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LA LOI RELATIVE À LA CONTINUITÉ DES ENTREPRISES Tome 1er: L’enquête commerciale Jean-Philippe Lebeau

LA LOI RELATIVE À LA CONTINUITÉ DES ENTREPRISES

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LA LOI RELATIVE À LA CONTINUITÉ DES ENTREPRISESTome 1er: L’enquête commerciale

Jean-Philippe Lebeau

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PRÉSENTATION DE L’AUTEUR

Jean-Philippe Lebeau a été avocat, puis juge au tribunal de commerce de Charleroi depuis l’année 1990; il est président du tribunal de commerce de Charleroi depuis 1999 ainsi que de la Conférence des présidents de tribunaux de commerce francophones. Sa pratique en a fait un spécialiste de la faillite, de la liquidation et de la réorganisation judiciaire. Intervenant régulier des conférences et colloques consacrés aux procédures collectives, il compte une série de publications en la matière. Il figurait parmi les sept experts désignés par les ministres de la Justice pour concevoir et rédiger la loi relative à la continuité des entreprises.

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Union des juges consulaires de Belgique

VADE-MECUM DU JUGE CONSULAIRE

LA LOI RELATIVE À LA CONTINUITÉ DES ENTREPRISES

Tome 1er: L’enquête commerciale

Jean-Philippe Lebeau

Président du tribunal de commerce de Charleroi et de la Conférence des présidents de tribunaux de commerce francophones

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D/2014/0147/3ISBN 978 2 87403 309 4

Numéro de commande: 206 144 100

© la CharteRue Guimard 191040 BruxellesTél.: 02/512 29 49Fax: 02/512 26 93E-mail: [email protected]: www.lacharte-editionsjuridiques.be

éditeur responsable: Union des Juges Consulaires de BelgiqueRue du Lombard 421000 Bruxelles www.urhb-ujcb.beNuméro d’entreprise: 0408.698.612

Aucun extrait de cette édition ne peut, même partiellement, être communiqué au public, reproduit ni traduit ou adapté sous quelque forme que ce soit moyennant photocopie, microfilm, enregistrement ou tout autre moyen, ou être saisi dans une banque de données sans l’autorisation écrite et préalable de l’éditeur.

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TAbLE DES MATIèRES Renvois aux nos

TITRE 1erLe droit de L’entreprise en difficuLté – notions généraLes 1-11

Introduction 1

Chapitre IerLa notion d’entreprise 2-3

Chapitre IILa notion d’entreprise en difficulté 4-5

Chapitre IIILa notion de droit de l’entreprise en difficulté 6-7

Chapitre IVHistorique du droit de l’entreprise en difficulté 8-9

Chapitre VL’articulation des procédures dans le droit de l’entreprise en difficulté 10-11

TITRE 2L’ENqUêTE COMMERCIALE 12-47

Chapitre Ierqu’est-ce que l’enquête commerciale? 12

Chapitre IIOrganisation du service des enquêtes commerciales 13

Chapitre IIIÀ qui s’applique l’enquête commerciale? 14

Chapitre IVLes objectifs de l’enquête commerciale 15-18

Chapitre VLe déroulement de l’enquête commerciale 19-29

Section 1reConstitution du dossier par le greffe 19-22

Section 2Traitement par les chambres d’enquête des données collationnées par le greffe 23-25

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Vade-mecum du juge consulaire

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Section 3Examen du dossier par le juge-enquêteur 26-28

Section 4Décision de la chambre d’enquête suite au rapport du juge-enquêteur 29

Chapitre VIQuestions de procédure en enquête commerciale 30-39

Section 1reLa compétence territoriale 30

Section 2Une procédure spécifique 31

Section 3Une procédure confidentielle 32-35

Section 4Les incompatibilités qui naissent de l’enquête commerciale 36-38

Section 5La rémunération du juge-enquêteur 39

Chapitre VIILa désignation d’un médiateur d’entreprise dans le cadre de l’enquête commerciale 40-44

Chapitre VIIILe rôle du juge-enquêteur depuis l’entrée en vigueur de la loi « relative à la continuité des entreprises » 45-47

TITRE 3L’ACCORD AMIAbLE hORS PRJ 48-51

Renvois aux nos

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Introduction

1. Depuis les temps reculés où une activité économique structurée a eu cours, les pouvoirs en place ont nécessairement été confrontés au phénomène de l’insolvabilité. Ils y ont apporté des réponses variables selon les époques1, d’après l’image plus ou moins stigmatisante que la collectivité se faisait du débiteur en défaut d’honorer ses engage-ments.

Notre propos est de donner une représentation complète et cohérente de ce qui est, dans notre pays, l’encadrement judiciaire de l’entreprise en difficulté. Ce qui suppose d’abord que soient définies les notions d’« entreprise », d’« entreprise en difficulté » et de « droit de l’entreprise en difficulté ».

1 Pouvant aller jusqu’à la mise à mort ou en détention du failli: voy. E. Thaller et J. Percerou, « Traité général théorique et pratique de droit commercial - T. I », éd. 1907, nos 20-21, pp. 17-20.

Titre 1erLe droit de l’entreprise en difficulté – Notions générales

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2. L’entreprise telle que nous l’entendons, est une entité socio-écono-mique dont la définition suivante peut être proposée: « Un ensemble de ressources humaines et de moyens matériels ou immatériels, organisé en vue d’exercer une activité de production ou de distribution de biens, ou de fourni-ture de services. »2

3. Il est essentiel de distinguer l’entreprise, qui est la réunion d’un cer-tain nombre de moyens en vue de l’exercice d’une activité économique, de la personne juridique – physique ou morale – dont elle dépend: commerçant en personne physique, société commerciale, société agricole et société civile, ASBL, société publique, agriculteur, titulaire d’une profession indépendante, etc.

Ainsi, une entreprise ayant pour objet une activité de ferronnerie peut-elle être exploitée par une personne physique agissant sous le statut de com-merçant, ou par une société commerciale, voire, s’agissant par exemple d’un atelier protégé, par une ASBL: quel que soit son cadre juridique, il s’agira toujours, d’un point de vue économique, de la même entité.

La Cour de justice des Communautés européennes souligne clairement la différence entre les deux notions: au sens du droit communautaire, toute en-tité exerçant une activité économique est considérée comme une entreprise, et ce quel que soit son statut juridique ou son mode de financement3.

La conséquence logique en est que l’entreprise est dissociable de la personne juridique à laquelle elle se rattache. Aussi, la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises (LCE) organise-t-elle le transfert de « tout ou partie de l’entreprise ou de ses activités » à un autre opérateur économique4. La loi sur la faillite permet également au tribunal d’« homologuer le transfert d’une entreprise en activité »5.

2 Voy. dans le même sens la définition à laquelle se réfère les commentaires de la loi « relative à la continuité des entreprises », Doc., Ch., 52-0160/002, p. 54, art. 16: « L’entreprise est à distinguer de l’enveloppe juridique qui la recouvre. »3 Définition adoptée par la Cour depuis 1992; pour un rappel récent C.J.C.E., 11 juillet 2006, aff. C- 205/03). 4 Art. 59 et s., relatifs à la procédure de réorganisation judiciaire par transfert sous au-torité de justice.5 Art. 75, § 4, de la loi sur les faillites.

Chapitre IerLa notion d’entreprise

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Chapitre IILa notion d’entreprise en difficulté

4. Pour définir le concept d’entreprise en difficulté en droit belge, il faut se référer à la LCE: il résulte de la conjonction des articles 16 et 23 de cette loi qu’une entreprise peut être considérée comme étant en difficulté lorsque sa continuité est menacée à bref délai ou à terme. Si le débiteur est une personne morale, la continuité de son entreprise est en tout cas présumée menacée si les pertes ont réduit l’actif net à moins de la moitié du capital social (art. 23, al. 3).

en droit européen, il n’existe pas de définition de l’entreprise en difficulté. La Commis-sion européenne indique cependant qu’une entreprise est en difficulté, au sens des lignes directrices sur les aides au sauvetage et à la restructuration, lorsqu’elle est « incapable avec ses propres ressources financières ou avec les ressources que sont prêts à lui appor-ter ses propriétaires/actionnaires et ses créanciers, d’enrayer des pertes qui la conduisent, en l’absence d’une intervention extérieure des pouvoirs publics, vers une mort économique quasi certaine à court ou à moyen terme »6.

Soulignons que lorsqu’il est question d’une entreprise en difficulté, c’est à proprement parler la personne juridique dont dépend l’entreprise – le commerçant, l’indépendant, la société – qui risque la rupture de liquidités, et se trouve dès lors en difficulté, mais c’est bien l’entreprise qui est menacée de disparition, avec ses emplois, son organisation tech-nique et commerciale, et l’activité qu’elle génère.

5. Pour définir l’entreprise en difficulté, nous avons évoqué la notion de « continui-té ». Celle-ci est devenue à ce point majeur dans le droit de l’entreprise en difficulté, qu’elle fournit l’essentiel de l’intitulé de la loi du 31 janvier 2009 « relative à la continuité des entreprises ». Il est donc indispensable d’expliciter ce concept.

