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Le seul magazine au Québec dédié uniquement à la boxe Juillet, 2010 Numéro 29 Classement top10 livre pour livre québécois La boxe et moi avec Bernard Barré Flashback : Trilogie Hilton-Ouellet AUSSI: Stephanelalonde.com Vincent Éthier

La Zone de Boxe vol 29

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En vedette Jean Bédard, Chad Dawson, Jean Pascal, Bernard Barré, Francy N'Tetu, Antonin Décarie en France, les commotions célébrales et la trilogie Hilton-Ouellet.

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Magazine La Zone de Boxe 5ième année – numéro 29

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Le seul magazine au Québec dédié uniquement à la boxe

Juillet, 2010Numéro 29

Classement top10 livre pour livre québécoisLa boxe et moi avec Bernard BarréFlashback : Trilogie Hilton-Ouellet

AUSSI:

Stephanelalonde.com

Vincent Éthier

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Magazine La Zone de Boxe 5ième année – numéro 29

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Magazine La Zone de Boxe

2755 Clermont Mascouche (Québec) J7K 1C1

[email protected] Éditeur François Picanza Rédacteur en chef Pascal Roussel

Collaborateurs Bernard Barré Richard Cloutier François Couture Samuel D. Drolet Jonathan Dion Benoit Dussault Martin Laporte Francy Ntetu Karim Renno Correcteur/Réviseur Pascal Lapointe François Couture Véronique Lacroix Monteur Martin Laporte Le magazine la Zone de boxe fut fondé en 2004 à Mascouche par François Picanza. Ce magazine est maintenant offert gratuitement sur le web.

La Zone de Boxe magazine

5e année, numéro 29 Juillet 2010

03 – L’Éditorial 3 – Le mot du médium format géant 0 6 – Entrevue avec Jean Bédard

12 – Analyse Pascal-Dawson 18 – La boxe et moi : Bernard Barré 21 – Top10 Québec, livre pour livre 26 – Commotions cérébrales et boxe 30 – Décarie et la France 32 – L’agonie de la défaite 36 – Page du boxeur : Francy Ntetu 37 – Flashback : Hilton-Ouellet

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Le mot du médium format géant Contenu de ce numéro : Un promoteur pas comme les autres! Jean Bédard est à la fois la tête dirigeante du promoteur Interbox et le président du groupe Sportscene qui est derrière le réseau des Cages aux Sports. Nous étions curieux de savoir comment s’était fait la transition entre un homme d’affaires qui vend des ailes de poulet et un promoteur qui vend des billets de boxe. C’est pourquoi nous avons fait des pieds et des mains pour le rencontrer et enfin comprendre cette curieuse histoire. François Couture, un collaborateur régulier du magazine, l’a rencontré dans ses bureaux de Boucherville.

Pascal-Dawson, le cœur ou la raison? C’est le genre de combat qui nous déchire. Un boxeur local que l’on veut voir gagnant contre un adversaire venant d’ailleurs qui est favori. Jonathan Dion nous propose son analyse des forces et des faiblesses de ces deux adversaires. Nous avons aussi demandé aux gens du milieu d’y aller de leur prédiction pour le combat. Les avis sont partagés. Par contre, ceux qui comme nous osons voir Dawson gagnant, souhaitons plus que jamais avoir tort! Go Pascal Go! Nous voulons entendre à la fin du combat ce beau refrain : « Le gagnant, et toujours champion du monde… ». Un coup de poing, ça fait mal! C’est le temps de s’instruire. Lisez ce texte qu’a écrit notre collaborateur régulier Samuel D. Drolet sur les commotions cérébrales. Vous comprendrez par après un peu mieux comment se sentent les adversaires de David Lemieux une fois qu’ils se relèvent du plancher. Il est douloureux parfois de voir les boxeurs tomber. Imaginez maintenant si c’était vous qui receviez ce coup de poing… Une défaite, ça fait mal! C’est le temps de s’instruire. Lisez ce texte qu’a écrit notre nouveau collaborateur Benoit Dussault sur l’agonie de la défaite. Vous comprendrez par après un peu mieux comment se sentent les boxeurs à la suite d’une défaite douloureuse. Il est triste de voir des bons gars perdre. Demers, Ngoudjo, JoJo, Décarie, Lucas. C’est pourquoi la victoire de Jean Pascal ferait tellement du bien! Barré et Ntetu Deux chroniques régulières (La boxe et moi et La page du boxeur) reviennent pour ce numéro-ci. Bernard Barré nous raconte sa longue histoire d’amour avec la boxe et Francy Ntetu nous parle de sa carrière amateur et de ses débuts en boxe. La Zone de Boxe à Levallois Le 28 mai dernier, un de nos collaborateurs réguliers, Martin Laporte, avait la chance d’assister au combat entre Souleymane M’Baye et Antonin Décarie à Levallois, au Nord-Ouest de Paris. Martin y était pour le site Web de la Zone, mais je lui ai aussi passé une commande pour le magazine. Il vous expliquera dans ce petit texte sans prétention les différences entre un gala de boxe à Montréal et un gala en France, avec ses yeux de québécois. La trilogie Ouellet-Hilton Dans le cadre de la chronique Flashback que nous avons commencé au dernier numéro, nous revenons cette fois-ci avec une trilogie qui a marqué le Québec au tournant de l’an 2000 : les trois combats entre Stéphane Ouellet et Davey Hilton Jr. Le chroniqueur Richard Cloutier récidive en nous racontant ici les détails de cette saga qui a tant fait parler les amateurs de boxe québécois. Notre classement livre pour livre Québec Pas facile cet exercice! Il y a près d’un an que nous n’avions pas mis à jour notre classement. Nous voulions attendre que passe la vague des combats importants du printemps pour nos boxeurs, plusieurs d’entre eux s’étant vus offerts des combats majeurs. Nous pensions bien que cela allait rendre notre tâche plus facile… Mais la série de défaites de nos boxeurs locaux lors de combats importants a au contraire rendu notre tâche plus ardue!

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Le combat Lucas-Andrade, quelle bataille!

Les commentaires du médium Le gambling de Lucas Ils auraient pu passer pour des génies. Et j’y ai cru. À première vue, l’idée qu’Éric Lucas affronte Librado Andrade paraissait complètement folle. Mais Interbox savait d’abord une chose : Lucas allait être en grande forme. Les gens d’Interbox voyaient Lucas à l’entraînement et voyaient dans quel état d’esprit il était. Le grand Lucas serait au rendez-

vous. Mais pourquoi avoir choisi Andrade? Andrade se voulait le candidat idéal au point de vue marketing. Le gala devait avoir lieu à Québec et Andrade y avait rempli le Colisée avec Bute. Andrade avait gagné le respect et le cœur des québécois. Pour faire une finale et remplir un aréna avec Lucas en 2010, il fallait un nom qui attire. Et pour ce qui est du côté boxe de la décision, on savait que le style fonceur d’Andrade serait parfait pour Lucas. Les meilleures performances en carrière de Lucas avaient toujours eu lieu contre des boxeurs de ce genre (Sheika, Pazienza, Catley). Lucas n’a jamais aimé s’en prendre aux lapins qui courent partout comme Beyer. Là où Interbox a « gamblé », c’était sur l’impression qu’ils avaient d’Andrade. Celui-ci avait des incertitudes avec ses entraîneurs, semblait démoralisé à la suite de sa raclée contre Bute et d’autres indices laissaient croire qu’il s’entraînait moins fort (prise de poids et perte de masse musculaire). Et il était juste de croire qu’à un moment donné, l’accumulation de coup de poings commencerait à « ramollir » le mexicain. Mais non! C’est cette partie du « gambling » qui a foiré. Andrade, malgré qu’il ait reçu des bombes sur la gueule de la part de Lucas, continuait à avancer et son réservoir d’essence semblait sans fin. Lucas a

affronté un Andrade qui était finalement très peu affaibli et a malgré tout livré une performance incroyable. Comme disait un collaborateur, quel combat ça aurait fait entre le Lucas de 2002 et l’Andrade d’aujourd’hui! Le duel Yvon Michel contre Russ Anber : qui va gagner? Le prochain combat qui impliquera David Lemieux risque de se dérouler plutôt entre les gens qui l’entourent. Je vous explique. Avec ses éclats, Lemieux a fini par attirer l’attention des gros réseaux (ESPN, Showtime, HBO). De plus, ses classements de plus en plus avantageux font qu’il pourra plus vite que prévu se battre pour des titres majeurs. Et c’est là que ça va se battre. Le promoteur Michel va vouloir conduire la Ferrari à une vitesse folle (il parle déjà de combat de championnat du monde dans la prochaine année), alors que l’entraîneur Anber, reconnu pour conduire plus lentement, va vouloir rouler sur la voie de droite en respectant les limites de vitesse. Alors quoi penser? Battre le fer pendant qu’il est chaud ou continuer de polir le joyau et attendre la bonne exposition? Il est clair que le David Lemieux que l’on voit sur le ring et qui démolit les adversaires à une vitesse exponentielle donne l’impression d’être prêt. Mais selon ce que j’entends entre les branches, c’est dans les camps d’entraînement où l’on peut encore voir les failles de David. Dans les séances de sparring contre des boxeurs d’expérience, lorsque les gros gants et les casques de protection sont là, l’adversaire ne tombe pas tout de suite, et c’est là que David en a encore à apprendre semble-t-il. Mon opinion est que David devrait encore affronter quelques Ayala qui vont vraiment rester debout. Mais d’un autre coté, si les portes s’ouvrent vraiment plus rapidement que prévu, je peux comprendre le promoteur de vouloir saisir les occasions. Un beau dilemme en vue. L’option « battre le fer pendant qu’il est chaud » semble avoir une longueur d’avance pour le moment.

