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La frustration. Une étude de psychologie différentielle

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LA FRUSTRATION

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Dans la même collection :

Ch. BAUDOUIN L'AME ENFANTINE ET SA PSYCHANALYSE.

I. Les complexes. II. Les cas, les méthodes.

E. BUSSMANN LE T R A N S F E R T DANS L ' I N T E L L I G E N C E P R A T I Q U E CHEZ L ' E N F A N T .

H.-J. EYSENCK US ET ABUS DE LA PSYCHOLOGIE.

C. GATTEGNO INTRODUCTION A LA PSYCHOLOGIE DE L ' A F F E C T I V I T É ET A L 'ÉDUCATION A L'AMOUR.

W. HAESLER ENFANTS DE LA GRAND-ROUTE.

M. L. RAMBERT LA VIE AFFECTIVE ET MORALE DE L'ENFANT.

F. VAN ROY L ' E N F A N T I N F I R M E , SON HANDICAP. SON DRAME, SA GUÉRISON.

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ACTUALITÉS PÉDAGOGIQUES ET PSYCHOLOGIQUES publiées sous les auspices de l'Institut des sciences

de l'éducation de l' Université de Genève (Institut J . J. Rousseau)

C H A R L E S K R A M E R

Psychologue des Services Publics de l'Éducation Nationale et de la Santé.

LA FRUSTRATION

Une étude de psychologie différentielle

P r é f a c e d u D r S. R o s e n z w e i g

ÉDITIONS DELACHAUX & NIESTLÉ

4 rue de l 'Hôpital, NEUCHATEL (Suisse)

Diffusion en France : DELACHAUX & NIESTLÉ, 32, rue de Grenelle, PARIS VII

Édité en Suisse

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Tous droits réservés

© 1959 by Delachaux et Niestlé S. A., Neuchâtel (Switzerland)

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A OLIVIA

La recherche, en matière de psychologie appliquée, ne se conçoit plus sans le recours à une large coopération. Le cher- cheur est toujours davantage tributaire de ses Maîtres, de ses collègues et collaborateurs, ses amis. Par chance, ni les uns, parmi les plus dévoués, ni les autres, parmi les plus éminents, ne m'ont fait défaut. J 'espère finalement mériter leur estime.

Que MM. les professeurs Piaget, Pichot et Rosenzweig, Mme le médecin-chef Salles, M. le médecin de la Marine Grousset, Mlle le docteur Léon, les chercheurs H. Gavini et M. Reuchlin, Noizet et Lapierre, les conseillers d'orientation Mmes Bacque- lin, Bancarel, Legat MM. Bourret, et Legat, M. l 'Inspecteur de l'Enseignement Mayoux, ainsi que tous mes confrères du Groupe Varois de Psychologie et de la Société de Psychologie du Sud-Est, Mlle Blanc-Garin, Mme Dongier, MM. Sillamy et Trembland, et mes assistants de l'hôpital Sainte-Anne de Toulon, MM. Bellan- ger, Lagoutte et Ollivier, acceptent l 'hommage de ma profonde gratitude.

Charles KRAMER.

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PREFACE

Cet ouvrage se recommande au lecteur par plusieurs de ses aspects. Il présente l'application de la « Picture-Frustration Study » de Rosenweig sur une grande échelle, à une large variété de sujets. Il comprend plusieurs comparaisons importantes entre les résultats au « P-F S » et ceux d'autres procédés, notamment l'électroencéphalographie. Il introduit, de plus, quelques spécu- lations intéressantes quant aux implications théoriques et pra- tiques du concept de frustration. Plus nombreuses sont les don- nées accumulées à l'aide d'une technique projective figurant un ensemble de situations-stimuli, meilleure et plus sûre devient la validité. La présente contribution est, de ce point de vue, parti- culièrement bienvenue.

Bien que l 'auteur se préoccupe sérieusement des possibilités de la « P -F Study » en tant qu ' ins t rument de diagnostic et de sélection pour les malades et pour le personnel militaire, il ne néglige pas, pour autant, de considérer l 'importance de cet outil pour l'investigation des processus et des mécanismes de réaction d la frustration. Comme d'autres méthodes projectives, la « P-F Study » est peut-être moins utile comme instrument de sélection du personnel que comme révélateur de la dynamique de la per- sonnalité dans l'individu. Les résultats doivent être intégrés avec ceux qui sqnt obtenus au moyen d'autres instruments afin d'es- quisser un tableau de la personnalité en termes de syndrôme et de processus. Même si, à l'occasion, les scores parviennent à discriminer d'une manière significative entre un groupe d'indi- vidus et un autre, il convient de considérer ce résultat comme secondaire pa r rapport à l'objectif premier que nous venons de mentionner.

