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BÉNÉDICTE NAUDAN LA PRISE DE DÉCISION STRATÉGIGUE : L'INVESTISSEMENT DIRECT DES PME MANUFACTURIÈRES QUÉBÉCOISES EN CHINE Mémoire de recherche présenté à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval dans le cadre du programme de Maîtrise en sciences de l'administration pour l'obtention du grade de Maître ès sciences (M.Sc.) DÉP ARTEMENT DE MANAGEMENT FACULTÉ DES SCIENCES DE L'ADMINISTRATION UNIVERSITÉ LA V AL QUÉBEC 2008 © Bénédicte Naudan, 2008

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BÉNÉDICTE NAUDAN

LA PRISE DE DÉCISION STRATÉGIGUE :

L'INVESTISSEMENT DIRECT DES PME

MANUFACTURIÈRES QUÉBÉCOISES EN CHINE

Mémoire de recherche présenté à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval

dans le cadre du programme de Maîtrise en sciences de l'administration pour l'obtention du grade de Maître ès sciences (M.Sc.)

DÉP ARTEMENT DE MANAGEMENT FACULTÉ DES SCIENCES DE L'ADMINISTRATION

UNIVERSITÉ LA V AL QUÉBEC

2008

© Bénédicte Naudan, 2008

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RÉSUMÉ

Cette étude se propose d'étudier la prise de décision stratégique des PME. Elle

s'intéresse plus particulièrement à leur prise de décision lors d' investissement direct à

l'étranger et en Chine. L'intérêt pour ce sujet provient principalement de deux éléments: 1)

le faible nombre de recherches étudiant le développement international et la prise de

décision stratégique des PME, alors que les caractéristiques de ces entreprises peuvent

pourtant amener des choix stratégiques et des processus de prise de décision différents de

ceux des grandes entreprises; 2) le nombre important d'investissements directs réalisés en

Chine, en dépit de la remise en cause de leur profitabilité. Par ailleurs, l' accroissement de

l'internationalisation des PME et un accord en cours entre le Canada et la Chine sur la

protection des investissements étrangers ne font que renforcer la pertinence du suj et d 'étude.

Afin de comprendre ce qui amène les entreprises ~ décider d' investir de façon directe en

Chine, trois dimensions liées à la prise de décision stratégique sont étudiées : le processus

de prise de décision, les facteurs l'influençant et le contenue de la prise de décision. Dans le

but de déterminer la composition du processus de prise de décision des PME (rationalité,

émergence de la décision, facteurs initiatiques, apprentissage) et les principaux facteurs

l'influençant, cinq questions de recherche sont soulevées. Pour y répondre une

méthodologie qualitative est adoptée; car cela permet d'étudier un phénomène peu exploré

et d'aborder la prise de décision stratégique du point de vue du gestionnaire. Un échantillon

de 18 participants a été constitué et l'analyse des résultats empiriques apporte différents

éléments, notamment: 1) l'existence du mimétisme des entreprises concernant le pays de

destination des IDE ; 2) des considérations principalement économiques expliquent la

réalisation des IDE, même si un mimétisme concernant la forme d'investissement adoptée

est probable et 3) le processus de prise de décision des PME est comparable au modèle de

référence de la littérature, même si ces entreprises semblent plus mettre l'emphase sur

l' apprentissage et l' exploration pour connaître l'environnement d' affaires local que les

grandes entreprises.

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SOMMAIRE

RÉSUMÉ ............................................................................................................................... ii

SOMMAIRE .............................................................................................. ~ ......................... iii

LISTE DES TABLEAUX ET SCHÉMAS ........................................................................ vi

INTRODUCTION GÉNÉRALE ......................................................................................... 1

Le développement international des entreprises: un enjeu contemporain ....... ............ 1 Les entreprises étrangères en Chine, une présence inéluctable ..................... .. ............ 2 ... en dépit d 'une profitabilité remise en cause ............................................................. 2 Intérêt de l' étude et spécificités canadiennes ................................ ..... .. ............ .. .......... 3 Objectifs de l' étude ....................................................................................................... 4 Contribution de l' étude .......................................................................................... ....... 5 Structure· générale de l' étude ........................................................................................ 5

Chapitre II : REVUE DE LITTÉRATURE ....................................................................... 7

2.1. Le processus de prise de décision stratégique ...................................................... 8 2.1.1. Décision et stratégie: deux termes indissociables .......................................... 8 2.1.2. Les perspectives théoriques du processus de prise de décision ...................... 9

2.1.2 .1. La rationalité à la base du processus de prise de décision ..................... .. 10 2.1.2.2. Le caractère politique du processus de prise de décision ........................ 10 2.1.2.3. La rationalité de la prise de décisions: limites et àvenues de recherche. Il

2.1.3. Les processus de prise de décision: composants et modèles ....................... 12 2.1.3.1. Les composants du processus de prise de décision stratégique ............... 12 2.1.3.2. Les modèles de prise de décision d'investissement à l' étranger ............. 13 2.1.3.3. Le modèle de processus de prise de décision d' investissement à l ' étranger d 'Aharoni (1966) .................................................................................................. 14

2.1.3.4. Principales limites du modèle et leurs implications ................................ 16 2.1.4. Les éléments influençant le processus de prise de décisions ...................... .. 17

2.1.4.1. Le contexte externe .............................................. .................................... 17 2.1.4.2. Le contexte interne .................................................................................. 18 2.1.4.3. Le décideur ... ~ .......................................................................................... 19 2.1.4.4. Synthèse des éléments influençant la prise de décision .......................... 19

2.1.5. Synthèse de. la littérature sur le processus de prise de décision .................... 19

2.2. Le contenu de la prise de décision stratégique: l ' IDE ........................................ 22 2.2.1. L' investissement direct à l'étranger: définition et modes d' investissement 22

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IV

2.2.2. Les risques lors d ' IDE et d' IDE en Chine ........... ......................................... 24 2.2.3. État des théories sur les IDE ............... .. ........................................................ 26

2.2.3.1. Les motivations économiques: la minimisation des coûts de production et de transaction ............................................ ......................................................... 27

2.2.3.2. Les motivations stratégiques: la recherche et le maintien de connaissances, de ressources et l' amélioration de la position concurrentielle ..... 28

2.2.3.2.1 La recherche de ressources complémentaires pour développer un avantage compétitif: resource based view theory ................................................ 29

2.2.3.2.2. Le maintien et la recherche de connaissances: la théorie de l ' apprentissage organisationnel ................................................................. ~ .......... 29

2.2.3.2.3. L' amélioration du positionnement concurrentiel : la théorie du comportement stratégique ........ ~ ...................................... ................. ..................... 30

2.2.,3.3. Les motivations liées à l 'environnement externe: les pressions de l' environnement ............................................... ................................................ ..... 30

2.2.3.4. Synthèse des motivations théoriques liées aux IDE ....................... ... ...... 31 2.2.4. Le paradigme éclectique de Dunning (1980) ................................................ 32 2.2.5. Synthèse et limites de la littérature sur le contenu de la prise de décision ... 33

2.3. Synthèse générale de la littérature ........................................................... ........... 34

Chapitre III: METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE ............................................ 35

3.1. Questions de recherche ............................................................................... ........ 36

3.2. Méthodologie: les caractéristiques générales .................................................... 39 3.2.1. Unité d'analyse et population à l ' étude ........................................................ 39 3.2.2. Approche adoptée .................. ~ ............ .. ....................... ............................. .. .. 39 3.2.3. L' entrevue comme mode de collecte de données ......................................... 40 3.2.4. Les instruments de collecte de données ........................................................ 40 3.2.5. Analyse des données ..................................................................................... 41 3.2.6 Échantillon de l 'étude .................................................................................... . 43

3.2.6.1. Echantillonnage initial ..... ........................................................................ 43 3.2.6.2. Echantillon final ...................................................................................... 45

3.2.7. Prise de contacts et entrevues ................................................................ ~ ...... 46

CHAPITRE IV: RESULTATS DE L'ÉTUDE ................................................................ 47

4.1. L' initiation du processus ................................................................................... 48 4.1.1. Effet de mode et mimétisme ......................................................................... 48 4.1.2. Un entraînement contraint ............................................................................ 49

4.2. Entre l' initiation et l ' engagement envers la décision finale .............................. 50 4.2.1. L' apprentissage: la dimension culturelle ..................... ~ ............................... 50

4.2.1.1. La différence dans la perception du temps ...................................... ........ 51 4.2.1.2. La différence dans les relations humaines ............................................... 51

4.2.2. Les risques liés à l ' environnement chinois ....... ..... ... ..................................... 52

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v

4.2.3. Les consIdérations et la composition de la prise de décision ....................... 53 4.2.3.1. La détermination des objectifs ................................................................. 53

4.2.3.1.1. Le marché intérieur chinois ............................................................... 53 4.2.3.1.2. La réduction des coûts de production ............................... ; ............... . 54

4.2.3.2. La forme d ' investissement. ...................................................................... 55 4.2.3.2.1. LaJVI ............................................................................................... . 55 4.2.3.2.2. Le choix de la filiale à parts entières ................................................. 56

4.3. Décision finale et engagement envers la décision finale .................................... 57 4.4. Une prise de décision sous influence ............................................................. .. .. . 58

4.4.1. Les éléments considérés comme facilitateurs ....... .. ...................................... 58 4.4.1.1. Le risque de ne pas investir en Chine ........................................... .. ............ 58

4.4.1.2. Le gouvernement chinois et les produits à forte valeur ajoutée ...... ........ 59 4.4.2. L'es éléments considérés comme ralentissant le processus ................. .. ........ 59

4.4.2.1 ~ Les histoires de scandale d' entreprises étrangères .................................. 59 4.4.2.2. I: ' aversion au risque .................................................................... ... ......... 60

4.5. Les enseignements et implications managériales .............................................. 61

CHAPITRE V: DISCUSSION ET ANALYSE DES RÉSULTATS ............................. 62

5.1. Les facteurs initiatiques ..................................................................................... 63 5.2. La composition de la « zone intermédiaire» .................................................. ... 64

5.2.1. L' apprentissage et la connaissance de l' environnement d' affaires ............ .. 64 5.2.2. Considérations et composition de la décision d' investissement .. ... ......... .. .. . 65

5.2.2.1. La détermination des objectifs d' investissement en Chine ..................... 65 5.2.2.2. La forme d ' investissement. ...................................................................... 66

5.3. L' émergence de la décision d'investissement ... ~ ............................................... 66 5.4. La rationalité procédurale .................................................................................. 67 5.5. Les éléments influençant le processus de prise de décision .............................. 69

5.5.1. Les éléments externes à l' organisation .... .. ................................................... 69 5.5.1.1. L' évolution de l' économie ..... .......................................................... .... .... 69 5.5.1.2. Les risques liés à l ' investissement en Chine ........................................... 70

5.5.2. Les caractéristiques des organisations .......................................................... 71 5.5.3. Les éléments liés au décideur .................................................................... ... 72

CONCLUSION GENERALE ............................................................................................ 73

Les principaux résultats de l'étude ............................................................................. 73 Schématisation des processus de prises de décisions étudiés ..................................... 74 Implications de l'étude ........................................................ ...................... ................. 77 Limites de l' étude ....................................................................................................... 78

BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................. 79

ANNEXES ........................................................................................................ ~ .................. 89

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LISTE DES TABLEAUX ET SCHÉMAS

Tableaux:

Tableau 1 : Synthèse des principales motivations théoriques liées aux IDE .............. 31

Tableau 2 : Matrice d'analyse des données du processus de prise de décision - initiation et décision finale- .................................................................... 42

Tableau 3 : Matrice d'analyse des données du processus de prise de décision - zone intermédiaire- ................................................................................. 42

Tableau 4 : Matrice d'analyse des données des facteurs contextuels influençant le processus de prise de décision .................................................................. 42

Tableau 5 : Présentation de l'échantillon ................................................................... 46

Schémas:

Schéma 1 : Les principales étapes du processus de prise de décision d'Aharoni (1966) et leur composition ................................................................................... 15

Schéma 2: Dimensions liées à la prise de"décision d'investissement direct à l'étranger ....................................................................................... 21

Schéma 3 : Cadre conceptuel de l'étude ................................ : .................................... 38

Schéma 4 : Les principaux éléments des processus de prise de décision étudiés ...... 76

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1

« The powerful forces of globalization are fundamentally changing the nature and dimensions of strategy» (Eisenhardt, 2002:' 88)

INTRODUCTION GÉNÉRALE

Le développement international des entreprises: un enjeu contemporain

La globalisation, qui peut être vue comme le rapprochement et l'approfondissement

des relations entre les pays, les entreprises et les individus, entraîne une modification des

dimensions stratégiques traditionnelles de l'entreprise (Eisenhardt, 2002). En raison des

conséquences qu'elle engendre, comme la saturation des secteurs nationaux, la présence de

concurrents étrangers sur les marchés domestiques ou encore l'opportunité de profiter de

son avantage concurrentiel à l'étranger, elle pousse notamment les firmes à se développer à

l'international (Ghertman, 2004) et plus particulièremerit dans les pays émergents comme la

Chine (Jansson et Sandberg, 2007). Ce pays, qualifié par Shenkar (1990: 82):

«d'opportunité du prochain siècle,», est en effet l'un des plus attrayants pour les

investisseurs étrangers, en raison de sa stabilité politique, de son économie et de sa

demande en forte expansion l, de la taille de son marché intérieur et de son entrée à

l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001. La Chine est d'ailleurs devenue le

second pays récepteur d'investissement direct à l'étranger (IDE 2) après les Etats-Unis

(Beamish et Jiang, 2002) et les IDE vers ce pays ne devraient pas diminuer compte tenu de

l'entrée en vigueur de la «China-ASEAN 3 Free Trade Area» en 2010 et 2015, qui

constituera la plus grande zone de libre-échange au monde avec un marché de 1,7 milliards

de personnes (ASEAN, 2007a).

1 9,5% de croissance annuelle moyenne au cours des 25 dernières années (Ahlstrom et al. , 2006), 2 Définition de l'IDE: « investissement qu'une unité institutionnelle [comme une entreprise] résidente d'une économie effectue dans le but d'acquérir un intérêt durable dans une unité institutionnelle résidente d'une autre économie et d'exercer, dans le cadre d'une relation à long terme, une influence significative sur sa gestion. Par convention, une relation d'investissement direct est établie dès lors qu'un investisseur acquiert au moins ] 0 % du capital social de l'entreprise investie. Les investissements directs comprennent non seulement l'opération initiale qui établit la relation entre les deux unités, mais également toutes les opérations en capiüt! ultérieures entre elles et entre les unités institutionnelles apparentées, qu'elles soient ou non constituées en sociétés» (INSEE, 2008). J Association of Southeast Asian Nations. Les 10 pays membres de l'Association des Nations de ]' Asie du Sud-Est sont: l' Indonésie la Malaisie, les Philippines Singapour, la TharJande, Brunei, le Viêt Nam, le Laos, la Birmanie et le Cambodge (ASEAN, 2007b).

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Les entreprises étrangères en Chine, une présence inéluctable ...

D'après Beamish et Jiang (2002), l'importance stratégique de la Chine ne fait aucun

doute pour les multinationales, qui considèrent comme impensable de ne pas être présentes

dans ce pays, compte tenu des bénéfices potentiels importants représentés par le marché

intérieur chinois. Ces entreprises réalisent donc des investissements directs en Chine depuis

l'ouverture de ce pays aux investissements étrangers en 1979 4 et entraînent également

l'investissement d' autres acteurs comme leurs concurrents et leurs fournisseurs. Cependant,

une réalité quelque peu différente vient parfois contraster avec l'attrait et la promesse

fantastique d'un vaste marché intérieur. Les propos de Johan Van Splunter, responsable de

la division Asie de Philips, illustrent bien l'ambiguïté du marché chinois: «Our initial

vision was to sell in China. Things turned out a bit differently » (Haley & al., 2003 cités par

Haley, 2003: 249). L'entreprise qui visait au départ le marché chinois a dû revoir sa

stratégie et faire de la Chine non pas un marché cible niais un centre de production et

d'exportation pour ses télévisions et appareils ménagers (Haley, 2003) .

... en dépit d'une profitabilité remise en cause

Différentes études appuient les difficultés que connaissent les entreprises étrangères

ayant investi en Chine en indiquant que seulement un peu plus d'un tiers d'entre elles sont

profitables (Haley, 2003 ; Mac Hardy Reid et Walsh, 2003). De plus, plusieurs entreprises

comme General Motors, Danone et Schneider Electric (Cornut, 2007; Créquy, 2007 ;

Haley, 2003) ont subi les conséquences des risques liés à l'environnement économique

chinois tels que: la difficulté à évaluer la taille réelle du marché (Beamish et Jiang, 2002 ;

Haley, 2003), les violations de la propriété intellectuelle qui font perdre leur avantage

compétitif aux firmes et de nombreuses interventions gouvernementales (EDC, 2007 ; Luo,

4 L ' ouverture aux investissements étrangers s'est déroulée selon Xiaodi (2002 ; cité par Liu, 2005 : 17) en quatre étapes-1) de 1979 à 1983 ; 2) de 1983 à 1986 ; 3) de 1986 à 1991 ; 4) de 1992 jusqu 'à nos jours -, marquées à chaque fois par une libéralisation de la réglementation sur les investissements étrangers. Lors de l' ouverture économique chinoise en ] 979, lajoint venture internationale était quasiment la seule forme d'investissement possible en Chine (Liu, 2005). Pui s, à partir de 1991 , la Chine a libéralisé l' investissement et les autres formes d ' investi ssement comme les filiales à parts entières sont devenues possibles, notamment afin de pouvoir accéder à 1'OMC. Toutefois, dans certains secteurs considérés comme stratégiques - l' énergie, les ressources, les médias, les servjces etc. -, les modes d 'entrée sont toujours contrôlés (EDe 2007 ; Liu, 2005). ·Voir en annexe A p. 89 1 ' évolution de IDE vers la Chin e.

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3

1997). Plusieurs auteurs ont entrevu de tels événements. Tout d 'abord, Zhuang et al.

indiquent en 1998 que plus l'entreprise cherche à viser le marché intérieur, moins elle

importe de technologie et exporte ses produits, plus elle est susceptible de subir de

nombreuses interventions du gouvernement chinois. Puis Sito (2000 cité par Haley, 2003 :

244) d 'ajouter que: « la Chine n ' ouvrira jamais pleinement son marché aux mu~tinationales

après son entrée à l'OMC et en raison des barrières culturelles, les concurrents locaux vont

graduellement le contrôler ». Alors pourquoi les entreprises étrangères investissent-elles

toujours en Chine et quels éléments les poussent à s' y rendre? L' attrait d ' un vaste marché

intérieur renforcé par des perspectives de zone de libre-échange et un certain mimétisme

sont-elles des raisons suffisantes pour expliquer ces prises de décision risquée

d' investissement dont la profitabilité est remise en cause? Car d'après Haley (2003 : 238) :

« mistaken euphoria over markets potentials and inappropriate risk appraisals come with

steep price tags for multinationals ».

Intérêt de l'étude et spécificités canadiennes

Il est toutefois légitime de se demander si les motivations des gestionnaires ne

dépassent pas l'unique objectif de la profitabilité ou si celui-ci n' est pas plutôt visé sur le

long terme, l ' IDE étant notamment réalisé dans le but d ' acquérir un intérêt durable dans un

pays étranger. Des objectifs comme l' augmentation de la qualité, la croissance et

l ' apprentissage doivent également être pris en compte par les dirigeants lors de la décision

d' investissement comme l'ont indiqué Wei et Christodoulou (1997). De plus, les

motivations des entreprises ne sont pas les seuls éléments à considérer lors de leur décision,

car des contraintes liées à l'environnement et aux individus s' exercent aussi sur elles (Hitt

et Tyler, 1991 ; Pfeffer et Salancik, 1978). En effet, les turbulences de l ' environnement,

l' incertitude, la capacité cognitive limitée du décideur, etc. , ont un impact sur l ' organisation

et sur les décisions prises (Hitt et Tyler, 1991 : 332).

D'autre part, la majorité des 400 entreprises canadiennes présentes en Chine sont

des petites et moyennes entreprises (PME) (AECIC, 2006), alors que la littérature sur le

développement international concerne peu ce type d' entreprise (Brouthers et Nakos, 2002 :

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4

229). Pourtant, les PME n'interagissent pas de la même façon avec leur environnement que

les multinationales (Shuman et Seeger, 1986). Des différences dans le style de gestion, la

propriété,. l'indépendance et la disponibilité des ressources peuvent effectivement entraîner

des décisions stratégiques distinctes (Coviello et McAuley, 1999; Zacharakis, 1997). Par

ailleurs, la littérature sur les IDE ne porte que peu sur les PME, alors que ces dernières

internationalisent5 de plus en plus leurs activités (Jansson et Sandberg, 2008 : 65). Elles

accroissent en effet leur engagement à l'international en investissant notamment de façon

directe à l'étranger (Bourcieu, 2005 : 14 ; Coviello et McAuley, 1999 : 224) et, un accord

en cours entre le Canada et la Chine pour la protection des investissements étrangers

pourrait contribuer à cette tendance6 (AECIC, 2008 ; EDC, 2007).

Objectifs de l'étude

L'objectif principal de cette étude est donc de mieux comprendre ce qui amène les

PME canadiennes et plus particulièrement celles situées au Québec 7 à prendre la décision

d'investir de façon directe en ChineS. Pour cela, plusieurs objectifs spécifiques doivent être

réalisés. Les éléments déclenchant, constituant et influençant la prise de décision

stratégique doivent être identifiés et les éléments entraînant les entreprises à investir de

façon directe en Chine sont à déterminer. Il est à noter qu'en raison de la densité de la

littérature sur la prise de décision stratégique et sur les investissements directs à l'étranger,

des choix et des sélections ont été effectués afin non pas de réaliser une recherche

exhaustive sur les déterminantes des IDE ou sur la prise de décision stratégiques mais

d'apporter les éléments essentiels à cette étude.