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Un coup de coude qui est passé inaperçu lors du duel Vera-Demers

Décarie-M’baye 2 : ça s’en vient Le premier duel entre les deux boxeurs a donné un combat serré. Tellement serré que les deux clans prétendent l’avoir gagné. Mais je ne reviendrai pas là-dessus, tout a été dit. À la suite de sa victoire, Mbaye avait le droit de faire un combat optionnel avant de donner la revanche à Décarie, tel que stipulé dans le contrat que les deux clans avaient signé avant le combat. Appuyé par Bernard Roos, Mbaye a bien tenté de se prévaloir de sa possibilité de faire un combat rapidement. Mais comme le premier combat fut d’une complexité incroyable à organiser pour eux en France, il était difficile de croire qu’ils pouvaient organiser à l’intérieur du délai de 90 jours un autre combat en France. Ma boule de cristal me dit que voyant la difficulté d’organiser un combat rapide chez eux, le clan Mbaye a tenté d’aller faire un combat chez un adversaire, je parle ici de Ricky Hatton en Angleterre. Mais le tout n’a pas abouti, Hatton ne pouvant être prêt dans les délais requis. Il semble donc que Mbaye n’aura d’autre choix que de venir défendre sa ceinture contre Décarie à Montréal à l’automne. Sur les forums français, les gens trouveront ridicule que Mbaye doive se plier à cette clause, souhaitant probablement que Mbaye regarde par en avant et qu’il affronte les gros noms de la catégorie. Si la situation avait été inversée et que c’était Décarie qui avait gagné cette décision serrée, ne demanderaient-ils pas le respect de la clause revanche eux aussi? Ça joue du coude! Le soir même, personne n’a rien vu. Mais dans les jours suivants, des images sont apparues sur le Web. Lors du combat Demers-Vera au stade Uniprix, Demers a été victime d’un coup de coude fantôme de la part de Vera. Personne ne l’a remarqué tellement cela s’est passé rapidement. Comme le coup de coude a été donné de façon accidentelle à la suite de l’élan d’un coup de poing raté, le tout a passé inaperçu. Seul Demers lui-même était en position pour s’en rendre compte! Même son entraîneur Marc Seyer a avoué ne pas l’avoir vu dans le feu de l’action. Une autre raison pourquoi personne ne l’a vu, c’est l’absence d’écran géant au Stade Uniprix. Mais comme vous pouvez le constater sur cette photo, l’impact du coup de coude fut très solide. Demers et son entraîneur souhaitent obtenir un combat revanche contre Vera, et nous leur souhaitons aussi. Pascal Roussel Rédacteur en chef format géant

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Jean Bédard, homme d’affaires dans son bureau.

(photo Francois Couture)

Jean Bédard : quand la boxe donne des ailes par François Couture

Chez Interbox, c’est lui qui parle aux autres promoteurs, aux grands réseaux de télévision et parfois aux journalistes. Comptable de formation, il négocie les contrats de ses boxeurs tout en continuant de diriger le Groupe Sportscene, propriétaire de la franchise Cage aux Sports. Comment le Drummondvillois Jean Bédard s’est-il retrouvé à la tête d’une des deux plus grandes organisations de boxe au Québec? Le magazine de la Zone de Boxe a rencontré le grand patron d’Interbox dans ses bureaux à Boucherville, afin de retracer les grandes étapes de ce parcours et connaître les dessous de son métier. Les débuts en affaires : La Zone de Boxe : Jean Bédard, après l’obtention de votre baccalauréat en administration aux Hautes Études Commerciales et un stage de deux ans dans une entreprise, vous avez mis sur pied votre propre bureau de comptabilité. Pourquoi se lancer si rapidement en affaires? Jean Bédard : Je dirais que c’est parce que je suis un entrepreneur dans l'âme, tout simplement. C’est pourquoi, dès 1989, j’ai rapidement investi dans une Cage aux Sports à Saint-Hyacinthe. Avec mes associés, on en a ouvert une deuxième à Boucherville, trois ans plus tard. ZDB : Votre association avec les Cages aux Sports ne date donc pas d’hier. Qu’est-ce qui vous poussé à vous intéresser à cette franchise?

JB : Vers 1983-84, pendant que j’étudiais à l’Université de Montréal, j’allais régulièrement dans une Cage qui était située près de l’ancien Forum, sur la rue Guy. J’y allais au moins une fois par mois avec ma gang d'amis. Je trouvais ça génial comme concept : tu écoutes le hockey en prenant une bière, en mangeant. C’est un concept de commerce qui me ressemble beaucoup : sport, gang, plaisir. ZDB : Puis, en 1995, vous devenez président des Cages aux Sports. JB : Oui, mes associés et moi avons acheté la franchise des mains du fondateur de la compagnie, Georges Durst. J’ai donc lâché la comptabilité et je suis venu travailler à temps plein ici. ZDB : Pourquoi voulait-il vendre sa compagnie? JB : M. Durst était essoufflé. Et puis cet homme d’affaires est plus un développeur qu’un opérateur. Les affaires au quotidien, ça l’ennuit. Il pense toujours à lancer de nouvelles entreprises. Il faut dire aussi qu’il avait de la difficulté à s’entourer de bonnes personnes, compétentes, et les franchisés commençaient à être mécontents. La compétition était plus féroce également; il a donc jugé que c’était le bon moment. Il m’a approché parce qu’il avait été impressionné par tout le développement immobilier qu’on avait fait à Boucherville. J’avais aussi un bon contact avec les opérateurs, j’avais une bonne crédibilité. Je pense qu’il ne regrette pas son choix. Il y avait une trentaine de Cage quand on a pris les rennes de la compagnie; on a fait du ménage un peu, on en a fermé, on en a déménagé, ce qui fait qu'on a aujourd’hui un solide réseau d’une cinquantaine de restaurants.

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Jean Bédard, homme d’affaires dans le ring.

(photo Stéphane Lalonde)

ZDB : J’ai lu, en préparant cette entrevue, que le sport fait partie de votre vie depuis longtemps. JB : Depuis toujours, en fait. Mes emplois d’été, c’était comme entraîneur de baseball ou de badminton. Je suis issu d’une famille de sportifs, je m’intéresse à tous les aspects du sport. Je suis choyé : je fais des affaires, mais dans le milieu du sport. Ça donne des possibilités de vivre des choses incroyables. La boxe : ZDB : Et votre intérêt pour la boxe, c’est arrivé comment? JB : J’ai toujours aimé le sport, comme je l'ai dit, mais la boxe plus particulièrement. J’ai trouvé intéressant les débuts d’Interbox, ça donnait une nouvelle image au sport, une image plus propre, je dirais. Mon association professionnelle avec la boxe a débuté en 2001, quand Éric est devenu champion du monde. Il m’a approché pour être son commanditaire et parce qu'il voulait devenir propriétaire d’une Cage. Je suis donc devenu son conseiller. Quand tu deviens champion du monde, ton statut change : Éric, qui est un gars tellement gentil, est incapable de dire non : il avait perdu le contrôle sur son emploi du temps, sur ses commanditaires, etc. J’ai aussi négocié un de ses contrats avec Interbox. Je me suis engagé dans ce sport un peu par défaut, je dirais. ZDB : Parlons de l’achat d’Interbox par Éric Lucas. On sait qu’au départ, Lucas désirait récupérer de l’argent que lui devait son promoteur. JB : Oui, c’est ça. Il n’avait pas été payé après son combat contre Danny Green. On parlait alors d’un montant très important. Et puis, avec ce qui s’était passé contre Markus Beyer, il était plus ou moins satisfait de son sort. On voulait qu’il récupère son argent, mais également son autonomie, car Éric avait peur que quelqu’un achète la compagnie et son contrat; ainsi, il aurait perdu le contrôle sur sa carrière de boxeur. Hans-Karl Mühlegg, l’ancien propriétaire d’Interbox, a fait une première proposition à Éric; sur le coup, ça ne l'a pas intéressé. Monsieur Mühlegg a fait une seconde offre et là, Éric s’est tranquillement fait à l’idée. On a évalué les risques et les avantages… parmi ceux-ci, il y avait la mise sous contrat d’un gars qui s’appelait Lucian Bute. Éric le voyait comme un boxeur ayant beaucoup de potentiel. Éric, il ne parle pas gros, mais il connaît ça pas mal... ZDB : On se souvient de sa prédiction lors du combat Andrade-Bute II… JB : Oui! Incroyable. C’est le seul qui a vu juste. Bref, pour revenir à votre question, au début, Interbox était l’affaire d’Éric. Par contre, on s'est aperçu assez vite que ça prenait beaucoup d’argent pour faire boxer un gars comme Lucian régulièrement. On a donc jugé que c’était mieux que ce soit nous, au Groupe Sportscene, qui assumions ces risques financiers. On n’était pas sûrs qu’Éric devait tout investir son argent dans la boxe, vu qu’il avait une petite famille à faire vivre. On a donc pris le relais. ZDB : Comment a été accueillie l'annonce de la vente d'Interbox à Éric Lucas, notamment chez les boxeurs de l'écurie ou pour des gens comme Yvon Michel ou Stéphan Larouche? JB : Pour Yvon, ça a été un choc, c'est sûr, puisqu'il était intéressé par la compagnie. Hermann Ngoudjo, Joachim Alcine et Otis Grant étaient sous contrat avec Interbox, si je ne m’abuse; en achetant la compagnie, on achetait leur contrat du même coup. Éric leur a dit : « Vous faites comme bon vous semble. Si vous voulez débarquer, on se ne battra pas avec vous ». Stéphan a suivi, lui. Ce qui a surpris bien des gens, c’est que seulement cinq personnes possédaient de l’information sur cette vente avant la conférence de presse : Éric Lucas, mon avocat, mon responsable des

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Bedard et Bute, son boxeur plus grand que nature.