Dans le même contexte, il importe de ne pas négliger le fait que les statistiques applicables aux techniques projectives ne sont pas identiques à celles que l'on emploie traditionnellement pour des tests strictement psychométriques. L'importance du « pattern » et du syndrôme — dans une approche idiodyna- mique de la personnalité — limite l'application des statistiques conventionnelles. Mais on ne saurait reprocher à l 'auteur d'em- ployer les statistiques telles qu'elles existent aujourd 'hui puisque les statistiques nécessaires de l'avenir — les « dynistiques » — sont à peine en cours d'élaboration.

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Ce travail est une contribution éminente aux diverses publications françaises traitant de la « P-F Study » (sans parler de celles rédigées en d'autres langues), qui se distinguent en général par leur objectivité et leur pénétration.

Le 31 décembre 1958. Saul ROSENZWEIG

Washington University Saint-Louis, U.S.A.

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AVERTISSEMENT AU LECTEUR

Le bilan d'une expérimentation scientifique est toujours difficile à arrêter. Un exposé de résultats, en effet, ne prend de signification qu'à partir d'un système de référence. L'apprécia- tion des instruments utilisés ainsi que la compréhension du mode d'emploi présupposent une initiation technique préalable, la possession d'un langage.

Autant que possible, nous avons essayé de décrire notre principal instrument d'investigation, le test de frustration de Saül Rosenweig. Nous craignons cependant que notre description succinte reste insuffisante et ne puisse, en aucun cas, remplacer une information directe du lecteur. Par bonheur, un certain nombre d'ouvrages facilement accessibles sont à même de ren- seigner complètement le lecteur non encore initié, notamment les manuels du test, les études de P. Pichot, le livre de F. Van Roy, que signale notre index bibliographique.

Test projectif, le Rosenzweig demande au sujet d'interpréter 24 situations figurées par des dessins bien structurés, et de for- muler une réponse qui traduira sa réaction. Chaque réponse sera cotée selon la direction de l'agression qu'elle exprime et suivant le type de réaction qu'elle traduit. La fréquence des réponses de même nature témoignera, rapportée à un étalonnage, de la prédominance de tel ou tel type de réaction à la frustration chez l'individu examiné. Il suffira, ensuite, de connaître les fré- quences moyennes propres au groupe social et à la classe d'âge adéquate, pour mesurer le degré de conformité de l'individu.

Instrument psychométrique, on le voit, le Rosenweig ne peut être utilisé que si l'on dispose d'un matériel statistique convenable. L'étalonnage des résultats d'un sujet, la comparaison des normes de divers groupes d'individus, autant d'opérations qui nécessitent le recours aux techniques mathématiques parti- culières aux sciences biologiques. C'est pourquoi nous avons tenu à rappeler quelques notions statistiques d'usage courant et à signaler les ouvrages de J. M. Faverge et de E. G. Chambers, susceptibles d'éclairer le lecteur sur la signification des indices que nous avons calculés.

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Si, malgré tout, notre jargon de psychologue reste parfois obscur, c'est bien parce que nous nous sommes heurtés à des difficultés inhérentes à la psychologie moderne. Les termes de « retentivité », « significativité », « stress », « test-retest », sont malheureusement consacrés par l'usage et il est difficile d'innover en la matière.

La frustration. Etude de psychologie différentielle, est le pre- mier volume de la série d'études que nous consacrons à l'inves- tigation d 'un thème riche mais limité. Que le lecteur accepte de nous faire part de ses critiques et d'apporter sa contribution, afin qu 'un dialogue fructueux puisse s'engager.

Nous travaillons actuellement à l'élaboration d'une étude sur l'Homme et le Groupe, intégrant la théorie de la frustration, telle que nous la concevons, à une construction théorique géné- rale : Les notions de lien interhumain, de frustration, de valeur sociale, de niveau auto-estimatif, d'idiodynamique, peuvent servir, nous semble-t-il, à reformuler la conception de l'Homme, telle que la psychologie l'étudie lorsqu'elle n'ignore pas complè- tement l'Individu.

