25
Direction territoriale Méditerranée Allée des Marronniers 46, avenue Paul Cézanne CS 80411 13097 Aix-en-Provence cedex 02 Tél. : 04 42 17 57 00 Fax : 04 42 21 91 59 Mél : [email protected] www.onf.fr Certifié ISO 9001 et ISO 14001 IMEP Faculté des Sciences de St Jérôme IMEP-Faculté des Sciences de St Jérôme Av. Escadrille Normandie-Niemen F-13397 Marseille cedex 20 Tél - 04 91 28 85 27 Fax - 04 91 28 86 68 La Sabline de Provence Écologie et biologie Photos ONF - Imprimerie ONF Fontainebleau - Juin 2011 Avec le concours

La Sabline de Provence - imbe.fr · de deux styles, au lieu des trois présents ... De très petites gouttes de nectar brillent souvent au fond de la fleur. Après fécondation, la

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: La Sabline de Provence - imbe.fr · de deux styles, au lieu des trois présents ... De très petites gouttes de nectar brillent souvent au fond de la fleur. Après fécondation, la

Direction territoriale MéditerranéeAllée des Marronniers46, avenue Paul CézanneCS 8041113097 Aix-en-Provence cedex 02Tél. : 04 42 17 57 00Fax : 04 42 21 91 59Mél : [email protected]

Certifié ISO 9001 et ISO 14001

IMEPFaculté des Sciences de St Jérôme

IMEP-Faculté des Sciences de St JérômeAv. Escadrille Normandie-Niemen

F-13397 Marseille cedex 20Tél - 04 91 28 85 27Fax - 04 91 28 86 68

La Sabline de ProvenceÉcologie et biologie

Photos ONF - Im

prim

erie ONF Fontaine

bleau - Juin 201

1

Avec le concours

Page 2: La Sabline de Provence - imbe.fr · de deux styles, au lieu des trois présents ... De très petites gouttes de nectar brillent souvent au fond de la fleur. Après fécondation, la

Écologie de la Sabline de Provence, Arenaria provincialis, synthèse des connaissancespour sa conservation

ONF IMEP - 2011

Page 3: La Sabline de Provence - imbe.fr · de deux styles, au lieu des trois présents ... De très petites gouttes de nectar brillent souvent au fond de la fleur. Après fécondation, la

Écologie et biologie de la Sabline de Provence > Sommaire

Sommaire

Introduction 3

I Systématique, Écologie et Biologie de la Sabline de Provence 4(1) Il était une fois « l'Herbe à Gouffé » 4(2) Reconnaître la Sabline de Provence 5(3) Distribution et amplitude écologique de la Sabline de Provence 6(4) Moins d'une année pour se développer et se reproduire 10(5) Une dynamique en « dents de scie » 12(6) Stratégies pour survivre au milieu des cailloux 13

II Vulnérabilité et Conservation de la Sabline de Provence 14(1) Deux questions pour la vulnérabilité 14(2) Menaces potentielles et exposition des populations 15(3) Recul historique et bilan des menaces 17(4) Propositions pour la conservation de la Sabline de Provence 18(5) Conclusion 22

Page 4: La Sabline de Provence - imbe.fr · de deux styles, au lieu des trois présents ... De très petites gouttes de nectar brillent souvent au fond de la fleur. Après fécondation, la

Écologie et biologie de la Sabline de Provence > Introduction

Introduction

Dans le massif des Calanques, la végétation est souvent clairsemée, laissant d'importantes zones ouvertes où le minéraldomine. Un randonneur parcourant le plateau de l'Homme mort, ou atteignant le sommet du mont Puget, remarqueraque le paysage, aride et austère, prend des allures de « milieu extrême » les jours de grand mistral (Figure 1).

Même si l'altitude n'est pas très élevée et lesprécipitations plus abondantes que dans les milieux aridesou désertiques (550 mm par an environ), de nombreuxfacteurs se conjuguent cependant pour limiter lacroissance des quelques 600 espèces de plantes qui viventdans ce petit massif littoral. Le vent, la très faible réserveen eau des sols (substrat calcaire fissuré) et les incendiesrépétés limitent la progression de la couverture végétalelibérant de vastes affleurements de roches calcaires quiaccentuent la luminosité de ce paysage caractéristique auxportes de Marseille. La plupart des randonneurs etgrimpeurs qui parcourent les collines et petites montagnesde Marseille observent le Genévrier de Phoenicie(Juniperus phoenicea) ou encore la Centhrante rouge (Centhranthus ruber), mais bien peu se doutent de la présenced'une plante unique, très discrète, la Sabline de Provence ou Arenaria provincialis (Caryophyllacée). Et pourtant cetteplante endémique à distribution restreinte (Encadré n°1) mérite une attention particulière. Joyau du patrimoine natureldu sud de la Provence, son évolution en situation d'isolement, dans un milieu « extrême », a mené à l'émergenced'adaptations particulières, de caractéristiques biologiques uniques, sujet d'études pour les scientifiques etd'émerveillement pour tout un chacun.

Pourquoi faut il protéger les plantes endémiques ? Celles-ci ont remporté de véritables défis évolutifs pour échapper àl'extinction : survivre dans un habitat peu favorable à la croissance végétative, persister quand éventuellementl'isolement amène les congénères à se raréfier, et s’accommoder localement des fluctuations climatiques des derniersmillions d'années. Même si ces plantes endémiques n'ont pas d'utilité avérée pour l'Homme, elles soulignent l'originalitébiogéographique d'une région, sa spécificité au même titre que d'autres aspects du patrimoine. Leur existence est liéeétroitement à l'histoire et la géologie, et comme le patrimoine historique, elles enrichissent notre environnement. Enrevanche, par définition leur populations sont restreintes à une petite aire géographique, ce qui les rend très vulnérablesaux activités humaines qui peuvent provoquer une destruction de l'ensemble de leur habitat et décimer l'ensemble deleurs populations très rapidement. De ce point de vue les taxons endémiques font donc partie des enjeux écologiquesliés à la Biodiversité.

Ces arguments, l'originalité spécifique et la vulnérabilité accrue des espèces endémiques face aux activités humaines,font partie des critères utilisés actuellement pour définir les priorités de conservation de la biodiversité. Cependant,centrer la conservation sur une espèce ne veut pas dire que les niveaux d'organisation supérieurs (écosystèmes,paysages) soient exclus. En effet, protéger une espèce peut faciliter la protection des communautés d'organismes où vitcette espèce.

S'intéresser à la persistance de la Sabline de Provence, c'est aussi considérer les communautés végétales des pierrierset éboulis vulnérables face à la sur-fréquentation, ou encore surveiller la dynamique des pollinisateurs qui assurent sareproduction. La Sabline de Provence peut donc être considérée comme une espèce « porte-drapeau » pour la flore descollines et petits massifs qui entourent la métropole de Marseille.

3

Figure 1 - Paysage aux abords du mont Puget.

Page 5: La Sabline de Provence - imbe.fr · de deux styles, au lieu des trois présents ... De très petites gouttes de nectar brillent souvent au fond de la fleur. Après fécondation, la

Écologie et biologie de la Sabline de Provence

4

Écologie et biologie de la Sabline de Provence > Systématique

I) Systématique, Écologie et Biologiede la Sabline de Provence

(1) Il était une fois « l’Herbe à Gouffé »Au  XIXème siècle, les botanistes Castagne etRobillard découvrent près de Marseille une petiteplante à fleurs blanches vivant, selon leurs termes,dans des « endroits rocailleux ». Ils nomment cettepetite plante de Provence (Figure 2), « Gouffeiaarenarioides DC » en hommage à Bernard Goufféde Lacour, directeur du premier jardin botaniquede Marseille et ami de Castagne. La plante qu’ilsont découvert ressemble aux « sablines » du genreArenaria ou Moehringia (Encadré n°2), mais safleur présente un pistil (appareil femelle) constituéde deux styles, au lieu des trois présentshabituellement chez les sablines. Castagne était enrapport avec De Candolle qui enregistra alorsGouffeia arenarioides DC dans la Flore Française(1815).

Alors que plusieurs flores, respectent cettenomenclature, Flora Europaea utilise le binômeArenaria provincialis Chater et Halliday, nom«  officiel  » actuellement. Récemment, lesméthodes de phylogénie moléculaire, basées sur lacomparaison des séquences d’ADN, ont apportéd’importants progrès dans la systématique desCaryophyllacées et en particulier des genresArenaria et Moehringia. Dans la continuité de cestravaux, les analyses réalisées à l’InstitutMéditerranéen d’Écologie et de Paléoécologie(IMEP) ont montré que la Sabline de Provence sepositionnait au sein d’un groupe de taxonsconstitué exclusivement d’espèces du genreArenaria. Cette nouvelle donnée soutient doncl’appellation Arenaria provincialis plutôt queGouffeia arenarioides. Le nom vernaculaire est enquelque sorte au choix des utilisateurs : Herbe àGouffé, Sabline de Marseille, Sabline de Provence

Encadré n°1

Les plantes endémiques à « distributionrestreinte »Un taxon est endémique quand il vit dans unterritoire délimité et plus restreint que celui destaxons affines sur le plan systématique. Il fautpréciser la localisation et l'amplitude géographiquede cet endémisme. Environ 50 % de la floreméditerranéenne est endémique : ces plantes nesont rencontrées que dans cette région, elles sontdonc rares à l'échelle de la planète. Parmi ces plantesendémiques méditerranéennes, 60 % sontrestreintes à une portion, parfois très petite duterritoire méditerranéen. Ces plantes endémiques à « distribution restreinte » sont l'une descaractéristiques de la flore méditerranéenne. Ellessont les conséquences d'histoires biogéographiquescomplexes où l'isolement et l'hétérogénéitéenvironnementale ont joué des rôles prépondérants.Du fait de leur caractère unique, de leur répartitionsur un petit territoire, ces endémiques à « distribution restreinte » sont parfois l'objet deprotections et de projets de conservation. La Franceméditerranéenne détient son lot de plantes rares etendémiques dont il est possible de citer quelquesexemples bien connus des botanistes : la nivéole deNice, Acis nicaeensis (Alliacée), dont la distributionest restreinte aux environs de Nice, l'Armérie deBelgentier, Armeria belgenciensis (Plumbaginacée),présente dans une toute petite localité de moins d'unhectare au nord de Toulon, ou encore la Centauréede la Clape, Centaurea corymbosa (Asteracée),restreinte aux petites falaises calcaires de la Clapeprès de Narbonne.