(photo François Couture)

communications, M. Mühlegg et moi. Même Stéphan n’en savait rien! (rires) Comme tout le monde, il l’a appris le jour de la conférence de presse. On lui a expliqué pourquoi et il a compris : si ça s’était su avant, il y aurait eu des interférences et ça aurait pu faire avorter le projet. Notre seul but, avec cette acquisition, était de récupérer l’argent d’Éric, son autonomie et Lucian Bute. C’était ça le plan. Les gens étaient très sceptiques, au départ. ZDB : Il faut dire qu'on vous considérait jusqu’alors comme de simples vendeurs d’ailes de poulet, si vous me permettez l’image. JB : Je sais. Dans les fond, les affaires, c'est trois choses : les clients, les actionnaires et les employés (nos boxeurs, donc). Il faut offrir un produit qui plaît aux clients et à nos boxeurs, et qui permet à nos actionnaires de faire des profits. That's it. Que ce soit des ailes de poulet ou de la boxe, c’est pareil. On s’est bâti un plan et on l’a suivi à la lettre. Certains nous reprochent de ne pas faire assez de galas, de ne miser que sur un seul poulain, mais c’est ça qu’on a dit qu’on ferait… et on l’a fait. On se serait probablement perdus si on avait agi autrement. La boxe, pour nous, c’est un complément à notre raison d’affaires principale, la restauration. Ses rôles : ZDB : Quel était votre rôle, initialement, lors de la vente d’Interbox? JB : Stéphan était directeur des opérations et moi je m’occupais du côté administratif. Par contre, la compagnie a changé quand Lucian Bute est devenu champion. Il a fallu démêler les rôles d’entraîneur et de promoteur. Lucian, lorsqu’il a signé son contrat, a exigé que Stéphan s’occupe exclusivement de boxe. Quand il s’entraîne, il veut avoir son coach avec lui, il ne veut pas se faire interrompre par un appel important de Don Majeski. Donc, avec le temps, les rôles se sont précisés. Ainsi, depuis deux ans, Interbox me demande plus de temps et d'énergie. Maintenant, c'est moi qui négocie avec les promoteurs et les réseaux de télévision. ZDB : Au départ, j’imagine que vous étiez perçu comme un petit promoteur dans un marché secondaire; vous n’étiez pas en position de force. JB : Oui, mais on n’était pas pressés. On avait une crédibilité à aller chercher. Nos entreprises, on les a toujours montées une étape à la fois, lentement mais sûrement. Tu peux faire semblant que tu es gros, tu peux dire que tu as parlé à Don King la veille alors que tu as eu l’assistant de sa secrétaire au téléphone, mais à la longue, ça se retourne contre toi. ZDB : Qu’est-ce qui a été le plus difficile dans l'apprentissage de ces nouvelles fonctions? JB : Je dirais que ce fut quand on faisait affaire à - pardonnez l'expression - des bullshiteux. C'était une période emmerdante : tout le monde essayait de soutirer de l’information, par tous les moyens, pour empêcher son rival de faire quelque chose de bien; depuis deux ans, je parle à de vrais hommes d’affaires. Rendu où on est, les gens voient ce qu’on fait et on n’a plus besoin de se justifier.

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« Maintenant, c'est moi qui négocie avec les promoteurs et les

réseaux de télévision »

« … ça devait être un Super Eight au départ et

que Lucian était sur cette liste de huit… »

ZDB : Par rapport à votre plan d'affaires, vous avez atteint les objectifs que vous vous étiez fixés? JB : Notre premier objectif, c’était d’amener Lucian Bute en championnat du monde en trois ans. On y est arrivé, et pas dans les temps en plus. Ensuite, on a voulu intéresser un grand réseau de télé américain : ça, ça s’est passé un peu plus vite que prévu. Le premier combat avec Librado Andrade, c’est la meilleure chose qui pouvait nous arriver. À court terme, ça a été difficile pour Lucian (rires), mais ce douzième round a créé beaucoup d'intérêt autour de lui.

L’autre élément qui a joué en notre faveur, c'est le purse bid avec Golden Boy Promotions lors du second combat contre Andrade. Certes, on l'a perdu, mais je m'étais dit que si on le perdait à ce montant-là, Golden Boy allait devoir abattre ses cartes. J'ai pensé : « S’ils sont assez fous pour miser plus haut que ça, va falloir qu’ils amènent HBO! » À plus d’un million, tu ne peux pas financer un combat avec ta billetterie seulement. Surtout qu’Andrade n’a pas de fans qui le suivent et qui sont prêts à payer pour le voir boxer. Et c’est exactement ce qui est arrivé : non seulement ils ont payé, mais ça s’est fait chez nous et Lucian a livré la marchandise sur les ondes de HBO. L’an dernier, on était excités d’être à Showtime; là, on est sur HBO, dans les ligues majeures. ZDB : Racontez-nous votre version de la controverse sur les gants, lors du premier combat de Bute contre Andrade. JB : Il faut dire qu'à cette époque, je n’avais jamais touché à quoi que ce soit qui a trait à la boxe. Dans la négociation des contrats, tout ce qui concerne la grandeur du ring, les gants, etc., je laisse ça à Stéphan. Les soirs de combat, je ne fais rien, habituellement, à part serrer des mains et regarder les combats; mais ce soir-là, tout le monde me cherche! Je rentre dans la chambre de Lucian, il est seul, l'air piteux. Je lui demande où est tout le monde : « Ils sont tous partis te chercher, quelque chose ne va pas». Je croise enfin Stéphan Larouche qui me dit : « Jean, règle ça, Golden Boy ne veut pas qu'Andrade boxe avec les gants qu’on leur fournit ». Bon… Deux minutes après, j'ai leur avocat qui me menace, j'ai l’agent d’Andrade qui est sur mon dos… ça n’allait pas bien! (rires) Je vais chercher mon avocat pour les amuser un peu et leur montrer qu’on est pas des ti-culs. Ça a duré une heure et demie, ce manège. C'est Otis Grant qui m’a finalement confirmé qu’Andrade, lui, voulait se battre. A posteriori, je pense qu’ils n'avaient pas tout à fait tort d’être en maudit. Il y avait eu malentendu. Toute cette soirée a été complètement folle : quand j’ai vu Lucian dans les câbles, j’avais l’impression d’être dans un mauvais rêve. Je savais depuis quelques jours que Lucian n’était pas en forme, Stéphan affichait une mine inquiète, son boxeur n’avait pas d’énergie dans les entraînements et il se fatiguait trop vite. On a déterminé que Lucian avait eu un empoisonnement alimentaire en Roumanie, au mariage de sa sœur, et quand il est revenu, les antibiotiques qu'on lui a prescrits lui ont donné des ulcères d’estomac… en un mot, il avait des problèmes de santé assez sérieux. On a pensé retarder le combat mais Lucian a dit qu’il allait le battre quand même, c’est lui qui a pris la décision, au final. Mais il a finalement manqué d’énergie. Sans la foule, il aurait lâché bien avant. Il était comme un coureur qui n’a plus de jambes. HBO, Showtime, Super Six : ZDB : Quelle est la vérité dans l’histoire du Super Six; est-ce que vous avez eu une offre pour Bute? JB : Non, on n’en a jamais entendu parler. Nous autres, on négociait avec le clan de Carl Froch, on avait eu une offre lucrative pour aller se battre contre lui en Angleterre. Du jour au lendemain, on n’a plus eu de nouvelle de son promoteur. Quelques semaines plus tard, bang! On annonce ce tournoi du Super Six. Ce qu’on m’a dit, c’est que ça devait être un Super Eight au départ et que Lucian était sur cette liste de huit boxeurs. Mais ils se sont vite rendu compte qu’à huit, le tournoi serait trop long. Ils ont mis les trois Américains; Sauerland étant aussi pesant que Showtime dans cette histoire-là, il a pu placer ses boxeurs. Et comme Hennessy a une bonne relation avec Showtime, il a pu placer Froch.

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Jean Bédard. Plus qu’un simple vendeur d’ailes de poulet!

(photo François Couture)

ZDB : Rétrospectivement, on peut dire que ce fut un mal pour un bien! JB : Effectivement. Les gens de HBO vont attendre de voir le gagnant du Super Six et ils vont l’opposer à Lucian. Il m'apparaît évident que c’est HBO qui va présenter ce combat visant à établir le meilleur 168 livres. D’ici là, ils ne nous lâcheront pas, c’est certain. ZDB : Est-ce que HBO était prêt à se rendre en Roumanie pour présenter le prochain combat de Bute là-bas? JB : Ils étaient prêts à venir, j’ai même une confirmation signée. Mais le combat n’aurait pu être présenté en direct à cause du décalage horaire. On avait retenu la date du 24 juillet, ce qui coïncidait avec la date du combat de Gamboa. Ils auraient donc capté le combat et présenté des clips (plus des espèces de cartes postales visuelles de la Roumanie) pendant la diffusion. ZDB : Quel est le statut de Bute aux yeux des dirigeants de HBO? JB : Le réseau fera bientôt une grosse campagne de marketing sur ses futures vedettes et Lucian en fera partie. C’est tout dire. La suite des choses : ZDB : Est-ce que Lucian Bute a finalement signé son prochain contrat avec Interbox? JB : On a une base. Lucian est heureux avec nous. On s’en occupe bien, il a une bonne équipe qui l’entoure. Cette signature ne m’empêche pas de dormir, disons ça comme ça. Lucian aime contrôler ses affaires, donc je ne le presse pas. S’il trouve mieux ailleurs, il peut partir, certes, mais s’il partait, je ne suis pas sûr que ce serait une bonne affaire pour sa carrière... On est tous les deux honnêtes dans le processus. Je lui ai dit : « Quand Interbox ne sera plus capable de te donner ce dont tu as besoin pour ton niveau, on va être assez franc et intelligent pour te le dire. » ZDB : Parlons d’avenir. Vous ne pourrez pas

miser indéfiniment sur le seul succès de Lucian Bute…

JB : Le problème qu’on a chez Interbox, c’est avec l’organisation de nos galas. Peu importe la taille, que ce soit au Centre Bell ou à Drummondville, ça demande la même somme de travail. Ici, je n’ai pas d’équipe dédiée exclusivement à l'organisation et la promotion des galas. De plus, Stéphan a du temps à mettre sur un maximum de deux, peut-être trois boxeurs. Par contre, je crois qu'on a trouvé une formule intéressante pour mieux développer notre écurie : on est en train de s’associer avec le promoteur de Mikaël Zewski, TKO Promotions, qui organise une vingtaine de galas par année aux États-Unis. On a une bonne chimie avec eux. On leur a envoyé Pier-Olivier Côté récemment, pour une de leurs cartes, et ce fut une expérience concluante. Alors on aimerait poursuivre le développement de boxeurs comme Benoit Gaudet et Sébastien Gauthier dans des galas organisés par TKO, galas qu'on diffuserait sur une télé généraliste, au Québec. Je ne pouvais pas signer de nouveaux boxeurs puisque j'étais incapable de leur garantir un bon nombre de combats par année. C’est pour cette raison qu’on a été un peu plus tranquille de ce côté depuis deux ans; mais là je pense qu’on a une bonne formule. (NDLR : le 11 juillet dernier, près d’un mois après avoir réalisé cette entrevue avec Jean Bédard, on apprenait que TKO Promotions, étant donné son expansion extrêmement rapide, avait maintenant de graves problèmes financiers. Il serait donc prudent de mettre un bémol sur cette association entre les deux promoteurs. La situation devrait se clarifier dans les prochaines semaines).