5 Selon les processus d ' internationalisation reconnus dans la littérature: le U modèle et le I-modèle (Andersen, ] 993 ; Johanson et VahIne, 1977), le développement international se déroule en plusieurs étapes séquentieJJes, comme : ]) l'exportation, 2) la licence et 3) j'investissement direct à l ' étranger - avec lajoint venture internationale etla filiale à parts entières -. L ' internationalisation est définie selon Beamish (1990 : 77 cité par Coviello et McAuley, ] 999: 225) comme: « the process by which firms both increase their awarness of the direct and indirect influence of international transactions on their future, and establish and conduct transactions with other countries ». 6 Les IDE canadiens sont en constante augmentation depuis 2000 (voir en annexe B p. 89 l' évolution du stock d ' IDE canadiens vers la Chine). Il est à noter que les données concernant les IDE québécois vers la Chine ne sont pas disponibles et qu ' il n' a pas été possible de connaître le montant des lDE émis par les··PME canadiennes vers la Chine par rapport au montant des IDE émis par les grandes entreprises canadiennes. 7 Afin de ne pas alourdir le corps du texte, le terme « PME québécoi se» remplace le terme « PME canadienne située au Québec » dans la su ite de l'étude.

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5

Contribution de l'étude

Cette recherche se propose d' étudier les investissements directs à l ' étranger des

PME à l ' aide d'un concept clé de la théorie des organisations: la prise de décision

stratégique. Cet angle de recherche est d ' ailleurs suggéré par Brouthers et Hennart (2007 :

415) afin de mieux appréhender les choix effectués par les entreprises lors de leur

développement international. Cette étude s' inscrit par ailleurs dans la continuité des

recherches sur la prise de décision d'investissement à l ' étranger (Aharoni, 1966 ; Larimo, '

1995 ; Wallace F owler, 1997) et apporte un nouvel éclairage sur cette prise de décision

stratégique, en s ' intéressant aux PME et en l ' abordant du point de vue du gestionnaire.

Structure générale de l'étude

Le Chapitre II présente une revue de la littérature sur la prIse de décision

d' investissement direct à l' étranger. Cette revue est divisée en trois part'ies. La première

partie s' intéresse au processus de prise de décision stratégique et traite surtout de la façon

dont les décisions stratégiques sont prises et ce qui les influence. Dans un premier temps,

les deux principales perspectives liées à la prise de décision stratégique sont exposées -

l'une ayant pour base la rationalité et l'autre le caractère politique - , avant que les éléments

fondamentaux liés au processus de prise de décision soient présentés - notamment le

modèle de processus de prise de décision d' Aharoni (1966) et des facteurs contextuels

influençant ce processus -. La seconde partie concerne le contenu de la décision, les

investissements directs à l' étranger et étudie principalement les éléments amenant les

entreprises à en réaliser. Les risques liés aux transactions internationales, les motivations

des entreprises à effectuer des IDE et un cadre d'analyse de l'IDE (Dunning, 1980) sont

d' ailleurs présentés. Il est à noter qu'un intérêt particulier est porté non seulement à la

théorie explicative dominante de la littérature, la théorie des coûts de transaction, mais

aussi à une forme particulière d ' IDE, la joint venture internationale (JVI). Ce mode

d' investissement est en effet un ~élément incontournable de la littérature dans le cadre de

nouveaux investissements dans les pays émergents. La troisième partie reprend les éléments

essentiels des écrits et souligne les avenues de recherche laissées par la littérature.

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Le Chapitre III, la méthodologie de la recherche, expose dans un premier temps les

questions de recherche de cette étude et son cadre conceptuel. Par la suite, la méthodologie

qualitative adoptée est justifiée et détaillée et l' échantillon final est présenté.

Le Chapitre IV présente les pr~nclpaux résultats emplnques. Ces derniers sont

ensuite analysés dans le Chapitre V, en les comparant à la littérature existante. Pour

terminer, une conclusion reprenant les principaux résultats de la recherche, indiquant leurs

implications et soulignant les principales limites de l' étude est réalisée.

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Chapitre 2 : REVUE DE LITTÉRATURE

La prise de décision stratégique fait l' objet de nombreuses études qui peuvent être

réparties selon Elbanna (2006 : 2) en deux groupes: 1) les études traitant du processus par

lequel la prise de décision est effectuée ainsi que les facteurs qui l' influencent et 2) celles

s' intéressant au contenu de la décision stratégique (diversification, alliances, IVI, IDE, etc.).

D' après cet auteur, le processus de prise de décision stratégique et son contenu sont

généralement abordés de façon séparée par les chercheurs, alors qu' ils sont

complémentaires et que leur étude conjointe est nécessaire à la compréhension de la prise

de décision stratégique (El banna, 2006; Mintzerg et Waters, 1985). Afin de mieux

appréhender la prise de décision d' investissement9 direct en Chine, le processus de prise de

décision stratégique est analysé et son étude est suivie de celle sur le contenu de la prise de

décision: l' investissement direct étranger. Après la présentation de ces deux éléments, une

synthèse générale sur l' état de la question est réalisée.

9 11 est à noter que dans la suite du texte le terme «investissement » est sauf jndjcatjon contrajre synonyme d in ve ti sement direct à l'étranger.

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8

2.1. Le processus de prise de décision stratégique

La notion de prise de décision stratégique étant au cœur de cette recherche, il est

important de relever les éléments essentiels de la littérature qui y sont reliés. Ainsi, les

principales perspectives étudiant le concept à l'étude, les modèles fondamentaux d ' analyse

du processus de prise de décision et les facteurs infl.uençant significativement ce processus

sont étudiés. Il est par ailleurs préalablement nécessaire d'introduire les termes composant

le concept à l'étude afin de comprendre non seulement la raison pour laquelle la prise de

décision est un concept fondamental de la théorie des organisations mais aussi le fait que la

décision d'investir à l'étranger de façon direct soit reconnue dans la littérature comme étant

une décision stratégique (Brouthers et Nakos, 2004 ; Ghertman, 2004 ; Wallace et Fowler,

1997).

2.1.1. Décision et stratégie: deux termes indissociables

La décision peut être vue comme «un engagement spécifique à l ' action»

(Mintzberg et al., 1976: 246), faisant référence «au fait que les individus ou les

organisations, en suivant le chemin d'une action, renoncent à d'autres actions» (Aharoni,

1966 : 15). Dans la théorie classique, elle est considérée comme le résultat d'un processus

logique « au bout duquel les doutes disparaissent et les actions commencent» (Aharoni,

1966 : 14). Mais, la complexité des organisations remet en cause cette vision et amène une

autre conception de la prise de décision comme:

A continuous dynamic social process of mutuaI influences among various members of an organization, constrained by the organization's strategy, its resources, and the limited capacity, goals, and needs of its member throughout which choices emerge. (Aharoni, 1966 : 15)

Le terme de décision est d'après Wallace F owler (1997 : 2) intrinsèque au concept de

stratégie. La stratégie permet selon Chandler (1962) de déterminer les objectifs et les buts

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9

fondamentaux à long terme d'une organisation et consiste également à choisir les modes

d'actions et les ressources nécessaires permettant de les atteindre. Les deux termes sont liés

non seulement parce que la stratégie requiert que des décisions soient prises mais aussi

parce qu'elle peut être vue comme ayant lieu dans les flux de décisions (Mintzberg, 1978

cité par Wallace Fowler, 1997 : 2). Une décision stratégique est d'ailleurs importante « en

termes d' actions prises, de ressources engagées ou de précédents» (Mintzberg et al. , 1976 :

246) et en «termes d'impacts et d'implications sur le long terme» (Hambrick et Snow,

1977: 109). Pour Elbanna (2006: 1), les décisions stratégiques entraînent différents

arbitrages concernant le risque et sont entourées d' incertitude. De plus, elles concernent

généralement les dirigeants de l'organisation (Eisenhardt et Zbaracki, 1992), démontrent la

façon dont l'organisation gère sa relation avec l' environnement (Ginsberg, 1988), sont

imbriquées dans un contexte interne et externe à l'organisation (Pettigrew, 1992) et peuvent

être délibérées ou émergentes] 0 (Elbanna, 2006 ; Pennings, 1985).

2.1.2. Les perspectives théoriques du processus de prIse de

décision

Il est possible d'identifier deux approches dominantes dans la littérature sur la prise

de décision et son processus1]. La première a pour fondement la rationalité de la prise de

décision et les termes dérivés de cette notion, tandis que la seconde considère comme

politique la nature de la prise de décision (Eisenhardt et Zbaracki, 1992 ; Elbanna, 2006).

Ces deux approches sont présentées avant l'exposé des limites des écrits sur le sujet et leurs

avenues de recherche.

10 Mintzberg · et Waters (1985) apportent la notion de stratégie délibérée et émergente. La stratégie est ainsi considérée comme délibérée quand la stratégie qui est réalisée correspond exactement à tout ce qui a été prévu et attendu par la direction générale et qu 'aucun élément externe n'a affecté sa réalisation. Inversement, la stratégie est émergente lorsque aucune intention n'est préalablement formulée et qu 'elle émerge des actions des niveaux opérationnels. L'absence d' intention ou l' absence d' influences externes sont cependant difficilement concevables dans la réalité (Mintzberg et Waters, 1985), ce qui fait que les stratégies sont généralement à la fois délibérées et émergentes. Selon Pennings (1985), les notions « délibérée» et « émergente}) sont également applicables aux décisions. " 11 est à noter que cette classification a été réalisée pour cette étude d'après les écrits portant sur la prise de décision stratégique.

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10

2.1.2.1 . . La rationalité à la base du processus de prise de décision

La théorie économique classique considère les individus comme rationnels et a donc

développé un modèle de prise de décision dans lequel les décideurs et les processus

répondent à cette logique. Dans le modèle rationnel, les décideurs connaissent leurs

objectifs, rassemblent l' information, réalisent une analyse complète de l ' environnement,

des capacités et des compétences de l ' organisation, développent toutes les alternatives

possibles et établissent un plan d ' action correspondant aux objectifs fixés (Eisenhardt et

Zbaracki, 1992). Toutefois, certains auteurs considèrent que l ' environnement complexe

dans lequel évoluent les organisations dépasse les capacités cognitives du preneur de

décision (Cyert et March, 1963). La rationalité limitée des décideurs entraîne donc

l' utilisation de biais cognitifs, de processus de simplification ainsi que la notion de

satisfaction plutôt que celle de maximisation (March et Simon, 1958; Schwenk, 1985,

1986). Pour Allison (1971), si la prise de décision n ' est pas fondamentalement rationnelle,

son processus l' est et sa rationalité est donc procédurale (Dean et Sharfman, 1993, 1996) :

extent to which the decision process involves the collection of information relevant to the decision and the reliance upon analysis of this information in making the choice. (Dean et Sharfman, 1993 : 589)

Mais d ' après Snyman et Drew (2003 cités par Elbanna, 2006 : 3), le processus de

prise de décision est limité non seulement par des réalités cognitives mais aussi par des

réalités politiques. Ces derniers sont d'ailleurs à la base de la seconde approche théorique.

2.1.2.2. Le caractère politique du processus de prise de décision

Les comportements politiques sont reconnus par les chercheurs comme un aspect

inhérent au processus de prise de décision (Schwenk, 1995). Cette perspective est basée sur

le fondement suivant: le fait que lorsqu'un individu pense qu'il va être affecté par le

résultat de la décision, il va dès lors chercher à influencer son processus (Elbanna, 2006 :8) .

. Le processus de prise de décision subit donc de nombreuses influences et les décideurs

Page 17: La prise de décision stratégique : l'investissement direct ... · PDF file2 Définition de l'IDE: « investissement qu'une unité institutionnelle [comme une entreprise] résidente

Il

doivent s'engager dans des jeux politiques car la décision adoptée est celle de la coalition

dominante (Eisenhardt et Zbaracki, 1992). Selon Elbanna (2006 : 8), deux courants existent

au sein de cette perspective. Le premier examine uniquement les ' jeux politiques à

l'intérieur de l'organisation, que ce soit entre les différents membres de celle-ci ou entre les

unités la composant. Le second adopte quant à lui une approche plus générale, en incluant

non seulement les acteurs internes mais également les acteurs externes à l'organisation

comme les clients, les concurrents, le gouvernement, etc.

2.1.2.3. La rationalité de la prise de décisions: limites et avenues de

recherche

La remise en cause de la rationalité entraîne l' émergence de nouveaux concepts

comme l' intuition12, qui fait l'objet de récentes études. Certains auteurs considèrent en effet

que les décideurs, n'ayant pas toute l' information et les moyens nécessaires pour prendre

des décisions, se reposent sur d' autres éléments. Même si les études sur l' intuition souffrent

d'un manque de preuves empiriques, ce concept permet de donner d'après Eisenhardt et

Zbaracki (1992), une vue plus réaliste de la prise de décision.

De façon générale, l' approche « rationnelle» de la prise de décision se focalise sur

la cognition du décideur et isole la prise de décision de l'environnement dans lequel celle-ci

est effectuée. Même si la perspective « politique» n'évacue pas totalement le concept de

rationalité et que cette notion sera reprise dans les questions de recherche, elle confère plus

d' importance, notamment grâce à son second courant, à ce qui influence et rentre en

compte dans le processus de prise de décision. Ces derniers éléments étant au centre de

cette recherche, la perspective politique est adoptée pour la suite de l'étude. Les différents

modèles, étapes et influences du processus de prise de décision issus des chercheurs de

cette perspective sont donc présentés.

12 L' intuition est un concept di fficil e à définir mais qui peut être vu comme le fait de « de penser inconsciemment à certaines choses et le fait qu 'elles viennent à l' esprit quand cela est nécessaire» (Burke et Mill er, 1999 : 1). L' intuition repose notamment sur « un e connaissance intime et profonde de la situation à laquelle doit faire face Je décideur » (Elbanna, 2006 : 10), ainsi que ur l' e, péri ence, le jugement et l' instinct.

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12

2.1.3. Les processus de prise de décision: composants et modèles

Les prIncIpaux éléments de la littérature concernant le processus de pnse de

décision stratégique et ses composants sont présentés avant d'exposer le modèle de

processus de décision d' investissement direct à l' étranger d'Aharoni (1966).

2.1.3.1. Les composants du processus de prise de décision stratégique

Dans sa revue de littérature sur les processus de pnse de décision stratégique,

J ocumsen (2004 : 662-664) indique que les composants du processus sont tous décrits en

termes « d'étapes, de phases et d 'actions réalisées» 13. Différentes étapes sont recensées par

l' auteur comme: l'émergence du besoin de prendre la décision; le diagnostic - une réunion

initiale et la collecte d' informations -; l'analyse, le développement, l '·évaluation et la

sélection des alternatives ; l' émergence de la décision souhaitée et un engagement envers

celle-ci. Les chercheurs doivent cependant composer avec la nature complexe, dynamique

et itérative du processus. En effet, trois éléments majeurs ressortent des études: 1) la

difficulté d' identifier l' instant où ·la décision finale est prise ; 2) les nombreuses

interférences subies par le processus en raison des délais, des échecs, des nouvelles

solutions, des interruptions, etc. ; 3) l'impossibilité de séquencer de façon précise les

différentes étapes car celles-ci se chevauchent, se répètent, sont omises, etc. (Aharoni,

1966 ; Jocumsen, 2004; Mintzberg et al., 1976: 1). Deux étapes sont toutefois

incontournables selon Jocumsen (2004) : l ' initiation du processus de prise de décision et

l' engagement envers la décision finale. Entre ces deux étapes, qui représentent le début et la

fin du processus de prise de décision, il existe une « zone intermédiaire », composée de

différentes actions ayant lieu de façon itérative et dont le contenu est débattu par les

chercheurs.

1] Pour plus de détails sur les recherches associées au processus de prise de décision voir en annexe C pp. 90-91 les tableaux récapitulatifs extraits de l'article de Jocumsen (2004).

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13

2.1.3.2. Les modèles de prise de décision d'investissement à

l'étranger

Deux modèles sont reconnus dans la littérature afin d'étudier les décisions

d'investissement à l'étranger: 1) le processus de prise de décision stratégique de Mintzberg

et al. (1976) qui a été utilisé par Larimo (1995) dans son étude sur les décisions

d'investissements à l'étranger et 2) le processus de prise de décision d'investissement à

l'étranger d' Aharoni (1966). Ces deux modèles, qui mettent en avant trois phases, dont une

correspond à l'initiation du processus et une autre à l'engagement envers la décision finale

d'investissement, divergent quelque peu dans la composition de leur phase intermédiaire 14.

Alors que Mintzberg et al. (1976) font de leur phase principale la recherche et le

développement de solutions et d'alternatives, ces éléments ne sont pas autant soulignés

dans le modèle de Aharoni (1966). Ce dernier insiste plus sur le caractère émergent de la

décision d'investissement, celle-ci résultant d'avantage selon lui des différentes actions de

l'organisation et d'un éventuel apprentissage que d'une sélection 15. L'apprentissage est

d'ailleurs un terme qui ressort des études sur le développement à l'international dans les

marchés émergents (Jansson et Sandberg, 2008 ; Johansson et VahIne, 1977) et en Chine

car les entreprises connaissent peu l'environnement de ce pays (Zhang, 2007 : 756). Par

ailleurs, Aharoni (1966) indique que peu d'alternatives concernant le choix du pays ou la

forme d'investissement sont développées, ce· qui est confirmé par d'autres études

empiriques sur le processus de prise de décision d'investissement à l'étranger (Bjorkman,

1989 cité par Woodside et Kandikoo, 1991; Larimo, 1995). Compte tenu des résultats des

études empiriques et du type de décision stratégique étudié dans cette recherche, la

présentation du modèle de processus de prise de décision d' Aharoni (1966) est privilégiée

par rapport à celui de Mintzberg et al. (1976). Toutefois, les éléments de la phase

intermédiaire liés à ce dernier ne sont pas pour autant écartés pour la suite de l'étude.

14 Les trois phases du modèle de Mintzberg et al. (1976) sont l'identification, le développement et la sélection. Le modèle est disponible e·n annexe 0 p. 91. La première et la dernière phase sont comparables à celles d 'Aharoni (1966) et correspondent également aux deux phases incontournables de la littérature sur les décisions stratégiques: l'initiation du processus et la prise de la décision finale avec l'engagement envers celle-ci. 15 La sélection peut se faire de plusieurs façons dans le modèle de Mintzberg et al. (1976) : par la négociation, Je jugement et les analyses.

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14

2.1.3.3. Le modèle de processus de prise de décision d'investissement à

l'étranger d'Aharoni (1966)

Le modèle d' Aharoni (1966), constitué des trois phases - 1) la décision de se

tourner vers l'étranger, 2) l'investigation et 3) la décision finale d'investissement -, a été

élaboré d'après l'étude de 38 entreprises manufacturières américaines ayant investi en

Israël.

La première phase (1) correspond à l'initiation du processus. Elle est entraînée par

des facteurs initiatiques qui poussent l'entreprise à se tourner et à regarder vers l'étranger et

entraînent également la mise en place de ressources pour mettre en application cette

décision. Les facteurs initiatiques peuvent avoir plusieurs origines (Aharoni, 1966 : 54-55) :

une proposition extérieure, la peur de perdre un marché en raison du protectionnisme, un

haut dirigeant qui pense qu·'il faut investir à l'étranger, une forte compétition sur le marché

domestique venant de l'extérieur ou encore le bandwagon efJect qui se définit comme :

« imitating the commitment of a leader on the grounds that one is less vulnerable if his

exposures are the same as those ofhis principal competitors » (Aharoni, 1966: 66).

La seconde phase (2), qui peut être assimilée ' à la «zone intermédiaire»

mentionnée plus haut, traite de l'évaluation des possibilités et des opportunités et est

divisée en trois sous-étapes itératives: a) une revue succincte des indicateurs d' attraction

de l'investissement potentiel - indicateurs politiques, sociaux, économiques, légaux -; b)

une investigation d'un nombre limité de possibilités - évaluation et analyse subjectives des

possibilités - et c) la présentation des résultats à la hiérarchie. Un apprentissage

organisationnel peut avoir lieu parallèlement à la phase d'investigation. Cet apprentissage

résulte notamment des informations collectées et des expériences de 1.' organisation sur le

terrain.

La dernière phase, la décision d'investissement (3), émerge dans le temps. Celle-ci

est le résultat d'un ensemble de petites actions et du développement d'un engagement

(Aharoni, 1966: 123). Il est possible de représenter les trois étapes principales du

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15

processus de prise de décision d'investissement à l'étranger d'Aharoni (1966) comme ci­

dessous:

Schéma 1 : Les principales étapes du processus de prise de décision d' Aharoni (1966) et

leur composition

, - - - - - - - - - - - - - - - - -, Dé dsi an de se t aurne r ve ri l' étrmge r ~----------------~

• F acte urs initiatiques

• lvlise à disp osition de ressources

t--------.. Inve5ti~atiDn ~----------------~

--- ____ 0 _1

• Re vue des indic ateurs d' attractio n • Inve stigation cl' un nornbre limité de possibilités

• Présentatiot"J. de s résultats à la hiérat·chie • Apprentissage

( - - - - - - - - - - - - - - - -, (~~ - - _D~c~i~n ~l'~n~~~e~~~ - - ~l

• Emerge dans le temps • Ré sultat de r ensenlble de s actions

~ • Développement cl' un e ngageluent ..J

Inve Sti55 ement o dire ct à l'étrange r 0

Source: schéma réalisé pour l 'étude

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16

2.1.3. '. Principales limites du modèle et leurs implications

Même si le modèle d'Aharoni (1966) traite du processus de prise de décision d'une

. décision stratégique particulière, soit l' investissement direct à l' étranger, peu de spécificités

liées aux IDE ressortent. L'auteur ne mentionne pas par exemple les considérations prises

en compte lors de cette décision et ne donne aucun détail sur sa composition alors que le

processus amène à une décision finale précédant la réalisation de l' investissement16. Cette

première limite renforce donc la nécessité de présenter, dans une seconde partie de la revue

de littérature, le contenu de la prise de décision soit les IDE. Un autre élément peut limiter

la portée du modèle: sa date d' élaboration. En effet, en raison de l' évolution rapide de

l' environnement entourant les organisations, ce modèle ne prend peut-être pas en compte

certains facteurs initiatiques actuels. De plus, le modèle d' Aharoni (1966) a été élaboré à

partir des processus de prise de décision de grandes entreprises et non de PME et les

caractéristiques des organisations peuvent entraîner des différences dans la prise de

décision et son processus (Coviello et McAuley, 1999; Zacharakis, 1997). Il serait donc

intéressant de savoir quels sont les facteurs initiant le processus de prise de décision et si le

fait que ce soit des PME affecte la composition du processus ou l' émergence de la prise de

décision.

