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La Zone de Boxe vol 22

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En vedette Mike Moffa, Carl Handy, Carl Froch, David Lemieux, Antonin Décarie, bilan des jeux olympique et l'avenir du Groupe Yvon Michel

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Magazine La Zone de Boxe 4ième année – numéro 22

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Magazine La Zone de Boxe

2755 Clermont Mascouche (Québec) J7K 1C1

[email protected] Éditeur François Picanza Rédacteur en chef Pascal Roussel Collaborateurs Pascal Lapointe Kamel Messani Samuel D. Drolet Martin Laporte Karim Renno Correcteur/Réviseur Pascal Lapointe Véronique Lacroix Photo page couverture Etienne Fournier Mise en pages / Infographie Martine Lalonde François Picanza Le magazine la Zone de boxe fut fondé en 2004 à Mascouche par François Picanza. Ce magazine est maintenant offert gratuitement sur le web.

La Zone de Boxe magazine

4e année, numéro 22 Octobre 2008

3 – L’éditorial 3 – Le mot du médium format géant 6 – Le coin neutre magazine : Que réserve l’avenir pour GYM? 9 – Entrevue avec Carl Handy 12 – Mike Moffa : un bâtisseur dans l’ombre

18 – Portrait de Carl Froch 20 – Portrait de David Lemieux 24 – Quelques questions comme ça… Avec Antonin Décarie 25 – Bilan Olympique avec Bernard Barré 31 – Le coin neutre magazine : Où sont passés les bons combats de championnat nord-américains ?

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L’éditorial La Zone de Boxe fête ses 5 ans ! Et le magazine ses 4 ans ! En effet, cela fait déjà quatre ans que le magazine a fait sa première apparition. 12 mois après nos premières interventions sur le web, une version imprimé de nos articles voyaient le jour pour la première fois. C’était en automne 2004. Comme le temps passe ! Pour revenir aux 5 ans de La Zone de Boxe, cela se fête ! Une annonce sera émise sur le site web dans les prochains jours afin de laisser savoir à nos lecteurs à quelle date et endroit la célébration aura lieu. Merci à tous pour votre support continuel. Francois Picanza Editeur

Le mot du médium format géant

Sans m’en rendre compte, je m’aperçois que notre 22e numéro du magazine est différent. Il se résume en quelques mots : portraits de cogneurs, entrevues et gentilshommes. Pour vous mettre dans l’ambiance des prochaines pages, lisez-les en fredonnant la chanson Le bon gars de Richard Desjardins. Allez, lisez. Vous allez comprendre. Les bons gars en entrevue, Mike et Carl

Mike Chez les entraîneurs comme chez les boxeurs, il y a des personnes qui évoluent plus dans l’ombre que d’autres. Pourtant, certains d’entre eux méritent tout autant d’être connus. Notre collaborateur Martin Laporte a rencontré Mike Moffa dans sa deuxième demeure, l’Underdog gym. Un vrai bon gars. Si vous allez un jour le rencontrer au gymnase, peut-être aurez vous la chance de recevoir un Gatorade bleu et un bon siège. Lisez, vous allez comprendre. Carl Vous connaissez l’expression « Lui, c’est un bon Jack »? Et bien, cette expression fût sûrement inventée pour le boxeur Carl Handy. Carl Handy, c’est exactement le gars avec qui on voudrait passer une soirée complète à parler de boxe en buvant de la bière et en mangeant des ailes de poulet. Je suis certain qu’il doit être drôle, juste à le regarder manger des ailes de poulet! Savourez l’entrevue que j’ai réalisée avec lui cet été. Vraiment un bon Jack. Ou un bon Kojak! Lisez, vous allez comprendre.

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Le bon gars connaisseur, Bernard C’est aussi un bon gars, mais dans le contexte de notre numéro actuel du magazine, Bernard Barré ressortira surtout comme un connaisseur. Avec la plume de notre collaborateur Pascal Lapointe, Bernard nous dresse un portrait de la boxe aux Jeux olympiques de Pékin. Heureusement, vous pouviez compter sur ces deux hommes pour vous démêler. Il ne fallait pas compter sur moi. Je suis encore en train d’essayer de prononcer les noms des boxeurs de l’Azerbaïdjan et du Tadjikistan! Tout ça, c’est du chinois pour moi. Mais grâce à eux, tous les mystères de la boxe olympique à Pékin vous seront expliqués. Lisez, je vous jure que vous allez comprendre. Bonne chance bons gars ! Dans notre dernière édition du magazine, le boxeur Paul Clavette nous avait écrit sa version de notre chronique La page du boxeur. Ce sympathique boxeur originaire du Nouveau-Brunswick, mais qui s’entraîne maintenant au centre Claude-Robillard, nous disait entre autres qu’il voudrait faire d’autres combats en 2008 sans toutefois relever de trop gros défis. Qu’il désirait acquérir de l’expérience et polir sa technique. Et bien les choses se sont drôlement bousculées car Paul Clavette (14-1, 2 kos) a reçu une offre qu’il ne pouvait refuser! Il affrontera Ronald Hearns (20-0, 16 kos) en demi-finale du combat Bute/Andrade au Centre Bell le 24 octobre. Ronald Hearns est le fils du légendaire Thomas Hearns. Battu d’avance? Pas du tout. Si Hearns n’avait pas un nom de légende, il serait probablement un inconnu pour le moment. Sa fiche semble remplie d’adversaires qui n’avaient pas été choisis pour leur niveau de dangerosité. En 20 combats, il n’a accumulé que 60 rounds de boxe. Nous savons aussi que le candidat qu’Interbox voulait opposer à Ronald Hearns était plutôt Renan St-Juste. Mais le clan de Hearns trouva probablement que Renan frappait un peu trop fort… Ils ont préféré prendre l’adversaire qui paraissait moins dangereux en Clavette. Donc, à moins qu’il ait hérité de tout le talent de son père, Ronald Hearns n’a pas vraiment encore prouvé qu’il est un top de sa division. D’un autre coté, Paul Clavette n’a peut-être pas un père légendaire (du moins, pas pour ce qui est de la boxe!) mais nous savons que lui n’a pas eu la chance d’aussi bien choisir ses adversaires. Il a sûrement fait face à plus d’adversité (15 combats et 88 rounds de boxe). Alors bonne chance Paul et espérons que le clan Hearns ne te prenne pas au sérieux afin que tu causes une surprise. Go Paul Go! Dans la même veine, bonne chance à Jean Pascal qui s’en va se battre dans la cour de Carl Froch. Plusieurs observateurs ne croient pas aux chances de Pascal de gagner ce combat, probablement parce qu’à tort, ils basent leur opinion sur les deux derniers combats de Jean. Ils semblent oublier que Jean s’est battu les deux fois avec un seul bras. Avec le recul, tout le monde admet, même Jean lui-même, que ces deux combats n’auraient pas dû avoir lieu. Jean Pascal, avec ses deux épaules en santé, peut battre Froch. J’y crois. Mais il est mieux de ne pas prendre la chance de laisser ça aller à la carte des juges! Ce combat est tellement de forces égales, qu’à l’intérieur même de ce numéro, vous verrez deux chroniqueurs y aller de prédictions et de commentaires différents!

Portraits de cogneurs Carl et David Carl Le 6 décembre prochain, Jean Pascal ira en Angleterre se battre en combat de championnat du monde. Son adversaire : Carl « The Cobra » Froch. Ici, au Québec, nous connaissons très bien Jean Pascal. Certains l'aiment, d'autres moins, mais il ne laisse personne indifférent. Mais connaissons-nous Carl Froch? Une poignée de mordus de boxe internationale, qui naviguent sur les sites de téléchargement de combats, connaissent peut-être assez bien Carl Froch, mais la plupart des amateurs de boxe québécois n'ont probablement (comme moi) jamais vu un combat de ce britannique. Froch n'a livré qu'un seul de ses combats à l'extérieur du

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Royaume-Uni (en Californie en 2005 contre Henry Porras). Nous avons pensé demander à un de nos collaborateurs en Europe, Kamel Messani, lui qui n'a manqué aucun des combats de Froch, de nous dresser un portrait de ce boxeur. Sur les forums de discussion de la planète Web, la plupart des gens voient Froch comme gagnant aux dépens de Jean Pascal. Ont-ils raison ou tort? J'espère qu'ils ont tort, mais notre collaborateur croit qu'ils ont raison. Pourquoi? Allez lire, vous comprendrez. David Il n’est pas très vieux, plutôt très jeune. David Lemieux fait tranquillement son chemin à petit pas. Encadré par Russ Anber, David est un gars très conscient du parcours qui se dresse devant lui. Mais à 19 ans, il a tout son temps. Notre collaborateur Samuel D. Drolet l’a rencontré et nous dresse un portrait de ce jeune cogneur qui a 11 k.o en 11 combats. Soit dit en passant, vous pouvez maintenant laisser votre vélo sans surveillance même si David est dans les parages. Allez lire, vous comprendrez. Le coin neutre en double Le coin neutre est une nouveauté pour le magazine. Karim Renno, un de nos sages, nous offre ici deux billets d’opinion. Le premier de ses deux pertinents textes nous parle de ces trop nombreux titres et ceintures que les associations alphabétiques créent. Ils se multiplient et par le fait même, ces titres ont perdu leur prestige en grande partie. Pour le besoin de la cause, Karim se sert des titres nord-américains afin de vous faire comprendre son point de vue tout ce qui a de plus logique. Comme deuxième texte, Karim nous dresse un portrait de la situation actuelle chez GYM. À quel point les défaites d’Alcine et Sébastien Demers ont-elles fragilisé l’entreprise? Que devront-ils faire pour remettre le train sur les rails quand deux de leurs locomotives ont déraillé? Et vous allez voir, c’est tellement bien vulgarisé, c’est simple à comprendre! Un petit geste simple Début septembre, nous avons appris qu’Éric Lucas mettait en veilleuse son idée de retour. Sa petite fille, Mélodie, 4 ans, avait une tumeur au rein. Cette histoire fut couverte par tous les médias. Un forumeur de notre site de la Zone de Boxe eut une idée intéressante. Il invita les autres forumeurs à modifier leur avatar habituel ou à mettre un avatar pour ceux qui n’en avait pas avec une image d’Éric Lucas. Une façon simple de démontrer son soutien à ce sympathique boxeur qui a amené la boxe québécoise vers de nouveaux sommets, et c’est nous tous qui en profitons aujourd’hui. Au dernier décompte, une quarantaine de forumeurs s’affichaient avec un avatar d’Éric Lucas! Les gens d’Interbox l’ont su et en ont glissé mot à Éric lui-même. Parfois, même des petites actions comme ça peuvent faire du bien. Connaissez-vous la métaphore du battement d’aile d’un papillon qui déclencha une tornade ailleurs sur la planète? Pascal Roussel Rédacteur en chef format géant

