettonique.Etj’aiunetabletted’abdominauxquimecoûtedeuxcentsrelevéschaquejour.

—Sean,tufaisquoi,merde?Iladétournébrusquementlesyeux,gênédeserendrecomptequ’ilreluquaitmonmatosdepuistoutce

temps,etdanssonjeanj’aipuconstatercequ’iltâchaitdecacher.Ils’estcognécontrelemurenfuyantmaladroitement,toutenmarmonnant:—J’aibesoind’allerauxtoilettes.Je l’aisuiviàgrandesenjambées, toujoursnucommeunver,attrapantuneserviettesurmapileau

passage. Je me suis séché et j’ai enfilé un boxer. Revenu des toilettes, Sean a enfin agi selon mesrecommandationsenmettantMelodyplusàl’aise.

Alors,j’aisautésurlematelasàsescôtés,inhalantlatouchedepommeémanantdesapeau,etj’ailâchéunsoupir.Douce,douceMelody.Commeelleauraitétéfacileàprendre…

— Sean, fais comme chez toi dans la salle de bains, et puis installe-toi sur le futon, mec. J’aisommeil.

Ilaacquiescé.Jefaisaissemblantdedormirquandilestrevenu,maisenréalitéj’aipasséunenuitquasiblanche.C’estlesoleilsurmespaupièresquim’aréveillé.J’avaisoubliédefermerlesvolets.J’airemarqué

queMelodyn’étaitplusaulit.Sean,lui,étaitencoreendormisurlefuton.Ayantentendudesvoix,jelesaisuiviespourdécouvrirBlakedanslasalledebains,quidiscutaitavecMelody.Lapeursereflétaitsursonvisage.Pourtant,ellerestaitséduisante.

Vu le comportementbizarredeBlake avec elle, j’en ai déduit qu’il la connaissait,maisd’où?Etpourquoia-t-ilsouriquandilacomprisquejenel’avaispastouchée?

Jelèvelesyeuxverslapendule.Si jereprendsuncafé, jeseraienretardpourledébutdescours,alorsquejeprévoisdedonnerlepetitcadeau,quej’aipréparélaveille,àCliveetàJacob.Appuyantsur

leboutonpourrelancerlacafetière,jemerassiedsetlaissemespenséesdériver.

Chapitre13:l’amitié

MELODY

En quittant la maison de Ryan, je me rends compte que je n’ai pas ma voiture. Je réprime ungrognementetentamelelongtrajetderetouràpied.

Marchermefaitdubien.Monattitudeirréfléchiedelaveillen’estpassansconséquence,etj’éprouvelebesoinderespirerl’airfraisafindemedébarrasserducognementsourddansmoncrâne.J’aieudelachancequeRyanetSean se soient avérésdignesde confiance,même siRyanest absolumentnulpourpréparerducafé.Lesienestsifortquej’ail’impressiond’avoirlalanguetapisséedegoudron,cequinesoulageenrienmesnausées.

Monesprits’évadeversBlake.Ha!Alors,commeça,cetarroganttrouducaunprénometilestlefrèredeRyan,cequisignifiequ’ilestofficierdepolice.Commentuntypepayépourprotégeretservirlescitoyenspeut-ilêtreunconnardaupointdenepasproposersonaideàlafillequ’ilafaittomber?Etjeneparlepasde lamanièredont ilm’a rembarréeaprèsmonbaiser, sanscompter l’intensitédesonregarddanslasalledebains…L’airauraitpus’enflammersinoscorpss’étaienttouchés.

Enmereconduisantàsachambre,Ryanm’aquestionnéesurlafaçondontons’étaitconnus,etjeluiaiditlavérité:quej’ignoraisjusqu’àsonnomavantqu’iln’éclairemalanterne.Blake.Çaluivabien.Unprénomfort,pleind’assurance,quisemarieavecl’auradesupérioritéqu’ildégage.

LeKlaxond’unevoitureapprochantmefaitsursauteretjemanquedeglisserdanslefosséquej’évitesoigneusementdepuismondépart.Unevitresebaisseetunetêteauxcheveuxrouxvifensort.

—Salut!melancelafillesuruntonenjoué.Elle me sourit chaque fois qu’elle me voit. On est ensemble en cours de journalisme et,

manifestement,elleaenviequ’ondevienneamies.Pourtant,jenemesuisjamaisprésentéeàelle.Jepenchelatêtepourjeteruncoupd’œilàl’intérieurdelavoiture.C’estsasœurquiconduit.Toutes

lesdeuxpossèdentlamêmechevelurerousseetflamboyante,ainsiquedesyeuxpresquenoirsquileurdonnentunairintense,quasisurnaturel.

—RedetCherry,fait-elleavecungrandsourire,désignantsasœurpuiselle-même.Jehausseunsourcil.—Cesontdessurnoms,tul’aurasdeviné,pouffe-

t-elle.—Ah,ilyaunevoiturequiarrivederrièrenous!s’écrieRed.Cherrylèvelesyeuxaucieletsortlebrasparlavitrepourfairesigneauconducteurdepasser,cequi

luivautunboncoupdeKlaxonquandillesdouble.—Tuasbesoind’untaxi?J’acquiesceetellessegarentafinquejesautedanslevéhicule.J’aiàpeinerefermélaportièreque

Redredémarreentrombe.—Merci.Deuxsouriresme répondentdans le rétroviseur.Cherryaune fossetteetdes traits légèrementplus

juvénilesquesasœur.

—Onsecroisesur lecampus,etonamêmeuncoursensemble.Etpuis,ont’avuehiersoiravecRyanetSean.

Laphrasen’estpas formulée sous la formed’unequestion,maisd’uneobservation.Ellesdevaientêtredanslamêmeboîtedenuit.Cen’estpasétonnant,l’endroitestappréciédesétudiants.

Jemecontented’un«ouais»enguisederéponse.Elleséchangentunregard.Redtapotelevolant.—EtturentraisdechezRyan,là?—Oui,j’aipassélanuitlà-bas.Lesdeuxpairesd’yeuxonyxs’écarquillent,etCherrypivotesursonsiègepourmefaireface.—Ohlàlà!Etilétaitcomment?Redaremplisontiroiràculottesdetenuescoquinesdepuislejour

oùelleaposélesyeuxsurlui,enespérantpouvoirluioffrirunfestivalcochondanssaforêtvierge.J’ouvregrandlaboucheetlaisseéchapperunéclatderire.—Sa«forêtvierge»?Redjetteàsasœurunregardfuribard.—Benoui,tusais,unpoilpubiencoincéentrelesdentsquandil…Cherrycomplètesaphraseparunclind’œil,désignantl’entrejambedesasœur.Ungestequiluivaut

unetapesurlamain.—T’espeut-êtreuneguenon,Cherry,maismoi,jesuisépilée!—Uneguenon?Jemetiensleventrederire.—C’estunevraiejungle, là-dessous!s’amuseRed.Alors…?continue-t-elle,curieused’entendre

demabouchelesexploitssexuelsdeRyan.—Désoléedevousdécevoir,mais il s’est comporté enparfait gentleman, etSean aussi.On s’est

couchésdirectement.Ladéceptionselitsurleurvisage,etCherryseretourneverslaroute.—Hum,SeanetRyan?Unbeauhot-dog,pourtant.Sasœurplisselespaupières,etnouséclatonsderiretouteslestrois.En arrivant devant la résidence universitaire, j’éprouve une certaine appréhension à l’idée de

descendredevoiture.Pendantlesquinzeminutesquej’aipasséesavecelles,jen’aipasuneseulefoispenséàmesparents.Laculpabilitémerattrape.Commentpuis-jerirealorsqu’ilssontfroidsetallongéssurdestablesenmétal?

—Melody?Jesecouelatêtepourmereconcentrersurelles.—Désolée,quoi?Cherryavraimentuntrèsjolisourire,quiluiilluminetoutlevisage.—Redetmoi,onsefaituneviréeshoppingdemain.Tuveuxvenir?J’aibesoindequelquesaffaires,etçameferaitdubiendepasserdutempshorsdemachambre.—Avecplaisir.—Super,onpourrayallerdirectementaprèslescours.Rendez-vousdanslacourintérieure.Je saisis la poignée de la portière en les remerciant, mais mon ventre se noue à la vue de deux

hommesencostume-cravateplantésdevantunevoiturebanalisée.Ilsmerepèrentetnemelâchentplusdesyeux.Jemedirigeversmonbâtiment,maism’immobilisequandilss’approchent.

—MademoiselleMasters?MelodyMasters?m’interrogeleplusgranddesdeux,celuiauxcheveuxpoivreetsel.

Son comparse ôte ses lunettes noires, sous lesquelles je découvre un regard bleu empreint de

compassion.Jehochelatêtepourleurconfirmerquec’estbienmoi.—Jesuisl’inspecteurRoberts,etvoicil’inspecteurDonovan.(Tousdeuxmemontrentleurinsigne.)

Noussouhaiterionsnousentreteniravecvous,sic’estpossible.Jelesconduisjusqu’àmoncouloir,sansprêterattentionauxregardscurieuxdemespairs.—Entrez,murmuré-jeendésignantmachambre.Ilsobtempèrentetrefermentlaportederrièreeux.J’ailesmainsquitremblent,jen’arrivepasàles

contrôler.Alors,jecroiselesbrassurmapoitrineàlamanièred’unbouclier.—Nousavonsétéinformésdevotresituation,mademoiselleMasters.Jeposelesyeuxpartout,saufsureux.—Nousvousprésentonsnosplussincèrescondoléances.Tuparles!Ils ignorentlavaleurdeceuxquim’ontétépris.Ceflicnefaitqueréciterdesmotsde

circonstance.—Pourquoiêtes-vouslà?demandé-je.Leplusvieuxdesdeuxs’éclaircitlagorge,puisjetteàsoncollègueuncoupd’œil,commepourlui

dire:«Jetepasselebébé».Celui-ciavancealorsd’unpasets’adresseàmoid’unevoixdouce,commes’ilparlaitàuneenfant.

—Melody,nousavonsdesraisonsdecraindrequevousnesoyezpasensécurité.Marespirations’accélère.—Ilm’alaisséepartirpourtant.Donovanfouillemonregard,puistendlamainversmoietmefrôlelecoudepourmeguiderversmon

lit.—Asseyez-vous.Moncorpsobtempère.Lepoliciers’agenouilleafindeseretrouveraumêmeniveauquemoi.—Melody,vulafaçondontvosparentsontétéassassinés,nousnecomprenonspasquelecriminel

vousaitlaisséeindemne.—Oh,rassurez-vous,inspecteur,ilalaissésamarque.Mabravoureprochedel’effronterielefaitsursauter.—Jevousdemandepardon,jemesuismalexprimé.Nousavonsdesraisonsdepenserqu’iln’ena

peut-êtrepasterminéavecvous.Fermantlesyeux,j’essaied’assimilercequ’ilvientdemedire.—Avez-vouslamoindrepistesurceluiquiafaitça?Ilselève.—L’enquêteestencours.Jesuisnavréquenousnepuissionsrienvousapprendredeplus,maisles

criminelsaussisûrsd’euxfinissenttoujoursparcommettreuneerreur,etc’estàcemoment-làquenouslecoincerons.

Moncœurseserre,maisjenelisquedeladéterminationdanslesyeuxdupolicier.—Nousaimerionsquevousnousaccompagniezauposteafinderépondreàquelquesquestions.Et

nousvoudrionsaussigarderunœilsurvouspendantuncertaintemps.Je frissonne malgré mes bras serrés autour de moi. Le froid glacial que je ressens souffle de

l’intérieur.—Qu’est-cequeçasignifie?Lepoivreetselreprendlaparole.—Nevoustracassezpas,mademoiselleMasters.Onvajusteposterunpolicierenfactiondansvotre

résidence.Ilrepéreradiscrètementtoutepersonneagissantdefaçonsuspecte.

J’écarquillelesyeux.—C’est la routine,Melody.Quandnouspensonsqu’unepersonneestendanger,nousprenonsdes

précautions afin que tout se passe aumieux, intervientDonovan.Si vous avez lamoindrequestion, lemoindresouvenirquivousrevient,n’hésitezpasàm’appeler,d’accord?Nouspouvonsvousemmeneraupostemaintenant,sivousavezletemps.

Jeprendslacartequ’ilmetendetmeremetsdebout.—Non,jeviendraidemain,sivousvoulezbien.Ilmeposeunemainsurl’épaule.—Vousn’êtespasseule,Melody.Nousallonsfairetoutnotrepossiblepourtraînercetanimaldevant

unecourdejustice.—Donovan!aboiesoncollègueendésignantlasortied’ungestedelatête.L’inspecteurretiresamainetlaporteserefermesureux.Jem’effondresurlesoletmelaissegagnerparleslarmes.Desquestionssebousculentdansmatête,

maisellesneconduisentnullepart.Quiestcetype,etpourquoinem’a-t-ilpastoutsimplementtuée?Leréveilprèsdemonlitm’informequejesuisenretardpourmoncours.Detoutefaçon,jen’aipas

lecouraged’yaller. J’ignoreceque je fais là,àcontinuerdevivrenormalement,commesi toutallaitbien,commesimesentraillesnepourrissaientpasàforcedechagrin.Jedoismeconcentrersurlacolère,cettefureurquejedirigecontreHadès,cesalaudquim’adérobémavie.C’estforcément lediableenpersonne.Quid’autrepourraitêtreaussicruel?

Chapitre14:lemeurtre

BLAKE

—Unecontravention?ricané-je.—Laissetomber,Braxton.Ravalant legrognementquimemonteà lagorgeenentendantmonchefm’appelerparmonnomde

famille,jequittesonbureau.—Salut,Blake,m’interpelleDonovanenme rejoignant. (Je le salued’unhochementde tête.) J’ai

besoind’une listedesagentsde sécuritépostés à l’universitéde ton frère, ainsique leurshorairesdegarde.Jemesuisditquetudevaisdéjàavoirl’info,vucommetutemontresprotecteuraveclui.

Jel’observeunmoment.—C’estpourquoi?Illâcheunclasseurdevantmoisurmonbureau.—Unevictimequi a retrouvé sesdeuxparents assassinés la fréquente aussi.On ades raisonsde

craindrequ’ellepuisseêtreencoreendanger,ducouponveutlasurveiller.Prenantsoindeconserveruneapparencedétendue,jeramasseledossier,quejefeuilletteenquêtede

détails.—Qu’est-cequivousamèneàpenserça?Ilposeunefessesurleborddumeuble,quicraquesoussonpoids.—Lafaçondontsesparentsontététués:vraimentatroce.Lemecaprissonpiedenlesexécutant.

Selonlesprofileurs,ilaprobablementdestendancespsychopathes.Or,sic’estbienlecas,iln’auraitpasdûhésiteràl’abattre,elleaussi.Lesgarspensentqueledoublemeurtreapeut-êtrejustementétémisenscèneàsonintention.

Jereposeleclasseuretattendsqu’ilpoursuive.—Onlesoupçonnedel’épierdanslebutdefrapperànouveau.Onamissonfrèresoussurveillance,

maisilressortdesesinterrogatoiresqu’ellen’estpasprochedeluietqu’ellen’aaucuneautrefamilleàqui elle tienne. Il n’y avait que ses parents. Du coup, on ignore s’il risque de s’en prendre à ellemaintenant.

Jecroiselesbrasetmecalecontremondossierpourlecontempler.—Vouspensezqu’iltentedelaséparerdeceuxqu’elleaime?J’aienviederire.Cesgenssontprofileurs,inspecteursdepolice,etvoilàlesconclusionsauxquelles

ilsparviennent.—Onsoupçonnequec’estellequil’apousséàcommettrecescrimes,mêmesionn’aaucunsuspect

pourconfirmernotreintuition.Jetapoteleclasseur.—Etlefrère?Ilsecouelatête.—Non,ilaunalibi,etpasdemobile.Pasdemobiledontilssoientaucourant,plutôt.

— On attend que l’avocat des Masters rentre des Bahamas pour l’interroger sur leur situationfinancière,mais,d’aprèscequ’onenavu,ilsn’avaientrienàcacherdececôté-là.ToutçaestenrapportavecMelody.

Jedécroiselesbraspourposerlesmainssurmescuisses,lessourcilshaussés.—Melody?répété-je,surprisqu’ilutilisesonprénom.Ilseraidit.—MlleMasters, secorrige-t-il, lesyeuxrivésauclasseur.Elleavingtans,etplusaucunefamille.

EllemerappelleEmily.Emily,c’estsafemme.Lapertedesonfrèreetdesesparentsdansl’incendiedeleurmaisonl’avait

détruite.Elleavaittentédesesuicideravantdelerencontrer.Illuiaredonnéuneraisondevivre.—JeconnaisMlleMasters.Moninterventionàbrûle-pourpointlesidère.Iltournelatêteversmoiassezvitepourrisquerdese

tordrelecou.—Quoi?—C’estuneamiedeRyan.Elleapassélanuitdernièreàlamaison.Jel’aitrouvéedansmasallede

bainsenmeréveillantcematin.Jevoissamâchoiresecrisper.Ilplisselespaupières,lesyeuxfixéssurmoi.—Ilprofitedesfemmesenétatdefaiblesse,maintenant?Unevaguedechaleurmeremontelelongdel’échineetmoncorpssefige.—Faisgaffeà lafaçondont tuparlesdemonfrère,Donovan.Et jenet’avertiraipasuneseconde

fois.Dans le quartier, Ryan a la réputation d’avoir couché avec tout lemonde au lycée, y compris les

sœursdepersonnesquel’oncôtoyaitadolescents.Etquisontmalheureusement,pourcertaines,devenuesmescollèguesaujourd’hui.

—Ilssontjusteamis,ilsn’étaientpasseuls.—Tupensesqueçaennuieraittonfrèrederépondreàquelquesquestionsàsonsujet?Cettehistoirenemeplaîtpasdutout.C’estbienpourçaquejen’accepteaucunemissionprèsdemon

lieu d’habitation. Là, c’est ma faute. J’aurais dû me montrer plus attentif quand j’ai mené ma petiteenquête sur lacibleau lieudemeconcentrer sur le frèreet sonpassif. J’auraisdûapprofondir sur sademi-sœurinscriteàl’université,loindechezlui.

—Jevaisluiparler,jeverraibiens’ilsaitdeschosesintéressantes.Donovanmetapesurl’épaule.—OK,merci.Etj’auraisbesoinquetulasuives.Detoutefaçon,jelasurveillaisdéjà.Jen’arrivepasàmelasortirdelatête,alorsautantlefairesous

couvertdelaloiplutôtqu’enharceleurdebasétage.—OK,pasdeproblème.Cen’estpascommesij’avaislechoix,enmêmetemps.Jesuisnouveau,etjeunepouruninspecteur.

Je dois grimper les échelons à force de travail, ce qui implique d’accepter les tâches ingrates qu’onconfieraitnormalementàunofficierenuniforme.N’empêche,ilsdoiventvraiments’inquiéterpourelles’ilsdéploientdetelsmoyenspourlaprotéger.

J’aibesoind’uncafé.Jemedirigeverslacafetière,maisjesuisinterrompudansmonélanpardeuxfemmesquimebarrentlechemin.

—Vouspouvezl’aider?medemandelamoinstimorée.Je scrute la fille timide qui détourne les yeux. Ses cheveux lui retombent sur le visage et ses

vêtementssonttropgrandspoursafrêlesilhouette.

—Àquelsujet?La patience est une vertu que je possède à doses homéopathiques quand il s’agit des autres êtres

humains.—Elleavuquelquechosedemal,maiselleapeurd’enparleràlapolice.Jereportemonattentionsurlajeuneagitée.—Qu’est-cequevousavezvu?Ellesecouelatêteet,unefoisdeplus,c’estsonamiequiprendlaparoleàsaplace.—Jevousl’aidit,elleapeurd’enparler.Vouspouvezlaprotéger,ici,pasvrai?Réprimant l’enviede lever les yeux au ciel et de secouer cette idiote apeurée, je tente lamanière

douce,quisemblefonctionnerpourDonovanetlesautrescollègues.—Écoutez,jepeuxvousaideretvousprotéger,maisilfautmedonnerplusdedétailsparceque,pour

l’instant,c’estunpeuvague.Lacopineserueversmoi,tropprèsàmongoût.Sonhaleineempestantlacigarettem’effleureetses

yeuxs’écarquillentsousl’effetdel’excitation.—Unmeurtre,souffle-t-elle.Ellehausselessourcils,manifestementimpressionnéeelle-mêmedeposséderdesinformationsdecet

acabit.Unepersonnenormaleseraiteffrayéeouinquiète.Maiselle,non.Laseuleidéed’avoirpeut-êtreététémoind’unmeurtrelarendeuphorique.Merde,quelleracepourrienoussommes!

Jeluiposeunemainsurl’épaule,ajoutantsuffisammentdepressionpourlafairereculer.Puis,jeplielesgenouxpourmeplaceràhauteurdesonamieapeurée.

—C’estvrai?Lagaminebalaiedesyeuxlapiècefourmillanted’activitéavantdehocherlatête.Je l’entraîne dans une salle d’interrogatoire pour plus de tranquillité, espérant qu’elle seramoins

tendueainsi,etindiqueàsonamiedes’asseoirdanslecouloirdevantlapièce.Elleouvrelabouchepours’offusquer,maisjeluirefermelaporteaunez.

—Asseyez-vous,mademoiselle…?—Jade,appelez-moiJade.Elle s’installe surunechaise. Jevaisavoirbesoind’unpeuplusqueça,mais,pour lemoment, je

m’encontenterai.Jade,évidemment.Commelacouleurdesyeuxquimehantent.Dieus’amuseavecmoi,c’estobligé.

— OK, Jade, je sais que vous avez peur, mais vous allez prendre une profonde inspiration etm’expliquercequivousamèneici.

Elleserrelesmainsdevantellesurlatable.—J’étaisderrièreleClubBlue,murmure-t-elle.J’achetaisdelacoke.Quellesurprise!Cettebécassecroitqu’onnesaitpasreconnaîtreunejunkie?—Et?—Jeterminais…delapayer.Ellesetortillesursonsiège.OK,ellefinissaitdesucerledealer.—Après,jesuisretournéeàl’intérieur,maisj’avaisposémonsacàmainparterrequandj’étais…Àgenoux.Cettefois,jeneparviensplusàcachermonimpatience.—Bref,jesuisretournéelechercher,etilyavaituntype.Elleporteunemainàsabouche,réprimantunhaut-le-cœur.Jemeprécipitesurunepoubelledansuncoindelapièceetlaluitends.Elleestsecouéepardeuxou

troisspasmes,etlesvaisseauxsanguinsenflentaucœurdesesyeux.— Il était planté au-dessusde l’autremec, poursuit-elle, celui que je venais deme taper, et il lui

frappaitlatêteavecunepierreouuntruccommeça.J’airéussiàm’enfuir.Ilnem’apasentendue,ilétaittropconcentrésurcequ’ilfaisait.

—Ças’estpasséquand?—Ilyadeuxjoursàpeuprès.Lundi,jecrois.Elle croit ? Putain, pourquoi est-ce qu’ils se remplissent le corps de cette saleté ? Ça distord

complètementleurréalité.—Vousêtesbiensûrequec’estcequevousavezvu,Jade?Ildevaitfairesombre,etvousaviezsans

douteconsommécertainessubstances.Vousaviezprisdeladrogue,cesoir-là?Elleseraiditaussitôt.—Jesaiscequej’aivu,putain!Ill’atué!J’avaisencoresonfoutredansmabouche,pourvousdire

commeçaaétévite.Ildevaitnousregarder.Ilauraitpumetueraussi!Jelalaisseseule,luiindiquantquejereviens.Sacopinesursautequandj’ouvrelaportedelasalle

d’interrogatoire.—Çavadurerunbonmoment,luidis-je.Elleclaquedeslèvresenmâchantsonchewing-

gum.—Merde,jedoisallerrécupérermongosse.Dites-luiquej’aidûpartir.Sansluiprêterattention,jemedirigeverslebureaudulieutenantNash.—J’espèrequetuapportesducafé,metaquine-t-ilenmevoyant.—Jeressembleàuneserveuse?Ilsourit.—Àaucunedecellesquej’aieuleplaisirderencontrer,Dieumerci.Qu’est-cequisepasse?—J’ailàunefillequiprétendavoirassistéàunmeurtreàl’arrièreduClubBlue.Onadesinfosqui

pourraientcorroborerça?Ilpromènelesdoigtssurleclavierdesonordinateur.—Jeseraisaucourant.Onauneagressionsexuellelà-bas,hiersoir,maispasdemeurtre.Ilafficheleprofild’unejoliebrune.—MaryKeys.Elleaportéplainte:onl’aentraînéedeforceauxtoilettesetviolée.Jeserrelesdents.L’agressionsexuelle,çamedébecte.Jesuisunecontradictionambulante.Jehais

lesvioleurs,etpourtantjen’aiaucunproblèmeàtuer…autrementditàviolerledroitdesgensàvivre.—Onadespistes?Ilsecouelatête.—Lemecestarrivépar-derrière.Etlafemmequetuinterroges,qu’est-cequ’elleditavoirvu?—Undealertabassédansl’alléedederrière.Ilhausselessourcils.— Bon, prends Rossi et allez voir sur place, mais je suis sûr que quelqu’un se serait présenté.

L’endroitestfréquenté.L’odeurâcredelabièremefrappeauvisageaussitôtquejepousselaporteduClubBlue.Lesmurs

bleunuitetlebartapissédemiroirsdonnentàl’espacevideentrelesdeuxunaspectpluscaverneuxetfroidencore.Toutestcalmeetsilencieux:pasdemusique,pasdeclients.

—Bonjour!appelé-je,àl’affûtd’unmouvement.J’entendsuncliquetis,puislecraquementd’uneportederrièrelebar.Untypeblondémerge,chargé

d’uncasierdebouteillesdebière.Ilsursauteennousvoyantetfroncelessourcils.—Vousêtesqui,vous?

Jeluiprésentemoninsignetoutenl’observantdumêmeairsuspicieux.Illèvelesyeuxauciel,maisj’aibienvusesépaulessecrisper.

—Vousavezdéjàinterrogétouslesmembresdupersonnel.Cesnanassesaoulent,ellesdraguentlesmecs,etaprèsellesleregrettentetcrientauviol,crache-t-il.

Je parcours en quelques grandes enjambées l’espace quime sépare du bar, sur lequel j’abatsmespaumesunpeuplusfortquenécessaire.

—Onn’estpasicipourça.Quelqu’unarapportéunmeurtre.Jelaissel’informationparvenirjusqu’àsoncerveauetlevoissetendreunpeuplusencore.—Ici?—C’estcequ’onessaiedesavoir,justement.Illèvelesmainsdansungestedereddition.—J’aipasentenduparlerdemeurtre,jesuisaucourantderien.—Vousavezunesortiequidonnesurl’alléederrièrel’établissement?Ilhochelatêteetdésignelefonddelapièce.—Elleestouvertepourlaclientèle?Ilhausselesépaules.—Lesgensl’utilisentpoursortirfumeruneclope.Jedésignelaportedumenton,indiquantàRossidemesuivre.—Çapuelapisseetlasueur,grommellemoncollèguelorsquenousdébouchonsdansl’allée.Jedétestequ’onmecollecetidiotcommepartenairependantquemonbinômehabituel,Zack,esten

congé.—Tuesàl’arrièred’uneboîtedenuit.Respirersuffiraitàterefilerdesmaladies,ici.Jeremarqueimmédiatementunecamérasurleflancdubâtiment.—Ellefonctionne?—Ouais,répondlebarman.—Jevaisdevoirvisionnerlesenregistrementsdepuisaussiloinquevouspouvezremonterjusqu’à

aujourd’hui.—Tucroisquelafilleestcrédible?m’interrogeRossi,quiseprotègelabouchedesamain.Sansprendrelapeinedeluirépondre,jemedirigeverslesbennesàorduresàquelquesmètresdela

sortiedesecours.Ayantenfilédesgants, jesoulèvelecouvercledelapremièreetconstatequ’elleestpleineàrasbord.

—Renseigne-toisurlejourderamassagedesordures.Ils’éloigne.L’allée,largedequatrebonsmètresetmesurantenvironsixmètresdelong,estpercéede

portails appartenant aux bâtisses voisines. Si quelqu’un a en effet commis un meurtre ici, c’étaitforcémentspontané.Impossibledeplanifierunassassinatdanscetendroit.

Quandj’ouvreladernièrepoubelle,l’odeurdelamortetdelachairendécompositionm’emplitlesnarines.Jerenverselecouvercleenarrièreetsoulèvequelquessacs.Aufondgîtuncadavrecouvertdesang.

—Aujourd’hui,lanceRossi.Ilsramassentlesorduresaujourd’hui.—Appelle lascientifique,onauncorps. Ila l’aird’être làdepuisquelques jours,cequipourrait

coller avec lundi soir. Autant dire que nos quarante-huit heures avant que les traces du meurtrier nedisparaissentsontlargementdépassées.Tuvasmedégoterautantdetémoinsquepossible,histoirequ’onétablisseundérouléprécisdesévénements.Tutrouverastoutcedontonabesoinsurlesbandes-vidéo.Ilnousfautunmobileetunsuspect.

Rossiouvresontéléphonepourpasserlescoupsdefilaumomentoùlebarmanressort.

—J’ai besoin de la liste des employés du club et leur rôle précis. Je veux savoir qui a sorti lesconteneurs à ordures. Et on doit sécuriser la scène de crime avant que d’autres indices ne soientendommagés.Lebarvadevoirresterfermé,cesoir.

Ilacquiesceàtoutesmesinjonctionsetsehâtederetourneràl’intérieur.—J’aiencorel’odeurdanslesnarines.JelèvelesyeuxdemonécranpourlesposersurRossi : ila lenezdansunpotdecrèmepourles

mainsetlareniflecommes’ils’agissaitd’unemichedepainfrais.—Arrêtedefairelachochotte.D’oùtusorscettecrèmehydratante,d’ailleurs?Ilhausselessourcilssihautqu’ilstouchentpresquelaracinedesescheveux.—C’estàmapetitecopine.J’ailesmainssèchesàforcederemplirdelapaperassetoutelajournée,

netemoquepas.Punaise, s’il croit que je vais le juger sur ce point-là uniquement, il se trompe. Le fait qu’il soit

devenupolicieràlacriminelle,alorsqu’ilestnuletdétestel’odeurdelamort,medépasseàunpointtelquej’aienviedeluifourrerlatêtedansuncadavrejusqu’àcequ’ils’habitue.

—Pourquoionestobligésdefairetoutçapourundealer?Onvisionnelesenregistrementsvidéodepuisdesheures.Jesuisvenuuniquementpourvoirceuxde

lundisoir.Réprimantl’enviedeluicognerlecrânecontrelatable,jerépondsavecincrédulité:—C’estunmeurtre!OnestenquêteursàlaCrim’,onsechargedetousleshomicides,Rossi.Onne

choisitpasenfonctiondel’identitédelavictime.Sanscompterqu’iln’apasététuépoursesactivitésdedealer. Ça n’était pas prémédité, il aurait pu être n’importe qui. Ce qui signifie qu’il est peut-être lepremierd’unelonguesérie.

Je laisse le dernier mot en suspens alors qu’une silhouette apparaît à l’écran. L’homme porte unsweat-shirtnoir, lacapucherabattuepourcachersonvisage,etunpantalondesurvêtementdelamêmecouleur.Lavictimeessaied’urinercontrelemur,justeaprèsavoirquitténotrejeunetémoin.Onlevoits’adresserà l’assaillantqui,ducoup, s’immobilise.Lavictimene semblepas se soucierde labriquequ’ilaramasséeparterre,prèsdel’undesbâtimentsadjacents.Non,ilesttotalementprisdecourtparl’attaque,d’uneviolenceféroce.Uncoupportéaucrânemetlegarsàgenoux,undeuxièmeluifaitperdreconnaissance,etpourtantl’autrecontinueàlefrapperbrutalement,sansrelâche,auvisageousurlehautdu corps. La vidéo montre la porte arrière duClub Blue qui s’ouvre et se referme aussitôt, attirantl’attentiondumeurtrier.Celui-ciserelèvecalmement,sedirigeversleconteneuràordures,ensoulèvelecouvercleetjettesansmallavictimeàl’intérieuravantdes’éloignertranquillement.