D'autre part, le contexte dans lequel la décision est prise n' est que peu étudié dans

le modèle d'Aharoni (1966). Certes, l' auteur (Aharoni, 1966: 57) indique que la prise de

décision est un processus social complexe, ancré dans des situations et dépendant de

différentes circonstances, de l'environnement, de l'organisation elle-même et des traits

personnels des individus y participant. Mais il ne détaille pas les influences subies tout au

long du processus de prise de décision et les facteurs l' influençant ne ressortent que peu,

mis à part pour l'initiation du processus. Pourtant, les chercheurs s'accordent sur

l' importance du contexte lors de la prise de décision et cela tout au long du processus

(Hambrick et Snow, 1977 ; Jocumsen, 2004 ; Wallace Fowler, 1997). Afin de mieux

16 Aharoni (1966) ne donne que peu d'explications sur la décision finale d ' investissement. Certes, celle-ci émerge des actions de l'organisation, mais étant donné que ]a décision finale précède ]a réalisation de l' investissement, on peut supposer que l' entreprise connai sse la façon dont va être réalisé l'investissement.

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17

appréhender la prise de décision d' investissement direct à l'étranger par les PME, les études

permettant de compléter le modèle d' Aharoni (1966) sont présentées.

2.1.4. Les éléments influençant le processus de prise de décisions

D 'après Hambrick et Snow (1977), afin de comprendre les raisons pour lesquelles

une décision est prise, il est nécessaire de connaître le contexte qui l ' a entourée. Il est

généralement entendu par le terme « contexte », le contexte externe et interne (Jocumsem,

2004). Au sein du contexte interne, des éléments liés au décideur sont parfois inclus.

Toutefois, compte tenu de la place importante qu' occupe le décideur dans la littérature sur

le contexte entourant le processus de prise de décision, il est considéré comme un élément à

part entière (Schwenk, 1995).

2.1.4.1. Le contexte externe

Différents éléments externes à l ' organisation influencent le processus de prise de

décision lors d'investissement à l ' étranger comme : l 'économie domestique, la disponibilité

de la main-d' œuvre et des matières premières, la technologie, la législation des pays,

l ' économie mondiale et la conception de l'environnement futur 17 (Dean et Sharfman, 1996 ;

Hitt et Tyler, 1991 ; Peffer et Salancik, 1978 ; Wei et Christodoulou, 1997). Le bandwagon

effect (Aharoni, 1966) illustre également le fait que des éléments reliés à l ' environnement

externe direct de l' organisation 18, comme le comportement des concurrents, exercent une

influence sur les décisions.

17 Il est à noter que la conception de l'environnement futur est influencée par: l'évolution du libre échange, de l' économie mondiale et domestique, de la politique domestique et des relations avec le pays hôte, etc. 18 L'environnement direct correspond au concept de « tâche de l' environnement» (environment task) de Thompson (1967). Elle se définit comme l' ensemble des parties prenantes externes à l'organisation avec lesquell es celle-ci a l' habi tude d ' interagir, notamment les clients, les fo urni sseurs et les compétiteurs (Thompson, 1967: 27).

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2.1.4.2. Le contexte interne

Concernant les éléments liés au contexte · interne, le caractère familial de

l' organisation, son expérience, sa situation actuelle, sa performance, sa taille, etc. , sont des

facteurs ayant un impact sur la prise de décision et son processus, notamment lors

d' investissements à l ' étranger (Wei et Chrisoudoulou, 1997). J ocumsen (2004) indique

aussi que les compétences de l'organisation ont une influence sur le processus et ses étapes ;

des compétences qui peuvent être apprises - «la rationalité, le formalisme, les outils

analytiques et les rapports écrits» - ou innées - «l ' instinct, l ' intuition, la créativité,

l'heuristique et la réflexion stratégique» - (Jocumsen, 2004: 664). Au sein de

l 'organisation, le décideur et notamment ses caractéristiques ont aussi un rôle important

dans le processus de prise de décision, particulièrement lors du développement à

l'international des PME (Khayat, 2004 : Il).

2.1.4.3. Le décideur

D'après la perspective de l' échelon supérieur (UE: upper echelon), les décisions

adoptées reflètent les caractéristiques des décideurs comme: l' âge, les valeurs, les

responsabilités, l ' expérience professionnelle et opérationnelle, les influences qu' il reçoit de

son réseau et de son entourage, etc. (Pansiri, 2007). D' autant plus que ces caractéristiques

affectent la façon dont ils interprètent l'environnement (Hambrick et Mason, 1984;

Hambrick et Snow, 1977; Schwenk, 1995). La rationalité limitée du décideur entraîne

également des processus de simplification et la présence de biais cognitifs (Mintzberg et al. ,

1976 ; Schwenk, 1995 ; Wallace Fowler, 1997). Par ailleurs, relativement aux processus de

prise de décision stratégique à l' étranger, l'attitude par rapport au risque est · aussi à

considérer (Hitt et Tyler, 1991 ; Pansiri, 2007).

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2.1.4.4. Synthèse des éléments influençant la prise de décision

La nécessité de connaître et de comprendre le contexte général dans lequel la

décision est prise ressort des différentes études sur les éléments influençant le processus de

prise de décision. Il serait cependant intéressant de connaître les facteurs qui influencent le

plus la décision d ' investissement à l' étranger des PME québécoises, si ce sont surtout les

éléments externes, internes ou liés au décideur. Il est par ailleurs important de noter que

l' influence de l' environnement externe et le rôle central du décideur s' inscrivent dans les

tendances des récents modèles sur la prise de décision, comme les modèles du choix

stratégique et du contrôle externe. Dans le modèle du choix stratégique, le décideur est au

cœur de la prise de décision (Carpenter et al. , 2004), alors que dans le modèle du contrôle

externe, les décisions sont principalement contraintes par l' environnement (Ritt et Tyler,

1991 ).

2.1.5. Synthèse de la littérature sur le processus de prise de

décision

L'aspect complexe, dynamique et surtout itératif du processus de prise de décision

est mis en avant dans les différentes études sur la prise de décision stratégique. Bien que la

composition de la « zone» située entre l' initiation du processus et la prise de décision

finale soit débattue par les chercheurs, Aharoni (1966) apporte un éclairage intéressant s'ur

celle-ci. Il indique en effet que les entreprises envisagent peu d' alternatives et que la

décision ém.erge des actions et de l'apprentissage de l' organisation. Même si le concept de

rationalité n' est pas au cœur de l' étude, compte tenu de son importance dans la littérature

sur la prise de décision stratégique et des éléments apportés par Aharoni (1966), la

rationalité procédurale de la prise de décision d ' investissement cl l' étranger suscite l' intérêt.

D' autre part, le modèle d' Aharoni (1966) ne détaille que peu les éléments

contextuels influençant le processus, alors que les écrits indiquent que le processus ne peut

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se détacher du contexte dans lequel la décision est prise. Les principaux éléments liés au

contexte - externe, interne, caractéristiques du décideur - l'affectant ont donc été présentés

afin de compléter le modèle d' Aharoni (1966) et ainsi mieux appréhender la prise de

décision d' investissement à l 'étranger. Toutefois, les recherches sur les modèles et les

éléments contextuels influençant les processus de prise de décision stratégique et

d' investissement à l' étranger étudient principalement les grandes entreprises et les

institutions gouvernementales (Eisenhardt et Zbaracki, 1992). Il serait donc intéressant de

voir, à l' aide des questions de recherche, si le processus de prise de décision d'une PME est

comparable à celui évoqué dans le modèle d'Aharoni (1966) et de connaître les principaux

facteurs contextuels influençant leur prise de décision.

Par ailleurs, même si le modèle d'Aharoni (1966) spécifie le type de décision étudié,

il reste très gépéral et rend nécessaire l' étude des IDE. Une étude de Wallace Fowler (1997)

sur les décisions d' investissement risqué en Chine permet cependant d' apporter quelques

éléments plus spécifiques à cette recherche. Il ressort de l'étude que le potentiel du marché

intérieur, la croissance économique, une attitude positive du dirigeant/décideur par rapport

à un investissement en Chine et le comportement des concurrents, sont les principaux

éléments initiant la prise de décision. De plus, l' auteur indique que les gestionnaires se

reposent d' avantage sur leurs intuitions que sur des analyses formelles lors de décision

d' investissement risqué, ce qui ne fait qu'accentuer l'intérêt d'une question ultérieure sur la

rationalité du processus de prise de décision. Concernant les facteurs d' influence, le fait que

de nombreuses entreprises investissent en Chine a été relevé comme ayant un impact sur la

prise de décision. Il est également à noter que la perception des décideurs du risque de ne

pas aller en Chine était considérée comme plus grande que celle d'y aller. Les résultats de

l'étude de Wallace F owler (1997) permettent de compléter les principaux éléments évoqués

jusqu'à maintenant comme étant liés à la prise de décision d'investissement à l' étranger. Il

est possible de regrouper ces éléments (voir schéma ci-après) sous les deux dimensions

fondamentales de la littérature sur la prise de décision stratégique : le processus de prise de

décision (composition et étapes) et les facteurs contextuels influençant ce processus.

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Schéma 2: Dimensions liées à la prise de décision d'investissement direct à l ' étranger

f' - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -\ ,.. _____ 1 Facteurs ccntexluels influençant le pracessus 1 _____ ~

~ ------------------------ , , ~

Il .__------------'"'""i( Externe '.

• Environnement direct: comportements des concurrents (bandwagon)7 clients, fo urniss~ urs • Environnement natiç.nal : évoh.ti-on du marché, économie domestique • Environne ment international : comp étitio n internationale, potentie 1 du marché chinoi s

Interne

• Proprié té, structure, t aill e, exp éri e nc e, p erf orm anc e,. hi sto ire

Détideur

• Caractéristiques : âge,. exp érie nce, aversion au risque, valeur~, intuition, rati onalité limité e • Influenc e s subies : entourag e, ré se au, société

\ • Perception du risque : risque de ne pas investir en Chine f , ~

',-----------------------------------~~

~-------------.....

1 Prccessus de prise de déci sian 1 ,~--------~ _____________ r--------~~ , ,

l ,

1 Décisian de se taurner verslll!trmg~r , 1 1 r • Facteurs initiatiques : opportunité représentée par le marché chinois, proposition

\ , "

extérieure, souhait du <iirigeant, intensification de la concurrence, bandwagon effect • Mise à disposition des l-essources

Z Dne inte rme diaire

• Revue : des indicateurs d'attraction (tnarché potentiel) • Inve stigati on ct' un nombre lirrlité de possibilité

• Apprentiss age : détnarches et acti ons • Prés entation de s ré sultats à la hiérarchie

.J." r .. · ·~ e cisian d'investis sement

[

,,-----.-E-rn-e-r-g-e-d-a-n-"s 1 e temE s : résult at de l' ens emb 1 e de s ac tion s '].i 1

.. Développement d'un engagement ~ ,-

'-------------1 ----------------------'---..,... ." " .... _------Inve!lti!llement direct i l'étranger

21

Source: schéma réalisé pour l 'étude

Page 28: La prise de décision stratégique : l'investissement direct ... · PDF file2 Définition de l'IDE: « investissement qu'une unité institutionnelle [comme une entreprise] résidente

22

2.2. Le contenu de la prise de décision stratégique: l'IDE

Une étude conjointe du contenu de la prise de décision se révèle nécessaire afin de

mieux appréhender ce qui amène les PME à décider de réaliser des investissements directs

en Chine. Il est à noter qu'afin de compléter le modèle d' Aharoni (1996), seuls les

principaux éléments de la littérature liés aux IDE et pris en compte lors de ce type

d' investissement sont présentés. D' après Hilmi et al. (2007 : 244), la réalisation d' IDE

dépend de trois éléments: le risque perçu, les motivations des organisations et les

spécificités contextuelles. Ces dernières correspondent aux éléments évoqués dans la partie

précédente (contexte externe, interne et le décideur) et ne sont donc pas réétudiées. Par

contre, même si les risques perçus par le décideur ont été mentionnés comme influençant la

prise de décision, ils n'ont pas été détaillés. Ces derniers sont donc présentés après une

introduction sur les IDE. Par la suite, une revue des principales motivations théoriques

expliquant la réalisation des IDE et le choix de la forme adoptée est réalisée et précède la

présentation d'un cadre d 'analyse des IDE apporté par Dunning (1980).

2.2.1. L'investissement direct à l'étranger: définition et modes

d'investissement

L' IDE est un moyen par lequel une entreprise peut se développer à l ' étranger.

Contrairement à d'autres modes de développement comme l'exportation directe de produits,

la licence ou la franchise, les IDE demandent par leur définition (ci-après), un niveau élevé

de ressources et d'engagement:

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Investissement qu'une unité institutionnelle [comme une entreprise] résidente d'une économie effectue dans le but d'acquérir un intérêt durable dans une unité institutionnelle résidente d'une autre économie et d'exercer, dans le cadre d'une relation à long terme, une influence significative sur sa gestion. Par convention, une relation d'investissement direct est établie dès lors qu'un investisseur acquiert au moins 10 % du capital social de l'entreprise investie [ ... ]. (INSEE, 2008 19

) .

23

Afin de réaliser un IDE, trois modes sont possibles: la joint venture internationale;

la création d'une filière à parts entières à l'étranger jusqu'alors inexploitée (greenfield

operation) et la fusion/acquisition d'une entreprise locale (Harrison, 2004 : 100). Ces deux

derniers modes sont souvent étudiés conjointement dans la littérature et sont regroupés sous

le terme de «filiale à parts entières» (Brouthers et Hennart, 2007). Une filiale à parts

entières est une entité dont le capital est détenu à 100% par une entreprise. La Jy20 est

quant à elle: « a pooling of assets in a common and separate organization by two or more

firms who share joint ownership and control over the use and fruits of these assets » (Kogut

et Singh, 1988: 412). Le terme de JY « internationale» est employé, lorsque le SIège social

d'au moins une des deux entreprises est situé en dehors du pays dans lequel

l'investissement est réalisé (Shenkar et Zeira,1987 : 547).

D'après Hennart (1991) et Kogut (1988), la JVI est un mode privilégié dans le cas

de nouveaux investissements dans les pays émergents car il permet aux entreprises

étrangères, en plus de partager les risques liés aux transactions internationales, d ' accélérer

la pénétration du marché locaL Les entreprises étrangères étant principalement attirées par

la taille du marché intérieur chinois (Globerman et Shapiro 2003 ; Holland, 2000 ; Shen,

2006), elles souhaitent s'appuyer sur un partenaire locae1 pour le pénétrer plus rapidement.

Leur partenaire leur permet en effet de : se procurer des connaissances sur le marché local

19 A noter que cette citation provient de la page Web de l' Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Voir en bibliographie le site Internet duquel est tirée cette citation. 20 11 existe deux types de JV : la JV en capital et la JV contractuelle. Dans le premier type, la coopération entre les firmes prend la forme d ' une nouvelle entité créée conjointement, d ' une coentreprise. Dans le second, la coopération prend la forme de différents accords entre les entreprises afin de collaborer, de partager des technologies, etc. , mais cela sans former de nouvelle entreprise ou d ' échange de capital (Gutidon et Melou, 2002 : 17 ; Ott, 2006). Dans le cadre de cette étude, compte tenu de la définition du terme IDE, seules les coopérations avec échange de capital , les JV en capital sont considérées. 2 1 Concernant les motivations des partenaires locaux, ceux-ci forment des JVl avec des multinationales étrangères afin de : se mettre à niveau technologiquement (Beamish, 1993 ; Hendryx, 1986), être profitables (Shenkar, 1990), acquérir des compétences (Pearson 1991 ; Yan et Gray, 1994), améliorer l'exposition au taux de change grâce à l'export (Child et al. 1990) et maintenir leur position sur le marché (Dong et Glaister, 2006).

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24

et sur la façon de faire des affaires et de faciliter les relations avec le gouvernement (Haley,

2003 : 248 ; Inkpen et Beamish, 1997). Les JVI occupent de ce fait une place importante

dans les écrits sur les IDE en Chine (Li et Clarke-Hill, 2004). Même s' il n ' est pas présumé

que cette forme d' investissement soit celle privilégiée par les PME québécoises, une

attention particulière lui est accordée de par son caractère incontournable dans la littérature

sur les nouveaux investissements directs étrangers en Chine.

Après avoir présenté les di-fférents modes d ' investissement, il est important, afin de

mieux appréhender les IDE, de connaître ce qui est pris en compte lors de cette décision et

de présenter notamment les risques22 liés à ce type d ' investissement.

2.2.2. Les risques lors d'IDE et d'IDE en Chine

Miller (1992) identifie dans son cadre conceptuel trois dimensions du risque lors du

développement international des entreprises (Ketata, 2006) : 1) l' environnement général -

l' env~ronnement politique et social, les conditions macro économiques, la législation et les

risques naturels - ; 2) l ' industrie - les fournisseurs, la demande et la compétition - et 3)

l' entreprise.- la production, la technologie, la finance et la gestion - la production, la

technologie, la finance et la gestion -. Les écrits sur les IDE en Chine permettent de

spécifier les risques auxquels les entreprises font face lors d'investissement en Chine.

L' environnement économique chinois (1) est considéré dans les écrits comme volatile, en

dépit des réformes mises en place (Haley, 2003 ; Haley et al. , 2006 ; Li et Filer, 2004). Il

est notamment caractérisé par: l ' instabilité structurelle de l'industrie, la non vérifiabilité de

l' information, le non respect des lois, la faible protection de la propriété intellectuelle

(Boyd et al , 1993 ; Luo, 2007), les nombreuses interventions gouvernementales (Osland et

Cavusgil , 1996) et une corruption importante (Li, 2005). Concernant l' industrie (2), des

études relatent de l' émergence de compétiteurs chinois, même si ce sujet est l ' objet de

22 Dans cette étude; Je risque est considéré comme: « la probabilité d 'échec d'un investissement» (Spalding, 2007 : 2] ), « une variation négative ou non anticipée des revenus, des coûts, des profits, des parts de marchés» (Ahmed et al. , 2002 : 805) et comme une construction subjective (Das et Teng, 2001 ).

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25

débat23, et un seul risque lié à la firme (3) est depuis peu souligné par les chercheurs : la

difficulté d'estimer la taille réelle de son marché potentiel en Chine (Beamish et Jiang,

2002 ; Haley, 2003).

Compte tenu d'une propriété mixte, les JVI permettent de partager les risques liés

aux transactions internationales (Beamish et Banks, 1987 ; Delerue, 2005). Toutefois, elles

engendrent également par leur nature coopérative des risques relationnels24 (Das et Teng,

1996 ; Delerue, 2005 ; Haley, 2003 ,; Ring et Van de Ven, 1992). Un des principaux risques

relationnels évoqués dans les études sur les JVI en Chine est le « risque de dissémination »,

qui correspond à la perte d'un avantage compétitif (Brouthers, 1995 : 12 cité par Das et

Teng, 1996: 831 ; Kale et al. , 2000). Différentes études indiquent d ' ailleurs que les

entreprises étrangères sont « pressées» pour leur technologie (Child, 2002 ; EDC, 2007 ;

Jiang, 2006). Selon plusieurs auteurs, la Chine s'est en effet appuyée sur ce mode

d'investissement étranger pour acquérir de la technologie et souhaite que des transferts

technologiques aient lieu (Kim, 1996), ce qui peut expliquer les nombreuses interventions

du gouvernement réalisées dans ce sens (Ahmed et al. 2002 ; Holland, 2000).

Selon Haley (2003) et Luo (2007) l ' environnement économique chinois, du fait de

sa volatilité, ne présente que peu de conditions incitant à la réalisation d ' investissements

directs étrangers25. Ce pays attire pourtant énormément d' IDE. Les bénéfices potentiels

importants représentés par un vaste marché intérieur diminuent peut -être la perception du

risque des entreprises ou, comme certaines l'ont indiqué, le potentiel est tel qu'elles ne

23 En effet, alors que certains auteurs considèrent la montée en puissance des multinationales chinoises (Bearriish et Jiang, 2002 ; Miskewicz, 1998), d'autres indiquent que l' incapacité des entreprises locales à développer leur propre technologie, à établir des marques et à réaliser des investissements à l' étranger est un frein à leur compétitivité mondiale (Alstrom et al. , 2006 ; Gilboy, 2004 ; Huang, 2003). 24 Les deux dimensions du risque à considérer lors d'alliances stratégiques sont la dimension compétitive (le risque de performance) et la dimension reliée à la coopération (Je risque relationnel entre les finnes). Les risques relationnels sont liés au déroulement de la coopération entre les partenaires (Das et Teng, 1996 : 830). Même si peu d' études ont traité jusqu' ici de ce risque (Delerue, 2005), différents éléments ont été identifiés comme: la perte d'un avantage compétitif (Hamel , 1991), le manque de contribution d'un partenaire (Nooteboom et al. , 1997), l' adoption de comportements opportunistes (Williamson, 1975), la dépendance et le pouvoir dans les relations, les différentes motivations stratégiques (Dong et Glaister, 2006) et les conflits (Doz, 1996 ; Fréchet, 2002). 25 Des élélnents comme: un marché structuré, le respect des lois, la protection de la propriété intellectuelle, de nombreuses infrastructures, etc. sont des conditions favorisant la réception d'IDE (voir pour plus de détails Li et Fil1er, 2004).

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26

peuvent pas se permettre d' être absentes du marché chinois. Il serait donc intéressant de

voir quels sont les principaux risques identifiés par les entreprises et comment ils sont pris

en compte dans le processus de prise de décision. L'attrait du marché intérieur n ' explique

toutefois pas les motivations des entreprises à réaliser des IDE dans ce pays. Elles

pourraient en effet choisir un mode de développement international limitant son exposition

au risque, du fait d'un engagement moindre, comme l'exportation. Une revue des

motivations théoriques amenant la formation d' IDE est donc nécessaire.

2.2.3. État des théories sur les IDE

Compte tenu des nombreuses théories ayant étudié les IDE (Raff et al. , 2008),

seules les motivations amenées par les principales théories de la littérature expliquant les

IDE sont exposées. Il est d'ailleurs possible de classer ces motivations en trois catégories26 :

1) les motivations économiques ; 2) les motivations stratégiques et 3) les motivations liées à

l' environnement externe. Une attention particulière est portée aux motivations économiques,

car elles sont issues de la théorie dominante de la littérature, la théorie des coûts de

transaction (Brouthers et Hennart, 2007; Brouthers et Nakos, 2004; Kogut, 1988). Les

autres motivations et théories sont présentées quant à elles de façon plus succincte. Par la

suite, une synthèse des motivations théoriques est réalisée et un cadre d' analyse important

de la littérature, celui apporté par le paradigme éclectique de Dunning (1980) est présenté.