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Le coin neutre magazine : Que réserve l’avenir pour GYM?

par Karim Renno

Pas facile d’être un promoteur dans le monde de la boxe, particulièrement lorsque l’on s’adresse à un marché local et que l’on vise une percée au niveau mondial. La réalité de la plupart des promoteurs de boxe est telle que leur situation peut changer du tout au tout en très peu de temps. Ainsi, bien que les amateurs de boxe québécois soient actuellement choyés par la présence des deux promoteurs « majeurs », rien n’est éternel.

Rappelons-nous simplement l’aventure d’Interbox, première génération. En 2003, Interbox a le vent dans les voiles et possède une situation particulièrement enviable. En effet, elle compte parmi ses rangs deux champions du monde, Éric Lucas et Leonard Dorin, a essentiellement le monopole du marché québécois de la boxe et vient tout juste de recevoir une mention dans le magazine The Ring à titre de promoteur de l’année. Tout baigne dans l’huile.

Mais en l’espace de sept mois, les fondations d’Interbox s’écroulent…

Le 5 avril 2003, en Allemagne, Éric Lucas perd son titre du WBC dans le cadre d’un combat qui suscite encore aujourd’hui la controverse et de vives discussions parmi les amateurs de boxe québécois. À peine sept mois plus tard, Dorin est déchu de son titre de la WBA, lui qui est incapable de faire le poids de 135 livres pour son combat de championnat contre le Panaméen Miguel Callist. Interbox première génération ne s’en remettra jamais.

Cinq ans plus tard, plusieurs se demandent si le même sort n’attend pas l’écurie GYM.

Il y a à peine 10 mois, une telle suggestion aurait été ridicule. Joachim Alcine était champion du monde WBA des super-mi-moyens, Jean Pascal était champion nord-américain unifié des super-moyens et semblait voler allégrement vers un championnat mondial, Herman Ngoudjo se préparait à affronter Paul Malignaggi dans un combat de championnat du monde et Sébastien Demers était en pleine ascension dans l’espoir d’obtenir un deuxième combat de championnat.

Aujourd’hui? Après une performance décevante contre Alfonso Mosquera, Alcine a été détrôné par Daniel Santos, les prestations de Pascal contre Brian Norman et Omar Pittman ont été indignes de son grand talent et ont amené plusieurs observateurs à se questionner sur sa santé physique, Ngoudjo s’est incliné contre Malignaggi et Sébastien Demers s’est fait surprendre par Dionisio Miranda.

L’incertitude qui entoure les quatre grandes têtes d’affiche du groupe GYM est certes problématique. Mais quelles sont les perspectives d’avenir de l’écurie?

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Que réserve l’avenir?

Impossible de le nier : la carrière du premier champion du monde de GYM a pris un coup dur en juillet dernier lorsqu’il a été assommé par un direct du gauche de Daniel Santos au Stade Uniprix. En effet, non seulement Alcine s’est-il fait arracher un titre fort précieux pour le boxeur comme pour son promoteur, mais il a aussi perdu une position enviable dans une division qui, en l’absence de champion dominant, offre une foule d’occasions intéressantes. Alcine aurait pu continuer à effectuer des défenses devant une foule enthousiaste à Montréal et rapporter une petite fortune à son promoteur (à la Sergiy Dzinziruk) ou il aurait pu participer à un combat d’unification sur un grand réseau américain. Tout ça est à l’eau pour l’instant.

Quel sera l’impact exact de cette défaite sur Alcine? Presque impossible de le savoir. En effet, les réactions d’un boxeur à sa première défaite, particulièrement une défaite par arrêt de combat, varient grandement. Une chose est certaine, le talent d’Alcine lui permettra de rester parmi les meilleurs boxeurs dans sa catégorie pour les prochaines années. Mais, à 32 ans, Alcine s’approche du crépuscule de sa carrière et force est de se demander pendant combien d’années encore il pourra boxer à son plus haut niveau. On peut également se questionner sur la rapidité avec laquelle Alcine pourra remonter dans les classements et obtenir un combat de championnat. En effet, trois mois après la perte de son titre, il ne semble pas y avoir de plan définitif pour le retour de Joachim ou de combat prévu dans un avenir rapproché.

Il n’en reste pas moins qu’Alcine est un boxeur qui a la cote auprès des Québécois, lui qui est devenu une véritable personnalité médiatique. Ainsi, même sans ceinture de champion du monde, Alcine attirera probablement les foules et demeurera un boxeur de finale intéressant pour GYM.

En revanche, il est maintenant acquis qu’Alcine ne pourra pas être la grande tête d’affiche de GYM si elle espère continuer sa croissance et sa prospérité à court terme. Deux aspirants existent pour ce titre : Herman Ngoudjo et Jean Pascal.

La panthère noire disputera le combat le plus important de sa carrière lorsqu’il affrontera Juan Urango pour le titre vacant de l’IBF à 140 livres. Bien que le public québécois soit tombé en amour avec le talentueux boxeur d’origine camerounaise, une troisième défaite en cinq combats (après ses revers contre Castillo et Malignaggi) donnerait l’impression que Ngoudjo n’est tout simplement pas capable de gagner les gros combats. Bref, une défaite serait particulièrement néfaste pour la carrière de Ngoudjo.

Personnellement, je prédis une victoire pour notre favori local. Même si Urango est un cogneur redoutable au physique impressionnant, ses habilités techniques sont piètres pour un boxeur d’élite. Urango a également de fâcheux problèmes de conditionnement physique et ralentit considérablement dans la deuxième moitié de ses combats. Contre Ngoudjo, ces deux failles vont apparaître énormes. Bien sûr, le combat sera beaucoup plus simple si Herman ne lâche pas l’accélérateur comme il a pris la mauvaise habitude de le faire lors de ses récents combats.

Pour ce qui est de Jean Pascal, la situation se présente bien différemment. En effet, un Pascal en pleine possession de ses moyens détruirait complètement Carl Froch, qu’il affrontera bientôt pour le titre vacant du WBC. Froch est puissant et déterminé, mais il n’est même pas proche de Pascal au niveau de la vitesse, l’agilité et la technique. Sur papier, ce combat m’apparaît tout à l’avantage de Pascal.

Coup dur pour GYM et Joachim Alcine

(photo Vincent Ethier, wwwsportsdunord.com)

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Mais voilà, l’épaule de Pascal cause beaucoup d’inquiétudes. Ses performances contre Norman et Pittman ont donné un aperçu des difficultés que peut éprouver un boxeur aussi instinctif que Pascal lorsqu’il ne bénéficie pas de toutes ses armes. Difficile d’entrevoir Pascal remporter son affrontement avec Froch s’il ne se bat qu’avec un bras.

À 25 ans, Pascal est jeune et pourrait facilement se remettre d’une défaite. Mais son problème chronique à l’épaule (que personne ne semble capable de proprement diagnostiquer) change radicalement les données. Ce problème fait beaucoup plus peur que Froch.

Pour en revenir à GYM, ses perspectives d’avenir sont intimement liées à ces deux combats. Deux victoires et on peut oublier les doutes pour l’instant. Deux défaites et on sentira sûrement beaucoup d’inquiétude au sein de l’écurie.

Personne d’autre n’est susceptible de prendre la relève comme boxeur dominant chez GYM à court terme. En effet, il semble maintenant acquis que Sébastien Demers ne fera jamais partie de l’élite de sa division (quoiqu’il puisse sans aucun doute toujours avoir une belle carrière). La percée d’Antonin Décarie, aussi agréable et impressionnante soit-elle (et elle l’est), ne mènera pas à un championnat du monde à court terme. Le combat nul d’Olivier Lontchi contre Eduardo Garcia a retardé significativement son ascension, d’autant plus qu’il n’a malheureusement pas encore la cote populaire pour être une tête d’affiche chez GYM. Idem pour Adonis Stevenson. Dierry Jean et David Lemieux sont très talentueux, mais encore très loin des sommets. Et finalement, Smichet, Plaitis et Lo Greco n’ont pas le potentiel de vedette nécessaire pour être la « star » de GYM.

Ainsi, bien que la profondeur de l’écurie soit très impressionnante, son bien-être à court terme repose presque entièrement sur les épaules de Jean Pascal et de Herman Ndougjo. J’espère sincèrement, tant pour GYM que pour tous les amateurs de boxe québécois, que ceux-ci sortiront victorieux de leur prochain affrontement.