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« La boxe doit se réveiller un peu et présenter les combats que les gens

veulent voir »

ZDB : Trouvez-vous que depuis votre arrivée dans le monde de la boxe, la façon de faire des affaires a changé? JB : Pas vraiment. Ce que je n’aime pas de la boxe, c’est que les vrais combats n’arrivent pratiquement jamais. En UFC, ils bâtissent des histoires, ils montent des rivalités, ils créent des attentes chez leurs fans. La télé a rendu les promoteurs paresseux : ils ne bâtissent plus ou presque pas les carrières de leurs boxeurs, ils ne font pas de promotion, ils n’attirent pas de fans... La boxe doit se réveiller un peu et présenter les combats que les gens veulent voir. ZDB : Pensez-vous que le modèle que vous avez implanté avec Bute peut faire école? JB : Je pense qu’on est regardé pas mal. Chez Top Rank Boxing, que je considère être le meilleur promoteur américain, chaque fois qu’on leur parle, ils nous disent de ne pas lâcher, de ne pas aller se mettre à genoux à New York devant les dirigeants de HBO. Pour eux, on fait de la vraie promotion de boxe. En fait, on ne prendra jamais de décision pour plaire à HBO : on pense d’abord à la carrière de Lucian et si on doit être plus patient pour avoir ce qu'on veut, alors on va l’être. Sans compter que parfois, je pense aussi en propriétaire des Cages aux Sports : ce qui est bon pour HBO l'est moins pour nos restaurants, car on fait plus de profits lors des galas présentés les vendredis (plus d'entrées au Centre Bell, plus d'affluence dans les Cages). Ce succès et notre attitude dérangent un peu, les gens commencent à être jaloux : on a un bon bassin de fans, on a des commanditaires et là on vient de rajouter la télé. Pour amener des boxeurs de qualité au Québec, on a maintenant d'excellentes cartes dans notre jeu. En plus, notre boxeur est hot, il est gaucher et explosif, il attire grosso modo 10 000 personnes à chacun de ses combats… En clair, les boxeurs ne viennent pas se battre ici pour des pinottes! (rires) Le seul truc qui joue contre moi, c'est qu'à force de mettre des boxeurs K.-O., Lucian complique mon travail! (rires) En conclusion, sans vouloir nous vanter, je dirais qu'on représente une nouvelle génération de promoteurs. On risque donc d’avoir de bien belles années de boxe devant nous.

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Analyse du combat Pascal-Dawson Par Jonathan Dion L’été 2010 du Groupe Yvon Michel restera marqué par deux duels d’envergure organisés en collaboration avec l’influent promoteur américain Gary Shaw. Ainsi, moins d’un mois après le choc entre Joachim Alcine et le Mexicain Alfredo Angulo, ce sera au tour de Jean Pascal de faire son entrée dans les cercles les plus exclusifs de la boxe professionnelle à l’occasion de la troisième défense de son titre WBC des mi-lourds, le 14 août prochain au Centre Bell. En Chad Dawson, Pascal, qui reviendra à la compétition après une importante chirurgie par arthroscopie rendue nécessaire par une fracture et de multiples luxations à l’épaule droite, se mesurera à rien de moins que le chef de file incontesté de la catégorie. L’affrontement propulsera à lui seul un épisode de la série « World Championship Boxing », principale franchise sportive offerte aux abonnés de la chaîne câblée américaine HBO. Qu’on se soit tourné vers Montréal comme lieu de l’évènement dès les négociations initiales témoigne bien de la confiance qui règne du côté de la garde de l’Américain. On ne peut ignorer la motivation financière en fonction du fait que Dawson n’a encore jamais pu développer une vraie base de partisans, mais les preneurs aux livres ont de bonnes raisons de le considérer comme favori, parfois jusqu’à quatre contre un, et ne voient donc pas le lieu du combat comme un facteur majeur.

Jean Pascal fera-t-il mentir les pronostics? On le souhaite!

(photo Vincent Ethier)

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Comparaison des forces en présence Vitesse S’il est vrai que chacun des deux combattants n’a jamais affronté de boxeur aussi rapide que son adversaire chez les professionnels, la démarcation est plus franche du côté de Pascal. Étant donné que Dawson a surtout combattu des boxeurs vieillissants depuis 2007, il n’a récemment rien vu de comparable à ce qu’il l’attend, mais, règle générale, le fait qu’il travaille beaucoup plus en directs et en mouvements compacts l’aidera à imposer davantage sa fluidité et sa rapidité supérieures comme facteurs dominants. En clair, dans la division, son niveau de rapidité est sans égal depuis la retraite de Joe Calzaghe. Avantage : Dawson Offensive L’arsenal offensif de Pascal nous est bien connu : il est composé principalement de son excellent crochet de gauche, de sa droite en contre lancée par-dessus la garde et d’un jab souvent présent au corps. Dans la dernière année, on a constaté qu’il a travaillé sa droite au corps en fonction de son combat contre Sylvio Branco. On l’avait aussi vu, après sa défaite contre Carl Froch, replier ses coudes vers l’intérieur afin être moins large. Cependant, la supériorité technique de Dawson ne fait aucun doute. Un angle de caméra en plongée, trop rarement utilisé, nous en ferait voir toute la subtilité, mettant en valeur les vastes habiletés de l’Américain en contre-attaque, à courte ou plus longue distance. Le plus impressionnant est son équilibre inouï, la stabilité avec laquelle il combine ses habiles déplacements en angles et ses coups. Le coup le plus important de son arsenal est son jab lancé en série. Suivent son court direct de la gauche et son dangereux uppercut droit. Dawson est aussi l’un des meilleurs en boxe pour ce qui est des attaques répétées au corps ainsi que de la variété de coups donnés des deux mains, même si son adversaire du 14 août n’est pas en reste sur ces deux plans. Avantage : Dawson Défensive Pascal a toujours eu tendance à cacher ses mains en les gardant très basses, mais cela pourrait lui coûter plus cher que jamais face à un boxeur aussi rapide, surtout de son côté gauche. Il devra notamment s’assurer de ramener son jab au corps rapidement, ce qu’il a trop souvent négligé dans le passé. Ni un ni l’autre des antagonistes ne sont vraiment disciplinés à maintenir leur garde haute, ni activement portés sur l’accrochage. Ils misent en bonne partie sur leurs réflexes et leurs qualités athlétiques afin d’éviter les coups. Ils ont appris à mettre à profit leur attaque pour solidifier leur défensive. En ce sens, la révélation pour Pascal a eu lieu au premier affrontement contre Diaconu : on l’a enfin vu imposer ses habiletés à un adversaire et suivre un plan de match à la lettre. Cela impliquait d’être moins instinctif et plus calme, d’entrer à l’intérieur aux moments opportuns pour ressortir sans tarder, ainsi que de tirer un peu plus parti qu’avant de la contre-attaque. La mentalité de l’Américain est similaire, si ce n’est surtout de l’élément distance. En contrepartie, c’est à courte portée que la défensive de Dawson montre ses limites. Il y est trop statique avec le haut de son corps, ne roule pas aussi bien avec les coups et sa garde a tendance à offrir d’invitantes ouvertures à mesure que le combat avance. Avantage : Dawson Puissance et résistance Le premier élément à mentionner dans le cas de Dawson est qu’il est un droitier converti en gaucher un peu hors normes. En effet, il a des habilités de beaucoup supérieures au profil typique des boxeurs convertis et il se sert peu de sa véritable main dominante en puissance. Il est souvent, avec raison, critiqué pour son manque de volonté de finir le travail, si bien que son surnom de « Bad Chad » convient très mal à son style. On a beaucoup parlé de son uppercut droit comme son coup le plus dangereux, même s’il y a assez longtemps qu’il a vraiment infligé des dommages à un adversaire, et ses puissantes attaques au corps des deux mains ont pris du galon. Il reste que la puissance naturelle de Dawson des deux mains n’est pas à sous-estimer, puisqu’il ne faut pas oublier que ses cinq dernières victoires par décision ont été enregistrées face à des adversaires compilant 217 combats et une seule défaite avant la limite. Dawson n’a jamais vraiment été sur le point d’être mis hors de combat, mais sa résistance aux coups est encore considérée comme sa principale faiblesse. Même s’il n’a pas encore affronté de véritable cogneur, il a dû se relever à trois reprises de chutes au

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Le gaucher Chad Dawson, toujours invaincu (29-0, 17 K.-O.)

(photo boxrec.com)

plancher. De surcroît, Glen Johnson a plus récemment réussi à mettre du piquant dans un combat qui aurait dû être dominé par Dawson, en bonne partie parce que ce dernier, comme à son habitude, a mal réagi lorsqu’il a été clairement ébranlé au 10e assaut de leur premier affrontement.