La notion de continuité est d’abord un principe de droit comptable, qui impose d’établir des règles d’évaluation et de procéder aux évaluations concrètes dans une perspective de continuité des activités de l’entreprise, c’est-à-dire en prenant pour hypothèse que l’entité présente une durée de vie indéfinie et que dès lors la valeur des éléments de son patrimoine doit être appréciée davantage en termes d’utilité économique qu’en termes de valeurs à réaliser7.

Lorsque la continuité de l’entreprise ne peut plus être assurée, parce que le commer-çant, l’indépendant ou la société renonce à poursuivre ses activités ou se voit contraint

6 Lignes directrices publiées par la Commission, J.O.C.E., C.288 du 9 octobre 1999, puis le 7 juillet 2004.7 E. Caussin, « Droit comptable des entreprises », Larcier, 2002, nos 789, 793 et 794.

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d’y mettre fin, les règles d’évaluation sont adaptées en conséquence; à ce moment, les actifs sont appréciés en situation de discontinuité, ce qui la plupart du temps impliquera une réduction de leur valeur.

Au départ principe comptable, la notion de continuité est devenue caracté-ristique en droit de l’entreprise en difficulté d’une entité dont les moyens humains et matériels poursuivent leur interaction pour générer de l’activité et donc de la richesse.

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La notion de droit de l’entreprise en difficulté

Chapitre III

6. Nous avons vu qu’une entreprise pouvait exercer son activité sous nombre de per-sonnalités juridiques différentes (voir supra, n° 3). Cependant, les législations d’encadre-ment dont nous allons traiter ne s’adressent pas à l’ensemble des personnes juridiques susceptibles d’exploiter une entreprise.

En Belgique, les seuls opérateurs économiques concernés par un statut légal spécifique en cas de difficultés de paiement, étaient jusqu’il y a peu les commerçants, terme qui en-globe à la fois les commerçants en personne physique et les sociétés commerciales. À eux s’adresse la loi sur les faillites du 8 août 1997, à eux s’adressaient les lois sur le concordat judiciaire du 10 août 1946 puis du 17 juillet 1997, aujourd’hui abrogées.

Cette situation présente un caractère artificiel. En effet, il est commun de souligner que, quoiqu’importante, l’activité des commerçants est loin de couvrir tout le champ de l’activité économique, celle-ci étant également générée par d’autres opérateurs tels que sociétés civiles, sociétés agricoles, agriculteurs, ASBL8, titulaires de professions indépen-dantes, entreprises publiques, etc.

Pourquoi régler par des statuts séparés les difficultés de paiement des uns et des autres, alors que le phénomène de l’insolvabilité présente un caractère largement commun, quelle que soit la structure juridique sous laquelle l’activité est exercée?

Deux lois ont permis de rapprocher la situation juridique de la réalité économique:

• la loi du 31 janvier 2009 « relative à la continuité des entreprises », visant à la réor-ganisation des entreprises, ne s’adresse plus seulement aux commerçants, mais également aux agriculteurs9, aux sociétés agricoles et aux sociétés civiles (avec une exception pour les sociétés ayant pour objet une activité de profession libérale);

• dans le but d’encadrer le phénomène des liquidations déficitaires, la loi du 2 juin 2006, modifiant le Code des sociétés concernant la liquidation, soumet au même contrôle toute société en liquidation, qu’elle soit commerciale, civile ou agricole.

Il n’en reste pas moins que la loi sur les faillites concerne les seuls commerçants et que la loi « continuité des entreprises » n’englobe ni les ASBL10 ni les nombreux indépendants en personne physique qui n’exercent pas une profession commerciale.

8 Un secteur économique aussi important que le secteur hospitalier est pour la plus grande partie en-tre les mains d’ASBL.9 Depuis la loi du 27 mai 2013 « modifiant diverses législations en matière de continuité des entreprises ».10 L’exposé des motifs de la loi « relative à la continuité des entreprises » explique que « quelle que soit leur importance économique, (…) l’application de la loi à ces associations aurait suscité des problèmes mul-tiples (…) », Doc., Ch., 52-0160/002, p. 46.

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Cette atomisation des solutions ne correspond à aucune nécessité particu-lière: il serait techniquement envisageable de rattacher à un tronc légal com-mun tout opérateur économique en difficulté ou en cessation de paiement, quel que soit son statut juridique, assurant ainsi au système rationalité, convergence et visibilité.

Reconnaissons toutefois que cet objectif ne serait pas aisé à atteindre, car il impliquerait la révision de nombreux textes légaux et la remise en question d’équilibres laborieusement acquis.

7. En résumé, les différents opérateurs économiques relèvent des ré-gimes légaux suivants, lorsqu’ils sont en difficulté:

• les commerçants en personne physique et les sociétés commer-ciales ressortent soit de la LCE pour leur réorganisation, soit de la loi sur les faillites, soit, s’agissant des sociétés, du Code des sociétés pour leur liquidation;

• les sociétés agricoles et civiles bénéficient de la LCE pour leur réor-ganisation11 et sont soumises au régime de la liquidation (Code des sociétés) en cas de cessation de paiement;

• les agriculteurs bénéficient également de la LCE pour leur réorgani-sation, mais, en cas d’insolvabilité définitive, dépendent du règlement collectif de dettes (loi du 5 juillet 1998), c’est à dire du même régime que les particuliers surendettés;

• les indépendants qui n’exercent pas une activité de type commercial (par ex. les artisans, les avocats, médecins, experts-comptables, archi-tectes, consultants, géomètres, infirmiers, ...) relèvent de la même loi sur le règlement collectif de dettes;

• les ASbL, AISbL et les fondations relèvent du seul régime de la liqui-dation organisé par la loi du 27 juin 192112, en particulier de son ar-ticle 18 selon lequel le tribunal de première instance peut prononcer à la requête d’un membre, d’un tiers intéressé ou du Ministère public la dissolution de l’association.

Dans le cadre du droit commercial, le vocable « droit de l’entreprise en difficulté », englobe donc:

• la loi relative à la continuité des entreprises (du 31 janvier 2009);• la loi sur les faillites (du 8 août 1997);• le droit de la liquidation (articles 182 à 195bis du Code des sociétés).

Soulignons que la plupart des défaillances d’entreprises relèvent de l’appli-cation des textes visés ci-dessus.

11 Sauf les sociétés civiles par lesquelles est exercée une activité de profession libérale.12 Modifiée par la loi du 2 mai 2002.

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8. Pendant longtemps, il n’a été question en Belgique que d’encadrer la fin de l’activité du commerçant en cessation de paiement. Cet objectif était rencontré par la loi sur les faillites du 18 avril 1851, demeurée en vigueur pendant près de 150 ans, jusqu’à son remplacement par l’actuelle loi sur les faillites du 8 août 1997.

Par ailleurs, depuis la fin du XXe siècle, l’évolution de la jurisprudence a favo-risé le développement de la liquidation déficitaire, qui est l’utilisation de la procédure de liquidation pour une société commerciale en vue d’éviter une déclaration de faillite.

Cette extension du domaine de la liquidation a entraîné certains abus, pré-judiciables aux droits des créanciers, qui ont amené une réaction, tant juris-prudentielle (durcissement des conditions) que légale (loi du 2 juin 2006, soumettant le liquidateur à des conditions d’encadrement proches du ré-gime de la faillite).

9. Même si elles n’empêchent pas le transfert d’une entreprise en acti-vité, la faillite et la liquidation déficitaire restent fondamentalement des pro-cédures de démembrement de l’entreprise.

Il restait à imaginer une procédure spécifique visant à réorganiser l’entre-prise dans une perspective de continuité.

Tel n’était pas l’objectif du concordat judiciaire institué par les lois coor-données du 10 août 1946: le bénéfice de cette procédure était reconnu aux commerçants en état de faillite et dont le comportement était exempt de faute.

Dans les années 1990, l’explosion du phénomène de l’insolvabilité13 fut telle que les autorités publiques se décidèrent à mettre en chantier une procé-dure ayant spécifiquement pour objet la sauvegarde des commerçants ou de leurs activités.

C’est ainsi que naquit la loi du 17 juillet 1997 « relative au concordat judi-ciaire » ayant pour objectif ambitieux de réduire drastiquement le nombre

13 Le nombre des faillites croît de 3542 unités en 1980 à 7136 unités en 1995.

Chapitre IVHistorique du droit de l’entreprise en difficulté

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| 16 | la loi relaTiVe À la conTinuiTÉ des enTrePrises - Tome 1er: l’enquÊTe commerciale

de faillites. Las, cette loi montrait rapidement ses limites, au point que de 180 concordats en 1998, chiffre déjà faible comparé aux 6.980 faillites cette année-là, l’on tombait à 78 concordats en 2008 pour 8.152 faillites.

L’influence sur le droit de l’entreprise en difficulté était donc restée margi-nale, même si la procédure, dans son utilisation extensive, avait permis de mener à bien la réorganisation de quelques entreprises importantes.

Rapidement conscient de cet échec, le Gouvernement remettait l’ouvrage sur le métier dès 2004, pour que soit finalement adoptée la loi « relative à la continuité des entreprises », promulguée le 31 janvier 2009 et entrée en vigueur, dans un contexte de crise économique, le 1er avril 2009.

Le succès fut cette fois au rendez-vous, en tout cas s’agissant du nombre de procédures; une loi d’ajustement du 27 mai 201314, entrée en vigueur le 1er août 2013, vint corriger certaines imperfections de la loi originaire, sans en changer les fondements.