Figure 2 : Planche de l’herbier de Castagne ayant servi à la des-cription de la Sabline de Provence. Gouffeia arenarioides DC ex.Castagne (TYPUS), Herbier Castagne, MARS herbarium, Univer-sité de Provence.

Page 6: La Sabline de Provence - imbe.fr · de deux styles, au lieu des trois présents ... De très petites gouttes de nectar brillent souvent au fond de la fleur. Après fécondation, la

Écologie et biologie de la Sabline de Provence

5

sont les désignations les plus courantes, le derniernom étant plus en adéquation avec le nomscientifique. Au delà de l’aspect taxonomique, laphylogénétique moléculaire montre que le pistil àdeux styles d’Arenaria provincialis est unemutation isolée, spécifique et fixée chez ce taxon.

(2) Reconnaître la Sabline de ProvenceComment reconnaître la Sabline de Provence dansla nature ? Les sablines ne sont pas le « matériel »botanique le plus facile à déterminer. Cependantles risques de confusion sont relativement réduitsquand on recherche A. provincialis dans lesenvirons de Marseille et dans les habitats où ellepeut vivre.

Arenaria provincialis est une petite planteherbacée, annuelle, pouvant mesurer jusqu’à unevingtaine de centimètres au maximum de sacroissance. Ses tiges sont grêles, verticales et se

ramifient souvent de manière dichotomique. Ellessont renflées au niveau des nœuds où s’insèrentles feuilles lancéolées. Elles sont disposées pardeux, sont opposées décussées et de petite taille(1 à 2 cm). En hiver, une coloration violette oumême rouge est souvent observée chez lesjuvéniles quand ils sont exposés à destempératures négatives (Figure 3).

Au printemps, les fleurs (Figure 4) sont de petitestailles, solitaires, hermaphrodites et constituées decinq pétales blancs et libres (5-6 mm) et alternantavec cinq sépales verts (2-3 mm). L’androcée(appareil reproducteur mâle) est formé de dixétamines, cinq courtes alternant avec cinqlongues. Le gynécée (appareil reproducteur

Écologie et biologie de la Sabline de Provence > Systématique

Encadré n°2

Les sablinesLes «  sablines  » (sandworts en anglais) sont depetites plantes à fleurs, appartenant à la famille desCaryophyllacées qui compte 80 genres et 2500espèces, dont les Œillets, les gypsophiles ou encoreles saponaires. Comme leur nom l’indique lessablines se trouvent dans des milieux riches en sableou éléments fins. Les sablines sont en généralassociées aux milieux ouverts où de fortescontraintes environnementales limitent la couverturevégétale, tels que les pierriers, les zones d’érosion etles falaises. Le nom vernaculaire « sabline » désignedeux genres, très proches, véritables «  cousins  »phylogénétiques, et aussi très ressemblants :Arenaria et Moehringia. Ces deux genres sedistinguent des autres membres de la famille parleurs sépales indépendants, leurs pétales dotés d’unonglet (base rétrécie) très court, leurs feuilles sansstipule ainsi que leurs fruits. Ceux-ci sont en formede capsules s’ouvrant par leur sommet par des dentsou « valves ». Les Arenaria et les Moehringia ont faitl’objet de travaux de systématique récents visant àmieux les discerner. Il apparaît que le seul critèrefiable pour les distinguer réside sur unecaractéristique de la graine. Dans les deux genres,celle-ci est souvent de couleur noire, réniforme etd’une taille de l’ordre du millimètre, rarementsupérieure. Mais celles des Moehringia possèdent unépaississement charnu de couleur blanche, appeléstrophiole, situé dans le creux de la graine et jouantun rôle dans la dispersion soit en attirant les fourmis,soit en collant la graine au substrat rocheux.

Figure 3 : Individus juvéniles d’Arenaria provincialis en février, àdroite coloration violette des feuilles durant une période defroid hivernal au sommet du mont Puget.

Figure 4 : Floraison et fructification d’Arenaria provincialis.

Page 7: La Sabline de Provence - imbe.fr · de deux styles, au lieu des trois présents ... De très petites gouttes de nectar brillent souvent au fond de la fleur. Après fécondation, la

Écologie et biologie de la Sabline de Provence

6

femelle) est composé d’un ovaire uniloculairecontenant deux ovules et deux styles bien visibles.De très petites gouttes de nectar brillent souventau fond de la fleur. Après fécondation, la fleurproduit un seul fruit : une capsule fermée etmesurant de 1 à 2 mm de long. La capsule necontient en général qu’une graine, rarement deux,de couleur noire.

Dans son habitat et son aire de distribution, laSabline de Provence peut être confondue avecquelques autres plantes de petites tailles et à fleursblanches (Tableau 1 page 8). Si les risques deconfusion sont faibles dans les pierriers, ils peuventêtre plus importants sur les crêtes sommitales,dans les vallons et versants humides du massif del’Étoile ou du massif de la Sainte Baume oùd’autres petites Caryophyllacées vivent. Arenariaserpyllifolia est la sabline la plus fréquente enFrance, elle se distingue aisément d’A. provincialispar la forme de ses feuilles, le nombre de styles etle fruit (Figure 5).

(3) Distribution et amplitude écologique de laSabline de ProvenceLa répartition d’A. provincialis est relativementcontinue dans le massif des Calanques(Calanques, Carpiagne et Grand Caunet) maiselle est plus fragmentée au niveau du massif del’Étoile et de la Sainte Baume (Figure 6). Notonsque la Sabline de Provence avait dans le passéune plus grande extension à l’Est car unepopulation citée au XIX et XXième siècles auniveau du Baou de quatre Ouro, près de Toulon,n’a pas été revue ces dernières années malgré denombreuses prospections.

Des études de la flore et du milieu ont étéentreprises pour comprendre l’écologie de laSabline. En trois années, une base de plus de 700relevés a été constituée dans le sud de laProvence. Ces relevés sont réalisés dans desplacettes circulaires de 100 m². Ils se composentde l’inventaire des plantes présentes et d’unemesure ou d’une évaluation des variables dumilieu, telles que l’altitude, la pente, l’exposition,le recouvrement végétal et la granulométrie dusubstrat.

Première observation, la Sabline de Provence estprésente sur une large palette de situationsécologiques ou «  milieux de vie  » : présentequelque soit la pente ou l’exposition, elle serépartie sur un gradient de presque mille mètresd’altitude (Figure 7). Cette amplitude altitudinales’accompagne évidemment d’une grandeamplitude climatique : A. provincialis occupe deuxétages de végétation, le méso-méditerranéen et lesupra-méditerranéen et effleure le thermo-méditerranéen au niveau des stations du littoral enexposition sud. La plupart des stations d’A.provincialis se situent dans le méso-méditerranéenentre 200 et 400 mètres d’altitude.

Écologie et biologie de la Sabline de Provence > Systématique

Figure 5 : Arenaria serpyllifolia, fleur et capsule.

Figure 6 : Carte de distribution simplifiée d’Arenariaprovincialis, les ellipses indiquent les zones de plus grandeabondance. Les étoiles indiquent les populations situées auxlimites de la distribution.

Page 8: La Sabline de Provence - imbe.fr · de deux styles, au lieu des trois présents ... De très petites gouttes de nectar brillent souvent au fond de la fleur. Après fécondation, la

Écologie et biologie de la Sabline de Provence

7

Écologie et biologie de la Sabline de Provence > Systématique

Tableau 1 : Espèces pouvant être confondues avec Arenaria provincialis

Nom Famille Caractères distinctifs

Arenaria provincialis Caryophyllacée Plante annuelleTiges grêles, nœuds renflésFeuille lancéoléeFleur assez grande pour le genre, pétales 5-6 mmde long, plus longs que les sépales, 2 stylesFaible pilositéCapsule fermée

Arenaria serpyllifolia Caryophyllacée Plante annuelleFeuille ovale-aigüeFleur petite à 3 stylesSépales lancéolés ; pétales bien plus courts queles sépalesCapsule ouverte à 6 dents

Arenaria modesta Caryophyllacée Plante annuellePlante glanduleuse, d’un vert plus clair, modesteet plus petite qu’A. provincialisFleur petite à 3 stylesForte pilositéCapsule ouverte à 3 valves bidentéesPrésente seulement sur calcaire dolomitique

Minuartia hybrida Caryophyllacée Plante annuelleFeuilles linéaires, fines, pointuesFleur à 3 stylesCapsules très allongées « cylindriques »dépassant le calice à 3 valves

Minuartia rostrata Caryophyllacée Plante pérenneFeuilles linéaires, fines, pointuesFleur à 3 stylesCapsules très allongées « cylindriques »dépassant le calice à 3 valves

Cerastium arvense Caryophyllacée Plante pérenne, pubescente, tiges lâchesFeuilles lancéolées-linéaires Pétales divisésCapsules cylindriques à 10 dents

Cerastium pumilum Caryophyllacée Plante annuelleFeuilles ovales ou elliptiquesFleur petitePétales divisésCapsules cylindriques à 10 dents

Saxifraga tridactylites Saxifragacée Plante annuelle souvent rougeâtreFeuilles radicales presque en rosette, entières outrilobéesFleur blanche petite (4-6 cm)

Page 9: La Sabline de Provence - imbe.fr · de deux styles, au lieu des trois présents ... De très petites gouttes de nectar brillent souvent au fond de la fleur. Après fécondation, la

Écologie et biologie de la Sabline de Provence

8

Écologie et biologie de la Sabline de Provence > Systématique

Deuxième observation, A. provincialis est présentprincipalement sur calcaire Barrémien à facièsUrgonien (Figure 8), roche qui forme les falaisescaractéristiques des paysages de la zone d’étude.En revanche, A. provincialis est plus rarement surcalcaire à rudistes (Cap Canaille, Garlaban) etjamais sur calcaire dolomitique. Ce facteurgéologique limite sa présence à l’ouest du massifde l’Étoile et dans le massif de Carpiagne, où onobservera une autre sabline, exclusivementassociée aux sables dolomitiques, la Sablinemodeste (A. modesta). Arenaria provincialis estégalement absent sur les grès calcaires situés auCap Canaille et près de La Ciotat.