—Waouh,quelanimal!commenteRossi.—Iln’enestpasàsonpremier.Moncollèguesetourneversmoi.—Commenttusaisça?Jetapotel’écran.—Çasevoittoutdesuite,n’importequelpolicierméritantsoninsigneteledirait.

Chapitre15:espionner

BLAKE

Attendredesexpertsmédico-légauxqu’ilsnousfournissentunepiste,vuquelavidéonenousarienapprissurl’identitéducriminel,puistransmettreledossieràdesinspecteursplusexpérimentésquemoi,çan’étaitpasl’idéedusiècle.MaisMelodyconsumait toujoursmespenséeset l’onm’avaitmissionnépourlasuivre.Etquisuis-je,moi,pourdiscuterlesordres?

Elleal’airfatiguéeavecsonvisagesansmaquillage,seslongscheveuxchocolatetbouclésremontésà lahâtedans l’undeceschignonshautsà lamodechez lesétudiantes.Elleapleuré,aujourd’hui,sesyeuxsontbouffis.Elleporteunpantalondeyoga,simoulantqu’onladiraitenveloppéedansdulatex,etunminuscule tee-shirt sur sa poitrine généreuse, qui dévoile légèrement son ventre plat.Une paire deChucks usées jusqu’à la corde complète sa tenue. Elle pianote sur son téléphone,mais ses dents sontserrées.

Invisible, je lasuispendantqu’elleserendaugymnase.Jeprésentemoninsigneaugardien,car jeveux découvrir à quel cours elle s’est inscrite. Autodéfense. Je ne peuxm’empêcher de sourire. Cessouriresà lanoix,çam’arriveplussouventquejene levoudrais,mais jen’ypeuxrien,elleapris lecontrôledemonesprit.Elles’adapte,elleapprendpasàpasàsemouvoirdanscettenouvelleexistenceque le sort lui a réservée.Quand votre vie est écrite sur unmorceau de papier et que ce dernier estdéchirépuisjetéàlapoubelle,vouspouvezrecollerlesmorceaux.Lemalestfait,lescicatricesrestent,maiscen’estpasimpossible.C’estlamêmechosepourvotrehistoire:ilfautcontinueràl’écrire,mêmesilacopien’estpasparfaite.

Deuxheuress’écoulentavantqu’elleressortedubâtiment.Lanuitaenvahileciel,lalunepleineetfièrecontrastantbrillammentsurlefondnoir.Ellelèvelesyeux,presquesurprisequelesoirsoittombé,puisellesemetàregarderautourd’elle,hagarde,lalèvreinférieurecoincéeentresesdents.Nerveuse,elleentamesontrajetàpied.

Jelasuisàdistance,maiselleestplusattentivequejenel’auraiscru,carellesentmaprésence.Elleaccélère lepas,courantpresque. Je laprendsenchasse, je l’appelle. Je lancesonprénomquatre foisavantqu’elleralentisse.Ellefaitvolte-faceetmecontemple,bouchebée.Unvoiledesueurluicouvrelapeau,etsapoitrinesesoulèvepéniblementtandisqu’elles’agrippeàl’airdusoirenquêted’oxygène.

—Tuvasmetuer,halète-t-elle.Jetrébuche,manquedeperdrel’équilibreetm’écarted’elle.—Tun’arrêtespasdemeflanquerlatrouille.Tuvasmefileruneattaquecardiaque,jetejure.C’est

quoi,tonproblème?Je refais un pas en avant, l’agrippe par les épaules et la plaque contre lemur de la haute bâtisse

devantlaquelleelles’estarrêtée.Sespupillessedilatent.Cetteattaquetémérairevaluicauserunchoc,maisj’aibesoindegoûterseslèvresencoreunefois.Cetteenvien’estpasnouvelle,elleperturbemesrêvesetoccupeconstammentmespensées.J’aibesoind’assouvircettesoifquej’aid’elle.

Jeplaquemoncorpscontre le sienetmedélectede la façondontelle sedébat.Bonnechance. Jeprends ses lèvres sans l’ombre d’un remords. Sa voix assourdie vibre contrema bouche. Elle neme

laissepasaccéderà lasienne,mais jesors la languequandmêmepourgoûtersonrefus.Jefrottemonsexecontresonentrejambe,provoquantungémissement,etseslèvress’adoucissentavantdes’ouvriràmoi.Jeluirelâchelesépaulespourattrapersescheveuxdansmesdeuxpoingsserrés.Ellenouelesbrasautourdematailleetenrouleunejambederrièremonmollet.Undouxmiaulements’échappedesagorge.Soncorpscherchelemien,s’ycolleavecavidité.Commesiellevoulaitsefondreenmoi,etj’aienviedeboirejusqu’àladernièregouttedesesformes.

Noslanguesentamentunballetdéchaînémêlantdésiretcolère.Jedétestelafaiblessequ’elleinstilleenmoi,etelledétestelegenred’hommequejesuis.Pourtant,lefeuquinousconsumeestsibrûlantqu’ilestimpossibleàéteindre.

Je m’écarte et plonge dans ses iris verts, qui exsudent le désir et m’enveloppent du besoin del’apaiser. Je veux me lancer, je veux nager dans son essence même. Pourtant, je dois refréner mastupidité.Jesuisenmission,onestdansunlieupublicetelleesttropjeune.Enfait,elleconstitueunemenace pourmoi.C’est la fille d’une cible. Elle a pénétré sur une scène de crime où jeme trouvaisencore.Elle faitdésormaispartiedumondesouterraindans lequel j’évolue. J’aiposé lamainsur soncou,j’aiserré,etelleaportélatracedemamarque.Putain,cettepenséenefaitquedurcirmonérection.Ilfautquej’arriveàmecontrôler.

— Qu’est-ce que tu fous toute seule en pleine nuit ? Il faut vraiment qu’on ait à nouveau unediscussionsurlesrisquesdevioletdemeurtre?grondé-je.

Son corps se raidit et elle s’écarte du mien, frappant mon torse de ses poings minuscules. Elledéverseunebordéedejuronscolériquespendantdeuxbonnesminutesavantdesetaire.Plissantlenezàmonintention,ellesouffleets’éloignerapidement.

Jeravalemonimpulsionpremièredel’assommer,delafourrerdansmavoitureetdel’enfermerdanssachambrepourlanuit.Aulieudequoi,jelarattrapeenquelquesfoulées.

—Jesuisdésolé…plusoumoins.Jegrimacefaceàsonregardfuribond.—Tudevraisfaireplusattention.Tuesimprudenteetçam’ennuie.Je ladépassedequelquespas avantdeme rendre comptequ’elle s’est immobilisée. Jeme tourne

pouraffrontersonregardhostile,levantunemainensigned’incompréhension.Unriresansjoieluiéchappe.—Tu es incroyable. Qu’est-ce que tu veux, bon sang ? Qu’est-ce que tu en as à faire, demoi ?

Qu’est-cequetufousici?Hum,ellemarqueunpoint,lasalegamine.—C’estmonboulotdegarderunœilsurtoi,annoncé-jecommeuneévidence.Ellerenverselatêteenarrière,laboucheouverte.—Quoi?Jemerapprocheetlasaisisparunpoignet,caressantsonpoulsdelapulpedupouce.—Tuesdansnotrejuridiction,désormais,etl’ontecroitencoreendanger.Alors,onteprotège.Sonvisagesefroisse.Sesyeuxsefermentbrièvementavantdeserouvrird’uncoup.Lesdeuxmares

dejadescintillentdelarmesretenues.—Alors,tuesaucourant.J’incline la têtepourétudiersonvisageet luioffrir ladouceurdontelleabesoinencet instant.Je

veux la réconforter, effacer la douleur qui émane de chaque fibre de son être, mais je reste muet,bataillantaveclesémotionsquim’assaillent.Cetaffluxmeperturbeetmeterrifie.J’ail’impressionquemessentimentss’éveillentaprèsdesannéesd’hibernation.Meseffortspourlesempêcherdemepénétrerrestentvains.Toutesmesdéfensestombentlesunesaprèslesautres,ettoutsedéverseenmoi,s’insinue

dansmesos,dansmesveines,dansmatêteetdansmoncœur.Dansceflotd’émotions,ilyalacolèrequej’éprouveenverslafillequim’imposeceséisme.Jem’y

accrochecommeàunebouée.—Jesaisquetuasassistéàl’horreur,quetuassentilabêtet’envelopper,mais,àvoirlafaçondont

tutecomportes,ilfautcroirequetuaimesledanger.Tulerecherches,même.Jemerapproche,lasurplombantdemastature.Leslarmesdévalentsesjouesrougies.Délicieux.—Tun’aspasbesoindecouriraprèsledanger.Ilestdéjàlà,etilt’observe.Elledégagesamaindelamienne.—T’esqu’unconnard.Unricanement,profondetsombre,émergedemagorge.—Tuferaisbiendet’ensouvenir,Puya.Sespaupièresseplissentsurlesirisjade,perçants.—Puya?Jedésignesonpoignetd’ungestedumenton.Ellebaisselesyeuxsursontatouage,puissecouelatête.—C’estunefleurdelune,un…—UnCereusquinefleuritquelanuit,jesais,complété-jeàsaplace,agacé.Ellem’aprispourunimbécile,ouquoi?Enfait,j’aiétéjusqu’àgooglercetruc,lapremièrefoisque

j’aivusontatouage,etj’enaiapprispasmalsurlesplantesàfloraisonrare.Jegrimacementalementausouvenirdutempsetdel’énergiepassésàtoutapprendresurelle.Googlersontatouage,franchement…Je suispirequ’unebonne femme. Il fautvraimentque je retrouve l’usagedemes couilles, histoiredevérifierquej’enaiencore.

—MaisondoitdirePuya.Maintenant,montedansmavoiture.Ellebaisselamain.—Non!Jemepencheverselle,etmapeauentreencontactavecsonventrenutandisquejelasoulèvepar-

dessusmonépaule,lesbraspassésautourdesesjambespourlamaintenir.Jesenssonsouffledansmondos,desexpirationschaudesetsaccadéesalorsqu’elleessaiedesedégagerdemonétreinte.

—Oh!merde,repose-moi!C’estduharcèlementpolicier.Monrire,sincèrecettefois,déchirel’air.Ellem’amuse,maissonagitationmefaitregretterdenepas

l’avoirassomméeaupréalable.L’excitationmanifestequenotrebaiseraprovoquéeenellesetrouvesiprochedemabouchequejesenssonodeur.Etelleestsidivinequejenepeuxm’empêcherdeluimordrelacuisse.Soncri,puisunebrusqueinspirationm’indiquentquejel’aichoquée,maisaussiexcitée.

—Cessedebouger,sinonjetemordsplusfortencore.Aufond,j’espèrequ’ellevacontinueràs’agitersurmoi.Atteignantlavoiture,jelareposesursespieds.J’ouvrelaportièreetluifaissignedemonter.Voyant

qu’ellenebougepas,jelafaisentrerdeforce,commejeleferaisavecunepersonneenétatd’arrestation.J’attendsqu’elleaitrepliésesjambesetclaquelaportièresiviolemmentqu’ellesursaute.

Jemonteducôtéconducteur,levantlamainquandelles’apprêteàprendrelaparole.— Écoute-moi, Melody, je n’aime pas plus que toi cette situation merdique. Filer une nana qui

cherchelesennuis,çan’estpasl’idéequejemefaisd’uneoccupationcool.Commetoutàl’heure,elleouvregrandlaboucheenformedeO.—Jenet’aimepasettunem’aimespasnonplus,maisvoilà,onn’apaslechoix,alorsarrêtedete

comportercommeunegamineinsupportableettoutsepasserabien.Surcesmots, j’allumelaradio,montant levolumeassezfortpournoyeruneéventuelleréponsede

sapart.

Elleme laisse tout juste garer la voiture avant de sauter dehors pour courir jusqu’à sa résidenceuniversitaire.Jeravalelasensationdérangeantequim’envahitàlavuedeRyan,quil’attend,assissurlesmarchesdubâtiment.Jeredémarreavantd’êtreobligédelevoirentreravecelle.

Chapitre16:jeudedupes

RYAN

Melody n’étant pas venue en cours, elle va rater le petit spectacle que j’ai orchestré. La semainedernière,jemesuisglissédanslesvestiairesetj’aichourélesweat-shirtdeClivepourlemettredanslesaffairesdeJacobaujourd’hui.Alors,maintenant,j’attends,scrutantsanuqueavecinsistance,commesimapressiontélépathiquepouvaitlepousseràregarderdanssonsac.MonvœuestexaucéquandCliveluidemandeunstylo.

— Qu’est-ce qu… ? s’exclame Jacob, qui vient d’ouvrir son sac devant la classe tout entière,révélantlesweat-shirt«disparu».

Lesangboutdansmesveines.C’estamusantd’assisteràunplanquisedérouleàlaperfection.—Hé!c’estmonsweat-shirt!Clivesaisitl’objetdudélitdesmainsd’unJacobéberlué.Hum.Visonsunpeulasuite…—Putain,mais…c’estquoi,cebordel?Jacobsepenchepourvoiràquoiilfaitréférence.—Beurk,c’estdusperme?demandelegarsassisàsagauche.JacobécarquillelesyeuxetlesreposesurClive.Cedernierbonditdesonsiège,jetantlevêtement

souillésurJacob.Cedernierleporteàsonnezpourlerenifler,avantdelelancerparterrequandsoninspectionolfactiveluiconfirmequ’ils’agitbiendesperme.

—Clive,attends!s’écrie-t-ilenseruantàsasuite.—Casse-toi!grondeCliveenguisederéponse.Touslesyeux,médusés,observentlascènequ’ilsnousjouent.Seanmordillenerveusementlespeaux

autourde sesongles.Partoutdans la classe,desmurmures s’élèvent.Faibles et simanipulables.Non,vraiment,c’étaittropfacile.

Chapitre17:transformée

MELODY

Lasortieshoppingm’offreunrépitsalvateur.RedetCherrysontmarrantesetfacilesàvivre,quoiqueun peu toomuch à forte dose. Les cours d’autodéfense constituent un petit exutoire à ma colère. LaprésencedeRyanest réconfortante. J’aibesoindesonamitié,dequelquechoseàquoimeraccrocher,bienquejenemelaissejamaiscomplètementalleralorsquejemenoiedanslescauchemars.Lesseulsmoments où j’ai l’impression de saisir quelque chose de tangible, c’est quand je tombe surBlake, cesalopardautocentré,agaçantaupossible,cepoilàgratterabsolumentsuperbe.Jesuisfolle,sansdoute.Chaquefoisque jepenseà lui, jefantasmequ’ilmeprend,etensaprésence jeperds toutecapacitéàcontenirlesimpulsionsdemonvagin.C’estmoncorpsquiledésire,pasmoi.Et,manquedechancepourmoncorps,monsieurn’apascachésahaineàmonégard.Pourquoim’a-t-ilembrassée? Il fautque jel’oublie.C’estlefrèredeRyan,c’estunpolicierenmission,etc’estsurtoutuntrouducabsolu!

Plus d’une semaine s’est écoulée depuis qu’il m’a embrassée, mais je le sens qui me surveille.D’ailleurs,jelevoisàl’occasion,mêmes’ilgardesesdistances,cequimeconvientparfaitement.

J’erredans lescouloirs,hésitantàallerencours.Lepéchéest irréversible,mêmesi lepécheurserepent. Le mal est fait. J’ai été changée, et cette nouvelle version de moi n’a plus rien à voir avecl’ancienne. Je ne peux plus accomplir des gestes élémentaires, commeme regarder dans unmiroir oumangercertainsplats,maiscen’estpastout.Ilyaleschosesimportantes,aussi.Jenereconnaispluslesrêvesquejenourrissaisavant,etleschoixquej’aifaitsmesemblentêtreceuxd’uneautre.Jesuisnéeànouveauaprèslemassacre,etcellequejesuisdevenuedoitporterunlourdfardeau:l’âmetorturéedelafillemorteavecsesparentscejour-là.

—Melody?Jeme retourne en entendantmon prénom.Mme Rhodes approche, un sourire collé aux lèvres. Son

carré court de cheveux blonds parfaitement lisses encadre une mâchoire acérée. Une petite paire delunettesposéebassurlenez,ellemejaugedesesyeuxmarronpar-dessussamonturenoire.

—Vousavezratévotreséance.Jem’efforced’esquisserunsourire.—Jevousaiditquejen’avaispasbesoind’aide.Lafaçondontelleinclinelatêtemedonneenviedefuirsonairapitoyé.—Vousavezétévictimed’uncrimeterrible.N’importequiauraitbesoind’aideaprèsça.Elleposeunemainsurmonépaule.Onm’atropsouventtouchéecommeçadepuislesévénements,

espérantm’apporterduréconfort.Mais,chaquefois,legesteesttoutaussicreux,etlasensationdemasolitudetoujoursaussiprégnante.

J’ôtesamainet lacontourne,sans luiprêterattentionquandellemerappelle. Il fautque je trouveRyan.

Chapitre18:lafamilleetlesamis

RYAN

Ma journée amal commencé et je brûle d’apaiser ce picotement quimegêne à l’intérieur.HunterHartley,lerobinetàspermequiatrempésaqueuedansmamère,etavecquielleaconçumonfrère,aenvoyéuneautrelettreàBlake–enfin,àDamian.Illuiparledesœursqu’ilaetveutquetoutcepetitmondeserencontreetapprenneàseconnaître.Aprèspresquevingt-sixans,cetypealeculotd’essayerdeprendrecequineluiappartientpas.

Jeneressenspasd’amourpourBlake,maisj’aimel’idéedeposséderleschoses,etilenfaitpartie.Jeveuxqu’ilsesenteseulcommemoi.Carlevide,çapeutêtreunesensationbiensolitaire.Jerangeladernièrelettreaveclesautres,cachéesdansmachambreafinqueBlaken’aitpasàtrahirunjourcequenousavonsconstruit,luietmoi,ensedécouvrantunefamilleendehorsdenous.Lacolèregénéréeparcette fichue lettrem’amis à nouveau en retard, et voilà comment jeme retrouve à entendreClive sevanter,auprèsd’uncoéquipierdefootball,qu’ilvabientôtconclurel’affaireavecMelody.Jemanquedem’étrangleraveclagorgéed’eauquejeviensd’avaler.Cegars-lànelâchepasfacilementl’affaire,etilm’amusebeaucoup.Jacobetluiontsurmontél’histoireduspermesurlesweat-shirt,àmongranddam,maisj’aipleind’autresmoyensdejoueraveccetidiot.Melodym’envoieunSMSpoursavoiroùjesuis,m’offrantainsi l’occasion rêvéed’humilierClivedevant sescopains.Unpetitplaisirqu’ilne fautpasdédaigner.

Cinqminutesaprès luiavoir indiquéoùmeretrouver, je lavois foncerversmoi,cheveuxauvent.Ellen’amanifestementpasl’airdanssonassietteetcherchesansdouteunamiàquiseconfier.Etmoi,j’aitrèsenvied’écoutertoutecettecolèreetcechagrinquivontremonteràlasurfaceet,quisait,briserunpeu la façadequ’ellem’amontrée jusque-là.Mais lesmarmonnementsdeCliveetdesabandequis’éloignentm’obligentàpasseràl’action.

Aussitôt queMelody est à portée demain, je l’attrape et l’embrasse.Elle est si surprise parmongeste qu’elle ne peut qu’acceptermes avances. J’entends les railleries et les sifflets des footballeursquandilspassentprèsdenous.Etc’est le«Ouais,ondiraitbienqu’ilvaconclure l’affaireavant toi,Clive»quimepousseàpeloterlesfessesetlesseinsdeMelody,aurisquedel’alarmer.Jerelâcheseslèvresdèsqu’ilss’éloignent.Ellealesjouesrosies,etlafaçondontellesemordillelalèvre,sourcilsfroncés,m’indiquequ’ellecherchelesmotspourmesignifierlefonddesapensée.J’aperçoisducoindel’œil lachevelureblondedeSean,mais jenemetournepasvers luipourautant.Enfait, jem’enfouscomplètement, et tant pis si ça fait de moi un salaud insensible. Je ne vois pas pourquoi je devraism’inquiéterpourlui.Jeneluiaipasdemandédecraquerpourmoi,aprèstout.Certes,jesuislargementau-dessusde lamoyenneenmatièredephysiqueetd’intelligence,mais jenepeuxm’empêcherdemedemander ce qu’il peut y avoir de brisé dans ces gens pour qu’ils voient en moi quoi que ce soitd’aimableoudedésirable.Eux,jenelessupportepas,laplupartdutemps.J’aienviedeleurplanterunehache dans le crâne, d’ouvrir et d’explorer l’intérieur. Au fond, j’éprouve presque de la pitié pourSean… presque. Sa peine ne fait qu’attiser mon désir de le taquiner, de le narguer. D’utiliser sessentimentscachéspourmoidelamanièrelapluscruellepossible.

Cesdernierstemps,labrumerougeâtreaufonddemonâmes’épaissit,devientplusexigeante,etjebrûlederépondreàsonappel.Denourrircettefaim,desatisfairemonbesoindeméchanceté.

—Tuesmonseulvéritableamiici,jen’éprouvepascegenredechosespourtoi,etjepensequetoinonplus.Jemetrompe?demandeMelody,m’arrachantàmespensées.

Ellelèvelesyeuxversmoi,attendantquejeconfirmesonressenti.Etmêmesiellearaison,sijen’aiéprouvéaucunplaisirenl’embrassant,celatitillequandmêmemonego.Putain,commentose-t-ellemerejeter alors qu’elle s’est imposée à moi, qu’elle a laissé se construire une amitié entre nous ? Desamitiéshomme-femme,j’envois,maisàmonaviscesgenssementent.Vouspouvezposerlaquestionàn’importequellepersonnequientretientuneamitiéétroiteavecl’autresexe.Ilyenatoujoursundesdeuxquinourritdessentimentspourl’autre,oualorsilsontbaiséensembleouaumoinsjouéàtouche-pipiparlepassé.Lesseulesamitiésplatoniquespossiblesentreunhommeetunefemmesontcellesquilientlesconjointsd’amis,ouunhétéroetunhomosexuel.Onestdestinésàs’accoupler,conçuspourbaiseravecl’autresexe,etonabeaudire,onabeaufaire,onyrevienttoujours.

Jepourraistoutdétruiresur-le-champ,laisserparlerlabêteetmettreenlambeauxcettepauvrefilleavecmonvenin.

Comment pourrais-je bander pour ce truc infect que tu caches entre tes cuisses ?Même si tupassaistonorificeaudésinfectant,jen’yarriveraispas.Tafenten’estbonneàriend’autrequ’àseréchaufferlesmains.

Prenantuneprofondeinspiration,jeravalemarépliqueetluioffreàlaplaceunriresoulagé,répétéaufildesannéesafind’exhiberunenormalitéquejeneressenspas.

—Tuasraison.Maisj’aipréférém’enassurer.Dommage,celadit,onauraitpuêtresuperbien,touslesdeux.

Ellefermelesyeuxensouriant,puismeserredanssesbras.—Onestsuperbien,touslesdeux.Tuesmonmeilleurami,Ryan.Ellesemblegênéed’admettreque,mêmesionneseconnaîtquedepuis trèspeude temps,elleest

tellement seule qu’elle me considère bel et bien comme son meilleur ami. Je la plaindrais si je lepouvais.

—Jesuisinvitéàunbarbecue,demain,tuestoujoursd’accordpourm’yaccompagner?Ellemerelâcheavecunedernièrepressiondelamainethochelatête.—Oui,avecplaisir.—Alors,dis-moi,pourquoiest-cequetuavaisl’aird’hésiterentret’enprendreaumondeentierou

fondreensanglots,enarrivant?Lescouloirssesontvidés.Quelquesétudiantstraînentencoreicioulà,maislaplupartontcours–y

compriselleetmoi,d’ailleurs.Ellesecouelatêtedansunhaussementd’épaules.—Jedétestejustecesgensquinemeconnaissentpasetsecroientenmesuredem’indiquercequiest

bienpourmoi.Personneneconnaîtcellequejesuisaujourd’hui.Elles’estretiréeàl’intérieurdesonesprit,etsesdernièresparolesnesontplusqu’unmurmure.—Onvaboireuncafé?L’arôme est enivrant. Le café fait partie des choses que j’adore.Derrière le comptoir, lamachine

fumeetcrachotependantquelelaitchaudsemélangeàladoubledosed’expresso,remplissantlatasseplacéedessous.

—Voussavezquelecaféestunpsychotrope?Etqu’àhautedose,ilpeutvousfairevoirdestrucs?Qu’ilpeutaussivoustuer?

Melodyestpartienousréserverunetabletandisquelaserveuse,aubar,tentededétournerlesyeux

demoi.Jel’attire,jelesens,maisellen’asansdoutejamaisoséadresserlaparoleàunmecautrementquepours’enquérirdesacommande.Ellelèvesonvisagetimidedansmadirectionafindes’assurerquejem’adressaisbienàelle.

—Ilfautunecentainedetassespourqueçadeviennemortel,ajouté-je.Ellemetendmonplateau,glissantdeuxbiscuitssurlasoucoupe.—Jevousarrêteraiàquatre-vingt-dix-neuf,alors,promet-elle.Sa répartieme surprend. J’aime son innocence.Elle se hâte de reporter son attention sur le client

suivant.—Jetecasseraiendeux,jet’embrocherai,maqueued’uncôtéetungodeàdeuxboutsdequarante

centimètresdel’autre,petitegarcevirginale.Je ferme les yeux pour maîtriser la colère qui bouillonne sous ma peau aujourd’hui. La posture

crispée de la fillem’indique qu’elle a peut-être entendumalgré les grondements de lamachine. Elletournetimidementlatêteversmoi,etjeluioffremonsouriredefaux-culetunhochementdetêteenguisederemerciementpourlescafés.

JeretrouveMelodyaufonddelasalle,confortablementinstalléesurunebanquetted’angle.Jedéposesonlattesurlatable,etelleleprendentresesmainscommes’ils’agissaitd’unebouéedesauvetage.Jeme glisse sur le siège et attends qu’elle sorte de ses pensées. Je sais qu’elle se prépare à divulguerquelquechosedontjeneveuxpasraterunemiette.

Elleprenduneinspirationsaccadée.—Mesparentssontmorts.Ellealâchéçad’uncoup,commesiellem’informaitdelamétéo.Jeserrelesdentsettendslamain

par-dessusla tablepourprendrelasienne.Ellea lesyeuxrivéssurquelquechoseàl’autreboutdelasalle,maisjesaisquesonespritestoccupéparlessouvenirs.

—Parle-moi,Mel.Elledoitbiensedouterquejeveuxensavoirplus.Elleestrentréeàlamaisonpourvoirsesparents,

elleestdoncparfaitementconscientequejesaisqu’ilssontmortsrécemment.—Ilsontétéassassinés.C’estmoiquilesaitrouvés,etdepuisjemedébatsavecça,etaveccette

putaindeconseillère-psychologuequiattenddemoiquejeluiracontetout.Maismoi,j’aidéjàdumalàsurvivrechaquejourentâchantdenepasrepenseràl’odeur,ausang,au…au…

Sarespirations’estfaiteinégale,samains’agiteentrelesmiennes.—Etelleveutquej’enparle.Commesic’étaitsifacile.Ellepleure,àprésent,etessuieseslarmesdesamainlibreavecungestepleindecolère.—Qu’est-cequetuasressenti,enlesperdantcommeça?Elleretiresamaindelamienned’uncoup.—Maisputain,Ryan?Qu’est-cequetucroisquej’airessenti?J’inclinelatêteetfroncelessourcilspourimiterladouleur.J’altèremarespirationafindedonnerà

mavoixunetonalitéchagrinée.—J’aiperdumonpèrequandj’avaisonzeans.C’estBlakeetmoiquil’avonsdécouvert.Ils’était

brisélecouentombantdansl’escalier.Ellebonditdesonsiègepourvenirm’envelopperdesesbras.Partagersonchagrin,çaresserreles

liens,apparemment.

Chapitre19:partage

MELODY

Jen’arrivepasàcroirequej’aiacceptéd’alleràcebarbecue.Ryandoitpassermechercherd’uneminute à l’autre, et je suis encore en culotte et soutien-gorge, à hésiter entre une robe et un ensemblejean/tee-shirt.Ilfaitchaud,celadit.Lachaleursedéverseàtraverslespersiennesetmachambreestunevraiefournaise.Ducoup,larobel’emporte.

Jemesensunpeupluslégère,aujourd’hui.JepensequemeconfieràRyanm’aaidée.Lefaitqu’ilaitvéculamortd’unparentluiaussimeprocureunétrangeréconfort.Bon,sonpèren’apasétéassassiné.Maisilaperduunepersonnequiluiadonnélavieetl’aélevéjusqu’àsondécès.

Aprèstout,jenesuispeut-êtrepasunecauseperdue.RyanetBlakeontbiensurvécu,eux.Levibreurdemontéléphonemefaitsursauter.C’estencoreMarkus,ilrefusedemelaissertranquille.

Notreavocatdefamilleestenfinrentrédevacancesetilveutqu’onliseletestament.Maismoi,jenemesenspasprêteàdivisertouteslespossessionsdemesparents,ycomprislamaisonetl’entreprise.Queva-t-iladvenirde toutça? Il fautque je règleces trucs,etvite.Quelqu’undemonâgenedevraitpasavoiràgérercegenredeproblèmes,maismerepliersurmoi-mêmeetrepousserl’inévitablen’aidepas.Les ombres commencent à sortir de leur repaire. Elles m’avaleront bientôt complètement et je neretrouveraiplusjamaislalumière.

—Melody.LavoixdeRyanretentitàtraverslaporte,manquantdefaireexplosermoncœurdefrayeur.—Oui,oui,jesuisprête.J’enfileà lahâtemarobed’été,attrapemonsacàmainetmeglissedansunepairedebottesstyle

cow-boy.NouspassonsprèsdeCherryetRedensortantdubâtiment.Ellesrougissent,cequiallumeleursjoues

commedesphares.Entredeuxgloussements,ellesmechuchotentde lesappelerplus tard–sansdoutes’imaginent-ellesencoredeschoses.Siseulementellessavaientquec’estauxlèvresdel’aînéquejemesuissuspendue,etqu’ilnequitteplusmesrêvesdepuis.Touteslesnuits.Sera-t-ilprésentaubarbecue?Oui, bien sûr, commepasmal depoliciers.Sauront-ils qui je suis ?Cequi s’est passé ?Unemontéed’angoissefaitcoulerlesangtropvitedansmesveines,etjesensunevaguedenauséemedéséquilibrer,accompagnéed’unesueurfroide.

—Cenesontquedesgensnormaux,Melody.Onneresterapaslongtemps.Ladernièrefois,ons’étaitdésistés,mechuchoteRyan.

Malutteintérieureestvisible,ilressentmonmalaise.

BLAKE

Jen’yaipascruunesecondequandilsontarrêtélecolocatairedudealeraumomentoùiltentaitdes’enfuiraveclebutindesonpote.Cen’estpasmonaffaire,maisj’aiquandmêmeparcouruledossier.Un

typecapabled’une telleviolence, çame rappelleunpeu tropquelqu’unque jeconnaisbien.Ryanestsouventallédanscetteboîte.Or, lemeurtrierachoisisavictimesuruncoupdetête, jelesais.Mêmemoi,jen’auraisjamaisfaitpreuved’untelsang-froid.