Ngoudjo et Pascal, les deux sauveurs à court terme?

(photos Gino Messier)

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Entrevue avec Carl Handy

Par Pascal Roussel

C’est dans les coulisses du gala à la salle l’Étoile de Brossard le 8 juillet que nous avons rencontré ce véritable boute-en-train qu’est Carl Handy. Cet homme à tout faire dans les gymnases du centre Claude-Robillard nous a accordé de son temps entre deux combats où il était le troisième homme de coin pour Pier-Olivier Côté et Sébastien Gauthier. Zone de Boxe : Bonjour Carl. Avant de venir t’installer à Montréal, tu étais un habitant de la Louisiane et tu as vécu l’ouragan Katrina qui avait fait tant de dommages en août 2005. Raconte-moi de quelle façon tu as vécu Katrina. Carl Handy : Lorsque Katrina est passé, j’habitais à Metairie (banlieue de la Nouvelle-Orléans de 150 000 habitants). J’ai tout perdu. Ma maison et ma voiture. Je suis donc allé habiter un bout de temps chez une tante à Bâton-Rouge. C’était six mois après mon combat contre Bute. Je venais déjà de temps à autre pour des périodes de 2 à 3 semaines pour sparrer avec Bute et Diaconu, je m’étais lié d’amitié avec les gens d’Interbox. ZDB : J’ai pu voir que ton surnom est Kojak. Pourquoi? Il y a

sûrement un lien avec l’ancienne série télévisée américaine, non? CH : Tout à fait. Je suis né en 1973, en même temps que la série télé est arrivée sur les ondes. Et comme je n’avais pas de cheveux à ma naissance, ma mère et ma famille se sont mis à m’appeler Kojak. Et ils m’appellent encore comme ça aujourd’hui! Quand je retourne en Louisiane, je suis encore Kojak. Personne là-bas ne m’appelle Carl. D’ailleurs plein de gens ne doivent même pas savoir mon vrai prénom. J’ai tellement toujours été Kojak que j’en suis venu à ne plus aimer mon vrai prénom. Il n’y a qu’ici, à Montréal, qu’on m’appelle Carl. ZDB : Parle-moi de tes débuts en boxe professionnelle. CH : Pour mes premières années en boxe professionnelle, je boxais sous la férule d’un promoteur de la Louisiane. C’était vraiment d’horribles conditions. Ce promoteur était carrément mauvais. Il traitait mal ses boxeurs mais surtout, il n’avait pas de contacts! Et pour les boxeurs, il est primordial que son promoteur possède de bons contacts pour lui fournir de bons adversaires et lui permettre de progresser dans les classements. Après quelques déceptions et frustrations, j’ai décidé de devenir un boxeur agent libre et de gérer mes choses moi-même. Ce qui m’a amené en Allemagne pour affronter Thomas Ulrich, en Floride pour affronter Alejandro Berrio et un jour au Québec pour affronter Bute! Et depuis ce jour-là, je suis à Montréal.

Carl Handy, alias Kojak

Le vrai Kojak, Telly Savalas

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ZDB : Parle-moi de ton combat contre Lucian Bute. CH : Un seul mot me vient à l’esprit : douleur! Ce soir là, Lucian m’a fait mal comme je n’ai jamais souffert dans ma vie! Il m’a frappé dès le premier round avec son célèbre coup de la gauche au sternum (ou au foie) et j’ai ressenti une douleur foudroyante. Dans le coin, après le premier round, j’ai dit à mes hommes de coin que je finissais tout ça au deuxième round! C’était lui ou moi, mais je ne voulais pas prolonger ce combat, je souffrais trop! Mes hommes de coin m’ont calmé et m’ont dit de continuer à boxer avec lui. J’ai abandonné au quatrième round. Ça m’a pris trois mois pour me remettre de ce coup. Et lorsque j’ai vu, presqu’un an plus tard, Donnell Wiggins se faire anéantir par le même coup, je compatissais avec lui! (rires) ZDB : L’an dernier, tu as livré un combat au Dubai. (NDLR : Dubai est à la fois une ville et un émirat des Émirats arabes unis. Elle est considérée comme la ville la plus riche au monde.) Ça devait être spécial de se battre là-bas? CH : C’était leur première carte de l’histoire. Même si c’était à Dubai, la carte était comme toutes les autres. Rien de spécial. Ce n’était même pas plus payant. Je devais recevoir 10 000 $ pour ce combat. Mais en pleine nuit précédant le combat, on a cogné à la porte de ma chambre pour me dire que l’adversaire était trop lourd. On m’a offert 2 000 $ de plus pour accepter le combat tout de même. Je l’ai pris. Le gars que j’ai affronté avait une excellente fiche (Sammy Retta 18-2, 17 kos) Il frappait fort, mais bon Dieu qu’il était lent! Mais peut-être que le fait que je sparrais déjà à l’époque avec Bute fait que n’importe qui devant moi pouvait paraître lent! (rires) Dès le premier round de ce combat, je savais que ça serait un combat facile. Je l’ai arrêté au 7e round. ZDB : As-tu déjà été un boxeur qui offrait ses services comme partenaire d’entraînement aux grands noms, un peu partout, comme plusieurs le font? CH : Je n’ai jamais vraiment offert mes services de cette façon, mais on m’a approché en Allemagne à la suite de mon combat contre Thomas Ulrich. Les promoteurs là-bas m’ont offert une job de partenaire d’entraînement. Ils voulaient que je reste en Allemagne en permanence, ils me payaient un logement. Mais le problème, c’est qu’ils m’ont fait l’offre juste après avoir essayé de m’escroquer en me donnant moins que le montant sur lequel on s’était entendu pour mon combat contre Ulrich! Ils m’avaient promis 15 000 $ et ils ne m’avaient donné que 10 000 $! Ça ne me donnait pas vraiment confiance pour rester faire affaire avec eux! ZDB : As-tu déjà eu des offres de combat très payantes qui ont fini par tomber à l’eau? CH : En décembre 2003, quand Jeff Lacy est allé en Angleterre et qu’il a affronté Donnell Wiggins, c’est moi qu’il était supposé affronter! Le clan Lacy m’avait choisi mais Dominick Guinn (que je croyais un ami) leur a dit que j’étais peut-être un challenge trop risqué pour ce qu’ils recherchaient à ce moment-là! Ils ont donc choisi Wiggins. Guinn m’a empêché de recevoir une bourse de 35 000 $! Écris-le, et j’espère que Guinn comprend le français, qu’il va lire ceci et qu’il va avoir des regrets de m’avoir empêché de recevoir ces 35 000 $! ZDB : Que fais-tu comme travail au centre Claude-Robillard avec Interbox? CH : Je suis un homme aux talents multiples! (rires) Je suis un partenaire d’entraînement pour tout le monde, de Gauthier à Bergeron. J’agis aussi comme entraîneur pour les gens et les boxeurs amateurs qui viennent au gymnase. Je réponds même parfois au téléphone! (rires) Lors des galas, je suis parfois aussi un troisième homme de coin pour nos boxeurs. Je vois peut-être la possibilité un jour de devenir entraîneur, car j’apprends beaucoup là-dessus en côtoyant les autres.

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ZDB : Qu’est-ce qui fait que tu es finalement resté à Montréal? Tu n’as jamais voulu retourner en Louisiane? CH : Après le combat de Bute, j’ai eu une période où j’étais tanné de la boxe. J’étais agent libre, sans promoteur qui veillait à mon bien. Je pensais arrêter ma carrière. Quand j’ai tout perdu à cause de Katrina, Stephan Larouche m’a offert de venir m’installer à Montréal et de rester dans leur giron. J’aimais l’entourage et l’environnement d’Interbox. Et pour une fois, j’avais un encadrement et des conseils professionnels. J’ai vécu trois mois à l’hôtel, payés par Interbox, et je servais en même temps de partenaire d’entraînement pour Bute et Diaconu qui préparaient des combats contre Kabary Salem et Conal MacPhee. Et en plus, j’étais payé pour ce sparring! On peut vraiment dire qu’Interbox a été bon pour moi. Et depuis ce temps, Interbox me place de temps à autre sur leurs cartes. J’ai même suivi Adrian en Roumanie pour le préparer à son combat contre Chris Henry. ZDB : Pour toi, c’est où l’endroit que tu appelles « la maison » ? CH : La maison, c’est maintenant Montréal. Quand je retourne en Louisiane, je me sens comme un étranger. Je suis heureux au Québec. Ma situation ici est 30 fois meilleure que celle que j’avais là-bas. J’adore ce que je fais ici, Interbox me permet de vivre de ma passion et j’aime chaque minute que je vis ici, « tabarnak! » (rires)

Handy lors de son combat contre Eduardo Jesus Oscar Rojas, le 19 octobre 2007 au Centre Bell. Victoire par arrêt de l’arbitre au 4e round.

(photo Herby Whyne)

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Mike Moffa : un bâtisseur dans l’ombre Par Martin Laporte

Mike Moffa, un gars dans l’ombre (photo Étienne Fournier)

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Un soir d’août après une journée de travail, je me suis rendu à l’Underdog gym. J’avais rendez-vous avec un homme. Cet homme était Mike Moffa. Un entraîneur de boxe reconnu pour avoir enseigné le noble art au gym Legends. Un endroit mythique où les Joachim Alcine, Jean Pascal, Antonin Décarie, Dierry Jean et Manolis Plaitis ont fait leurs classes. Aujourd’hui, j’allais retrouver Mike Moffa pour l’interviewer.