Nous avons recensé pas moins de 183 espèces de plantes supérieures en compagnie d’A.provincialis dans des placettes de 100 m². Enappliquant des méthodes d’analyse multivariée(ordination et classification hiérarchique) nouspouvons résumer cette diversité écologique enréunissant les sites possédant des communautésvégétales similaires. Par souci de clarté, nousavons résumé la diversité des communautésvégétales observée en trois grands groupesfloristiques (Figure 9) : la garrigue, les éboulis, etles milieux sur substrat rocheux érodé (lapiaz)très ouverts situés au dessus de trois cent mètres(zones sommitales, coteaux ventés).

Figure 7 : Amplitudes climatique et altitudinale d’Arenariaprovincialis représentées sous forme d’histogrammes, montrantque ses populations se distribuent principalement dans l’étageméso-méditerranéen.

Dispertionlimitée

Calcaire à rudistes (Turonien et Cénomanien)

22 %

60 %18 %

Calcaire blanc compact (Barémien à faciès Urgonien)Autres calcaires (Hautrivien, Valanginien, Portlandien)

Figure 8 : Répartition des populations d’A. provincialis enfonction du substratum géologique.

Figure 9 : Diversité des paysages où vit Arenaria provincialis. (a)Crêtes sommitales entre le Mont Puget et le col de la Gardiole,(b) Garrigue littorale près de Callelongue, (c) Eboulis, (d) Crêtesommitale de la Saint Baume et (e) Distribution communautésvégétales avec Arenaria provincialis : les étoiles indiquent lagarrigue (groupe n°1), les cercles indiquent les éboulis etpierriers (groupe n°2), et les croix indiquent les milieux rocheuxtrès ouverts au dessus de trois cent mètres tels que les zonessommitales (groupe n°3).

Page 10: La Sabline de Provence - imbe.fr · de deux styles, au lieu des trois présents ... De très petites gouttes de nectar brillent souvent au fond de la fleur. Après fécondation, la

Écologie et biologie de la Sabline de Provence

9

La fruticée basse ou garrigueLe premier groupe d’habitats se situe dans lesmassifs proches du littoral : Calanques et CapCanaille – Grand Caunet (n°1 Figure 9). A l’échelledes placettes de 100 m², ces habitats sont situésdans une formation d’arbustes et de petits arbres,désignée scientifiquement par le terme de « fruticéebasse  » : la «  garrigue  », où la Sabline occupecertaines zones ouvertes, rocheuses, éventuellementsur des pentes prononcées mais en dehors despierriers et éboulis. Le substrat est constitué desproduits d’érosion ou de fragmentation des rochescalcaires, de type Barrémien à l’ouest et à Rudiste àl’est. Cette garrigue située dans la zone d’influencedu littoral présente des plantes communes desétages méso-méditerranéen et thermo-méditerranéen : le Pistachier lentisque (Pistacialentiscus), la Bruyère multiflore (Erica multiflora), laGlobulaire (Globularia alypum), la Salsepareille(Smilax aspera), le Chèvrefeuille des Baléares(Lonicera implexa), le Pin d’Alep (Pinus halepensis), leSumac des corroyeurs (Rhus coriaria) et bien sur leChêne kermès (Quercus coccifera), plantesdominantes sur presque toute la zone d’étude. Al’Est, au niveau du Cap Canaille ou près du Castellet,A. provincialis se trouve plus fréquemment encompagnie du Pin d’Alep, éventuellement sous despinèdes clairsemées.

Les pierriers et éboulisAu pied des falaises, sur des pentes plus prononcées,la garrigue cède le terrain aux pierriers coloniséslentement par une flore spécialisée. Cespierriers/éboulis (Encadré n°3) sont présents surl’ensemble de l’aire de répartition de la Sabline etabritent une communauté végétale assezhomogène (groupe n°2, Figure 9). Cettecommunauté s’observe fréquemment dans lesmassifs littoraux (Calanques) mais aussi plus àl’intérieur des terres en (Etoile, Garlaban, SainteBaume). Les plantes caractéristiques des éboulis etpierriers à A. provincialis sont : le Laser de France(Laserpitium gallicum), la Centranthe rouge(Centranthus ruber), le Géranium Herbe à Robert(Geranium robertianum), la Crucianelle à feuillelarge (Crucianella latifolia), le Sumac des corroyeurs(Rhus coriaria), le Boucage (Pimpinella tragium) ouencore la Linaire supinée (Linaria supina).

Les zones sommitales et lapiaz au dessus de300 mètres Enfin le dernier groupe (n°3 Figure 9) se rencontredans les massifs, à partir de 300 mètres environ. Il estcaractérisé par une végétation clairsemée, exposée àdes vents violents, souvent en versant nord ou sur desplateaux rocheux (lapiaz) possédant peu de réserve eneau. Au coté des plantes déjà citées dans les pierriers,on y rencontre l’Amélanchier (Amelanchier ovalis), leThym (Thymus vulgaris), la Lavande aspic (Lavandulalatifolia), le Genévrier de Phénicie (Juniperusphoenicea) et le Chêne vert (Quercus ilex). En ligne decrête des massifs de Marseilleveyre, du mont Puget,de Saint-Cyr, de Carpiagne, de l’Etoile et de la SaintBaume, il est possible de rencontrer aux cotés d’A.provincialis un autre endémique provençal: le Genêtde Lobel (Genista lobelii), genêt en coussinettémoignant de conditions très contraignantes pour lavégétation. En sa compagnie, la Sabline de Provencedémontre sa capacité à survivre dans unenvironnement plus alticole où il gèle chaque hiver(étage supra-méditerranéen). Dans de tellesconditions, on observe une végétation plus communeau nord de la Provence ou dans les Alpes du Sud :Lavande vraie (Lavandula angustifolia), Ibéris desrochers (Iberis saxatilis), Anthyllis des montagnes(Anthyllis montana), Crapaudine de Provence(Sideritis provincialis), Santoline Cyprés (Santolinachamaecyparissus) ou encore Pin sylvestre (Pinussylvestris).

Écologie et biologie de la Sabline de Provence > Systématique

Encadré n°3

Les éboulis de Basse ProvenceLes éboulis ou pierriers sont des amoncellements dematériel rocheux qui se déposent au pied des falaisesdu fait de l’érosion. Du point de vue géologique, ilsont souvent moins d’un million d’années et sontdonc récents. L’érosion des roches a été très activesous l’effet du gel et des précipitations dans uncontexte climatique beaucoup plus froid quemaintenant, durant les périodes dites de glaciations.Pendant ces refroidissements climatiques de grandsglaciers creusaient les vallées alpines actuelles et destorrents ou des rivières creusaient les Calanques. Leséboulis sont des formes structurantes du paysageprovençal témoignant donc de conditionsclimatiques révolues. Ces éboulis, en plus d’êtrel’habitat d’une flore spécialisée, sont ainsi deséléments précieux du passé géologique de la région.Contrairement aux éboulis des régions situées sousun climat plus pluvieux, ceux du sud de la Provencesont colonisés très lentement par la végétation.

Page 11: La Sabline de Provence - imbe.fr · de deux styles, au lieu des trois présents ... De très petites gouttes de nectar brillent souvent au fond de la fleur. Après fécondation, la

Écologie et biologie de la Sabline de Provence

10

Écologie et biologie de la Sabline de Provence > Systématique

(4) Moins d’une année pour se développer etse reproduireComme beaucoup d’espèces des milieux arides etdésertiques, A. provincialis a une durée de vieinférieure à une année : son cycle biologique setermine avant que la sécheresse estivale nes’installe. En tant qu’annuelle hivernale (Encadrén°4) son cycle biologique peut se résumer en troisphases : (1) germination et croissance, (2) floraisonet fructification, (3) dispersion et survie dans le sol(Figure 10).

Les germinations peuvent apparaître en fin d’été,avec les premières pluies de septembre et sepoursuivre durant l’automne. Après une périodehivernale durant laquelle la croissance est lente, lestiges s’allongent et commencent à se ramifierrapidement vers la fin du mois de mars. Lespremières fleurs s’ouvrent début avril et lafloraison se poursuit jusqu’à fin juin. Après lapollinisation, réalisée par un cortège abondant etdiversifié d’insectes Hyménoptères et Diptères, lamaturation de l’ovaire produit le fruit (capsule).Début juillet, la plupart des individus sont en fruitet les plantes meurent durant la maturation et ladissémination des capsules. Les populationspassent la saison estivale sous la forme de graines,éventuellement encore contenues dans lescapsules et enfouies entre les graviers et petitscailloux du substrat où elles sont tombées. Dansun site donné, l’ensemble des graines produitespar les individus de la population forment un stockd’individus qui pourra potentiellement constituerla population de la génération suivante. Cetensemble de graines, appelé banque de graines,est essentiel pour la persistance des populations(Encadré n°5).

Figure 10 : Cycle biologique d’Arenaria provincialis.

Une plante pionnière, occupant plusieurshabitats écologiquesPour résumer, A. provincialis est une plantepionnière des milieux rocheux, sur calcaire nondolomitique, où de fortes contraintes (substratmobile, aridité, vent, érosion) limitent ledéveloppement du couvert végétal. Fréquentedans les pierriers et éboulis formés par l’érosiondes falaises, la Sabline de Provence coloniseaussi les zones ouvertes de la garrigue et lescrêtes sommitales, et cela quelque soitl’exposition ou la pente. La diversité descommunautés accompagnant la Sabline deProvence s’explique par son amplitudealtitudinale importante. Les études résuméesici, montrent que protéger A. provincialis c’estaussi protéger la diversité des communautésvégétales des «milieux rocailleux  » entourantMarseille.