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INTRODUCTION

LES PERSPECTIVES

Soyons objectifs et, comme disent les Anglo-Saxons, ne jetons pas l 'enfant avec l'eau du bain. Séparer le bon grain de l'ivraie exige plus qu'une attention soutenue, cela demande de la prudence. Aussi bien, ne nous hâtons pas de juger un travail, un texte, un ouvrage, prêtons notre attention aux plaidoieries et soyons prêts à acquitter le prévenu si les preuves de sa forfaiture ne sont pas suffisantes. A tout le moins, accordons-lui le bénéfice du doute. Le coupable présumé est par définition victime de prévention, notre besoin de justification portant d'abord sur nos propres œuvres.

Passant dans la rue, un automobiliste maladroit nous écla- bousse : nous le maudissons. N'a-t-il pas porté atteinte à notre intégrité, causé un dommage non seulement matériel mais moral à notre personne ? Notre pardon lui est généreusement acquis s'il fait mine d'être désolé, de se rendre compte de la gravité de sa faute, s'il s'accuse en invoquant les circonstances ou son manque d'habileté. Bien plus, nous en venons dès lors à nous accuser nous-mêmes, à minimiser le dommage ou à rejeter la responsabilité sur notre inattention propre : l 'honneur est sauf !

Nous sommes en visite et commettons un impair. Le vase préféré des maîtres de maison gît à nos pieds, brisé. Nous exprimons notre confusion, nous nous offrons à réparer le mal. Il s'agit de sauver la face. Cependant n'est-ce pas contre ce vase malencontreux que nous portons notre ire et ne maudissons-nous pas les imprudents qui l'ont placé, vulnérable, à notre portée ?

Jouvet ou Brasseur interprètent Don Juan ou Othello. La vue de la scène nous est bouchée par l'audacieuse mais imposante coiffure de la compagne d'un Grand de ce monde. Oserons-nous lui demander de se découvrir ? Prétendrons-nous ne pas être gênés ? Changerons-nous de place ? Toujours est-il que nous adopterons la solution la plus compatible avec notre sens de la dignité... ou de l 'adaptation sociale.

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Notre train vient de partir : l'ami si obligeant qui s'était offert à nous conduire à la gare, nous a immobilisé en route par la panne de son véhicule. Il nous paraîtra indispensable de le remercier malgré tout, encore que nos sentiments soient mitigés. C'est à la gravité de notre retard que nous pensons, aux moyens d'y porter remède, même si nous feignons de considérer la chose comme sans gravité, même si nous assurons notre ami que cet incident n 'a pas d'importance.

Nous sommes vendeurs, un client nous rapporte pour la troisième fois une montre qu'il nous a achetée neuve et qui s'entête à fixer le cours du temps dans la plus totale inertie. Notre dévouement ira-t-il jusqu'à proposer une quatrième révi- sion ? N'incriminerons-nous pas davantage le traitement que notre client fait subir au mécanisme ?

L'originalité n'est pas notre fort : nous adopterons toujours la solution qui nous paraîtra la plus compatible avec la place qui nous estimons occuper dans la société. Ce sentiment est-il juste ? Nous l'ignorons ! Nous ne sommes pas seulement intégré à la « sphère biologique », nous sommes aussi « UN ÊTRE QUI COM- PREND SA PLACE AU MILIEU DES HOMMES ET DES OBJETS QUI L'ENTOU- RENT ». « NOUS SENTIR COMPLÈTEMENT ÉCARTÉ OU NÉGLIGÉ, ÉQUI- VAUDRAIT POUR NOUS A UNE PERTE NE NOTRE EXISTENCE PERSON- NELLE ET SOCIALE » (1). Chacune de nos réactions va poser un problème de structure de la personnalité : une agressivité prête à frapper à la première incitation, ou au premier semblant d'incitation, témoignera de la force de notre besoin d'affirmation, de sa qualité. Le blocage de nos réactions, son aspect coutumier, renverra à l 'organisation de la défense de notre organisme, au blindage social que nous avons réussi à édifier ou que l'on nous a contraints de construire. Reconnaissons-nous nos torts lorsque des difficultés se présentent dans l'ordre de l'adapta- tion ? C'est sans doute que ces torts sont nôtres et que nous sommes assez mûrs pour les accepter, mais n'est-ce pas parfois le signe d'un abaissement de notre protection contre l'agression ? Cette « intropunition » ne montre-t-elle pas que notre orga- nisme a perdu de sa vitalité, que les phantasmes de la culpa- bilité nous hantent ?