26 11 est à noter que cette classification a été réalisée pour l' étude. Afin de réaliser le classement des motivations théoriques et des théories qui y sont liées, c ' est la motivation dominante de chaque théorie qui a été prise en compte. Par exemple, la théorie du comportement stratégique apporte également une considération économique, mais cel1e-ci découle de ]' amélioration du positionnement stratégique de l' organisation. La motivation considérée comme dominante est donc la motivation stratégique.

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27

2.2.3.1. Les motivations économiques: la minimisation des coûts de

production et de transaction

Selon la théorie des coûts de transactio"n (Williamson, 1981), les entreprises ont le

choix entre plusieurs modes alternatifs pour échanger avec d' autres organisations: le

marché, la licence, le contrat d'approvisionnement, la joint venture, la filiale à parts

entières, etc. Les entreprises doivent selon cette . théorie, choisir le mode leur permettant de

minimiser non seulement leurs coûts de production mais aussi leurs coûts de transaction.

Les coûts de transaction réfèrent aux coûts engendrés par les échanges entre des sociétés

indépendantes. Ils sont définis par Kogut (1988) comme suit:

expenses incurred for writing and enforcing contracts, for haggling over terms and contingent claims, for deviating from optimal kinds of investments in order to increase dependence on a party or to stabilize a relationship and for administering a transaction (Kogut, 1988: 320).

D' après Brouthers et Nakos (2004), lors du développement international des

entreprises, des coûts de transaction (des coûts de contrôle notamment) sont engendrés par

la spécificité des actifs et l ' incertitude liée aux comportements des individus et à

l' environnement. Lorsque ' l ' entreprise possède une technologie et/ou des connaissances

uniques, elle doit prendre des pTécautions (engendrant des coûts) afin de les contrôler, car si

celles-ci tombent entre les mains de leurs concurrents, l ' entreprise perd son avantage

distinctif (Brouthers et N akos, 2004). Lorsque les actifs ont une spécificité élevée, le coût

de la perte peut être très important et il est donc nécessaire de les protéger par un contrôle

interne, c'est~à-dire en amenant l' activité sous un même contrôle et une même propriété

(propriété conjointe [JVI] ou partielle [filiale à parts entières]). Selon Kogut (1988), le

mode d' investissement et d'échange choisi (JVI ou filiale à 100%) peut alors résulter dans

ce cas des coûts engendrés par deux besoins opposés: le besoin d'accéder à des ressources

détenues par d 'autres et celui de protéger ses compétences distinctives. Concernant

l'incertitude, elle résulte tout d'abord du fait que les entreprises ' ne peuvent pas prévoir le

comportement des individus à l ' étranger qui peut se révéler opportuniste. Si J ' entreprise en

a la capacité, des moyens de contrôle interne doivent être mis en place afin de limiter ce

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28

type de comportement 27. L' incertitude environnementale est liée quant à elle à

l'environnement du pays hôte et à ses risques (cf. 2.2.2.). Lorsque l ' entreprise souhaite

exercer un certain contrôle sur ses opérations à l' étranger, elle doit engager des ressources,

ce qui augmente son exposition au risque. Lorsque l' incertitude environnementale est

élevée, l ' export, la licence ou le partage du risque avec un partenaire . dans une JVI sont

préférables à une filiale à parts entières d ' après la théorie des coûts de transaction.

La théorie des coûts de transaction est la théorie dominante expliquant les IDE. Elle

présente toutefois une limite importante: elle ne considère que les coûts comme source de

motivation et ne tient pas compte par exemple, contrairement à d ' autres théories, de la

stratégie de l' organisation.

2.2.3.2. Les motivations stratégiques: la recherche et le maintien de

connaissances, de ressources et l'amélioration de la position

conc urrentielle.

Les motivations stratégiques sont traitées principalement par trois théories: la

resource based view the ory, la théorie de l ' apprentissage organisationnel et la théorie du

comportement stratégique.

27 Il est toutefois à noter que les résultats empiriques indiquent que le contrôle interne sous forme hiérarchique (JV ou filial e à parts enti ères) donne le droit mais pas les moyens de contrôler les comportements. De plus lorsque l' entrepri se n ' a pas la capacité de mettre en pl ace des mécani smes de contrôle interne, elle a intérêt à confier la responsabilité à un agent externe (Gatignon et Anderson, ] 988). II est à noter que la limitation et la réduction des comportements opportunistes sont d 'avantage traitées dans la théorie de l' agence et la théorie comportementale. Toutefois, ces théories ne faisant pas partie des th éories principales de la littérature, elles ne sont pas présentées ici (voir Robson et a l. , 2002 pour des détails sur ces théori es).

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29

2.2.3.2.1 La recherche de ressources complémentaires pour

développer un avantage compétitif: resource based view theory

D'après Brouthers et Hennart (2007), la resource based view theory est la principale

théorie traitant des motivations stratégiques liées aux IDE. Cette dernière indique tout

d 'abord que les entreprises développent des ressources uniques qu' elles exploitent ensuite

dans des marchés étrangers. Mais celles-ci peuvent aussi réaliser un investissement direct

pour utiliser et profiter des ressources disponibles dans ces marchés (matières premières,

main-d'œuvre, etc.) et ainsi acquérir et développer de "nouveaux avantages (Luo, 2002).

Dans cette théorie, la JV permet par exemple, grâce à la mise en commun et à l' échange de

ressources (Robson et al. , 2002), de développer un avantage compétitif et d'obtenir ainsi

une performance supérieure à ce qu' elle aurait acquis seule.

2.2.3.2.2. Le maintien et la recherche de connaissances: la

théorie de l'apprentissage organisationnel

Selon l'approche de l'apprentissage organisationnel, les IDE peuvent être vus

comme un moyen de transférer de la connaissance tacite et des actifs intangibles afin de

s'établir à l' étranger et ainsi de les maintenir au sèin de l'organisation (Hymer, 1960 cité

par Séthi et al. , 2003). La JV, en plus de servir de véhicule de transfert et de maintien des

capacités (Hamel, 1991 ; Kogut, 1988 ; Lyles et Salk, 1996), permet parexemple d 'acquérir

la connaissance organisationnelle d 'une autre organisation. Même si l' apprentissage

organisationnel prône l'utilisation et l'échange de compétences et de connaissances, cette

approche souligne que les compétences fondamentales et distirictives doivent être protégées

pour ne pas être transférées au partenaire (Hamel, 1991).

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30

2.2.3.2.3. L'amélioration du positionnement concurrentiel : la

théorie du comportement stratégique

La théorie du comportement stratégique s' intéresse à l' augmentation de la valeur de

l'organisation par l' amélioration de sa position concurrentielle (Kogut, 1988). Le choix de

l' IDE permet par exemple à l' entreprise de faciliter son expansion internationale et de

rivaliser avec les compétiteurs existants (Contractor et Lorange, 1988 ; Harrigan, 1985). La

notion d' adéquation stratégique est très importante pour cette approche qui considère que le

mode de développement choisi est une réponse aux pressions de l ' environnement externe,

notamment celles des concurrents (Vaidya, 2006: 189). Ces pressions sont toutefois plus

détaillées dans la théorie institutionnelle qui apporte les principales motivations liées à

l' environnement externe.

2.2.3.3. Les motivations liées à l'environnement externe: les

pressions de l'environnement

La théorie institutionnelle part du fondement selon lequel des exigences sociales,

culturel~es et légales influencent les organisations, qui recherchent une légitimité sociale

(Di Maggio et Powell, 1983). Ce besoin de légitimité provoque une conformité dans les

formes et le comportement des entreprises ~ Cet isomorphisme peut être · de deux types:

coercitif ou mimétique (Di Maggio et Powell, 1983). L'isomorphisme coercitif résulte des

réglementations et des lois et peut être illustré par le fait que les entreprises forment des JVI

afin de se conformer à la législation du pays hôte (Contractor et Lorange, 2002 ; Killing,

1983). L' isomorphisme mimétique peut être quant à lui considéré comme une réponse

standard à l' incertitude, en adoptant par exemple le mode d'investissement d'une

organisation perçue comme ayant plus de réussite (Yiu et Makino, 2002), ou el? suivant les

changements dans la destination des IDE (bandwagon effect) , qui affectent toutes les

multinationales selon Freeman (1978 cité par Séthi et al., 2003).

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É cllnmni qUI!

Stratégique

En~rDIUlemmt

mlnll!

31

2.2.3.4. Synthèse des motivations théoriques liées aux IDE

Le tableau ci-dessous présente une synthèse des motivations théoriques amenées par

les principales théories de la littérature expliquant les IDE.

Tableau 1 : Synthèse des principales motivations théoriques liées aux IÙE

Thëorie des C ElÛts de transadian

Res SDlHce Based

Yi~Theory

Théorie de llap pl'mtism ge

Btiannel Théorie du

C DrtEmmt

ThéGrie ÏnstitntiDnnelle

Minimiser les coûts de production et de transaction Avoi r accès à des res sources po ssédées par d'autres

Partager les coûts et 1 es risques

Contrôler 1 es acti vités

Pro fi t er de s on avant age co rnp éti ti f Dét'el opp et" un avantage comp éti ri f

Bénéficier de la syne:rgi e des resso urees

I\llai nterur, acquérir, transférer et cléve10 pp er des connai. s s ances tac:i. tes

.iuné1i orer sa po siti on conculTenti eH e

Ri val i ser avec 1 es camp éti teurs exi stants

Rép on dre de façon stand ard à l'in certi tud e

Se confunner à 1 a légi slation du pays hôte

Coûts de transaction: incertiJude

protection diES actifs spéctjiCfU€s, œsoins de ressourCI2S, contrôlr2, etc.

AmntagrJs liés aux ressources :;Ymrgj~ tJl compMmtEntariM

des ressources

Compé tences et connaissances tacites

Apprentissage organisationnel

Positi OnnEm eni concurrentiel

ikl.équation orfPnisa tionnelle

PressioJ'JS I2xternes de l'~nUroPu"}jJment:

gouWTneme n1~ com porteme ms cks concwrents, él-vlution de l'industrie., etc

Source: tableau réalisé pour l 'étude

Les théories apportent un éclairage complémentaire sur les motivations liées aux

IDE et sur le choix du mode d'investissement, car aucune ne permet à la fois d'analyser les

motivations économiques, stratégiques et celles résultant de contraintes externes. Toutefois,

comme les études empiriques ayant vérifié les motivations théoriques suscitées ont

principalement traité de multinationales, il serait intéressant de savoir SI les PME

québécoises investissent de façon directe en Chine principalement : 1) pour des

considérations économiques , 2) pour obtenir un avantage concurrentiel ; 3) afin de

développer et transférer de nouvelles compétences ; 4) dans le but d'améliorer leur

positionnement concurrentiel ou 5) en réponse aux pressions de l'environnement externe.

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32

Un élément incontournable des écrits sur les IDE est également à présenter : le

paradigme éclectique « OLI » (Ownership) Location) Internalization) de Dunning (1980)28 . .

Ce paradigme apporte non pas une théorie mais un cadre d'analyse combinant plusieurs

aspects théoriques provenant de la resource based view theory (0), de la théorie

institutionnelle (L) et de la théorie des coûts de transaction (1) (Brouthers et Hennart, 2007).

2.2.4. Le p~radigme éclectique de Dunning (1980)

Dans le paradigme OLI, les IDE proviennent de trois avantages interdépendants

(Dunning, 2001) : 1) un avantage de propriété (Ownership) - les entreprises ayant un

avantage compétitif peuvent profiter de cet avantage à l ' étranger - ; 2) un avantage de

localisation (Location) - les entreprises profitent des conditions avantageuses de production

dans certains pays - et 3) un avantage d' internalisation (Internalization) - c'est-à-dire que

les entreprises choisissent un mode de développement international minimisant leurs coûts

de transaction. Bien que ce paradigme simplifie quelque peu les motivations liées à la

réalisation des IDE, en ne tenant pas compte par exemple des pressions de l' environnement

qui s' exercent sur l ' organisation ou des motivations stratégiques de celle-ci, il suscite

toutefois des points d'intérêt. Même si, la présente recherche porte sur un pays

d ' investissement précis, la Chine, il serait intéressant de connaître les éléments liés à

l ' environnement économique chinois qui ont eu le plus d'impact sur cette décision. D 'autre

part, comme ce paradigme a également été élaboré d'après l'étude de grandes entreprises, il

faudrait voir si la possession d'un avantage compétitif est une caractéristique interne

influençant de façon déterminante la prise de décision des PME.

28 Voir en annexe E pp. 92-93 l' origine du paradigme éclectique de Dunning (1980)

Page 39: La prise de décision stratégique : l'investissement direct ... · PDF file2 Définition de l'IDE: « investissement qu'une unité institutionnelle [comme une entreprise] résidente

33

2.2.5. Synthèse et limites de la littérature sur le contenu de la

prise de décision

Les éléments importants de la littérature sur les.IDE ont été présentés et ont permis

d'apporter des éléments complémentaires sur la composition des IDE, qu ' il s' agisse de leur

raison d' être, de leur différent mode ou des risques qui leur sont associés. Les principaux

éléments de la littérature sur les IDE en Chine ont également été apportés au fur et à mesure

afin de spécifier certains aspects théoriques. Les écrits sur ce sujet indiquent d ' ailleurs que

les entreprises étrangères soht principalement attirées par le potentiel du marché chinois et

que certaines entreprises dans le cadre de nouveaux investissements à l ' étranger

investissent sous forme de JVI afin de faciliter leur pénétration du marché. Toutefois même

si cette forme d ' investissement réduit les risques liés aux transactions internationales en

Chine, comme la faible protection de la propriété intellectuelle, le non respect des lois, etc. ,

elle en crée en créent de nouveaux, comme le risque de dissémination de leur technologie.

Par ailleurs, même si l ' étude des considérations théoriques révèle que la minimisation des

coûts de transaction est la principale motivation expliquant les IDE, des motivations

stratégiques et liées à l' environnement externe rentrent également en compte. Cependant,

comme la majorité des études sur les IDE a pour unité d'analyse la grande entreprise, il

serait intéressant de voir, grâce à une question de recherche, si les théories permettant

d'expliquer le IDE se retrouvent dans les motivations des PME d' investir de façon directe

en Chine. Le paradigme éclectique de Dunning (1980) a aussi soulevé des points d ' intérêt

concernant les caractéristiques des entreprises investissant en Chine et les avantages liés au

pays recevant l ' investissement.

Page 40: La prise de décision stratégique : l'investissement direct ... · PDF file2 Définition de l'IDE: « investissement qu'une unité institutionnelle [comme une entreprise] résidente

34

2.3. Synthèse générale de la littérature

Afin de comprendre ce qUI amène les entreprises à décider d ' investir de façon

directe en Chine, alors que certains chercheurs remettent en cause la profitabilité de tels

investissements, une revue de la littérature sur la prise de décision stratégique

d ' investissement direct à l' étranger a été réalisée. Le processus de prise de décision

d ' investissement à l ' étranger a tout d' abord été étudié afin de voir quels éléments étaient

pris en compte dans la prise de décision stratégique et lesquels l' influençaient. Pour

compléter l' étude du processus de prise de décision stratégique, le contenu de la décision

stratégique, soit l' investissement direct à l'étranger, a été étudié. Des éléments spécifiques

aux IDE et pris en compte dans la décision d ' investissement ont été identifiés comme: les

modes d' investissement, les risques liés aux IDE et surtout les motivations principales des

entreprises lors d ' IDE.

Cependant, même si le développement à l' international des entreprises est considéré

par J ansson et Sandberg (2007) comme une décision clé et que les PME internationalisent

de plus en plus leurs activités (Coviello et McAuley, 1999), peu d' études ont été consacrées

jusqu'à maintenant aux décisions d' investissement à l'étranger des PME. Pourtant, les PME

n' interagissent pas de la même façon avec l' environnement que les grandes entreprises

(Shuman et Seeger, 1986) et des différences dans le style de gestion, la propriété,

l ' indépendance et la disponibilité des ressources peuvent entraîner des décisions

stratégiques distinctes (Coviello et McAuley, 1999 ; Zacharakis, 1997). Il est donc légitime

de se demander si les apports de la littérature, dont les écrits sont élaborés à partir de

l' étude de multinationales, permettent également d'expliquer les décisions d ' investissement

à l' étranger des PME. Afin de mieux comprendre la décision d' investissement en Chine · des

PME québécoises, certaines questions de recherche doivent donc être posées et la

méthodologie ayant servi à y répondre doit être présentée.

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35

Chapitre 3 : METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE

La revue de littérature a permis d'identifier plusieurs avenues de recherche laissées

par les écrits, notamment du fait du type d'entreprise étudié et d'un modèle de processus de

prise de décision peu spécifique quant au type de décision stratégique étudié. Afin de

répondre à certaines interrogations et points d'intérêts soulevés lors cette. revue, plusieurs

questions de recherche sont posées. Certaines sont d'ailleurs inspirées des questions de

recherche de la thèse de Wallace F owler (1997) sur les investissements risqués en Chine

. (questions 1 ; 4 et 5). Après avoir exposé les questions de recherche, celles-ci sont intégrées

dans un cadre conceptuel reprenant les principaux éléments identifiés dans la littérature sur

la prise de décision d'investissement à l'étranger. Par la suite, la méthodologie adoptée

dans cette recherche est présentée.

Page 42: La prise de décision stratégique : l'investissement direct ... · PDF file2 Définition de l'IDE: « investissement qu'une unité institutionnelle [comme une entreprise] résidente

36

3.1. Questions de recherche

Aharoni (1966) a élaboré un modèle de processus de prIse de décision

d'investissement direct à l ' étranger faisant ressortir trois étapes principales: la décision de

se tourner vers l ' étranger, l ' investigation et la décision finale d' investissement. Le modèle

apporte des éléments intéressants, retrouvés dans des études empiriques, comme

l'émergence de la prise de décision et le développement d'un nombre limité de possibilités.

Ces derniers éléments (l ' investigation, le développement de possibilités ou d'alternatives)

ont trait à la rationalité procédurale. Etant donné que la rationalité est un concept central de

la littérature sur la prise de décision stratégique, la rationalité du processus de prise de

décision des PME suscite également l' intérêt. Toutefois, compte tenu des limites évoquées

de ce modèle, notamment sa date d' élaboration et l'unité d' analyse choisie, soit la grande

entreprise, la composition des étapes du processus de prise de décision des PME est peut­

être différente et les facteurs initiatiques ont dû évoluer. Par ailleurs, même si le modèle

d'Aharoni (1966) s' intéresse aux prises de décision d'investissement direct, peu d 'éléments

spécifiques à ce type de décision stratégique sont apportés. L' étude des IDE a permis

cependant de révéler certaines considérations importantes lors de la réalisation d' IDE,

comme les risques perçus ou encore les motivations théoriques des firmes. Ces motivations

sont principalement d'ordre économique selon les écrits mais là encore, les études traitent

des grandes entreprises. Un autre élément ressortant de la littérature sur les IDE et le

processus de prise de décision stratégique est l'importance du contexte dans lequel la

décision est prise, car des spécificités et des éléments contextuels influencent celle-ci. Ainsi

des éléments liés à l'environnement interne, à l'environnement externe et au décideur ont

été identifiés dans les études comme ayant un impact sur le processus de prise de décision.

Mais, comme les PME n' interagissent pas de la même façon avec l'environnement que les

grandes entreprises, il est essentiel de connaître les éléments " contextuels ayant le plus

influencé leur décision. Plusieurs questions de recherche sont donc soulevées afin de mieux

appréhender la décision d' investissement en Chine des PME québécoises:

Page 43: La prise de décision stratégique : l'investissement direct ... · PDF file2 Définition de l'IDE: « investissement qu'une unité institutionnelle [comme une entreprise] résidente

Question 1 :

Question 2 :

Question 3 :

Question 4 :

Question 5 :

Question 6:

37

Quels sont les éléments initiant le processus de prise de décision?

Quels éléments composent la zone intermédiaire du processus de prise de décision?

Quelles sont les principales motivations des entreprises concernant l'IDE en Chine et le mode d'investissement adopté?

Dans quelle mesure la décision prise émerge des actions de l'organisation?

Jusqu'à quel point le processus de prise de décision suit-il le modèle rationnel?

Quels sont les principaux éléments contextuels influençant le processus de prise de décision?

Ces questions de recherche sont intégrées dans un cadre conceptuel reprenant les

éléments significatifs de la littérature sur la prise de décision stratégique d' investissement à

l ' étranger. Pour élaborer ce cadre, le schéma réalisé dans la synthèse sur le processus de

prise de décision stratégique (voir le schéma n02 p. 21) a été complété avec les éléments

apportés par la revue des écrits sur le contenu de la prise de décision stratégique,

notamment: les considétations théoriques (économiques, stratégiques et liés à

l ' environnement externe), les risques liés aux transactions internationales (corruption,

faible protection de la propriété intellectuelle, risque de dissémination de la technologie) et

certains éléments contextuels comme la possession d'un avantage compétitif et les

avantages des pays hôte. Si le modèle d'Aharoni sert de base au processus de prise de

décision schématisé dans le cadre conceptuel, la seconde « étape» a été modifiée par les

apports de la littérature sur la prise de décision stratégique et les IDE. Cela a été fait dans le

but de laisser les résultats de l'étude révéler la composition de la phase intermédiaire du

processus.