Encadré n°4

Les plantes annuellesLe cycle biologique décrit les étapes et la durée de lavie d’un organisme. Chez les plantes annuelles(nommées aussi thérophytes) la partie aérienne, visible,du cycle s’écoule sur moins d’une année. L’individu estd’abord sous la forme d’un embryon dans une graine,produite plusieurs semaines, mois ou années avant. Ilsort de sa vie ralentie et commence sondéveloppement lors de la germination, suivie de lacroissance végétative, puis de la floraison, de lafructification et enfin de la mort de l’individu.L’intervalle séparant la dissémination et lagermination est assuré par la dormance des graines. Ilest possible de distinguer les annuelles d’hiver desannuelles d’été : les premières germent à l’automne,fleurissent au printemps, fructifient et meurent endébut d’été. Les secondes complètent leur phaseaérienne durant les mois les plus chauds: elles germentau printemps et fructifient à la fin de l’été. Les plantesannuelles sont particulièrement fréquentes danscertains environnements tels que les déserts, lesrégions méditerranéennes et aussi dans des sitesrécemment perturbés. En revanche, elles deviennentde plus en plus rares quand l’altitude et lesprécipitations augmentent, notamment dans les Alpes.

Page 12: La Sabline de Provence - imbe.fr · de deux styles, au lieu des trois présents ... De très petites gouttes de nectar brillent souvent au fond de la fleur. Après fécondation, la

Écologie et biologie de la Sabline de Provence

11

Nos travaux sur la banque de graine d’A.provincialis ont visé à étudier l’effort defructification, la densité des graines dans les sols,les taux de germination, et la variation du pouvoirgerminatif des graines, année après année.

Nos observations montrent qu’A. provincialis peutproduire beaucoup de graines à l’échelle dequelques mètres carrés. Par exemple sur le site deLuminy, suite à plusieurs années de suivi de ladynamique des populations, nous avons évaluéune densité moyenne au mètre carré de 37individus et une production moyenne de 83

capsules par individu, soit une productionthéorique de 3071 capsules par année et parmètre carré. Ces variables ont cependant une fortevariabilité, par exemple la production de fruit parindividu varie de 1 à 304 !

Pour évaluer la banque de graines, nous avonsprélevé des échantillons de sol (0,5 litre), en févrieraprès la germination automnale, au sein et àproximité de petits groupes d’individus de Sablinedans quatre sites. Ces petits groupes d’individusforment des tâches assez facilement repérablesque nous appelons des dèmes. Les échantillons desol ont été filtrés de façon à retenir les fruits etgraines de Sabline. Les graines ont été ensuitecomptées, triées, puis les graines intactes ont étémises à germer.

L’analyse du sol montre que la Sabline a un stockde graines ou de fruits très fourni dans le sol situéau sein des dèmes. En revanche, aucune graine n’aété trouvée dans le sol situé à quelques mètres desdèmes. Les graines d’A. provincialis sont doncsituées dans le sol à l’endroit même où poussentles individus du dème. De façon intrinsèque, lespropagules (fruits et graines) d’A. provincialis ontdonc une très faible capacité de dispersion.

Les fruits et graines intacts représentent 66 % despropagules comptées, et dans certains sites laplupart des éléments organiques observables àl’œil nu sont des capsules ou des graines d’A.provincialis, montrant le rôle important que cetteespèce peut avoir pour la microfaune locale. Entre15 et 38 % des graines germent, avec une

Écologie et biologie de la Sabline de Provence > Systématique

Encadré n°5

La banque de graineDe nombreuses plantes passent une période de leurvie sous la forme de graines en dormance dans le sol.Les graines, une fois enfouies dans le sol, peuvent «attendre » leur germination pendant plusieurs années.Cette collection de graines dans le sol, appelée «banque de graines » désigne soit les graines d’uneespèce, soit celles d’une communauté végétaleentière. La banque de graines est le résultat comptablede la « pluie » de graines, de la prédation des graineset autres causes de mortalité, et des germinations. Ladurée de vie des graines dans le sol diffère selon lesespèces et il arrive aussi que l’abondance des espècesdans la banque de graines soit différente de celle desplantes poussant au même endroit. La banque degraines est un des éléments clés du processusdémographique. Par exemple, c’est la banque degraines qui assurera la survie de l’espèce quand l’unedes étapes du cycle échoue. La banque de grainesreprésente une réserve démographique en cas decatastrophe et aussi un réservoir de diversitégénétique. Évaluer la banque de graines et sonpouvoir germinatif est donc essentiel pour évaluer lescapacités locales de persistance d’une plante.

SiteFruits ou grainesintacts par kg de

sol tamisé

Fruits ou grainescassés par kg de

sol tamisé

Taux degermination en

2009 en %

Taux degermination en

2010 en %

Carnoux 170 140 26 38

Garlaban 17 13 30 52

Gineste 1130 422 3 15

Luminy 233 200 29 34

Moyenne 387 194 22 35

Tableau 2 : Résumé des données sur la banque de graines à partir de sols prélevés en février 2008

Page 13: La Sabline de Provence - imbe.fr · de deux styles, au lieu des trois présents ... De très petites gouttes de nectar brillent souvent au fond de la fleur. Après fécondation, la

Écologie et biologie de la Sabline de Provence

12

Écologie et biologie de la Sabline de Provence > Systématique

moyenne de 35 % (Tableau 2). Ce taux moyen degermination des graines de la banque du sol, estinférieur au taux de germination mesuréexpérimentalement à partir de graines âgées dedeux ans et collectées directement sur les plantesau mois de juin (Figure 11).

Ces analyses confirment l’existence d’une banquede graines permanente, mais courte, chez laSabline de Provence. De plus, des graines récoltéesen janvier, c’est à dire après les germinations del’automne, ont montré qu’elles étaient capablesde germer. Par ailleurs, des graines conservées aulaboratoire plusieurs années et à températureambiante sont encore capables de germer, mêmes’il semble que leur pouvoir germinatif ait diminuéavec le temps (Figure 11). Le pic de pouvoirgerminatif serait atteint trois années après lamaturation des fruits.

Nous ne savons pas combien d’années les grainesd’A. provincialis peuvent survivre dans leur habitatnaturel. Mais la dégradation des fruits et desgraines étant importante, et le pouvoir germinatifdiminuant dans le temps, la capacité decompensation démographique de la banque degraine de la Sabline pourrait donc s’amenuiserdans le cas de plusieurs années défavorablesconsécutives.

(5) Une dynamique en « dents de scie »Décrire et comprendre la dynamique pluriannuelled’une espèce est la base des analyses de viabilitédémographique. Pour cela nous avons mis en

place un système de suivi à une échelle finecorrespondant à de petites populations d’A.provincialis réparties en tâches distinctes sur leterrain. Dix placettes permanentes ont étépositionnées en situation d’éboulis ou de replatsnaturels à proximité du col de Sugiton (Luminy).Dans chacune des placettes, quatre quadratsd’1m² ont été placés, et les effectifs au sein de cesquadrats ont été recensés chaque année en mars.La dynamique de la densité des individus a étéquantifiée pour les 40 quadrats sur sept années(Figure 12). Les suivis révèlent une forte variationdes effectifs entre les placettes. Cependant, pourl’ensemble des placettes les fluctuations inter-annuelles sont corrélées à la pluviométrieautomnale. Par exemple, les automnes 2006 et2007 ont été particulièrement secs, entraînant unechute généralisée des effectifs en 2007 et 2008(Figure 12).

En Mars 2008 nous avons observé que la Sablineavait disparu au niveau de trois placettes. En 2009,nous observons dans ces trois placettes lerecrutement de nouveaux individus qui ne peuts’expliquer que par la germination de grainesprésentes dans le sol et produites au printemps2007 ou avant. L’hypothèse d’une immigrationsemble peu probable au regard de l’isolement deces populations et des capacités très limitées dedispersion de la Sabline. Ainsi la banque de grainesd’A. provincialis pourrait compenser des échecs

Figure 11 : Taux de germination de graines collectées en Juin2003.

Figure 12 : Dynamique des effectifs moyens d’Arenariaprovincialis suivis de 2004 à 2010 à proximité du Col de Sugitonprès de Luminy (trait noir et intervalle de confiance à 95 % enpointillé) et pluviométrie automnale enregistrée à la stationmétéorologique de la Gardiole (barres, données Météo-France).

Page 14: La Sabline de Provence - imbe.fr · de deux styles, au lieu des trois présents ... De très petites gouttes de nectar brillent souvent au fond de la fleur. Après fécondation, la

Écologie et biologie de la Sabline de Provence

13

ponctuels de la reproduction ou de la germination.Au dernier recensement (2010), les effectifs sontproches de ceux de l’année 2005, mais sontencore bien inférieurs à ceux de l’année 2004malgré deux années à la pluviométrie favorable.

Ces observations montrent une bonne stabilité dela présence de la Sabline globalement et à moyenterme (7 ans); les dèmes suivis sont toujoursoccupés, ils n’ont pas été détruits et nous avonsobservé qu’ils n’ont pas été colonisés par desherbacées ou des arbustes. Le phénomène defermeture par la végétation ligneuse, souventavancée comme menace des milieux ouverts suiteà l’abandon du pastoralisme, semble très lentedans les habitats de la Sabline d’après nosobservations initiées en 2004 sur le secteur deLuminy. Cette hypothèse devra être confirmée pardes observations sur le long terme et à l’échelle dela distribution d’A. provincialis.

En terme de densité démographique, ces suivisrévèlent un déclin de la Sabline en cas desécheresse automnale. Une augmentation del’aridité durant plusieurs années pourraitprovoquer une diminution importante de sadensité locale, de la banque de graines, et uneaugmentation des risques d’extinction locale, avecpour conséquence une diminution de l’abondancede la Sabline dans les zones les plus exposées :adrets proches du littoral et/ou sites à faibleréserve en eau. Ces résultats soulignent lanécessité de réaliser des suivis pluriannuels pourestimer les paramètres démographiques del’espèce.

(6) Stratégies pour survivre au milieu descaillouxL’histoire évolutive des Sablines a été retracée àpartir des signaux laissés dans leurs gènes par lesphénomènes passés. Ainsi, nous avons pu montrerque les plus proches parents, les « cousins », d’ A.provincialis ne cohabitent pas avec elle dans lesenvirons de Marseille, mais se trouvent en altitude,dans les Alpes, le Massif Central, les Pyrénées ouencore la Sierra Nevada en Espagne. Tenantcompte de ces résultats, nous pouvons formulerl’hypothèse que la Sabline de Provence s’est

individualisée plutôt récemment (< 3 Millionsd’années) à partir d’un ancêtre d’affinité alpine.Cet ancêtre devait être plus largement distribuéquand le climat était plus froid. Durant lesréchauffements du climat (interglaciaires), il alaissé des descendants sous forme de populationsisolées au niveau de zones refuges. Cespopulations «  reliques  » ont évolué durant leQuaternaire et sont maintenant des endémiquesdes montagnes méditerranéennes (A. nevadensis,A. cinerea, A. hispida) ou des espèces de la florealpine ou pyrénéenne (A. ciliata) ou encore demassif littoraux de la Provence (A. provincialis).