Nos réactions nous trahissent, elles nous traduisent. L'agres- sion dont nous faisons l'objet joue le rôle d'un révélateur. Etudions la « mise en tension » d'un individu, notons la fré- quence des réponses agressives, intropunitives, impunitives ou extrapunitives (cf. terminologie de Rosenzweig in Revue de Psychologie appliquée 1-3-51), classifions les types de réactions,

* Les no tes son t groupées dans l ' I n d e x b ib lographique en fin de volume.

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et nous obtiendrons une information sur l'individu. Interprétons cette information grâce à un schéma descriptif de la person- nalité. Etablissons les normes de référence, et cette information sera validée, une signification pourra lui être affectée. La mise en situation d'individus, de groupes d'individus, différents par l'âge, le sexe, la condition sociale, le niveau d'aspiration, l'état de santé, l'ethnie, et l'observation d'un point de vue unique de leur comportement réactionnel devraient permettre de constater la conformité au groupe d'un sujet, ou même la conformité de groupes à l 'intérieur d'une société. Ce procédé vise à situer un être par rapport à ceux qui l'environnent, à formuler une estima- tion de son intégration personnelle, mettre en lumière son appar- tenance à un type morbide ou asocial, mais aussi apprécier la probabilité de son assimilation par un socio-groupe aux valeurs définies et aux conduites codifiées.

En clair, par l'emploi de techniques psychométriques, il s'agit de construire divers systèmes de référence, aussi nombreux que possibles, indispensables à la notation des réactions individuelles. Le test de frustration de Rosenzweig a été l 'un de nos instruments les plus utiles dans cette étude. Après contrôle de ses qualités métrologiques, son utilisation systématique sur des échantillons homogènes, définis assez précisément, comparables mais divers, a produit quelques résultats dont le présent travail offre le compte rendu.

L'étude expérimentale a comporté ainsi :

1° Le choix d'un procédé de mise en tension : P-F test de Rosenzweig. Un contrôle de la valeur métrologique de l 'instru- ment choisi fut effectué sur 522 protocoles (fidélité entre deux correcteurs, entre deux passations, entre deux corrections). Une épreuve de validation fut entamée (n = 126).

2° L'analyse des résultats recueillis sur des échantillons de sujets placés dans diverses conditions :

189 Lycéens (classes terminales. Préparation 2 partie du baccalauréat. Toutes options).

675 militaires de carrière (engagés longue durée Marine).

161 Jeunes officiers de Marine (Enseignes de Vaisseau de 1 classe).

702 Malades mentaux (Ethyliques, névrosés, psychosés...).

563 Civils (jeunes gens candidats aux métiers de pilotes navi- gateurs et autres, de l'Aéronautique Navale).

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3° L'emploi simultané d'autres procédés de mesure (électro- encéphalographie) et d'autres instruments (tests de Cornell, de Zulliger, batterie psychométrique complète comprenant : test de facteur « G », matrix 38, test mécanique de Benett, test de raison- nement verbal et numérique, T 6 d'après Thurstone, test de voca- bulaire, séries de synonymes, antonymes et rimes doubles).

Le docteur Saül Rosenzweig a bien voulu nous marquer l 'intérêt qu'il portait à nos travaux et nous prodiguer des encou- ragements. Nous nous référons, pour une part, à l'élaboration théorique qui est la sienne, ainsi qu'aux contre-épreuves effec- tuées par des chercheurs tels que les professeurs Delay, Pichot et Perse, tels que MM. Cardinet, Danjon, Fresons et M Leblanc. Les publications de Boisbourdin, celles de M. et M Dongier furent également riches d'enseignements. Enfin, les multiples études réalisées dans la Marine Nationale nous fournirent un cadre de recherches très précieux. Le Professeur Pierre Pichot a consenti à nous faire bénéficier de sa haute expérience, avec une rare compréhension.

Si les écueils que nous n'avons su éviter sont nombreux, que l'on veuille bien nous en tenir rigueur, mais en contribuant à les repérer. La présente série de recherches devrait n'être qu'une introduction à un travail plus valable et plus riche, tel que ceux dont la psychologie moderne s'enrichit de jour en jour, grâce au perfectionnement des techniques statistiques, de consignation mécanographique, grâce à la scrupuleuse fidélité aux principes scientifiques dont l'application vient déraciner les mythes d'une métaphysique de l'esprit. Soyons plus exigeants que modestes.