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Schéma 3 : Cadre conceptuel de l' étude

( - - - - - - -- - - - -- - - - - - - - - - -\ ____ __ 1 F::Iêteuri cantexrueli influenç::lnt Il! pratl!iiUi (QIS) 1 _____ _

, ------------------------ , , , l ,

1 Externe

• Environnement direct : comportements des co ncurrents (bandwagon). clients, fournisseurs • Environnement national : évoluti on du m arché, économie dome stique • Environnement international : co mp étition internatio nale ~ p otentiel du marché chinois,

ressource s disponible~ et risques inhérents à r environnement

Interne

• Proprié té, structure , taille, exp éri ence, performance, avantage compétitif, spécific ité des ac tifs

Décideur

• Caracteristiques : âge, expérience, aversion au risque,. valeu!"S, intuition, rati onalité limité e • Influenc es subies : entourage, ré se au, soc iété

\ • Percepti()n du risque : perte de prc.priété intellectuelle, corrupti <> n, risque de ne pas inYJestir 1 , ,~---------~-------------------------------------------------------------------~~~

~~---------------------------------~~

----------~ 1 Prac~!I!lu!l de prin~ de décis:ian 1

~---------~------------_/--------;'

/ 1 Décision de se tourne r vers l'étrange r

1

\ \ ,

• F acteu.rs initi atigue s (Ql): opportuuité repré:;: entée par le marché chinQis, proposition ex térieure, souhait du dirigeant, intellsific ati on de la concurrence, bandwagon effect • Mise à dispositio n des re s source s

Zone intermédiaire (Q2)

• Revue des indicateurs d ' attracti o n : mar ché p otentiel et ressources disp onible s • Investigation des possibilités (Q5) : analyse , dével oppement d'alternatives, sélection • C onsidérati ons dans la décisi on d'investissernent (Q3): : économiques, stratégiques , contraintes extérieures

• Apprentissage : démarches et actions • :Pré sentati() n de s résultats à la hiérarchi.e

r-' D~~»~~~ d'~ve5ti~~~e~en~~ ~----------------~ ------------------~

r · Emerge dans le temps (Q4) : résultat de rensemble des acti ons

• Développenlent d' un engagement

..... ~--------------- ---------------~

Inve sti!ls ement d ire ct à l' êtra.nger

" " \

/ ."

1

38

Source: schéma réalisé pour l 'étude

Page 45: La prise de décision stratégique : l'investissement direct ... · PDF file2 Définition de l'IDE: « investissement qu'une unité institutionnelle [comme une entreprise] résidente

39

3.2. Méthodologie: les caractéristiques générales

L'objet de cette partie est de mettre en avant la méthodologie adoptée dans cette

recherche. Dans un premier temps, la population à l' étude, l'approche privilégiée et le

procédé d' analyse des données sont présentés. Par la suite, l ' échantillonnage et la prise de

contact sont détaillés.

3.2.1. Unité d'analyse et population à l'étude

Cette étude s' intéresse à la prise de décision d' investissement direct à l' étranger des

PME et l ' aborde du point de vue du gestionnaire. Compte tenu du type' d ' entreprise étudié,

le dirigeant de la PME est le gestionnaire ciblé et constitue l'unité d' analyse de cette

recherche (Khayat, 2004 ; O'Donnell et Cummins, 1999 ; Pansiri, 2007). Par ailleurs, cette

étude s' intéresse aux PME canadiennes et plus particulièrement québécoises29. Etant donné

que les PME québécoises tournées majoritairement vers l ' international sont des entreprises

manufacturières (ISQ, 2007), la population à l' étude est constituée de l 'ensemble des

dirigeants des PME manufacturières québécoises ayant investi de façon directe en Chine.

3.2.2. Approche adoptée

Cette étude cherche à comprendre ce qui pousse .les PME manufacturières

québécoises à investir de façon directe en Chine. Pour ce faire , une méthode de recherche

qualitative a été privilégiée. Ce choix est renforcé non seulement par le nombre important

de variables associées au processus de prise de décision qui ne peuvent être que

difficilement c0!1trôlées ou manipulées (Schwenk, 1995), mais aussi par 'les caractéristiques

des données qualitatives. En effet, celles-ci permettent d ' analyser en détails et en

29 Compte tenu de la méthodologie adoptée et du mode de collecte de donnée ainsi que des contraintes de cette recherche, J' ensemble des PME canadiennes n 'a pu être considéré et a donc été ]jmité à une province particulière, le Québec.

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40

profondeur le phénomène à l'étude et donnent une description et des explications plus

riches que les méthodes quantitatives (Miles et Huberman, 2003 : Il). Par ailleurs, une

approche qualitative est généralement favorisée pour explorer un phénomène peu analysé,

afin d ' avoir un contact direct avec les principaux acteurs concernés (Patton, 1990).

3.2.3. L'entrevue comme mode de collecte de données

Concernant le mode de collecte de données, l ' entrevue est celui préconisé dans la

littérature sur la prise de décision stratégique (Larimo, 1995 ; Mintzberg et al. , 1976) pour

deux raisons principales: 1) le processus de prise de décision ne peut être observé

directement et 2) il est difficile de retrouver des traces de ce processus autre part que dans

l ' esprit de ceux y ayant participé (Larimo, 1995 ; Mintzberg et al. , 1976). De plus, ~omme

cette étude se propose d ' apporter un nouvel éclairage sur la prise de décision en l ' abordant

du point de vue du gestionnaire et que selon Jones (1985) l ' entrevue permet de comprendre

les raisons et la signification des actions des personnes, ce mode de collecte de données est

adopté. Il est à noter qu' une seule personne est interviewée par entreprise, tout comme dans

l ' étude de Larimo (1995).

3.2.4. Les instruments de collecte de données

Pour réaliser ces entrevues, un guide30 a été réalisé en reprenant certaines des

questions de celui de Wallace F owler (1997)31 et en tenant compte des éléments conseillés

par différents ouvrages méthodologiques (Boutin, 1997; Guittet, 1997). Après

l ' approbation du projet par le comité d'éthique, le guide d'entrevue a été testé afin de

vérifier la compréhension des questions et des concepts et de l' améliorer, comme préconisé

par Gauthier (2003 : 274). L ' entrevue ayant servi à tester le guide d ' entretien a par la suite

30 Voir en annexe F pp. 94-95 31 Voir en an nexe G pp. 96-97

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41

été incorporée dans l'étude. Les entrevues ont été enregistrées et pendant celles-ci, des

notes d'observation ont été prises pour décrire le contexte de l' entrevue - qualité de

l'accueil, perception de la crédibilité des propos, perception que tout n'a pas été dit, qualité

de la relation intervie"weur / interviewé, etc. - et de tenir compte du non verbal (Boutin,

1997). Des fiches de synthèse32 ont aussi été réalisées après ,chaque entrevue dans le but de

noter les principaux éléments objectifs et subjectifs ressortant de chacune d'entre elles

(Guittet, 1997 : 40).

3.2.5. Analyse des données

Afin d 'analyser et de présenter les résultats, différentes étapes ont été réalisées. Les'

entretiens ont tout d' abord été retranscrits après chaque entrevue sous forme de verbatims.

Puis, ces derniers ont été analysés au fur et à mesure, de façon manuelle, pour repérer

l' apparition à la fois de nouveaux éléments non .identifiés dans la littérature et de répétitions

dans les données récoltées. Il est à noter que les observations effectuées pendant les

entrevues et les fiches de synthèse d' entretien ont également été prises en compte dans

l' analyse. Une fois les entretiens réalisés, une première codification a été effectuée à l' aide

des sous-thèmes dégagés dans l' étude préliminaire. Par la suite, la codification initiale a été

raffinée et a permis d'élaborer la matrice ci-contre:

32 Voir en annexe H p. 98

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42

Tableau 2 : Matrice d'analyse des données du. processus de prise de décision - initiation et décision finale-

de l'environnement Engagement Emergence

Tableau 3 : Matrice d'analyse des données du processus de prise de décision - zone intennédiaire-

Applentissage et connaisance de l'envirorutement d'affaires chinois

D/m8Fc:h~s

aNiOI?s

Etudes Ivlotr.ratiol'ls

Tableau 4 : Matrice d'analyse des données des facteurs contextuels influençant le processus de prise de décision

Direct IvI0 ndial Caractéristiques de l'organisation aUl1sque

Source: tableaux réalisés pour l'étude

subies

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43

3.2.6. Échantillon de l'étude

Afin d'obtenir l'échantillonnage nécessaire à la réalisation de cette étude,

différentes techniques ont été utilisées. Tout d'abord, un échantillonnage initial a été

constitué. Par la suite, celui-ci a dû être modifié et élargi pour atteindre une représentativité

acceptable de la réalité des PME manufacturières québécoises en Chine. Ces différents

éléments sont présentés et précèdent les détails sur la prise de contact et la réalisation des

entrevues.

3.2.6.1. Echantillonnage initial

Compte tenu de la prépondérance des JVI dans la littérature traitant des nouveaux

investissements directs dans les pays émergents et en Chine, il a été décidé dans un premier

temps de viser les dirigeants des PME33 manufacturières québécoises ayant investi sous

cette forme d'investissement. Pour ce faire, plusieurs organIsmes, notamment

gouvernementaux ont été contactés34. Toutefois, la plupart d'entre eux ne possédaient pas

de liste d'entreprises ayant investi en Chine, ou alors celle-ci était réservée à un usage

interne uniquement. Il est à noter que les organismes chinois n'ont pas répondu aux

différentes communications et qu ' il n'a pas été possible d'obtenir certaines listes du

MOFCOM pourtant utilisées dans des études comme celle de Li et Clarke-Hill (2004). La

population de base étant difficilement identifiable, il n'a pas été possible de constituer un

échantillon aléatoire. De ce fait, un échantillon non probabiliste, soit un échantillon « boule .

de neige» a été privilégié (Gauthier, 2003 : 109 ; Thietart et coll, 200 3).

33 La définition de la PME de Statistique Canada a été retenue. Selon cet organisme, la PME est une entreprise de moins de 500 employés et ayant moins de 50 millions de chiffre d'affaires (Gouvernement du Canada: http ://www.ic.gc.caJepic/site/sme_fdi-prf_pme.nsf/fr/02028f.html et Affaires culturelles: http://www.pch.gc.caJprogs/ac­caJpubs/profile/15 _ f.cfm). 34 Liste des organismes contactés: Statistique Canada, Statistique Québec, Jndustrie Canada, le Ministère des affaires étrangères, le Ministère du développement économique, de l' innovation et de l'exportation (MDEIE), le Centre de recherche industrielle du Québec (CRIQ), Exportation et développement Canada (EDC), les Chambres de commerce de Québec et de Montréal , la Fondation Asie Pacifique du Canada, le Ministère du commerce de la République populaire de Chine (le MOFCOM), l'ambassade de Chine au Canada, la Chambre de commerce du Canada à Hong-Kong, le bureau du Québec à Shanghai et l'Association des manufacturiers exportateurs du Québec

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44

Afin d'identifier des PME manufacturières québécoises ayant investi sous forme de

JVI, différentes recherches ont été effectuées en parallèle35 : 1) une recherche documentaire,

à travers des bases de données de quotidiens d'affaires québécois - Les Affaires, La Presse,

Le Devoir - ; 2) des recherches sur la base de données d'Industrie Canada, Strategis36 et 3)

. le rapport sur la «riposte» 37 des PME manufacturières québécoises à la concurrence

chinoise a été également utilisé. La combinaison de ces recherches ~ permis d' identifier 16

entreprises, dont 6 ont accepté de participer à l' étude38. Compte tenu : 1) du faible nombre

d 'entreprises identifiées et 2) que sur les 6 entreprises participantes, deux avaient décidé

d'investir initialement ·sous forme de JVI, avant que le projet· n'avorte et qu' elles

investissent finalement sous forme de filiale à 100%; il est possible d 'échapper une

certaine forme de réalité en ne ciblant que les entreprises ayant investi sous forme de JVI.

Cette forme d'investissement n 'est peut-être pas en effet celle privilégiée par les PME

québécoises. Il a donc été décidé d'élargir l' échantillon initial aux entreprises ayant investi

sous forme de filiale à parts entières ainsi qu'à celles en cours de processus de prise de

décision, car il est indiqué dans le rapport utilisé pour réaliser l' échantillonnage (SECOR,

2007), que de nombr~uses entreprises sont actuellement en cours de processus. De plus, les

entreprises en cours de processus de prise de décision ont déjà permis la constitution

d 'échantillon d' analyse, comme dans l' étude Wei et Christodoulou (1997).

Des recherches ont alors été réalisées sur les sites Internet suivants39 : la Fondation

Asie-Pacifique, Google, Les Affaires, La Presse, Le Devoir et Investissement Québec. Sur

les 10 entreprises identifiées, quatre ont accepté de participer à l' étude, ce qui porte le

nombre total de participants à 10 entreprises. Au cours des recherches, des contacts ont été

35 Pour voir les mots clés utili sés dans les di fférentes recherches, voir en annexe 1 p. 99 36 Adresse internet: http ://strategis.ic.gc.calapp/ccc/srch/cccSrch .do?]ang=fra&prtl=l &tagid=&profileId=&rstBtn.x=b 37 « Etude Riposte Chine 2007 », réalisée par T AKTIK China et mandatée par: ]a Caisse de dépôt et placement du Québec, ]a Société générale du placement de Québec, le MDEIE, la Banque de développement du Canada et Investi ssement Québec. 38 Sur les] 6 entrepri ses identifiées, 8 ont refusé de participer à J'étude ou n ' ont pas répondu, une s'est révélée être en liquidation judic iaire et une autre a été rachetée par un groupe étranger. 39 Adresses Internet par ordre de présentation: www.asiapacific.calfrancais/index.cfm http ://www.google.calint l/fr/ http ://www. lapresse.tn/ index.php?opt= 1&ed=2007-] 1-16 http ://www.ledevoir.com/cgi-bin/Recherche?Commande=rechercheavancee http://www.investquebec.comlfr/ index.aspx

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effectués avec des intermédiaires 40 qui ont apporté des éléments intéressants à l' étude et

permettaient d'obtenir une meilleure saturation de l' information. Ainsi, il a été décidé

d' intégrer des intermédiaires à l ' échantillon 41. Au final , 10 entreprises et 8 intermédiaires

composent l' échantillon de l' étude.

3.2.6.2. Echantillon final

L' échantillon final obtenu est divisé en deux parties (voir tableau ci-contre). La

première partie présente les gestionnaires interviewés par: ordre d' entrevue, personne

interviewée, taille de l'entreprise, secteur d' activités, décision d' investissement étudiée et

situation de l' invèstissement actuel de l' entreprise en Ch~ne. Afin de garantir l' anonymat

des participants, le secteur d' activité a été élargi et concernant la taille de l ' entreprise, deux

qualifications sont empruntées: « petites» pour les entreprises de moins de 1 00 employés

et « moyennes» pour celles en ayant plus de 1 0042. Puis, les intermédiaires sont présentés

dans la seconde partie par ordre d' entrevue, poste occupé au sein de la société dans laquelle

ils travaillent et l' activité de leur entreprise.

40 Il est entendu par le terme « intermédiaire », toute personne ou entité spécialisée dans le conseil , l' aide et l' accompagnement des entreprises lors de leur développement international. 4 1 Trois intermédiaires ont été interrogées pendant la recherche précédente. Lors de la troisième entrevue, une li ste de consultants spéciali sés sur la Chine a été mi se à la di sposit ion de cette recherche. Seuls les 14 consultants spéciali sés dans la réali sation d ' investi ssement en Chine et fi gurant sur cette li ste ont été contactés et sur les 14 personnes identifi ées, 5 ont accepté d 'être interviewées. 42 'Cette qualification est employée par Industri e Canada, voir Je site des Affaires culture lles: http://www. pch.gc.ca/progs/ac-ca/pubs/profil e/ 15_f.cfm

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46

Tableau 5 : Présentation de l' échantillon

ct.eur DiT.,rision A sie Services de conseils en gestion

3.2.7. Prise de contacts et entrevues

PO,ur prendre contact avec les dirigeants des entreprises identifiées, une lettre 43

présentant le projet de recherche et sollicitant la participation de l' entreprise a été envoyée.

Une semaine plus tard, ces personnes ont été contactées par téléphone afin d'obtenir un

rendez-vous44• Les personnes ayant accepté de participer à l' étude ont fixé le lieu, l'heure et

la date du rendez-vous. Les entrevues, qui ont été réalisées en personne, ont duré en

moyenne cinquante minutes et se sont déroulées du 18 avril au 16 mai 2008 (pour les

entrevues avec les dirigeants) et du 2 mai au 5 août 2008 (pour les entrevues avec les

intermédiaires )45.

43 Voir en annexe J p, 100 44 Si aucun contact n ' était établi après plusieurs tentatives, l'entreprise était considérée comme ne voulant pas participer à l' étude. 45 11 est à noter qu 'avant chaque entrevue, la compréhension de l'objet de la recherche de J'interviewé a été vérifiée et un formulaire de consentement présentant: le projet de recherche, les thèmes abordés, les avantages et les risques liés à la participation de l' interviewé, etc. , leur a été soumis.

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SECTION IV: RESULTATS DE L'ÉTUDE

Dans cette étude, le processus de prise de décision est étudié du point de vue du

gestionnaire. La réalisation de la matrice d' analyse (tableaux 2-3-4 p. 42) permet donc non

seulement de reconstituer ces processus mais aussi de constater la façon dont les

gestionnaires les voient. Ainsi, les principaux éléments ressortant de leur vision du

processus sont présentés. Ces éléments sont étayés par des citations issues des entrevues,

qui sont considérées comme des unités de sens. Par la suite, les enseignements découlant

des expériences vécues par les participants à cette recherche sont exposés. Il est toutefois

nécessaire afin de mieux appréhender la présentation des résultats d'exposer les

caractéristiques communes des entreprises participantes. En effet, il ressort de l' analyse que

la plupart des entre))rises ayant investi en Chine, ont au moins dix années d' existence,

qu' elles ont de l'expérience en exportation et que les dirigeants sont également les

fondateurs de l 'entreprise.

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4.1. L'initiation du processus

Comme dans la plupart des décisions prises par les entreprises, les processus de

pnse de décision d ' investissement en Chine étudiés sont initiés par: des opportunités

d'affaires, des dilemmes résultant de l ' environnement direct de l'entreprise (les attentes des

clients et les relations avec les fournisseurs) , la recherche de compétitivité liée

particulièrement à la pression sur les coûts, etc. Mais, un élément important ressortant des

entrevues est à considérer dans le cas d'un investissement en Chine : l'engouement général

des entreprises vers ce pays, lié au potentiel du marché chinois. Cet effet de mode se traduit

par le mimétisme des entreprises vers la Chine, qui est quelque peu contraint pour certaines.

4.1.1. Effet de mode et mimétisme

L' engouement pour la Chine est fortement souligné par les intermédiaires, qUI

indiquent que de nombreuses entreprises se tournent vers la Chine par effet de mode. Cet

engouement a principalement pour origine le potentiel du marché intérieur chinois et les

entreprises y investissent afin de profiter de l'avantage du premier entrant:

Intermédiaire 7 : Si on regarde en ce moment, c' est sûr qu'il Y a un effet de mode, beaucoup. Les gens entendent parler de la Chine et il y en a qui en entendent tellement parler qu ' ils commencent à se dire: il faut que je regarde la Chine, donc y en a pour lesquels ce n ' est pas nécessairement rationnel dès le départ.

Gestionnaire3 : L 'opportunité en Chine est énorme, c'est un pays où les investissements dans le système de santé ont été de loin sous investis et sous capitalisés dans le passé et de plus en plus, on voit une volonté et une demande pour un système de santé de plus haute qualité. Etant donné la forte demande, des opportunités très fortes se développent, il était donc important pour nous d'acquérir un actif et avec notre knowhow, de se concentrer sur la Chine. Il y a vraiment une opportunité intéressante pour entrer, pour être un des first mover dans ce marché.

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4.1.2. Un entraînement contraint

Cet engouement pour le marché intérieur a touché notamment les grandes

entreprises, ce qui a entraîné dans un premier temps un déplacement des marchés vers la

Chine. Les entreprises étudiées, qui sont principalement des fournisseurs de ces grandes

entreprises indiquent ne pas avoir eu d 'autres choix que de suivre cette tendance, afin de

conserver leurs marchés et leurs clients. D'autant plus que certaines entreprises ont

également vu leurs concurrents s' installer en Chine et ont du par la suite réagir, en se

mettant au même niveau qu'eux ou en investissant en Chine d'une façon jugée plus

stratégique. L'effet de mode a donc provoqué dans un second temps un entraînement

quelque peu « contraint» pour d'autres entreprises.

Intermédiaire 1 : C' est surtout que quand les gros bougent, les petits doivent suivre. Je vais vous donner un exemple d'un de mes clients qui était fournisseur pour B***, c'est à dire qu' ils faisaient les produits pour eux. Ils devaient baisser ses produits de 45%, donc il a identifié des endroits où ils pouvaient fabriquer en Chine. C' était ça ou il perdait son client principal.

Gestionnaire 10 : On était entrain de voir nos compétiteurs aller faire faire les produits en Chine donc ça on s'y attendait, à ce qu'un jour il y ait des gens qui aillent faire des produits en Chine. Mais nous il y a une position qui était relativement claire c' est qu'on s'est senti inconfortable d' aller en Chine à travers des gens qui sont des sous traitants. Il y a deux raisons, tu n' as pas de contrôle de la qualité et tu . ne sais pas ce que la personne va faire avec tes connaissances.

Les dirigeants indiquent aVOIr engagé des ressources afin de constater ce

phénomène. Ils ont ainsi réalisé des voyages en Chine et sont rentrés en contact avec des

hommes d' affaires locaux. Ils se sont par ailleurs entretenus avec leur entourage et leurs

pairs de la possibilité de se tourner et d' investir en Chine. Une fois le processus initié, les

entreprises ont réalisé plusieurs actions et démarches qui leur ont permis, d' après les

participants, . de mieux connaître l' environnement d'affaires chinois et d'amener la prise de

décision.

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4.2. Entre l'initiation et l'engagement envers la décision

finale

Avant de s'engager envers une décision finale , les entreprises réalisent un certain

apprentissage sur l' environnement chinois. Cet apprentissage s' effectue grâce ·à des visites

en Chine et par un processus itératif pour la majorité des entreprises: l ' approvisionnement

et la sous-traitance notamment. Pendant cette période, les participants indiquent apprendre

à connaître l' environnement d'affaires chinois et soulignent prendre conscience des risques

inhérents à cet environnement et de la différence culturelle. Parallèlement, un engagement

envers la réalisation d'un investissement en Chine se développe, des objectifs sont

déterminés et la décision se compose.

4.2.1. L'apprentissage: la dimension culturelle

Les différences culturelles avec les chinois et ses implications sont fréquemment

mentionnées par les participants:

Gestionnaire 4 : Leur culture date de 5 000 années, alors qu' au Québec, ça dure que depuis 400 ans. Donc c'est très difficile de pénétrer et de comprendre leur marché car ils ont leurs règles et c' est très différent des règles qu'on a ici . Au lieu d'aller là bas et d' essayer d' imposer les normes avec lesquelles on travaille .ici il faut comprendre leurs 'normes. C'est quelque chose qu 'on apprend et c'est quelque chose qui prend beaucoup de temps et beaucoup de compagnies européennes et canadiennes ne peuvent pas travailler avec les chinois, car elles ne comprennent pas comment ils travaillent et, pour travailler avec des chinois il faut travailler comme on travaille en Chine.