—C’estquoi,ça?Ryanvientd’entrerdansmonbureau.J’aidûlaisserlaporteouverte,cequinemeressemblepas.Je

faisvraimentn’importequoi,cesdernierstemps.JesuisobsédéparlefrèredeMelodyetjenecessedepasserenrevuetouslesdétails,essayantderéprimerl’envied’allerl’affronteretdeluitordresonpetitcoumaigrichon.LesyeuxdeMelodymeréveillenttoujourschaquenuit.Ilspénètrentmesrêves,éveillentmonsexequiexiged’êtresoulagétandisquejerevisenpenséelecontactdesajoliebouchechaudesurlamienne.Etmaintenant,cettenouvelleaffaire…

—Blake!Savoixfortemeforceàreporteraussitôtmonattentionsurlui.—Désolé,quoi?Ildésignedumentonlesphotosdurapportétaléessurmonbureau.—Oh,c’estpourleboulot.TuasentenduparlerdumeurtreauClubBlue?—Biensûr,commetoutlemonde.Danslejournal,ilsdisentqu’ilstiennentunsuspect.C’estvrai?Jemecalecontreledossierdemonsiège,lesmainsderrièrelatête.—Soncoloc,maisjen’ycroispas.Ilmedévisageavecintensitéetretrousseseslèvresdansunsemblantdesourire.—C’estparcequetuesmeilleurquecesgratte-papiers.Maisqu’est-cequetuenasàfaire,detoute

façon?C’étaitunnaze.Jebaisselesbras,ramasselesdossiersetlesglissedansuntiroir.—C’estmontravail,Ryan.Illâcheunricanementquiattiredenouveaumonattentionsurlui.—Quoi,t’asunproblème?JeneraconteabsolumentrienàRyandesdétailsdemonautre«activité».Iln’apasbesoind’êtreau

courant,et,sijamaisunjourjemeplantais,ilnepourraitpasêtreimpliqué.Savoir,c’estpouvoir,maisignorer,c’estaussiuneformedepouvoir,encescirconstances.

—Aucunproblème,lâche-t-il,etilcontinuedepoufferpar-dessussonépauleenquittantlapièce.—Ryan!Jeneveuxplustevoirici!—Ouais,ouais.Jedétesteassisteràcegenred’événements,entourédegensheureux,tousplusamicauxetcharmants

les uns que les autres.Cela dit, je ne suis pas le seul à arborer un sourire faux.À cet instant précis,Suzanne sourit à la femmedeMike,Courtney,mais elle lui enveut d’être celle qu’il a épousée alorsqu’elle-mêmeestamoureusedeluidepuislelycée.Mikeboitunebièreavecl’épouxdeMary,et,toutàl’heure, il baisera lamêmeMary dans l’une des nombreuses salles de bains dont s’enorgueillit cettebaraque.Jen’airiencontrelarigolade.D’ailleurs,j’apprécieplutôtbiencertainsdespoliciersavecquije travaille.Monpartenaire,Zack, est ce que j’autorise à être le plus ressemblant à un ami depuis lelycée.Àl’époque,quandjenem’interdisaispaslesrelationsnormales,c’étaitJasper,monmeilleurami.Maisiladéménagépouralleràlafac,etiln’estjamaisrevenu.Ils’estinstalléavecunhommeetunefemme,silesrumeurssontfondées.Tantmieuxpourlui.

J’aibesoindebaiser.Çafaittroplongtempsetj’aitendanceàbutertoutcequibougequandjesuisàcran.Lesexe,c’estunbonexutoire,etpuisilfautquejetrouvelemoyend’arrêterdepenseràMelodyetdelasurveiller.Putain,cettefilles’estinsinuéesousmapeau,révélantdesprofondeursdontj’ignorais

tout.C’estperturbantetjedétestecettesensationdemalaise.J’aitoujoursenfouiauplusprofonddemonêtrelesémoisressentispourrétablirlecalmedontj’aibesoin,quitteàvivreunevieplacéesouslesignedel’indifférence.Leproblème,c’estqu’àprésentjemerendscomptequetoutçan’estqu’unemanièredemesoustraireàdessentimentsquejenepeuxvraisemblablementpasm’empêcherd’éprouver.Or,sij’encroiscequecettefilleprovoqueenmoi,jediraisquemesémotionssontentrainderesurgir,etjelahaispourcela.Carjenemesuisjamaistrouvédanscegenredesituation.Comments’yprend-elle?J’aijustebesoindebaiser,çaapaiserapeut-êtrecetruc,quoiquecesoit.Parceque,lahaineetledésiranimal,c’est tout ce que j’accepte d’éprouver. Alors, je vais baiser avec toute la violence possible, etj’expulserailereste.

Jejetteuncoupd’œilàmamontreafind’évaluerdepuiscombiendetempsjesuislà.—Çanefaitmêmepasuneheure,alorsoublie!Onabesoindetoipourlebarbecue,melanceZack,

enmêmetempsqu’unregardnoiretunecanettedebière.Merde,cesalopardmeconnaîtmieuxquejenelepensais.—J’aibesoindebaiser,grogné-jeen reluquant Jessdanssa robed’étéqui luicouvreàpeine les

fesses.Elle possède tout ce qu’il faut, là où il faut, et pourtant mon sexe ne semble pas partant pour la

farandole.Lebruitambiantmonted’uncran,lessalutationssemultiplient.Jetournelatêteetmanquederecrachermabière.Ryanestlà,avecelle.Sontatouage«VIVRE»abeauêtreaccompagnéd’unCereusàfloraisonnocturne,ellenes’épanouitpasseulementauclairdelune.Elleesttoutaussisublimesouslesrayonsdusoleil,quisemblentl’auréoler,allumantdesfloconsrouxdanssescheveux.

Jemelèveetvaismeposterderrièreeux,quandj’entendsMills leurdemanderdepuiscombiendetempsilssortentensemble.

—Onestjusteamis,répondMelody,quitrépigneunpeusurplace.Le sourire béat deMills pourrait éclipser le soleil tellement il est large.Et il renverse la tête en

arrièrepourlâcherun«ha»guttural.—Onnepeutpasgagneràchaquefois!Çadoitêtreunepremièrepourtoi,Ryan.Tajoliegueulen’a

pasréussiàfairemouillerladonzelle.Millsaunpeutroppicolé.Ilestmanifestementenbonnevoiepourprendreunpoingdanslafigure

s’ilcontinueàouvrirsagrandebouche.Ryanl’observequelquessecondes,avantdesetournerversuneMelodyécarlate.Commeauralenti,illèvelamainetunesimplepressionsursonépaulelafaitvaciller.Elle brasse l’air de ses bras avant de tomber à la renverse, bouche bée, avec un petit cri qui attirel’attentiondetouslesconvives.L’eaudelapiscinel’accueilledansunéclaboussement.

—Tuvois,jepeuxlafairemouillerquandmême.Jeneperçoisdansletondemonfrèrenihumourniremordspouravoirainsihumiliésonamiedevant

toutlemonde.Desreprochesétoufféss’élèventdelafouletandisqueJessricane.LespetitshoquetsdeMelodyenquêted’oxygènemedonnentenviedelécherchaquemillimètrecarré

desapeaupourtirerd’elledessursautsdeplaisir.Zackluitendlamainetl’extirpedel’eau.Safemme,Jasmine,estdéjàlàavecuneservietteetluiindiquedansunchuchotementoùellepeutallersesécheretenfilerdesvêtementssecs.Melodys’yprécipite,lesyeuxbaissés.

J’attrapeRyanparlanuqueetl’entraîneàl’écartdurestedugroupe.—C’étaitquoi,ça,putain?—Ilm’aforcélamainavecsaremarqueàlacon.Etpuis,qu’est-cequeçapeuttefaire,àtoi?Parfierté.C’estparfiertéqu’ill’ahumiliée.—Jesuisunconnard,Ryan,maismêmemoijetrouvetongestepourri.Tunet’entourespasdegrand

monde,alors,cettefille,nel’éloignepasdetoiàcaused’unglanduaviné.

Sesyeuxonyxmetoisent.—Tuasraison,jevaisbaiserlabouchedesafemme,etensuitej’iraim’excuserauprèsdeMelody.Ilselibèredemapoigneetdisparaît,melaissantmédusé.N’écoutantquel’appelquigrondeenmoi,jememetsenquêtedeMelody.Jelaretrouvedanslasalle

debains attenante à la chambreparentale. Pour quelqu’un commemoi, cette fille représente le péché,mais l’excitationquemeprocure la simple idéede lagoûtervautbien lacolèrede tous lesdieux.Et,soyonshonnêtes,jeneseraipasdeceuxquiferontlaqueueauxportesduparadis.J’aidéjàmonticketpourl’enfer.

—Oh,c’esttoi!Arrêtedefairecetrucdeninja!Elleessaiedereprendresonsouffle.Jeluioffreungrognementenguisederéponse.J’enaimarrede

voircevisagedansmesrêves,cetteputaindemoueboudeuse,cesirisvertsquicreusentdestrousdansmonâmeetendéterrentdessaletésquin’ontrienàfaireaugrandjour.

—Qu’est-cequetufousici?Sonpetithalètementmefaitdurcirunpeuplus.Monsexepoussedésormaiscontrelacouturedemon

jean,etlapressionnefaitqu’augmentermondésir.—Jesuisavectonfrère,ilm’ainvitée.Merde.L’entendremeledire,mêmesijelesavaisdéjà,mefaitbouillirlessangs.Jedétesteledésir

qu’ellem’inspire,etjedétestel’idéequemonfrèreaitpul’avoird’unemanièreoud’uneautre.Letempsqu’elle passe avec luime rend… putain demerde… çame rend jaloux. Jeme comporte comme uneadolescenteénamourée.Ilfautqu’ellemerendemavirilité.Ellejoueavecmoi,forcément.JebrûledesavoircommentelleaobtenudeRyanqu’illalaissetraîneraveclui.Etsurtout,pourquoim’avoirlaissélatouchersic’estpourpassertoutsontempsavecmonfrère?Çamemethorsdemoi.C’estinhabituel,pourRyan,defréquenterd’autrespersonnes.Jenel’aijamaisvus’attacheràquiconque,pasmêmeàmoi.

Ilfautquejesortedecetendroitconfiné.Jesuistropprèsd’elle.Soncorpsm’envoiedessignaux,etellenes’enrendmêmepascompte.Sesmamelonssontdurs,ilspointentàtraversletissufindesarobe.Sesyeuxscintillentdedésir.Elleaenviedemoi,etjepourraislaprendre,justepourlagoûter,là,toutdesuite.

—Tuvoulaisautrechose,outupassaisseulementmerappelerqueltrouductues?Jenepeuxréprimerlerirequimedéchirelapoitrine.—Tuestéméraire,ça,jetel’accorde.Jelacontempleetm’approcheunpeuplus.Ellesedébatavecelle-même.Elleneveutpasmontrersa

méfiance. Pourtant, sonmouvement de recul et ses pupilles dilatées en sont autant de signes évidents.Merde,sapetitesilhouettetremble,etdesgouttesdesueurperlentsursapeau.Sescheveuxmouillésluicollentauvisage,etsalèvreinférieure,toutefrémissante,siappétissante,semblem’appeleràelle.

—Tonallurefaitpartiedupiège,Puya?TudoisêtreunsacréboncouppourqueRyanreviennesanscesseàlacharge.Iladespréférencesunpeutordues,pourtant,mêmepourmoi.Tapetitechattedoitêtrebienserrée.

Cen’estquedelaprovocation.Jesaisqu’ilsnepartagentpascegenrederelation.Ledésir,danssesyeuxsiexpressifs,semueenhaineenl’espaced’unefractiondeseconde.Samaintremblantemegifle.Jen’ai rien fait pour l’arrêter. Je veux ressentir un petit quelque chose, n’importe quoi pourvu que çam’empêchedecommettrel’irréparable.

—Tuesunvraisalaud.Quit’abrisé?Quit’arendusihaïssable?Parcequec’estsurcettepersonnequetudevraisdéversertonamertume,passurmoi.

J’enauraisrisijen’avaispasétéabsolumentd’accordavecelle.—Tupeuxparler,toi.

Soncorpssecrispeetsesyeuxfouillentlesmiens.—Monuniversaexplosé,oui,maisjegardemahaineàl’intérieurenattendantdesavoirversquila

diriger.Jenelaversepassurtoi,alorsarrêtedemenoyerdanslatienne.Desapetiteépaule,ellemecognepourquejelalaissepasser.Jelarepousse,etelleperdl’équilibre

souslaforceduchoc.Sonfessierheurtelabaignoire.Ellelèvelesyeuxversmoi,quisuispenchéau-dessusd’elledetoutemahauteur.

—Qu’est-cequetufiches?Sarespirationlourdetrahitsanséquivoquesondésirfaceàcequejem’apprêteàfaire.Jeluiécarte

lesjambesd’ungeste.Sescuissesflageolentcontrelamienne.Jetombeàgenouxetsesyeux,hagards,explorentmonvisage.Jeglissemontorseentreses jambesdésormaisouvertesetremontelesmainslelongdesescuisseshumidesetdouces, laissantdesmarquesrougesduboutdemesdoigtsalorsquejerelèvesarobesansménagement.Sapoitrinesesoulèveenrythmeaveclesbattementserratiquesdemoncœur.Ledésirquiexsudedenousestpresquepalpable.Chaquemillimètrequejedécouvredurcitencoremonérection.Saculottedecotonblancapparaît,et,à travers le tissu trempé, jedistinguepresquesonsexe.Ryanestunsaloparddeluiavoirfaitça,pourtantjeleremercieraisvolontiersàcetinstantprécis.Unbrasappuyéaumurcarreléderrièreelle,l’autreagrippéaulavabo,ellesepencheenarrière.Safaçonde m’inviter à continuer. Lentement, j’insère les doigts sous sa culotte que j’écarte de quelquescentimètres, jusqu’àdénuder sonmont-de-Vénus. J’enai l’eauà labouche. Jemepenchevers elle, lasaisissant par les hanches pour l’attirer à mes lèvres et aspirer son sexe dans ma bouche afin de lemordiller.

—Ohlàlà!Jesursaute.CarcegémissementneprovientpasdeMelody,dontlecorpss’estpétrifié.Monregard

entreencontactaveclevertagitédusien.Lesbruitsnousparviennentd’ailleurs:ilyaquelqu’undanslachambreadjacenteàlasalledebains.

—Mets-toiàgenoux,salope.Merde,c’estRyan.Jeporteunindexàmeslèvres,intimantlesilenceàmapartenaire.Ellehochela

têteetsalèvreinférieuredisparaîtentresesdents.Bonsang,cettefillem’empêchedepenserdefaçonrationnelle.

—Tulavoulais,alorsavale-latoutentière,espècedesalepute.Jefermelesyeux,tandisqueceuxdeMelodymanquentdeluisortirdesorbites.Lesond’uneclaque,

suivid’ungargouillis.Jemeredresselentementetm’écarteàcontrecœurdecesdélicesoffertsàmavueetàmagourmandise.Ellerajustesesvêtementsenquelquesgestesfurieux,sansfairedebruit,etsursauteaumomentoùsarobe,alourdieparl’eaudontelleestdétrempée,serabatcontresapeau.

—Vas-y,bouffe-moilabite,salope,etaprèstuirasembrassertonconnarddemari.—Ryan,dispasdestrucscommeça.C’estpassexy.Je serre les mâchoires et les poings. La femme de Mills. Merde, il ne plaisantait pas. Ce petit

merdeux va vraiment s’attirer des ennuis avec ses conneries, et il va falloir que je l’en sorte tout encontinuantàtravaillercommesiderienn’étaitavecmescollègues.

Jerisqueunrapidecoupd’œildans lachambre.Eneffet, l’épousedeMillsestagenouilléedevantRyan,levantversluidesyeuxemplisdevénération.Garcedecougar.CettebonnefemmesefichebienqueRyannesoitqu’ungamindedix-neufansauxprisesavecl’horreurqu’ilavécueenfant.

Illagifleavecsonsexe.—Jenesuispaslàpourtefairelacour,garce!Alors,fermetagueuleetsuce-moi.Illuienfoncesonsexejusqu’aufonddelagorge,siloinqueladameenaleslarmesauxyeux.Soudain,unflash.

—Sourisàl’appareil.Elle essaie de se dégager, mais de son autre main Ryan la maintient fermement contre son sexe,

l’obligeant à l’avaler. Elle a presque le nez collé à ses poils pubiens. Elle secoue la tête, tremble etfrappesescuissesdetoutessesforces.Etlui,hilare,immortaliselemomentsursontéléphone.

Merde.Jen’aipasenviedesignalermaprésence,maisellevas’évanouirsijen’intervienspas.—Ryan!Illarelâcheaussitôtparréflexe.Elleretombesurlesfesses,haletante,deslarmescoulantdesesyeux

injectésdesang.—Espècedesalaud!Jetendsverselleundoigtmenaçant.—C’esttoi,lagarce.Alors,sorsdelàavantquejeraconteàtonmariquellesalopeilaépousée.Ellebaisselesyeuxausoletseremetdeboutavantdefiler.—Putain,Ryan,qu’est-cequetufous?Ilrangesonmatérieletreboutonnesabraguette.—Jet’aiditcequej’allaisfaire.T’asvuMelody?—Non,jenel’aipasvue,dis-jed’unevoixrauque.Sidéré,jeleregardequitterlachambrecommesicequ’ilvenaitdefaireétaitparfaitementnormal.—Bon,jepensequejevaisfiler,chuchoteMelodyderrièremoi.—Jepenseeneffetquec’estunebonneidée.D’ailleurs,çavamefourniruneexcusepouryaller

aussi.Jeteraccompagneenvoiture.J’enaiplusqu’assezd’êtreici.Elles’éclipsedelapièceavecunricanement.Melodyneditaurevoiràpersonne.Je laretrouvequiremontelaruedanssesvêtementsmouillés.

Elleestridicule.—Montedanscettefichuevoiture,tutedonnesenspectacleetc’estgênant.Safureursedéversepartouslesporesdesapeau.—Vatefairefoutre,Blake.Jelasaisispar-derrièreauniveaudeshanchespourl’immobiliser.—Montedanscetteputaindevoiture!répété-je.—OK,maisnemetouchepas,trouduc.Ha!Elleaurabeaulenier,maisjesaisqu’elleadorequejelatouche.—Lesfrasquesdemonfrèreontcalmémesardeurs,alorsnetemetspasmarteldanstajoliepetite

têtedementeuse,princesse.Elleclaquelaportièreettireviolemmentsursaceinturedesécurité.—Menteuse?—Ouais,menteuse.Parcequetuadoresquandjetetouche,Puya,ettupeuxleniertantquetuveux

avecceslèvres…Jepasseundoigtsursaboucheentrouverte.—Maisceslèvres-ci…Jedésigned’uneœilladelajonctionenfiévréeentresescuissessensuelles.—…trahissenttesmensonges.Jeluiadresseunsourirenarquois.—Tupalpites,là,hein?Tumouillesrienqu’àl’idéedecequipourraitsepasserentrenous.Sonhalètementestimmanquable.—Ehbien,retiens-toi,Puya.Jenepourraispasbander,mêmesij’essayais.C’est unmensonge et j’espère qu’elle ne baissera pas les yeux, car elle pourraitme retourner les

mêmesrailleriesquejeviensdeluiasséner.Le silence envahit l’habitacle et se prolonge pendant tout le trajet retour. Je me gare devant son

bâtimentuniversitaire.—Derien,lancé-jeavecunsouriremoqueurfaceàsaposturehostile.—Jetehais.—Non,c’esttoi-mêmequetuhais,justementparcequetunemehaispas.Je lesais,car jemedétesteexactementpour lamêmeraison.Celadit, jem’abstiensde luiavouer

cettevérité-là.Elle sautede lavoiture et j’attendsqu’elledisparaissederrière laporte avantde redémarrerpour

rentrerchezmoi.

Chapitre20:avisdetempête

BLAKE

J’aireçuunnouveaucontrat,mais,depuisquejeconnaisMelody,jeremetsenquestionmeschoixdevie.Combiendejeunesfillescommeellesubissentlesconséquencesdelacolèrequinousdévore,Ryanetmoi,depuisl’enfance?Ai-jeétéaussiirréfléchidanslesautresmissionsquej’aiacceptées?Ledemi-frèreprétendaitquelepèreétaitvolageetlamère,sontémoincomplice.Àcausedemahaineaveugleenversmespropresparents,j’aidécidéquecesperversionsvalaientbienlapeinedemort.J’auraisdûenquêterplusavant.Mais, à lavérité, je saisbienque lescrimesdecegenre sont souventcrapuleux.Personneneconnaissait l’étenduedes turpitudesdenosparentsànotreégard.Alors,quiétais-je,moi,pourdouterdesdiresdecetype?Ondoitbienavoiruneraisonimparablepourvouloirsedébarrasserdesonpère,non?Manifestement,lacupiditéestunmobilesuffisantpourunmeurtre.Leuravocatestenfinrentré,etletestamentserabientôtouvert.Markusauraunejoliesurprise…undétaildanscetteaffairequiapoussé lespoliciersà fouillerunpeuplusdans laviedu frère. Jene suispas inquiet,noséchangesétaientparfaitementsécurisés,et,laseulepreuveexistante,cesontlesimpressionsquej’airéaliséesafindetoutpasseraupeignefin.

Montéléphonevibre,interrompantlefildemespensées.C’estRyan.—Salut,tuestoujoursaubarbecue?luidemandé-je.—Non,jesuispartipeudetempsaprèstoi.Jeviensd’appelerMelody.Ellem’atraitédetrouducul.—Tuesuntrouducul.—Elle se la joue salopemal lunée.Ça lui arrive souvent, cesderniers temps.Bref, je t’appelais

parcequejeneretrouvepasmonportefeuille.Jenel’auraispaslaissésurlatabledelacuisine?—Si,eneffet.Oùes-tu?—Àsarésidenceuniversitaire.Ravalantlegrognementanimalquimemontedanslagorge,jeluiannoncequejevaisleluiapporter.JemegareprèsdeRyan,surprisparlesoudainchangementdetemps.Lapluietombesifortquetout

est flouà travers lepare-brise, lemondesediluantdansunedistorsiondecouleurs. Jebaisse lavitrecôtépassagerpourdécouvrirRyansousunabri.Ilregardefixementdel’autrecôtédelaroute.J’essaiedel’appelersursonportable,maisilsembletropconcentrésurcequiretientsonattention.Jefrappelevolant, tout en vérifiant si, par magie, une veste ne serait pas apparue sur le siège arrière. Non,évidemment.Alors,jeprendsleportefeuilleetcoursrejoindremonfrère.Lesgouttesmefrappentcommeautantdeminusculesaiguilles.L’airestencorelourdmalgrél’oragequigronde,etunéclairillumineleciel,bientôtsuiviparuncoupdetonnerre.

—Ryan!Qu’est-cequetuscrutes,commeça?Jesuisladirectiondesonregard,etretiensmonsouffleendécouvrantMelodyplantéesousledéluge,

sansmanteau.Soncorpsestsecouédefrissons.Elleal’airperdue,ainsiabandonnéeàsonchagrin.—Putain,Ryan,elleestenlarmes!Qu’est-cequetufabriques?Commeàcontrecœur,ilportesonattentionsurmoi.

—Jeregarde.Elle estdétruite à l’intérieur.Les fragilesmorceauxde sonêtre sont emportéspar l’aversequi lui

tombe dessus. Son chagrin est si tangible qu’on croirait presque que c’est sa peine qui a fait venirl’orage.

JeclaqueleportefeuilledeRyancontresontorseetcoursverselle.Paslechoix.Jesuispeut-êtreunsalaud,maisjen’aipasenviequ’ellesouffre.Jeveuxl’envelopperdemaforce,luidonnerquelquechoseàquoiseraccrocher.Jeveuxpartagersasouffranceafinqueplusjamaisellenepleureainsi.Sijepouvaismefaufileràl’intérieurdesonespritetyeffacerl’horreurdontelleaétéletémoin,jeleferais.Jesuisfichu,voilà.Lavoirsivulnérable,surlepointd’êtreemportéeparlatempête,faitresurgirtoutcequejemesuistoujourséchinéàmecacher.

Chapitre21:émotions

MELODY

Je pousse la porte d’un coup sec.La pluie frappema peau. Je suis vite trempée,mais les gouttesfroidesneparviennentpasànettoyermonchagrin.Masolitudem’étouffe.Mesparentsmemanquenttantquej’arriveàpeineàrespirer.Lapolicen’apasdepistes,maisilsvontnousrendrelescorpsafinqu’onpuisselesenterrer.Lemomentestirréel:c’estcommesil’onm’apprenaitleurmortunedeuxièmefois.J’ailecœurbrisé.Commentlesgensfont-ilspoursurvivreàpareilleperte?

Le rire d’un couple qui court semettre à l’abri est si assourdissant que j’ai envie de leur hurlerdessus,qu’ils se rendentcomptede lachancequ’ilsontd’être là l’unpour l’autre. Ils sontheureuxetcomplètementinconscientsdelapersonnequisemeurtjusteàleurscôtés.

Jesuislà,vousmevoyez?Àl’intérieur,depuislesprofondeursdecevideimmense,jem’égosille;pourtant,àl’extérieur,ma

peineresteinvisible.Sinon,commentlesgenspourraient-ilsignorerlamortdemonâme?Unfrissonmesecoue,toutmoncorpstremble.Jesuislà,trempéejusqu’auxos,mesvêtementscollés

àlapeau,etmalgrétoutjeneparvienspasàbouger.Lebattementdudélugedegouttesquidansentsurlesolm’empêche deme les figurer. La pluiem’emprisonne dans l’instant présent. Les flaques s’étalent,avalentetnoienttoutautourd’elles.Meslarmessefondentaveclemanteaudepluie.J’aienviedehurlerafind’expulsermadouleur,maisjen’aipasassezdelarmespourtransportertoutmonchagrin,sipuissantqu’illaisseunemarquetangibleautourdemoncœur.

—Puya?Àpeinevisibleàtraversletorrent,Blakem’appelle.Qu’est-cequ’ilfaitlà,plantésouslapluie?Sa

staturesemblechangerlamatièredel’airquinousentoure.Lesbattementsdésordonnésdemoncœurmerappellentqu’ilestcapablederessentirautrechosequeladouleur.Cegarçonmeperturbeetm’exciteàlafois.Enquelquesgrandesenjambées,ilengloutitl’espacequinoussépare.

Sanstropsavoirsijesuisentrainderêver,ous’ilestvraimentlà,jemurmure:—Pourquoiest-cequetum’appellescommeça?Vulebrouillarddans lequel jeviscesderniers temps, jeneseraispassurprisedemeréveilleren

sursaut,seuledansmachambreuniversitaire.Desgouttelettes se forment, coulent sur lesdoucesplainesde sonvisageetdans ses cheveuxdéjà

trempés.Certainess’accrochentaupassageàseslongscilsnoirs.Iltendlamainversmoi,capturemonpoignetet,delapulpedupouce,ilsemetàcaressermonpetittatouage.

—Tuasenviedemourir?Unriremeremontedelagorge.Quellequestion!Jecroisbienquejesuisdéjàmorte,quejevisentre

deuxespaces-temps.Sesyeux fouillent lesmiens, etmon rire se changebientôt en sanglots tandisquej’essaiedemecacherlevisagepouréchapperàsonregardinquisiteur.Mesjambesnemeportentplus.Jevaism’effondrer devant lui, exposer à cet homme toutesmes cicatrices, qui ne lui inspireront qu’uneseuleenvie:fuir.Quiaimeraitsechargerd’unepersonneendeuil,unepersonnequis’estperdueelle-même,quisenoiedansuntorrentdechagrinetselaisseemporterparletsunamidudésespoir?

Unepairedebraspuissantsserefermeautourdemoi,etilmesoulèvetelunjeuneépouxemportantsapromise.Jesuisincapabledeleverlesyeuxverslui.Jenouelesmainsautourdesoncouetenfouislevisagedanslecreuxdesagorge.J’aibesoindequelqu’unpourrécupérermeslarmes,pourmetenirdanssesbrasetmeconfirmerquejesuisbienlà.

Jenem’enquierspasdesavoircommentilsaitoùsetrouvemachambre.Jelelaisseouvrirlaporteetmeporteràl’intérieur,directementdanslasalledebains.J’aitoujourslesyeuxfermés.J’entendsl’eauquicommenceàcouler sous ladoucheet sa respiration lourdealorsqu’il s’affairedans lapièce.Soncœur bat demanière affolée contrema poitrine, et, quand l’eau chaude déferle sur nous, je lâche unsoupird’aise.Ils’assieddanslacabine,m’installantsursesgenoux.

—Jemesenssiseulesanseux,chuchoté-jedanssoncouavantdereleverlatête.Jedécouvredanssesyeuxuneintensitésibrutequ’ellem’écorcheàvif,retirantlescouchesdepeau

restantesetrévélantmonâme.—Jeveuxquejusticeleursoitrendue,maisçan’arriverapas…Alors,jeveuxobtenirvengeance.

Maisavantça,j’aienvied’oublier.Rienqu’unpetitmoment.Marespirationsetransformeenhalètementsdedésir.J’aibesoindesentirquelqu’un.Besoindeme

sentirconnectée.Jenepeuxpascontinueràmourirseule,àdisparaîtrepeuàpeu.Ilmefautuneancre.Jebaisselesyeuxsurseslèvres.Jesenssonsexedéjàdursousmesfesses.—Prends-moi,Blake.Fais-moitoutoublier,rienqu’unpetitmoment.Fais-moiéprouverautrechose

quecevide.Ilécrasesabouchesur lamiennedansunbaiserduret impitoyable.Sesdentsmordillentmalèvre

inférieure,sesmainsplongentdansmescheveux. Il lesserredanssespoingsetmerenverse la têteenarrièresansménagement.L’excitationenflammedéjàmoncorpsdel’intérieur.Ilmefaitpivoter,sibienquejemeretrouvededoscontresontorse,lesfessesconfortablementinstalléessursonérection.Iltiresurmescheveux,inclinantmatêtesuruncôtéafind’accéderàmoncou,qu’ilsuçoteettitille.J’onduledubassincontrelui,enquêtedecettefrictionquiapaiseraladouleurpalpitanteentremescuisses.

Ilagrippemontee-shirtmouilléetmel’arrache.Jelâcheunhoquetaumomentoùilrévèlelesoutien-gorgededentellequicachemestétonssidursqu’ilsensontdouloureux.Ilportealorslesmainssurlesboutonsdemabraguetteet tiredessus.L’espacedequelquessecondes, jeperds laprésencechaudeetsolidedesoncorps.Jel’entendss’agiterderrièremoi,maisavantd’avoireuletempsdemeretournervers lui, l’eau cessede couler surnous. Jem’apprête à l’interroger, quand il passeunemain surmonventreetm’attirebrusquementcontresontorse. Ilmetireenarrièreetglisse lepommeaudedoucheàl’intérieur dema culotte. L’eau tièdeme caresse dans une succession de vagues, excitant mes lèvressensibles,etjerecommenceàbalancerleshanches.

—Ouvre-toipourmoi,gronde-t-ilaucreuxdemonoreille.Je suis à la fois nerveuse et terriblement excitée. J’ai besoin du soulagement qu’il m’offre. Je

repoussemon jeanetmaculotteunpeuplusbassurmes jambes.Lemélangede l’air fraisetde l’eauchaudemecoupe le souffle.Quand jeglissedeuxdoigts surma fente, je capte sabrusque inspiration.J’écartemes lèvres pour qu’ilme dévore des yeux.Un grognement guttural lui échappe et il soulèvebrutalement le bonnet de mon soutien-gorge, faisant durcir un peu plus encore mes seins pointés.L’adrénalinepulseparvaguesàtraversmoncorps.Jevibresifortquej’ailasensationdesortirdemoncorps. Ildéplace lepommeaudedoucheversmonclitorisdésormais exposéet je frémis.Lapressionqu’ilexercesur lapetitebouledenerfsestparfaite,d’autantqu’ils’arrangepourvenir lafrotteraussiavecsesphalangespendantqu’ilmepince lemamelondesonautremain.Jenepeuxpasensupporterdavantage, le plaisir est incroyable.Alors, jem’abandonne à une sensation si puissante qu’elle prendpossessiondemoncorpsetdemonesprit.