Lorsque je suis entré dans l’Underdog, j’ai tout de suite reconnu l’ambiance qui y régnait. Il y avait de l’électricité dans l’air. C’était un peu comme si l’âme du Legends était revenue sur terre. Je sentais que j’étais dans un endroit dynamique où les meilleurs espoirs de la boxe québécoise étaient formés.

Mike était sur le ring. Il descendit me rejoindre, m’offrit un Gatorade bleu et m’invita dans son bureau.

On se dirigea alors vers les escaliers de la sortie de secours. Gentiment, il m’offrit la meilleure chaise. C’était une marche avec un bout de carton pour ne pas me salir. Son accent italien et sa simplicité ont rendu ce moment vraiment sympathique.

Zone De Boxe Bonjour Mike. Mike Moffa Bonjour. ZDB Quand je suis entré dans la place, j’ai tout de suite remarqué l’ambiance et les

vibrations qu’il y avait dans le gym. J’ai l’impression que ça ressemble au Legends. Est-ce possible?

MM C’est très possible. Beaucoup de mes boxeurs m’ont suivi et, au moment où nous

sommes arrivés ici, ça a tout de suite cliqué entre les deux groupes. Ils sont tous devenus amis, ils sortent ensemble, il y a une belle chimie.

ZDB Je te l’accorde. Bon, nous pouvons commencer. Pour ma première question,

j’aimerais savoir d’où vient ton intérêt pour la boxe ?

MM Quand j’avais 12 ans, j’avais un ami plus vieux qui était respecté dans la rue. Il était

boxeur et j’étais impressionné par la façon dont les autres le regardaient. Je me suis donc inscrit dans un gym de boxe.

ZDB Et maintenant, qu’est-ce qui te passionne en boxe? MM La boxe est un sport individuel. C’est toi qui perds ou bien c’est toi qui gagnes. C’est le

boxeur qui a tout le mérite parce que c’est lui qui a réalisé l’exploit. zdb On te considérait comme une terreur en boxe amateur, regrettes-tu de ne pas

avoir eu de carrière pro? MM Jusqu’à 18-19 ans, j’ai été une figure dominante de la boxe amateur chez les 125 et les

132 livres. J’ai aussi fait 2 combats pro, mais à cette époque, la boxe au Québec n’était pas comme aujourd’hui. Je n’avais pas assez de discipline pour faire une carrière pro.

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ZDB Est-ce que ça pourrait être différent dans le contexte actuel? MM Des fois, je me dis que oui. Maintenant, il y a plus de infrastructures en place qui

permettent aux boxeurs de se concentrer sur leurs objectifs. Ça aurait peut-être été bon pour moi.

ZDB Ton dernier combat pro était contre Hughes Daigneault. On m’a dit qu’il y a

une histoire intéressante derrière ça. Tu peux nous la raconter? MM Le promoteur de Hughes Daigneault avait eu de la difficulté à trouver un adversaire pour

son combat. Ils m’ont invité une semaine d’avance en croyant que je n’étais plus une menace. J’étais même vu comme un combat facile. Ça été un mauvais jugement de leur part, car j’ai gagné le combat par K.-O. en 54 secondes. Plus tard dans sa carrière, Daigneault a fait un match nul avec Éric Lucas. Il aurait pu aller loin, il avait beaucoup de talent, mais tout comme moi, il a manqué de discipline.

ZDB Quand as-tu commencé à être

entraîneur de boxe et pourquoi? MM J’étais au Plaza Olympique,

l’entraîneur était Dave Campanile. C’était un homme que je respectais beaucoup. Il était comme un père pour moi. Il a entraîné les Gatti à leurs débuts. Ceux-ci étaient maintenant au New Jersey et ils m’invitaient pour que je poursuivre ma carrière pro là-bas. J’ai préféré rester avec Dave. Plus le temps avançait et plus il me donnait des responsabilités en tant qu’entraîneur. Lorsqu’il est mort, il m’a donné son gym en héritage.

ZDB Et ensuite? MM Ensuite, j’ai dû abandonner le gymnase à cause de problèmes financiers. J’ai reçu une

superbe offre d’entraîneur-chef au Legends. Il y avait aussi Pietro Napolitano et Marc Ramsay qui entraînaient à cet endroit.

Mike Moffa jeune avec son mentor Dave Campanile

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ZDB Et pourquoi avoir quitté le Legends? MM Le Legends était dans le sous-sol d’une manufacture qui est devenue des condos. On a

donc été forcé de quitter. On s’est promené dans différents gyms jusqu’à ce qu’on arrive ici.

ZDB À ton avis, quelle est la plus grande qualité d’un entraîneur de boxe? MM La chimie qu’il peut avoir avec les jeunes. Dave Campanile était limité par son âge et

parce qu’il n’avait jamais boxé, mais il a malgré tout formé de grands boxeurs (Mike hésite et se gratte la tête en guise de réflexion). Mais je dois quand même dire qu’il est essentiel de bien connaître sa boxe, de s’ajuster et de bien comprendre le style de l’athlète.

ZBD Selon toi, quelle est la plus grande qualité d’un boxeur? MM Comprendre vite, tant à l’entraînement que sur le ring, pour être capable de réagir vite

et de s’adapter à toutes les situations dans lesquelles il se retrouvera sur le ring. ZDB Afin de te faire connaître un peu plus des lecteurs, peux-tu nous nommer les

boxeurs devenus populaires que tu as formés? MM Il y a Joachim Alcine (ex-champion du monde), Renan St-Juste (champion des

Amériques), Dierry Jean (champion du Québec) et Manolis Plaitis (champion canadien). En plus, en collaboration avec Marc Ramsay, j’ai supervisé Jean Pascal (triple champion nord-américain) et Antonin Décarie (champion nord-américain).

ZDB Que prévois-tu pour tes boxeurs pro dans leurs prochains combats? MM J’ai trois boxeurs pro à ma charge en ce moment. Il y a Renan St-Juste, Dierry Jean et

Manolis Plaitis. Chacun des prochains combats de St-Juste aura pour objectif de le classer premier aspirant. Mais ça sera très difficile parce que c’est un gaucher rapide et puissant qu’on évite. On espère amener Dierry Jean dans les 30 meilleurs de la division à la fin de l’année afin qu’il puisse aller chercher un titre nord-américain en 2009. Finalement, pour Manolis Plaitis, on prévoit encore quelques combats d’apprentissage. Il est encore jeune et il a le temps d’apprendre.

ZDB Serais-tu prêt à opposer St-Juste à John Duddy? MM Oui, mais je ne crois pas que l’équipe de Duddy soit prête à l’opposer à St-Juste. Ça

serait trop dangereux pour la carrière de l’Irlandais. ZDB Ton équipe amateur est aussi très productive. Le gymnase est maintenant

classé premier au Québec selon la FQBO. À quoi attribues-tu ce succès? MM À cause de la chimie de ce groupe et aussi parce qu’ils font beaucoup de «sparring»

entre eux.

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ZDB On ne pourrait pas ajouter qu’ils ont un bon entraîneur? MM Euh, je ne sais pas (Mike regarde le sol et se gratte la tête apparemment mal à l’aise

avec le compliment). Peut-être. ZDB Certains de nos lecteurs ont mentionné de l’intérêt pour Mathieu Germain et

Chris Plaitis. Peux-tu nous en parler un peu? MM: Premièrement, Mathieu «Too smart, too sharp» Germain était un gars avec beaucoup

d’expérience et avec beaucoup de talent. Quand il est arrivé ici, je n’ai presque rien eu à faire. Des petits ajustements lui ont permis de devenir champion canadien même s’il n’avait jamais remporté les Gants Dorés. J’ai bien paru là-dessus. C’est un peu ça qui est arrivé avec Sylvera Louis. Ces gars-là étaient prêts à éclore, j’ai été chanceux d’être là, à ce moment-là. De son côté, Chris Plaitis est comme une sorte de Mike «Too slick, too quick» Moffa. Je l’ai formé un peu comme moi sauf qu’il est gaucher. C’est un gars très talentueux et très rapide qui est maintenant champion canadien. C’est aussi le frère de Manolis Plaitis qui est champion canadien chez les pros.

ZDB Pendant les combats, tu sembles très concentré. Qu’est-ce que tu regardes?

Les points faibles de l’adversaire ou bien les erreurs que fait ton boxeur? MM Ça, c’est à mon avis une différence entre un bon et un mauvais entraîneur. Dans un

combat, ce n’est plus le temps de voir les erreurs techniques de ton boxeur. Tu dois juste regarder et essayer de comprendre ce qu’il doit faire pour gagner le combat.

ZDB Comment vit-on la défaite d’un boxeur? Est-ce qu’on la prend personnel? MM Ça dépend… Si je ne suis pas capable de comprendre pourquoi mon boxeur a perdu, je

suis en partie responsable et je me sens coupable. ZDB En début d’entrevue, tu m’as dit que le mérite allait seulement au boxeur

parce que c’était un sport individuel. Cependant, quand le boxeur perd, c’est un peu de la faute de l’entraîneur. Pourquoi, quand un boxeur gagne, ça ne serait pas aussi un peu à cause de l’entraîneur?

MM C’est certain que tout le mérite va au boxeur! Quand on regarde un Muhammad Ali ou

un Oscar De La Hoya, on ne voit pas l’entraîneur qui est derrière eux. Mais c’est certain aussi que l’entraîneur a sa part de responsabilité dans leur succès. C’est juste qu’on ne voit pas son travail.

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ZDB Merci Mike! Ce fut très intéressant. MM Merci d’être venu!