Concernant ces différences, la barrière de la langue est fréquemment citée comme

problématique et cela en dépit de la présence d'interprètes. Mais, c' est la différence dans la

perception du temps et l' importance des relations humaines pour la réalisation des affaires

qui semblent avoir le plus marqué les participants.

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4.2.1.1. La différence dans la perception du temps

La différence dans la perception du temps a un impact sur la façon de faire des

affaires et les dirigeants indiquent avoir de la difficulté à gérer cette différencè :

Gestionnaire 3 : Je crois que l ' élément principal est le phénomène de temps, le temps en fait et la perception du temps qui est très différente en Chine et en Amérique du Nord. Pour une raison qui m ' est très difficile à comprendre, les chinois ont une perception du temps qui est très différente. « Things take time ». Les gens ne sont pas pressés et souvent, en fait, en tant que nord américains ou . westemers, on a tendance à toujours chercher l 'optimisation des résultats et les chinois n ' ont généralement pas le même mindset. On pousse on pousse on pousse nous et les chinois disent: « dans trois quatre ans ». Donc toute cette gestion et perception du temps est très difficile à vivre et est très frustrante et c' est un phénomène qui est assez généralisé. Donc je vous dirais que qui que ce soit qui entre en Chine doit être très patient, patient avec en fait tous les différents stakeholders avec qui l' entreprise fait affaires.

4.2.1.2. La différence dans les relations humaines

Les dirigeants indiquent également avoir des difficultés à comprendre les relations

humaines et l'importance qu' elles ont dans l ' environnement d ' affaires chinois. Même si ils

mentionnent que les relations sont importantes en Amérique du Nord, ils ne les considèrent

pas comme aussi nécessaires ou indispensables pour faire des affaires.

Gestionnaire 6 : La relation humaine devient un facteur très important car les gens ont toujours des gens très proches d'eux, que ce soit dans la famille ou dans le travail ou de façon générale. Donc, ça développe cette nature humaine qui est peut-être plus suspecte, peut-être plus manipulateur mais qui est peut-être plus humaine si vous voulez, que ce soit plus positif. Mais ça développe cette particularité de relation humaine et je crois que 'c' est sur ce point que les gens qui ont très peu d'expérience de la Chine ont du mal à connaître avec les Chinois.

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4.2.2. Les risques liés à l'environnement chinois

Les dirigeants, insistent particulièrement sur deux nsques liés aux relations

humaines en Chine et sur la façon de faire des affaires qu' ils ont appris de leurs démarches

et actions : 1) les stratégies d'affaires et le côté «manipulateur» de certains hommes

d' affaires chinois ; 2) le fait que de nombreuses personnes sont prêtes à prendre des

raccourcis pour s' enrichir et que la corruption est une réalité du marché chinois.

Gestionnaire 1 : La stratégie chinoise officielle, c' est qu' ils te laissent décider de tout puis à la fin ils remettent tout en question, parce qu ' ils se .disent : t ' as perdu un an là, tu reviendras pas en arrière [ ... ]. Puis, y a une et mille façons . de se faire jouer des tours, j'appelle ça la trappe chinoise, la trappe !

Gestionnaire 10: C'est des choses, des activités, des patentes qui sont organisées pour que les gens qui sont en position de décision puissent se remplir les poches. Idéalement, vous ne mettriez pas ça dans une annonce en Chine mais c'est une réalité, et quelqu'un qui rentre en Chine et qui ignore cette réalité passe à côté complètement.

Même si selon les participants le risque est un élément inhérent aux affaires, ils

indiquent considérer la Chine comme un pays particulièrement risqué, en raison des

nombreuses différences entre l' environnement d'affaires chinois et nord-américain:

Gestionnaire 3 : Je vous dirais que l'aversion au risque, le manque de relation en Chine et le manque de compréhension du marché chinois effraient ou font peur à plusieurs entrepreneurs ou investisseurs canadiens et à juste titre en fait honnêtement. Je vous dirais que le hurdle of entry de la Chine est beaucoup plus élevé que dans d' autres pays du fait de la complexité du marché et des risques et des facteurs de risque à faire des affaires en Chine, que ce soit la corruption, que ce soit l' environnement réglementaire en changement continu. Tous ces éléments là rendent les investissements en Chine quelque chose de très risqué, donc, plusieurs personnes en fait sont un peu . sceptiques de mettre des capitaux aussi importants avec un facteur de risque aussi élevé.

Il est à noter que les risques de perte de propriété intellectuelle sont tous

mentionnés par les participants. Ces derniers indiquent cependant en avoir eu conscience

avant ou lors de l' initiation du processus, notamment du fait des histoires de scandales

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ayant affecté des entreprises étrangères 46. En plus de prendre conSCIence de certains

risques, les différentes actions menées par les entreprises leur permettent de constater s' il

existe un besoin sur le marché chinois pour leurs produits.

4.2.3. Les considérations et la composition de la prise de décision

Tout au long des démarches et de l' apprentissage de l' organisation, les entreprises

déten:ninent des objectifs, un engagement envers la réalisation d'un investissement en Chine

se développe et le choix d'une forme d' investissement est réalisé. Il est toutefois impossible

de séquencer ces différents éléments qui semblent se dérouler en parallèle dans le temps.

4.2.3.1. La détermination des objectifs

Au fur à mesure de leur apprentissage, une connaissance du marché chinois se forge

et les entreprises déterminent s' il existe une place pour leurs produits. Ainsi, deux objectifs

principaux sont visés: la production en Chine pour abaisser les coûts (dans le but de

réexporter uniquement) ou la pénétration du marché chinois (au passage ces entreprises

bénéficient aussi d'une réduction des coûts de production).

4.2.3.1.1. Le marché intérieur chinois

Le marché chinois et son potentiel sont une attraction formidable pour les

entreprises qui espèrent ainsi être les premières sur le marché ou tout simplement de

développer leurs activités. Il ressort toutefois des entrevues que le marché chinois est

difficile à pénétrer car il est très concurrentiel.

46 Les hi stoires de scandale et leur impact sur le processus ont détaillés plus loin p. X

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Intermédiaire 4 : En général, à moins d' être dans un domaine technologique et même je dirais un domaine de niche, car même si on est dans les technologies, y a tellement de concurrence, y en a tellement. .. Tout le monde se précipite sur la Chine ou s' est précipité jusqu'à maintenant sur la Chine en pensant que c'était le nouvel eldorado, donc la petite entreprise qui débarque là-bas en disant: j'ai une idée· de génie, le marché est porteur, j ' ai besoin de ça, ça va fonctionner. .. les européens sont là depuis longtemps, les américains aussi; puis y a les japonais, ... donc faut vraiment avoir quelque chose de distinctif pour pouvoir s' attendre à percer avec des produits sur le marché chinois.

54

Mais, les entreprises qui investissent en Chine avec cet objectif présentent des

caractéristiques communes, notamment au niveau des produits. Les produits ont en effet

selon les participants une forte valeur ajoutée, une marque reconnue, ils procurent un

avantage concurrentiel à l' entreprise et/ou lui permettent d'occuper un marché de niche.

4.2.3.1.2. La réduction des coûts de production

Concernant les entreprises qui investissent en Chine principalement pour abaisser

leurs coûts de production, les dirigeants indiquent également avoir d'autres motivations que

les coûts comme: l' approvisionnement de leurs clients étrangers venus en Chine, un

positionnement international et un positionnement sur le long terme pour le marché chinois.

Ces entreprises soulignent en effet qu 'une usine en Chine leur permet de s' ouvrir une porte

sur l' étranger et dépasse donc le simple rôle de plateforme à l' exportation car les

entreprises étrangères viennent s'approvisionner en Chine. Cela permet donc aux

entreprises de développer leur clientèle:

Gestionnaire 7 : Le point deux pourquoi produire là-bas, c' était aussi pour se positionner sur le marché international, parce que les Etats-Unis, l'Europe, le Moyen Orient, tout ce beau monde a une vue sur la Chine et va s' approvisionner en Chine. Donc c'est beaucoup plus facile de toucher le marché international quand on a une firme en Chine. Car en plus, on va te vendre des produits avec la qualité nord américaine et avec les avantages de la matière première et la main-d' œuvre à meilleur marché. Donc, des expositions qui sont faites en Chine, avec des produits chinois qui sont faits pour l' international.

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Les entreprises mentionnent également le fait de se positionner sur le long terme en

Chine. Le marché chinois n 'est pas encore prêt selon elles pour leurs produits, mais le sera

dans l' avenir.

Gestionnaire 1 : Les entreprises vont d' abord là dans un premier temps pour réduire leurs coûts mais ont aussi dans l'espoir que le marché chinois va devenir l 'un des plus grands marchés mondial. Donc à ce moment-là, ça sera aussi un marché intéressant donc les gens vont aussi se positionner là-bas [ ... ] C'est exactement ce que nous avons adopté comme stratégie, question de réduire nos coûts pour aller en Chine et puis c' est aussi se positionner pour le futur. Si on se positionne aujourd'hui, bah quand le marché va être ouvert à nos produits, on sera déjà placé. Car là, le marché n' est pas forcément prêt pour tous les produits industriels, mais va l 'être dans le futur. En plus, il va y avoir un marché incroyable et puis on a de plus en plus de demandes de nos clients américains qui se sont établis là-bas.

4.2.3.2. Laforme d'investissement

Concernant le type d' investissement, les entreprises n' indiquent pas avoir envisagé

différentes possibilités et les participants restent relativement flous et hésitants sur la façon

dont ils ont choisi leur forme d' investissement. Il est possible de dégager deux tendances

dans les formes d' investissement adoptées: les entreprises voulant abaisser leurs coûts de

production pour réexporter leurs produits par la suite investissent sous forme de filiales ' à

100% et celles voulant pénétrer le marché chinois investissent sous forme de JVI. Si les

participants n' indiquent pas comment ils choisissent leur forme d' investissement, ils

justifient toutefois son adoption.

4.2.3.2.1. La JVI

Les entreprises indiquent avoir choisi d'investir dans une JVI afin notamment de

palier à leur manque de connaissances vis-à-vis du marché chinois, d' accélérer leur

pénétration et de réduire les coûts' associés à leurs activités:

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Gestionnaire 3 : Si tu rentres dans le marché chinois et que tu n ' as pas les relations établies ou les idées claires sur comment tu vas franchir les différents éléments réglementaires et administratifs, que ce soit au niveau central, provincial ou municip~l, tout ce défi peut rendre une exécution extrêmement complexe et un bon partenaire va te permettre en théorie de franchir ces obstacles-là d'une façon bien plus efficace.

56

Elles mentionnent également avoir pris en compte les risques relationnels et les

avoir mitigé en décidant de fabriquer les composants «clé» à Québec et en ayant choisi

comme partenaires de JVl des entreprises avec lesquelles elles ont déjà travaillé. Certaines

entreprises signalent d ' ailleurs avoir choisi leurs fournisseurs dans le but d ' en faire des

partenaires potentiels.

Gestionnaire 6: Premièrement, notre partenaire en Chine était déj à notre fournisseur et fournisseur d'une composante importante dans ce produit en question et c'est une petite société et si nous créons une société nous même, nous devons gérer et assurer tous les frais d'opérations de cette société là et en' plus nous devons envoyer les personnes clés pour assurer le bon fonctionnement là bas. Mais, avec la société de capital mixte, comme notre partenaire a une très grande motivation pour réussir, on peut avoir confiance enfin ... une fois qu'on développe une bonne relation avec lui et de savoir qu' il met 100-110% de ses énergies pour réussir et progresser donc, en plus, nous n'avons pas besoin d'assumer le frais d'opérations.

4.2.3.2.2. Le choix de la filiale à parts entières

Concernant les filiales à 100%, la réduction des coûts liés à la sous-traitance, le

désir de contrôle et l' absence de besoin de bénéficier de connaissances locales ressortent

des entrevues.

Gestionnaire 9 : We don ' t have any patents, it is a secret recipe. It is also a technology which is hard to transfer our product require .. .it sorne kind of magic science, so ... we have to be very hands on with the development of new product. Any product we built is custom build so it is difficult to transfer to somebody who doesn't know about our references and if you have a JV they

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won't adding intelligent capital, it would have been building or land and we could have done that alone so ....

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Il est à noter que dans les deux cas où la décision de former une JVI a été prise puis

par la suite avortée, plusieurs points communs ressortent: les entreprises ne visaient pas le

marché chinois mais souhaitaient abaisser leurs coûts de production et le choix de la NI

comme forme d'investissement résultait d'une opportunité qui s'est présentée au cours de

leurs relations avec leurs sous-traitants.

4.3. Décision finale et engagement envers la décision finale

Il est très difficile de savoir quand la décision finale a été adoptée. Les participants

n'indiquent pas en effet de . moment précis ou d'éléments clés ayant entraîné la décision

finale, mis à part certains qui mentionnent avoir décidé d'investir lorsqu'ils «avaient

suffisamment appris». Par contre, l'engagement de l'organisation envers la décision finale

ressort des entrevues.

Gestionnaire 3: Je vous dirais que c'est une décision qui a été prise et qui a toujours était supportée, c'est une décision qui évidemment à travers le temps, nous avons rencontré des frustrations, notamment au niveau notamment du niveau de corruption et au niveau réglementaire qui n'a cessé de changer depuis les 4 dernières années mais je vous dirais que on reste très concentré à l'exécution de notre plan.

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4.4. Une prise de décision sous influence

Les participants indiquent que le processus a été influencé par différents éléments,

qui ont facilité ou ralenti selon eux la prise de décisions.

4.4.1. Les éléments considérés comme facilitateurs

Deux éléments sont mentionnés fréquemment comme ayant influencé de façon

positive ou ayant accéléré le processus de prise de décision: la perception du risque de ne

pas investir en Chine et l'intérêt du gouvernement chinois pour les produits à forte valeur

ajoutée.

4.4.1.1. Le risque de ne pas investir en Chine

Un élément accélérant la prise de décision et découlant de la pression sur les

coûts est le fait que selon les dirigeants, le risque de ne pas investir en Chine était supérieur,

pour leur entreprise, à celui d'y investir. Cette dernière pouvait alors se retrouver hors

marché si rien n'était fait.

Gestionnaire 1: Toutes les entreprises canadiennes, québécoises, nord américaines qui ont un fort contenu en main-d'oeuvre et qui n ' ont pas assez de contenu technologique it is just too bad, mais elles sont appelées à mourir les unes en arrière des autres si elles ne font rien.

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4.4.1.2. Le gouvernement chinois et les produits à forte valeur

ajoutée

Le gouvernement chinois a d'après les participants, la volonté d'augmenter la

valeur ajoutée des produits locaux et encourage de ce fait les investissements réalisés pour

ce type de produits.

Gestionnaire 6: Quand c'est un produit qui les intéresse et qu'eux autres voient des possibilités économiques phénoménales, oui là là ils donnent là. Ils donnent tout ce dont on a besoin là, on est peut être privilégié à cause du produit qu'on a là mais si on rentrerait en Chine avec je sais pas moi avec des bouteilles de plastique, ils nous aideraient pas là car ils seraient bien meilleur marché que nous autres.

4.4.2. Les éléments considérés comme ralentissant le processus

Différents éléments ralentissent quelque peu la prIse de décision comme les

négociations avec les partenaires pour les JVI ou celles avec le gouvernement local. Par

ailleurs, deux autres éléments causant des ralentissements sont fréquemment soulevés par

les dirigeants : les histoires d'échecs d'entreprises étrangères en Chine et le côté « frileux»

des entrepreneurs québécois.

4.4.2.1. Les histoires de scandale d'entreprises étrangères

Certains participants indiquent avoir eu peur avant d'investir en Chine. Cette peur

est crée et entretenue par les histoires de scandales et de mésaventures d'entreprises

étrangères en Chine. Même si ces histoires ne les ont pas empêché d'investir, elles ont

ralenti le processus. D'autant plus que ces histoires sont aussi connues du milieu des

affaires et affectent le soutien apporté aux entreprises:

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Gestionnaire 1 : Ils ont peur de la Chine parce qu' il y a plusieurs histoires d'horreur par rapport à plusieurs entreprises qui se sont établies en Chine et ça n 'a pas fonctionné. Evidemment, si tu es conservateur et puis que tu écoutes toutes ces histoires là, tu ne fais rien! [ ... ] Comme d'autres, on a eu peur! Ça a été lent aussi parce qu'on est peureux, on est très conservateur, on est très peureux.

4.4.2.2. L'aversion au risque

60

Cette dernière citation met en avant un aspect mentionné à plusieurs reprises par les

participants et confirmé par les intermédiaires: leur forte aversion au risque. Certains

participants à l' étude mentionnent le manque de vision globale des PME québécoises.

Intermédiaire 5 : Les PME québécoises sont malheureusement un peu timides, elles n'ont pas aussi les fonds des grandes entreprises américaines. Malgré ça il y a des PME qui ont des beaux produits, mais les entrepreneurs ont très peurs. Je pense que c' est plus une question de mentalité. Autant les américains sont plus agressifs, les PME sont très timides comme entrepreneurs, ils exportent en Ontario, aux USA mais juste de l' autre côté de la frontière, jamais plus loin. Les PME québécoises ont aussi plus une vision à court terme, dès qu' elles investissent, elles veulent voir un retour immédiatement, malheureusement ça ne marche pas comme ça. Et en plus, elles se fixent une limite de chiffre d 'affaires, 200 - 300 000 et puis voilà, c' est tout, elles n 'ont pas beaucoup d'ambition.

A noter qu'un autre élément ayant un impact sur le processus de prise de décision

est mentionné par l' ensemble des intermédiaires et par certains dirigeants, notamment ceux

des entreprises investissant en Chine pour réduire leurs coûts de production: le « retour de

balancier» de l' économie chinoise. En effet, la Chine est d'après eux « victime de son

succès », les salaires sont entrain de monter et la monnaie locale de s' apprécier.

Gestionnaire 1 : Même si on dit que les coûts augmentent de façon importante en Chine, ça n ' augmente pas assez pour que les entreprises puissent être capables de se revirer de bord [ ... ] Par contre, y a une chose qui est importante, contrairement aux européens, ce que l'on a pas fait nous, la

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plupart des entreprises européennes, lorsque les chinois ont commence a compétionner sur le marché européen, la plupart des entreprises européennes ont fermé leurs portes et ont décidé d' importer de la Chine, mais ils ont arrêté de fabriquer. Quand tu arrêtes une usine, tu ne la redémarres pas ! Nous on n ' a pas fait ça. On a gardé toutes nos capacités manufacturières au Canada et on a ouvert une usine en Chine. Parce que le j our où la situation va se retourner de bord, notre opération canadienne pourra continuer à alimenter les marchés nord américains.

61

Les participants ont également donné des conseils tirés de leurs expériences, pour

les PME qui souhaitent investir en Chine.

4.5. Les enseignements et implications managériales

En plus de conseils généraux comme le fait de connaître le marché avant d'y

investir, de trouver un bon partenaire afin de former une JVI et d' investir de façon

progressive en Chine, deux éléments ressortent des entrevues. Les participants insistent tout

d' abord sur le fait de bien connaître l'environnement, d'aller souvent en Chine et

d' apprendre la façon dont les chinois font des affaires. Par ailleurs, deux participants ont

amené un point qu ' ils jugent très pertinent et peu connu des entreprises afin de pénétrer le

marché chinois : le fait que certaines entreprises chinoises recherchent des produits

occidentaux afin de compléter leurs propres gammes.

Gestionnaire 10 : Je dirais que la chose la plus facile c'est de trouver une entreprise qui a besoin de vos produits pour compléter sa gamme. Ce n' est pas fréquent mais ça arrive et je dirais que c'est la première chose à regarder. Après ça, trouver des agents, se développer un réseau de contacts qui va nous permettre d'apprendre, de générer des ventes, c'est beaucoup de temps et c'est aussi connaître un peu la culture chinoise, la façon de faire des affaires des chinois, s' attendre à devoir passer beaucoup de temps, c'est pas évident. Moi je pense que la façon la plus facile de vendre la bas, c' est de trouver un chinois qui est au Canada ou en Amérique du Nord, de le former et de l'envoyer là bas

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SECTION V : DISCUSSION ET ANALYSE DES RÉSULTATS

Les résultats de l'étude viennent d'être présentés. Les pnnCIpaux éléments

ressortant de la vision du processus de prise de décision par les participants ont été

soulignés. Ces résultats apportent différents éclairages sur les thèmes abordés dans les

questions de recherche, soit: les facteurs initiatiques, la composition de la «zone

intermédiaire », les considérations des organisations pour l' investissement en Chine et la

forme d' investissement adoptée, l' émergence de la prise de décision, la rationalité du

processus de prise de décision le processus de prise de décision et les facteurs l ' influençant.

Les résultats liés aux différents thèmes sont récapitulés afin d 'être comparés à la littérature

existante.

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5.1. Les facteurs initiatiques

De façon générale, plusieurs facteurs initient la prise de décision comme des

opportunités se présentant aux entreprises sous la forme de rencontres et de contacts. Ils

peuvent aussi prendre la forme de problèmes auxquels l' entreprise est confrontée: la

saturation des marchés occidentaux, l' arrivée de la concurrence chinoise sur leur marché

domestique, la pression sur les prix, la pénurie de main-d'œuvre et des difficultés dans la

relation avec les sous-traitants chinois. Mais un élément s' ajoute dans la plupart des cas: le

bandwagon effect. En effet, compte tenu du potentiel représenté par le marché intérieur

chinois, de grandes entreprises ont investi en Chine, créant un effet de mode et un effet

d' entraînement de leurs fournisseurs et de leurs concurrents. La prise de décision est alors

principalement initiée par: 1) un souhait de la direction des entreprises voulant pénétrer le

marché chinois et bénéficier de l' avantage du premier entrant; 2) un entraînement contraint

car les entreprises ne veulent pas perdre leurs marchés et leurs clients installés en Chine et 3)

un entraînement contraint par la présence des concurrents en Chine et la nécessité de se

positionner au moins au mê~e niveau qu'eux. Il est à noter qu'aucune entreprise n' a

indiqué avoir été en difficulté au moment de la prise de décisions. Ces dernières indiquent

d' ailleurs qu' il faut être prospère pour investir à l'étranger:

Gestionnaire 8 : Il ne faut pas attendre d'être pris à la gorge pour aller en Chine, il faut y aller quand on est encore prospère et qu on veut continuer de rester prospère.