Jemetortillecontrelui,sonsexecaléentremesfessesetlebasdemondos.Ilestlongetépais.Mesgémissementssefontsuppliques,descriséhontésquiserépercutententrelesmurscarrelés.Jecontinueàm’explorer enmême temps que lui. Le plaisir monte, s’intensifie, mon bas-ventre palpite. Je pulse àl’intérieuretlesparoisdemonvaginseresserrent,avides.

—Glisselesdoigtsàl’intérieur.Montre-moiàquelpointtumedésires.Songrondementaffamécouledansmonoreille.Jedéplacemamainpour laposer sur la sienne, puis ladescendsvers l’entréedemon sexe, et je

plongedeuxdoigtsenmoi.Monvaginm’aspiregoulûment,ettouscesfrottementsexercésenmêmetempsfont explosermon corps dans l’orgasme le plus fort que je n’aie jamais éprouvé. Il s’allume enmoi,enflammechaqueterminaisonnerveusesursonpassageetlaissederrièreluiunpicotementfrémissant.

Lachaleurdemajouissancem’engluelesdoigtsalorsquejesuissecouéedespasmes.LepommeaudedouchedisparaîtetBlakemesaisit lepoignet,ôtantmesdoigtsdemonsexe.Je tourne la têteet leregarde,fascinée,sortirlalangueetaspirermesdoigtsdanssabouche.Illaisseéchapperungrognementquirésonnedansmondos,etilbaisselespaupières.

—Tuessipure,sidouce.Ilme prend les lèvres, agressif, etma propre odeur se combine à la sienne pour exploser surma

langue.C’estàlafoistropetpasassez,l’exempleparfaitdelacontradiction.Sesmouvementssontlents,et je suis envahie par l’habituelmélange de honte et de colère quem’inspirema faiblesse face à sesavances.Sonregardesttroppénétrant.

Jeme lèvemaladroitement, tâchantdedémêlernosmembresnoués. Jebaisse lesyeux sur lui, quim’observetoujours,puisj’attrapeuneservietteavantdequitterlasalledebains.

Chapitre22:guérir

BLAKE

Jesavouresongoûtsurmalangue.Elleestaussidélicieusequejel’imaginais.Etlafaçondontelleaondulécontremoien jouissant, c’est ceque j’aivudeplus sexyaucoursdemavie.Mais,déjà, ellerenfile sonarmure.Elleattendmonsoudainchangementd’humeurcommeaucoursdenosprécédentesrencontres,sansdoute.Jemesuissystématiquementretournécontreellechaquefoisqu’elleasuccombéàmes avances. Mais là, c’est totalement différent. Ryan m’a raconté qu’elle se montrait d’humeurchangeanteencours.Elleérigedesmuraillesautourd’elle,et,mêmesij’enaid’identiques,jerefusedelalaissersecacherderrière.Jeneveuxpasqu’ellesesenteencoreplusperduequ’ellenel’estdéjà.

Jelasuisdoncdanssachambre.—Tun’espastouteseule,Melody.Sonregardfuribondnefaitrienpourcalmermonexcitation.—Jen’aipasbesoindetapitié,Blake.Nilatiennenicelledepersonne.Jerefermemesbrasautourdesoncorps.Elleestplantéedevantlemiroirrecouvertd’undrap,ses

cheveuxtrempésdégoulinantsurlamoquetteàsespieds.Elleestuniquementcouverted’uneminusculeserviettedontelles’estenveloppéeàlahâteenredescendantdubonheurdel’orgasme.Ellefaitunpasenavant,vainetentativepourmettredeladistanceentrenous,maisjelaluirefuseetplaquelesmainssurlemiroir,departetd’autredesonvisage.

—Jen’accordepasfacilementdel’empathie,Melody.Enfait,c’estmêmeuneémotioninéditepourmoi.Jesaisquetusouffres.Mais,silesgenstemontrentdelacompassion,c’estpourtesignifierqu’ilsressententtonchagrin,qu’ilslepartagentavectoi,quetun’aspasàleporterseule.

Soncorpsfrémitsousl’effetdesémotionsquiprennentlecontrôle.—Jevaist’aider.Pourcommencer,laisse-moitemontrerquetun’aspasàcraindrelesmiroirs.Pantelante,ellemeregarderetirer le lingequicouvrelaglace.Notrerefletnousobservedepuis la

surfaceréfléchissantedésormaisvisible.Melodyabeausecouerlatête,jedoisluimontrercommenttirerdesforcesdesafaiblesse,desapeur.Jeporteunemainàsagorge.Sespupillessedilatentetsesmainsmenuestententd’enleverlamienne.Detoutmonpoids,jemeplaquecontresondos,unbrasappuyéaumurpouréviterdel’écrasercontrelemiroir.Sonodeurenflammetousmesdésirs.

Jelèchelelobedesonoreilleavantdechuchoter:—Possèdetapeur,Puya.Remplace-laparduplaisir.Jemordsson lobe,puisaspire lepicotementdansmabouche.Elleest toujours tendue.Jepose les

yeuxsurlemiroirpoursoutenirsonregard.—Sorsdemachambre.Direquejet’ailaissémetoucher…Çamedonneenviedevomir,crache-

t-elle.La pique me fait plus mal que je ne l’aurais prévu. Pourtant, je sais qu’il s’agit d’un réflexe de

protection.Elleestsiprochedecraquerquesadouleursechangeencolèrepourl’empêcherdepartirenmillemorceauxetneplusjamaisréussiràseretrouver.

—Tuveuxquequelqu’unsouffreparceque tusouffres, toi.Tuveuxqu’onsachecequeçafaitde

contempler lascèneque tesyeuxontdûvoirafindeneplusêtreseuledans lasouffrancequi tehante,danslechagrinquiteretientenotagedanscettemaison.Regarde-toi!grondé-jeenluitournantlevisagedeforce.

—Non.Lâche-moi!—Regarde-toi.Sesyeuxsefixentsursonreflet.Leslarmesgonflentsespaupièresdechagrinavantdedéborderetde

serépandreenfinsruisseletssursesjoues.—Cesonteuxquimeregardent.C’esttoutcequimerested’eux,toutcequirestedelafillequ’ils

ontélevéeetfaçonnéeafinqu’elleréussissedanslavie.Cettefille,cellequiarampéjusqu’àl’extérieuretquittésoncocon,elleestmortedans lamaisonaveceux.Etpourtant,sonvisagemecontemple.Lesyeuxdemonpère,lespommettesetlenezdemamère.

Ellesanglotesifortqu’elleenfrissonne.— Un visage très beau et qui doit être célébré. Ils ont créé une femme superbe, une femme

remarquablequiesttoujourslà,Puya.Elleajustebesoindes’accepteretdevivreavecleschangementsqu’ellea subis.Personnene survit à lavisitedumal sansenêtre transformé,mais la façondont tu lelaissestedéfinir,c’estça,laclépourysurvivre.

Destourbillonsdejadeenfusionmepercentdeleurfeu.Lapressionchaudeetdoucedesoncorpss’accentuetandisqu’elleselaisseallerenarrière.Elledénouelaserviette,quitombeausol.Jel’écarted’uncoupdepiedetdéguste lavuedesoncorpscomplètementnudevantmoi.Ellem’offre tout : soncorps,sonâme,soncœur…Toutestlà,àmaportée,sijeleveux.EtDieusaitquejeledésire.Prendretout ce qu’ellem’offreme changerait demanière irrévocable,mais le refuser serait un crime. Je doislaissercettesaintelaverunpeudumalquej’aienmoi.Leproblème,c’estquecorrompreunangeetledamnerferaitdemoiunpécheurpireencore.Ellem’enchante,etj’éprouvelebesoinirrépressibledelafaireentièrementmienne,deluiapprendreàacceptercellequ’elleestdevenue,dedéverser lefruitdemondésiraufondd’elle,depossédersonplaisiretdeguérirsapeur.

Elle a la peau encore humide, comme couverte d’un voile de brume et parcourue de frissons. Jedéplacelégèrementlamainsursagorge,oùjesenslepoulsbattresousmesdoigts.

—Possède tapeur, lui soufflé-jeendéposantune lignedebaiserssursonépaule,dont je lèche levoiled’eaumêléàsasaveuruniqueencoredansmabouche.

Elleposesapaumesurmonavant-bras,celuidontlamainserredoucementsoncou.—Possède-moi,susurre-t-elle.Jelarelâche,etelleseretournepourmeregarderéparpillermesvêtementsausol,jusqu’àimitersa

nudité.Elleouvregrandlaboucheenrepérantmonérectionépaisse,dresséeaugarde-à-vousfaceàelle.Je la reprends dansmesbras, unpoing emmêlé dans ses cheveux, avant de la conduire vers le lit. Jedévoreseslèvrescharnues,plongelalanguedanssabouche;j’établismadominationsurelle.Etpuisjerompsl’étreinte,lalaissantpantelante,pourlapoussersurlematelas.Jel’yrejoinsaussitôt.J’enveloppeson corps du mien, une main toujours fermement ancrée dans ses cheveux pour maintenir sa tête enarrière.Jemesersd’ungenoupourmefrayerunpassageentresescuisses,quejecognesansménagementpourl’obligeràlesouvrirencore.Lavuedeseslèvresécartéesetdesonexcitationquiengluesafenteroséesiparfaiteme tireungrognement.Soncorpsn’attendqu’unechose :avalermonsexe.Bonsang,c’est un festin sexuel idéal, cette petite chatte étroite, et je n’enpeuxplus d’attendre dem’en régaler.Maisjedoisl’aideràréparercequis’estbriséenelle,àeffacercecauchemarquilahanteetlapossède.Sitorduquecesoit, l’entitéquiainstallécettepeur,c’estmoi.Etc’estmoiquidoislaguiderpourlasurmonter.Pourl’instant, toutçan’importeguère:moncerveaumesoufflequelessensationssonttropagréablespourquelasituationsoitcomplètementmauvaise.

Du bout d’un doigt, je dessine le contour de sa fente avant de m’enfoncer à l’intérieur. Legémissementquimerépondm’encourageàinsinuerundeuxièmedoigtdansleliquidechaud,etjenepeuxréprimerungrognementquandlesparoisdesonvaginm’agrippent,merecouvrentdufilmdesonessence.Jem’enfouisplusavant,puismeretire,etentamedelentsva-et-vientàunrythmelancinantqui luifaitagiterleshanchesetlespousserversmesdoigts.

—Oui,baisemesdoigts,Puya.Montre-moiàquelpointtuasenvie.Elle ondule des hanches, se frotte, et c’est si bon de la voir s’empaler surmamain, de la sentir

s’abandonner. Ses cris de plaisir me rendent dingue, et je lui rends ses assauts avec le mêmeenthousiasme, caressant son point G à chaque plongeon. Je sais qu’elle va jouir, je sens son sexe seresserrer, ses muscles crispés par des spasmes appelant l’orgasme, et je vais le lui donner. Sansavertissement,jeretiremesdoigtsetlesremplaceparmonsexe,quej’enfoncejusqu’àlagardeavecuneférocité telleque lematelasploiesous laviolencedumouvement.Unemaindanssescheveux, l’autreagrippéeàsataille,jel’attireàlarencontredemescoupsdeboutoirquienvahissentchaquemillimètrecarrédesonfourreauchaudetdélicieux.Ellemeconsume,jenepeuxpasm’enfoncerplusprofondémentenelleet,pourtant,j’ailasensationquejamaisjeneseraiassezaufond.Noussommesliésdansl’extase,mais notre connexion est bien plus forte que ça. Je suis drogué par son élixir et jamais je ne voudrairedescendre.

J’imposeunecadencerapide,dure,etellemerépondcouppourcoup,dessinantdescerclesavecsonbassinchaquefoisquemonglandlapousseaubordduprécipice.Unechaleurmetitillel’échineetmefaitplongerplusavantalorsquemestesticulessetendent.Jemepenchecontreelle,libèresescheveuxetenveloppe de nouveau sa vie dansma paume. Je continue à l’assaillir,mes testicules frappant contrel’arrièredesescuisses.Sonsexetrempém’engloutitavecavidité.Pourtant,ellesefigesousmamain.

—Tuassurvécu.Je m’enfonce, frottant la petite boule de nerfs cachée à l’entrée de son vagin. Sa respiration est

coupéeparl’étreintedemamainautourdesoncoutandisquejebatsdeshanchesavecbrutalité.—Situpossèdestapeur,ellenepeutpasgagner.Jelâcheungrognementsousla tensiondesoncorps.Sapetitechatteenserremonsexesifortqu’il

pourraitbienrestercoincélàquandjevoudraimeretirer.Soudain,jesenssoncorpsexploserdansunefrénésiedespasmes,etjerelâchesagorgeafinquesescordesvocalespuissentexprimertoutelaforcedesescrisàtraverslapièce.Monpropreorgasmem’emporteavecchaquejetdespermedontjel’emplis.

Chapitre23:changements

MELODY

Jesuiscomplètementépuisée,sexuellement,mentalementetémotionnellement.Jamaisjenemesuissentie à la fois autant à vif, en sécurité et sur la voie de la guérison.Le sexe, j’ai toujours trouvé çaplaisant.Zaneétaitunamanttendre,douxetattentionné,maisjen’auraisjamaiscruquecelapouvaitêtreaussiexplosif!BlakeestmieuxpourvuqueZanedeplusieurscentimètres,maisc’étaitplutôtlapassionetl’intensitédenotredésirquiétaientnouvellespourmoi.Ilasuliremoncorpscommes’ilétaitnépourcetacte.Ilajouédemonplaisir,composantunesymphonieparfaite.Etmoi,jemenoiedanssoncharmeimmoral,sanséprouverlamoindreenvied’êtresecourue.Aucontraire,jeveuxêtrerecouvertepartoutcequ’ilest.Jesuiscaptivéeparl’âmedecethommeinconstant,perturbant,ensorcelant,quivientdemedémontrer que je pouvais être sauvée. Certaines parties de moi, que je croyais perdues, peuventêtreréparées.Jamaisjenem’enremettraitoutàfait,maisj’apprendraiàcontinuerderespirer,àguériretàsurvivresanseux.

Le contact délicat de la pointe de ses doigts dansant sur ma peau me tire un sourire. Il m’a faitl’amourencoredeuxfoisaprèsnotrepremierrapport,enprenanttoutsontempspourétanchersasoifdesexe.Lelégerbourdonnementencoreunpeudouloureuxentremes jambessechargedemerappeler lepouvoirtotalqu’ilaexercésurmoncorps.

—Pourquoiest-cequetum’appellesPuya?Ilesquisseunmouvementdereculavantderépondre:—Àcausedetontatouage.LesPuyachilensissontrares,etleurfloraisonencoreplus,maisquand

elleseproduit,c’estunphénomèneunique.Etpuis,cesplantessontcapablesdes’adapteretdesurvivreàpeuprèsàtout.

Jemerapprocheunpeuplusdelui.—C’estbeau.Sonnezseplisse,unmouvementtrèsfurtifetqu’iltâchedecacher,toutenévitantsoigneusementde

croisermonregard.—Tuesentraindemementir?luidemandé-je,enfonçantundoigtdanssontorsenu.Ilm’offreunsourireàcouperlesouffle.—Non,j’ometsunélémentclé.—Balance.Ilm’enlaceetmehissesurlui,plongeantlenezdansmoncou.— Les moutons s’empalent parfois sur les épines acérées de la plante. Ils meurent, et elle les

absorbe.J’essaiedemedégager,maisilmemaintientfermement.—Tum’asattrapédanstonpiègecaptivant,tum’asréveilléet,depuis,lentementmaissûrement,tu

absorbesmonâmechaquenuit.Mince, je suis en train de tomber raide dingue de ce type. Je pose les lèvres sur les siennes,

m’immergeantdanslaférocitédesoncontact.Unpetitcoupfrappéàlaporteinterromptnotrebaiser.Si

c’estCherryetRed,ellesvontseliquéfieràlavuedeBlakenudansmonlit.—Nefaispasdebruit,çavalesdécourager.Jepouffe.—Mel,tueslà?Quoi?Zane!Monestomacsetord.Jem’attendaisàavoirdesesnouvellesplustôt,maisunevisite…

UnmailouunSMSauminimum,uncoupdefilaumieux,maismerde,ilestderrièrelaporteetjesuisallongée,nue,surunofficierdepolice.

—C’estqui?LavoiximplacabledeBlakemedonnelagiflenécessairepourquejemeremetteenaction.—Merde,merde…Jesauteaubasdulit,attrapemonpeignoiretm’enveloppedutissudesoiefinetfrais.Jerassemble

lesvêtementsmouillésdeBlake,quejejettedanslasalledebainsaumomentoùilapparaîtderrièremoi,mefaisantsursauter.

—Quiestcetype?Jelepoussedanslapetitepièce.—Monplus vieil ami, soufflé-je en l’enfermant, avant d’aller répondre aux appels insistants à la

porte.Lebattants’ouvredansuncourantd’airquimerabat lescheveuxsur levisage.Desdoigtscalleux

écartentlesmècheségaréesetlescoincentderrièremonoreille.Etunepaired’yeuxbleuvifplongedanslesmiens,accompagnésd’unpetitsourire.

— Je suis vraiment désolé, bébé, j’étais en déplacement avec l’équipe, mes parents viennent dem’informer.J’aisautédansunavionpourvenirdirectement.

Leslarmesdégoulinentsurmesjouestandisquesesbrasm’enveloppentdansleurréconfortfamilier.Sonodeurmerappellelamaison,lecontactdesachemiserepasséesousmajoue,lachaleurdesoncorpsdessous.Zaneest toujourschaud.Soncorpsathlétiqueestsanscesseenébullition,mêmeaucoursdesfroidesnuitsd’hiver.

Meslarmesimbibentlecotondesonvêtement.—Entrons,Cereus.Monestomacsetord.Merde,commentjevaislajouer,là?Jedoism’habiller,emmenerZaneloinde

cettechambreetenvoyerensuiteunSMSàBlake.Zanemepousselentementàl’intérieur.—Ilfautjustequejem’habille,etpuisonpourrasortirprendreuncafé.Tuveuxbienmeretrouver

quelquepartdansdix…J’interrompsmaphrasedansunmurmurequandjemerendscomptequeZanefixequelquechosepar-

dessusmonépaule.Ouplutôtquelqu’un.Aïe.Prenantune inspiration, je suis la lignede son regard.Blakeest là,dans l’encadrementde la

portedelasalledebains,lesbrasappuyésenhautdumontant,sapeauensoleilléetenduesursesmusclesparfaitementdessinés.Ilfaitdel’exercice,manifestement.J’aibeaul’avoirsentiàl’intérieuretsurmoncorps,m’assaillantdesesassiduités,peaucontrepeau,l’avoirtouchéetléché,iln’empêchequejeresteplantéelààlecontempler,latêtemetournantlégèrement.Ilesttoutàfaitdécontracté,sûrdelui,etjemedemandequellessontses intentions.Va-t-il lancerquelqueblaguesalace,ouest-ilen traindemarquerson territoire,d’indiqueràZaneque j’aiquelqu’un,àprésent?Est-ceque j’aiquelqu’un,d’ailleurs?Oui,sansl’ombred’undouteencequimeconcerne.Ilestlà,àl’intérieurdemoi,etilmeconsume.Jel’aisentidansmesveines,danstouteslesfibresdemapeauqu’ilainfectées,etjenecherchesurtoutpasàêtresoignée.Aucontraire,j’accueilleàbrasouvertslafièvrequim’acontaminée.

Zanenousregardetouràtour,Blake–toutnu–etmoi.—Blake,jeteprésenteZane,quejeconnaisdepuistoujours.Zane,excuselanuditédeBlake,mais

onaétésurprisparl’orage.Blake porte les mains à ses flancs et s’approche de nous d’une démarche tranquille. Il vient me

prendreparlataillepourm’attirercontrelui.—Cen’estpasexactementlaraisondenotrenudité,pasvrai,bébé?Ilaccentueàdesseinlemot«bébé»,provoquantunfrissonsurmapeau.IlaentenduZanem’appeler

ainsi.Cederniernousobserveuninstantavantderépondre.—Tum’asl’aird’unbongars…Blade,c’estça?Maisj’arrivedeloin,etjenesuispasvenufaire

leconcoursde«celuiquialaplusgrosse».Jesuislàpourvoirmacopine.L’airestchargéd’unetelleanimositéquelesouvenirdugoûtdusangdansmabouchem’enflammele

cerveau.—S’ilvousplaît,nefaitespasça.JeressenslafureurdeBlake,etellemeterrifie.Jetrembledespiedsàlatête.LavoixcalmedeZane

m’apaisequelquepeu.—Hé,respire,Mel.Toutvabien.Jevaisattendredehorsletempsquetut’habilles,OK?C’estpourçaquejel’aimais:ilalatêtesurlesépaulesetilmeconnaîtsibien.Jenesuispasenétat

desupporterlamoindremanifestationdeviolenceoulesregardsagressifs,etsurtoutpasvenantdedeuxpersonnesauxquellesjetiens.

La porte se referme doucement derrière lui. En soupirant, jeme retourne pour claquer le torse nudeBlake.

—C’étaitpathétique.—Tapetitechatteestencorepleinedemonsperme,alorslefaitqu’ilt’appelle«bébé»etteserre

danssesbras,c’estinsultantvis-à-visdemoi.J’aienviedel’étrangler.Ilsecomportecommeunenfoiré,mêmes’ilaraison.Jel’aicachédansla

salledebainscommesij’avaispeurd’êtresurpriseentraindecommettreuncrime.Onesttouslesdeuxadultes,etZaneetmoi,nousnesommesplusensembledepuislongtemps.

—Tuesvulgaire,tuesuntrouduc,maistun’aspastort.Jeteprésentemesexcuses.Il paraît surpris par ma réaction. Une lueur allume brièvement ses yeux écarquillés et un sourire

retrousseseslèvres.—Bien,parceque tout ça, c’est toutnouveaupourmoi, et jene saispas tropcommentgérermes

sentiments.J’apprendsaufuretàmesure.Maisentoutcas,jesaisunechose,Puya:jet’aifaitemienne,aujourd’hui,etriennipersonnenepourrachangerça.Cequiveutdirequejerisquedemecomporterdefaçonpathétiqueparmoments.Pourtant,crois-moi,cen’estriencomparéàcequemesoufflemapetitevoixintérieure.Alors,tiens-toiloindesbrasdesautresmecs,etj’éviteraidelestuer.

OK,waouh.Qu’est-cequejesuiscenséerépondreàça?Depuis que je le connais, il se comporte telle une tornade, quime déchire etm’emporte dans ses

turbulences imprévisibles. À présent que je me retrouve dans l’œil du cyclone, au cœur d’un calmeétrangeetentouréedechaos,çaresteeffrayant.Ilmetsonâmeànudevantmoi,memontreunepartieplusprofondedelui.Iln’apasl’habitudedesrelationshumaines,et,mêmes’ilavraimentbesoind’apprendreàmieuxformuler leschosesetàcesserd’agirenhommedescavernes,cetaveun’enestpasmoinsunmoment de vulnérabilité qui lui coûte beaucoup. J’ai envie de le protéger, de l’abriter quand il sedévoile,afinqu’ilnesesentepasaffaibliparceteffortsurhumain.

—Ilfaitpartiedemaviedepuislongtemps.Onétaitamoureuxaulycée.

Sapostureraidememetmalàl’aise.—Maisc’étaitaulycée,ajouté-je,etjemerendscompteaujourd’huiquecequenouspartagionsétait

bienloinderessembleràcequel’onestcenséressentiraveclabonnepersonne.Ilaprislerisquedes’ouvriràmoi,alorsc’estàmontourd’enfaireautant.Etjedoisparveniràle

détendre,sinonilvasebriserlesmâchoiresàforcedelesserrer.—Etpour toninformation,dansledomainede«celuiquia laplusgrosse»,c’est toiquigagnes,

affirmé-jeavecunclind’œil.Ilseruesurmoi,meplaquesurlelitets’enfonceenmoi.—Tuasraison,bébé.Jesuisunhomme,unvrai.Lui,cen’estqu’ungamin.Jepouffe.—Etdonc,moi,jenesuisencorequ’unegamine?Dansungrognement,iltiresurmonpeignoiretmedénude.—Non,tuesunefemme,unevraie.Mafemme.Unmilliond’éclairss’allumentdansmonventreetremontent jusqu’àmoncœur.C’estunsentiment

inouïdesavoirqu’auplusprofonddemondésespoir,quandjesuistombée,jen’aipasatterriausol,cettefois.Carilm’arattrapée.

Chapitre24:attaches

RYAN

Il l’a soulevée dans ses bras et emportée. C’était il y a trois heures. J’avais sous-estimé leurconnexion.Ilestdevenuunautrehommeàl’instantoùelleacraqué,exactementcommeàl’époque,avecmoi,quandilavaitchangéenunefractiondeseconde.Pourquoinesuis-jepasprogrammécommelui,ouluicommemoi?Commentpeut-ilchangerainsi?Jen’aipasressentilemoindrebesoind’allerverselle.Enfin,hormispourvoirdeplusprèssonvisagecomplètementanéanti.Rienaufonddemoinem’apousséàcouriràsarescousse.Aucontraire,jejouissaisdesonmalheur,jelecontemplaiscommeuntrophée.

Elleétaitsublimedanssondésespoir.Etpuis,ilestarrivé,etilm’avolémonspectacle.Lapluiesecalmepourn’êtreplusqu’unebrumefroidequifinitpars’évaporer,laissantunesortede

roséeensuspensiondansl’airlourd.Lesnuagesd’oragefilentàtraversleciel,leurteintegrisebientôtdisperséedansl’azurestival.

Etvoilàqu’elleréapparaît,sautillante.Unetoutautrepersonne.C’estlittéralementcommesielleétaitMèreNature,capabledesoumettrelamétéoàsonhumeur.Ungarsblond,flanquédedeuxrousses,tournela tête vers elle.Blake apparaît ensuite, l’entourant de sa possessivité exacerbée. Il l’embrasse et luidonneunetapesurlesfessesavantdelalaisserrejoindreletrio.

Jesuis tombédansun trounoir,ouquoi?Qu’est-cequisepasse?Rienne tourne rond.Commentosent-ils se réconforter l’un l’autre ? Ils m’appartiennent, tous les deux. J’ai besoin de ressentir cecontrôle-là.Toutmeglisseentrelesdoigts.

JesorsmontéléphoneetcomposelenumérodeSean,àquijedemandedemeretrouverchezmoi.

Chapitre25:l’ancienetlenouveau

MELODY

Zanemesouritpar-dessuslatable.—CherryetRed.Iln’apasbesoind’enajouterplus,sonexpressionsuffit,etjepouffe.—Oui,ellessontplutôtintenses.Devant moi, la fumée du café dessine une volute à la surface de ma tasse, mais j’ignore

l’avertissement.Etjemebrûlelapointedelalangue.—Toujoursaussiimpatiente.C’est bon de le voir. Il n’a pas changé d’un iota, et pourtant, tout est différent. Le monde est

transformé.Jenesuispluslafillequi,naguère,selovaitdanssesbrasenn’aspirantqu’àêtreaveclui.Toutétaitsisimple,alors.

Lesinstantsquenousvivonsnoussontsivitereprisqu’onpourraitcroirequ’ilsnenousontjamaisappartenu.Letempsnousestseulementprêté;ilfautcapturertoutcequ’onpeutavantqu’ilneresteplusqu’unvaguesouvenirdecelui,oucelle,quel’onétait.Onseditqu’onresteratoujourslemême,queriennechangerajamais,maisceschoix-lànedépendentpasdenous.Lemondechange,etnousaussi.

—J’aiappelécheztoi,ditZane,metirantdemesréflexions.(Levidedésagréableaucreuxdemonventresembles’agrandir.)C’estMarkusquiarépondu.Qu’est-cequ’ilfabriquelà-bas,Mel?

Ilsaitquemondemi-frèreetmoin’avonsjamaisétéproches,etquelesrelationsentremesparentsetluin’étaientpasfranchementaubeaufixe.

—Ilveutquejevendelamaison.Etcommejenepeuxm’yrésoudre,ilattendquejemedécide.Latensionraiditnosposturesrespectives.ZaneatoujoursdétestélafaçondontMarkusmetraite,de

mêmequesesregardstropappuyéspourceuxd’unfrèreainsiquesesbrimadesconstantes.—Tun’aspasbesoindelavendre.L’argentnemanquepas.Pourquoiest-cequ’ilsesoucietantdela

ventedecettemaison?Jehaisl’idéequemesparentsensoientréduitsàça,àlasommed’argentqu’ilsontlaisséederrière

eux.Moi,jem’enfiche.Jedonneraisvolontierstoutcetargent,siçapouvaitm’offrirunejournéedeplusauprèsd’eux.

— Par avidité, Zane. Tu sais comment il est. Le testament doit être lu demain, je vais doncsimplementluirachetersamoitiédelamaisonetilmelaisseratranquille.

Toutensirotantsonthéglacé,Zanecroisemonregardpar-dessusleborddesatasse.—Tupensesvraimentqu’ilhériteradelamoitiédetout?Saremarquememetmalàl’aise.Jenepeuxm’empêcherdem’agiter,cequichezmoisignifiequeje

n’aimepasladirectionpriseparlaconversation.Jemepasseraisbiendecerendez-vouschezlenotaire.Jevaisdevoiraccepterlefaitquemesparentssontmortsetnereviendrontjamais.Etvoilà.Jesuisseuleavectoutcequ’ilsontconstruit.Jen’auraijamaisbesoindegagnerd’argent,jepourraimêmecesserdetravailleravantd’avoircommencé.Toutçan’estpasnormal.J’aivingtansseulement,etlaviem’obligeàaccepterunstatutd’adulteavecdesdécisionsdifficilesàprendre,sanspersonnepourm’épauler.

—Ilsontdessuspects?Quipourraitavoircommisunehorreurpareille?Ça,c’estlaquestionàunmilliondedollars.Toutçan’apasdesens,etc’esttropdouloureuxdese

direquelemeurtreseraitliéàmoi…Lespoliciersfontfausseroute!Blakem’aexpliquéqu’iln’existaitaucunepreuvepourétayercettethéorie,qu’ils’agissaitdel’acted’unindividudangereuxetsanscœur,etquejedevaismefaireuneraison.

—Unmaladepleindehaine.Écartantlesémotionsquimenacentdem’ensevelirànouveau,j’observeZane.—Tuasl’airenforme.Commentçasepasseàlafac?Unsourirepleindenaturelilluminesonvisage.—Super.Ilspensentquejepourraispasserpro.J’aidéjàdeschasseursdetêtesquisontintéressés.Évidemment.Zaneestunhommed’action.L’unedecespersonnesàquiledestinprometdegrandes

choses.Lemondedusportygagneraunvraitalent,maispasseulement:sesqualitésmoralesenferontunbon porte-parole et un modèle pour les gamins. Il a vraiment tout pour lui, et je suis honorée de leconnaître et de partager avec lui un passé si précieux. Il a été mon premier amour, et, même sil’accélérationdesbattementsdemoncœurenprésencedeBlakem’indiquequecetamour-ciesttellementfortqu’ilvadécimer tous lesautresavant lui,Zanepossède toujoursunepartiedemoi,celleque l’ongarde soigneusement enfermée dans un coffret avec les souvenirs et les trésors de l’enfance. Elle luiappartientpourtoujours.