Des comparaisons réalisées dans ce contexteévolutif, ont montré qu’A. provincialis sedistinguait par plusieurs caractéristiques uniqueschez les sablines : présence de deux styles au lieude trois, graine volumineuse et enfermée dans unecapsule qui ne s’ouvre pas, et présence d’unelongue racine qui se ramifie tardivement pourformer une sorte « d’ancre » se faufilant entre lescailloux. La graine volumineuse de la Sabline deProvence enferme les réserves nécessaires pourune croissance racinaire rapide. Cela se traduit parune aptitude à survivre dans les pierriers où leséléments nutritifs et l’eau sont rares et difficiles àatteindre amenant les racines à explorer un grandvolume de substrat. De plus, en restant enferméedans la capsule, la graine a une dispersion pluslimitée, favorisant un « tir groupé » des individusde la nouvelle génération par «  barochorie  »(dispersion par gravité) à proximité du pied mère,donc dans un environnement a priori favorable.Dans un habitat naturellement hétérogène(éboulis, fissures, etc.), ce mode de dispersionlimite la proportion de graines tombant dans unhabitat non favorable (fourrés de Chêne kermèspar exemple). Enfin, comparativement à ses«  cousins  » des montagnes, A. provincialis sedistingue par sa niche climatique purementméditerranéenne. Selon notre hypothèse, l’ancêtred’A. provincialis devait être une sabline pérenneou une annuelle estivale comme les cousinesactuelles d’A. provincialis. Pour persister dans lesud de la Provence quand le climat est devenuméditerranéen à la fin du tertiaire, il y a environdeux millions d’années, la population ancestrale

Écologie et biologie de la Sabline de Provence > Systématique

Page 15: La Sabline de Provence - imbe.fr · de deux styles, au lieu des trois présents ... De très petites gouttes de nectar brillent souvent au fond de la fleur. Après fécondation, la

Écologie et biologie de la Sabline de Provence

14

Écologie et biologie de la Sabline de Provence > Vulnérabilité et Conservation

d’A. provincialis s’est adapté aux nouvellesconditions (sécheresse estivale) en modifiant soncycle et sa phénologie. L’été et son aridité extrêmeaurait représenté une forte contrainte pour lespopulations de l’ancêtre d’A. provincialis danslesquelles les individus terminant leur cycleprécocement, avant le pic d’aridité, auraient étéavantagés. La Sabline de Provence est un exemplepassionnant d’évolutions multiples (anatomie,mode de dispersion, racines, cycle biologique)survenues en situation d’isolement.

II) Vulnérabilité et conservation de laSabline de Provence

La mise en place d’un plan de gestion global de laSabline de Provence, que nous allons essayer deproposer ici, a pour objectif d’agir sur le mode dela prévention. L’objectif n’est pas de « mettre souscloche » la Sabline, mais de s’assurer qu’il n’y a pasde rupture des processus écologiques, biologiqueset évolutifs au sein de ses populations. Évidement,les conséquences des activités humaines du fait de

leur intensité et de leur ampleur amènent deschangements drastiques et souvent irréversiblesdes écosystèmes terrestres. La fragmentation desespaces et habitats naturels s’accompagne d’unerupture de nombreux processus biologiques telsque la migration des espèces ou les flux de gènesentre populations, menaçant les populationssurvivant dans les écosystèmes reliques. Cesinterrogations sont légitimes dans le cas de laSabline de Provence dont la répartition se trouveaux porte d’une métropole de plus d’un milliond’habitants. Nous commencerons donc par uneévaluation de la vulnérabilité de la Sabline deProvence.

(1) Deux questions pour la vulnérabilitéDu point de vue théorique, deux conditionsdéterminent la persistance des espèces, ou soncontraire, l’extinction : d’une part les capacitésd’adaptation des populations oud’accommodation des organismes déterminant laréponse au changements de l’environnement, etd’autre part les capacités de dispersion assurant lacolonisation de nouveaux territoires. Sur un

Amplitudeécologique

Abondancelocale

d’habitat

Dépendance à la

pluviométrie

Pionnièredes milieux

ouverts

Herbacée de petite

taille

Banquede graine

Dispertionlimitée

Abondancedes populations

Ariditéclimatiquecroissante

Fermeturedu milieu

Capacitéà coloniserdifférentsmilieux

Destruction del’habitat par

sur-fréquentation

Faible pouvoirde colonisation

RésilienceFragilité

Persistance de la Sabline de Provence

+ +

+

- --

--

Figure 13: Synthèse provisoire, spéculative et incomplète, des phénomènes agissant sur la persistance d’Arenaria provincialis àl’échelle de sa distribution.

Page 16: La Sabline de Provence - imbe.fr · de deux styles, au lieu des trois présents ... De très petites gouttes de nectar brillent souvent au fond de la fleur. Après fécondation, la

Écologie et biologie de la Sabline de Provence

15

territoire aussi urbanisé que le littoralméditerranéen, les principales menaces pour lesmilieux naturels sont ceux induits par la pressionhumaine, tant par la destruction directe deshabitats que par les perturbations liées aux usageset aux changements d’usages déterminant latransformation des milieux. Pour évaluer lavulnérabilité de la Sabline de Provence noustraiterons simultanément deux questions :- quels phénomènes peuvent constituer des

menaces à l’échelle de son aire de répartition ?- quelle est le degré d’exposition des populations

de la Sabline de Provence face à ces menacespotentielles ?

La diversité des phénomènes prises en comptedépend des connaissances acquises lors de nosrecherches sur la Sabline de Provence depuis septans, et qui peuvent être résumées selon la Figure 13.

(2) Menaces potentielles et exposition despopulations

Descente des éboulisLa menace la plus évidente est celle de la sur-fréquentation des éboulis et pierriers. Denombreuses observations indépendantes ontrapporté des destructions partielles de populationsd’A. provincialis par le passage de personnes dansles éboulis. Ces observations ont été confirméespar un suivi réalisé sur des placettes de 50 m²,entre la Gardiole et En Vau, montrant qu’A.provincialis disparaissait localement dans la zonemême de passage des piétons. C’est tout d’abordle mouvement descendant de l’éboulis qui détruitles individus en les déracinant. Puis si le passages’intensifie, l’érosion qui en découle transformel’éboulis, provoquant une descente du sol et descailloux les plus fins, réduisant la part habitable parla Sabline. Dans ces cas là, il n’est pas rare de lavoir subsister en marge de l’éboulis, à l’interfaceentre la pente fixée par la végétation et le pierrieroù il subsiste encore du sol.

En revanche, un sentier empruntant un éboulissans causer la destruction de celui-ci ne représentepas une menace. En effet, un tel sentier s’ilserpente en pente douce dans l’éboulis va créer de

petits replats sur lesquels les graines de Sablines’amasseront et il n’est pas rare de voir de fortedensité d’A. provincialis sur la bordure immédiatede tels sentiers (Figure 14). Ainsi c’est vraimentla descente de l’éboulis en ligne droite dans lesens de la pente qui va être destructrice pourl’habitat de la Sabline. Malheureusement, lespersonnes fréquentant les sentiers des Calanquesdescendent les éboulis comme les pierriers desAlpes en se servant de la mobilité des cailloux pour« glisser ». Les populations les plus exposées à lafréquentation sont situées au niveau d’éboulisfaisant l’objet d’une fréquence importante depassage (sentiers GR, ou accès aux sites majeursd’escalade). Une forte sensibilisation des usagerssoulignant la fragilité de cet habitat et sadestruction irréversible est donc nécessaire : leséboulis méditerranéens se sont formés du faitde conditions climatiques révolues et abritentune communauté végétale particulière etfragile. En revanche, la fréquentation a peud’effets sur les lapiaz et replats naturels où laSabline reste bien fixée dans les fissures.

Aménagements et destruction irréversiblesdes habitatsLes aménagements doivent figurer dans la liste desmenaces : l’ouverture de pistes, la construction debâtiments ou encore l’installation ou l’extensionde carrières, détruiront des populations et aurontdes impacts irréversibles. Pourquoi ? Lesconséquences vont au delà de la destruction des

Écologie et biologie de la Sabline de Provence > Vulnérabilité et Conservation

Figure 14 : Éboulis, lapiaz, petite barre rocheuse, « tâches degarrigue », paysage typique dans le centre d’abondance de laSabline de Marseille, ici entre le col de la Gineste et le montPuget. Notons le sentier qui traverse le versant sans détruire leséboulis.

Page 17: La Sabline de Provence - imbe.fr · de deux styles, au lieu des trois présents ... De très petites gouttes de nectar brillent souvent au fond de la fleur. Après fécondation, la

Écologie et biologie de la Sabline de Provence

16

Écologie et biologie de la Sabline de Provence > Vulnérabilité et Conservation

populations de Sabline et de la perte de diversitégénétique qu’elles détiennent: la destruction desgrands éboulis et pierriers du Sud de la Provenceréduit (1) l’habitat d’une flore adaptée, fuyant leshabitats au couvert végétal plus important et (2) lamarge de réponse de la Sabline de Provence faceaux changements environnementaux à venir. Deplus, du fait de la structure interne complexe deséboulis provençaux et de leur situationtopologique sur de fortes pentes, souventéloignées des pistes d’accès, une«  reconstruction  », ou une restauration de ceshabitats semble difficile, voir impossible.

Les populations situées à proximité de zonesurbanisées, de carrières, ou au sein de zonesrécréatives pourraient être les plus exposées auxaménagements. Les populations en zonesommitale peuvent également être exposées à laconstruction de vigies, l’installation de pylônes oude relais. Une attention particulière devrait êtreportée aux populations à Sabline situées en dehorsde zones Natura 2000 dans lesquelles lespersonnes concernées seront éventuellementmoins bien informées sur la présence d’A.provincialis.