14 Loi « modifiant diverses législations en matière de continuité des entreprises ».

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10. Le débiteur en difficulté est soumis à l’encadrement de diverses pro-cédures judiciaires, dès l’apparition des premiers symptômes jusque le cas échéant, au démembrement de son entreprise. L’on parle de « zone grise » et de « zone noire », pour caractériser l’ampleur variable de ces difficultés et leur évolution vers une situation de discontinuité.

En principe, il appartient aux services d’enquête commerciale institués dans les tribunaux de commerce de détecter en premier les difficultés pré-sentées par un débiteur. Une fois ces problèmes objectivés, les chambres d’enquête interviennent dans une optique de réorganisation de l’entreprise, de protection des droits des créanciers et de police économique (voir infra, n° 16).

Pour se réorganiser, le débiteur dispose alors de plusieurs instruments mis à disposition par la loi relative à la continuité des entreprises: désignation d’un médiateur d’entreprise, l’accord amiable hors procédure, et deux pro-cédures de réorganisation (PRJ), par accord amiable et par accord collectif.

Il dispose d’une grande latitude pour en user et tenter de maintenir la continuité de son entreprise. Si pourtant ses tentatives restaient sans ef-fet, et même si les conditions de la faillite étaient virtuellement réunies, le tribunal pourrait encore ordonner le transfert sous autorité de justice de la partie rentable de son entreprise dans le cadre de la PRJ par transfert d’entreprise.

Lorsque la cessation des paiements s’avère inéluctable et qu’il n’existe rien à sauvegarder, le débiteur relève de la loi sur les faillites qui pour l’essentiel confie à un curateur la mission de réaliser les actifs au meilleur prix et de le répartir entre créanciers dans le respect des différents droits de préférence.

Néanmoins, pour des raisons plus ou moins valables, certains dirigeants de société sont tentés d’user de la procédure de liquidation encore que les conditions de la faillite soient réunies. La liquidation est alors dite « défici-taire », parce que les opérations de liquidation, menées sous la responsabi-lité d’un « liquidateur », ne permettront pas de payer tous les créanciers. La jurisprudence admet le recours à cette procédure, dans des conditions qui ont été progressivement resserrées en même temps que l’étaient les condi-tions d’encadrement légales.

Chapitre VL’articulation des procédures dans le droit de l’entreprise en difficulté

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11. Il va de soi que tout débiteur en difficulté ne suit pas nécessairement ce parcours; ainsi, la déclaration de faillite peut-elle intervenir sans passage par une procédure intermédiaire, soit que le service d’enquêtes commer-ciales n’ait pas eu connaissance de « clignotants » impliquant le débiteur, soit que ce dernier n’ait pas jugé utile de recourir aux instruments de réor-ganisation mis à sa disposition.

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Chapitre IerQu’est-ce que l’enquête commerciale?

12. La loi « relative à la continuité des entreprises » (LCE) du 31 janvier 2009 confie aux tribunaux de commerce la mise en œuvre de plusieurs procédures ayant pour objet de favoriser la réorganisation des entreprises en difficulté.

Sous le Titre 2 de ce texte, quelques dispositions seulement – mais non les moindres – organisent aux articles 8 à 13: « La collecte des données et les enquêtes commerciales ».

Cette compétence des tribunaux de commerce, auparavant connue plus crûment sous l’appellation: « Service de dépistage15 », ne leur reconnaît rien de moins que le droit d’intervenir d’office dans la vie économique d’un arrondissement, par le biais des entre-prises en difficulté.

Il faut insister sur le caractère exceptionnel de ce pouvoir: en principe, il est interdit au juge de se saisir, par lui-même, d’un litige ou d’une situation qu’il estimerait probléma-tique16.

Or, en dérogation à cette garantie fondamentale contre l’immixtion de l’Etat dans la sphère privée, le juge de commerce est autorisé par la LCE à convoquer tout opérateur économique17 qui présente l’apparence de difficultés financières, sans que celui-ci ait fait l’objet d’une citation préalable en Justice visant à tirer les conséquences d’une insol-vabilité éventuelle18.

15 Le service de dépistage a été créé dans les années soixante par les tribunaux de commerce, en dehors de tout texte légal exprès. Il a été officialisé par la loi du 14 juillet 1998 « relative au concordat judiciaire », elle-même remplacée par la LCE.16 C’est pourquoi la procédure est dite « accusatoire » devant les juridictions civiles (ce qui inclut les tribunaux de commerce et du travail) alors qu’elle est « inquisitoire » au pénal.17 Dans les limites de l’article 3 LCE; voir infra, n° 3.18 Il existe une autre exception remarquable au principe accusatoire: l’article 8 de la loi sur les faillites autorise le président du tribunal de commerce à dessaisir d’office tout commerçant de la gestion de ses biens, lorsqu’il estime que les conditions de la faillite sont réunies.

Titre 2L’enquête commerciale

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Connaissant les difficultés des entreprises à se maintenir dans un environ-nement de nos jours très volatile, on conçoit le nombre d’opérateurs éco-nomiques amenés – ou qui pourraient l’être – à recevoir cette première convocation de la chambre d’enquête ressentie comme traumatisante par beaucoup.

Et ce nombre explique aussi pourquoi, à travers le Service d’enquête, la juri-diction commerciale est en mesure de réguler de façon non négligeable la vie économique d’un arrondissement.

Le juge des enquêtes ne devra pas oublier ce contexte, s’il veut observer une nécessaire modération dans chacune de ses interventions, mais aussi conserver la pleine conscience du rôle qui est le sien.

L’importance et la spécificité de l’intervention du tribunal de commerce dans sa compétence d’enquête commerciale, justifie que nous consacrions un exa-men approfondi à cet aspect de la LCE, tout autant que les fonctions de pre-mier plan exercées dans ce domaine par les juges consulaires, sans lesquels il n’y aurait pas de service d’enquête.

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Chapitre IIOrganisation du service des enquêtes commerciales

13. Le service des enquêtes commerciales comprend trois types de fonctions:

• au sein du greffe, le personnel administratif collecte dans chaque dossier les don-nées qui parviennent au tribunal concernant les débiteurs en difficulté (art. 8 LCE19);

• au sein de la « chambre d’enquête », trois juges – un juge de carrière et deux juges consulaires –, siégeant avec un greffier, statuent à huit clos sur la suite à réserver aux dossiers qui leur sont soumis (art. 84, al. 3, du Code judiciaire20);

• généralement la chambre d’enquête désigne un juge-enquêteur, le plus souvent un juge consulaire, à qui il appartient de convoquer le débiteur, d’éclairer sa situa-tion financière et ensuite de rédiger, à l’attention de la chambre d’enquête, un rap-port écrit concernant les opérations accomplies et ses conclusions.

19 « Les renseignements et données utiles concernant les débiteurs qui sont en difficultés financières telles que la continuité de leur entreprise peut être mise en péril, y compris ceux qui sont obtenus en appli-cation des dispositions du présent titre, sont tenus à jour au greffe du tribunal de l’arrondissement dans lequel le débiteur a son établissement principal ou son siège social. »20 « Le tribunal de commerce comprend une ou plusieurs chambres. Chacune d’elle est présidée par un juge au tribunal de commerce et se compose en outre de deux juges consulaires. Chaque tribunal de com-merce institue une ou plusieurs chambres d’enquête commerciale. »

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À qui s’applique l’enquête commerciale?

Chapitre III

14. On l’a dit plus haut: la loi tend à favoriser la continuité des entreprises; or, une entreprise peut être exploitée par des opérateurs économiques très différents: commer-çants en personne physique, sociétés commerciales, sociétés agricoles et sociétés civiles, ASBL, sociétés publiques, agriculteurs, titulaires d’une profession indépendante, etc. (voir supra, nos 2 et 3).

La LCE ne s’applique pas à toutes ces entreprises; aux termes de son article 3, ressortent du champ d’application de la loi et seront donc seuls susceptibles d’être convoqués en enquête commerciale:

• les commerçants en personne physique;• les sociétés commerciales;• les agriculteurs en personne physique21 et les sociétés agricoles;• les sociétés civiles à forme commerciale à l’exception de celles par le biais des-

quelles est exercée une profession libérale.

Il suit de cet énoncé que ne relèvent pas du service des enquêtes commerciales, notam-ment les sociétés civiles d’avocats, de notaires, de professionnels du chiffre, d’huissiers, d’architectes, de médecins, et a fortiori tous les indépendants exerçant une profession libérale22, non plus que les ASBL23 et les fondations.

21 Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 27 mai 2013 « modifiant diverses législations en matière de continuité des entreprises ». 22 Qu’en est-il des indépendants en personne physique n’exerçant ni une activité commerciale ni une profession libérale: un ingénieur consultant par exemple, un géomètre, une infirmière? En principe, ils ne relèvent pas de la LCE mais les motifs de l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 28 février 2013, qui a jugé discriminatoire l’exclusion de l’agriculteur, pourraient bien un jour leur être appliqués.23 Il arrive que le service des enquêtes commerciales mette à jour de fausses ASBL, exerçant en réalité une activité lucrative; dans ce cas, la seule solution est de transmettre le dossier au parquet qui citera en dis-solution devant le tribunal de première instance.