—Jet’adore,Zane.Mercid’êtrevenu.Tun’aspasidéedecequeçareprésentepourmoi.Ilrepoussesachaisedansungrincementetenveloppemoncorpsdesesbraschauds.Ilmelaisseme

blottircontrelui.Ilessaieraderéparerlechaosetleslonguesjournéesdesolitudequej’aipasséestapiedansladouleur.Jen’aipascherchéàlecontacterpourluidonneràentendremasouffrance.Unpeuplustôt,jemedésintégraisouslapluie,etmaintenantj’ainonpasun,maisdeuxhommespourmeprouverquejenesuispascomplètementseule.Sijeparviensàmecramponneràcetteréalité,alorsc’estquejenesuispasmortecettefameusenuitavecmesparents.Non,j’aiquittélamaison.

Chapitre26:incorporée

BLAKE

Ilm’a fallu prendre surmoi pour la laisser passer du temps avec son ex. Je pensais que, plus jemettrais d’espace entre nous, plusmon cerveau retrouverait sa rationalité.Mais non, elle est enmoi,incorporée à mes fibres, et elle plante ses racines à l’intérieur de mon corps. Elle m’a frappé avecsuffisamment de force pour m’empêcher de penser à quoi que ce soit d’autre qu’elle. Mes fantômescontinuentàsortirsournoisementdesombres,àmerépéterquemesténèbresnedevraientpassouillersalumière.Mais ce sontmes fautes quim’ont conduit à elle audépart.Ledestinm’aoffert un rayondesoleildansuncielobscur,et,aprèsavoirperdupendantsilongtempslecontrôle,jemerendscomptequej’ai traversé ma vie tel un somnambule, me nourrissant des cauchemars des autres. L’existence m’arecouvertd’unvernisdecolèreetdehaine,quis’écaillepeuàpeuàsoncontact.Elleestmoneau,monabsolution.

Jesuisbombardéparlesquestionsconcernantleschoixquej’aifaitsetlesconséquencesnéfastesdemafroideursurRyan…Ai-jeréellementagiaumieuxpourlui?Ai-jeétéunfrèreacceptable?Jesaisquejenousaibousillés,touslesdeux.Ilétaitparfoissicalmequec’enétaitpresqueanormal.Commes’ils’absentaitmentalement,nelaissantàsaplacequ’unetièdeenveloppecorporelle.J’aitentédenepasprêterattentionà l’auraperturbantequ’ildégage. J’ignorecomment ilva réagirenapprenantquenoussommesensemble,Melodyetmoi.Carelleestdifférenteàsesyeux,c’estuneamie.Jenecroispasqu’ilenaitjamaiseuavant,maisilsetrouvequ’àmesyeuxaussielleestdifférente.Ellemesauve,etjeveuxlasauveràmontour.Ellem’éveilleàuneviequejepensaisperduepourmoi.Jesuisfatiguéetjesuisseul.Jedétestemel’avouer,jenesouhaitepasressentirtoutça,etceseraitplussimplesijen’éprouvaisrien.Maisc’esttroppuissantpourêtrecombattu,tropincroyablepourquej’enaieseulementenvie.Êtreenelle etvouloir la transporter au septièmeciel, aubordduprécipice, la comblerdeplaisir, la faireévoluerdansunmondedebonheurabsolu,c’estdevenuunbesoinplusintensequelarecherchedemonpropreplaisir.Luiprocurercesentimentdesécuritédansmesbrasplutôtquelapeur,celaaalluméenmoilebesoindem’assurerqu’ellen’aitplusjamaisàs’inquiéter.

Bon,ilfautquej’aillefairemesbagages.Pasquestionquejelalaisserentrerchezelleetaffrontercettemaisontouteseule,d’autantquesonsalauddefrèreyestencore,elleneserapasensécurité.C’estunmalade avide et instable. J’ai envie de l’abattre, elle sera plus tranquille quand il aura rendu sonderniersouffle.Maissonespritfragilenesupporterapasunemortsupplémentaire.

Chapitre27:l’artdeprovoquer

MELODY

AprèsavoirquittéZane,jeretournedansmachambreuniversitaire,oùBlakem’attenddevantlaporteavecunsacdevoyage.Ilvameconduireàlamaison.Pouvoirm’appuyersurluim’enlèveunpoidsdesépaulesetrendcetteredoutableépreuveplussupportable.

Ça faituneheureque jecontemplesonprofilderrière levolant.C’estvraimentunbeauspécimen.Àlafoisbrutetdoux,destraitsdursmaissuperbes.J’aidelachanced’avoirattirésonattention,àvraidire,etl’habituelaller-retourentredésirethaines’estfigéenunebrumecotonneusedepassionabsolue,pleinedepossibilités.

Lesmainsserréessurlevolant,il jettedebrefscoupsd’œildansmadirection,notammentsurmescuissesdénudéesparmarobed’été.Marespirations’accélère.

—Puya,nedistraispasleconducteur.Unevoixaussigrave,çanedevraitpasêtreautorisé.Mesentrailless’échauffent.Ilm’apourtantvidéedetoutemonénergieavecsesexploitssexuels,et

voilà que mon corps s’enflamme à nouveau pour lui. J’ai besoin de la distraction qu’il me procure.Posantunpiedsurletableaudebord,jelaissemarobeglisserjusqu’àdévoilermaculotteetprendsuneprofondeinspirationpourconvoquerlacoquinequisommeilleenmoi.

—Etsic’estluiquiessaiedemedistraire?demandé-jeenmepassantunemainlascivedanslecou.Jedescendslentementverslaclavicule,puislapoitrineetledécolleté,dontj’écartelesboutonsafin

qu’ilvoiebienmachairquibrûlepourlui.Lavoiturefaituneembardéequimetireunhurlement.Ilenfoncelapédaledefrein.Avantquej’aiele

tempsdecomprendrecequiarrive, ilacontournélevéhiculeetouvertmaportièred’ungestebrusquepourmetirerdehors.Ilmepousseducôtéconducteuretenfoncematêteparlavitreouverte.Jeprendsappuisurmesbras,lespaumessursonsiège,monpubisplaquéàlacarrosserieetlesfessesenl’air.

Jesuisobligéedemehissersurlapointedespiedspourgarderunsemblantd’équilibre.—Qu’est-cequetufous,Blake?crié-je.Maisunsouffledeventfraiscaressemapeaudénudéequandilrelèvemarobeetécartemaculotte.

Monsangbouillonne.Ilmeplantelesdentsdansunefesse,etlabrûluredeladouleurestaussitôtsuiviedeladouceurdesalanguehumide.Leparadoxedessensations.Leplaisir.

Ildescendplusbasavecsabouche.Uncoupdelanguechaudsurmafentemefaitruermalgrémoietj’aideplusenplusdemalàm’accrocherpourresterdebout.

—Alorscommeça,onaimetitillerleconducteur,Puya?Ses doigts frénétiques me pénètrent. Ma posture lui offre un accès direct au point sensible qui

m’envoievolerdansuntourbillondeplaisirenivrant.Lasensationrésiduelledenosébatsprécédentsesttoujourslàetentameunedansecadencéeentreplaisiretdouleur.Lesvoituresquipassent,lalumièredujourquinousrendvisiblesauxyeuxdetousetlesassautsdeseslongsdoigtsdélicieuxsuivisparceuxdesalanguesurmonclitorism’embrasentdel’intérieur.Déjà,lefeumenacedem’enflammertoutentière.Desamainlibre, ilm’assèneuneclaqueimpitoyablesur lesfesses,avantdelesécarterpourdessiner

toutelalongueurdelafenteduboutdelalangue.Jesensmesentraillessetendresousunmélangedenervositéetdeplaisir.J’aienviedem’avancer

pour l’empêcherd’approcher l’endroit tabou,mais jesuis totalementàsamerciet ilnemontreaucunepitié. Moi qui n’ai jamais envisagé la moindre forme de jeux anaux, je ressens un frisson sous lescaressesdesalangue.Ilpressecontremonorifice,etenfranchitlecercledemusclesavecsesdoigts.Ilmemordillelesfesses,traceunsentierbrûlantlelongdemondosavecsalanguependantquesesdoigtsmebaisentenguisedechâtiment.

Soudain,marobemeretombepar-dessuslatêteetm’emprisonnelesbrasetlevisagedansunemaredetissu.Mesparoisinternesl’agrippent.

—Oui,serre-moi,Puya.Songrondementrauquemecouledansledos.Etmonorgasmeexplosedansunflotextatique.Jesens

qu’ontiremonbassinversl’arrière,etdesmainspassentàtraverslavitrepourmaintenirlarobesurmesbrasetmonvisage.L’airfraisdudehorscontrasteaveccelui,pluschaud,del’habitacle,etgiflemachairenfiévrée, sedéversant surmonventre etmes seinsdénudés. Je secoue la tête dansun effort pourmedébarrasserdutissuetmieuxrespirer,maisBlakenevoitpasleschosesdelamêmemanière.J’entendslefouetdesaceinturequ’ilretired’uncoup,desbruissementsdejeanfroissé,etlecuirvients’enroulerautourdemespoignetspourleslieretmepiégerdanssonétreinte.

Mes suppliques pour qu’il me libère se font grognements quand il empoignemes fesses pour mesouleveretnouermes jambesflageolantesautourdesa taille,chevillescroiséesderrièresondos.Sonérections’insinuedirectementenmoi,dansmonvaginpoisséparl’orgasmequ’ilvientdem’offrir.

Lepoidsdesonbusteemprisonnemoncorpscontrelavoiture.Lapuissancedesesmouvementsvame laisser des ecchymoses dans le dos, mais je m’en contrefiche. Il me baise comme s’il medétestait:fort,viteetsanscompassion.Marespirationlourdeéchauffel’airconfinédansletissudemarobeetmefaittournerlatête.Jesuisentranse.Chaquecontactestmagnifié;grâceauxsensdontilm’aprivée,lapeuretl’excitationd’êtreaperçue,ajoutéesauplaisirdechaquecoupdebassin,mepoussentàrépondre à ses assauts avec la même hargne. Je tords les hanches autant qu’il m’autorise à le faire,agrippantsonsexe,encaressantchaquemillimètreà l’intérieurdemonvagin.Jem’envole,moncorpstoutentiervibredejouissance.

Sonjetdespermechaudfinitd’allumermesnerfsdéjàsensibles,prolongeantmonorgasme.Lesliensàmespoignetsserelâchent,maroberetombesurmescuisses.J’avalel’airfrais,sanspouvoirdétachermon regard du sien. Des mèches de cheveux sont collées à mon front en sueur. Je dois avoir l’aircomplètementdéfaite,maisjebourdonnedepartout.Àlafaçondontilmedévoredesyeux,jenepensepasqu’ensaprésencejepuissejamaisdouterdemonpouvoirdeséduction.

—Voilàcequiarrivequandondistraitlechauffeur.Unrirem’échappe,etilécarquillelesyeux.Sesmainschaudesetlourdesm’enveloppentlevisageet

m’attirent jusqu’à sa bouche. Sa langue force le passage de mes lèvres et je fonds dans ses bras,m’abandonnantàsondésirpossessif.

Unevoiturequiklaxonnemefaitreveniràlaréalité.Unebrûlureembarrasséeembrasemesjoues,et,sij’ajoutelarougeurprovoquéeparlesexe,jepeuxdirequemonvisageestenfeu.

—Tun’aspasidéeàquelpointtuesbelle.Commentc’estpossible,d’ailleurs?Jenesuispascertainequ’ilaitvouluexprimersespenséesàhautevoix.En toutcas,mesorganes

internessontauborddelacombustiontantlesémotionssecouentmoncorpsenentendantsesparoles.—Maintenant, va poser ton fessier si sexy dans la voiture. Je vais nous trouver un hôtel où nous

arrêter.Onferalerestedutrajetdemain.Tum’asépuisé.

Chapitre28:lesfantômes

BLAKE

Jenepeuxm’empêcherderessentiruntroubleprofonddevantlamaisonoùnousavonsvécudetellesépreuves,Melodyetmoi,mêmesielleignoretoutdemespropresblessures.Bref,çameronge,surtoutquand,lematinmême,jemesuisréveillédansl’odeursubtiledepommeémanantdesescheveux,avecson corps doux et souple pelotonné contremoi, au son des petitsmiaulements issus des rêves qui laretenaientcaptive. Jecraquecomplètement, siviteque jen’arriveplusà reprendremonsouffle.C’estdonccommeçaqueleschosessontcenséesévoluer?Serait-elleàlafoismonpéchéetmarédemption?

—OK, je suis prête, affirme-t-elle pour la quatrième fois, sans pour autant esquisser lemoindremouvementpoursortirdelavoitureetentrerdanslamaisondesesparents.

J’ouvrema portière et tambourine sur le toit, scrutant la bâtisse et son demi-frère, debout sous leporche.J’ailaissémonarmeàlamaisonafindem’empêcherdeluicollerquelquesballesdanslecorps–oh,riendemortel,justecequ’ilfautpourqu’ilsouffrelemartyre.

Laportièrecôtépassagers’ouvreavantquejel’atteigne,etMelodyesquisseunsouriretimideavantdefroncerlessourcils.Jeluisaisislamain,espérantluitransmettreunpeudemaforce.

—C’estqui,celui-là?Inspire,expire,fermelesyeux,compte,laissesacaressesuivresoncourslelongdetonbras.Nele

tuepas.Neletuepas.Avecunsourireàl’attentiond’uneMelodyvisiblementtendue,jeluifaissigned’avancer.Ellenous

regardetouràtour,lapetitemerdequiluisertdefrèreetmoi.Jepasseunbrasautourd’elleetdéposeunbrefbaisersursonfrontpourmurmurercontresapeau:

—Toutvabien,Puya.Vas-y.Àcontrecœur,elles’écartedemoietentredanslamaison.Sonfrèresetournepourlasuivre,mais

s’immobilisequandjetendsbrusquementlamainpourenserrersoncoufragile.Legesteaétépreste.Demonautremain, je referme laporteetcollesoncorpscontre lepanneaudebois. Ilabeauessayerdemerepousser,jenebougepasd’unpouce.Ceminableestfaibledecorpsautantqued’esprit.Jel’écrasedemastaturebienplusimposantequelasienne,jouissantdesapeuretdeslarmesquiluimontentauxyeuxsousl’effetdemonétranglement.

—Toutletempsqu’onestlà,tuvasnousmontrerdurespectàtouslesdeux,sinonjetebrisetoncoudepouletrachitique,pigé?

Iltâchedehocherlatêtemalgrémonétreinte.Jem’écartedeluietétirelesmusclesdemoncouafind’apaiserunpeudelatensionquimepèsesurlesépaules.

—Vasoutenirtasœur.C’estunejournéeimportante,aujourd’hui.Ilfileàl’intérieursansdemandersonresteetjeprendsquelquessecondespourmedétendreunpeu

avantdelesuivre.Melodys’estarrêtéedevantlemiroir,dontlesmorceauxgardentlesouvenirdecettenuit,desonâme

volantenéclats.Chaqueminusculebrisdeverreaétérecollépourformerunesortedemosaïque.Nosrefletsmorcelésn’ontplusrienàvoiravecceuxquenousétionscettenuit-là.

—Tul’asgardé?demande-t-elleàsonfrère.—C’estuneantiquité.Jel’aifaitréparer.Ilestbeau,non?Ellepasselesdoigtssurleslézardes.—Maisilestfichu.Ilneseraplusjamaiscommeavant.Jem’approched’elleetposeunemainsurlasiennetandisqu’elleeffleurelesrainures.—Cen’estpasparcequequelquechoseaétécasséqu’ilnepeutpasêtrereconstituéetparaîtretout

aussibeau.Cemiroirestdifférent,certes,maisavantilreflétaitl’imaged’unefillequimarchaitsurunfilentrelavieetlamort.Alorsqu’aujourd’hui,ilmontreunesurvivante.

Jeprendsdesrisques,là,maisjesaisquejamaisellenesauraquec’étaitmoi,ici,cettefichuenuit.Etpuis,elleestaucourantquej’ailulesdossiersdelapolicesurl’événement.

—Tuaslasensationquelesténèbrest’ontengloutie,jecomprends.C’estcommesilagravitén’avaitplusdeprisesurtoi.Pourtant,tun’espastombée,tunet’espasnoyéedanscetenfer.Tuassurvécu,Puya.Regardelafemmequit’observedanscetteglace,elleapprendàrespirersanouvellevie.Ellen’estpasmorte,ellenefaitques’adapteràunenouvellesituation.

—Cesontlesrapportsdepolicequiteracontenttoutça?tente-t-elledeplaisanter.—Non,cesonttesyeux,Puya.Jedéposeunbaisersurlapeausensiblederrièresonoreille,luitirantunsoupir.—Ehbien,vousarrivezplustardquejenelepensais,nousinterromptsonfrère.Jedevinequ’ellerougitsansmêmelavoir.—Onestlà,maintenant,murmure-t-elle.Jevaisenprofiterpourprendrequelquesbricoles,pendant

quejesuisici.—D’accord,maisledînerserabientôtprêt.JemetourneverslefrèreetluijetteunregardnoirtandisqueMelodygrimpelesmarchesàlahâte.—Faitescommechezvous,ajoute-t-il.Commetoi,espècedepetitemerde.Je ravalema répliqueetmedirigevers la salleàmanger.Onnecroirait jamaisqu’unouraganest

passéparlà.Toutaretrouvésaplace,iln’yaplustracedesangoudemort.Pourtant,l’odeurdelapeur,entêtante, continue d’imprégner l’atmosphère. Àmoins quemamémoireme joue des tours. Unemortviolente laisse des empreintes dans une demeure. Lesmurs absorbent lemal, qui persiste et hante lamaison.

JedoisappelerRyan.Jesuispartisansmêmeluidireoùj’allais. Ilétaitavecquelqu’un,quandjesuisrevenucheznous,etlesbruitsquejepercevaisàtraverslescloisonssouslamusiqueassourdissantenem’ontpasdonnéenviededécouvrirquelgenredefêteildonnaitdanssachambre.

Chapitre29:héritage

MELODY

Ilestassissurlachaisedemaman.Lesmursserefermentautourdemoi.Commentpeut-ilmangerlàcomme si de rien n’était ? Ma mère a rendu son dernier souffle sur cette chaise. Et elle n’avaitprobablementpaslamoindreidéedecequiluiarrivaitalorsqu’elles’étouffaitavecsonsang.

—Mel,viensmanger,metaquineMarkusenlevantsacuillère.Qu’est-ce que c’est ? Une sorte de sirop rouge dégouline sur la table. Chaque goutte qui tombe

devient plus bruyante, à l’instar des battements de mon cœur, qui rugit dans mes oreilles. Du sang,partout.Ilsuintedelatableetcréeunerivièrequiruisselledroitversmoi.Non…Non…NON!

—Puya,réveille-toi!Moncorpsballottesous lessecoussesque lui imprimeBlake.J’ouvre lesyeuxet lesposesurson

visageinquiet.— Putain, tu faisais un cauchemar et je n’arrivais pas à te réveiller, explique-t-il d’une voix

tremblante,quimetired’uncoupdemespropresfrissons.—Çava,désolée.Jem’étaisjusteallongéequelquesminutes.Jenevoulaispasm’endormir.— Je ne t’ai pas vraiment laissé beaucoup de temps pour te reposer, la nuit dernière. J’assume

pleinementmafaute.Monanxiétésedissipeaussitôt.Ilnem’apasbeaucouplaissédormir,eneffet.Ilm’atenuedansses

brasetm’aposédesquestionssurmoi.—Couleurpréférée?—Jaune.—Livre?—Impossibleden’enciterqu’un.—Musique?—Classique.—Merde,c’estvrai?—Hmm-hmm,héritagedemamère.Countryducôtédemonpère,etsoftrockpourmapart.—Film?—LeDraculadeBramStoker.—CocaouPepsi?Cette dernière question et le sérieux avec lequel il l’avait formuléem’avaient arraché un rire.On

auraitditunadolescentàsonpremierrendez-vousavecunefille.Jen’airiendemandéàproposdesamère,maisjesaisqu’aprèslamortdesonbeau-père,Blakeaendossélerôledeparentpoursonpetitfrère.Sacréeresponsabilitéàportersursesépaulesquandonn’aquedix-huitans.Iladûêtreobstiné,courageuxetdouépourtoutréussir:l’école,l’apprentissagedesonmétier,sanscompterl’universitédeRyanàpayer.

Je l’ai laissé continuer son interrogatoire ety ai répondu jusqu’à cequ’il envienneàmapositionsexuellefavorite.Devantmonhaussementd’épaules,ilainsistépourquej’entrouveuneet,quandjela

luiaidécrite,ill’abaptiséela«cowgirlinversée».C’est-à-dire,moiquilechevauchededos.Cetteseulepenséemefaitmonterlerougeauxjoues.

—L’avocatestenbas,c’estpourçaquejesuisvenutechercher.LavoixdeBlake interrompt lecoursdemespensées,etmes tripesse tordentsous ladouleur trop

familière.Ilm’obligeàmeleveretm’entraîneaurez-

de-chaussée.Jefermelesyeuxenpriantpourqu’ilsnesesoientpasinstallésdanslasalleàmanger,etlâcheun

soupirsoulagéquandlesgestesdélicatsdeBlakemeconduisentverslebureau.Uncostumeassortiàsescheveuxgrisetdes traitsmarquéspar l’âge,M.Dolbym’accueille.C’est

l’amidemonpèredepuisaussiloinquejem’ensouvienne.—Bonjour,Melody. Je teprésente toutesmescondoléances.Comme tu le sais, lesmembresde ta

famillesontplusquedesclientspourmoi.J’avaisleprivilègedecomptertonpèreparmimesamis.Jeluitendslamain,qu’ilenveloppedesapaumevieillissanteettellementplusgrandequelamienne.—LalecturedutestamentdoitêtreeffectuéeenprésencedeMelodyetdeMarkus.Jevouspriede

m’excuser,jen’aipasretenuvotrenom,fait-ilenregardantBlake.Le sourire de Markus vacille quand Blake annonce qu’il est policier. Il blêmit, comme si cette

révélation lui avaitportéuncoup invisibleenpleindans l’estomac.Un frissonme remonte le longdel’échine.

—Jeseraidehors,Mel,merassureBlakeenm’enfermantdanslapièceaveclesdeuxhommes.JesubislejargonlégalenmeretenantdeclaquerlegenoudeMarkusquiremueconstamment.Iln’a

qu’unehâte:savoircequiluirevient.—Markus, je suis navrédedevoir être celui qui vous transmet cette information,mais, selonune

sourcerécente,vousneseriezpaslefilsbiologiquedeM.Masters.Toutl’oxygènecontenudanslapièces’évaporeenmêmetempsqu’exploselacolèredeMarkus.Sa

chaisevaldinguecontrelemuretilplaqueviolemmentlesmainssurlebureau.—C’estdesconneries!Malàl’aisesursonsiège,M.Dolbybaisselesyeuxsursespapiers.—Cedocumentétablitclairementquevotrepropremèrearécemmentdivulguél’informationàM.et

MmeMasters, qui ont en conséquencemodifié leur testament en attendant que la preuve formelle soitapportée.

Voilàquiexpliqueraitpourquoijen’aijamaisressentilamoindreconnexionaveclui.—Lasalope!Lafureurdutonmefaitsursauter.Ilparledesamère!—C’estuneerreur.Onpeutfairedestests,non?demandé-je,dansuneffortpourapaiserlacolère

quisedéversedeMarkus.—Oui,ils’agitd’untesttoutsimpledontvousrecevrezlesrésultatsd’iciunesemaineoudeux.Markusarpentelapiècemoquettée,marmonnantàproposdutempsqu’ilainvestipourrécupérercet

argent.—JepeuxresterunmomentseulavecMelody,s’ilvousplaît?Unepaired’yeuxbleusmetransperceavantqueMarkusneconsenteàquitterlebureauenclaquantla

portederrièrelui.—Melody, tonpèrepensaitqueMarkusétaitaucourantdepuisuncertain temps,maiscontinuaità

fairesemblantpourpercevoirsapartdufondsfiduciaire.Lamassed’informationsmefaittournerlatête.J’aibesoind’airetdepreuvesavantdepouvoiragir

dequelquemanièrequecesoit.—Tuvasdevenirlaseulehéritièredelafortunedetonpère,Melody.Ilt’alaisséebienprotégéeet

entredesmainscapables.Jepeuxgérertesaffairescommejel’aitoujoursfaitpourtesparents,situlesouhaites.

Jemelèveetlisselesplisdemarobefroissée.—Jeveuxbien,eneffet,merci.Jevaisjusteattendrelesrésultatsdestestsavantdedéciderquoique

cesoit.—Jecomprends.Lesfunéraillesontétéorganiséesentièrementselonlesspécificationslaisséespar

tamère.Leserviceauralieudemain,danssonéglise.Jevaisvomir.Mamèreavaitprévusespropresobsèques?Commentpeut-onêtreassezmorbidepour

songeràsamortquandonn’aquelaquarantaine?—Unparentresponsableseprépareà toutes leséventualitésafinqueceuxqu’ilaimenesubissent

pastoutessortesdetracaspénibles,enplusduchagrin.Jenem’étaispas renducompteque j’avaisparléàhautevoix,et jemesenscoupabled’avoirosé

jugermamèrealorsqu’ellenefaisaitquemeprotéger,commeàsonhabitude.

Chapitre30:compassion

BLAKE

Leserviceaétédiscretetintimiste.Pourtant,Melodyn’aparléàpersonned’autrequemoi.Jesuisl’engeance du diable, sans aucun doute. Comment peut-on être insensible au point d’assister à leursfunérailles?J’aiserrédesmains,hochélatêteetéchangédessalutationsavectousceuxquitenaientauxdéfunts.Monplusgrospéchéaétéde tomberamoureuxde leur fille,et ilmevaudraunpetit coupdefouet supplémentaire quand j’arriverai en enfer. Pourtant, je ne peux m’empêcher de penser que ladestinéenousajouéunsacrétour.Jenevoispasd’autreexplication.

J’aibesoind’espace,besoinderetrouverunpeudel’ancienBlakesijeveuxsurvivreàcettejournée.MaisMarkusestunebombeàretardement.Ilestabsolumenthorsdequestionquejelalaisseaveclui,alors je suis le mouvement. Je fais semblant, j’installe un écran de fumée – ce qui n’est pas chosenouvellepourmoi,saufqu’avant,jenem’étaisjamaisdétestépourça.

Melodydétruittoutcequej’aiconstruitaumillimètreprèsaufildesans.Cettecarapacedeglacequim’enveloppait,c’étaituneprotection.Maintenantqu’ellefond,jesuisassailliparlesémotions:lajoieinouïedel’avoirrencontrée,maisaussilaculpabilité,lesremords,ladouleur,latrahison,l’abandonetlesregrets.C’estpresqueinvalidant.Jedoistrouverunéquilibre.

Melodys’estendormieilyauneheure.Onarrivebientôtàsarésidenceuniversitaire.Ellen’apasdiscuté quand je lui ai annoncé qu’on devait rentrer aujourd’hui même. Elle n’avait qu’une hâte :s’éloignerdecettemaisonetdufrèrequin’estpeut-êtrepaslesien.C’estpourçaqu’ilm’aengagé,lespiècesdupuzzles’emboîtentenfin.MarkussavaitetvoulaitsedébarrasserdesMastersavantqu’ilsneledécouvrentetnel’écartentdeleurvie.Saufqu’ilaagitroptard.LechagrindeMelody.Leurassassinatsanglant.Toutçapourrien.

—Oh,jemesuisendormie…Jetournelatêteversmonécheveléeettendslamainpourluicaresserlacuisse.— Tu étais fatiguée. Les deux jours écoulés ont été éprouvants. Voilà, je t’ai raccompagnée à ta

chambre.Elleregardeparlafenêtre,puisseretourneversmoietsourit.—Bon,d’accord…Ellelaissesaphraseensuspens,puis:—C’estRyan?Jesuissonregardet,eneffet,Ryansedirigeversnous.Sesyeuxfroidsetsombres,dénuésdetoute

émotion,mefixentàtraverslavitre.Ilexsudeunecolèreindicible.IlouvrelaportièredeMelodyd’uncoupsec,sanssepréoccuperdesonsursautapeuré.—Espècedesalopeégoïste!Oùtuétaispassée?Bondissant de mon siège, je contourne la voiture en courant et pointe un index sous son nez,

l’obligeantàreportersonattentionsurmoi.—Calme-toi,putain,Ryan.C’estquoi,tonproblème?—Metouchepas,répond-ilavecuncalmeinquiétant.

Jedévisagelegaminquej’aiélevé,jelecherche.—J’aidûenterrermesparents,Ryan.Ilbaisselesyeuxverselle.—Etalors,t’aspasdetéléphone?Qu’est-cequejet’aiditl’autrejour?Quetudevaisdorénavant

trouverlemoyendemerépondre!Ilesttrèssérieux.UnemoueperplexecrispelevisagedeMelody,puisellesereprendetsortdelavoiture.—Écoute,Ryan,jenecomprendspaspourquoitutecomportescommeça,maisjesuisfatiguée.—Seanestmort.Sonsacàmainluiéchappedesmains,etsoncontenus’éparpillesurletrottoir.—Quoi?—Ilsl’ontranimé,maisc’étaitlimite.Jeluipoussel’épaule.—Onnecommencepasparannoncer«ilestmort»silapersonnen’estpaseffectivementdécédée,

Ryan!Maisilneprêtepasattentionàmoi,ilseconcentresurMelody.—Ils’estjetésouslesrouesd’unevoiturejustesousmesyeux.C’étaithorrible.Sean,c’estleblondinetquienpincevisiblementpourRyan.Monfrèreamal,etilestencolère.Je

n’aimepas levoir souffrir, et jenepeuxpas lui reprocher cedont je suismoi-mêmecoupable : cettemaniedetransformerlechagrinencolère.

—Jesuisdésolée,Ryan.Sonpetitcorps l’enveloppedesacompassion,uneétreintequ’ilaccepteet lui retourne toutenme

dévisageantpar-dessussonépaule.—Ondevraitallerlevoir,suggère-t-elle.—Jepeuxvousyconduire.Vingtminutesplustard,jelesdéposedevantl’hôpital,Ryanexprimanttrèsclairementsonrefusque

jelesaccompagneàl’intérieur.—Repassenousprendredansuneheureoudeux.Sijelelaissemedonnerunordre,c’estuniquementparrespectpoursonchagrin,unepremièrechez

lui. Et puis, de toute façon, je suis fatigué et j’ai besoin d’être un peu seul. La semaine écouléem’aépuisé,physiquementetmentalement.Parchance, j’aiaccumuléassezdecongésnonutilisésau travailpourqu’ilsmelaissentprendredesjourssansdiscuter.

Le pick-up garé dans mon allée réveille immédiatement mes instincts policiers. Je mémorise lenuméro d’immatriculation, puis examine la maison et ses environs. Mais le temps s’arrête quand unhommesauteduvéhiculeetsedirigeversmoi.

Jedescendspour l’observer attentivement. Irisgrismétalpailletésdevert, identiquesà la couleuruniquedesmiens.Ilseplantedevantmoi.

—Bonjour,Damian.Damian?—Jem’appelleBlake.L’hommefroncelessourcils.Merde,jesuissonportraitcraché,maisenplusjeune.Ilestbrun,avec

lestempeséclairciesparl’âge,mesureunbonmètrequatre-vingt-dixetparaîtsetenirenforme.Rienàvoiraveclesoûlardquemamèremedécrivait.

—Blake,jetedemandepardon.Jet’aienvoyédeslettres,maisellessontrestéessansréponse,alorsj’aivoulutentermachanceenpersonne.

Jemesensblêmiretjemehaisdeluimontrerlamoindrefaiblesse,maismonpassifaveclesfigurespaternellesnejouepasenmafaveur,ilfautledire.Quandvotremèrevousracontequevotrepèreaprisses jambesà soncouenapprenantvotreexistence,etqu’ensuitevoushéritezd’unbeau-pèrequiaimevousutilisercommepunching-ball,vousaveztendanceàenconclurequevousêtesunemerdequ’aucunpèrenesauraitaimer.Qu’ilsaillentsefairefoutre,touslesdeux!Jen’aipasbesoind’euxpoursavoircequejevaux.Cetypeestunlâchequiaabandonnésonenfant.Quantàl’autregrossemerde,ilneméritemêmepasquejepenseàlui.