Concurrence d’autres végétauxEn tant qu’espèce pionnière d’habitat rocheux, laSabline de Provence recule face aux espècesproduisant une forte biomasse et un couvert densetel que le Chêne Kermès, le Romarin, et aussi leBrachypode rameux, graminée au fort pouvoircolonisateur. Les suivis réalisés depuis 2004 auniveau des éboulis et replats de Luminy nous ontmontré que la dynamique de colonisation deshabitats à Sabline par les espèces arbustives ouherbacées est très lente voir quasi nulle à l’échellede quelques années. Cependant la durée de cesuivi est encore trop réduite car même unedynamique de colonisation lente peut poser desproblèmes sur le long terme. De ce point de vue,le cas du Sumac (Rhus coriaria), colonisantfréquemment les éboulis à Sabline, est intéressant.Cette espèce ligneuse forme essentiellement desarbustes et dans certains conditions (vallons) depetits arbres. Actuellement il n’entraîne pas decouverture suffisante pour être considéré comme

une menace pour la Sabline, au contraire ilpourrait par plusieurs effets avoir un rôle facilitantpour la Sabline (Figure 15), cependant il est difficilede prendre position sur la dynamique du Sumac oud’autres espèces arbustives par faute deconnaissances.

Il faut aussi souligner l’absence de plantesenvahissantes au sein des habitats à Sabline deProvence. Notons seulement que certainesinterventions humaines telles que les plantationsd’arbres pourraient constituer une menace si ellesse généralisaient et qu’elles concernaient leshabitats à Sabline, ce qui semble a priori peuprobable. Enfin la reconquête du tissu forestier, oudu moins la fermeture des habitats de la Sablinepourrait être plus rapide et intense en altitude, surles versants recevant une plus forte pluviométrie.Cela nous oriente essentiellement vers les versantsnord de l’Etoile ou les versants de la Sainte-Baumeoù des suivis pourront vérifier si la croissance ducouvert forestier représente ou non une menace.La succession végétale est donc à prendre encompte dans les menaces potentielles mais nonconfirmées.

Les incendies sont ils une menace ?Les incendies structurent les paysages des environsde Marseille par leur fréquence et leur intensité. Al’échelle du paysage, le feu n’est pas une menaceavérée pour la Sabline de Provence : d’une part elleoccupe des habitats ou la biomasse combustibleest faible et d’autre part le feu en limitant le

Figure 15 : Éboulis, situé au dessus de Luminy, où Sumac (Rhuscoriaria) et Sabline de Provence cohabitent.

Page 18: La Sabline de Provence - imbe.fr · de deux styles, au lieu des trois présents ... De très petites gouttes de nectar brillent souvent au fond de la fleur. Après fécondation, la

Écologie et biologie de la Sabline de Provence

17

développement des ligneux devrait favoriserl’abondance générale de la Sabline. En effet lesplantes annuelles adaptées aux habitats fortementcontraints ou rudéraux voient généralement leurabondance augmenter les années qui suiventl’incendie. Cependant, une étude ad hoc de l’effetdes cendres sur la germination et du feu sur labanque de graine devrait être menée pour validerou réfuter ces hypothèses.

Importance des insectes pollinisateursLa Sabline de Provence vit dans des habitatsnaturels, c’est à dire non exploités par l’agriculture,l’industrie ou l’urbanisation. De ce point de vue,elle est épargnée par les effets immédiats de lapollution produite par ces activités humaines.Cependant, sa reproduction dépend d’unecommunauté d’insectes pollinisateurs,principalement des Hyménoptères, qui assurent sapollinisation d’avril à juin. Des effets de pollutiondiffusant depuis la ville, les jardins et les parcellesagricoles pourraient provoquer une raréfaction despollinisateurs. Par effet de «  cascade  », unediminution du taux de visite de fleurs de Sabline setraduirait éventuellement par une réduction de lafertilité (dépression de consanguinité) et uneréduction de la régénération des populations. Unepollution atmosphérique, dangereuse pour lesinsectes, est donc à considérer comme unemenace potentielle. Les populations les plusproches du tissu urbain pourraient être les plusexposées. Toutefois, nous manquonsd’information dans la zone d’étude surl’abondance et la diversité de l’entomofaune, sadistribution et sa dynamique actuelle.

Changement climatique globalDe nombreuses observations réalisées à l’échellemondiale confirment la réalité du changementclimatique. Considérant l’histoire et l’amplitudeclimatique de la Sabline de Provence, il ne faut pasêtre trop alarmiste : cet endémique a déjà survécuà d’autres changements climatiques!

Actuellement, la question de l’impact deschangements climatiques concerne les écologuesqui ont trouvé là l’opportunité de suivre unphénomène planétaire. Bien que n’ayant pas

abordé directement ce thème nous avonsremarqué, grâce aux suivis réalisés à Luminy depuis2004, une diminution importante des effectifssuite à trois années de sécheresse avec desdisparitions locales, mais momentanées. Unediminution de la pluviométrie sur le long terme,surtout si elle concerne les pluies automnalespourrait donc avoir des effets sur la densité etl’abondance de la Sabline de Provence. En théorie,les populations « marginales », c’est à dire situéesen limite écologique sont les plus exposées. Nouspouvons donc citer les populations situées à moinsde 100 mètres d’altitudes, en exposition sud, etcelles situées sur des lapiaz en replats ayant unsubstrat très faible et donc peu de réserve en eau.Cependant la diversité des conditions localesoccupées (exposition, gradient d’altitude) par laSabline de Provence indique que cette espècetrouverait facilement au sein de son aire derépartition des zones de refuge en casd’aridification du climat provençal. Actuellementet concernant la Sabline de Provence, lechangement climatique est donc à ranger dans ledomaine des menaces potentielles relevant plusd’un intérêt scientifique que d’un objectif degestion immédiat.

(3) Recul historique et bilan des menacesPour terminer cette revue des menaces, il fautsouligner que nous manquons de recul surl’évolution de l’aire de répartition et del’abondance d’A. provincialis : nous ne savons passi sa distribution et son abondance sontactuellement à l’équilibre, en progression ou endéclin. Un indice historique est cependant àprendre en compte : Arenaria provincialis étaitprésent dans le massif calcaire situé au nord-ouest de Toulon, au niveau du sommet duBaou de Quatre Ouro. Observé à cet endroitpar Loisel en 1976, ainsi qu’en 1838 parGrenier (herbier Muséum d’Histoire naturellede Paris) nous ne l’avons pas retrouvé malgréde nombreuses visites du site et de sesalentours. Un recul récent de la Sabline au niveaude sa limite orientale semble donc vraisemblable.

Le déclin d’une espèce est rarement le résultatd’un seul facteur, et la brève synthèse des menaces

Écologie et biologie de la Sabline de Provence > Vulnérabilité et Conservation

Page 19: La Sabline de Provence - imbe.fr · de deux styles, au lieu des trois présents ... De très petites gouttes de nectar brillent souvent au fond de la fleur. Après fécondation, la

Écologie et biologie de la Sabline de Provence

18

Écologie et biologie de la Sabline de Provence > Vulnérabilité et Conservation

que nous venons de présenter n’évalue pas lapossibilité d’effets combinés des divers facteursprès-cités. Ainsi, les zones où la Sabline deProvence est moins abondante (limites nord et est)doivent être suivies en priorité et la carte dedistribution de l’espèce doit être régulièrementactualisée.

(4) Propositions pour la conservation de laSabline de ProvenceNous avons présenté dans les parties précédentesdes facteurs pouvant affecter les populations d’A.provincialis (Figure 13, Tableau 3). Nous allonsmaintenant proposer une stratégie pour laconservation de cette espèce, intégrant à la fois leniveau local et la perspective globale indispensableà une conservation efficace. Nous insistons sur lefait que nos propositions ne sont basées que sursept ans de suivis et que plusieurs études etexpérimentations complémentaires restent àentreprendre. Comme tout travail scientifique, nosconnaissances seront éventuellement remises encauses par des découvertes à venir. Le texte qui vasuivre vise à initier une coordination des effortspour la conservation de la Sabline.

Mise en place d’un réseau de site de suivi desites « sentinelles »Nous proposons d’élaborer un réseau de sites desuivi de l’abondance de la Sabline à l’échelle de sadistribution. Des suivis réguliers et bien organisésspatialement permettront de signaler à temps undéclin local ou général des populations et deseffectifs. Ce réseau est une proposition aux diversgestionnaires de sites qui pourront s’appuyer sur la

méthode de suivie proposée et sur nos donnéesexistantes pour évaluer la dynamique en cours. Eneffet, chaque site sera choisi parmi ceux pourlesquels nous avons déjà un relevé floristique etune connaissance de l’habitat.

Soulignons que ces suivis n’auront de valeur ques’ils sont menés ensemble et de manièrecoordonnée. Au delà des aspects scientifiques quivont être abordés ci-dessous, la première étapesera de définir qui agit sur le terrain, qui assure lacoordination et qui gère la base de donnée et lesanalyses.

Trois lots de sites sont proposés : le premier lotconcernera des populations situées dans le centred’abondance maximum, à moyenne altitude (200-400 mètres), et représentera le lot « témoin », ledeuxième lot concernera les populations les plusexposées aux perturbations par la fréquentationou pouvant être concernées par desaménagements, enfin le troisième lot regrouperades sites en situation de marginalité écologique ougéographique. La figure 16 présente sur une carteune proposition de 20 sites.

Comment ? Une mesure de l’abondance àdeux échelles : le site et la placetteNous proposons un dispositif de suivi s’appuyantsur une version simplifiée d’un protocole que nousavons eu l’occasion de tester en 2006 et 2008.

L’objectif est d’évaluer la dynamique locale de laSabline de Provence au cours du temps et de fairedes comparaisons entre les sites pour mettre en

Phénomène Impact Exposition

Sur-fréquentation Destructif Certaines populations

Aménagements Destructif Certaines populations

Succession végétale Lent, peu intense Toutes les populations

Changement climatique Hypothétique Toutes les populations

Incendies Méconnu, à étudier Certaines populations

Raréfaction des pollinisateurs Méconnu, à étudier Manque de connaissances

Tableau 3 : Principaux phénomènes pouvant affecter l'abondance d'A. provincialis

Page 20: La Sabline de Provence - imbe.fr · de deux styles, au lieu des trois présents ... De très petites gouttes de nectar brillent souvent au fond de la fleur. Après fécondation, la

Écologie et biologie de la Sabline de Provence

19

évidence l’effet de facteurs écologiques tels que laperturbation, la fermeture du milieu, ou lapluviométrie. Si le suivi est bien mené à l’échelle detoute la distribution de la Sabline, alors l’analysedes données révèlera si les changements observésconcerne l’espèce dans son ensemble ouseulement certaines populations.