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Les objectifs de l’enquête commerciale

Chapitre IV

15. Il appartient d’abord au service des enquêtes commerciales de mettre à jour les difficultés des débiteurs, par la collecte de « clignotants » relatifs à une entreprise, c’est-à-dire toute manifestation des éventuelles difficultés connues par celle-ci (que ces cli-gnotants soient énumérés ou non par la loi, voir infra, nos 20 et 21).

16. Lorsque les difficultés d’un débiteur ont été objectivées par l’apparition d’un ou plusieurs clignotants et que son dossier a été soumis à la chambre d’enquête, la loi confie à celle-ci trois objectifs:

• la chambre d’enquête a pour but premier de favoriser la continuité des en-treprises ou de leurs activités: l’enquête commerciale met au clair la situation financière du débiteur en difficulté et l’incite à faire usage des instruments légaux mis à disposition par la LCE pour réorganiser son entreprise (article 12, § 1er24);

• la chambre d’enquête doit également prendre en compte la protection des droits des créanciers: l’article 12, LCE le souligne expressément en son alinéa premier: « Les chambres d’enquête commerciale (...), suivent la situation des débi-teurs en difficulté en vue de favoriser la continuité de leur entreprise ou de leurs activités et d’assurer la protection des droits des créanciers. »

Une entreprise ne doit pas être préservée à tout prix en faisant l’impasse sur les droits des créanciers. Il y a là une recherche constante d’équilibre que le juge ne peut perdre de vue;

• mission de police économique: le rôle de la chambre d’enquête est aussi d’éli-miner du circuit économique les débiteurs qui s’y maintiennent par des méthodes anticoncurrentielles ou tentent de parasiter celui-ci.

Cette mission découle incontestablement de l’article 12, § 5, LCE qui autorise la chambre d’enquête commerciale à transmettre au parquet le dossier du débiteur, s’il ressort de l’examen de sa situation que celui-ci est en état de faillite ou qu’il réunit les conditions d’application d’une mise en liquidation judiciaire.

De même, il appartient aux chambres d’enquête, en présence d’éléments parais-sant justifier l’application de l’article 8 de la loi sur les faillites, de transmettre le dossier au président du tribunal qui, le cas échéant, prononcera le dessaisissement du commerçant.

24 « Les chambres d’enquête commerciale, visées à l’article 84, alinéa 3, du Code judiciaire, suivent la situation des débiteurs en difficulté en vue de favoriser la continuité de leur entreprise ou de leurs activités (...). »

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Et enfin, il y a lieu de mettre en exergue l’article 29 du code d’instruc-tion criminel qui impose à toute autorité constituée de dénoncer au parquet les délits dont il prendrait connaissance dans l’exercice de ses fonctions.Dès lors, le service d’enquête commercial ne sortira certainement pas de son rôle en identifiant certains comportements déviants qui régulièrement touchent le secteur économique et, dans le cadre de ses compétences, en agissant de manière proactive pour les prévenir, y mettre fin ou les dénoncer, tels que:

- délocalisation de sociétés fantômes en provenance d’autres arron-dissements;

- création de succursales de sociétés « Limited » de droit anglais, dé-pourvues de capital;

- création de sociétés en commandite simple dont les commandités et commanditaires sont des ‘Limited’, avec pour objectif d’éviter toute responsabilité dans le chef des dirigeants personnes phy-siques;

- défaut de la compétence de gestion nécessaire à l’exercice d’une activité commerciale25;

- nids de sociétés favorisant l’existence de sièges sociaux fictifs;- revente de sociétés « coquille vide »;- utilisation de la forme de l’ASBL pour l’exercice d’une activité com-

merciale;- domiciliation sauvage de sociétés chez des tiers;- etc.

17. Comme nous le voyons, les tâches du service d’enquête sont di-verses; mais nous devons insister sur ce qui ne ressort absolument pas du rôle de la chambre d’enquête: celle-ci n’est pas un instrument de gui-dance économique, le juge de l’enquête n’est pas une espèce de coach pour débiteurs en difficulté, il ne peut endosser le rôle de caution judiciaire de réorganisations menées sans cadre et de manière erratique.

Ainsi que l’exprimaient à juste titre les travaux préparatoires de la loi « rela-tive au concordat judiciaire »26, les juges de l’enquête commerciale doivent toujours et dans chaque cas s’abstenir d’imposer eux-mêmes des mesures d’adaptation ou de prendre des décisions d’économie d’entreprise à la place de l’entrepreneur.

Le but ne peut être de confier au tribunal le soin d’assurer un suivi propre d’entreprises en difficulté. Le rôle du juge consiste plutôt à créer par son intervention le climat indispensable en vue de promouvoir l’assainissement nécessaire et de juger la faisabilité des éventuelles propositions soumises par le débiteur.

25 Loi-programme du 10/02/1998 « pour la promotion de l’entreprise indépendante », articles 3 à 5.26 Doc., Ch., 1406/1, p. 75.

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18. Pour toutes ces raisons, l’enquête n’est pas destinée à perdurer de re-mise en remise au gré d’une interprétation large de son rôle par la chambre d’enquête ou le juge-enquêteur.

L’article 12, § 4, LCE27 s’y oppose absolument, puisqu’il assigne au juge-en-quêteur un délai de quatre mois pour déposer son rapport, renouvelable une seule fois sur décision de la chambre d’enquête28.

A la fin de cette période maximum de 2 x 4 mois, l’enquête doit être termi-née et avoir débouché sur une perspective de réorganisation de l’entreprise, à moins que ce ne soit sur une proposition de transmis au parquet pour cita-tion en faillite ou en liquidation judiciaire du débiteur.

Il va de soi que, classé provisoirement par la chambre d’enquête sur rapport du juge-enquêteur, le dossier pourra ensuite être rouvert et confié au même juge-enquêteur si de nouveaux clignotants se font jour; mais ce ne pourrait être que par le biais de la chambre d’enquête, sur décision expresse de celle-ci.

27 Modifié par la loi du 27 mai 2013.28 « § 4. Le juge termine l’examen dans un délai de quatre mois. Lorsque le juge a terminé cet examen, il rédige dans le délai précité un rapport concernant les opérations accomplies, et y joint ses conclusions. (…) La chambre d’enquête commerciale peut décider de prolonger l’examen pour une durée qui ne peut excéder quatre mois. »

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Chapitre VLe déroulement de l’enquête commerciale

SECTION 1reCONSTITUTION DU DOSSIER PAR LE GREFFE

19. Lorsqu’un clignotant s’allume dans le chef d’un débiteur dont l’établissement prin-cipal (cas d’une personne physique) ou le siège (si c’est une société) est situé au sein de l’arrondissement, le greffe du tribunal de commerce concerné ouvre un dossier ou, si c’est déjà le cas, classe le document au dossier avec les clignotants dont la loi prévoit la communication et les autres qui émaneraient de tiers ou du parquet.

20. Les clignotants suivants doivent obligatoirement être communiqués à la chambre d’enquête:

• le tableau des protêts mensuels;• les jugements de condamnation par défaut et les jugements contradictoires pro-

noncés contre les commerçants qui n’ont pas contesté le principal réclamé29;• les retards de paiement des cotisations ONSS, de tVa et de précompte profes-

sionnel, dès qu’un trimestre n’a pas été payé;• les jugements qui déclarent résolu un bail commercial à charge du locataire, qui

refusent un renouvellement sollicité par celui-ci ou qui mettent fin à la gestion d’un fonds de commerce;

• l’information écrite donnée par le professionnel de la comptabilité, conseil du débiteur, au président du tribunal, en conformité à l’article 10, al. 5, LCE, selon lequel le débiteur ne prend pas les mesures nécessaires pour assurer la continuité de l’entreprise pendant une période minimale de douze mois, malgré la communi-cation circonstanciée qui lui en a été faite.

21. La collecte des données ne s’arrête pas là; en effet, les sources énoncées par la loi « sont évidemment incomplètes et d’autres clignotants doivent compléter l’image de l’entreprise »30. Ces clignotants complémentaires peuvent être de toute nature et de toute provenance, dès lors qu’ils sont susceptibles d’éclairer les difficultés du débiteur; ils se-ront bien sûr à évaluer suivant la taille et le type de l’entreprise.

29 Les jugements prononcés contre les agriculteurs, les sociétés agricoles et les sociétés civiles ne doi-vent pas être systématiquement collationnés. Il va de soi cependant que s’il en dispose, le greffe les joint au dossier.30 Doc., Ch., session 2007, n° 52-0160/001, p. 11.

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Ainsi, la chambre d’enquête pourrait prendre notamment en compte, joints ou non à d’autres, les indices complémentaires suivants:

• les avis de saisie;• toute indication négative résultant des comptes annuels;• un retard dans le dépôt des bilans auprès de la Banque nationale; • la prorogation de l’exercice social;• la non-tenue de l’assemblée générale annuelle; • les conclusions réservées du rapport du commissaire ou du réviseur

ou encore le rapport du commissaire-réviseur sur pied de l’article 138 du Code des sociétés;

• les plaintes circonstanciées émanant de tiers identifiés (salariés, syn-dicats, créanciers, …);

• les informations en provenance du Parquet, voire même des articles de presse;

• etc.