—Jen’aireçuaucunelettre,etvousvoustrouvezsurunepropriétéprivée.Sonhochementdetêtem’indiquequ’ils’attendaitàcetteréaction.—Désolédemepointercommeça.Jesaisquej’aivingt-cinqansderetard.—Vingt-six,c’étaitmonanniversairehier.Jen’enaipascélébréunseuldepuisledix-huitième, jemecontentedeleslaisserpasser.Hier,ce

n’étaitpasmoilecentredel’attention.Melodyavaitbesoindemaprésenceetjemesuiscomportéavecellecommeunenfantdechœur.Tellevilaingarçonquis’estmasturbépourlapremièrefois.Melodyestlameilleurechosequimesoitjamaisarrivée,maisellemetroubleavecsabeautéetsalumière,etcelamerendfaible.

Celadit,j’aibienenvied’entendresesexcuses,àcetype.Jeveuxqu’ellesméritentmonpardon.Jeveuxqu’ilmedisequ’ilnes’estpasenfui,qu’ilnem’apasabandonnéàlamercidecettegarcetordueetpleinedehaine.Maisj’aiaussienviededonnerlibrecoursàmacolère,qu’ellemenourrisseetmerendeindifférent,commeavant.Qu’ellecessedemevrillerl’estomac.Melodym’ouvredesperspectivesquejenecroyaismêmepasenvisageables.Ellessontlà,àportéedemain.Jetombeamoureuxd’elle,maisunepartiedemonêtrevoudraitencorerésisteràlapuissancedesémotionsquim’envahissent.J’aiassistéàdesfunérailles,maladederemords,j’aipassédesnuitsavecdansmesbrasunefemmeàquijetiens.Etvoilàque,faceàmonpère,j’aimeraisqu’ilvoieenmoiquelqu’undebien,etpaslapourriturequejesuisàl’intérieur.J’ail’impressiond’avoirsixans,etnonvingt-six.Jedétesteça.Monespritestembrouillé,complètementdézingué.C’étaitplussimplequandjenelaissaispasentrerlesémotions.Jeneveuxpasaimer,jeneveuxrienressentir,jeneveuxpasqu’onmeplaigne.

—Tiens,voicimonadresse.Jenesouhaitepas tepresser,mais tuasdessœursquiadoreraient terencontrer.

Putain,uncoupdepoingenpleinventre.Ilmetendunmorceaudepapier.—J’ignoraistoutdetonexistence,Blake.Jusqu’àcequejetombeparhasardsurtamère,ilyaun

moisoudeux.Elleétaitsaouleetm’atoutbalancécommesiderienn’était,commesiellenem’avaitpasvoléunfils.

Savoixsefaitrauquesousl’effetdel’émotion.Incapable d’en supporter plus, je l’abandonne dans l’allée et entre dans la maison. J’écoute le

grondementdumoteuretlecrissementdespierressouslespneus.Jedoisfairedesrecherchessurlui.Mamèrecontinueàm’assénerdescoups,mêmeàdistance.Cettefemmeestunpoisonquiinfecteetdétruittoutcequ’elletouche.

Je ne prête pas vraiment attention au voyant du répondeur de mon téléphone fixe. Six nouveauxmessages.Jesaisqu’ilssontd’Abby,quiaaussisaturémonportable.Mais,malgrétoutescesémotionsnouvellesquim’emportent,jeneressenstoujoursrienpourelle.OK,peut-êtrejusteunbrindeculpabilitépour lafaçondont je l’ai traitée.Non,mêmeça,c’estunmensonge.J’admetsque jemesuiscomportécommeunsalaudavecelle,etc’estdéjàpasmal,non?Merde,jen’aipasdetempsàconsacreràcesfutilités.Jenemereconnaismêmepas,encemoment,etj’aibesoindesommeil.

Chapitre31:guérir

MELODY

Celafaitdeuxsemainesquej’aienterrémesparents.Lapeineesttoujoursprésente,maisplusaussiécrasante.Blakefaitpartiedemonquotidien.Jevis,jerespireaveclui.Certainsjours,j’ail’impressionquecequ’iléprouvevapresquel’étouffer.Jecroisesonregardposésurmoi,siintensequejeleressensjusqu’auplusprofonddemonâme.Ilestattentionnéetaffectueux,mais,surleplansexuel,jequalifieraisnosrapportsd’extrêmes.Ilexprimesoncôtéobscur,celuiquiconstituelapartielaplusconflictuelledesoncaractère.Chaquejour,jeledésireunpeuplus,etjenem’imaginepasmelasserdesescaresses.Ilm’a faitdécouvrirunezonedont j’ignorais l’existenceenmoi, il a éveillémabêtede sexeet j’adorequandillatitille.Moncorpsestdansunétatdesatisfactionsexuellepermanente.Lescoursd’autodéfensem’ontpermisdemetonifier,monenduranceégalelasienneetmoncœurestenvoiedeguérison.Jesuiscomplètement,définitivementamoureuse.Lesentimentestsipuissantqu’ilmesubmerge,mefaitporterlesmainsàmapoitrinepourretenirmoncœurquimenaced’explosertantilbatfort.

Ryansecomportedefaçonétrange,presquepossessive,exigeantquejepasseplusdetempsavecluiqu’avecBlake.Seanestenbonnevoiederétablissement,maisquelquechoseachangéchezlui.Ilrefusede nous voir, Blake et moi, et va passer sa convalescence chez ses parents. Selon Blake, c’est uneréactionnormale,ilajustebesoindetemps.Alors,jemeplieàsavolonté.

J’aihâtequelecourssetermine.Jem’agitesurmonsiège,lecœurbattantfortàlapenséedeBlake.J’aibesoind’assouvirmasoifdeluiavantsondépartpourunvoyagededeuxnuitsconcernantuneaffairepolicière.

—Tufrissonnes,qu’est-cequinevapas?JetourneunregardembarrasséendirectiondeRyanetmemordslalèvre.—J’ail’espritailleursaujourd’hui.Ilfouillemesyeuxavantdeleverlessiensauciel.—Blaket’attend,c’estça?Jehochelatête,incapablederéprimerunsourire.—Ilfautquevousremontiezàlasurfacepourrespirerunpeu,touslesdeux.Jerangemesaffairesdansmonsac.—Ildoits’absenterdeuxnuits.—Bien. Je suggère qu’on en profite pour organiser une fête à lamaison. Fais passer lemessage

autourdetoi.Et sansattendrema réponse, il abandonnesonsiègeetdescend lesmarchesaupetit trotavantque

j’aieeuletempsdememettredebout.Blakevaêtrefurieuxsiondonneunefêtependantqu’iln’estpaslà. Ce genre de situationmemet en porte-à-faux, car Ryan est mon ami. Je décide de ne pas lancerd’invitationsetdenepasenparleràBlake.Commeça,jeresteneutre.C’estdumoinscedontjeparviensàmeconvaincrealorsquejequittelasalle.

Je suisétonnéequ’ilne soitpas lààm’attendre. Ilpassaitpourtantmeprendrecesderniers jours.Alors,jememetsenroutepourallerchezluietmegareaumomentoùunefemmesortdelamaisonen

courant, le visage rougi. Elle ne prête aucune attention à moi dans sa hâte de rejoindre son proprevéhicule.Ellealaissélaported’entréeentrouverte.

Timidement, je lapousse, labouleauventre.Jedétestem’aventurerdans l’inconnu.L’anxiétérestebienvivaceenmoi,jenecroispasqu’elledisparaîtraunjour.Prenantuneprofondeinspiration,j’entre.Desmouvementsmeparviennentdepuisl’étage.JemelaisseguiderpareuxettombesurBlake,quisortde la pièce qu’il garde fermée à clé. Il ne porte rien d’autre qu’un jean, bas sur les hanches, et lesmusclesfermesdesontorsedélicieuxroulentsoussapeautandisqu’ilaccrochesaceinture.

Çaneprouverien,biensûr.Pourtant,moncœursebrise.Maréactionestirrationnelle,jelesais,maisjenepeuxcontenirlemauvaispressentimentquimetordlestripes.Commes’ilavaitsentimaprésence,illèvelatête.Sesyeuxs’écarquillent,puisilesquisseunsourire.

—Salut,jepartaisjustementtechercher.Ilseretourneprestementetrefermelaporteàclé.—Quic’était,cettefemme,Blake?Iljetteuncoupd’œilaubasdesmarches,puisreposelesyeuxsurmoi.—Unefillequej’aibaisée.Mesjambescèdent.Jem’écrouleausol,etlesbattementsdemoncœurralentissentpresquejusqu’à

s’arrêter. Il vient vraimentdemedire ça comme si de rienn’était ?Comme s’il était normalqu’il enbaiseuneautre?Ungrondementsourdbourdonneàmesoreilles,j’ail’impressiondemetrouverdansuntunnel.

Ils’agenouilledevantmoienriant.—Puya,jevoulaisdireavant!Punaise,tuauraispudégringolerenbasdel’escalier!Non,maisilsefichedemoi,là?—Quoi?Ilreprendsonsérieuxetsonregardseradoucit.—C’estuneex,enquelquesorte.Jerepoussesamainquandilveutécarterunemèchedecheveuxsurmajoue.—Salaud.Qu’est-cequ’ellefoutaitici?Etqu’est-cequ’ilya,danscettepièce?Sonregardperdtoutesachaleur.—C’estmonbureau,jetel’aidéjàdit.Jesecouelatête,chassantlesimagesdelajeunefemmeentraindefuiretdelui,àdemi-nu,sortant

d’unepiècequ’ilconservesoigneusementverrouillée.Oh,bonsang!—C’estunechambrerouge,c’estça?Ilfroncelessourcils.—Elleestpeinteenblanc.Ilsedirigeverssachambreetjemerelèvepourlesuivre.—UnechambrerougeàlaChristianGrey,Blake!Ilattrapeuntee-shirtdanssonarmoire.—C’estqui,ceChristianGrey?Euh…Mel,jem’habille,ouest-cequetuvascesserdemeharceler

commeunehystériqueettedéshabiller?Jeretireunechaussurequejeluijetteauvisage.Ill’esquiveetellevas’écrasercontrelastationiPod

derrièrelui.—T’escomplètementcinglée!Ilseprécipitesurmoietm’attrapeparlescheveux.—Lâche-moi,trouducul!hurlé-jeenluifrappantletorse.Ilmepousseverslematelas,surlequeljem’affalecommeunemasse.

—Qu’est-cequec’est,unechambrerouge?demande-t-il, toutenm’enlevantdeforcemasecondechaussure pendant que je me cabre et lui donne des coups de pied dans son torse nu – il a depuislongtempsabandonnésontee-shirt.

—UnechambredeBDSM,luidis-jeavecunregardnoir.Illouche,plisselespaupières,puiséclated’unrirebruyantensetenantlescôtes.Jen’enrevienspas.

Enfin,ilsereprend.—Vous,lesfemmes,etvotreimagination…Quic’est,cetype?Etcommenttuleconnais,toi?Sonhumourasoudaincomplètementdisparu,etilfouillemonregard.—C’estunpersonnagederoman,rétorqué-jed’untonmoqueur.Aussitôt,ilrelâchesapostureetsepencheversmoipourdéboutonnerlabraguettedemonjean.Jelui

donneunetapesurlesmains,cequiluitireungrognement.—Nemetouchepas,Blake.Qu’est-cequ’ellefaisaitici?Ils’écartedemoi,vacherchersontee-shirtsurlacommodeetl’enfile.—Elleétaitvenuemeposerdesquestionssurtoi!Elleadessentimentspourmoi,mais,commetule

sais,ilsnesontpasréciproques.Jemerassiedssurlelitenreboutonnantmonjean.— Je n’ai pas envie de subir ces conneries de jalousie,Melody,me prévient-il. Si je voulais la

baiser,jeleferais,maiscen’estpaslecas.Tueslaseulequejedésire,cequiesttoutnouveaupourmoi.Jemarcheaussitôtverslui.—Ehbien,tuméritesunerécompensepournet’êtrepascomportéensalaudavecmoicommetul’as

faitavecelle,ondirait.Ilmesaisitparlebraspourinterrompremaretraite.—Jenel’aipastrompée,pourlabonneraisonquejen’avaisjamaiseuunefemmeàmoiavanttoi!J’ai besoin qu’ilme dise ce que nous sommes faits l’un pour l’autre. J’ai besoin de savoir qu’il

m’aimeaussiprofondémentque,moi,jel’aime.—Est-cequejesuisàtoi,Blake?Ilmeprendlevisageentresespaumesetapprochemeslèvresdessiennesenchuchotant:—Jesaisquesiunautrehommetetouche,jeletue.Jesaisquejen’aiplusenviedepénétreraucune

autrefemmequandj’ailaperfectiondetasoie.Voilàquiestromantique.Plusoumoins.Ilfautjustequ’ilretravaillelaformulation.—Nelaissepastonmanquedeconfianceentoit’infecter,Mel.Çan’ariend’attirant,commedéfaut,

etjen’aiaucunetolérancepourcesconneriesdebonnesfemmes.Oucommenttoutgâcher.Bienjoué,Blake.—Jetehais,murmuré-je,vaincue.—Maisnon,tum’aimes,etc’estpourçaquetutecomportesn’importecomment.(Ilmesoulèveet

me jette sur le matelas pour la deuxième fois.) Alors je vais te baiser, histoire que tu te sortes cesconneriesdelatête.

Etc’estcequ’ilfait,melaissantrepueetnuedanssonlit.Quand jemeréveille, l’agréabledouleurentremes jambesm’arracheungrognement. Ila laissésa

marquesurmapeausousformedesuçonsrougesetmauvesàl’intérieurdemescuisses,surmesseinsetmonventre,sanscomptersonendroitpréféré:monmont-de-Vénus.C’étaitson«aurevoir»avantdepartir.

Sonsoufflelourdquandilestsurmoi,c’estunsonquejevoudraisenregistrerpourleréécouterenboucle.JeremontelescouverturesetsursauteendécouvrantqueRyanestplantélà,àm’observer.

—Ryan,jesuistoutenue.Qu’est-cequetufabriquesici?Ilal’airentranse.Jeposelesyeuxsurlaporteouverte,puisdenouveausurlui.Ilaunobjetàla

main, qu’il serre si fort dans son poing que ses phalanges ont blanchi. Je m’assieds et me penchelentementverslui.C’estuntire-bouchon.

—Ryan,chuchoté-je.Il lève brusquement la main, me faisant encore sursauter, l’extrémité pointue du tire-bouchon à

quelquescentimètresdemonœil.—Jet’aiouvertunebouteilledevin.Descendsleboire.Jenerespireplus.Toutaussisoudainement,ilrabaisselamainetsortàgrandesenjambées.Qu’est-ce

quec’était,cecirque?Jeme dépêche dem’habiller, remarquant au passage qu’il est 2 heures dumatin. J’entends de la

musiqueet,quandj’arrivedanslesalon,jevoisunefillequidansesurlatablebasse,habilléed’unshortencuiretd’unpetitmorceaudetissufinsurlapoitrine.Enm’approchant,jedistingueletrucquiluiceintlatête:unbâillon-boule,qu’elleadanslabouche.Çanesemblepasladéranger.

—Tiens,bois.Jet’aiappeléuntaxi.Jerefermemaboucherestéebéanteetsecouelatêtepourrefuserlevin.—Tuauraispumelaisserdormir,Ryan.Ilregardelafille,puismoi.—Jenepeuxpasprendrelerisquedetegardericiquandjesuiscommeça,marmonne-t-il.Unbruitdetalonsclaquesurlesoletunefemmetoutedecuirvêtueentredanslapièceetsedirige

versnous.Mesyeuxmanquentdesortirdeleursorbites.JemetourneversRyan.—Ilfautquetut’enaillescettenuit,m’indique-t-il.Onseverrademain.—Àmoinsqu’ellen’aitenviederesterjouer?metaquinelafemme.Ellesepencheversunsacouvert,dontellesortunautrebâillon.Jequittelamaisonaumomentoùuntaxiarrive.Jedonneunbilletdevingtdollarsauchauffeurenlui

expliquantquej’aimavoiture.Ilmemanque.Ilmemanquaitavantmêmedepartir,cequiestfou,maisjesuisdinguedelui,etcela

ficheunsacrébazardansmesémotions.J’aijusteenviedemefaufilerentresesbrasetdem’yinstallerpourtoujours.D’entendresansarrêtlesbattementsdesoncœurafind’êtrebiensûrequ’ilestlà,qu’ilvit,qu’il respire. Oui, je suis de ces femmes agaçantes qui ne vivent que pour leur homme. Beurk, c’estpitoyable.Jejetteuncoupd’œilàmontéléphone,maisiln’apasréponduàmesSMS.

Ryanm’alaisséunmessagevocal,m’enjoignantàapporterdestrucspourlafêtedecesoiretàmepointerchezluipourl’aideràtoutmettreenplace.Jenesuistoujourspasàl’aiseavecceprojet,mais,vuquejen’aipasdenouvellesdeBlake,j’aibienbesoindemechangerlesidées.

Lamaisongrouilledemondeetpulse sous l’effetde lamusiquequi se réverbère contre lesmurs.

CommentRyanest-ilparvenuàinviterautantdepersonnesensipeudetemps?C’estunmystèreaussiétonnantquemalheureux.Onvaenbaverpourtoutnettoyer,etBlakenousbotteralesfesses.

Montéléphonevibrecontremapoitrine–n’ayantpasassezconfiancepourleposerailleurs,jel’airangédansmonsoutien-gorge.JeneconnaispresquepersonnehormisRedetCherry,quisontdansuntelétat d’excitation à force de vouloir attirer l’attention de Ryan qu’elles semblent presque vibrer, ellesaussi. J’ai préféré chasser demamémoire la fois où je l’ai vumanquer d’étouffer une femmequi luitaillaitunepipe.J’ignoresicesdeuxfilles-làseraientàlahauteurdesesattentes,etjenevaisdetoutefaçonpasaborderlesujetavecelles,cenesontpasmesaffaires.Aprèstout,siellesveulentvraiment

l’impressionner,ilvafalloirqu’ellesentrentdanssonjeuselonsesrègles.LeprénomdeBlakeclignotesurmonécranetmesnerfsmisàrudeépreuvedepuisquejesuissans

nouvellesdeluirecommencentàs’échauffertandisquej’acceptel’appeletentendssavoix.—Salut.Jemeruedehorspouréchapperaubruitambiant,maispasassezvite.—Dis-moiquevousnedonnezpasunefêtechezmoi,Melody?Jedéglutis.Ilnem’appellepresquejamaisparmonprénomenentier.—Ryanainvitéquelquesconnaissances.Lechahutenfondsonorenefaitquemettremonmensongeenlumière.—Jenelecroispas.Trèsmature,Mel.C’estavecluiquetudevraissortir.Aïe,çafaitmal.—Merci,Blake.Jen’aiaucunenouvelledetoi,etc’esttoutcequetutrouvesàmedire?Àl’autreboutdufil,unbruyantsoupirproduitsurlalignedescrachotementsquim’obligentàécarter

l’appareildemonoreille.—Écoute, je n’ai pas besoin de ce genre de jérémiades.Rappelle-moi quand tu auras dépassé le

stadedelapauvrefemmeenmanque.La communication s’arrête, et mon cœur avec. Les quelques verres que j’ai déjà bus ne font

qu’exacerbermesémotions.Jerentredans lesalonpourm’immobiliseraussitôt.Lafillequiestpartied’iciencouranthierme

dévisage.Etmerde,jesuiscapabledemeconduireenadulte.—Salut,jesuisMelody.Jet’aivuehier.—Eneffet.Ilvatedévorertoutecrue,toiaussi.Ilestincapabled’aimer.Ellesouffrevisiblement,alorsjemecontentedehocherlatête.Ellen’apasbesoind’entendredema

bouchequec’estellequ’ilnepeutpasaimer.—Ilnes’engagerajamaisavecquelqu’un,nerenoncerapasnonplusàsespetitsvoyagesouàson

intimité.Tuesdéjàentréedanslebureauqu’ilgardesoigneusementferméàclé?—Ettoi?Elleplisselespaupières.— Personne n’y est admis, c’est bien le problème. Il a des secrets et, vu ses déficiences

émotionnelles,ilsnesontcertainementpasagréables.Surcesmots,ellepasseprèsdemoietquitteleslieux.Jedétestelaparanoïaqu’elleainstilléeen

moi,mais jenepeuxpasmementir. Jene comprendspaspourquoi il est commeça.Quepeut-il bienrangerdanscebureauquinécessited’êtreaussibiengardé?

Je balaie la pièce des yeux, les gens qui rient, qui dansent et emplissent le rez-de-chaussée de lamaison.Jerejoinslacuisineetfouillelestiroirsàlarecherched’untournevis.

Puisjemedirigeversl’étageetcroiseuntypequisortdelasalledebains.Ilmesourit.—Salut.Je luiadresseunsignede lamain,cequi l’inciteà s’arrêterpourme reluquerdespiedsà la tête.

Merde,ilscroienttousqu’unsimple«salut»dansunefêteéquivautàuneinvitation,ouquoi?—Salutaussi,répond-il,mentonhaut.Ilessaiedeprendreuneposturesexy,etjedoisréprimerunmouvementderecul.J’aibesoindelui.Il

écarquilledesyeuxinterrogateursquandj’agiteletournevissoussonnez.—Tupeuxmedonneruncoupdemain?J’aibesoind’entrerdansmachambre.Jel’aiferméepour

éviterquelesgenss’yintroduisent,maisj’aiperdulaclé.Jeponctuemaphrased’unemoue,quiprovoquechezluiunlargesourire.

—Biensûr.Ilnemetpaslongtempsàdévisserlesgondsdelaporte.C’étaittropfacile.Cettepiècen’étaitpeut-

êtrepassibienprotégéequeça.Jepasseoutrelesregardsperplexesdesquelquesfêtardsquireviennentdes toilettes. J’ai l’impressiond’êtredans le rôlede lapetiteamiedingo,mais je laissemonpseudo-couragealcoolisém’entraîner.

Legarsjetteuncoupd’œildanslapièce,sourcilsfroncés.—Oùesttonlit?J’entre.Lesmursblancssontnus,iln’yalàriend’autrequ’uncoffre-fortetunpetitbureauavecun

ordinateurportabledessus.—Jedorsparterre,j’aidesproblèmesdedos,lancé-je.Ilhausselesépaulesetmelaisseseule.Jepasseenrevuelepetitespacevide,metordantlesmainsavantdetrouverassezdecouragepour

m’approcherdubureau.Ilcomprendtroistiroirsàdroite,etl’espacepourlefauteuilsetrouvedoncsurla gauche. Je soulève le couvercle du portable. L’écran s’allume etme demande unmot de passe. Jetambourine sur la tablette, hésitant à tenterma chance au hasard,mais je sais quemes tentatives vontrester vaines et qu’elles risquent d’alerterBlake sur le fait que quelqu’un a essayé d’entrer dans sonsystèmesansyparvenir.Alors, jereportemonattentionsurles tiroirsetenouvreun,surprisequ’ilnesoitpasverrouillé.Ilcontientunepiledepapiers,certainscomportantdesadresses.Jesorslaliasseetlafeuillette,oubliantlaculpabilitéquimerongel’estomac.Lasensationestfugaceetlaissebientôtplaceàunenauséenerveuse.

Carc’estmoiquemesdoigtsfontdéfiler.Mavie,mafamille.M’affalantdanslefauteuil,j’examinefeuille après feuille tous ces documents couverts d’informationsme concernant :ma tante,mon demi-frère,lafortunedemonpèreetsesaffaires.Lesmursserefermentsurmoi,l’oxygènevientàmanquer.Lebrouhahades fêtardsdu rez-de-chausséedisparaît.Tout se fige à l’instar desbattements demoncœurquandjetombesurdesdocumentsdatantdujourdelamortdemesparents.

PourquoiBlakeest-ilenpossessiondetouscestrucs?Depuiscombiendetempsenquête-t-ilsurleurmeurtre?Jeprendsunedifficileinspirationetfermelesyeuxpourcompterjusqu’àdix.Timidement,jelesrouvreetlislepapierserrédansmonpoing:

M.etMmeMastersSalaireliquidationsimple=300000$Supplémentsicomplications=50000$

Unflotdesangenébullitionm’envahitlesveines.Quelqu’unapayétroiscentmilledollarsafindefairetuerlesdeuxpersonnespourquij’auraisdonnétoutcequejepossède,etmêmeplus,sijepouvaislesretrouver?Pourquoiletueurn’a-t-ilpasexigéplusencoredemonpèreenéchangedesaviesauve?Leslarmesquibaignentmesjouesmebrouillentlavue.Jelesessuied’ungestecolérique.Lapolicenem’atransmisaucunedecesinformations,ilsn’ontfaitquemejeterdesmiettesdemensonges.ÀmoinsqueBlaken’aitpasencorepartagésesdécouvertes.Jepasseàlapagesuivante,etlà,marespirationsebloque.

LiquidationcommanditéeparMarkusMasters(fils)

Non…Non!Jenepeuxplusrespirer.Jeregardeautourdemoi,maisiln’yapasdefenêtre.Jesorsdelapièceen

courant,descendslesmarchesetmeretrouvedehors.Secouéeparunhaut-le-cœur,j’expulselesboissonsconsomméesce soirdans leparterrede fleurs.Markusaengagéquelqu’unpour tuerpapa?Putaindemerde! Ilcontinueà faire traîner le testdepaternité.Ducoup, j’ignoreencores’il s’agissaitdenotrepèreoujustedumien.Entoutcas,Markusmel’avolé.Ilm’avolémesdeuxparents.

Blakeenquêtesurleurassassinat.Est-cepourçaqu’ilsortavecmoi?Moncœurexplose,jemenoiedanssesmorceauxépars.Jen’ycomprendsplusrien.Jeregagneaussitôt lamaisonoùj’empoigneunebouteilledeJackDaniel’s,puisjeressorspoursauterdansmavoiture.J’aibesoind’êtreseule.

Chapitre32:lecœur

BLAKE

Jesuisvenuobservermonpèreetsafamille.J’aideuxsœurs.C’estbizarre,aprèsavoirvécumavieuniquementpourRyan,detomberamoureuxdeMelodyaussibrutalementetaussivitequ’Alicedansleterrierdulapin,etmaintenantdecontemplerdesversionsdemoienminiature–maisquin’ontpas,jelesouhaitepourelles,àcombattre labêteque jeportedansmesentrailles. J’étais tourmentéenappelantMelody,etjel’aiblessée.Savoixtremblotequandelleestblessée.IlfautquejeparleavecRyan,illefautvraiment.Maisavant,jedoislavoir,elle.Jel’appellepourl’informerquejevaisrentrertôt.Jenesuisqu’àuneheurederoute.

JelapistegrâceauGPSdesonportable,quimeconduitjusqu’àsarésidenceuniversitaire.J’utiliselacléquej’aifaitfaireàpartirdelasienne.Jelatrouveentraind’ondulerlentementdeshanchestoutenfredonnantlesparolesd’unedouceballadequ’elleécoutesursoniPod.Elleressentlerythme,bougeencadenceaveclui.Quandellelesposesurmoi,sesyeuxsontemplisdelarmes.Sansdoutesesémotionssont-ellesexacerbéesparlabouteilledeJackDaniel’sàmoitiévidequej’aperçoissurlatable.

Je sorsde l’ombreetmedirigevers sa silhouette éclairéepar la lune.Son tatouagea raison, elles’épanouitdanslanuit:jesuislanuitet,avecmoi,ellerayonne.Séparés,nousnesommesqueténèbres,fantômesdesâmesquinoushabitaientnaguère.Elleaétéenvoyéepourdégelermoncœuretyinstillersachaleur.

Je luiglisseunemainautourde la tailleet l’enlacedemoncorps toutentier.J’enfouismonvisagedans ses cheveux et la respire. Le parfum du shampoing à la pomme qu’elle utilise m’envahit de safamiliaritéetmoncœursemetàcognerdansmapoitrine.Duboutdesdoigts,jedessinelacouturedesonhautet,sansquej’aiebesoindel’yenjoindre,ellelèvelesbraspourquejeluiretiresonvêtement.Jelelaisse tomber au sol et reviens aussitôt poser lesmains sur son corps.Sapoitrine se soulève sousunmélangedehalètementsetdesanglots.Elleestencoreàcranaprèsnotredispute.

—Pourquoiest-cequetumevoulais?chuchote-t-elle.

C’estlaquestionquelaplupartdesfemmesseposent.Pourquoielles?Hormislemensongequejeluicacheparnécessité,jeneveuxrienfeindreavecMelody.

Jeluipasseunemainsurlapoitrine,lasentantfrissonnersousmesdoigts,avantdefaireglissersonshortetsaculottesurseshanches,sansjamaiséloignerlesmainsdesapeau.Jesuislemouvementdemescaresses.Unefoisàgenoux,jelèvelesyeuxverselleet luienlacelebassin,prenantsesfessesàpleinespaumespourl’approcherdemonvisageethumerl’odeurdesonexcitation.Jelarespireetmeréjouisdugémissementquejetiredesagorge.Ellesentsibon.Jeremontelesyeuxverslessienspourluiprouverl’intensitédemondésir.

—Jenetevoulaispas.Elleesquisseunmouvementdereculetposeaussitôtlesmainssurmesépaulespourmerepousser.—Jen’ai jamaisvoulu avoir quelqu’undansmavie. Jemenaismonexistencede façondétachée,

froide.Etpuisunjour,tum’estombéedessusettuaschambouléquelquechoseenmoi.Turefusaisdeme

lâcher, comme si le destin t’avait placée là dans l’unique but dem’obliger à comprendre que j’étaistoujourshumain,quejen’étaispascondamnéàvivredanslesténèbresdupassé.

Ellebatdescilsetdenouvelleslarmess’échappentdesesyeux.Jemeremetsdeboutpouressuyersesjouesrougiesavantdeposerleslèvressursespaupièresdésormaiscloses.Alors,jelasoulèveetladépose sur le lit, savourant cet instant plein de douceur et de délicatesse. Après plusieurs longuesinspirations, quime donnent le temps de trouver les bonsmots, ceux que je ressens et qu’ellemérited’entendre,jemelance:

— Je t’aime.Oh oui, je t’aime ! Je n’aurais jamais cru possible d’aimer quelqu’un un jour,maisvoilà.(Jeluiprendsunemainetlaplacesurmoncœur.)Tulefaisbattreplusfort,jetesensjustelà.Jesenstonâme,enlacéeàlamienne,quimenettoie,quim’inondedetantd’amourquej’aipeurdecroulersoussonpoids.Jamais jen’auraispensépouvoiréprouverça,etc’estsi intensequeçam’effraie.J’aipeurdetoutgâcher.Àchaquesecondequipasse,messentimentsgrandissentunpeuplus.Jet’aime.

Etj’entreprendsdevénérersoncorps,chaquemillimètrecarrédepeautiède,d’embrasserchacundesesdoigts,remontant jusqu’àsespoignetsdélicatsavantdecontinuerlelongdesbrasquejeplaceau-dessusdesatêtepourfaireglissermeslèvressursapoitrine.Sapeaualegoûtdebonbondeslotionsdontelles’enduit.Jesuiscomplètementenivréparsonparfum.Soncorpsfrissonnesousmesattentions–elleestplushabituéeànosétreintesrudesetpassionnées,maisaujourd’huij’aibesoindemedélecterdelasaveurdesabeauté.