La notion de bandwagon effect, apportée par Aharoni (1966) est identifiable dans les

cas étudiés. Mais contrairement au concept utilisé dans son modèle, le banwagon effect

semble élargi dans le cas de la Chine. Il ne se limite pas en effet aux seuls comportements

des concurrents, mais semble plutôt résulter de l'engouement général des entreprises vers la

Chine. Cet effet de mode avait déjà été souligné par Freeman (1978 cité par Séthi et al.,

2003) dans le choix de la destination des investissements directs à l'étranger des

multinationales.

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5.2. La composition de la « zone intermédiaire »

Les facteurs initiatiques entraînent dans un premier temps la mise à disposition de

ressources par les entreprises afin de bien identifier ces facte~rs et les "dirigeants

s'entretiennent avec leur entourage et leurs pairs " de la possibilité d'investir en Chine. Ces

éléments permettent d'initier le processus de prise de décision. L'initiation du processus et

le développement d'un engagement envers la réalisation d'un investissement à l' étranger et

envers la décision finale - les deux étapes incontournables de la littérature selon J ocumsen

(2004) - peuvent être repérés à travers la reconstitution des processus de prise de décision

des dirigeants. Toutefois, il est difficile hormis ces deux éléments de distinguer, comme

l'ont souligné Aharoni (1966) et Minztberg et al. (1976), des étapes claires et linéaires.

Certains éléments constituant la « zone intermédiaire» des processus de prise de décision

étudiés peuvent tout de même être mentionnés sans en préciser toutefois la séquence,

comme: l' apprentiss"age de l' environnement chinois, la déte~ination des objectifs de

l'investissement et le choix de la forme d'investissement.

5.2.1. L'apprentissage et la connaissance de l'environnement

d'affaires

Les gestionnaires semblent privilégier l'expérience et l'apprentissage afin de

connaître l'environnement économique chinois, notamment ses opportunités et ses risques.

Ils prennent conscience: 1) de la difficulté de pénétrer le marché chinois; 2) des

différences culturelles, notamment la différence dans la perception du temps, l'importance

du « guanxi » c'est-à-dire des relations pour faire des affaires en Chine et 3) de certains

risques qu' ils considèrent comme inhérents à l'environnement " chinois tels que la

corruption, la perte de propriété intellectuelle et le risque de se « faire avoir ».

L'apprentissage, bien qu'absent de nombreux modèles de prise de décision est un

élément souligné par Aharoni (1966). Les entreprises engagent en effet des ressources et

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saisissent des opportunités afin de comprendre et connaître l' environnement des affaires en

Chine. Selon Wallace Fowler (1997), cela leur permet d' avoir des « attentes réalistes» par

rapport au marché chinois et d'améliorer leur capacité à opérer dans cet environnement.

5.2.2. Considérations

d'investissement

et composition de la décision

Le modèle d'Aharoni (1966) ne donne que peu d' éléments liés aux IDE et

n ' indique pas la façon" dont est constituée la décision. Deux éléments ont toutefois été

identifiés comme composant la décision d' investissement: la détermination des objectifs de

l' investissement et la forme d' investissement choisie. Les dirigeants se révélant quelque

peu hésitants sur ce dernier thème, il n 'a pas été possible de savoir la façon dont les choix

ont été effectuées. Il est également à noter qu' il n' a pas été possible de séquencer la

composition de la décision d'investissement.

5.2.2.1. La déterminati~n des objectifs d'investissement en Chine

Comme indiqué dans la littérature (Globerman et Shapiro, 2003 ; Holland, 2000 ;

Shen, 2006), les entreprises viennent principalement en Chine pour pénétrer le marché

chinois et/ou abaisser leurs coûts de production. La volonté des entreprises de profiter de

leur avantage compétitif sur le marché chinois illustre le paradigme éclectique de Dunning

(1980), notamment l' avantage de propriété (ownership) et la resource based view Theory.

De plus, la recherche de bas coûts de production permet aussi d'étayer les avantages liés à

la localisation (location). La théorie du comportement stratégique ressort egalement

fortement des discours des gestionnaires avec la recherche d'un positionnement

international ou encore le positionnement sur le long terme pour le marché intérieur

chinois.

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66

5.2.2.2. La forme d'investissement

Concernant la forme d ' investissement, les considérations sont principalement

d'ordre économique. Elles permettent d' ailleurs d' identifier la théorie des coûts de

transaction comme la principale théorie expliquant l' investissement direct à l' étranger et le

choix entre JVI et filiale à 100%. Ainsi, les entreprises qui visent le marché chinois

privilégient la JVI compte tenu de la complexité du marché chinois, de leur manque de

connaissances et/ou du fait qu' elles ne peuvent pas assumer seule la réalisation d'une

opération en Chine. Les entreprises s' appuient ainsi sur leurs partenaires pour bénéficier de

leurs connaissances et/ou partager les coûts et les risques de transactions internationales.

Concernant la décision d' investissement dans une filiale à 100%, elle résulte notamment

des coûts de transaction liés à la sous-traitance et engendrés par le manque de contrôle et le

risque de perte de propriété intellectuelle.

5.3. L'émergence de la décision d'investissement

Il est difficile d' identifier le moment où la décision finale est adoptée, comme

l' avaient déjà mentionné plusieurs auteurs (Aharoni, 1966 ; Langley, 1995 ; Walace Fowler,

1997), car les participants sont peu clairs sur la façon dopt elle a été prise et constituée. La

prise de décision ne semble toutefois pas être entièrement délibérée ou émergente, comme

indiqué par Wallace Fowler (1997) et résulter plutôt d"un ensemble de petites actions, d'un

apprentissage et du développement d'un engagement comme indiqué dans la littérature

(Aharoni, 1966). Certaines prises de décisions ont toutefois un caractère plus délibéré que

d'autres, lorsque par exemple les entreprises décident qu'elles vont investir en Chine mais

pas avant d' avoir acquis de l'expérience sur le terrain. De leur apprentissage peut émerger

la sélection d'un partenaire pour une JVI ou la décision d'investir sous forme de filiale à

100% quand elles jugent avoir suffisamment appris. Les décisions ont parfois un caractère

plus émergent, comme lorsque des entreprises choisissent dans un premier temps d'explorer

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67

la Chine. Il en résulte un apprentissage, de l' expérience et même des opportunités amenant

la décision d' investir en Chine.

5.4. La rationalité procédurale

Les entreprises ne mentionnent pas avoir réalisé des études exhaustives malS

indiquent en avoir fait assez pour savoir qu'elles devaient se tourner vers la Chine. Ces

analyses concernaient plutôt les tendances de leur secteur d' activités et les économies de

c~ûts de production possibles que l' étude de plusieurs alternatives au sujet du pays

d' investissement et de la forme d' investissement. Ces résultats coïncident avec ceux des

études de Aharoni (1966), Larimo (1995) et Bjorkman (1989, cité par Woodside et Kandiko,

1991) qui montrent que peu d'alternatives sont envisagées voire même que le processus de

prise de décision pour un investissement direct à l' étranger ne consiste qu 'au

développement d'une unique alternative pour le pays et la forme d' investissement.

Concernant le pays d' investissement, la Chine semble s'être « imposée» aux participants,

car ceux-ci n' indiquent aucun autre pays envisagé et n'expliquent pas leur choix.

Gestionnaire 7 : On est allé directement en Chine, quand on a vu la Chine, on s'est implanté directement, on n ' a pas pensé au Vietnam. Car faut dire que la Chine est bien équipée pour l' export aussi, le système outil, le système de structure et l' expédition.

Intermédiaire 4: On sait qu'en Chine o~ va trouver des produits à coûts réduits avec une bonne qualité demain d'œuvre, une bonne infrastructure et ainsi de suite. Donc y a pas besoin de faire des analyses à n ' en plus finir, surtout quand on est une PME, on ne fait pas ça là, nous les consultants c'est différent, on est payé pour réfléchir mais l ' entrepreneur c'est pas ça ![ ... ] Jusqu'à maintenant, la question ne se posait pas, y avait pas vraiment lieu d' aller se creuser la tête, c'était la Chine. Comme je dis la question était plutôt de savoir comment on le fait et de manière plutôt organiseé, comment est ce qu'on s'y prend.

Même si l' engouement général des entreprises vers la Chine, ~xplique la destination

de l' investissement (bandwagon effect), ce choix n 'est pas pour autant « irréfléchi» comme

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le mentionne un intermédiaire, car le~ entreprises ont au moins une bonne raison d' aller en

Chine (le marché intérieur ou la baisse des coûts de production).

Intermédiaire 7 : En général, · quand c'est la Chine, y a une raison. Oui il y a un effet de ' mode mais en général il y a une raison parce qu'ils savent déjà que dans leur secteur, plusieurs de leurs concurrents sont là bas, donc en général il y a une raison.

Relativement à la façon dont a été choisie la forme d'investissement, l'hésitation des

gestionnaires peut laisser penser qu' ils ne savent pas comment ce choix a eu lieu car il a

émergé des actions de l' organisation. L'apprentissage leur a peut-être permis de choisir la

forme la plus adaptée à leurs objectifs d'investissement et aux risques perçus; encore ont­

ils dû juger de façon subjective quand leur apprentissage était suffisant. Il est aussi possible,

bien que ce fait ne soit pas mentionné, que la forme adoptée résulte d'un certain mimétisme

des entreprises. Les organisations ont peut-être imité la forme choisie par d'autres

. entreprises ayant le même objectif.

Gestionnaire 1 : Dans l'année, on a négocié avec le gouvernement, on a négocié avec le gouvernement local, on a rencontré beaucoup de monde, on a travaillé avec des avocats, on a travaillé avec des comptables on a beaucoup appris pendant cette période là. Ça nous a coûté beaucoup de sous, mais au moins, on a appris. C' est ce qui nous a donné la confiance de partir le projet nous autre même, parce qu'on avait suffisamment appris pour être capable de contrôler suffisamment de paramètres pour dire: bingo, on y va, on le fait.

Par ailleurs, les participants ne soulignent que dans une moindre mesure le rôle de

leur intuition dans la prise de décision et les choix effectués, contrairement aux résultats de

Wallace Fowler (1997). Même si l'intuition a dû jouer un rôle au moment de la prise de

décision, elle a été confirmée par des éléments concrets comme le coût économisé sur un

produit, les bénéfices potentiels et surtout par l'expérience sur le terrain des organisations.

De plus, il est aussi possible que le biais introduit par la volonté des participants de vouloir

rationaliser à posteriori leurs décisions (Schwenk, 1995) atténue son rôle.

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Les principaux éléments liés au processus de prise de décision ont été présentés. Il a

été vu notamment que l ' environnement externe avait un rôle important dans le processus de

prise de décision (bandwagon effect). Les résultats de l' étude montrent également que

d'autres éléments contextuels interviennent dans la prise de décision et qu' il est important

de connaître la situation dans laquelle la décision est prise, afin de mieux l' appréhender.

5.5. Les éléments influençant le processus de prIse de

décision

Des éléments liés à l'environnement interne, externe et au décideur, ont ainsi été

identifiés comme influençant le processus de prise de décision, ce qui est conforme à la

revue de littérature (Hambrick et Snow, 1977 ; Pansiri, 2007 ; Wei et Christodoulou, 1997).

Les éléments externes ressortent toutefois comme ceux ayant eu le plus d' influence sur la

prise de décision.

5.5.1. Les éléments externes à l'organisation

Différents éléments externes influencent le processus de pnse de décision,

notamment l' évolution des différentes économies et les risques liés aux investissements en

Chine.

5.5.1.1. L'évolution de l'économie

De façon générale, l'évolution de trois niveaux d'économie influence le processus

de prise de décision : 1) l' évolution de l' économie domestique, 2) celle de l' économie

mondiale et 3) celle de l' économie chinoise. Tout d 'abord, l'économie domestique (1), avec

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notamment l ' évolution de la taille du marché intérieur, les coûts de production et les

nouvelles attentes des clients - prix « chinois» et qualité « occidentale» - ont un impact

sur la décision. Ensuite, comme il a déjà été mentionné, le mouvement généralisé des

entreprises et des concurrents vers la Chine est l ' évolution de l' économie mondiale (2)

ayant le plus influencé le processus. Puis, au sujet de l' évolution de l ' économie chinoise (3),

l'opportunité présentée par le marché intérieur et la volonté du gouvernement chinois

d'attirer des entreprises ayant des produits à forte valeur ajoutée sont indiqués comme ayant

un impact sur le processus, des éléments déjà mentionnés par Wei et Christodoulou (1997)

et Larimo (1995).

5.5.1.2. Les risques [ié~ à ['investissement en Chine

Les risques liés à l ' investissement direct en Chine mentionnés par les participants

correspondent à ceux évoqués dans la littérature sur les IDE en Chine (Buckley et Casson,

1996: 860; Haley, 2003), soit la corruption, la volatilité réglementaire, la perte de la

technologie et de la propriété intellectuelle ou encore le risque relationnel dans les JVI. Les

entreprises indiquent d ' ailleurs se . protéger du risque de dissémination de leur technologie

en faisant fabriquer les composants clé sur place ou en contrôlant totalement de façon

interne les opérations (filiale à 1000/0). Les risques liés à la différence culturelle ressortent

cependant des entrevues, comme les différences dans la perception du temps et

l'importance des relations humaines. Par contre, les risques politiques et pays47 sont peu

mentionnés mais un nouvel élément apparaît: la prévision du retour de balancier de

l ' économie chinoise. Cela va pousser, selon les intermédiaires, les entreprises qui cherchent

à baisser leurs coûts à considérer désormais plusieurs possibilités de pays d ' investissement.

47 Le risque pays concerne Jes risques d'expropriation, de la répudiation des contrats par Je gouvernement, des règles de droit concernant J' entrée de l ' exploitation (Beaulieu et al. , 2005 : 140)

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5.5.2. Les caractéristiques des organisations

Plusieurs éléments liés aux caractéristiques internes des organisations rentrent en

compte, selon les résultats, dans le processus de prise de décision: 1) le type de produit ; 2)

l' expérience antérieure de l' organisation et 3) le fait qu' elles aient ou non un conseil

d' administration.

Concernant le type de produit (1), les participants visant le marché chinois ont tous

indiqué avoir certaines caractéristiques, comme un produit dont la marque est reconnue et

ayant une forte valeur ajoutée. Ils mentionnent avoir ce que Dunning (1980) considère

comme un avantage de propriété. Au sujet de leur expérience antérieure (2), les relations de

confiance établies avec des fournisseurs mènent dans plusieurs cas à des négociations pour

d'une JVI. En effet, d 'après Inkpen et Curall (1997), une histoire collaborative comme la

sous-traitance, est un facteur se retrouvant souvent dans le cas des alliances stratégiques

internationales. Tout au long de la relation, certaines entreprises de l' étude saisissent des

opportunités de travailler de façon plus rapprochée, un phénomène déjà observé Parkhe

(1993 cité par Robon et al. 2004 : 403). De plus, même si toutes les entreprises ont des

activités d' exportation, seule une d' entre elles a préalablement exporté en Chine. Pourtant,

Larimo (1995) avait trouvé dans son étude que les entreprises avaient tendance à investir

dans des pays où celles-ci avaient déjà exporté. Cela peut s' expliquer en partie par le fait

que des entreprises investissent non pas pour le marché chinois mais pour réexporter vers

leur territoire national. Mais les entreprises investissant en Chine pour le marché chinois

n 'ont pas préalablement exporté dans ce pays, ce qui diffère donc des modèles traditionnels

de développement international des entreprises (Johansson et VahIne, 1977). Cet élément

vient par contre confirmer les résultats d' études indiquant une accélération de

l' internationalisation des entreprises (Oviatt et McDougall, 1999). Un autre élément lié aux

caractéristiques internes de l' entreprise est ressorti comme influençant le processus de prise

de décision: (3) le fait que peu d 'entre elles aient un conseil d 'administration. Lorsqu'un

conseil d' administration est en place, l'entreprise doit réaliser de plus amples analyses et le

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processus de prise de décision est plus lent. Ces éléments ont un impact constaté dans les

entrevues sur le processus de prise de décision et sont mentionnés par les intermédiaires:

Intermédiaire 8 : Si il Y a un Conseil d' administration, ils ont besoin d' études plus concrètes, car un gestionnaire, ça veut se protéger, donc il veut avoir une étude pour justifier sa décision. L'entrepreneur n'a pas à justifier sa décision, il y va par « gut feeling », les tripes: «c 'est ça que je veux faire, c'est une bonne idée, je l' aime bien lui », il n'a à justifier sa décision à personne.

Gestionnaire 9: It was a quick decision from the point of view of the CEO, the founder. He came to the realization very quickly that with price pressure and the cosumers moving to China and where the market was: we had to do this. Persuading our board and our investors was not su ch a quick decision, it took several months

5.5.3. Les éléments liés au décideur

A propos des éléments liés aux décideurs, l' aversion au risque a été repérée comme

un élément ayant ralenti le processus de prise de décision, ce qui est cohérent avec la

. littérature sur le sujet (Hitt et Tyler, 1991). L' influence du réseau, mentionné par Wei et

Christodoulou (1997) se retrouve également à la fois sous la forme des relations formées en

Chine (le «guanxi ») et de l' influence des réseaux domestiques ou de la société sur le

décideur notamment vis-à-vis des histoires de scandales d' entreprises étrangères en Chine.

De plus, sa perception du risque de ne pas investir en Chine par rapport à celle d' y

d'investir a également joué un rôle. Le risque d'inaction - appelé opportunity loss - par

.MacCremmon et Wahring, (1986 ; cités par Walace Fowler, 1997 : 129) a d'ailleurs déjà

été mentionné par Wallace Fowler (1997) lors d' investissement en Chine.

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73

CONCLUSION GENERALE

La prise de décision stratégique: un processus social complexe, ancré dans des

situations et dépendant des différentes circonstances de l' environnement, de l ' organisation

elle-même et des traits personnels des individus y participant. Cette vision de la prise de

décision stratégique d 'Aharoni (1966 : 57) résume bien les résultats de cette recherche. Ces

derniers sont détaillés dans un premier temps et une représentation des processus de prise

de décision étudiés est réalisée. Par la suite, les implications des résultats de l' étude sont

présentées, puis les limites de l' étude sont exposées.

Les principaux résultats de l'étude

Cette étude avait pour but de mieux comprendre 'un type de décision stratégique

particulier, la décision des PME manufacturières qué~écoises d ' investir de façon directe en

Chine. Elle se proposait également d 'adopter le point de vue du gestionnaire et de

reconstituer sa conception du processus de prise de décision ayant amené à la décision

d' investissement. A cet égard, six éléments principaux ressortent de l ' étude.

1) Tout d'abord l'existence d'un engouement très fort des entrepris"es vers la Chine, qui

engendre un mimétisme (par effet de mode ou par entraînement contraint) au niveau de la

destination des IDE (bandwagon effect).

2) La théorie des coûts de transaction illustrée par la recherche de la minimisation des coûts

de production et de transaction est la principale théorie identifiée comme expliquant les

IDE.

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3) La façon dont a été prise la décision - moments et éléments clé - ne se reflète pas de

façon claire dans les discours des dirigeants. La prise de décision semble émerger de

l ' exploration et de l ' apprentissage des organisations, mais l 'hypothèse du mimétisme (la

théorie institutionnelle) permettrait également de mieux appréhender les explications des

participants, qui sont quelque peu hésitants, quant au choix de la forme d' investissement

par exemple.

4) Les processus étudiés ne suivent pas précisément la rationalité procédurale évoquée dans

la littérature, car peu d' alternatives sont envisagées pour le choix du pays ou de la forme

d ' investissement et qu ' aucun processus de sélection n ' a lieu. Les entreprises semblent

toutefois rechercher par l' apprentissage et l'exploration une certaine adéquation

organi sati onnell e.

5) La dimension culturelle et la frustration qu ' elle engendre est un élément fortement

souligné par les dirigeants, notamment les différences dans la façon de faire des affaires et

la perception du temps, ainsi que l'importance des relations humaines.

6) De façon générale, les résultats de l ' étude laissent penser que les processus de prise de

décision des PME étudiés sont comparables à ceux décrits dans le modèle d 'Aharoni (1966),

à la seule différence que les participants soulignent qu'un apprentissage (expérience et

exploration) à lieu à chaque fois et n'est pas éventuel.

Schématisation des processus de prises de décisions étudiés

Etant donné que le processus de prise de décision est itératif et que certaines étapes

se répètent ou sont omises, il est difficile de séquencer de façon linéaire et précise le

processus de prise de décision. De plus, compte tenu des nombreux éléments influençant la

prise de décision, il est difficile de saisir et de rendre compte de la complexité du

phénomène à l ' étude. Il est toutefois possible d'indiquer les principaux éléments ressortant

des processus de prise de décision étudiés et de les représenter (schéma 4 p. 76).

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75

Le processus de prise de décision est initié par la combinaison de plusieurs facteurs

initiatiques (bandwagon effect, pression sur les coûts, déplacement des marchés, mise en

contact avec une personne connaissant bien le marché chinois, etc.) et la mobilisation des

ressources afin d'y répondre et de vérifier les principales tendances de leur .secteur

d' activités (voyages en Chine, visites de foire commerciale, rencontre de différents

hommes d' affaires locaux, etc.).

Une fois le processus initié, les participants favorisent l' apprentissage

organisationnel et l ' expérience sur le terrain. Ils connaissent ainsi mieux l'environnement

cl ' affaires chinois et peuvent saisir des opportunités se 'présentant, comme une JVI avec un

de leurs fournisseurs ou l ' existence d'une place sur le marché chinois pour leurs produits.

Les entreprises prennent également conscience des risques inhérents à l' environnement

chinois et de la façon de faire des affaires dans ce pays, notamment l' im.portance des

relations en Chine. Un élément non spécifié dans le modèle d'Aharoni (1966) est

l' élaboration de la composition de la décision d ' investissement. Certes, il n ' a pas été

possible dè la séquencer, mais deux éléments principaux sont ressortis: la détermination

des objectifs de l' investissement (considérations stratégiques: pénétration . du marché

chinois, production en Chine pour baisser les coûts de transaction et positionnement sur le

long terme) et le choix de la forme d' investissement (JVI, filiale à 1000/0). La détermination

des objectifs résulte de l'apprentissage des organisations en Chine et le choix de la forme

d' investissement semble également émerger de l' ensemble des démarches réalisées par

l' entreprise (en plus de l' hypothèse d 'un certain mimétisme). Cette forme est selon le

participants celles leur permettant de minimiser leurs coûts de transaction (considérations

économiques : réduction des coûts d'opération, protection de la spécificité des actifs, etc.)