Pascal a beaucoup plus d’instinct pour finir ses adversaires et s’applique davantage à mettre de la puissance dans ses coups. Compte tenu des succès maintenant notoires de son crochet de gauche, il n’y a plus de doute que Pascal déploie bien sa force de frappe des deux mains et qu’il peut ébranler ses adversaires en coup unique. Le champion en titre a une défensive moins étanche et est plus sujet aux déséquilibres, mais il ne compte aucune chute au plancher à son actif. Une solide réputation à cet effet le suivait de son parcours amateur, il a depuis effacé les derniers doutes en absorbant les puissantes charges de Carl Froch et d’Adrian Diaconu. Avantage : Pascal Endurance Étant donné certains problèmes d’endurance, tant Pascal que Dawson ont beaucoup de mal à offrir des performances égales sur 12 rounds. Pour y arriver, ils appliquent une stratégie qui exige inévitablement de ralentir le rythme des échanges. Sur l’ensemble, les moments d’action de Pascal sont plus clairsemés. À l’exception de son dernier combat, Dawson a presque toujours connu ses pires moments en fin de combat et les ralentissements de son adversaire, plus évidents, se font habituellement voir plus tôt en combat. Cependant, lors de ses apparitions à Montréal, on a souvent vu Pascal avoir des regains d’énergie étonnants, alimentés par un courage et un désir à la hauteur de son talent, ce qu’on n’a pas constaté chez Dawson. Avantage : Dawson

Mensurations Si l’endurance n’est pas une force chez Dawson, c’est une autre histoire pour l’autre talon d’Achille de Pascal, son gabarit. Dawson, qui compte trois années de plus d’expérience chez les mi-lourds, sera plus grand par trois pouces, mais c’est son avantage au niveau de la portée qui est le plus préoccupant pour Pascal. D’autant plus que tous les ingrédients sont là pour amplifier cet avantage : le duel gaucher contre droitier, son style fuyant et la dominance de sa main avant. En outre, Dawson a l’habitude de monter dans l’arène à plus de 190 livres, ce qui devrait lui donner un avantage d’environ 4 à 5 livres. Notons que ce sera un premier adversaire gaucher en près de quatre ans pour Pascal. Avantage : Dawson Impondérables Tout combat d’importance comporte des facteurs imprévisibles. Ici, il faut surtout se demander si l’épaule droite de Pascal tiendra le coup. Le Québécois a déjà été fortement incommodé lors de quatre combats. Espérons que les 8 mois qui le sépareront de son importante opération justifieront la confiance affichée par son entourage, sans quoi il est difficile d’imaginer un long et compétitif duel. Le coin de Pascal, chapeauté par Marc Ramsay, a toujours été hautement estimé, avant même l’arrivée de Pedro Diaz pour superviser le tout, mais Dawson est considéré comme l’un des meilleurs pour étudier son sport. En outre, en Eddie Mustafa Mohammad, il profite assurément de l’un des entraîneurs les plus sous-estimés à l’actuelle, en plus d’avoir déjà compté sur de grands entraîneurs comme Dan Birmingham et Floyd Mayweather père. C’est moins important, mais soulignons que Dawson en sera à un premier départ en dehors des États-Unis. Il n’a jamais vécu une ambiance comme celle à laquelle on peut s’attendre et subira la pression d’être à l’échéance de sa première entente – jugée beaucoup trop onéreuse par nombre de chroniqueurs – avec HBO, en plus d’avoir à s’adapter à une opposition jeune, rapide et mobile après des années à affronter des boxeurs de 39 et 40 ans. Avantage : Dawson

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Les clés pour la victoire pour Pascal 1- Trouver le chemin vers l’intérieur Un affrontement tout en contraste avec le défi que représentait Adrian Diaconu, vous l’aurez deviné. Il ne faut pas ignorer l’importance que le jab aura lorsque Pascal voudra s’approcher de son adversaire, mais force est de constater qu’il ne pourra rivaliser avec l’Américain pour ce qui est de cet aspect. Bonne nouvelle dans les circonstances : le crochet de gauche du droitier est la meilleure arme qui soit contre un gaucher fuyant comme Dawson. Celui de Pascal est assez synchronisé et a potentiellement la puissance pour faire hésiter la main avant du boxeur du Connecticut. Pascal devra notamment conjuguer le tout avec des déplacements bien calculés sur sa propre gauche afin de bien garder son pied gauche à l’extérieur du droit de son vis-à-vis et surtout couper le ring lors des sorties rapides de Dawson. S’il réussit, il aura peu de temps pour laisser aller ses mains et percer la garde poreuse qu’il aura devant lui mais il possède les coups et la vitesse pour espérer y arriver. 2- Aller au corps Étant donné sa maîtrise de la distance, sa position légèrement courbée vers l’avant, la petite cible offerte par son torse et la hauteur de sa culotte, il n’est pas facile d’atteindre Dawson au corps, mais pour ne pas être complètement dominé à ce chapitre, Pascal n’aura d’autres choix que de s’y essayer. Lorsqu’il sera suffisamment près, le jab et surtout ses courtes combinaisons devront être bien variés, passant du corps à la tête – ou l’inverse –, comme il a déjà prouvé en être capable. Nul doute que cela pourrait être payant plus tard dans le combat. 3- Saisir l’initiative et courir prendre les risques, si nécessaire Il faut s’attendre à voir Pascal fendre l’air à de multiples occasions en début de combat vu le défi que lui posera la distance. Par conséquent, il devra au départ rester calme pour bien mesurer cet écart et ne pas précipiter ses premières attaques en dépensant vainement ses énergies. On se rappelle que ses réserves avaient clairement diminué dès le sixième round de son combat contre Carl Froch, donnant l’occasion à ce dernier de prendre confiance à l’aide de son long jab. Subséquemment, l’actuel titulaire WBC nous a cependant démontré l’art d’exploser aux bons moments et sur de brèves séquences pour aller chercher les rounds sans s’épuiser. Le problème est que son adversaire mise également sur un contrôle un peu similaire du rythme et y excelle, en plus de posséder une science de boxe supérieure. Tout bien considéré, puisqu’il sera plus que difficile pour Pascal de prendre l’ascendant à ce jeu, avant la mi-combat, il serait préférable de voir Dawson être forcé de lancer près de la centaine de coups pendant quelques rounds consécutifs. Un rythme comparable l’a toujours amené à faiblir plus tard dans le combat. L’Américain est à son mieux lorsqu’il lance moins de 75 coups par rounds. Pascal n’a pas l’endurance et le volume de coups d’un Glen Johnson, mais il peut avoir l’inspiration et la détermination pour mieux profiter que ce dernier l’a fait d’une éventuelle fin de combat pénible pour Dawson. Pour y arriver et ne pas laisser de remords dans le ring, Pascal devra sans doute saisir l’initiative plus qu’à son habitude et prendre les risques en misant sur sa supériorité en puissance. Les clés pour la victoire pour Dawson 1- Le jab, encore et encore Sa marque de commerce. Sans être particulièrement puissant, il s’agit d’un des plus beaux jabs de la boxe pour établir la distance et faire ressortir un avantage d’allonge. Rapide et très fluide, le jab de Dawson doit à l’occasion préparer la gauche, mais surtout être lancé en série de trois ou quatre, suivant une cadence assez soutenue. 2- Être difficile à cerner, boxer Aussitôt ses courtes combinaisons 1-2 et ses séries de jabs lancées, Dawson doit battre rapidement en retraite en faisant manquer Pascal et aller chercher ses angles pour s’appuyer sur sa contre-attaque. Il doit allier ses superbes qualités athlétiques à son offensive et à sa défensive pour notamment établir le rythme du combat et faire valoir son superbe jeu de pieds. Enfin, il lui faut éviter de laisser le temps à son adversaire de synchroniser ses pieds et ses mains pour travailler en puissance. 3- Nul besoin de gagner tous les rounds, demeurer vigilant Voilà un concept sur lequel son entraîneur doit absolument insister : laisser passer la tempête, en bougeant, s’il le faut, ou même prendre un round pour se reposer si l’avance est confortable. En outre, l’entraîneur de Dawson est sûrement d’avis que Pascal ne peut gagner aux points et veut éviter une autre fin de combat où l’Américain manque de concentration et d’énergie pour maintenir sa défensive.

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Jean Pascal, champion mi-lourds du WBC,

saura-t-il garder sa ceinture? (photo Vincent Éthier) Le gagnant Au final, je ne vois tout simplement pas Pascal pouvoir l’emporter sur Dawson sans que ce dernier ait été clairement ébranlé un moment donné dans le combat, le plus tôt possible serait évidemment le mieux. Donc, les chances d’une surprise reposent sur un espoir assez mince. Sans sous-estimer les habiletés de Pascal en puissance, j’évalue les chances de victoire de Dawson à un petit peu plus que 75 %. Une décision claire en faveur de ce dernier est à prévoir, même s’il est possible qu’il se montre plus agressif en fin de duel pour abréger les débats, soit parce qu’il aura perçu chez le favori local des signes de ralentissement (peut-être à cause de son épaule?), soit tout simplement parce qu’il a grandement besoin de réaliser un coup d’éclat pour impressionner les amateurs américains. Ma prédiction : Dawson par décision unanime.

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Vos prédictions Nous avons demandé à des gens du milieu de se mouiller. Voici leurs prédictions.

- Richard Cloutier de Netboxe.com : Pascal par décision unanime. - Pascal Lapointe, La Zone de Boxe : Dawson par décision unanime. Dawson en accomplit assez dans suffisamment de rounds pour empêcher Pascal de s'installer à l'intérieur et s'attirer la faveur des juges. - Martin Laporte, La Zone de Boxe : Dawson par décision unanime, mais j’espère me tromper - Mike Moffa, entraîneur : Jean Pascal par décision unanime. Ça sera un combat très serré, car Jean va voler les fins de round; il fini ses rounds toujours très fort. - Martin Mulcahey, Maxboxing.com : Dawson par décision unanime. - Benoit Dussault, fanatique.ca : Dawson par décision unanime. Le style gaucher de Dawson va donner beaucoup de mal à Pascal. Il n'aura pas assez de 12 rounds pour le résoudre. - Simon Lavie, matchmaker : Pascal par TKO au 11e round. - Vincent Morin, Journal 24 heures : Pascal par décision unanime. - Jean-Luc Legendre, RDS : Pascal par décision unanime, au terme d'un combat très serré. Et Gary Shaw hurlera au vol lors de la conférence de presse d'après-combat. - Kamel Messani, Netboxe France : Dawson par TKO au 12e round. Dawson dominera le combat grâce à sa vitesse. Pascal devra prendre des risques en fin de combat sachant qu’il est en retard aux points.