J’ai ensuite quitté le gymnase. En ouvrant la porte de sortie, j’ai abouti sur le célèbre coin des rues Sainte-Catherine et Saint-Laurent. Malgré les lumières et la foule bruyante, je suis tombé dans mes pensées. Mike Moffa est un homme de cœur, un passionné, qui agit comme un père avec ses boxeurs, un gars fidèle en amitié, mais surtout, il est un de ces hommes qui a permis à la boxe de s’épanouir au Québec. Il est un bâtisseur dans l’ombre.

Mike Moffa avec une de ses athlètes, Ariane Fortin, championne du monde amateur. (photo Ariane Fortin)

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Portrait de Carl Froch Par Kamel Messani Carl Froch a commencé la boxe très jeune. En effet, à seulement 11 ans, il participe à son premier combat amateur. Son palmarès, dans sa catégorie, est de 88 victoires pour seulement 8 défaites. Il a remporté certains tournois comme le ABA Boxing, et ce, à deux reprises (en 1999 et 2001). Il a par ailleurs été élu meilleur boxeur au tournoi des multi-nations qui s’est déroulé au Danemark.

Mais sa carrière amateur va atteindre son summum lorsqu’il gagne une médaille de bronze, en 2001, lors des Championnats du monde de Belfast en Irlande. Son palmarès reste néanmoins entaché de défaites parmi lesquelles celles essuyées face à Denis Inkin et Jurgen Brahmer (les deux challengers mondiaux actuels respectivement chez les super-moyens et les mi-lourds). Possédant une puissance de feu, c’est naturellement qu’il intègre le milieu professionnel en 2002. En effet, il est actuellement l’un des plus gros frappeurs des supers-moyens : n’utilisant pas beaucoup son jab, il travaille avec des séries variées au corps et à la tête. Néanmoins, techniquement, Froch est loin d’être meilleur que Pascal. Mais il est pugnace et ne renonce jamais. Il peut ainsi assommer son adversaire à n’importe quel moment. Seule ombre au tableau : une vitesse moyenne, une défense négligeable (il ne lève quasiment jamais les mains), ainsi qu’une précision pas toujours de mise (il frappe à n’importe quel moment sans encadrer ses adversaires). Froch a rencontré des difficultés face à des adversaires moins performants que Jean Pascal. Il a ainsi fait pratiquement jeu égal, pendant 10 rounds, face à son compatriote Brian Magee. Toutefois, ce dernier a cédé : il n’a pas réussi à suivre son plan de jeu et a dû s’incliner sur un coup très puissant. Froch a, par

ailleurs, rencontré des difficultés pour remporter une petite voix contre le ghanéen Charles Adamu (ancien adversaire de Otis Grant). Il est vrai que Magic avait fait beaucoup mieux que lui. À la suite de ce combat, de nombreux spécialistes ont souligné la faiblesse psychologique de Froch puisque, face à un boxeur puissant qui accepte le pressing et l’épreuve de force, le doute l’a visiblement envahi.

Carl « the Cobra »Froch boxera chez lui à Nottingham. (photo Hennessy)

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Jean Pascal a-t-il une chance de gagner contre Froch ? Ce n’est pas mission impossible. Froch essayera, naturellement, d’imposer sa puissance. Mais Pascal pourra adopter une tactique qui lui permettra de gagner par décision. Pour ne pas tomber dans le piège de l’anglais, le meilleur conseil à lui donner est de ne pas chercher le corps à corps, car Froch est meilleur puncher. Jean Pascal doit donc le prendre à distance avec son jab et le contrer en utilisant sa vitesse d’exécution ainsi que sa mobilité pour le déstabiliser, car l’anglais a du mal à encadrer ses adversaires. Ce sera donc un combat très indécis. Ce sera la vitesse de Pascal face à la puissance de Froch. Puisque j’ai vu la totalité des combats de Froch et la majorité des combats de Pascal, je vais y aller d’un pronostic personnel. Dans une proportion de 60/40, je vois Carl Froch vainqueur.

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Portrait de David Lemieux

Par Samuel D. Drolet

Il y a quelques années, alors que je tentais de regagner ma forme d’avant le temps des fêtes, j’ai décidé d’aller faire un tour au Ring 83. Lorsque j’ai mis le pied dans ce gymnase aux murs tapissés de vieilles affiches de boxeurs, à l’odeur de sueur, et où une cloche ne cesse de sonner la fin de chaque round d’entraînement, un jeune homme souriant m’a accueilli chaleureusement. Il semblait chez lui, tout à fait dans son élément! Il m’a reçu avec un : « Bonjour, moi c’est David. Vous pouvez aller vous changer; ça va commencer bientôt ». Je me suis dit que c’était sans doute un élève de l’illustre Russ Anber et qu’il allait assister à cette séance d’entraînement avec quelques néophytes à leurs premiers faits d’armes en boxe. Quelle ne fut pas ma surprise de voir ce jeune homme tout diriger du début à la fin! Plus tard, j’en ai appris un peu plus sur lui. Et maintenant, je sais très bien qui il est.

Introduction au noble art Né d’un père québécois et d’une mère arménienne, David Lemieux a grandi dans le quartier Cartierville à Montréal. À la maison, il parle principalement arménien, mais il a reçu son éducation en français. Gamin très actif, David en fait voir de toutes les couleurs à ceux qui se trouvent sur son chemin. « Quand il y avait une bagarre, j’étais toujours le premier impliqué », raconte aujourd’hui un David plus mature et discipliné. Petit voyou sympathique, il s’est rapidement fait connaître des voisins, tant par ses bêtises que par sa gentillesse. Un jour, entre deux mauvais coups, un certain monsieur Laham (père du boxeur Baha Laham) lui a dit que ce serait une bonne idée d’aller se défouler au gymnase plutôt que de se répandre en âneries. David a cru bon d’essayer et est allé faire un tour au gym de Russ Anber, le Ring 83. Dès qu’il y a mis les pieds, il a eu la piqûre. Il y est retourné le lendemain et les jours suivants. Un travail de moine Travaillant aux côtés du même entraîneur depuis ses tous débuts, David admet qu’il n’a pas toujours rendu la vie facile à Russ Anber. « Au début, Russ me mettait constamment à la porte du gym, mais je revenais le lendemain. Ça le mettait hors de lui, tellement qu’il laissait son gros chien à la porte pour que je ne puisse pas entrer! Comme j’aimais bien son chien qui m’aimait bien aussi, je pouvais passer ».

Petit à petit, Anber est parvenu à façonner son poulain, à lui inculquer une certaine discipline. Il avoue qu’il n’avait pas le choix d’être ferme envers Lemieux. « Un jour, David est arrivé au Ring83 avec une bicyclette flambant neuve. Je lui ai demandé à qui était ce vélo. Il m’a répondu que c’était à lui. Où l’avait-il trouvé? Près d’un arbre!, me dit-il. Je n’avais pas le choix d’agir, il fallait que David comprenne. Il a donc rapporté le vélo et a dû réfléchir à ce qu’il venait de faire avant de revenir au gymnase », raconte Anber en ricanant.

David Lemieux à la pesée du gala Grand Prix III au Stade Uniprix le 6 juin 2008 (photo Jean-Sébastien Delisle)

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Depuis, David a évolué. Élève modèle, il s’est assagi. Il canalise si bien son énergie lors des séances

d’entraînement qu’il est un parfait gentleman à l’extérieur de l’arène. Certains vont même jusqu’à le qualifier de workaholic. David s’entraîne 6 jours par semaine. Il s’entraîne matin et soir en plus de faire de la course. Il est toujours le premier arrivé et le dernier parti. Il travaille sans cesse. Quand il ne s’entraîne pas personnellement, il donne un coup de main aux autres, soit en enseignant aux nouveaux venus, soit en servant de partenaire d’entraînement à d’autres boxeurs. Bref, les nombreuses heures que Russ Anber lui a consacrées ont porté fruit. Aux yeux de Lemieux, Anber n’est pas simplement un entraîneur, mais aussi un gérant et surtout un ami. « Je lui laisse carte blanche en ce qui a trait à ma carrière. Je peux avoir pleinement confiance en mon entraîneur. Il est en terrain connu et ne prendra pas de décisions au hasard. Mon métier à moi, c’est de boxer, alors c’est ce que je fais », confie-t-il.

Le Sidney Crosby de la boxe professionnelle Le 14 avril 2007, alors qu’il était à peine âgé de 18 ans, David Lemieux a disputé son premier combat de boxe chez les professionnels. Premier combat qu’il remporta par arrêt de l’arbitre, tout comme les neuf autres auxquels il a pris part au cours de sa jeune carrière de pugiliste. Si David reconnaît qu’il n’a pas encore affronté l’élite mondiale, il reconnaît aussi que c’est pour son bien. « Je suis jeune. J’apprends encore à chaque combat. Je veux aller lentement et sûrement, sans brûler d’étape. J’ai un bon bagage de boxe amateur, mais c’est différent chez les pros », raconte-t-il.

Sacré meilleur boxeur junior au pays en 2006, Lemieux a été champion canadien de boxe olympique à trois reprises. Les Jeux olympiques ne l’ont jamais vraiment intéressé, mais il a toujours désiré devenir champion mondial de boxe professionnelle. Son style axé sur de puissantes attaques, comme le démontrent ses 10 victoires toutes remportées par arrêt de l’arbitre, convient parfaitement chez les pros. Il y a quelques années, alors qu’il boxait encore chez les amateurs, David perdait un combat 3-0 au premier round. Le hic, c’est qu’il n’avait pas encore décoché un seul coup de poing à mi-chemin du round. Il a suffi d’un seul coup pour que David mette fin au combat. Un puissant crochet a éteint les lumières de son adversaire qui est resté sonné pendant un bon moment. C’est un boxeur spectaculaire qui parviendra à en séduire plusieurs tant par son charisme que par sa boxe explosive.