Ses halètements résonnent à travers la pièce, se calquant sur la cadence douce de sa musique.Jedessineuncheminjusqu’àsonnombril,quejelèchepourmieuxlagoûter.Puisjedescendsetj’entendssarespirations’accélérer.Sespetitsgeignementsmedonnentuneenviefolledelaprendre.Pourtant,jecomptebienoffriràsonjolimont-de-Vénuslesbaisersdontj’aicouvertlerestedesoncorps.Elleestenfeu,etsonexcitationallumemondésiranimaldelapénétrersansménagement.Maisavant,j’aibesoindeboire sa chaleur humide, alors je passe la langue entre ses replis. Je ne parviens pas à réprimer ungrognementaumomentoùsasaveurexplosesurmespapilles.Etplusjesuçotesonclitorispalpitant,plusellegémitetplusçamerenddingue.Seslèvressetendentversmoicommeunesupplique.Jecontinuedelatitillerpourl’ameneraubordduprécipicesansluiaccordercequ’elleréclame.

—Blake!Elleme chuchote sa requête dans l’atmosphère encore lourde de colère. J’ajoute deux doigts aux

caressesdemaboucheet lesplongeaussitôtdanssesprofondeurschaudes, lesparoisdesonvaginsecontractantautourd’eux.Elleondule,setortille.Elleaglissédansunétatdedésirprochedel’ivresseetc’estmagnifiqueàvoir.

—Encore,Blake!—Encorequoi?Qu’est-cequetuveux,Puya?Dis-

le-moi.—Plusfort!Toutensuçantsonclitoris,j’enfoncelesdoigtsplusloin.Etplusfort.Ellejouitsurmalangue,etje

senssapetitechattepulserautourdemesdoigts.Relevantlatête,jeprofiteduspectaclequis’offreàmoitandisquelesderniersspasmesdel’orgasmelasecouent.Ellem’attrapeparlepoignetpourl’agiterdehautenbas,m’obligeantàcontinuermesmouvementsenelle.C’estsexyendiabledelaregarderguiderlerythmedemamaincommeça,alorsqu’ellecambrelebassinpourmieuxfrottersonclitoriscontremapaume.Unvoiledesueurcouvresapeauluisantesousleclairdelune.Jen’enpeuxplus.Jemedétached’elle,provoquantungrognementfrustré.Puisjelasaisisparleshanchesetluifaissignedeseretournersur leventre.Elleobtempèrevolontierspour tendreversmoi ses jolies fessesetm’offrir cedont j’aivraimentbesoin.

Jemedébarrassedemesvêtementsetrampesurelle,embrassantsesépaulesetsondos.Mesmainssuiventlemêmechemin.Jelèchelesfossettesaubasdesesreins,enfoncelesdentsdanssesfesses.Legeignementquimerépondsetransformebientôtengémissementdeplaisirquandj’apaiselabrûlured’uncoupdelangue.Jesoulèvesonbassinetm’enfonceaussitôtenelle.Sapetitechattem’agrippe.Penchéau-dessusdesondos,jepasseunemainsoussonventreetglissel’autredanssescheveux,quejeserrefortdansmonpoingpourluirenverserlatêteenarrièreafind’accéderàsesseinssiparfaits.Jebalancelebassincontresesreinsetellerépondàchacundemesassautsaveclamêmeforce.Soncorpssetendcontrelemien,peaucontrepeau,montorsecouvrantlatotalitédesondos.Jenesuisappuyéquesuruncoude,quiseulm’empêchedel’écrasersurlematelas.Alors,jetireplusfortsursescheveux,etjenousfaisbasculersurleflancafind’avoirencoreplusaisémentaccèsàsesseinsetàsonventre.Ettandisqueje continue mes coups de boutoir, je dévore sa bouche et insinue une main entre ses jambes. Lespincements,lespetitestapesdélicatessursonclitorisluitirentdesgémissementsquijouentunesortederefrainencadenceaveclamusique.Unemainposéesurlamienne,elleguidemescaresses.Soudain,sonsexe se resserre surmonérectionalorsqu’ellehurlemonnom.Lesdentsplantéesdans sonépaule, jedonnequelquesassautssupplémentairesavantdesuccomberauplaisirquem’offresoncorps.

Nossouffleshaletantssontdésormaisleseulbruitperceptibledanslapièce.J’attrapelacouetteetlatire sur nous tout enmaintenantMelody collée contremoi.Elle ne se débat pas.Aubout dequelquesminutes,sarespirationsefaitplusrégulière,profonde,etjelarejoinsbientôtdanslesommeil.

Chapitre33:préparatifs

MELODY

Jesuisenfeu.Blakeetmoisommescouvertsdetranspiration.Ellenouscolleàlapeauetnousmoulel’un à l’autre. Punaise, j’aimal à la tête.La bouteille de JackDaniels fait encore son effet dansmonpauvrecorps.Monestomacjouelesacrobates.JepousselamassedeBlakequim’écrase.Ilgrommellequelquechoseetsetournesurledos,complètementnu,exposantsavigueurmatinaledanstoutesagloire.J’ai beaume sentir fragile et encore à cran, la vuede sa somptueuse érectiondéclencheunehumiditéimmédiate entre mes cuisses. Il faut que je soulage ma vessie et que je boive de l’eau. Beaucoup,beaucoupd’eau.

—Reviensaulit.L’échovibrantdesavoixmesuitjusquedanslasalledebains.—Douche!lancé-je.Deuxheuresplustard,nousdébarquonssurleslieuxdelafêtedelaveille.Jetentedecontenirmes

nerfsenimaginantsaréactionquandildécouvriralaportedesonbureauprivéedesesgonds.J’envoieunSMS à Markus, lui annonçant que j’ai besoin de le voir à la maison. Il me répond d’un simple :«Demain».OK,demainalors.Celadonnerale tempsàmacolèredesuppurer,à l’engraisquinourritmonchagrinde faire soneffet. Jenecomptepas tenirma langueni leménagerquand je lui jetterai lavéritéàlafigure.Jesuisprêteàexploseretjeveuxquetoutmonressentimentsoitdirigécontrelui.

—Tuentres?—Oui,maisjenepeuxpasresterlongtemps,ilfautquej’ailleàl’université,etpuisj’aimoncours

d’autodéfensecesoir.—Pasdeproblème,Mel,j’aiaussidutravailcesoir.Lamaisonestimmaculée.J’enrestebouchebée.—C’estunmaniaquede lapropreté,m’expliqueBlakeenmecaressant la joue. Iln’ya jamais le

moindrebazarquandjerentreàlamaison,justeuneputeoudeuxquitraînent,engénéral.Merde. Impossible d’imaginer qu’il y a quelques heures à peine, lamaison était pleine à craquer

d’étudiantsémoustillés.Je le suis à l’étage, et mes yeux manquent de sortir de leurs orbites quand je découvre la porte

dubureau.Fermée.Àclé.Àcet instantprécis, j’éprouveunamourprofondà l’égarddeRyan: ilm’asauvé la mise. Blake donne un coup de pied dans la porte de la chambre de son frère, me faisantsursauter.Songesteestsiviolentquelebattants’ouvred’uncoupetvaclaquercontrelemur.

—Bouge-toileculetlève-toi.TuascoursavecMelody,toutdesuite.J’enaiplusqu’assezdetesconneries,Ryan.Chaquefoisquejetelaisseseul,tuteconduiscommeungosse!

Ilsortdelapièceetseruesurmoi,écrasantseslèvressurlesmiennes.—Jet’appellecesoirquandjequitteleboulot,OK?Lecourss’étireenlongueur.Ilvafalloirquejerepenseàmonchoixdemodules.Enfait,jen’aime

pasdu tout la fac. J’envisageplutôt d’investir de l’argent dansunpetit journal demaville natale qui

peineàsurvivrefaceàsesrivaux.Jesuisjeune,j’aibesoind’acquérirunsocledeconnaissances,maisce projet représenterait un pas énorme dans l’orientation que j’aimerais donner à ma carrière. Laperspectivederejoindrelemondedutravailnem’auraitjamaistraversél’espritavantlapertetragiquequej’aisubie.L’événementm’aobligéeàchangerbeaucoupdechosesdansmavie.J’aigrandi,plusviteque jene l’auraiscru. Jeveuxquemesparents soient fiersdemoi.Pasquestionque jemeuredemesblessures,jevaislesaccepteretmebattre.

—Pied,poing!mecriemoninstructeurd’autodéfense.Jemesuisoffertdescoursprivés.Commeça,sijamaisjem’effondre,monprofesseurseraleseulày

assister.CetteAbbym’adonnésuffisammentdefilàretordrepourlajournée.Latranspirationcoulesurmonfront,j’ailecorpstoutentierennage.Ilmefaittravaillerduretj’ensuisravie.J’aibesoindesavoirmeprotéger,surtoutsij’ail’intentiond’affronterMarkus.

—Super,Melody,tut’ensorstrèsbien.Tupeuxallertedoucher.J’avaled’unetraitel’eauquesafemmeenceintemetendquandjepénètredanslasalle.Cinqmoisde

grossesse,etelleestmagnifique.Rayonnante.—Merci,Colleen,soufflé-jeenluirendantsonsourireéclatant.L’eauchaudedeladoucheapaisemesmuscles.Jenem’attardepastrop,mesècheenvitesseetenfile

un survêtement propre.Blakem’a envoyé un SMS pourm’indiquer qu’il venaitme chercher et qu’onpasseraitlanuitensemble.Jedevraimefaufilerdehorsaupetitmatinavantqu’ilseréveille.

Chapitre34:sombresbesoins

RYAN

Clive croisemon regard pendant que je fais le plein d’essence. Jacob et lui tentent de draguer lacaissière,quisembleplus intéresséepar lemagazinepeopledans lequelelleestplongée.Ellene lèvemêmepaslesyeuxverscesdeuxcrétins.JesorsauClubNine,cesoir,etcetterencontrenem’emballepas.Engénéral,j’aimebientombersurCliveetlelaissersedéfoulersurmoiàcoupsdepoing,maislapartiedemoncerveauquidétesteperdremesoufflequejeluiaidéjàtroplaisséprendresesaisesavecmoi.

Unfrissonmeparcourtlecorpsàl’idéedecequepourraitm’apportercettesoirée.Letruc,chezlaplupartdesgensquiviventavecunebêteeneux,ycomprisBlake,c’estqu’ilscroientnepaséprouverd’émotions ;etpourtant, ilscombattent leurattraitsinistre. Ilsseconformentàceque lasociétéattendd’eux et écrasent tant bien quemal leurs envies.Moi, au contraire, jeme soumets auxmiennes etmevautredanslemal.

Je neme fais aucune illusion. Je sais qu’ilmemanquequelque chose. Je suis né sans cet élémentdistinctifquinousrendhumains.N’empêchequejedoisbienvivreaveccequejesuis:labête.Blakealaissésonâmeglisserdanslesténèbres,maismoi,jen’enaijamaiseu.Aucunebarrièremoralenepeutm’empêcherdesuivrecechemindamné.

—Qu’est-cequetumates?mecracheClive.J’étais tellementplongédansmespenséesdépravéesquejene l’aipasvusortirde laboutique.Je

secouelepistoletdelapompeàessenceetleremetsàsaplace.Meretournantverslui,jehausselesépaules.—Rien,j’étaisperdudansdespenséesdepartiesdejambesenl’air.Ilfroncelessourcilsetretroussesalèvresupérieure.—Commesitucroulaissouslesoccases,zarbi.Putain,cetypeestunramassisdeclichés.C’estpresquetropfacile.—AuClubNine,ilsontlesmeilleureschattesdelaville,etj’adoreessayertousleursmodèles.Sonexpressionsechangeenincrédulité.—C’estunclubfétichiste.Jesavaisbienquet’étaiszarbi.Jelèvelesyeuxauciel.—C’estchatteàvolonté,là-bas.Siaimertrempermabitedanslesmeilleurscoupsdelavillefaitde

moiunzarbi,alorstuasraison,jelesuis.Etjeponctuemaphrased’unsouriresatisfaitpourfairebonnemesure.—Commenttufaispouryentrer?C’estunclubprivé,d’aprèscequej’ensais.Cepetitconafaitdesrecherches.Jesaisqu’iln’estpaspuceau.C’estlegenrededétailquejesens

chezlesgens.Maisjesuisaussiexcellentpourévaluerlescaractères,etjepariequ’iln’ajamaiscouchéavecunefemmequisaitcequ’ellefait.JenevaispasluirévélerquejelaisselepropriétaireduClubNinevivresesfantasmesavecmoi,enéchangedequoij’aiaccèsàtoutcequimefaitplaisirsurplace.Ça,Blakenonplusnelesaitpas–personnen’estaucourant,enfait–,autrementilajouteraituneâme

supplémentaireà sa listedeciblespotentielles.Bienque lepropriétaire soitunhommeetquecesaletorduaimemeprendrepar-derrièrependantquejefaissemblantdepleurer,jenesuispashomo;jen’enaijusterienàfoutredesesperversionsetjejouisdupouvoirqu’ilmeconfèreparcebiais.Jeregardelaphotodesafamilleaimantependantqu’ilserépanddanslestupre,etjemedemandecombienilssontàêtrenésaussitordusquemoi.

—J’aiunecartedemembre,jepeuxinviterdesgenssij’aienvie.J’observe la réactionquisefait jourdans lesyeuxdeClive. Il jetteuncoupd’œilendirectionde

Jacob,puisreportesonattentionsurmoiensedandinant.—Jenetecroispas.Maconsciencemesouffledechâtierceconnard,maisiljoueexactementmonjeu.—Ben,viensavecmoi,tuverras.Quelquesmotschuchotésàl’oreilledeMonicapourluiindiquerquej’aibesoind’elleautopdesa

formepourlerestedelanuit,etelleannuleenunclind’œiltouslesclientsqu’elleavaitàsonplanning.Clivaadéjàlamâchoirequitraîneparterre,etonn’estquedanslehall.

—Oh,punaise,c’est…c’estmonpère!bredouille-t-il.

Je suis son regard posé sur l’écran qui retransmet les images de la salle principale : son père,effectivement,setientdeboutavecunsoumisàsespieds.Jel’aidéjàvuici,maisilestinterditderévélerl’identitédesmembresduclub,et le faitqu’il refusedem’entendreparlerpendant l’action l’empêcheaussides’étonnerquejesoisautoriséàmetrouverlà.

—Mmm,exact.Monicam’adresseunsourirecompliceavantdepasserenmodeséduction.SepenchantversClive,

ellefrotteledécolletédesoncorsetcontreletorsedecetimbécile.—J’aienviequetujouesavecmachatte,luisusurre-

t-elle.Ilbraqueaussitôtlesyeuxsurelle,enmêmetempsqu’unlargesourireéclairesonvisage.—Onpourraitsedélocaliserchezmoi?suggéré-je.Blakeestabsentpourlanuit.Moinsd’uneheureplustard,nousvoilààlamaison.Àmarequête,MonicaaembarquéTreyetLayla

avecelle.L’airnerveux,Jacobtentedes’éclipser,maisCliveletraitedetrouillardetinsistepourqu’ilperdesavirginitécesoir.Ha!Ilnesaitpasàquelpointilaraison–quoiquepasforcémentausensoùill’imagine.MonicanemetpaslongtempsàsedéshabillerpourleplaisirdesyeuxdeClive.Sesjambesécartéesrévèlentbientôtunechatteparfaitementépilée.Jesuissurprisquel’autrenelâchepaslapuréeavantmêmedel’avoirpénétrée.

Laylaseglisseàcôtédelui.—Arrêtedelamater…vas-y,mange-la,luiordonne-

t-elle.Les yeux vitreux de Clive trahissent son excitation, aumême titre que la rougeur de ses joues et

l’érection qui menace de s’échapper de son pantalon ample. Il me jette un coup d’œil interrogateur,auqueljerépondsparunbrefhaussementdesourcils.Toutsourire,iltombeàgenouxetseprécipiteverssonfestin,goûtanttoutcequeMonicaaàluioffrir–sesgémissementsetsessoubresautspelviensfontpartieintégranted’unrôlequ’ellemaîtriseàlaperfection.

Jacobparaîtsurlepointdedéverserlecontenudesonestomacsurlamoquette,cequinemanqueraitpasdefairefulminerBlake.Unhochementdetêtedemapartàl’attentiondeTrey,etcedernierentamesonjeudeséductionsurlesecondcrétin.AumomentoùClivelibèresaqueueets’introduitdansMonica,

Jacobacédéà sespulsions inavouablesetacceptéd’offrir savirginitéàTreysur la tablebasse.Uneodeurdesexeenvahitlapièceetmeremplitlespoumons.

QuandClivecomprendqueTreyestentraind’enfoncersonénormesexedanslepetitculdeJacob,sonvisagese tordsous l’effetde laperplexité,puisdudégoût.Surprenant son regard, Jacob repousseTreyavantderajustermaladroitementsesvêtementsetdefileràlahâte.

Laylaconcentredenouveaul’attentiondeCliveaumomentoùelleentreprenddesucerlestétonsdeMonica.J’aipourmapartbesoindenourrirmespropresinstincts,carfairecraquerJacobetmontreràsonmeilleuramiquiilestvraimentm’aengagésuruncheminquinécessited’êtreparcourujusqu’àsonterme.Jem’approchedeLayla,lasaisisparlescheveuxetl’écartesansménagementdesseinsrefaitsdeMonica.

—Enhaut,toutlemonde.Pasdecochonneriessurlecanapé.

Chapitre35:conséquences

RYAN

—Quoi?aboyé-jedansmontéléphoneenréponseàlasonnerieagaçante.Auboutdufil,unreniflement,suividelavoixrauquedeMelody.—J’aibesoinquetum’accompagnesquelquepart.Chezmoi.Nouveauxreniflements.Merde,qu’est-cequim’aprisdedeveniramiavecdesgens?Ilss’attendentàcequejemecomporte

demanière«humaine»quandilsontbesoindemoi,maintenant.—Mel,çafaitdelaroute.Pourquoiest-cequetuveuxquejeviennejusquelà-bas?Jel’entendss’agiteretjemeredressedanslelit,découvrantd’uncoupd’œillesvestigesdelanuit

passée.Merde,j’aidéconné.Jem’endoutais,jel’avaissentimonterenmoi.—J’aibesoinquequelqu’unsoitprésentquandjevaisparleràmondemi-frère.Intéressant.Impossiblededissimulerlesconséquencesdelanuitdernière,cettefois.—OK,passemechercher.J’enjambeCliveetrefermelaportedemachambrederrièremoi,avantdemedirigersousladouche,

où je lave le péché collé partout surmon corps. J’ai perdu les pédales, je ne peux plus cachermesperversions.

Je m’habille et sors en entendantMelody klaxonner dehors. Une fois assis sur le siège passager,j’observesonvisage;elleestvisiblementperturbée,sesyeuxsonthumides.

—C’estquoi,letruc,Mel?Ellesecouelatête.—Ilfautquejelevoie.Tuasl’airnaze.Dors,situveux.J’inclinemonsiègeetobtempèresur-le-champ.Jemeréveilleensursautquandlaportièreclaque,etlesnéonsdelastation-serviceoùMelodys’est

arrêtéemedonnentmalàlatête.—Jet’airapportéuncafé.Jemepasselesdeuxmainssurlevisage.—Depuis combien de temps on roule ? (Je prends la tasse qu’elle me tend, grimaçant quand le

liquidechaudmebrûlelalangue.)Tuappellesçaducafé?Ellehausselesépaules.—Çafaitquatreheuresquetudors.Ilfautcroirequej’avaisbesoindesommeil.JemedemandesiBlakeestrentré.Uncoupd’œilàmon

téléphoneme révèle plusieurs appels en absence et desmessages de sa part.Bon, il a dûpasser à lamaison.Jerabatsleclapetetglissel’appareildansmapoche.

—Tuveuxquejeprenneunpeulevolant?Les graviers jaillissent de sous les pneus alors que jeme gare devant chez elle. Je sens ses yeux

poséssurmoi.Elles’attendàcequej’émetteuncommentairesurlabâtisse.

—Waouh,c’estimmense.—Mamannetrouvaitpas,murmure-t-elle.Jesorsdelavoitureenm’étirant,puisfaisminederécupérersonbagagedanslecoffre.—Qu’est-cequetufais?Jen’airienemporté,onnerestepas.— Mel, on vient de conduire huit heures, lui rétorqué-je en croisant les bras. Pas question de

recommencercesoir.Elletiresonportabledesapocheetexaminel’écran.—Danscecas,onpeutréserverdansunhôtel,maisjenepeuxpasdormirici.Je commence par la dévisager, puis j’acquiesce. Après tout, peu m’importe. Ni elle ni moi ne

dormironsbeaucoup,cettenuit.Elle lâcheunprofondsoupir etmonte lesmarches lentement.Elle tremble.Quelle trouillarde !Ça

n’estqu’unemaison.Jeluiprendslesclésdesmainsetvaisouvrirlaporte.Àl’intérieur,leslumièreséclairentl’entrée,oùjel’inciteàpénétrerenpassantlepremier.

—Mel?C’esttoi?criesonfrère,quis’immobiliseenconstatantqu’ellen’estpasseule.Ryan?—Lefrèredupetitami.Ilrestebouchebée,pétrifié.—Ehbien,entrezdanslesalon.Jevaisnouschercherdesboissons.JemetourneversMelody,quimedévisagecommesielleattendaitdesréponses.—Onjoueparfoissurlesmêmesscènes.Sonvisageseplisse.—Comment c’est possible ? Tu savais que c’étaitmon demi-frère ? Tu n’as pas du tout eu l’air

surpris.Jedesserrelesmâchoires.Sesquestionsnesontpaspertinentesàcestadedujeu.—Calme-toi,Mel.Ilvayavoirbeaucoupderévélations,aujourd’hui.Mesmotslalaissentperplexe.Pourtant,ellemesuitsansposerd’autresquestions.Dansmapoche,montéléphoneestentraindedevenirdingue,maisjenedécrochepas.Toutcequiest

arrivé nous a conduits ici, et, même si je n’avais pas prévu que les choses se déroulent ainsi, jen’imaginais pas non plus voir mon frère retrouver son humanité et s’enticher de Melody. Quellesprobabilitésyavait-il?

Chapitre36:lesvéritésinvisibles

MELODY

Ilsseconnaissent?Décidément, lemondeestpetit.Jehais lecompletmanquedeconsidérationdeMarkus à mon égard quand il nous fait traverser la salle à manger. Enfin, ça ne devrait même pasm’étonner.Cetypeestlecouardsansâmeresponsabledelamortdemesparents.

Ryan s’assied nonchalamment à la table et commence à tambouriner du bout des doigts contre lasurface en bois sombre. Je reste debout à faire les cent pas, en essayant tant bien quemal de tenir àl’écartlesfantômesquihantentmessouvenirsdecettepièce.

—Alors?demandeMarkusenposantunebouteilledewhiskyettroispetitsverressurlatable.Ildoitsentirinstinctivementcequisetrame.Jesorsdemapochelaliassedepapiers,quejefeuillettefrénétiquementenquêtedubondocument.

Moncœurbatsifortqu’ilpourraitbienbrisermescôtes.Enfin,jejetteunefeuillesurlatable.Elleflottesurleboispolipours’arrêterprèsdelabouteille.Ryanposeleregarddessus,sepenchantlégèrementpourmieuxvoir.

—Où est-ce que tu as eu ça ? demandeMarkus, avant de se tourner vers Ryan. Tum’as vendu,salaud?

Jemepétrifie.J’aibienentendu?Monuniverssedécaledesonaxetandisquejeposelesyeuxsurmonami.

—Ehbien,voilàquiestembarrassant.Ryan – mon ami, le frère de Blake – est bien présent dans la pièce, et pourtant sa voix semble

lointaine.Jetireunechaiseetm’ylaissechoiràlahâteavantdem’écroulerausol.—Jel’airécupérégrâceàsonfrère,quiestpolicier,Markus.Manifestement,ilenquêtaitsurtoiau

sujetdumeurtredemesparents.Espècedefilsdepute!Ilnecillepas,n’essaiemêmepasdenier.Aulieudecela,ilremplitunshotdewhiskyetpoussele

verredansmadirection.Nonmais, ilestsérieux, là?J’attrapeleverreet le lui jetteà lafigure.Ilseprotègedesonbrasetleverrenefaitquerebondirdessus.

—Espècedegarcecomplètementcinglée!—Tu osesme traiter de cinglée ?Tu vasme le payer.Quand il va t’arrêter, j’utiliserai jusqu’au

derniercentimedel’argentdonttuespéraishériterpourm’assurerquetunevoiesplusjamaislalumièredujour!

Le rirequime répondestpernicieux.Maisqu’il aille se faire foutre ! J’obtiendrai justicepour sacupidité.

—Ceci,lance-t-ilenagitantlemorceaudepapier,estuncontratpasséavecletueur,pauvrecrétine!Ryanrouledesépaules.—Tuestueuràgages?J’aipresqueenvied’enrireenm’entendantprononcercesparoles,maismavieesttellementdingue

encemomentquej’aibesoindetoutexprimeràhautevoix.Etd’obtenirdesréponses.Qu’onenfinisseaveclesembrouilles,aveclesmensonges.

—Pasmoi,Mel.Letueuràgages,c’estBlake.Ses mots me coupent le souffle. Et mon âme s’évapore en même temps que l’oxygène de mes

poumons.Jesuisentraindemourirànouveau.Saufque,cettefois,lepoingquimeserrelagorgeestplusféroceencorequelapremièrefois.C’estunmensonge.Çan’estpaspossible.

—Dèsquejet’aivue,j’aisuquetuétaisspéciale.Tum’asprovoqué,Melody,faitRyanenselevantdesachaise.Tonphysique,tajambequisefrottaitcontrelamienne.Tucherchaisàattirermonattention,tul’aseue.C’étaitledestin!J’airencontrétonfrèreauClubNine.Ilapprécieuneputequitravaillelà-bassouslenomdeVicki,unesalepetitegarcequiteressembletraitpourtrait.

Jeveuxque ladouleurcesse. Jene la supporteplus.Moncœurvaexploser.Etpendant ce temps,Markusmedévisageensetordantlesmains.

— Tu vois, ton frère, qui n’est pas du tout ton frère, aime bien punir la pauvre petite Vicki ens’imaginant que c’est toi. Je n’en croyais pas mes oreilles quand elle m’a révélé le fantasme de cevicelard.Ill’appelleMelodytoutenlabaisantetenlachâtiant.

Ryan lâche un rire glacial. Ça fait bizarre, de l’entendre rire. Je me rends compte que c’est lapremièrefois,enréalité.

—J’aid’abordcruàunecoïncidence,reprend-il,mais,sijemetrouvaismoiaussiàcetendroitentrain de sauter Vicki, c’était pour la même raison que lui. Parce qu’elle te ressemble. Alors, je l’aiabordée,etparchancelapetitetraînéeaimaitbienlestrucsunpeudingues–surcepoint,jenepeuxriendire.

Ilesquisseunedrôledegrimace,portantunindexauniveaudelatempepourmimerlafolie.—C’étaitledestin.Ilmemettaitàl’épreuveenteservantàmoisurunplateau!Ettoi,tuasfacilité

leschoses,Melody, surtoutquand laviedeBlakeabasculé.Enplusde l’éducation trèsmalsainequenousavonsreçue,cettemortl’abouleversé.Cequin’estpastoncas,avectesparentsparfaits.Tuétaiscommeunelumièrerougeclignotantedevantmesyeux,etjen’avaisqu’uneenvie:tevoirt’effondrer.Jevoulaisdécouvrirlanoirceurqu’ilfaudraitpouréteindretalumière.

Ladouleurme submerge. Il joue avecma santémentale ?Soncœur est noir, pourri, et lemien sedécomposeunpeuplusàchaquenouveausecretqu’ilmedivulgue.

—Markusaétéfacileàmanipuler.—Vatefairefoutre,Ryan,crachecedernier.La températurede lapiècechute, l’airestélectrique.Telunchatqui frappesaproie,Ryanattrape

Markusà lagorge. Il l’attirecontre lui,puis le repousse, le tireànouveau,avantde l’entraîner sur lesiègedanslequelestmortemamère.Markusestcommesidéré.Sonvisagesevidedesonsangetdesacouleur,ilbaisselesyeuxverssonventre.Auralenti,jesuissonregard.Unetached’encrerouges’étalesurletissu.Ohnon…non…non…Dites-moiqueçan’estpasentraind’arriver…

—Neprendspasunairaussimortifié,Mel.Illeméritait.Tunevoulaispasqu’ilpaie?Enplus,ilainterrompumonhistoire.

Deshurlementsemplissentlapièce.Lesmiens.Puisuncoupfortetsourdm’atteintsurlecôtédelatête,etjesombre.

Chapitre37:lessignes

BLAKE

Éteins,Mel.Éteinsça.Mesyeuxs’adaptentàlalumièrequiinondelapièce.Putain,qu’ilfaitchaud!Jemeretrouveseul,

avecunmotgriffonnésurunmorceaudepapieretposésursonoreiller.Jedoisfaireuntruc.Tuauraisdûmeparler.

Qu’est-ce que c’est censé vouloir dire ? Je saisis mon portable – c’est lui qui m’a réveillé – et

découvre lesdix-huitappelsmanquésdemonpartenaire,Zack. Iladûsepasserquelquechose lanuitdernière.L’airestpleind’uneénergienerveuse,maisjeneparvienspasàmettreledoigtsurlemalaisequirègneici.Jetoucheleboutonderappeletattendsqu’ildécroche.

—Blake,putain,enfin.Ilfautquetuviennestoutdesuite.Neparleàpersonne,pointe-toidirectementdanslasalledespreuvesnuméro3.

L’appelestcoupéetmonespritsemetàtourbillonner.Ilestimpossiblequ’ilsaientdécouvertquoique ce soitme concernant, je suis trop précautionneux. Lemot deMelodyme nargue. J’essaie de lajoindresursonportableettombesursonrépondeur.

—Rappelle-moiaussitôtquetuascemessage.Vingtminutesplustard,j’entretêtebaisséedanslasalledespreuvesnuméro3.Zackserueversmoi,

examinelecouloiretrefermelaporte.Ilpasselesmainsdanssescheveuxblond-roux.—Qu’est-cequisepasse,Zack?—Assieds-toi.Jen’aimepasrecevoird’ordres,maislemalaisequejeperçoisdanssavoixmepousseàobéir.—OnadécouvertdenouvellespreuvesausujetdumeurtreduClubBlue.Unevidéoprovenantdela

caméradesurveillanced’unmagasinàquelquesruesdelà.—Commentsefait-ilqueçaaitmisaussilongtempsànousparvenir?Ils’installefaceàmoiensecouantlatête.—Ilspassaientlesenregistrementsenrevueenquêtedel’auteurd’ungraffititaguésurleurmurde

derrière.Enfinbref,ilfautquetuvoiesça,Blake.Ilmefichelatrouille.Ilsetourneversl’appareiletappuiesurleboutondemiseenroute.L’écran

s’allume.Unealléesombre,imagestatique.Plusieurssecondespassent,puisunesilhouettes’approche:celledususpect.Ilpassesonhautdesurvêtementbaignédesangpar-dessussatêteetlelâchedansunepoubelle.Alors,sonvisageapparaîtnettementetjemelèved’uncoup,renversantmachaise.

Jelesentaisauplusprofonddemoi,j’yavaisréfléchienlong,enlargeetentravers.Pourtant,j’avaisécarté l’évidence.Dansmoncœur, je savaisqu’il avaitunproblème.Bonsang, tous lesgensqui sontproches,apparentésouvictimesd’unpsychopatheenviennentàprononcerlesmêmesparoles.

Est-cemoiquil’aiobligéàfaireça?J’aienviedevomir.J’aitué,moiaussi,maissansjamaisenretirerlemoindreplaisir,àladifférence

delui.Jenesuispasbrutal,jen’agisjamaissansraison.Jenetuepasauhasardoupourm’amuser.—Blake?(Jesorsdelabrume.)Jen’aimontrécesimagesàpersonned’autre.Ellessontarrivées

directementsurmonbureau.—Ilfautquej’yaille.Ilfautquejeletrouve.Jequittelecommissariatencourantetmontedansmavoiture.Jeconduisaumilieudubrouillardtout

enrejouantmaviejusqu’àaujourd’hui.Commentai-jepulelaisserdevenircommeça?Commentpuis-jelesauvermaintenant?