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La boxe et moi est une chronique où nous demandons à une personnalité du milieu de nous expliquer comment est née son histoire d’amour avec la boxe. Pour ce numéro-ci, nous avons pensez offrir la plume à Bernard Barré, vice-président, opérations et recrutement chez GYM.

La boxe et moi Par Bernard Barré

Barré, sur le bord du ring lors du combat Ngoudjo-Urango en janvier 2009.

(Photo Vincent Ethier) Attraction fatale J’étais déjà en amour avec la boxe sans la connaître. Très jeune, mon père assistait à des programmes de boxe avec ses amis. Quand il revenait, il me donnait son billet où les visages des finalistes étaient en vedette. À partir de là, le combat commençait dans ma tête et mon imagination était sans limite. Ensuite, le compte rendu dans les journaux rendait ma visualisation bien réelle. Un combat de boxe sur le réseau américain, le samedi après-midi, et la terre arrêtait de tourner tellement mon attention était totale. Pourtant, j’avais à peine dix ans. Gare à mes frères s’ils s’aventuraient devant la télévision. Ce fût par la suite l’époque des revues américaines, où à défaut de ne rien comprendre, je me régalais des photos et des statistiques. La boxe, comme un puissant aimant, m’attendait dans le détour. Au milieu des années 70, j’ai assisté à mon premier programme de boxe au Centre Paul-Sauvé. Au volant de mon Ford Fairlane 1966, je ne roulais pas sur la 20, je flottais. À l’issue du premier round du premier combat entre deux figurants plus que limités, j’étais debout, excité comme pas un et j’ai déclaré haut et fort à mon accompagnateur : « C’est ce que j’ai toujours voulu faire. » Quand je suis revenu à la maison, dépassé minuit, j’ai réveillé ma blonde pour lui raconter tous les combats, round par round, à son grand désespoir.

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« Ma rencontre avec Yvon Michel … fût déterminante »

« Ma sélection comme entraîneur-adjoint des équipes

canadiennes m’a ouvert de nouveaux horizons… dont une mission d’espionnage sportif à

Cuba en 1987 »

Le lendemain, j’ai appelé le 411 pour supplier la téléphoniste de me trouver dans les pages jaunes le club de boxe le plus près de ma municipalité. Ville Lemoyne sur la Rive-Sud fût le résultat de sa recherche. Le propriétaire était M. Georges Prévost, le père de Michel (participant aux Jeux Olympiques de Montréal en 1976), et les entraîneurs M. Jeff Alleyne (participant aux Jeux Olympiques de Rome en 1960) et M. Jean Mainardi. Mon apprentissage fut long et ardu compte tenu d’un manque de talent évident et de mes vingt-deux ans bien sonnés. J’ai eu l’occasion

de faire connaissance avec Léo Blain, entraîneur du club de boxe de Longueuil, qui était jeune boxeur à l’époque, et je me souviens d’un jeune blondinet d’environ dix ans, Daniel Laforce, lui aussi impliqué aujourd’hui comme entraîneur, toujours à Longueuil. J’ai aussi souvenir d’être allé m’entraîner quelques fois « sur le pouce » en raison du peu de fiabilité de ma voiture. Une attraction fatale que je vous disais. Ma rencontre avec Yvon Michel aux Gants Dorés à Sorel en 1978 fût déterminante. Il m’avait conseillé d’aller m’entraîner à son gymnase à l’Université de Trois-Rivières où l’entraîneur était Jim Girard. Considérant que je terminais mon cours collégial entrepris sur le tard et la possibilité de m’inscrire à cet endroit, c’est ce que j’ai fait. Deux ans à voyager St-Hyacinthe/Trois-Rivières, quelques combats, deux championnats provinciaux où les défaites ont fait mal. Mais du « fun » comme ce n’est pas possible. Puis ce fût le début d’une belle aventure. Coordonnateur de loisirs dans un quartier de ma ville, j’ai eu le goût de partager ma passion avec les jeunes. Présentation d’un projet à mon patron et permission spéciale accordée pour les adolescents de 16 et 17 ans, une fois par semaine, sans aide financière, dans la grande salle de loisirs. Les préjugés sur la violence (films de Rocky) et la proximité du monde interlope étaient très forts à ce moment-là. L’inventaire de ce groupe d’âge était à peu près vingt jeunes. J’en ai attiré onze, pour terminer la saison avec sept, dont cinq ont participé aux Jeux du Québec régionaux. J’avais réussi mon pari d’implanter la boxe à St-Hyacinthe. Le sac d’entraînement, les deux paires de gants en crin de cheval, les casques en plastique achetés chez Canadian Tire, la paire de gants de sac et la corde à danser étaient ma propriété. Avec le recul… Wow! Quelle misère! L’année suivante, l’administration à élargi ma palette : 14 à 17 ans, mais seulement dans mon quartier. Quelques galas à la télé communautaire au Centre Pierre-Charbonneau à Montréal, un champion des Gants Dorés, Marc Seyer, et un gala local devant cinq cents personnes : tout cela a permis d’implanter de façon définitive l’activité. Ma culotte de compétition en satin bleu Everlast a servi autant pour les petits (ruban gommé) que pour les grands, et sa carrière s’est terminée déchirée sur une chute au tapis d’un poids moyen. À l’époque, j’étais allé dans un magasin Greenberg du centre-ville pour acheter des camisoles. Sept sur un rayon, deux « small », trois « medium » et deux « large », à onze dollars la copie. J’avais trouvé nos couleurs, mais vidé mes poches. Trois autres années, deux déménagements dans des locaux limités mais permanents et une ouverture pour tous les jeunes de la ville. Des galas au mois, des fois deux. Une collaboration exceptionnelle du club de Drummondville, de M. Denis Chapdelaine. Alain Chauvin et Patrick Allard ont été nos têtes d’affiche à cette époque. Ma première incursion comme entraîneur de l’équipe du Québec fût en 1982 pour le championnat canadien juvénile. Beaucoup d’autres ont suivi par la suite. Mon engagement comme coordonnateur technique et entraîneur-chef de l’équipe du Québec en 1985 à la Fédé a constitué une surprise, même pour moi, mais les dirigeants de l’époque avaient une grande confiance en mon potentiel. L’année suivante, ma sélection comme entraîneur-adjoint des équipes canadiennes m’a ouvert de nouveaux horizons. Beaucoup de voyages, d’investissement de temps et surtout une tonne d’expérience dont une mission d’espionnage sportif à Cuba en 1987, la Puissance Mondiale qui représentait un mystère. Treize ans à la Fédé, dont quelques-unes comme directeur des Programmes de développement (ce qui m’a permis d’être impliqué dans l’ouverture de plusieurs clubs), directeur technique et directeur général-adjoint. Treize ans de bonheur. Directeur de stages pour entraîneurs à la Fédération depuis 1984, j’ai l’occasion de vivre de longues fins de semaines avec des passionnés et de former la relève.

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Ma certification niveau V du Programme national de certification des entraîneurs, obtenue en 1992, m’a apporté une grande fierté. Premier québécois, tous sports confondus, à atteindre ce niveau, j’avais réussi à impressionner les hautes instances du Ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche du Québec et changer un peu la perception injuste qui nous est malheureusement trop souvent attribuée. Mes débuts à la télévision ont été un coup de chance. Yvon Michel, entraîneur-chef de l’équipe canadienne senior, souvent en déplacement, m’a ouvert la porte puisqu’il ne pouvait être partout à la fois. De Cablevision, télé communautaire de l’époque, à Radio-Canada comme spécialiste depuis vingt ans, à toutes les stations inimaginables, ça n’a jamais arrêté. La cerise sur le sundae : ma participation aux quatre derniers Jeux Olympiques. Un grand événement crève-cœur : la défaite d’Éric Lucas en Allemagne. J’avais même perdu ma langue en ondes. Je suis aussi conscient, très soucieux et rigoureux face à la neutralité qu’exige ce métier. Tout cela est tellement fragile. Mon incursion en boxe professionnelle s’est faite par le biais des galas Pro-Am. Superviseur de la partie amateur, exceptionnellement annonceur pour la partie professionnelle et même entraîneur pour la courte carrière d’Alain Chauvin, j’ai fait mes classes en côtoyant Stéphane Ouellet et Éric Lucas à leurs débuts. Implication avec Roger Martel, promoteur à l’époque, puis avec le Groupe Ko’ntact, une offre impossible à refuser est ensuite arrivée en 1998 de la part d’Interbox et du propriétaire Hans-Karl Muhlegg : directeur technique et responsable du recrutement. La collaboration avec Yvon Michel continuait. La première année fût si exigeante qu’elle m’a permis de perdre vingt livres. Organisation de 34 galas dont la majorité d’importance majeure au Centre Molson. La pression était très forte. Travail d’enfer mais bonheur du ciel pendant six ans avant de frapper le mur. 2004 fût un point tournant. Impossibilité d’acheter notre employeur sur la loi de la protection des faillites, Yvon et moi décidions de nous associer à Dino Marchitello pour la fondation de G.Y.M. auquel s’est ajoutée Alexandra Croft quelques mois plus tard. La suite, les amateurs de boxe de la Zone de Boxe la connaisse très bien. P.S. : J’apprécie beaucoup la revue et le site que je fréquente régulièrement. Je reconnais les passionnés et je retiens tous les commentaires qui sont publiés.

Bernard Barré, à droite, avec le reste de l’équipe GYM. (Photo Vincent Ethier)

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Notre classement des meilleurs boxeurs québécois Par l’équipe du magazine La Zone de Boxe Résultats compilés par Karim Renno Mea culpa, il s’est écoulé près d’un an depuis notre dernier classement des meilleurs pugilistes québécois. À notre décharge, le nombre de boxeurs locaux qui œuvrent maintenant sur la scène internationale implique nécessairement qu’ils se battent plus sporadiquement et donc que les mises à jour doivent être plus espacées.