David est souvent comparé au hockeyeur Sidney Crosby, car ils sont jeunes et possèdent tous deux un

talent brut extraordinaire. David ne mise pas uniquement sur le talent pour devenir champion. Il croit qu’il importe aussi d’être bien entouré, de posséder une bonne équipe et de travailler dur. Terre-à-terre, il explique qu’il ne faut jamais se prendre pour un autre, et ce, malgré les succès. « J’ai horreur de ceux qui se prennent pour d’autres. Moi, je suis bon en boxe, c’est mon domaine. Mais il y a d’autres domaines dans lesquels je n’excelle pas. Boxer, c’est une chose, mais ce n’est pas tout. »

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Faire le bon choix Lorsqu’on le questionne sur sa carrière, Lemieux rétorque que tout se passe comme sur des roulettes. Il se dit choyé de travailler avec le groupe de promotion GYM depuis le début de sa carrière professionnelle. Il avoue toutefois qu’avant de faire le saut chez les pros, il ne savait trop où se diriger. D’un côté, il y avait Interbox, avec à sa tête Éric Lucas, et de l’autre, il y avait GYM. Deux compagnies qui représentent bien Montréal partout à travers le monde. Il a réfléchi et arrêté son choix en fonction de ses besoins; il en est heureux. Il profite d’une belle et bonne équipe d’entraîneurs, et il gagne ses combats. Que demander de mieux? Rien de plus pour l’instant, quoiqu’il aimerait bien avoir quelques titres d’ici quelques années. De modèle en modèle David Lemieux est un fanatique de vieux combats de boxe. Ses idoles sont davantage les « Sugar » Ray Robinson et Joe Louis que les boxeurs des années 2000. Cependant, comme il adore la boxe, il en regarde le plus possible. Afin de faire ses devoirs d’élève modèle, il suit tous les combats se déroulant chez les 154 et les 160 livres. Il avoue cependant avoir un faible pour certains boxeurs des temps modernes tels Roy Jones Jr, Mike Tyson et Floyd Mayweather Jr. Quand il était plus jeune, David a eu l’occasion de travailler avec une de ses idoles, Otis Grant. « Otis a toujours été un modèle pour moi. Tant sur le ring qu’à l’extérieur. En plus de travailler avec les jeunes, de donner un coup de main aux moins nantis, Otis a fait preuve d’une détermination hors pair après son accident de voiture dans le but de recommencer à boxer. C’est une personne des plus inspirante », explique David. Lemieux deviendra rapidement l’idole de certains jeunes à son tour et c’est un rôle qu’il semble prendre au sérieux tant par l’attitude qu’il adopte que par sa personnalité. En ce moment, la boxe professionnelle est en plein essor, il a fort à parier que de plus en plus de boxeurs amateurs voudront passer chez les pros rapidement. Est-ce une bonne chose? D’après David Lemieux, il y a des points positifs, mais il peut aussi y avoir du négatif si c’est mal fait. « C’est important d’être prêt pour faire le saut chez les professionnels. Souvent, à 17-18 ans, on a encore la mentalité d’un adolescent. Quand on monte sur le ring contre un adversaire d’une trentaine d’années, il y a un monde qui nous sépare; il faut donc être prêt tant physiquement

David lors de sa victoire contre Rodney Green le 3 mai 2008 au Casino de Montréal (photo Etienne Fournier)

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que mentalement. À la boxe, il n’y a pas de place à l’erreur. En un coup, tout peut être terminé! Dans le fond, si la personne n’est pas prête, elle finira blessée et ce sera très dommage. » Vers l’infini et plus loin encore…

Si on regarde vers le futur, disons dans une dizaine d’années, il serait intéressant de voir où sera rendu le jeune prodige. Je crois qu’en 2018, si tout se passe bien et qu’il boxe toujours, David pourrait posséder une, voire plusieurs ceintures de champion du monde. Pour se faire, il devra rester aussi assidu à la tâche qu’il l’est présentement et toujours bénéficier d’un bon encadrement. Il sera alors redoutable, car au rythme où vont les choses, il aura plus d’une soixantaine de combats derrière la cravate. Ceci étant dit, c’est ma vision personnelle de la chose, mais quand on pose cette question au principal intéressé, il répond de façon plus posée. « Je préfère prendre un combat à la fois et on verra rendu là. Mais si vraiment j’ai à répondre, c’est certain que j’aimerais encore boxer.

Si jamais je ne boxe plus, je ferai quelque chose d’intelligent. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je vais retourner aux études en janvier prochain. J’aimerais être champion du monde chez les 168 livres. J’ai débuté ma carrière chez les 154 livres, mais dernièrement, j’ai grandi et pris de la masse, alors je vais devoir me diriger vers la catégorie des 160 livres. Avec le temps et les changements physiques, je risque de finir chez les 168 livres. ». Que ce soit ma vision de la chose ou celle de David, le futur lui appartient!

David Lemieux, toujours invaincu, avec l’arbitre Gerry Bolen (photo Gino Messier)

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Quelques questions comme ça… Avec Antonin Décarie

Par Pascal Roussel

1- Qui est le boxeur qui t’a fait le plus mal? Je ne suis pas vraiment en position d’oublier de mentionner mon adversaire du 3 mai 2008 (Brian Camechis), puisque lors du combat j’ai visité le plancher pour la première fois de ma carrière. Toutefois, honnêtement, le boxeur que je trouvais le plus fatigant lors de séances d’entraînement était le boxeur amateur Gregory Michel. En plus de posséder beaucoup de puissance, Grégory était un boxeur très peu orthodoxe et il me créait souvent des maux de tête. 2- Qui est l’adversaire que vous rêvez d’affronter un

jour?

L’adversaire que j’aimerais le plus affronter est assurément Floyd Mayweather junior. Premièrement, il a longtemps été considéré comme le meilleur boxeur livre pour livre dans le monde. Tout boxeur souhaite affronter le meilleur pour pouvoir se comparer. Le prestige qui entoure un combat comme celui-là ferait rêver n’importe quel boxeur. Finalement, la bourse qui me serait offerte serait plus que considérable. 3- Ton idole en boxe et pourquoi ?

Mon boxeur préféré est Arturo Gatti. Je respecte le fait qu’il est parti de si loin. Il est allé vivre aux États-Unis à l’âge de 18 ans et il est devenu une véritable franchise sportive à lui seul à Atlantic City. Tous ses combats ont été extrêmement spectaculaires et il était admiré par de millions de fans. 4- Si tu n’étais pas boxeur, qu’aimerais-tu être ? Le monde des affaires me passionne tout autant que celui de la boxe. Heureusement pour moi, il m’est possible de combiner les deux. Par manque de temps et pour ne pas nuire à ma concentration, je dois freiner plusieurs de mes projets, mais je compte bien me reprendre lors de mon après-carrière.

5- Que fais-tu le soir, après un combat, victoire ou défaite ?

Heureusement pour moi, jusqu'à présent, je n’ai eu qu’à vivre des après-victoires. J’imagine que l’atmosphère serait bien différente dans le cas d’une défaite. Habituellement, j’aime me retrouver avec plusieurs amis et célébrer le triomphe. Toutefois, mes derniers combats ont été beaucoup plus exigeants et j’étais réellement exténué. Le soir venu, je suis donc allé me coucher sagement au grand plaisir de ma conjointe.

Antonin Décarie, champion NABO des mi-moyens. (photo www.ginomessier.com)

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Bilan olympique avec Bernard Barré

Par Pascal Lapointe [email protected]

Combien de personnes peuvent se vanter de n’avoir manqué aucun coup de poing du tournoi olympique de Pékin? Et d’Athènes, de Sydney et d’Atlanta? Pas plus d’une poignée, sans doute. Bernard Barré, analyste à la SRC, est l’un de ces privilégiés. Nul n’est donc mieux placé que lui pour brosser un portrait objectif des compétitions de boxe des Jeux de la XXIXe Olympiade, ce qu’il a aimablement accepté de faire pour les lecteurs du magazine La Zone de Boxe. Les impressions générales Pour Barré, les Jeux olympiques de 2008 auront été marqués par les surprises. Non seulement n’a-t-il pu prévoir correctement le médaillé d’or que dans trois des onze catégories, alors que lors des Olympiades précédentes il avait identifié à l’avance environ la moitié des champions, mais il rapporte aussi « au moins 25

grandes surprises. Pas des surprises, de grandes surprises, où les duels ne se déroulaient pas du tout comme prévu. » Les Russes, notamment, ont fait les frais d’une grande partie de ces imprévus. Déléguant huit médaillés des championnats du monde 2007, dont trois d’or, la Russie était censée constituer une « machine implacable » à Beijing. Mais la défaite d’Albert Selimov, champion mondial en titre des poids plume, dès la deuxième journée de compétition, a défini une tendance que les représentants russes ont eu bien du mal à renverser, si bien que seulement trois d’entre eux se sont frayé un chemin jusqu’à la ronde des médailles. Parallèlement, les Cubains survolaient les préliminaires. L’effondrement des Russes leur donnait l’occasion de reprendre leur place au sommet de la hiérarchie de la boxe olympique et ils semblaient en profiter pleinement. En effet, huit de leurs dix pugilistes ont atteint la demi-finale, tandis que leurs plus proches concurrents, les Chinois, ne se sont assurés que de quatre médailles. Mais l’équipe cubaine, décimée par les tentatives de défection de boxeurs de la trempe de Guillermo Rigondeaux, était jeune et inexpérimentée. Elle n’a pu éviter l’hécatombe pendant les derniers jours du tournoi. La nervosité se propageant de défaite en défaite – « Ils se sont mis à claquer des dents, explique Barré » –, elle n’a rapporté aucune médaille d’or. Seulement quatre d’argent et quatre de bronze. « Les Américains, prévient Barré, n’ont pas eu de grands Jeux depuis longtemps, mais il reste qu’ils ont connu leur pire compétition olympique, pire encore que le tournoi de 1948, où ils avaient décroché une seule médaille d’argent. Même leur médaille de bronze a été gagnée de justesse, puisque leur poids lourd, Deontay Wilder, a dû s’en remettre au départage pour remporter son match de quart-de-finale. » Un tournoi difficile, donc, pour les trois puissances historiques de la boxe amateur. Ce sont surtout les pays d’Asie qui ont rempli