La principale mesure concerne la densitérelative : elle permet d’évaluer l’abondance dela plante sur une surface donnée sans compterchaque individu, le but étant de seulementdétecter des variations spatiales ou temporellesde l’abondance mais pas d’estimer les effectifsdes populations. Nous appelons « site » le lieuoù on choisit de suivre la Sabline, au sein de cesite on appelle « placette » l’endroit exact où lesuivi sera réalisé, année après année. Un sitepeut donc contenir plusieurs placettes distantesde quelques dizaines à quelques centaines demètres.

Au sein de chaque site, au moins trois placettesdoivent être disposées, et repérées précisémentpour être retrouvées année après année. Pourquoidispose-t-on trois placettes et pas une seule ? Ils’agit de pouvoir différencier un effet de site d’uneffet micro-stationel concernant une placette ouune partie de celle ci, du fait d’une hétérogénéitélocale (ombre d’un Pin) ou d’une perturbationlocalisée (passage d’un sentier) ou ponctuelle(accident). C’est seulement en ayant plusieursplacettes partageant les conditions d’un même site

Écologie et biologie de la Sabline de Provence > Vulnérabilité et Conservation

Figure 16: Proposition d'un réseau de suivi d'Arenariaprovincialis, les cercles correspondent aux populationsrépertoriées de sabline, les étoiles correspondent aux sites « sentinelles » pour constituer le réseau.

Encadré n°6

Mesures de l'abondance et relévé écologiqueChaque placette fait 25 m² (5x5 m), soit 25 quadratsde un mètre carré (1 m de coté) eux-mêmes divisésen 25 carreaux de 20 x 20 cm. Chaque quadrat estgéo référencé par des coordonnées orthonormées ausein de la placette. Quatre variables sont recensées, etcela doit être fait si possible depuis le bord de laplacette, pour minorer les perturbations induites par lerecensement, c'est particulièrement important ensituation d'éboulis. Une fois la placette matérialisée parses cotés à l'aide de rubans gradués (4 décamètres), ondispose en croix deux rubans gradués pour repérer lesquadrats qui sont observés les uns après les autres. Ense situant sur le bord de la placette, l'observateur estau maximum à 2,5 mètres du quadrat à évaluer, ce quiest suffisamment près pour évaluer les variablessuivantes :

Première variable : Le nombre de carreauxprésentant au moins un individu d'A. provincialis(donnée quantitative comprise entre 0 et 25).

Deuxième variable : Le nombre de carreauxrecouverts par le type de plante dominante (planteherbacée ; plante ligneuse : arbrisseau, petit arbusteet arbre).

Troisième variable : La granulométrie dominantedans le quadrat. Des classes ont été définiesarbitrairement et désignées par une lettre : litière : L,terre nue : T, gravier (inférieur à 5 cm) : G, cailloux (5à 20 cm) : C, bloc (supérieur à 20 cm) : B et rocher(immobile) : R.

Quatrième variable : Présence ou absenced'indices de perturbation dans le quadrat

Ce dispositif donne trois types d'informations :la densité relative de la Sabline de la placette (de 1 à50), des données sur l'intensité (de 1 à 50) desfacteurs de perturbation, ou de compétition, quiseront utilisés comme variables explicatives dans lesanalyses, et enfin une cartographie de l'abondancede Sabline, puisque chacun des 50 quadrats estrepéré.

Enfin le travail dans la placette se termine par unrelevé floristique et mésologique, sur une surfacecirculaire de 100 m² dont le centre est situé au centrede la placette de 25 m² : on note seulement laprésence des espèces et on renseigne les différentesvariables du milieu : altitude, pente, exposition,couverture végétale, granulométrie. Le relevéfloristique demande de savoir reconnaître les espècesprésentes, cependant cette tâche est grandementfacilitée quand on connaît déjà la liste des espècesattendues sur le site, les espèces nouvelles parrapport au relevé précédent devront êtresoigneusement collectées pour s'assurer de leurdétermination.

Page 21: La Sabline de Provence - imbe.fr · de deux styles, au lieu des trois présents ... De très petites gouttes de nectar brillent souvent au fond de la fleur. Après fécondation, la

Écologie et biologie de la Sabline de Provence

20

Écologie et biologie de la Sabline de Provence > Vulnérabilité et Conservation

(altitude, exposition, pente, substrat) qu’on peutmettre en évidence un effet site, sinon cet effetsite se confond avec l’effet placette. Trois placettespar site est un minimum, plus de trois placettespeuvent être disposées si cela se justifie. Dans lecas où la méthode (Encadré n°6) devrait êtremodifiée, éventuellement simplifiée, il estindispensable de conserver cette stratégie(sites/placettes) de façon à assurer la robustessestatistique du suivi.

Quand et quels efforts ?Les suivis doivent être réalisés en équipe de deuxpersonnes. La première année, compte tenu queles placettes doivent être mises en place etrepérées précisément, un à deux sites par journéesont envisageables. Lors du retour sur lesplacettes, si elles ont été bien repérées etcartographiées, deux à trois sites peuvent êtreréalisés dans la journée. Si on considère que leréseau de suivi contient 20 sites, il faut donccompter 15 journées de travail pour la premièreannée et 10 journées de travail lors des retours,et cela pour une équipe de deux personnes. Acela il faut ajouter trois à quatre journées pour lasaisie des données, deux journées pour l’analyseet une journée de concertation. Un recensementtous les 5 ans est un minimum, mais sachant lanature fluctuante des espèces annuelles lesdynamiques seraient plus précises avec un suiviréalisé chaque année. A noter qu’il faut faire lerecensement après une année exceptionnelle (ex :sécheresse très forte).

Gestions possibles du milieu pour protégerla Sabline de ProvenceSi diverses actions sont envisageables pourassurer le maintien d’une espèce et de sonabondance, les mesures de gestion sont trèslimitées dans le cas de la Sabline de Provence.

Premièrement car sa protection est bien définiepar la loi : aucun aménagement ne doit altérer defaçon significative l’habitat de la Sabline et/oudégrader une population (Encadré n°7). Celapeut être le cas de carrières, de construction depistes ou de routes, ou encore de bâtiments.Dans tous les cas, ces aménagements ne devront

pas entraîner la destruction d’une population etne pas détruire l’habitat. En effet, il peut semblerexagéré de vouloir protéger «  des tas decailloux  », mais soulignons encore une fois que(1) les habitats à Sabline se sont formésgéologiquement parlant, durant une époquerévolue, que (2) la dispersion de cette espèce estpeu importante et que donc les extinctionslocales ne pourront pas être compensées par desévénements de colonisation de nouveauxterritoires. Ainsi, toute perte, par destructiond’habitat doit être considérée comme irréversible.Sauf démonstration à l’appui sur des casd’aménagement très ponctuels (passage d’unsentier), ayant une très faible emprise au sol, lesmesures compensatoires ne sont pas desarguments suffisants pour permettre ladestruction ou la dégradation des habitats et despopulations de la Sabline de Provence. Unegrande vigilance vis-à-vis des activités humaineset de leurs impacts est donc la meilleure garantiepour cette espèce.

Encadré n°7

Protections légalesLa Sabline de Provence occupe les éboulis calcairesqui sont inclus dans l'habitat d'intérêtcommunautaire n°8130 du réseau écologiqueNatura 2000: « Eboulis ouest-méditerranéens etthermophiles ». Sur la fiche de cet habitat lesrecommandations sont très claires et vont dans lesens de nos conclusions pour les éboulis à Sabline deProvence : « Les principales menaces qui pèsent surcet habitat sont des aménagements qui peuvent ledétruire directement ou en perturber la dynamiqueen empêchant l'apport de matériaux nouveaux. Dufait des fortes contraintes s'exerçant sur cet habitatet rendant très lente (voire nulle) la dynamique de lavégétation et des faibles relations qui lient lesactivités humaines à cet habitat, la gestion consistedans la majorité des cas en une non-intervention. »De plus, la Sabline de Provence bénéficie denombreux statuts de protection légale: elle eststrictement protégée au niveau national par l'arrêtéministériel du 20 Janvier 1982 complété par celui du31 aout 1995, au niveau international en figurant àl'annexe 1 de la convention de Berne (1979) et dansla directive européenne « habitat ». La Sabline deProvence ne doit pas être détruite ni exploitéeet doit faire l'objet d'une protection stricte.Enfin, elle apparaît dans le livre rouge de la floremenacée de France qui cernait en 1995 les prioritésde conservation.

Page 22: La Sabline de Provence - imbe.fr · de deux styles, au lieu des trois présents ... De très petites gouttes de nectar brillent souvent au fond de la fleur. Après fécondation, la

Écologie et biologie de la Sabline de Provence

21

Deuxièmement car la Sabline de Provence n’estpas menacée de régression à l’échelle de sadistribution ou à l’échelle d’un massif : l’action desgestionnaires doit donc avoir pour principalobjectif de limiter l’impact de la fréquentationdans ses habitats. Cependant, celle ci n’est pas àproscrire entièrement et le passage dans leséboulis est destructif seulement s’il est réalisé dansle sens de la pente. Une intervention locale offrantpeu de risque pour des résultats positifs assezrapides, est celle de la gestion des sentiers derandonnées ou d’accès aux sites d’escalade. Il estenvisageable de détourner le trajet des sentierspour éviter les éboulis quand c’est possible, sinonde retracer le passage de façon à ce que le sentierserpente ou traverse l’éboulis. Tout le problèmeest d’assurer que le sentier soit respecté à ladescente ; l’installation d’un minimum designalétiques et d’entraves semble nécessaire telsque petits murets en pierres sèches, branchagesou troncs. A titre d’exemples deux expériences dece type, sont conduites par l’ONF et la fédérationdes clubs d’escalade (FFME) au niveau de la brèchede Castelviel et du socle de la Candelle. Le suivi desites «  sentinelles  » proposé dans le chapitreprécédent permettra d’envisager d’autres actionssi un déclin plus général s’observe le long de sadistribution géographique.