22. Il appartient également au greffe de nourrir le dossier de chambre d’enquête avec différents documents, tels que les derniers bilans déposés auprès de la Banque nationale et le rapport de la banque de données écono-miques Graydon, de même que de répertorier dans un ordre chronologique les pièces du dossier.

Relevons qu’en vertu de l’article 8, § 2, in fine, LCE, le débiteur a le droit par requête adressée au tribunal, d’obtenir la rectification des données recueil-lies à son sujet dans le dossier d’enquête. Cette faculté est peu utilisée.

SECTION 2TRAITEMENT PAR LES ChAMBRES D’ENQUÊTE DES DONNéES COLLATIONNéES PAR LE GREFFE

23. En général, les tribunaux décident que le dossier d’un débiteur en difficulté ne sera transmis à la chambre d’enquête que lorsqu’il dépasse un certain plafond de dettes, par exemple lorsque les clignotants globalisés at-teignent au moins 5.000 ou 10.000 euros; il faut en effet éviter de submerger la chambre d’enquête avec des dossiers où les indices sont minimes.

Lorsque le plafond établi par le tribunal est atteint, le greffe soumet le dossier à la chambre d’enquête dans les plus brefs délais. Celle-ci procède d’office à l’examen de la situation du débiteur concerné, sans le convoquer. En effet, à ce stade, la procédure ne revêt pas de caractère contradictoire de sorte que si l’enquête devait en rester là, le débiteur resterait dans l’ignorance de l’examen qui a eu lieu de sa situation.

Pour forger son opinion, la chambre d’enquête examine les clignotants qui figurent au dossier et les interprète en fonction d’éléments tels que la taille de l’entreprise, la réunion de plusieurs clignotants, la gravité particulière de certains d’entre eux, etc.

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24. Après examen des données collectées, la chambre d’enquête prend l’une des décisions suivantes:

• elle classe le dossier, lorsque les données ne lui paraissent pas suffi-santes pour justifier l’ouverture d’une enquête ou la recherche d’élé-ments complémentaires; par la suite, le dossier lui sera à nouveau sou-mis si d’autres clignotants apparaissent;

• la chambre d’enquête peut également décider de conserver le dossier et de le reporter à une audience ultérieure pour vérifier l’évolution de la situation; si pendant la période d’attente un clignotant « s’al-lume », le dossier est réexaminé;

• elle peut décider de s’informer auprès de diverses administra-tions: ONSS, Contributions, TVA;

• sans plus attendre, elle peut transmettre le dossier au parquet pour citation en faillite ou en liquidation; ce type de décision ne concerne que des cas à premier examen évidents; la motivation doit en être suffisante pour permettre au ministère public d’apprécier les raisons d’un transmis aussi rapide;

• s’il existe des indices graves, précis et concordants que les conditions de la faillite sont réunies, la chambre d’enquête adresse le dossier du débiteur au président du tribunal de commerce pour application éventuelle de l’article 8 de la loi sur les faillites, lequel permet, par une ordonnance unilatérale, de dessaisir le commerçant de la gestion de tout ou partie de ses biens. Ce type de décision ne vaut que pour les commerçants, à qui seuls s’applique la loi sur les faillites;

• si la chambre d’enquête estime que le dossier nécessite un examen plus approfondi, elle désigne un juge, en règle un juge consulaire, comme juge-enquêteur; la majorité des dossiers suivra ce chemine-ment car il est normal de laisser au débiteur la faculté de s’expliquer sur sa situation.

25. Quelle que soit la décision, la chambre d’enquête motive sommaire-ment sa décision (par ex.: « envoi au procureur du Roi en raison de la mul-tiplication des jugements par défaut au cours des derniers mois ») et ne se limitera pas à la seule mention de la décision finale (par ex.: « à classer »).

Dans les dix premiers jours de chaque mois, le greffe adresse au parquet la liste des dossiers pour lesquels la chambre d’enquête a décidé d’entamer un examen de la situation du débiteur (art. 12, § 2, al. 2, LCE).

SECTION 3EXAMEN DU DoSSIER PAR LE JUgE-ENqUÊTEUR

26. Cette phase initie le caractère contradictoire de la procédure. Elle va durer quatre mois, délai imparti au juge-enquêteur pour remettre son rap-port à la chambre d’enquête. Le greffe convoque le débiteur par pli judiciaire. Il comparaît en personne devant le juge-enquêteur, éventuellement assisté de son avocat et de son

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comptable. Même si ponctuellement, la remise peut être octroyée en cas d’indisponibilité justifiée, il ne se concevrait pas que le juge-enquêteur n’ait comme interlocuteur, au long de l’enquête, que l’avocat ou le comptable du débiteur.

Le juge reçoit le débiteur personne physique ou les organes habilités de la société, dans ce qui se présente comme une discussion, en dehors de tout formalisme, dans un espace de réunion.

Plusieurs auditions peuvent s’avérer nécessaires mais répétons que l’en-quête doit nécessairement être limitée à 4 mois, renouvelable éventuelle-ment une fois (voir supra, n° 7).

27. Outre l’audition du débiteur et les demandes de renseignements qu’il lui adresse, le juge-enquêteur dispose de plusieurs moyens d’investigation (art. 12, § 1er):

• audition de tiers et production de tous documents utiles: le juge-enquêteur peut décider d’entendre toute personne dont il estime l’audition nécessaire et ordonner la production de documents. Ces dé-marches ne doivent être accomplies que si elles sont indispensables, ce afin d’éviter les initiatives intempestives susceptibles de préjudicier l’entreprise; si le magistrat s’interroge sur l’opportunité d’une telle mesure, il fait rapport à la chambre d’enquête;

• information requise du comptable du débiteur: le juge peut éga-lement recueillir toute information concernant les recommandations que le comptable, l’expert-comptable ou le réviseur d’entreprise aurait faites à son client après avoir constaté dans l’exercice de sa mission des faits graves et concordants susceptibles de compromettre la conti-nuité de son entreprise31, et le cas échéant les mesures qui auraient été prises par le débiteur, suite à ces recommandations, afin d’assurer la continuité de l’entreprise;

• descente chez le débiteur: si le débiteur omet de comparaître, le juge peut se rendre d’office sur les lieux de l’établissement principal ou du siège social du débiteur. La descente se fait sans greffier; le juge-en-quêteur dresse lui-même procès verbal.

Cette mesure peut être très utile pour vérifier la consistance de l’acti-vité du débiteur. Les frais de déplacement sont payés en application de la circulaire 066/3 (voir infra, n° 39).

28. Lorsqu’il a terminé son enquête ou atteint le terme de 4 mois, le ma-gistrat dresse un rapport manuscrit résumant les diligences accomplies et formulant ses conclusions. Ce rapport est joint au dossier de l’enquête, dont il constituera une pièce essentielle. Sa motivation doit être suffisam-ment claire et détaillée pour permettre à la chambre d’enquête de forger son opinion et au débiteur de connaître les éléments sur lesquels celle-ci s’est fondée pour prendre sa décision.

31 Le professionnel de la comptabilité agit alors en application de l’article 10, al. 5, LCE.

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S’il estime devoir disposer d’un délai complémentaire d’un maximum de 4 mois (art. 12, al. 4, in fine), le juge-enquêteur en formule la demande à la chambre d’enquête et explique les raisons qui la justifient.

SECTION 4DéCISION DE LA ChAMBRE D’ENQUÊTE SUITE AU RAPPORT DU JUgE-ENqUÊTEUR

29. Au terme de la période de quatre mois, la chambre d’enquête reçoit le rapport écrit du juge-enquêteur et délibère sur les suites à réserver au dos-sier; la partie contradictoire de la procédure s’est achevée avec le dépôt du rapport et le débiteur n’est pas entendu.

La chambre d’enquête est susceptible de prendre diverses orientations:

• si le débiteur a déclaré au juge-enquêteur avoir l’intention de sollici-ter une procédure en réorganisation judiciaire (PRJ), de faire aveu de faillite ou, s’il s’agit d’une société, de se mettre en liquidation, mention en est faite à la feuille d’audience. Le dossier est rouvert à l’expiration du délai convenu, pour vérification;

• si le débiteur sollicite la désignation d’un médiateur d’entreprise (voir infra, n° 40), la chambre d’enquête prononce une ordonnance désignant la personne adéquate avec la mission demandée par le débi-teur;

• si la chambre d’enquête estime que les conditions de la faillite ou de la liquidation judiciaire sont réunies, elle peut (c’est une faculté) trans-mettre le dossier au procureur du Roi avec son avis motivé;

• si le débiteur est un commerçant et que l’enquête a mis en évidence l’existence d’indices graves, précis et concordants que les conditions de la faillite sont réunies, la chambre d’enquête peut adresser le dos-sier au président du tribunal en vue d’une application éventuelle de l’article 8 de la loi sur les faillites (supra, n° 24);

• la chambre d’enquête peut décider de classer le dossier; celui-ci sera rouvert si de nouveaux clignotants apparaissent et, en règle, sera confié sur décision de la chambre d’enquête au juge-enquêteur précé-demment désigné;

• elle peut enfin reporter l’affaire afin de vérifier l’évolution de la situa-tion, ou renouveler la désignation du juge-enquêteur pour une nou-velle période de 4 mois au maximum.