Barré et Gilles Gosselin, qui s’est chargé de la description des combats de boxe à Pékin (photo Gilles Gosselin)

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le vide. La Chine, en particulier, s’est hissée à la première place du classement officiel, grâce à deux médailles deux d’or, accompagnées d’une d’argent et d’une de bronze. Les juges et les arbitres Se pourrait-il que les surprenants résultats découlent du travail des juges, qui a été critiqué par de nombreux observateurs, dont le vociférant Teddy Atlas, analyste vedette du réseau américain NBC? Barré oppose un non catégorique : « Le système de pointage ne m’a pas dérangé. Malgré deux ou trois décisions dont je n’étais pas fier, les pointages avaient généralement du sens. En tant que gars de boxe, il est évident que je préférerais que les coups au corps soient davantage récompensés. Mais le système est en place depuis des années. Chaque tournoi, environ 70 % des coups comptabilisés sont des mains arrière lancées dans le centre du ring. Les juges sont très sélectifs sur le plan du transfert de poids. Donc, tout autre coup doit être parfait pour compter. Par exemple, je dirais que les juges n’ont pas accordé plus d’une soixantaine de points à la suite de jabs sur 271 combats. Cependant, je peux comprendre les juges. C’est aux boxeurs qu’il incombe de s’adapter. Ils savent ce qui fonctionne. Rien n’a changé depuis Athènes, depuis Sydney, même depuis Atlanta. C’est l’orientation que les autorités ont donnée au sport pour restreindre la violence et limiter le nombre de blessures. C’est de l’escrime, avec l’arme en arrière. » Barré est toutefois moins compréhensif à l’égard des arbitres. « Par contre, l’arbitrage a été caractérisé par le laisser-aller pendant les premiers jours, assure-t-il. Et tout le monde a vite compris ce qui se passait. Les tricheurs se sont mis à tricher davantage. Ils se sont mis à accrocher plus, à pousser plus. Les boxeurs se retrouvaient constamment par terre. J’étais furieux, parce que le spectacle était gâché et que je devais décrire des combats qui n’étaient pas représentatifs de mon sport. » « Après trois ou quatre jours, poursuit Barré, un bon après-midi, l’arbitre du premier combat est monté sur le ring et a commencé à enlever des points à droite et à gauche. La consigne avait été donnée : arbitres, faites votre travail. Les boxeurs se sont ressaisis. Le tournoi pouvait enfin commencer. Les mauvaises performances d’arbitre ont été rares par la suite. » Barré sur les Jeux de Pékin, catégorie par catégorie

48 kg « Zou Shiming était le grand favori et il a gagné, mais il a connu un lent début de tournoi, à tel point qu’il s’est retrouvé avec un compte égal de 3-3 contre un Français qui l’avait un peu endormi. La décision aurait pu aller d’un côté ou de l’autre. Une fois cette frousse derrière lui, le Chinois a répondu aux attentes et a clairement démontré sa supériorité. »

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54 kg « La victoire du Mongol Badar-Uugan Enkhbat constitue une certaine surprise, même s’il avait gagné des tournois sur la scène internationale. Le Russe Sergey Vodopyanov, champion du monde en titre, s’est fait sortir par le représentant indien, une énorme surprise. De son côté, Enkhbat a fait un parcours parfait, sans rencontrer de réelle résistance. Il s’est notamment débarrassé du Cubain Yankiel Leon, 16-5 en finale. »

Somjit Jongjohor a laissé une excellente impression à Bernard

Barré

51 kg « Dès le premier tour, le champion du monde, l’Américain Rau’shee Warren, s’est fait éliminer par le représentant coréen. Tout le monde dans son coin lui criait qu’il tirait de l’arrière, mais, personne ne sait trop pourquoi, il pensait qu’il était en avance. Il a donc laissé le temps s’écouler. Sa performance a donné le ton pour l’équipe américaine, minée par les conflits internes. « Ma séquence préférée de tout le tournoi met en vedette le Cubain Andris Laffita, qui marqué un point dans les dernières secondes de sa demi-finale contre Georgy Balakshin, de la Russie, pour l’emporter 9-8. Une attaque savamment calculée, deux secondes avant le gong final. Le médaillé d’or, Somjit Jongjohor, s’est révélé trop fort pour tout le monde, une fois Warren et sa vitesse exceptionnelle hors circuit. Grand et fort, le Thaïlandais a occupé le centre du ring et a gardé tous ses adversaires à distance grâce à sa force de frappe redoutable. Ping! [Barré frappe avec sa main droite dans sa gauche, pour imiter un boxeur décochant un solide direct, geste qui se répétera plusieurs fois pendant l’entrevue] Toi tu restes là! Ses opposants se sont faits extrêmement discrets une fois qu’ils ont goûté à sa puissance. »

Vasyl Lomachenko, le boxeur du tournoi olympique 2008

57 kg « Vasyl Lomachenko a été le plus extraordinaire de tous. Ne pas lui remettre le trophée Val Barker, réservé au meilleur boxeur du tournoi olympique, aurait été une folie. Champion du monde junior en 2006, il est passé en cinquième vitesse pendant la deuxième moitié de son combat de premier tour contre Selimov. Il n’a jamais lâché l’accélérateur par la suite. L’Ouzbek Bohodirion Sultanov est coriace, pourtant il s’est incliné 13-1. Ensuite, victoire de 12-3 sur le Chinois Li Yang, médaillé de bronze des championnats du monde. Le Turc Yakup Kilic, l’autre médaillé de bronze à Chicago, est tombé 10-1. En finale, Khedafi Djelkhir, le petit bulldozer français, s’est rué sur Lomchenko, qui s’est laissé bousculer à peu près 12 secondes, puis le combat s’est transformé en carnage. Le Français a vraiment vu les étoiles de la boxe. Lomachenko a fait tout un ménage : les trois autres médaillés des championnats du monde, plus le solide Djelkhir en finale. Le talent lui sort par les oreilles. »

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60 kg « En l’absence du Britannique Frankie Gavin, le Russe Alexey Tishchenko et le Cubain Yordenis Ugas faisaient figure de favoris. Ugas a perdu son combat de demi-finale contre Daouda Sow, solide Français au style difficile à résoudre. Tishchenko a fait son travail en finale. À 11-9, le pointage indique un combat serré, mais le Russe a bien contrôlé les débats. Il s’est ménagé une petite avance dans les premières minutes, puis il a maintenu son avantage jusqu’à la fin. En ce sens, la logique a été respectée dans cette catégorie. » Daouda Sow et l’équipe française ont

connu un très bon tournoi

64 kg « Personne n’attendait le Dominicain Felix Diaz. Il a enregistré deux victoires de justesse, soit au deuxième tour ainsi qu’en demi-finale, où la différence a été faite par les quatre points de pénalité imposés au Français Alexis Vastine, qui pourtant faisait tout son possible pour ne pas accrocher. La grosse surprise du tournoi a été la sortie du Russe Serik Sapiyev face au Thaïlandais Manus Boonjumnong. Mais ce dernier est tout un casse-tête. En termes de hockey, on peut dire qu’il est excellent pour appliquer la trappe. Sapiyev était le meilleur boxeur de la catégorie, mais il s’est fait embouteiller. Pour sa victoire en grande finale, Diaz peut remercier son entraineur cubain, Pedro Diaz, qui a élaboré le plan de match parfait pour battre Boonjumnong : entrer à l’intérieur et frapper tout le temps, n’importe où. En fin de compte, le Thaïlandais n’a jamais eu l’espace nécessaire pour travailler. »

Ci-dessus : Les Russes, dont Serik Sapiyev, n’ont pas affiché les résultats escomptés Ci-dessous : Felix Diaz, seul médaillé d’or du continent américain

69 kg « Sarsekbayev représentait le pire tirage possible pour le seul Canadien en lice à Pékin, Adam Trupish, qui a encaissé toute une raclée. La “ Fusée du Kazakhstan ” faisait partie des meilleurs de sa catégorie sur papier, mais la qualité de ses performances a fait écarquiller bien des yeux. Toujours en contrôle, il n’a jamais été poussé dans ses derniers retranchements, même contre le Coréen qui avait embouteillé l’ultra-talentueux champion du monde, Demetrius Andrade, en début de tournoi. C’est la mobilité supérieure du Kazakh par rapport à Andrade qui lui a permis de beaucoup mieux se tirer d’affaire. »

Bakhyt Sarsekbayev, la « Fusée du Kazakhstan »