J’appelle sur son portable à plusieurs reprises, mais j’atterris sur son répondeur. Sortant de lavoiture, je traversenotrealléeaupasdecourseet laisse tomber lesclésenessayantd’ouvrir laported’entrée.Cetremblementdemesmains,çaaussi,c’estnouveau.

Lamaisonestplongéedanslesilence,danslamêmeatmosphèredérangeantequim’entouraitàmonréveil.

—Ryan?Je gravis lesmarches quatre à quatre etme précipite dans le couloir pour tambouriner à sa porte

close.Lesgondsgrincent sous l’impactet lebattant s’ouvre lentement. J’entendsmonsangbattredansmes tempes.Du sang.Du sang, partout.C’est vraiment en train d’arriver. Je tombe etm’enfonce dansl’abîme.Monheureestvenueetjesuisenenfer,jenevoisquecetteexplication.

Putain,c’estClive.Lecorpsdénudédecegamindelafac,yeuxgrandsouverts,gorgetranchée.Deuxfemmesaucorpslacérél’entourentsurlelit.Lesentaillessontsinombreusesquejen’arrivemêmepasàdéterminerlecoupquileuraétéfatal.Chaquemillimètrecarrédeleurpeauestcouvertdesang.Lesmursblancsetsouillésdelachambretémoignentdelaviolencedeleurmort.

Jerefermelaporteetdescendsdanslesalon.Surl’écrandel’ordinateur,unevidéoenmodepause.Jelancelevisionnageetperdsl’équilibre.Mesgenouxheurtentlesoldansunbruitmat.MelodyallongéedanslelitdeRyan,vêtuedelabrassièreetdelaculottequ’elleportaitlapremièrenuitoùjel’aicroiséeici.Elleestimmobile,etluiestdeboutau-dessusd’elle,entraindesecaresser.J’aienviedemourirpourne pas avoir à assister à cette scène. Il éjacule, puis saute au bas du lit pour sortir un sweat-shirt ets’essuyer,avantderemettrelevêtementdanssonsac.

Putain,maisqu’est-ceque…?Melody.Oùest-elle,bordel?OùestRyan?J’enclenche surmon portable le pistage de sonGPS. Elle est sur la route. Pour aller où, nom de

Dieu?

Chapitre38:leMal

MELODY

Unefortepressioncontrema trachée.Labrûlured’unfroidglacialsur laplantedemespieds.Lesbrasquimeretenaientmelâchent,etl’étauautourdemagorgeseresserre.Mesmainssontligotéesdansmondos.

Tousmessensseréveillentenmêmetempsetl’imagedeRyanenvahitmonchampdevision.Jesuispendueauplafondparunecordepasséeautourdemoncou,mespiedsglissentsurunseaupleindeglace.

—Enfin.Jenepeuxpasluirépondre.Jenepeuxpashurler.—Tuaimeslaglace?L’idéem’estvenuependantquetufaisaistasieste.SiBlakearriveavantquela

glacefonde,jelelaisseraicoupertesliens.Ilestfou.Commentai-jepuêtreaussiaveugle?Saduretévis-à-visdesautres.Soninsensibilitéface

à tout ce qui l’entoure. Son sentiment de supériorité. Il est possessif et froid, une attitude que jerationalisais.Etmaintenant,larelationtoxiquequej’aiencouragéemerongecommeunvirus.

—Blake a tué pour ce qu’il pensait êtremon honneur.Mon père avait un faible pour les jeuneshommes.

Jeneveuxplusrienentendre.Lacordemetueassezvitecommeça.— Je le regardais mater Blake. Je savais qu’il combattait ses désirs, et il les combattait par la

violence.UniquementsurBlake,celadit.Tousmeshématomes,jemelesinfligeaistoutseulpourfairecroireàBlakequemonpèremefaisaitdumal.Cettenuit-là,lanuitoùBlakel’atué,jel’avaisprovoqué.Il était en train de se branler dans sa chambre. Ilm’a chassé dans lamienne,m’a frappé, criant quej’avaisunecaseenmoins.

Jamaisjen’aivuplusdérangeantquelesourirequifendsonvisageàcetinstant.—Jesuistombésurlematelasetils’estjetésurmoipourm’étrangler.C’estlàqueBlakeestentréet

qu’ils’estfaitdefaussesidées.J’aijusteajoutéquelquescrisétoufféspourlabeautéduspectacle.Il hausse les épaules, comme si l’orchestration d’unemachination aussi perverse par un gamin de

onzeansétaitchosenormale.Ungeignements’échappedemagorgeserréequandj’aperçoisBlakeplantélà,découvrantlascène.—Oh,frérot!Justeàtempspourlemeilleurpassage.RyanréapparaîtdansmonchampdevisionetmecacheBlake.—Blake est devenu un assassin cette nuit-là,mais il ne s’est pas arrêté en si bon chemin. Il n’a

jamaisimaginéquejepouvaisêtreaucourantdesaprofession:tueuràgages.Alors,quandjesuistombésurton…(ilmimedesguillemets)frère,jeluiaisuggérél’idéed’embaucherquelqu’unpourabattretesparents,et ilamorduà l’hameçon.Je luiai transmis lescoordonnéesdeBlake,et«boum»!Affaireréglée.

Jen’arrivepasà respirer. Ilment.Mavie toutentièrese fige,aussiglacéeque lecontenuduseausousmespieds.Ilment,pasvrai?Oh,monDieu.L’aircessedegonflermespoumons,denouveaumonuniverssetrouveaubordduprécipice,prêtàbasculer.Mavuesebrouilletandisquelapressiondela

cordemeprived’oxygène.—C’étaitparfait.Jel’aimêmeconduitàl’aéroport,puisjet’aienvoyéunSMSalorsquetuétaisen

routepourlerencontreràlamaison.Chacunedesesparolesestuneentaillesupplémentairequiincrustesavéritédansmonâme,ajoutant

denouvellescicatricesàl’êtredéjàblesséquisemeurt.

Chapitre39:illusions

BLAKE

Elleestattachéeauplafond,unecordeautourducou.Ellealesmainsligotéesetlespiedsvaguementenéquilibresurunseauremplideglace.Ilestpartitroploindanssondélire,jenelerécupéreraijamais,jelesais.Pourmapart,jesuisperdu,égarédansmonproprecorps.Jenesuispascertaindepouvoirmeretrouver moi-même. Mon cœur saigne : parce que j’ai peur pour Melody et à cause des décisionshorriblesquej’aiprisespourRyan.L’entendreavouerqu’ilamanigancécettescèned’horreuravecmonbeau-père…Iljoueavecmoidepuisl’enfance.

—Àchaqueecchymosesur tapeau, jemereprochaisdedevoirpartirà l’écoleoudesortirde lamaisonpourrejoindremesamis,histoirederespirerunpeu.Chaquemarquesurtoi,chaquelarmequetuversais enme lesmontrant, je lespartageais.Bon sang, tum’as tué àpetit feu,morceauparmorceau.Touteslesnuitsdemasaletédevie,jepriaispouravoirlaforcedeteprotéger,maisçamecoûtait.C’estlediablequiaréponduàmesprières,etj’aidûpayersonaidedemonâme.Alors,j’aidisparupetitàpetit, jemesuisfondudansles ténèbresensuccombantà l’appeldumal, jemesuiscoupédurestedel’humanitéjusqu’àcequeMelodyréveillelebienquisommeillaitenmoi.Legarçonquej’étaisasacrifiésaviepourl’amourdesonfrère,etcemêmefrèrel’atrahi.Çafaitmal.

—Jesaisquetuvoudraisqueleschosesmetouchent,Blake.Pourtoi,etsansdouteuniquementpourtoi,parfois je levoudraisaussi,maiscen’estpas lecas.Jesuisvide.Jen’aspirequ’à ladestruction.C’estleseultrucquimeprocureunsemblantd’émotion.

—Pourquoiavoirjouéavecmavie?Ilhausselesépaules.—Parcequej’aimelepouvoirqueçameconfère.L’humanitéestfaible.L’amourestunefaiblesse,

Blake,etçaaétélatienne.Tuasjouéàceluiquiembrassaitlabêteenlui,mais,aufond,çan’étaitpaslatienne.C’estmoiquiaicréélemonstrequetues.

Melodyestentraindeperdreconscience.Ilfautquejeladescendedelà.Ilsaitàquoijepense,illitdanslespenséesdesgensbienmieuxquemoi.

—Détache-la.J’attrapelalamequejegardetoujoursdansmabottine,toutensurveillantRyanducoindel’œilafin

devérifierqu’ilneva rien tenterdeplus.LesangdeMarkusalourdit l’airdesonodeurdemort.LespoignetsdeMelodyserrésdansunemain,jecoupesesliensavantdepasseràceluiqu’elleaautourducou. Je le sens qui vient s’en prendre à moi, mais la libérer vaut bien les coups de couteau qui metranspercent les côtes jusqu’au poumon.La douleur est extrême…Moins intense, toutefois, que l’idéed’êtrepoignardéparmonproprepetitfrère.

Je m’effondre par terre.Melody s’éveille de son état de semi-conscience en s’affaissant sur moipendant que le seaubascule et renverse son contenuglacé sur le sol.On l’entraîne loindemoi. Je laperds,jeperdstout.Jenesupportepasdevoirbrûlercequenousavonsconstruit,maisjesuisincapabled’éteindre lesbraisesquimenacentdeme transformerà jamais. Jenesurvivraipasà lamortdecettefemme,sijesurvistoutcourt.Montee-shirtestimprégnédusangchaudquis’échappedemesplaies.Je

n’arrivepasàcroirequejevaislaperdrecommeça.Ellem’appartient.Moi,lefaiseurdecauchemars,jesuisentraindevivrelemien.Monuniverss’écroulesousmesyeux,détruitparunêtrequej’aiaimé.

Quandvousrencontrezlabonnepersonne,vouslesavez,paraît-il.Melodyaapposésamarquesurmoi,elleatatouésonâmesurlamienne,etjenepeuxpaslaissermesténèbresl’arracheràcemonde.Ryan,c’estmaresponsabilité.Jel’aifaitàmonimage.J’auraisdûvoiràtraversl’écrandefumée.

Ilfautquejelaréveille.Ilfautqu’ellesebatte,maiselleenestmanifestementincapable.Merde,monsoleilmetrahit,salumièredisparaîtderrièrelesombresdesdémonséveillésparmonfrère.Commentai-jepulelaissers’enfonceraussiprofondément?

—Jet’aidoncbousilléàcepoint?craché-je,lagorgepleinedesang.Ça,cen’estvraimentpasbonsigne.Jecontinuedemedemanderenbouclesicettescèneestréelle,si

toutçaestvraimententraindeseproduire.J’essaiedem’agripperàl’airpourenremplirmespoumons.Soudain,ilapparaîtau-dessusdemoi,secouantlatête.—Tun’asriencompris,Blake.Tesmeurtres,tafaçondetraiterlesgenscommedessacsdeviande,

çaauraitpubousillern’importequelfrère.Monsoufflem’échappedansunsifflement.—Fairelalistedemespéchésnepardonnerapaslestiens,Ryan.Ilgrincedesdents.—Jeneveuxpasêtrepardonné,t’esàcôtédelaplaque!Tun’asrienfait.Jesuisnécommeça.J’ai

toujoursressenticetteagitation,cetennuiincurableetabsoluàl’intérieur.Autourdemoi,lesgensétaienttousdesétrangersinterchangeables.Vousêtesunemasseindifférenciéedefaiblesserégieparl’amouretlafidélité.Jen’aijamaiscompriscesémotions,maisjevoulaislesgouverner.

Ilrouledesépaules.Sarespirationà traverssesdentsserréesn’estqu’unsifflementdanslapièce.J’aperçoisunvaguemouvementducôtédeMelody,mais jeneveuxpasattirer l’attentiondeRyansurelle.Jedoislefaireparlerpourluilaisserletempsdesortird’ici.

—Monamourpourtoinesignifiaitdoncrien?Jesuistonfrère.Ilpenchelatêtesurlecôté,m’observantavecunairdepitié.— J’aime bien l’idée que tum’aimes.D’ailleurs, jem’en suis servi. J’adoremanipuler les gens.

Changerlaviedequelqu’un,c’estuntruchyperpuissant.Regarderlesautress’effondrer,lesentraînersiloindansmapropredépravationqu’ilsenviennentàsedemandersicen’estpaslaleur.C’estunbesoininsatiable. J’ai de l’appétit pour le mal, et je ne me sens exister qu’en occupant une position desupériorité.Laseulechosequim’anime,c’estdeposséderetdedétruiremessemblables,entièrement,corpsetâme.Jeveuxlesdépouillerdetout,lesrendreaussividesquemoi.

Ilmedonneuncoupdepieddanslesjambes.—Tudevraismeremercier,Blake,detedébarrasserdetasouffrance.Jeveuxcontemplerlevisage

deMelquandturendrastonderniersouffle.Jeveuxqu’ellevoieentoilemeurtrierdesesparents.Pourlapremièrefoisdepuisd’innombrablesannées,jepleure.Leslarmestracentuncheminbrûlant

sur mes joues. Mon frère n’était qu’une illusion. La personne qui est là, debout au-dessus de moi,n’appartientpasàcemonde.Ilestladéfinitiondumal.JemesuisbiendoutéqueMarkusavaitengagéunautre gars, en plus de moi, quand je suis entré dans la maison cette nuit-là et que j’ai découvert lemassacre.JepartaisaumomentoùMelodyestarrivée.

—Tulesastués?Maviem’abandonne,unevapeurblanchâtrem’obstruelavue.—J’avaisjusteprévudevenirteregarderàl’œuvre.Jesuisarrivélaveilleausoir,etjen’aipaspu

résisterauplaisirdemeprésentercommeunamideMelquivisitait larégion.Ilssesontmontréstrèshospitaliers,ilsm’ontmêmeinvitéàdîner.

Ilse tourneensouriantvers lecadavredeMarkus,figépratiquementdanslamêmepositionquelamèredeMelody.

—Jesuisdésolée.Oh!monDieu,jesuisdésolée,Blake.LeshurlementsdeMelodydéchirent l’air. J’entends lechoc, lesifflementducouteauquis’abat, le

hoquetquandils’enfoncedanslachair.—Aaaah!Pardonne-moi!Pardonne-moi…Sescrisétrangléssontplusdouloureuxencorequelanuitoùelleadécouvertsesparents.Une incrédulité absolue se peint sur les traits de Ryan. Melody a été guidée par une puissance

invisiblequiluiadonnéassezdeforcepourluiplongerlalameenentierdansledos,siprofondémentqu’elleressortdesonventre.Iltombeenavant,trébuchesurlecôtéavantd’atterrirprèsdemoidansunbruitmat.Lesorbitesnoiresd’ungarçonsansâmemedévisagent.Etmoncerveauabeaumerépéterquele frèreque j’aimaisn’a jamaisexisté,moncœursaignepourtant tandisque je le regardemourir.Desexpirations saccadées s’échappent de ses lèvres, puis il s’immobilise. Plus aucun mouvement. Rien.Alors,jesuccombeausommeilquim’appelleetm’entraîneaveclui.

Chapitre40:avancer

MELODY

Blakeest restésixsemainesdans lecoma.Ses lésions internesont failli luicoûter lavie.Quantàmoi, j’aiétéàdeuxdoigtsd’ôteruneviedemesmains.Ryandevaitmourir. Ilabeauêtre faitcommenous,ilesttoutsaufhumain.Ilajouéunrôlemalsain,atrompé,manipuléetcorrompudesâmes.Ilestlemaîtredumal,lamainarméedudiable;oui,maismoi,jenesuispasDieu.Jen’aipaseulechoixdesondestin.Unefoisqu’ilsontrécupérésonpouls,ilsm’ontdérobésavieenallantl’enfermerdansunhôpitalpsychiatrique. Ilm’a toutpris, etmême si, endéfinitive,Blaken’apas tuémesparents, il était quandmêmevenuchezeuxdanscebutprécis.Commentpuis-jem’autoriseràêtreencoupleavecunhommecapable d’unemonstruosité pareille ?Comment puis-je l’aimer si profondément que j’ai envie demerecroquevilleretdemourirtantj’aimaldenepasêtreaveclui?

Jouraprèsjour, j’aiattenduàsonchevetqu’ilseréveille.Sixsemainesdansl’incertitude.Onpeutfairepasmaldechosesensixsemaines.Abandonner la fac. Investirdans l’éditiond’un journal.Fairedémolir cette maison – il m’était impossible de la garder après toutes les horreurs qui s’y étaientproduites.Jeconserveraileterrain,laisserailesherbesfollesl’envahiretlerendraiàlanature.

Recommencerdezéro,c’estunprojeteffrayant,maisc’estquelquechosedontj’aibesoin.J’aigardépourmoitoutcequej’aiapprissurBlake–unedécisionquiamisàmaltoutesmesvaleurs.Monamourpourluil’aemportésurlereste.Etpuis,ilaétéunevictimeavanttout.Çanel’absoutpasdesescrimes,maisjenevaispaslesrévélerpourautant.Jevaisjustetâcherd’oubliermonpassagedanscetteville.D’oublierl’étauétouffantquienserremonpauvrecœurmalade.Etvivre,autantquefairesepeut.Allerdel’avant.

Trois semaines se sont écoulées depuis que je l’ai laissé à l’hôpital, et je n’arrive pas à meconcentrersurSean,quinouscommandedescafés.IlestvenumerendrevisitepourmeparlerdeRyanetm’aracontédeschosesquej’auraispréférécontinuerd’ignorer.Notamment,quec’étaitlafautedeRyans’ils’étaitretrouvésouslesrouesdelavoiturequiavaitfailliletuer.Physiquement,ilestcomplètementguéridésormais.Maislesblessuresdupasséresterontgravéesenlui,toutcommelesmiennes.

—Alors,commeça,tuesalléevivreavectonex?medemande-t-il,haussantunsourcilfaussementaccusateur.

Jeprendslecaféqu’ilmetend.—Non,cen’estpastoutàfaitça.J’avaisjustebesoind’unpeudenormalité.CequeZanem’offre.J’aipasséunesemainechezluiaprèsavoirquittél’hôpital,quandBlakes’estréveillé.J’avaisbesoin

desonréconfort.Noussortonsdusalondethé.Lesnuits,devenuesplusfraîches,sontagréablesaprèslamoiteurdes

semainespassées.—Tueslapersonnelaplusfortequejeconnaisse,Mel.Jenesaispascommenttusurvis.Moi,je

doismefaireviolencepoursortirdemonlitchaquematin.Jemesenstrahiparmoi-même,parmapropreincapacitéàdiscernerlemaldubien.

Jeglissemamaindanslasienne.

—Jemeursàpetitfeuàl’intérieur.Certainsjours,j’ail’impressiond’avoirremportélaguerrequ’ila déclenchée enmoi, et pourtant je continue àme battre au quotidien pour recouvrer la paix. Il m’abeaucouppris,mais ilnem’apascomplètementbrisée,malgré toussesefforts. Je respire, jevis.J’aitropbataillépourmasurvie,jenevaispaslelaissergagnersansmedéfendre.Iln’estpluslà,Sean.

Nousretournonsàmonappartement,oùjemanquedetrébucherendécouvrantunBlakeanéantiassisàmêmelesol,adosséàmaported’entrée.Illèvelesyeuxversmoi.

—Oh,voilàunesituationgênante.Jecroyaisquetuétaisàl’intérieuretqueturefusaisdem’ouvrir.Ducoup,çafaitunmomentquejeparletoutseul.

Laportedemavoisines’ouvre.C’estunevieilledame,avecsonchatdanslesbrasetdesbigoudisdanslescheveux.

—J’aiessayéde le luiexpliquer, j’aimêmemenacéd’appeler lapolice,mais ila réponduque lapolice,c’était lui. Ilm’amontréun insigneet tout.Çaexpliquesansdoutecomment ilapufranchir laréception.

—Merci,Linda,murmuré-jeenluiadressantunsignepourl’inciteràrentrerchezelle.JetendsmesclésàSeanetluidemandedem’attendreàl’intérieur.Aprèsuncoupd’œilnerveuxen

directiondeBlake,ilfinitparobtempérer.—Qu’est-cequetufaisici?Commenttum’astrouvée,d’ailleurs?Ilenfoncelamaindanssapocheetentiresonportable.—GPS.Évidemment.Ilapistémontéléphone.Çafaitmalrienquedeleregarder.Commesiuntroupeaudechevauxsauvagespiétinaitmoncœur,

leurcavalcadeimpitoyablesecouantmoncorpsdetremblements.—Jenepeuxpasfaireça,Blake.Dis-moicequetuveux,etva-t’en.Ilsecouelatête.—Non,jenepartiraipas.J’ouvrelabouchepourrétorquerquelquechose,maisilm’interromptd’unemainlevée.—Quandlesoleilsecouche,onnepeutpasseraccrocheràlalumièredéclinantefaceauxombres

quiapprochent.Soitonsecachedecesombres,soitonlesdevient.Jenepeuxpasm’inventerd’excuses,tu les connaisde toute façon. Jene suispasparfait, je suismême loind’être assezbienpour toi. J’aicommisdesactesatroces,j’aiassistéàl’horreursoussaformelapluscrue,maistuasréveilléunaspectenmoidontj’avaisoubliél’existence.Tuasreconstituéunepartiedemonêtrequejecroyaisréduiteenpoussière.Tum’asdonnéuneraisonderepêcherl’âmequi,jadis,vivaitlà.

Ilsefrappelapoitrinedupoing.—Cecœurquin’apastoujoursétéfroidet…Ilbaisselesyeuxversmespieds.—…solitaire,Mel.Jesuissiseul,enferméàl’intérieurdematête…Lacolère.Lesregrets.Jene

t’attendaispas.J’ignoraisquej’étaiscapabled’aimer.Jen’avaispasimaginéqu’aucœurdelanuit,lesoleilpouvaitseleverànouveau,chasserlesténèbres,apprendreauxdamnésàquitter leursolitude,àéprouverunamourassezpuissantpoureffacerlestraumatismesdupassé.

Deslarmesbrûlantescoulentsurmesjouesetallumentunfeusurmapeau.Jedoismeréveiller.—Jenesaispasquijesuissanstoi.Jecoule,jemenoiedanslavéritédetoutcequis’estpassé.Je

l’aimais,Mel.Jel’aiélevé,j’aituépourlui.Ettoutçan’étaitqu’unjeu.Iltiraitsurmoicommesurunélastiquepourvoirjusqu’oùilpouvaitalleravantquejenecasse.

Ilesten traindes’effondrer justesousmesyeux.Jepourrais lui tendre lamainet reconstruiresonâmequipartenfuméesansrienpour la retenir. Jepourrais luioffrirmoncœurpourqu’ilysaigne,et

laissermonpouls battre pournousdeux. Il étouffe,mais je pourrais respirer pour lui, si seulement jeparvenaisàmepardonnerdel’aimer…J’ail’impressiondetrahirmesparents.Ilnelesapastués,maisilauraitpu.

—Tuasabsorbémonâme,Puya.Etjeneveuxpaslarécupérer.Jeveuxdevenirtaraisondevivre.Tumemanques,çametue.Jemeurs,sanstoi.Jerefused’existerdansunmondeoùtunem’aimespas.

Voilàoùestleproblème:riend’autrenecompte.Seulecetteévidencem’obsède.Jel’aime,etjenepeuxpasm’enempêcher.Jeluiappartiens,etilm’appartient.

Épilogue

BLAKE

Huitansplustard

—Papa…PAPA!Tous les jours, elleme réveille commeça.Sespetitspiedsmepiétinent lesmollets tandisqu’elle

escalademaladroitementmoncorpspourvenirs’asseoirsurmesépaulesetmechuchoterà l’oreille–alorsmêmequ’ellecriaitlaseconded’avant.

—Devinequoi?Sonmurmuremeréchauffelajoue.—Quoi?marmonné-jedansletraversin.—TanteRuth est là, et elle a dit qu’elle t’envoyait les garçonsdans dixminutes si tu n’étais pas

deboutethabillé.Masœurestunesorcière.Ilnousafalludeuxans,maisunliens’esttisséentremessœursetmoi,né

d’unmélangedetragédie,deculpabilitéetdetempsperdu.Compenséaucentupleparuneacceptationetunamourinconditionnels.

—Lesgarçons?Nooooooon,s’ilteplaît,paslesgarçons!Les « garçons » en question, ce sont mes neveux qui, contrairement à mon petit ange, ne se

contenterontpasdem’écraserlesmollets.Ilssauterontsurmoidetoutesleursforcesjusqu’àcequejetombedulit.

Sonrirerésonneàtraverslachambre,allumantenmoiunelumièrequejenesoupçonnaispas.QuandMelodyesttombéedansmesbras,devantsonappartement,ellenelesaplusjamaisquittés.J’aiattenduun mois avant de lui passer la bague au doigt, et ce petit chérubin, dont le prénom – Cereus – estdésormaistatouéàl’encresurmonépaule,estarrivéunanplustard.

Onagrandi,onaappris,onasurmontélesépreuvesetrespiréensemble.Ryannousachangés,touslesdeux,pourlepire,maisnousnoussommestransformésl’unl’autrepourlemeilleur.Ledestinnousaréunisà jamais,et,mêmesi lediablem’aentraînésurdenombreuxcheminsmalsains,Dieuseulapum’envoyerMelody.Unesaintedestinéeàmesauver:missionaccomplie.Nousavonssurvécu,jemesuisréveillé.Àprésent,jeressenslesémotions.J’aime.J’éprouvedel’empathie.

Dixansplustard

RYAN

Dix-huitansenfermédanscetendroit,àmanipulertouscesêtresbrisésquicroisentmonchemin.Unjeu d’enfant. Les infirmières, qui travaillent jour et nuit pour des salaires de misère, mariées à deshommesquineleurmontrentplusaucunintérêt,m’ontdévorédesyeuxdèsmonarrivée.C’estdrôle,onnous qualifie de fous, et pourtant, ne faut-il pas être complètement insensé pour craquer sur un typecommemoi?Or,c’est systématique.Levisagedontm’adoté lanaturepourrait faire fondre laculotted’unenonne.Etc’estmoiquisuisdingue?

Melodyjoueiciunrôledontellen’amêmepasidée.Jesuisencoreunpeuamerdelafaçondontleschosesonttourné,auboutducompte.Car,voyez-vous,quandjedécrètequ’unêtreestmien,ilresteenmoipour toujours,commeuneobsession,sivousvoulez.Ilvitdansmapeau,danslesangquicouleàl’intérieurdemesveines.Jen’aimepasperdre,etc’estexactementcequej’airessentiquandellem’aenfoncécecouteaudansledos.

Dansma tête, je revis sans cesse les événements dans lesmoindresdétails : comment j’ai tué sesparents, comment j’ai éclaté la têtedececonnardquim’avait traitéde salepédéenmecroisantdansl’alléederrièreleClubBlue;CliveetlessalopesdeputesduClubNine,lesangquis’écoulaitd’eux,enrivièresdevin…Miam!EtbriserSean.Cetimbécileétaitamoureuxdemoietrêvaitquejeleprenne.J’aiobservésajoiequandj’aiaffirméledésireraussi,avantdelebaisersibrutalementavecmonpoingqu’ilahurléetgeintcommeunbébécochonqu’onégorge.J’aiensuiteproposédeleraccompagnerchezluiàpied,carilavaittropmalauxfessespoursupporterdes’asseoirdansmavoiture.Ilétaitsidéçuden’avoirpasétécapabled’assumermesdéviancessexuellesqu’ilnecessaitdes’excuser.Pitoyable.Cen’étaitpresquepasmarrantdejoueraveclui.Jepréfèrelesespritsforts.Celadit,jemedélecteencoredusouvenirdesonexpression,unmélanged’incrédulitéetdepeur,quandjel’aipoussésurlaroute.Cesontcessouvenirsquimepermettentdesurvivredanscetrouàrats.

Ilssecroientenmesuredevoussoigner,maisavecmoi, ilsn’yarriverontpas. Ilsaurontbeaus’ymettreàplusieursdocteurs, tenterdes tasde traitements,onnepeutpasguérirquelqu’unquin’estpasmalade.Jenesuispasmalade.Jen’aipascraqué.Parcequejen’aijamaiséténormal.

—Vousêtesprêtàcommencervotrenouvellevie,Ryan?medemandemonpsychiatre,radieux.Vousêtes sur le point de retrouver lemondenormal, de redevenir un citoyenmodèle.Et, d’ici un an, vousn’aurezmêmeplusbesoindevenirmerendrevisite.

Jerépèteavecmalice:—Vivreparmilesgensnormaux?—Vousêtesnormal,Ryan.Ilsetrompesurtoutelaligne.

J’enfilemavesteetarrachelaphotoquiaalimentétantdefantasmes.Ilsontessayédemelacacher,maisçan’afaitquem’encourageràjouerlepatientguéri.

Majoliepetitenièce,mélangeparfaitdeMelodyetdeBlake.Mavoixrépond:—Jesuisprêt.Jenesuispasnormal.Jeneressensrien.Jen’aimepas.Jen’éprouvepasd’empathie.

REMERCIEMENTS

Celivren’auraitpaspuvoirlejoursansl’incroyablesoutiendontjebénéficie,alorsjevoudraisprendreunmomentpourremercierquidedroit.Mafamille,quiacceptedesepriverdemoiafinquejepuissepasserlamoitiédemaviedanslagrotteoùj’écris,àvivrel’existencedemespersonnagesavantdevouslivrerceshistoires.Merciàmonextraordinaireéquipederue,quimefaitunepubd’enfer,parpurepassionpourmesromans.Votredévouement,votreloyautéetvotreamourcomptentbeaucouppourmoi.Mes super bêta-lecteurs, qui lâchent tout pour lire mon travail, me soutiennent et m’encouragent àcontinuerd’écrire.MichelleMcGinty,VikkiRyan,VickiLeaf,KristinBairos,TerrieArasin et JillianCrousonToth : lesfilles,jevousadore,mercipourvotreamitié.Mamoitié,Dawn Stancil aliasD.H. Sidebottom, est une bouée sans laquelle jeme noierais dans cetunivers. C’est une auteure talentueuse, que j’admire et qui m’inspire, mais c’est aussi une femmemerveilleuse.Malgrélescoupsdursqueluiainfligéslavie,cettefemmes’estrelevéeetluiadresseundoigtd’honneur.C’estuneamieforte,belle,aimantequejechéris.Merci à tous les blogs quime soutiennent.À tous les auteurs quim’inspirent.Merci àma formidableéditriceetamieKyra.Àmagraphistedegénie,Stacey,quimefaittoujoursuneplacedanssonplanningsurchargé.C’estgrâceàvousquecelivreestuneréussite.MerciàlabelleCollin,quiacomposémacouvertureetàsontrèstalentueuxphotographe,Clyph,d’avoirsucapturerl’imageparfaite.MerciàmespublicitairesetamisJudietKiki,ainsiqu’àCrystalSolis,poursondurlabeurdemarketingsurmapersonne.Crystal,tuasuneéquipeenor!

KerDukey vit auRoyaume-Uni. Elle exerce le doublemétier demère et d’écrivain depuis quelquesannées. Elle a toujours adoré lire et raconter des histoires, d’abord à ses petites sœurs, puis à seslecteurs. Son amour des livres et son goût pour la fiction lui viennent de samère, qui l’a convaincued’écrire ses propres histoires. Ses livres se situent souvent du côté obscur de la romance, là où leslicornesetlesarcs-en-cieln’ontpasdroitdecité,parcequeleshistoiresd’amourlesplusinoubliablessontrarementdelongsfleuvestranquilles.

Dumêmeauteur,chezMilady:

Heartless:1.Mercy2.Despair