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Questions de procédure en enquête commerciale

Chapitre VI

SECTION 1reLA COMPéTENCE TERRITORIALE

30. La compétence territoriale du service d’enquête commerciale est, au terme de l’article 8 LCE, déterminée par le lieu de l’établissement principal, s’il s’agit d’une per-sonne physique, ou du siège social pour une société.

L’établissement principal est le centre des intérêts principaux de la personne physique (art. 2, i, LCE), c’est-à-dire le lieu où celle-ci gère effectivement son entreprise; une en-quête commerciale pourrait ainsi être diligentée à charge d’une personne physique dans un autre arrondissement que celui de son domicile.

Quant au siège de la société, c’est celui mentionné dans les statuts, à moins que son carac-tère fictif ne soit établi avec certitude; dans ce cas, l’enquête commerciale pourrait être poursuivie dans l’arrondissement du siège réel de la société.

SECTION 2UNE PROCéDURE SPéCIFIQUE

31. L’article 610 du Code judiciaire stipule que la Cour de cassation connaît des de-mandes d’annulation des actes des chambres d’enquête commerciale qui sont entachés d’excès de pouvoir (1), violent la loi (2) ou sont accomplis de manière irrégulière (3).

Il s’agit du seul recours qui puisse être introduit contre une décision prise dans le cadre de l’enquête commerciale. Il en ressort sans équivoque que l’enquête commerciale n’est pas une procédure judiciaire, ainsi que le confirment les travaux préparatoires de la LCE: « Les décisions prises par les chambres d’enquête commerciale ne sont pas des juge-ments proprement dits mais constituent néanmoins des actes attaquables et qui peuvent faire grief (…). »32

Dès lors, les actes posés par le tribunal dans le cadre de l’enquête commerciale ne sont susceptibles ni d’opposition ni d’appel, mais uniquement d’un recours devant la Cour de cassation, sur le fondement de l’un des trois motifs énumérés ci-dessus.

32 Doc., Ch., 2007-2008, n° 0160/002, p. 50.

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SECTION 3UNE PROCéDURE CONFIDENTIELLE

32. Tout ce qui concerne l’enquête commerciale à charge d’un débiteur en difficulté est couvert par un principe de confidentialité absolue. Il en va de la protection des intérêts des débiteurs en difficulté, auxquels la diffusion de certains éléments du dossier pourraient être préjudiciables, et dès lors de la confiance que ceux-ci accorderont à l’Institution judiciaire.

33. La loi ne traite pas expressément de ce principe de confidentialité mais cette caractéristique fondamentale de l’enquête commerciale découle a contrario:

• s’agissant de la collecte des données, de l’article 8, al. 2 et 3, LCE, selon lequel « le procureur du Roi, et le débiteur concerné peuvent à tout moment prendre connaissance des données ainsi recueillies », ce qui implique que tout autre ne le pourrait pas;

• pour l’enquête commerciale, de l’article 12, § 1er et § 2, LCE selon lequel l’enquête a lieu à huit clos tandis que le droit d’obtenir com-munication des données recueillies pendant l’enquête, ou du rapport d’enquête, n’appartient qu’au procureur du Roi et au débiteur.

34. La confidentialité des données et de l’enquête est opposable à tout tiers33. Le dossier peut donc seulement être consulté:

• par le commerçant en personne physique ou l’agriculteur;• par le gérant ou l’administrateur-délégué de la société débitrice, muni

de sa carte d’identité, des statuts et de la convocation émanant du ser-vice d’enquête;

• par l’avocat du débiteur sans formalité particulière;• par un mandataire du débiteur (expert-comptable, etc.) pour autant

qu’il soit porteur d’une procuration du débiteur et de sa convocation.

35. Au sein de chaque tribunal de commerce, la confidentialité impose également des règles strictes. Ainsi, comme pour tout autre dossier ouvert au sein d’une juridiction, la libre consultation des dossiers de chambre d’en-quête n’appartient qu’au président du tribunal et le cas échéant au magistrat désigné par lui pour coordonner le service d’enquête commerciale.

Les autres magistrats consultent les dossiers dont ils ont la charge en tant que membre d’une chambre d’enquête ou en qualité de juge-enquêteur, et hormis ces hypothèses, prennent connaissance d’un dossier uniquement sur accord ou demande préalable du président du tribunal ou du magistrat coor-dinateur.

33 Notons cependant que sur base de l’article 12, § 3, LCE, un arrêté royal pourrait régler l’échange « des données recueillies par le service d’enquête commerciale avec les organismes publics ou privés désignés ou agréés par l’autorité compétente pour assister les entreprises en difficulté ». Cette faculté existait déjà dans la loi sur le concordat judiciaire mais jusqu’à présent, il n’en a pas encore été fait usage.

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Le principe de confidentialité doit être entendu au sens le plus large. Ainsi, en dehors des besoins du service, les magistrats du tribunal doivent s’abste-nir de divulguer ou de commenter l’existence d’un dossier d’enquête ouvert à charge d’un débiteur.

De la même manière, les convocations seront – dans la mesure du possible – adressées à heure fixe pour que les débiteurs en difficulté se côtoient aussi peu que possible dans les locaux du service d’enquête.

SECTION 4LES INCOMPATIBILITéS QUI NAISSENT DE L’ENQUÊTE COMMERCIALE

36. Selon le prescrit de l’article 12, § 6, LCE, le magistrat qui a siégé en chambre d’enquête ou qui a exercé la mission de juge-enquêteur dans le cadre du dossier du débiteur, ne pourra:

• faire partie du siège qui connaît d’une demande en faillite ou en liqui-dation judiciaire subséquente, à charge de ce débiteur;

• faire partie du siège qui connaîtra de la demande en PRJ introduite par ce dernier.

37. Par contre, rien ne s’oppose à ce que le juge-enquêteur soit désigné par le tribunal en tant que juge délégué dans une PRJ subséquente.

L’article 18 LCE précise en effet que le juge délégué est désigné « pour faire rapport à la chambre du tribunal saisie de l’affaire (…) ».

C’est bien dire qu’il est extérieur au siège. En réalité, sa fonction est proche de celle du juge-commissaire lorsque celui-ci fait rapport au tribunal dans certaines procédures découlant de la faillite.

Il est d’ailleurs souhaitable que s’établisse une continuité entre les fonc-tions de juge-enquêteur et de juge délégué, tenant compte de la connaissance particulière de la situation du débiteur acquise par le magistrat concerné.

Cette position de principe ne doit cependant pas être appliquée sans discer-nement.

Il peut arriver que la désignation du juge-enquêteur comme juge délégué ne soit pas opportune, pour des raisons qui, par exemple, tiennent aux tensions que l’enquête commerciale peut générer.

Dans ces circonstances particulières, le tribunal sera attentif à l’impression de partialité subjective que peut ressentir le débiteur. Il revient alors au juge pressenti de décliner sa désignation comme juge délégué.

38. Légalement, rien ne s’oppose non plus à la désignation comme juge-commissaire, dans une faillite subséquente, du juge-enquêteur qui a connu du dossier du débiteur.

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Toutefois, plus encore que dans le cas du juge délégué, il y aura lieu de faire preuve de prudence dans la désignation afin d’éviter des situations de conflit ou d’apparence de partialité; ce sera particulièrement le cas lorsque la fail-lite aura été prononcée sur rapport du juge-enquêteur préconisant l’envoi du dossier au parquet pour citation en faillite.

SECTION 5LA RÉMUNÉRATIoN DU JUgE-ENqUÊTEUR

39. L’allocation de jetons de présence au juge consulaire est organisée par la circulaire n° 066/334. Celle-ci prévoit que l’enquête commerciale donne lieu à un jeton de présence, pour autant que les prestations accomplies aient une durée minimale de trois heures.

Le but de cette précision – ajoute la circulaire – est d’éviter que l’on doive attribuer des jetons de présence pour des audiences extrêmement courtes et qui se cumulent dans le courant de la même matinée ou du même après-midi.

La demande d’allocation de jetons de présence doit donc s’entendre de ma-nière raisonnable: le juge-enquêteur qui a convoqué plusieurs débiteurs sur sa matinée, dont la plupart ne se présentent pas, peut bien entendu réclamer un jeton de présence; par contre, cela ne siérait pas si un seul rendez-vous avait été programmé pour une demi-heure.

Notons également que lorsqu’il siège en chambre d’enquête (3 magistrats, un greffier), le juge consulaire a droit à l’allocation d’un jeton de présence, en application de cette partie de la circulaire selon laquelle: « Le jeton de présence est alloué par jour d’audience ou par audience d’une durée mini-male de trois heures. »

Enfin, toujours suivant la même circulaire, les déplacements du juge consu-laire, dans le cadre de ses fonctions, peuvent donner lieu à un rembourse-ment des frais de parcours, uniquement lorsque ces frais ont été exposés du lieu où siège la juridiction jusqu’à l’endroit où le juge s’est déplacé, et seule-ment au sein du ressort de la Cour d’appel.

Dès lors, le juge-enquêteur peut être défrayé lorsque, en application de l’ar-ticle 12, § 1er, dernier alinéa, LCE, il descend d’office sur les lieux de l’éta-blissement principal ou du siège social du débiteur, si celui-ci omet de com-paraître.