Sensibilisation aux précautions pourrespecter la flore et ses habitatsLes effets de la surfréquentation dépendent de lafréquentation et du comportement despersonnes. Les effets du passage et depiétinement s’établissent assez rapidement, mieuxvaut donc prévenir et informer les personnes leplus en amont possible pour qu’elles adoptentspontanément une curiosité vis à vis de lavégétation et qu’elles prennent en compte safragilité. Une des mesures essentielles est donc lasensibilisation des utilisateurs et des acteurslocaux : randonneurs, grimpeurs, responsables defédérations, de clubs et aussi les propriétaires etgestionnaires des sites. Cette sensibilisationpourrait être réalisée par des interventions et desexpositions sur la Sabline et ses habitats, et despanneaux aux portails principaux des sites. Cetteespèce emblématique devrait être reconnue du

public, c’est pourquoi en plus des canaux«  classiques  » d’information (web, prospectus,expositions) des visites guidées devraient êtreorganisées au printemps pour montrer au public laSabline, ses habitats et principales compagnes.Enfin, au niveau des sites à enjeux, tels les grandéboulis ou les cols où le passage d’un GR drainedes centaines ou des milliers de personnes, depetits panneaux « Attention Sabline de Provence »pourraient rappeler aux personnes qu’ils nedoivent pas dévaler les éboulis par exemple.Certaines de ces propositions seront certainementappliquées par le prochain parc national desCalanques, mais elles seraient particulièrementpertinentes si elles étaient conduites à l’échelle dela distribution de la Sabline qui sera loin d’êtrecouverte par le parc. Ainsi, les actions desensibilisation devraient être menées dansl’ensemble de l’aire de la répartition (le prochainParc, le massif de l’Etoile, et le massif de la Sainte-Baume), éventuellement par l’ONF.

Nous n’avons abordé pour l’instant que lafréquentation par les piétons, mais d’autres modesde déplacement existent dans ces milieux : VTT,chevaux, etc.. Nous n’avons pas étudié les impactsde ces activités, mais comme pour les piétons, ilsauront un impact au moins aussi destructif s’ilspassent dans les éboulis dans le sens de ladescente (VTT de « descente » par exemple).

Expérimentations et axes de recherche àdévelopperNous manquons encore de connaissances surcertains aspects de l’écologie d’A. provincialis, etdes questions scientifiques en relation avec saconservation manquent encore de réponses.

La croissance du couvert végétal et la dynamiquede fermeture des habitats est elle une menace surle long terme pour la Sabline de Provence et quelleest l’hétérogénéité de ce phénomène à l’échelle desa distribution ? Cette question appelle àpoursuivre les suivis existants.

Quels sont précisément les pollinisateurs de laSabline de Provence et quelle est leur écologie etdistribution ? Une nouvelle étude, spécifique et

Écologie et biologie de la Sabline de Provence > Vulnérabilité et Conservation

Page 23: La Sabline de Provence - imbe.fr · de deux styles, au lieu des trois présents ... De très petites gouttes de nectar brillent souvent au fond de la fleur. Après fécondation, la

Écologie et biologie de la Sabline de Provence

22

Écologie et biologie de la Sabline de Provence > Vulnérabilité et Conservation

menée en collaboration avec des entomologistessera nécessaire.

Quels sont les effets des incendies sur les taux degermination et la survie dans le sol des graines deSabline ? Deux approches seront complémentaires :l’étude des conséquences sur le terrain desincendies récents, comme celui de l’été 2009, etl’expérimentation des effets de la chaleur et descendres sur les graines, leur germination et lasurvie des plantules.

Quelle est la structure des flux de gènes(pollinisation, dispersion des graines) au sein etentre les populations de la Sabline de Provence ?Certaines populations ont elles un rôle plusimportant dans cette structure ? Existe il unedivergence génétique prononcée entre lespopulations des différents massifs ? L’utilisationdes outils de la Biologie moléculaire et desméthodes de la Génétique des populationspermettront d’apporter des éléments de réponse.

(5) Conclusion Le cas de la Sabline de Provence est il isolé ? Dansle genre Arenaria, de nombreux taxons sont rares,certains faisant l’objet de programmes deconservation.

Citons Arenaria nevadensis, sabline annuelle d’été,endémique de la Sierra Nevada dont la distributionest restreinte à quelques éboulis de schistes àhaute altitude pour une surface inférieure à unkilomètre carré. Ce cousin d’Arenaria provincialis afait l’objet d’un projet Life au coté de dix autresplantes extrêmement rares de la Sierra Nevada.Parmi les mesures préconisées pour protégerArenaria nevadensis on notera le détournementd’un sentier, la protection vis à vis du pâturage, lacréation de nouvelles populations et laconservation ex situ (Livre rouge de la Floremenacée d’Espagne).

Sur les rives lacustres de la vallée de Joux, dans leJura Suisse, Arenaria gothica, fait l’objet d’un pland’urgence visant à sauver son unique populationconnue en Suisse, menacée par l’exploitation dulac de Joux pour l’énergie hydroélectrique.

En France tempérée, les éboulis sont aussi l’habitatde plantes très rares, le cas le plus connu est celuide la Violette de Rouen (Viola hispida), petiteplante vivace, endémique de haute Normandieayant une aire de distribution restreinte à quelquesstations seulement. Pionnière spécialiste deséboulis et pierriers calcaires des falaises crayeuses,elle recule rapidement devant la concurrenced’autres plantes, en particulier de graminées.Contrairement à la Sabline de Provence, lacolonisation d’éboulis par la végétation est unemenace avérée pour la Violette de Rouen. Dans lecadre d’un projet Life diverses actions deconservation ont été entreprises dont larestauration d’habitat par débroussaillage etrajeunissement des éboulis.

La végétation des pierriers et éboulis est doncl’objet de plusieurs projets de conservation; parcomparaison la Sabline de Provence semble moinsmenacée que la Sabline de la Sierra Nevada ou laViolette de Rouen. Dans une publication récente ila été proposé que la Sabline de Provence soitclassée dans la catégorie d’espèce «  quasi-menacée  » (NT, Near Threatened) de l’IUCN. Eneffet, cette espèce n’est pas immédiatementmenacée d’extinction, mais elle doit être surveilléeattentivement notamment à cause de laresponsabilité globale que les collectivités et l’Étatont envers la conservation de la flore rare etendémique.

L'abondance de la Sabline de Provence etl'étendue de ses habitats sont ses meilleursgaranties pour l'avenir. Sa localisation enpériphérie d'une métropole implique uneattention particulière et un suivi régulierde ses populations.

Page 24: La Sabline de Provence - imbe.fr · de deux styles, au lieu des trois présents ... De très petites gouttes de nectar brillent souvent au fond de la fleur. Après fécondation, la

Écologie et biologie de la Sabline de Provence

23

Publications scientifiques sur la Sabline deProvenceYoussef S., Baumel A., Véla E., Juin M., Dumas E.Affre L., Tatoni T. 2011. Factors underlying thenarrow distribution of the Mediterranean annualplant Arenaria provincialis (Caryophyllaceae). FoliaGeobotanica sous presse.

Baumel A., Affre L., Véla E., Auda P., Torre F.,Youssef S., Tatoni T. 2009. Ecological magnitudeand fine scale dynamics of the mediterraneannarrow endemic therophyte, Arenaria provincialis(Caryophyllaceae). Acta Botanica Gallica 156: 259-272.

Véla E, Auda P, Léger JF, Gonçalves V, Baumel A.2008. Exemple d’une nouvelle évaluation du statutde menace suivant les critères de l’UICN version3.1. : le cas de l’endémique provençale Arenariaprovincialis Chater & Halliday (= Gouffeiaarenarioides DC., Caryophyllaceae). Acta BotanicaGallica 155: 547-562.

Véla E., D. Pavon & P. Auda, 2006. Analyse etrévision de la fiche-espèce 1453 des cahiersd’habitats Natura 2000 : «Gouffeia arenarioïdesDC.» Journal Botanique de la Société Botanique deFrance, 36, 39-44.

Crouzet A. 1996. Sur les adaptationsmorphologiques et anatomiques de Gouffeiaarenarioides. Bulletin du Muséum d’HistoireNaturel de Marseille XXVI, 141-159.

Écologie et biologie de la Sabline de Provence > Vulnérabilité et Conservation

Auteurs

Coordinateurs du projet de recherche : AlexBaumel et Olivier Ferreira

Texte : Alex Baumel

Relecture: Sami Youssef, Pascal Auda, LaurenceAffre, Frédéric Médail, Katia Diadema, JeanneDulac, Olivier Ferreira.

Photographie de couverture : ONFAutres photographies et figures : Sami Youssefet Alex Baumel

Études scientifiques :Sami Youssef, Alex Baumel, Laurence Affre,Errol Vela, Thierry Tatoni, Marianick Juin,Virginie Gonçalves, Pascal Auda, Daniel Pavon,Jean-Jacques Momdjian, Olivier Ferreira.

Mise en forme : Jeanne DulacMaquette et impression : Imprimerie ONFFontainebleau

Les recherches sur l'écologie de la Sabline deProvence ont été initiées en 2004 par l'IMEP,ECO-MED et l'ONF. Nous tenons à soulignerl'importance de la thèse de Sami Youssef pourl'ensemble des connaissances acquises et dessubventions de l'ONF et du CG13 qui ontpermis la réalisation des études scientifiques.

Résumé

La Sabline de Provence, ou Arenaria provincialis (Caryophyllaceae), est une plante pionnière dont ladistribution est limitée aux collines des environs de Marseille. Fréquente dans les éboulis et pierriersformés par l’érosion ancienne des falaises, la Sabline de Provence colonise aussi les zones ouvertes de lagarrigue et les sommets ventés. Strictement protégée du fait de son endémisme prononcé, cette petiteplante annuelle, est un élément remarquable du patrimoine naturel provençal. Les recherches menéessur la Sabline de Provence sont résumées ici pour dresser le portrait de cette plante discrète et établir lepremier bilan de sa vulnérabilité.

Page 25: La Sabline de Provence - imbe.fr · de deux styles, au lieu des trois présents ... De très petites gouttes de nectar brillent souvent au fond de la fleur. Après fécondation, la

Écologie et biologie de la Sabline de Provence

24

Écologie et biologie de la Sabline de Provence > Vulnérabilité et Conservation