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75 kg « Je suis déçu du résultat dans cette catégorie, parce que, selon moi, c’est le travail de l’arbitre qui a fait que le Britannique James Degale a défait le Cubain Emilio Correa pour la médaille d’or. Le gaucher Degale était habile et précis avec sa main arrière, mais il n’était pas considéré comme un champion olympique en puissance. Dans cette catégorie, les résultats sont allés à l’encontre des attentes pendant tout le tournoi. Le Russe Matvey Korobov était clairement le meilleur boxeur de la cohorte des 75 kg, mais il a tiré au deuxième tour le Kazakh Bakhtiyar Artaev, champion d’Athènes à 69 kg. Ce dernier n’est pas un beau boxeur, mais il est apte à tendre des pièges et à compliquer la tâche à son adversaire, à tel point que Korobov a boxé comme s’il était pris dans une toile d’araignée et s’est avoué vaincu 10-7. Une autre déception a été la prestation du vice-champion du monde, le Vénézuélien Alfonso Blanco qui, après un premier combat exceptionnel, s’est écrasé 11-1 devant l’Irlandais Darren Sutherland. »

81 kg « Les mi-lourds nous ont essentiellement donné un chapelet de surprises. L’Ouzbek Abbos Atoyev, champion du monde en titre, a parti le bal en s’inclinant au premier tour contre le Tadjik Dzhakhon Kurbanov. Ainsi, le Russe Artur Beterbiev devenait le grand favori, mais le Chinois Zhang Xiaoping l’a rapidement battu 8-3. En fin de compte, c’est ce dernier qui a remporté la médaille d’or, mais il a été un peu chanceux, puisqu’il a gagné son combat de demi-finale 4-4 au départage. Par ailleurs, c’est dans cette catégorie qu’a eu lieu le seul K.-O. inquiétant de la compétition. À son premier combat, le Samoan Farani Tavui s’est fait durement ébranler. Vacillant pendant le compte, il est tombé tête première. Un choc violent. Le médecin responsable, Dr Butler, a dû faire deux points de presse, le premier pour expliquer les inquiétudes associées au fait qu’il y avait eu deux chocs différents (d’abord le poing, puis le plancher), le deuxième le lendemain pour annoncer qu’aucune opération n’a finalement été jugé nécessaire. Je donne aussi une mention spéciale à l’Algérien Abdelhafid Benchabla, qui s’est révélé en trois combats l’un des boxeurs les plus spectaculaires du tournoi. »

Plus de 91 kg « Le tournoi s’est déroulé en deux temps. Pendant les tours préliminaires, deux grandes vedettes se sont démarquées. D’un côté du tableau, David Price a beaucoup impressionné, assommant le dangereux Russe Islam Timurziev à son premier combat. La princesse Anne s’est même déplacée pour son match de demi-finale. De l’autre côté, la “ Montagne chinoise ”, Zhang Zhilei, n’a accordé que deux points dans sa marche vers les demi-finales. Cependant, une fois la ronde des médailles amorcée, c’est l’Italien Roberto Camarelle qui a pris les choses en main. Il n’a pas attendu de sentir la puissance de Price, il lui a plutôt fait goûter la sienne. Les jambes du Britannique ont flageolé plusieurs fois, puis l’arbitre a arrêté le combat à la deuxième reprise. En grande finale, l’Italien a également réglé le cas de Zhilei, qui a visité le plancher avant d’être mis hors de combat. »

91 kg « L’un des faits saillants dans cette catégorie est la seule médaille américaine, remportée par Deontay Wilder. Je me réjouis en outre de la victoire en finale du Russe Rakhim Chakhkiev sur l’Italien Clemente Russo, que j’ai surnommé la “ Pieuvre ” en raison de sa capacité à tuer l’action. En début de tournoi, quand l’arbitrage était trop permissif, Russo était le pire des tricheurs. Au moins, on pourra dire que Chakhkiev essayait de faire le combat et qu’il méritait un verdict favorable. »

Zhang Xiaoping, entre autres, a permis à la Chine de finir en tête du classement des médailles

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Les observateurs, Barré y compris, sont unanimes : Lomachenko était tout seul dans la course au trophée Val Barker. Mais la domination de l’Ukrainien ne doit pas occulter les prestations exceptionnelles de certains autres pugilistes de grand talent. Entre autres, Barré ne tarit pas d’éloges pour le Thaïlandais Jongjohor, le Mongol Enkhbat, le Kazakh Sarsekbayev et l’Italien Camarelle et mentionne que, compte non tenu de Lomachenko, chacun d’entre eux aurait représenté un candidat digne de Val Barker. L’avenir La question de la présence des femmes en boxe aux Jeux olympiques est fréquemment soulevée depuis quelques années et devra être tranchée dans un délai raisonnable afin que des arrangements, le cas échéant, puissent être pris pour 2012. Les commentaires de Barré plairont sans doute à Ariane Fortin, Sandra Bizier et Nancy Fortin : « Elles [les femmes] devraient être là. Le président de l’Association internationale de boxe (AIBA), M. Ching-Kuo Wu, a annoncé l’an dernier que la boxe féminine sera probablement ajoutée au programme des Jeux olympiques. C’est logique, étant donné que la boxe est le seul sport olympique qui ne comporte pas de volet féminin. » Barré est optimiste, mais prudent. Il mentionne que la boxe féminine en est seulement à ses cinquièmes championnats du monde, tandis que l’haltérophilie féminine a tenu dix compétitions de genre avant d’être intégrée dans le giron olympique. Il souligne aussi que le dossier de la boxe féminine serait plus convaincant si elle pouvait augmenter le nombre de pays présents sur le circuit de compétition. « Mais, conclut-il, la volonté du Comité olympique international (CIO) est réelle, donc je serais très déçu si le dossier n’aboutissait pas bientôt. » Et que pense Barré des gesticulations des Cassandre qui annoncent encore une fois la disparition de la boxe de l’échiquier olympique dans la foulée de la controverse qu’a suscitée le travail des juges et des arbitres? Le danger est-il réel, ou la tradition que représente la boxe est-elle trop solide? « La tradition est trop solide, répond-il sans hésiter. Tous les billets étaient vendus à Pékin. Quelque 195 pays sont membres de l’AIBA, ce qu’apprécie le CIO. La boxe cadre bien dans le milieu olympique et fait l’affaire de la télé parce que les combats, de courte durée, offrent beaucoup de souplesse aux diffuseurs. Qui plus est, les gros bonnets de la boxe professionnelle exercent une influence certaine. Ils ont besoin de la pépinière de vedettes que constitue le tournoi olympique. Si ça commençait à chauffer pour la boxe amateur, tous les intervenants du milieu seraient galvanisés. Je suis sûr que leurs efforts de lobbying viendraient à bout des obstacles. » En somme, on peut tenir pour acquis qu’en 2028, la boxe sera toujours partie intégrante des Jeux olympiques. Et il est presque aussi certain que l’analyste des compétitions pour le diffuseur canadien de langue française sera un passionné aux connaissances encyclopédiques qui ne voudra pas manquer un seul coup de poing, Bernard Barré.

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Le coin neutre magazine : Où sont passés les bons combats de championnat nord-américains?

par Karim Renno, [email protected] (NDLR : cet article a déjà paru sur notre site web le 7 septembre 2008)

Des combats légendaires aux combats mondains De nos jours, les combats de championnat nord-américains ne sont ni plus ni moins que des outils de positionnement. On assiste très rarement à des combats compétitifs, l’objectif étant simplement d’acquérir une ceinture nord-américaine (NABF, NABA ou NABO), laquelle garantie ensuite une place parmi les 15 premiers aspirants à la WBC, la WBA ou la WBO. Mieux encore, presque chaque défense amène une progression dans les classements (l’exemple classique est le légendaire Freeman Barr qui s’était approprié le statut d’aspirant obligatoire à la ceinture WBO de Joe Calzaghe en remportant le titre NABO et le défendant à quelques reprises; Barr est bien sûr légendaire parce qu’il ne voulait pas affronter Calzaghe, sachant qu’il recevrait une raclée monumentale…). Les exemples abondent au niveau local : Bergeron-Da Silva, Pascal-Cruz, Bute-McCrary etc. Soyons clairs, je ne blâme pas nos promoteurs locaux; ils suivent la tendance internationale. Encore une fois, le blâme sis aux pieds des organismes de sanction, lesquels ont créés tellement de titres mineurs qui ouvrent la porte à leurs classements internationaux qu’ils ont dilué exponentiellement la valeur des titres nord-américains. Je vous épargne la liste des titres mineurs disponibles, mais vous n’avez qu’à penser au fait que Joachim Alcine a détenu, à un moment ou un autre, les titres WBC International, NABA, WBA Fedelatin et WBA Fedecentro… Cette réalité est d’autant plus douloureuse que jadis plusieurs combats importants (et même légendaires) ont été tenu sous l’auspice d’un organisme de sanction nord-américain. Ali-Norton I et II, Ali-Frazier II, Foreman-Lyle, Foreman-Frazier II, Braithwaite-Brown et Whittaker-Mayweather n’en sont que quelques exemples. Comment redonner du lustre aux titres nord-américains? Simplement en garantissant au détenteur d’un titre nord-américain une place dans le top 5 mondial, avec les conditions suivantes : 1. l’abandon du titre aura pour effet de l’exclure automatiquement du top 5, ce qui freinerait la tendance fâcheuse de plusieurs boxeurs qui gagne la ceinture pour apparaître dans le top 15 et l’abandonne aussitôt. Cela encouragerait effectivement les champions à défendre leur titre; et 2. tout combat, soit pour l’acquisition du titre ou sa défense doit avoir lieu contre un boxeur classé dans le top 15 nord-américain. Ainsi, pas de Bergeron-da Silva, Pascal-Cruz ou Bute-McCrary. On assisterait plutôt à plus de Cadieux-Blocus, Demers-Miranda, Gaudet-Garza et Lontchi-Garcia (probablement les combat de championnat nord-américains les plus relevés auxquels nous avons assistés). Je sais que je rêve en couleur, mais un homme peut toujours espérer…

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