34 Circulaire n° 066/3 « concernant les jetons de présence alloués aux juges consulaires en application de l’article 356 du Code judiciaire »; celle-ci règle toutes les hypothèses où une rémunération est allouée au juge consulaire agissant dans ses diverses fonctions, de même que l’allocation de frais de déplacement.

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La désignation d’un médiateur d’entreprise dans le cadre de l’enquête commerciale

Chapitre VII

40. Le médiateur d’entreprise est un expert indépendant qui peut être chargé d’ana-lyser les difficultés du débiteur, de suggérer des solutions ou de négocier avec des tiers intéressés35.

Il se rapproche partiellement du processus de médiation comme mode alternatif de rè-glement des conflits en ce sens qu’il tend à la recherche d’une solution non judiciaire à une situation économique préoccupante36.

41. La possibilité pour un débiteur en difficulté de se voir désigner un « médiateur d’entreprise », est prévue au chapitre 3 (art. 13) du Titre II de la LCE, les chapitres 1er et 2 étant consacrés à la « collecte des données » et aux « chambres d’enquête commer-ciale ».

C’est dire que, dans l’esprit du législateur, cette institution est envisagée comme un pro-longement naturel de l’enquête commerciale.

La désignation d’un médiateur d’entreprise est le fait, soit de la chambre d’enquête, soit du président du tribunal en dehors d’une procédure d’enquête. Mais c’est certainement le juge-enquêteur qui est le mieux placé pour attirer l’attention du débiteur sur les avan-tages de cet instrument souple de réorganisation. Il est ainsi légitime et souhaitable qu’il ait toujours en perspective d’inciter le débiteur à y recourir, en particulier pour les TPE et PME.

42. Le médiateur d’entreprises ne présente en effet que des avantages pour les TPE et les PME, souvent en manque de recul et de conseils sur leur fonctionnement:

• le recours à cette procédure n’a tout d’abord rien de coercitif: seul le débiteur est recevable à demander la désignation d’un médiateur d’entreprise. Celle-ci ne peut donc jamais lui être imposée;

• il appartient au seul débiteur de définir les règles du jeu. Cela vaut pour le conte-nu de la mission qui sera confiée au médiateur mais également pour les frais et honoraires qui seront facturés;

35 I. Verougstraete, « Manuel de la continuité des entreprises et de la faillite », Kluwer, 2010, p. 90, n° 2.3.2.1.36 Mais les articles 1724 à 1737 du Code judiciaire relatif à la médiation ne sont pas applicables à la médiation d’entreprise; voir I. Verougstraete, même référence, p. 91, n° 2.3.2.4.

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• les missions confiées au médiateur peuvent être des plus variées; comme l’indique l’exposé des motifs37, le médiateur est un intermé-diaire qui peut « à la fois amener les dirigeants à réfléchir aux pro-blèmes posés par une situation de crise et à trouver le bon moyen pour contacter ceux qui ont le destin de l’entreprise en mains ». on peut retenir l’image d’un coach, qui s’imprègne du fonctionnement d’une entreprise et peut alors jouer pleinement son rôle de conseil à la ges-tion.

Le médiateur peut par exemple se voir confier les missions sui-vantes: favoriser une reprise de contact avec les créanciers, négocier des accords amiables avec eux, négocier en interne avec les salariés ou leurs représentants, favoriser l’arrivée de nouveaux investisseurs ou de repreneurs, revoir l’organisation technique ou administrative de l’entreprise, etc.;

• la confidentialité est garantie au débiteur, qui pourrait seul décider d’en délier le médiateur; celui-ci ne sera pas autorisé à transmettre des renseignements au tribunal ou à des tiers s’il n’a pas l’accord ex-près du débiteur;

• la désignation d’un médiateur n’a aucune incidence sur le leadership de l’entreprise: le débiteur reste seul aux commandes. Il n’appartient pas au médiateur de s’immiscer d’une quelconque façon dans la direc-tion de l’entreprise; il pourrait d’ailleurs engager sa responsabilité s’il le faisait;

• si pour une raison ou pour une autre, le débiteur n’était pas satisfait des modalités de la désignation ou de la manière dont le médiateur y réserve suite, il peut mettre fin sans préavis et de son seul chef à la mission.

43. Après que le débiteur aura introduit sa demande de désignation d’un médiateur d’entreprise et acquitté le droit de greffe, il reviendra au juge de préciser dans son ordonnance la mission du médiateur de même que sa du-rée, sur la base expresse de ce que le débiteur aura sollicité. Le tribunal n’agit en réalité par lui-même que lorsqu’il désigne la personne du médiateur.

Volontairement, la loi n’apporte aucune précision sur le profil du médiateur. Le tribunal n’est tenu par d’autres limites que celle de veiller aux garanties de compétence et d’expérience38.

Au surplus, le tribunal sera attentif à ce que le coût d’un médiateur d’entre-prise reste supportable pour les petites entreprises39.

37 Doc., Ch., n° 52-0160/002, p. 40.38 Notons que la désignation d’un juge consulaire, membre du tribunal qui désigne, n’est pas opportune en raison du principe général qu’est incompatible avec la fonction de juge con-sulaire, par tout ce que cela peut induire de suspicions ou de confusions, l’exercice au sein d’un arrondissement de fonctions rémunérées, effectivement ou potentiellement. Mais rien n’empêcherait que soit désigné un juge consulaire d’un autre arrondissement.39 Le recours aux Belgian seniors consultants, qui interviennent avec leur expérience du monde économique et à coût réduit est certainement l’une des pistes les plus crédibles.

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44. La désignation d’un médiateur d’entreprise peut intervenir en dehors d’une enquête commerciale; c’est alors le président du tribunal qui rédige l’ordonnance sur requête d’un débiteur.

Dans le cadre d’une enquête commerciale, la désignation intervient le plus souvent après qu’un juge-enquêteur ait été mandaté par la chambre d’en-quête et qu’il ait incité le débiteur à profiter de la valeur ajoutée que peut représenter un médiateur.

Il n’appartient pas au juge-enquêteur de prononcer l’ordonnance de dési-gnation: l’article 13 LCE confie ce rôle à la chambre d’enquête; par contre, le juge-enquêteur pourra proposer au débiteur un formulaire de demande à compléter et introduire au greffe; nous suggérons un modèle, disponible sur le site www.jugesconsulaires.be.

Une fois déposé au greffe, le document est transmis à la chambre d’enquête. Dans les meilleurs délais, celle-ci désigne le médiateur d’entreprise sur base de la mission définie par le débiteur.

Une copie de l’ordonnance est adressée par le greffe au débiteur, au média-teur et au juge-enquêteur concerné.

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Le rôle du juge-enquêteur depuis l’entrée en vigueur de la loi « relative à la continuité des entreprises »

Chapitre VIII

45. Depuis l’entrée en vigueur de la LCE, les juges-enquêteurs ont la possibilité d’ap-préhender leur mission de manière active.

En effet, les mesures de réorganisation introduites par cette loi fournissent au débiteur une palette d’instruments dont il peut jouer selon la nature de ses difficultés. S’il n’en fait pas usage, le débiteur devra être déclaré en faillite dès qu’il se trouve dans l’impossibi-lité de faire face, dans un délai raisonnablement proche, et avec des moyens normaux, à l’ensemble de son passif.

Ainsi, il se justifie que tout débiteur en difficulté convoqué devant un juge-enquêteur soit, dans le courant de l’enquête, mis au courant que, sauf apurement de son passif, accep-tation par ses créanciers de plans d’apurement en bonne et due forme, désignation d’un médiateur d’entreprise ou dépôt d’une requête en PRJ, il s’exposera à des mesures de transmission du dossier au parquet ou de dessaisissement provisoire prononcée d’office par le président du tribunal (article 8 L.F.).

46. Exposons très concrètement comment s’articule l’intervention du juge-enquêteur dans le cadre de ce rôle dynamique. Plusieurs cas de figure sont possibles après que le débiteur ait été convoqué devant le juge-enquêteur:

1. le débiteur ne répond pas aux convocations; la situation est simple: le juge-enquê-teur envoie son rapport à la chambre d’enquête, laquelle décidera sans doute du transfert au parquet ou au président du tribunal. Préalablement, le juge-enquêteur peut également décider de descendre au siège de l’entreprise du débiteur (supra, n° 27);

2. le débiteur se présente et est auditionné une première fois par le juge-enquêteur, puis une deuxième, voire si nécessaire une troisième fois; les éléments qu’il fournit démontrent que sa liquidité et la rentabilité de son entreprise ont été réta-blies ou même qu’elles ont toujours été effectives; il revient alors au juge-enquê-teur de transmettre son rapport à la chambre d’enquête, qui classera le dossier;

3. dans le même type de situation, le débiteur prouve avoir rétabli sa liquidité mais non sa rentabilité.

Il a par exemple vendu un terrain, ce qui lui permet de faire face à ses échéances, mais sa marge bénéficiaire est insuffisante pour garantir la pérennité à moyen terme de son entreprise.