Tout au long de la prise de décision, un engagement envers la décision d' investir en

Chine se développe et forge l'engagement vers la décision finale d'investissement. En plus,

d' être impacté par des éléments externes, le processus subit également l' influence des

caractéristiques internes de l' organisation (type de produit fabriqué, expérience antérieure,

conseil d' administration) et d'éléments liés aux décideurs comme son aversion au risque.

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1

Schéma 4 : Les principaux éléments des processus de prise de décision étudiés

~----------------------------~ -- ....

Exte:rne /

• Mouvements des entreprises :' concurrents~ fournisseurs

• Mo difi cati ons de l'environnement direct de r entreprise : évolutio n et tendanc es

..... _._ ... _ .. _ .•. __ .. _ ... _ .... _ .... _-_._._ .. _----_ ... _ .. __ ... _ .. _-_._--_._-,----------

Interne

• Expérience antérieure, spécificité des actifs, intensité technologique du produit, structure

(conseil cl' admi:nistrati on)

Décideur

• In il uenc es : réseau, entourage, société

• Aversion au risque, p ercepti on de s risques li é s à l'e nviro nne ment et de s risq ues relationnels

76

......

'­,

; , ~

~------------------------------------~

...... ------------~ .,.,. - - '- - -1 PrElcessu!Ii de prise de décision 1- - - - - ~

/~ 1. _____________ '" "' , ~ ~

j Initi3tiEln ,

JI • F acteurs initiatique s : bandwagon ejject7' opportunité S1 t

, \ \

modifica tions de l'en vironnetne nt • Décision de {{ regarder}} à. rétranger : mise à disposition de . res sourc e s: (voyage S1 c ontac ts 1 etc.)

• Di~cus sions avec l'ent,:)urage et les p aÏ!"s

Expla r21tia n et "p prentissage

• Exploration et expérience: prise de c(Jllscience des risqu.es et des différe nces culturelles, c onnaiss ance du milieu des affaire s et du

marché local • Composition de la décision d'investisselllent: pas d'alternatives envIs:agé es s:ur le choix du pays (mirnétisme)1 dét ermination des

objectifs d'invest:issetnent (considérations stratégiques), choix de

l'IDE (considérations éconolniques) choix de la forrne d' inTolestiss: elnent direct (consi dérations: principaletnent e cononliq ue s

~t mimétisme pf6bable)

,

D é cÏ!licn fin :de

• Etnel-genc e de la déc is ic.n dO> investissem ent finale

• Dé veloppetnent d1 un en.gagemen t envers la déc is ion finale , ~

'~-----~------}-----------' Inve sbss ement dire ct à l' étr3..nger

~

J 1

Source.' schéma réalisé pour l'étude

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77

Implications de l'étude

Concernant les PME manufacturières québécoises, les intermédiaires indiquent que

celles qui subissaient des pressions sur les coûts ont soit investi en Chine, soit décidé

d ' importer des composants en provenance de ce pays, sinon elles seraient aujourd 'hui hors

du marché. Par contre, ils indiquent que la Chine est passée d ' un statut de pays de « sous

traitance » ·à celui de marché potentiel et cela même pour les PME.

Gestionnaire 6 : Les gens ne voient la Chine que comme des compétiteurs, que comme quelqu' un qui veut les mettre hors d ' affaires, nous on voit la Chine comme un marché potentiel, au point où on met beaucoup plus d'intérêt sur la Chine que sur le Canada, on vise aussi l ' international mais ça devenir définitivement notre plus grand client à travers le temps, définitivement. Il faut s' ouvrir les yeux puis voir ce qui se passent dans le monde, penser aux opportunités potentielles !

Toutefois, afin de pénétrer le marché chinois, les PME doivent, selon les participants,

avoir un produit ayant une forte valeur ajoutée et une marque établie. Mais, deux éléments

viennent limiter ce potentiel pour les PME québécoises: le fait que la Chine selon les

intermédiaires ne soit pas une priorité pour beaucoup d ' entre elles et l ' évocation d 'un

possible retour de balancier de l ' économie chinoise. Les entreprises souhaitant abaisser

leurs coûts de production se délocalisent actuellement, d ' après les participants, de la Chine

vers le Vietnam, constituant les prémices d 'un déplacement des IDE (bandwagon effect)

vers ce pays.

Les résultats de l ' étude apportent des pistes de recherches intéressantes sur ce qui

poussent les entreprises et plus particulièrement les PME à investir en Chine. Le

phénomène de mimétisme et son impact sur les PME nécessiteraient des études

supplémentaires. De plus amples recherches doivent également être réalisées pour connaître

la façon dont les choix sont effectués car les participants n'ont peut être pas tout dit à ce

sujet, notamment concernant les éléments clés entraînant la décision et la façon dont les

choix sont effectués. Il serait par ailleurs intéressant de voir l ' impact sur le processus de

prise de décision de la réalisation d'études plus approfondies et d ' analyses et même de

comparer par la suite la satisfaction des PME par rappo~ à leurs investissements en Chine

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(satisfaction de celles ayant réalisé des études approfondies vs. celles n ' en ayant que peu

réalisées). D' autre part, cette étude pourrait également servir de base à une étude

quantitative afin de conférer une validité externe aux différents éléments mentionnés ou

être répliquée dans un autre pays que le Canada, afin de voir l' impact des différences

nationales sur ce qui poussent les PME à investir de façon direct à l' étranger.

Limites de l'étude

Plusieurs éléments significatifs viennent limiter les résultats de cette étude. Tout

d 'abord, le fait que celle-ci s' intéresse à la stratégie des organisations. La stratégie est en

effet un sujet sensible pour les dirigeants d' entreprises qui peuvent se garder de révéler

certaines informations qui auraient pu par exemple rendre plus claire la décision

d ' investissement. Un deuxième élément important est l' absence de triangulation des

résultats et de vérification des données obtenues, celles-ci provenant d'une unique source

par organisation. De plus, l' hétérogénéité de l' échantillon et sa faible taille ne permettent

pas de conférer une validité . externe à l'étude. Par ailleurs, le manque d'expérience de

l ' intervieweur et des biai~ possibles d' interprétation ou de déformation de l' information

recueillie ont pu affecter les résultats de cette étude (d 'Amboise et Audet, 1996 ; Boutin,

1997 : 66). Enfin, les processus de prise de décision relatés ont pu être biaisés dès le départ

en raison notamment des effets de distorsion et des risques de défaillance de la mémoire ou

de la volonté de rationaliser a posteriori le processus (Schwenk, 1995).

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AN·NEXES

ANNEXEA:

Évolution des IDE en Chine depuis 1998

Montants des investissements directs étrangers en Chine de 1998 à 2007

1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006

années

Source: USBC (2007,2008)

89

2007

Il est à noter que depuis 2006, les statistiques sur les IDE séparent les IDE financiers des non financiers. Le graphique comprend toutefois encore ces deux catégories d' IDE pour les années 2006 et 2007. Pour information, le montant des IDE non fmanciers s'élevait en 2006 et 2007 respectivement à 65 ,82 et 74,77 milliards de dollars us.

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ANNEXEB:

Evolution du stock d'IDE canadiens en Chine de 1990 à 2006

Stock d'investissement direct canadien en Chine depuis 1990

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Années

Source: STATCAN (2008)

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90

ANNEXEe:

Extraits de la revue de littérature de Jocumsen (2004) sur le processus de prise de décision stratégique

Les différentes phases du processus de prise de décision de la littérature

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Jl<t!t'ry ~ 1~EJ2 P'(·.ny~ J ~~ Ft edrîc~kSû1) j> 1d83

Competitive and fftchlstryihctürs Pühlo" l~m; Chmn, 199i); Rlse:nlmrdt atul Bourgools't 19&...~ r(;{rtt~rJ 1'985

Fü~~nl;ial Tet huolûgy

Giet) ~md \Vüt';.[.a'w~ra,ô~na~ 1~16 ,~1tyk;~ and Und(\~" 1998

Source: Jocumsen (2004 : 663)

ANNEXED:

Schématisation du modèle de Mintzberg et al. (1976)

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f ' H

t 1 l

Source: Mintzberg et al. (1976 : 266)

91

,1

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ANNEXEE:

Les prémices des théories sur les IDE, résumé d 'après la revue de littérature de Talluri (1998)

La théorie économique classique avec Adam Smith et Ricardo a cherché à

comprendre le commerce entre nations. Ce n 'est qu'en 1966 que Vernon essaye d' expliquer

la raison d' être des IDE, 'grâce au Cycle de vie international du produit. Trois autres

théories ont également été élaborées par la suite - la théorie de la localisation, la théorie des

imperfections du marché et la théorie de l' internalisation - et ont permis l'établissement du

paradigme éclectique de Dunning (1980) ainsi qu'à une étude plus , approfondie des IDE

grâces aux théories citées dans la seconde partie de la revue de littérature.

Le cycle de vie du produit est constitué selon Vernon (1966) de trois phases: le

nouveau produit, l' arrivée à maturité du produit et la standardisation du produit. L'auteur

expliquait qu'une fois qu 'un produit est arrivé à maturité, il est standardisé. Du fait de la

compétition, l' entreprise doit chercher à réduire ses coûts en profitant par exemple des

avantages liés à la production à l' étranger. Toutefois, son cycle a été élaboré d' après l' étude

de firme innovantes et n' est plus considéré comme pertinent afin d'étudier les IDE car il ne

tient pas compte de facteurs sociaux, politiques etc.

La recherche de la baisse de coûts à l' étranger est elle aussi étudiée dans la théorie

de la localisation (Greenhut, 1952). Cette théorie indique que l'entreprise va implanter sa

, production là où les coûts sont les moins chers, compte tenu toutefois des facteurs de

marché comme la croissance, la compétition, l' intégration économique etc. Cette théorie ne

spécifie toutefois que le lieu de l' investissement et non les raisons qui poussent les

entreprises à réaliser des IDE.

La théories des imperfections du marché apportée par Hymer (1976) indique quant à

elle que lorsqu'une firme s' installe à l' étranger, elle est désavantagée par rapport aux firmes

locales concernant l' environnement économique, légal, institutionnel, les coutumes locales,

la connaissance des goûts des consommateurs, etc. Elle doit donc posséder certains

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avantages pour compenser ce déséquilibre: une marque établie, des brevets, des économies

d'échelle, etc. Ces conditions bien que nécessaires ne sont pas toutefois suffisantes afin

d'expliquer l' IDE, car d' autres facteurs rentrent en compte, sinon l ' export ou la licence

permettraient de profiter de ces avantages sans avoir à investir dans le pays.

La théorie de l' internationalisation développée par Buckley et Casson (1976) vient

en réponse aux imperfections du marché. En effet, dans un monde où les marchés sont

imparfaits, les entreprises cherchent à maximiser leurs profits. Lorsque les marchés

étrangers sont imparfaits, compte tenu des coûts engendrés 48, il y a alors un incitatif à créer

. _ un marché interne local en amenant l ' activité sous un même contrôle et une même propriété.

C' est d'ailleurs cette internalisation des marchés à l' étranger qui génèrent les IDE.

Cependant, peu d' études empiriques ont confirmé cette théorie et il a fallu attendre le

milieu des années 1970 pour expliquer les IDE.

Le paradigme éclectique de Dunning est selon Talluri (1998) issu de la combinaison

de ces trois perspectives. Le « 0 » est issu de la théorie des imperfections du marché est

permet de savoir « qui» investit à l'étranger. Le « L » est tiré de la théorie de la localisation

et permet de voir «où» l' entreprise va s'implanter. Le «1» âécoule de la théorie de

l' internalisation et explique « pourquoi» l' entreprise réalise un IDE.

-lK Les coûts sont d 'après liés à la négociation, à la recherche d' infonnation à la rédacti on et à l' application du contrat

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ANNEXEF:

Guide d'entrevue de l' étude

Introduction et mise en contexte

Je souhaite d'abord vous remercier d'avoir accepté de me recevoir et de répondre à mes questions. Comme mentionné dans nos échanges précédents, je désirerais échanger avec vous sur vos actions passées et notamment votre décision d' investissement en Chine . . J 'aborderai ainsi trois grands volets: en premier votre lecture de l' environnement d' affaires ou d' activités de l' époque, puis ce qui a initié la décision d' investir en Chine, et enfin le processus 'de prise de décision. L' entrevue ne devrait pas durer plus d'une heure.

Coordonnées de la personne interviewée et caractéristiques générales de l'organisation (total 7 minutes maximum)

Tout d' abord je souhaiterais que vous me disiez votre nom, la fonction que vous occupez, et vos responsabilités au sein de l 'organisation (environ 2 minutes)

Ensuite je voudrais connaître un peu mieux votre organisation. Pouvez-vous me la décrire sommairement en précisant notamment sa taille (nombre d' employés en équivalent temps plein), les secteurs d' activités, le nombre d'années où l' entreprise est en opération et active sur le marché, la structure organisationnelle (exemple: nombre de niveaux hiérarchiques, nombre de cadres), chiffre d' affaires approximatif, son évolution et toute autre information que vous jugerez utile de me fournir. (environ 5 minutes).

Environnement global: externe et interne (total JO minutes maximum)

J' aimerais connaître vos perceptions quant aux forces et pressions qui se manifestaient, à l' époque de la décision d' investissement, dans votre environnement externe ou si vous préférez dans le marché et/ou secteur d'activités dans lequel vous opériez.

En quels termes décririez-vous l' environnement d' affaires de l'époque: stable ou volatile (i.e.? dynamique et turbulent), incertain ou prévisible? Y avait-il une forte concurrence sur votre marché ou plutôt une certaine forme de collaboration et de partenariat? Quels étaient les comportements de vos concurrents? (environ 7 minutes)

Face à cet environnement, comment décririez-vous le positionnement de votre organisation, ses forces et faiblesses comme par exemple les compétences internes, les qualifications de vos ressources humaines, etc. (environ 3 minutes)

Initiation de la prise de décision (total: 7 minutes maximum)

Qu'est ce qui vous a amené à vous tourner vers la Chine :une entreprise concurrente y a investi, les conseils d'une entreprise de consultation, la médiatisation de la Chine, la situation de votre entreprise etc. et quand cela a t-il commencé? (environ 4 minutes)

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En quels termes décririez-vous votre perception de l'époque de la Chine, c'est-à-dire: son environnement économique, politique, son marché intérieur, les possibilités d'affaires etc.? (environ 3 minutes)

Processus de prise de décision (totall7 minutes maximum)

Pourriez-vous me dire comment s'est prise la décision d' investir (et non la réalisation de l' investissement), c'est-à-dire les étapes ayant amené la prise de décision? Si vous préférez, comment s' est déroulé le processus? Des analyses ont-elles été faites? Des alternatives ont­elles été envisagées? (environ 5 minutes)

J 'aimerai savoir ce qui vous a poussé à investir sous cette forme d' investissement, c'est-à­dire les critères de sélection pris en compte et les objectifs d'un tel investissement: la profitabilité, l' amélioration de la position concurrentielle, la réduction des coûts etc.-? (environ 5 minutes)

Concernant le déroulement du processus, celui-ci a-t-il été interrompu? Des difficultés ont­elles été rencontrées? S' est-il déroulé différemment que pour un autre projet d' investissement plus habituel? (environ 4 minutes)

Finalement, pouvez vous me dire quand et par qui la décision a t-elle été prise? Une autorisation a t-elle dû être demandée, au propriétaire ou au conseil d' administration par exemple? (environ 3 minutes)

Remarques finales (total 7 minutes maximum)

J 'aimerai connaître ce que vous avez retenu de cette décision d' investissement, quelles principales leçons tirez-vous de celle-ci? Si c'était à refaire, l' auriez-vous fait différemment? L'entreprise aurait -elle dû posséder certaines capacités supplémentaires, ou faire appel à des conseillers externes? (environ 5 minutes)

Avez-vous des remarques, informations ou commentaires que vous aimeriez nous transmettre en terminant. (environ 2 minutes)

Conclusion de l'entrevue (environ 2 minutes maximum)

Je vous remercie du temps que vous m'avez consacré. Je vous souhaite une bonne continuation et de la réussite dans vos projets? Puis-je vous rappeler au cas où une information me manque? Je vous ferai part des résultats intermédiaires dès que possible.

Temps approximatif de l'entrevue: 50 minutes.

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ANNEXEG:

Guide d'entrevue de Wallace Fowler (1997)

tNTERYJEW GUlDS

Foreign 'rnvesiment DeelsfonMakfng ProceSS Study Ke~Ffa,g]fer Business Sdlool

'University of North CaroUna at Qhape.l HiU

We are studVing the strategie decision-making' process {fJ,at multinational companies use t·o make hjgh~sk forergn investrnent deci<sions.. We would Uke ta ·talk ta you about the proœ5s tha!. your company usëd to decide to make il signi ficant investfnent in China ..

• We are' lnteresled ,in the dedsi·on .. making pro.œss~ ralh·a.r than the -specifie investment.s,

• Everything is, confidentiel ,

• Companies willreeelve an 'executivesummary of our findlngs.

Questions about the Hig:h-Rii5k ' nvestment Décision-Making ·Proeess

FIÎst.~ please describe the decisÎon;;;making proœss that Y'OUf comp.any empjoyed to make the. declsion ta in,vest in China-

• When wasltle processioitiated?

• How far ahe·ad did you look. when makrng this declsion?

• What internaI IJnits or departments were in'i"elv·ed in the slrategy-making process? Did this change a-ver the ,COUrse of the process?

• What externat organizations or peop.lew8re invclvèd jn, the strategy;,.makfng process? D,d this change over the course of the process?

• What was clone 1:0 investigate various afternaUves?

• Where and by \vhorn 'was the decision acwaUy made?

• How would you ev.aluate the dec1s~ionprocœs?

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·General Qtlütions. a.bout the Strategy..Maldng Proeess

Please oonsider how Ihis .strategy~aking proces$ compares ta the procass· used to make other strategie decisjDns at your company,.

• How frequen11y does 1he company make Decisions of tnis magnitude'?

'. Was thë pro cess typic:al of strategf.e decision .. maklng proœsses at yOUf company? (If so .. please describe. HIlOt. how did it differ?)

• Doeslhe strategy fO( lovesttne.nt in Ch~na. represent a eha,nge in atrategy 'for 'V,our oo~pany' or i& it a oontinuaUon of previous strategy?

• How does the China strategy relale to yout overa[~; g10bal strategy?

Ques·Hons about Riak and Retum Asse8Sni.ènt

.. How wes· the return on the·s·., investmems estima1ed?

• How' wâ.S risk .assessed"?

• Wh.at tao[s. or models we.re used?

Questio.ns about Impfemen.ta.tion

• 00e5 imp1ementinglhe: strategy in China r9present a major change for youf company?

• Ta ''llhat extent,was 1mpfemen1ation coosidered tn the strategy .. making proeess1

• How don doing busJneS4 ln China differ fro·m dQtng business eJsewn.er:e?

• How wen were" any implems'ntation problems anticipated?

97

Source: Wallace Fowler (1997: 145-146)

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ANNEXEH:

Fiche de synthèse

FICHE DE SYNTHESE ENTRETIEN N°X

Eléments objectifs

• Personne/situation spécifique:

• Thèmes principaux abordés:

• Question(s) de recherche sur lesquelles portait plus spécifiquement l' interview:

• Nouvelles hypothèses suggérées:

• Priorité(s) lors du prochain contact

Eléments subjectifs

• Impressions dominantes

• Eléments confirmant ces impressions

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ANNEXEI:

Détails des recherches effectuées

• Recherche sur les quotidiens d'affaires:

Les mots clés de recherche suivants ont été utilisés (dans leur forme abrégée et complète) :

o JVI, PME, Chine, Québec, investissement, investir o Entreprise commune, PME, Chine, Québec o Coentreprise, PME, Chine, Québec

• Recherche sur la base de données Strategis

o Les critères de recherche suivant ont été rentrés :

~ Province (Québec) ~ Activité principale (manufacture, fabrication, production) ~ Nombre d' employés (1 à 10 ; Il à 50 ; 51 à 100 ; 101 à 250 ; 250 à 500) ~ Total des ventes (Tous et les entreprises de plus de 50 millions de CA ont

été éliminées par la suite) ~ Exportateur (Exportation et Intérêt à l'exportation) ~ Pays (Chine) ~ Alliances stratégiques (Finance, Affaires et ventes, technologie).

• Les termes JVI, coentreprise et alliance ont également été utilisés comme mot clé pour la « recherche détaillée»

• Recherche sur internet

Les mots de recherche suivants ont été utilisés (les différentes combinaisons ne sont cependant pas détaillées) : investissement, Chine, PME, manufacturière, québécoise, filiale à parts entières.

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Bénédicte Naudan Adresse Téléphone Courriel

Madame, Monsieur,

ANNEXEJ:

Lettre d'approche et de prise de contact

100

Québec, le XX mois 2008 .

Je suis étudiante à l'Université Laval et je réalise dans le cadre de ma maîtrise, un mémoire

de recherche sur les petites et moyennes entreprises manufacturières québécoises ayant des

coentreprises en Chine. Le processus de prise de décision ayant amené NOM DE

L'ENTREPRISE à se tourner vers la Chine et à y investir, ainsi que les facteurs ayant

influencé ce processus sont les thèmes centraux de l ' étude. Je sollicite donc votre

participation ou celle d'un de vos collaborateurs, pour une entrevue d'une heure environ

afin de m ' entretenir de ce sujet avec vous. Les données recueillies lors de l ' entrevue seront

confidentielles et non nominatives. Il est à noter que votre partIcipation m ' aiderait

grandement dans la réalisation de mon mémoire et permettrait aussi d ' enrichir la

connaissance d'autres chercheurs en partageant votre expérience et vos conseils.

Je prendrai contact avec vous dans le courant de la semaine prochaine afin de connaître

votre intérêt pour l'étude. Si d'ici là vous avez des questions concernant le projet de

recherche, je suis à votre entière disposition pour y répondre et je vous remercie par avance

de la considération que vous porterez à cette lettre. Je vous prie d'agréer, Madame,

Monsieur, l ' expression de mes sentiments distingués.

Bénédicte Naudan