Vous connaissez maintenant bien l’exercice : les collaborateurs du magazine et certains invités de marque (en l’occurrence Richard Cloutier de Netboxe.com, Philippe St-Martin de boxrec.com, Vincent Morin du journal 24 Heures et le grand patron lui-même François Picanza) nous ont donné leur classement des quinze meilleurs boxeurs québécois, toutes catégories confondues. Vous trouverez le classement individuel de chaque panéliste et le barème de classement à la fin du présent article.

Sont admissibles à notre classement tous les boxeurs qui évoluent régulièrement au Québec, de même que les boxeurs québécois qui se battent à l’étranger (il s’agit de Bermane Stiverne, Adonis Stevenson et Michael Zewski). Utilisant ces critères, ont été exclus Jean-François Bergeron (inactivité), Ali Chebah (qui se bat principalement hors Québec), Walid Smichet (maintenant retraité), Troy Ross (pas assez de combats au Québec), Librado Andrade (quoiqu’il soit presque devenu un boxeur local) et Éric Lucas (re-re-retraité). Finalement, nous avons déterminé que Jo Jo Dan était toujours admissible puisque sa base d’entraînement est au Québec et qu’il habite ici.

Vérité soit dite, après les deux premières positions, jamais notre classement n’a-t-il été aussi difficile à créer. D’une part, le Québec compte maintenant plus d’une dizaine de boxeurs internationaux légitimes et, d’autre part, plusieurs d’entre eux ont subi la défaite depuis notre dernière mise à jour. Cela se reflète d’ailleurs dans les choix de nos panelistes : au final, les positions 3 à 6 sont séparées par à peine 4,5 points. La crème 1. Lucian Bute (96 pt)

Blâmez mon manque de vocabulaire si vous le désirez, mais après plusieurs éditions du présent article, je commence à manquer d’adjectifs qualificatifs et d’épithètes pour décrire la carrière de Bute. Ce dernier fait encore l’unanimité de nos panelistes et se classe toujours au premier rang de notre classement.

Durant la période pertinente pour le présent article, Bute a commencé par effacer tout doute sur sa force mentale

en passant le K.-O. à Librado Andrade au 4e round lors de leur combat revanche en novembre dernier. Il a ensuite enchaîné en pulvérisant le dangereux Edison Miranda en moins de trois rounds en avril dernier. On retient particulièrement trois choses de ces combats. D’abord, ceux-ci ayant été diffusés sur les ondes de HBO, Bute a exponentiellement accru sa notoriété aux États-Unis et ailleurs dans le monde, en plus de se faire plusieurs nouveaux fans. Ensuite, on assiste au retour de Bute le « finisher ». Après une phase de 8 combats longs (5 décisions, 2 combats d’au moins 10 rounds minimum et 1 mise hors de combat au 8e round), Bute a passé le K.-O. à ses trois derniers adversaires en moins de quatre reprises. Finalement, il est maintenant clair que seuls les boxeurs qui font partie de l’élite mondiale livre-pour-livre sont aptes à donner un vrai défi à Lucian.

Là où les choses se compliquent, c’est au niveau de l’avenir immédiat de la star canado-roumaine. Étant donné que Dirrell, Ward, Kessler, Green, Abraham et Froch sont retenus par le « Super 6 », que Kelly Pavlik prendra sûrement un ou deux combats de remise en forme après sa défaite cuisante contre Sergio Martinez et que Chad Dawson et Jean Pascal s’affronteront le 14 août prochain, il ne reste pas vraiment d’adversaire intéressant pour Bute. Il semble donc qu’il devra se contenter d’un duel avec Jesse Brinkley en octobre et qu’il devra prendre son mal en patience.

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Jo Jo Dan en Turquie avec son entraîneur Pierre Bouchard et Stéphan Larouche

(photo S. Yamada / Gankor promotions)

2. Jean Pascal (80 pt)

Si Bute occupe toujours le premier rang de notre classement, il n’en reste pas moins que l’écart entre lui et Pascal est beaucoup moins important que jadis. En fait, il est possible de croire que si ce dernier remporte son prochain combat contre Chad Dawson, il passera au premier échelon.

Il s’agit bien sûr d’un défi de taille (Dawson est classé 6e livre-pour-livre par The Ring), mais plus rien ne pourrait

nous surprendre à propos du pugiliste lavallois. Après s’être débarrassé comme prévu de Silvio Branco dans le cadre d’une défense obligatoire, Jean Pascal a offert une performance qui restera dans les annales lorsqu’il a battu Adrian Diaconu pour une deuxième fois en décembre dernier. Forcé de composer avec une épaule disloquée tout au long du combat, Pascal a fait preuve d’un courage extraordinaire pour en venir à bout du « Shark ». Ayant clos le dossier Diaconu, Pascal passe maintenant à une autre étape de sa carrière, fort d’un classement très avantageux (3e selon The Ring à 175 livres). Son combat contre Dawson, prévu pour le 14 août prochain, est une occasion extraordinaire. D’abord parce que le combat sera diffusé sur HBO et que la bourse du Lavallois sera sûrement très intéressante, mais surtout parce qu’une victoire sur Dawson propulserait Pascal au sommet de sa catégorie et parmi l’élite livre-pour-livre mondiale. Les quatre aspirants 3É. Joachim Alcine (41 pt)

Bien qu’Alcine ne récolte que deux votes de troisième place, il réussit quand même à se hisser au troisième rang de notre classement (ex aequo avec Jo Jo Dan) en fonction du fait que tous les panélistes le classe dans leur top 6. C’est tout un renversement pour un boxeur dont la carrière semblait presque terminée lors du dernier exercice.

Après une performance quelconque contre Eric « Murder » Mitchell dans la victoire, Alcine a ajouté un scalp de grande qualité à sa fiche en défaisant le Français Christophe Canclaux en décembre dernier (quoique cette victoire ait perdu un peu de son lustre lorsque Canclaux s’est récemment fait passer le K.-O. par Roman Dzhuman). Peut-il continuer à gravir les échelons et obtenir un autre combat de championnat?

Disons simplement qu’Alcine et son promoteur

semblent vouloir obtenir une réponse à cette question rapidement puisqu’ils ont accepté d’affronter le dangereux Alfredo Angulo dans un combat éliminatoire pour le titre WBC le 17 juillet prochain. Bien qu’il soit fortement négligé dans ce combat, une victoire ramènerait Alcine au sommet de sa division. 3É. Jo Jo Dan (41 pt)

Le malaimé des promoteurs locaux a finalement obtenu l’occasion qu’il méritait tant en juin dernier contre le Turc Selcuk Aydin dans un combat pour le championnat « argent » des mi-moyens de la WBC. Bien sûr, puisqu’il ne bénéficie essentiellement d’aucun support au niveau promotionnel, Dan a dû accepter de se battre en Turquie à un poids supérieur. Néanmoins, selon presque tous les observateurs indépendants qui ont visionné le combat, Dan méritait clairement la victoire. Malheureusement, les juges n’ont pas vu les choses de la même manière et le Roumain a été privé du titre qu’il méritait pleinement. Nos panélistes ont quand même donné à Dan la reconnaissance qu’il mérite de sorte qu’il se hisse au troisième rang de notre classement. Reste que la situation de Dan est potentiellement pire aujourd’hui qu’avant son combat contre Aydin. Non seulement n’a-t-il pas obtenu la victoire (et le titre) qu’il méritait, mais il est maintenant perçu comme un adversaire très dangereux et indésirable pour l’élite de sa division. Il sera donc particulièrement difficile pour lui d’obtenir des combats intéressants.

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David Lemieux (sur cette photo avec Russ Anber) grimpe en flèche dans tous les classements, ici aussi!

(photo Vincent Ethier)

Antonin Décarie en France avec son entraîneur Marc Ramsay (photo Alain Décarie-ruefrontenac.com)

5. David Lemieux (39 pt)

Nouvel arrivant dans notre top 10, le protégé de Russ Anber progresse de manière fulgurante. Des victoires impressionnantes et presque toutes expéditives contre Bladimir Hernandez, Donny McCrary, Alfredo Contreras, Delray Raines, Jason Naugler, Walid Smichet et Elvin Ayala ont convaincu tous nos panélistes du fait que Lemieux fait partie de l’élite locale. D’ailleurs, il recueille plus de votes de 3e place (3) que Dan et Alcine.

À seulement 21 ans, on parle déjà d’un

combat éliminatoire pour le dur cogneur (les rumeurs veulent qu’il affronte Marco Antonio Rubio en août prochain). Commence donc un nouveau chapitre pour Lemieux, où il se frottera maintenant à des boxeurs faisant partie de l’élite de sa division. Reste à savoir s’il est prêt à faire le grand saut et à se hisser au

niveau des champions du monde. À voir le résultat de notre classement, il semble que la prédiction de nos panélistes soit un oui catégorique.

6. Adrian Diaconu (36,5 pt)

Vous trouvez la chute de Diaconu du 3e au 6e rang de notre classement sévère et abrupte? Vous pouvez adresser vos commentaires à notre patron, dont le classement de Diaconu à la 11e place cause cette chute. À sa décharge, le seul combat de Diaconu depuis notre dernier classement est sa défaite contre Jean Pascal lors du combat revanche entre les deux pugilistes. Pire, ce dernier s’est battu avec seulement un bras pour une bonne partie de leur affrontement. Il est donc légitime de se questionner sur ce que l’avenir réserve au Shark.

Une rumeur parle d’un combat de retour contre Omar Sheika pour Diaconu en octobre prochain. Il s’agit d’un

adversaire presque rêvé, puisque son nom a toujours un certain poids, mais ses meilleurs jours sont loin derrière lui. L’autre bonne nouvelle c’est qu’à l’exception de Chad Dawson, de Jean Pascal et peut-être de Tavoris Cloud, la division des 175 livres ne comporte pas vraiment de boxeurs d’élite. Il est donc probable que Diaconu aura au moins une autre occasion de se battre pour un titre mondial dans un avenir relativement rapproché. Les candidats 7. Antonin Décarie (23 pt)

La chute au niveau des pointages est forte après la sixième position. On y retrouve un groupe de cinq boxeurs qui n’ont pas été capables de saisir leur chance de mettre la main sur un titre mondial. Le premier de ceux-là est Antonin Décarie.