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Dans cette hypothèse, même si la chambre d’enquête ne pourra prendre d’autre décision que le classement provisoire du dossier, le débiteur a tout intérêt à recourir à la désignation d’un médiateur d’entreprise ou à demander le bénéfice de la PRJ car les problèmes resurgiront immanquablement. Il appartient donc au juge-enquêteur de l’inciter fermement à adopter l’une de ces mesures;

4. toujours dans ce genre de situation, le débiteur prouve avoir mis en œuvre les mesures nécessaires qui devraient lui permettre de rétablir à court ou moyen terme sa liquidité et la rentabilité de son entre-prise.

Par exemple, il a obtenu des plans d’apurement auprès des créanciers institutionnels et a par ailleurs réduit ses coûts.

S’il est convaincu de l’effectivité de ces mesures, l’on peut admettre que le juge-enquêteur clôture son rapport sans insister sur la désigna-tion d’un médiateur; il reviendra à la chambre d’enquête, si elle est à son tour convaincue, de reporter le dossier à moyenne échéance afin de vérifier si les clignotants se sont bien « éteints »;

5. si le débiteur n’est pas en mesure de faire face à l’ensemble de son passif exigible, se limite à des paiements erratiques et ne prend pas de mesures de réorganisation, le juge-enquêteur est alors pleinement dans le rôle que lui confie la LCE: tous les arguments doivent être mis en œuvre pour inciter le débiteur à solliciter la désignation d’un mé-diateur ou à déposer une requête en réorganisation judiciaire.

Si le débiteur s’ engage à faire choix de l’une de ces mesures, le juge-enquêteur adresse son rapport à la chambre d’enquête qui vérifiera si le débiteur concrétise ses promesses et, à défaut, statuera dans le sens d’un transfert au parquet ou au président du tribunal.

Si le débiteur refuse d’envisager toute réorganisation, le rapport du juge-enquêteur préconisera l’envoi du dossier au parquet.

47. Le rôle du juge-enquêteur se précise ainsi:

Bien au fait de l’ensemble des possibilités offertes par la loi relative à la continuité des entreprises, il peut sans nul doute attirer l’attention du débi-teur sur l’existence et l’intérêt de celles-ci (rôle proactif) tout en lui faisant valoir qu’à défaut d’envisager à brève échéance l’utilisation des instruments de réorganisation qui lui sont offerts, son dossier pourrait déboucher sur des mesures contraignantes (rôle coercitif).

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48. La LCE a voulu favoriser les accords amiables entre un débiteur et ses créanciers; c’est ainsi que, aux termes de l’article 15, le débiteur peut proposer à tous ses créanciers ou à deux ou plusieurs d’entre eux, un accord amiable en vue de l’assainissement de sa situation financière ou de la réorganisation de son entreprise.

En inscrivant dans la loi cette faculté, le législateur reste fidèle à sa volonté de multiplier les instruments de réorganisation « douce » permettant aux débiteurs d’apporter une solution appropriée à chaque type de difficulté.

Comme l’explique le commentaire de la LCE40, le sauvetage de l’entreprise en difficulté s’effectue bien souvent en toute discrétion par le biais d’accords conclus hors procédure qui préservent l’image de l’entreprise et offrent la plus grande souplesse.

Le recours à l’accord amiable présente en effet des avantages non négligeables:

• du point de vue du débiteur, il est élaboré incognito, n’est pas soumis aux aléas médiatiques et dès lors ne nuit pas au crédit de l’entreprise; toujours de ce point de vue, il autorise une grande souplesse, notamment dans le choix des créanciers avec lesquels le débiteur souhaite traiter;

• du point de vue des créanciers concernés par une tentative d’accord amiable, ceux-ci peuvent marquer leur préférence pour un redressement négocié avec le débiteur, dans le cadre duquel ils consentiront volontairement des réductions ou rééchelonnements de créances, plutôt que de se voir imposer des propositions de réorganisation rigides par un vote majoritaire des créanciers;

• par ailleurs, sur le plan international, l’accord amiable est souvent la seule solu-tion dans les cas d’insolvabilité transnationale et il ne fallait pas que notre système juridique se prive d’instruments permettant aux entreprises de rejoindre ce type de processus.

49. Pour favoriser cet instrument de réorganisation, le législateur a créé un incitant concret pour les créanciers qui accepteraient d’y recourir.

Du point de vue du créancier, l’accord amiable se heurtait jusqu’ici à un obstacle sérieux, à savoir sa fragilité en cas de faillite du débiteur puisque le créancier qui avait joué le jeu de l’accord amiable risquait de le voir remettre en cause par le curateur, sur pied des articles 17, 2°, et 18 de la loi sur les faillites.

40 Doc., Ch., 52-0160/002, p. 41.

Titre 3L’accord amiable hors PRJ

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Ces dispositions permettent au curateur de faire déclarer inopposables à la masse, lorsqu’ils ont été faits par le débiteur depuis l’époque de la cessa-tion de ses paiements, tout accord qui portent sur le paiement de dettes non échues ou sur un paiement de dettes échues par des moyens autres que ceux prévus (art. 17, 2°), ou tout accord qui aurait été conclu avec la connaissance par le créancier de la situation de cessation de paiement de son débiteur (art. 18).

L’effet psychologique autant que pratique de ces textes légaux réduisait à la portion congrue le rôle de l’accord amiable dans la problématique de la réor-ganisation. En effet, quel créancier accepterait de consentir des délais à son débiteur s’il sait que les paiements qu’il en reçoit en exécution de l’accord amiable pourront être revus par le curateur en cas de faillite ultérieure?

Dès lors, en guise d’incitant, l’article 15, al. 3, LCE prévoit que ces disposi-tions ne sont pas applicables à l’accord amiable et aux opérations effec-tuées en exécution de celui-ci, lorsque l’accord a été conclu dans les condi-tions prévues par le texte.

50. Pour que soit reconnu le bénéfice de l’article 15, al. 3, trois conditions sont imposées aux parties à l’accord:

1re condition: tout d’abord, en vertu du premier alinéa de l’article 15, l’ac-cord doit concerner au moins deux créanciers; le législateur a entendu éviter le face à face entre le débiteur et son créancier le plus important: « le débiteur peut proposer à tous ses créanciers ou à deux ou plusieurs d’entre eux un accord amiable … ».

Rien ne s’oppose à ce que le débiteur conclue plusieurs accords amiables distincts avec deux ou plusieurs créanciers ou, en cas de créancier unique, que l’article 15 puisse néanmoins être mis en œuvre.

2e condition: ensuite, l’acte qui matérialise l’accord amiable doit expres-sément énoncer que l’accord est conclu en vue de l’assainissement de la situation financière du débiteur ou de sa réorganisation. Cette déclaration téléologique peut paraître légère mais elle participe à la prise de conscience chez les parties que l’accord doit être conclu sans esprit de fraude.

Sous cette seule réserve, la teneur de l’accord amiable relève entièrement de l’autonomie de la volonté. Il serait exclu de remettre en cause a posteriori la protection qui s’y attache par un contrôle de la pertinence ou de l’adéquation des mesures adoptées par les parties.

Par contre, soulignons que l’accord amiable reste soumis à l’action pau-lienne, laquelle permettra le cas échéant de sanctionner les véritables si-tuations de fraude qui se dissimuleraient derrière la conclusion d’un accord amiable pris en application de l’article 15 LCE. Dans ce cas, il reviendra aux créanciers ou au curateur de la faillite du débiteur, désireux de faire annuler les actes posés par ce dernier en fraude des droits des tiers, de démontrer

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le caractère anormal de l’acte attaqué ou son mobile frauduleux ainsi que la complicité du co-contractant.

3e condition: la convention d’accord doit être déposée au greffe du tribu-nal, où il sera conservé dans un registre spécial. Ici encore, la confidentialité qui s’attache à l’accord est préservée puisque les tiers ne peuvent en prendre connaissance et être informés de son dépôt qu’avec l’assentiment exprès du débiteur (article 15, dernier alinéa).

Quant au tribunal il ne pourrait non plus en prendre connaissance sans l’ac-cord du débiteur. La pratique a confirmé ce point de vue: certains débiteurs déposent l’accord conclu sous enveloppe fermée et cachetée au greffe, sans qu’il y ait là rien à redire. La langue dans laquelle l’accord amiable est rédigé est ainsi indifférente.

Concernant les salariés, il appartient au débiteur ou à ses organes de les informer, ou leurs représentants, de tout ce qui dans l’accord pourrait les concerner directement.

51. La souplesse que le législateur a souhaitée pour l’ensemble de la loi « continuité » vaut également pour l’accord amiable. Ainsi, dans le but de faciliter les contacts avec ses créanciers, voire pour per-mettre, de les renouer, le débiteur peut demander, sur pied de l’article 13 LCE, la désignation d’un médiateur d’entreprise (voir infra, n° 40). Celui-ci, revêtu de l’autorité qui s’attache à sa désignation par le tribunal et fort de sa propre crédibilité, sera susceptible de conforter la tentative du débiteur de rechercher un accord avec certains de ses créanciers.

En outre, si l’accord amiable n’aboutissait pas dans un cadre pré-judiciaire, le débiteur pourra tenter de le rechercher à la faveur d’une PRJ par accord amiable (voir le tome 2 consacré à cette procédure). Dans ce cadre, il béné-ficiera de la protection du sursis qui lui permettra de poursuivre les négocia-tions et, si nécessaire en cas d’échec, de glisser vers les deux autres formes de réorganisation, par accord collectif ou par transfert d’entreprise.

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