Après une belle victoire contre Terrance Cauthen par mise hors de combat qui lui a permis de se positionner très avantageusement pour un combat de championnat du monde, Décarie a malheureusement échappé une décision très serrée contre Souleymane M’Baye en mai dernier sur le territoire de nos cousins français. L’issue aurait-elle été différente si le combat avait eu lieu à Montréal? Possible, mais reste que le pugiliste lavallois a quand même été déçu de sa performance.

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On retire plusieurs aspects positifs de ce combat. D’abord, la réaction de Décarie est rafraîchissante (pour une

fois, un boxeur ne crie pas au vol après une défaite serrée). Ensuite, Décarie a démontré qu’il avait une place légitime dans le ring avec les meilleurs boxeurs de sa catégorie. Finalement, il aura probablement la chance de se reprendre, puisque son contrat avec M’Baye prévoit un combat revanche à Montréal. Les amateurs locaux seront assurément nombreux à supporter Décarie lorsqu’il tentera de relever ce défi.

8. Hermann Ngoudjo (14 pt)

Un des favoris du public québécois, Ngoudjo se retrouve à un moment particulièrement difficile dans sa carrière. Après une victoire sur Silverio Ortiz dans un combat de remise en forme en janvier, la « Panthère noire » s’est inclinée face à l’ancien champion du monde Julio Diaz par décision unanime en mai dans un combat présenté sur les ondes d’ESPN. Pis encore, il a offert une performance décevante. Il s’agissait là d’une quatrième défaite en sept combats pour Ngoudjo et ses jours parmi l’élite de sa division sont terminés, du moins pour l’instant. Pour redorer son blason, il aura besoin d’une victoire de marque et il est présentement difficile d’imaginer dans quelles circonstances il pourrait l’obtenir. Cela dit, Ngoudjo nous a surpris par le passé et je ne connais personne qui voudrait parier contre lui. 9. Benoît Gaudet (9 pt)

Les choses ont été relativement tranquilles pour Gaudet depuis son combat de championnat contre Humberto Soto. Des victoires faciles (et pas surprenantes) sur Jorge Banos en décembre et Pepino Cuevas fils en mai ont gardé le pugiliste de Drummondville actif, mais n’ont pas fait grand-chose pour que sa carrière avance. Il est à prévoir que les mois qui viennent lui donneront l’occasion de remporter un titre régional et de remonter dans les classements mondiaux, l’objectif ultime étant d’obtenir un autre combat de championnat du monde. D’ici là, Gaudet garde la confiance des panélistes, alors que 6 sur 8 le classent toujours parmi le top 10 local.

10. Renan St-Juste (8 pt)

Le monde de la boxe est vraiment cruel. Après toute la frustration vécue parce qu’on ne lui donnait pas sa chance de combattre pour un titre mondial, St-Juste avait finalement atteint un niveau dans les classements mondiaux qui lui permettait d’aspirer à un combat de championnat après sa victoire sur Dionisio Miranda en avril dernier. Ces espoirs se sont envolés après sa défaite subie contre Marcus Upshaw le 28 mai dernier par décision partagée

. Ce fût une performance décevante de la part de St-Juste, mais Upshaw n’était vraiment pas une commande facile.

Plus difficile est de savoir ce que réserve l’avenir pour St-Juste. À 38 ans, il se fait tard pour orchestrer une nouvelle remontée dans les classements et, sans le support de son promoteur, on voit difficilement quels chemins pourraient s’ouvrir pour lui maintenant. D’ici là, notre panel reconnaît ses réalisations et lui accorde la 10e place de notre classement. Ceux qui frappent à la porte

Beaucoup de talent suit nos dix premiers pugilistes. Olivier Lontchi (6,5 pt) a déjà démontré qu’il est un pugiliste de calibre mondial, mais son inactivité depuis sa défaite contre Lopez a causé sa chute abrupte au classement. Il n’en demeure pas moins que 5 des nos 8 chroniqueurs le classent toujours parmi le top 10. Les jours de Sébastien Demers (4,5 pt) comme tête d’affiche sont-ils terminés suite à sa cuisante défaite contre Brian Vera? Peut-être, mais cela ne doit pas porter ombrage à la très belle carrière qu’a connu jusqu’à maintenant « Double Trouble », lui que personne n’attendait lorsqu’il a commencé sa carrière professionnelle.

L’inactivité et une défaite renversante aux mains de Darnell Boone ont coûté cher à Adonis Stevenson (3 pt), qui

commence maintenant une longue marche pour rebâtir son pedigree. Espérons que son nouveau promoteur aura la patience de lui donner cette chance. Dierry Jean et Pier-Olivier Côté arrivent ex aequo (2,5 pt) au 14e rang pour des raisons grandement différentes. Dans le cas du premier, les blessures ont ralenti sa carrière, alors que le deuxième semble voué à un bel avenir après avoir remporté ses 12 premiers combats.

Finalement, Bermane Stiverne (2 pt), Kevin Bizier (1,5 pt) et Sébastien Gauthier (1 pt), ferment la marche de

notre classement en prenant respectivement les 16e, 17e et 18e rangs.

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La scène locale de boxe semble avoir atteint sa maturité, ce qui laisse présager que la deuxième moitié de 2010 donnera lieu à quelques départs, mais procurera aussi l’opportunité à certains de propulser leur carrière vers de nouveaux sommets. Chose certaine, l’équipe du magazine sera toujours aux premières rangées pour suivre le spectacle.

Les choix de nos chroniqueurs PTS Philippe St-Martin Vincent Morin François Picanza Richard Cloutier

1. 12 Lucian Bute Lucian Bute Lucian Bute Lucian Bute 2. 10 Jean Pascal Jean Pascal Jean Pascal Jean Pascal 3. 8 Joachim Alcine David Lemieux David Lemieux Joachim Alcine 4. 6 Antonin Décarie Adrian Diaconu Jo Jo Dan David Lemieux 5. 4 Jo Jo Dan Joachim Alcine Herman Ngoudjo Jo Jo Dan 6. 3 Adrian Diaconu Jo Jo Dan Joachim Alcine Antonin Décarie 7. 2 David Lemieux Herman Ngoudjo Antonin Décarie Adrian Diaconu 8. 2 Renan St-Juste Antonin Décarie Olivier Lontchi Renan St-Juste 9. 1 Herman Ngoudjo Benoît Gaudet Dierry Jean Sébastien Demers 10. 1 Olivier Lontchi Olivier Lontchi Benoît Gaudet Herman Ngoudjo 11. .5 Benoît Gaudet Sébastien Demers Adrian Diaconu Dierry Jean 12. .5 Sébastien Demers Renan St-Juste Pier-Olivier Côté Benoît Gaudet 13. .5 Adonis Stevenson Pier-Olivier Côté Renan St-Juste Kevin Bizier 14. .5 Dierry Jean Bermane Stiverne Sébastien Demers Sébastien Gauthier 15. .5 Kevin Bizier Adonis Stevenson Adonis Stevenson Pier-Olivier Côté Pascal Roussel Pascal Lapointe Samuel D.-Drolet Karim Renno

1. 12 Lucian Bute Lucian Bute Lucian Bute Lucian Bute 2. 10 Jean Pascal Jean Pascal Jean Pascal Jean Pascal 3. 8 David Lemieux Jo Jo Dan Adrian Diaconu Adrian Diaconu 4. 6 Jo Jo Dan Adrian Diaconu Joachim Alcine Jo Jo Dan 5. 4 Joachim Alcine Joachim Alcine Jo Jo Dan Joachim Alcine 6. 3 Adrian Diaconu Antonin Décarie Antonin Décarie David Lemieux 7. 2 Antonin Décarie David Lemieux David Lemieux Antonin Décarie 8. 2 Benoit Gaudet Herman Ngoudjo Benoît Gaudet Herman Ngoudjo 9. 1 Herman Ngoudjo Benoît Gaudet Herman Ngoudjo Benoît Gaudet 10. 1 Renan St-Juste Olivier Lontchi Renan St-Juste Olivier Lontchi 11. .5 Sébastien Demers Renan St-Juste Sébastien Demers Renan St-Juste 12. .5 Pier-Olivier Côté Dierry Jean Adonis Stevenson Adonis Stevenson 13. .5 Olivier Lontchi Bermane Stiverne Dierry Jean Sébastien Demers 14. .5 Sébastien Gauthier Adonis Stevenson Kevin Bizier Dierry Jean 15. .5 Bermane Stiverne Sébastien Demers Pier-Olivier Côté Bermane Stiverne

NDLR: Veuillez noter que ces classements ont été rédigés avant la tenue du combat Alcine-Angulo le 17 juillet.

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Un cerveau sain dans un corps sain Par Samuel D.-Drolet

La boxe est un des rares sports où le succès est déterminé par le nombre et la qualité des charges infligées à son adversaire. Nous sommes tous conscients que ce sport impliquant des coups portés directement au corps et à la tête est un sport des plus extrêmes en raison des chances faibles, voire quasiment nulles, qu’un boxeur s’en sorte sans une égratignure. Au printemps 2007, j’écrivais un article intitulé « La boxe et ses blessures1 ». Près de trois ans plus tard, je réitère, car à mes yeux ce sujet sera toujours d’actualité.

Bien que certains boxeurs soient tout à fait conscients qu’ils mettent leur santé en jeu chaque fois qu’ils montent dans l’arène, ce n’est pas du tout la même chose pour d’autres. Si parfois c’est le chèque de paye qui empêche certains d’accrocher les gants, dans d’autres situations c'est l’orgueil, la passion ou l’inconscience. Afin de protéger les athlètes, certaines commissions ont vu le jour et des règlements ont été créés, par exemple la « Mohammed Ali Boxing Reform Act » visant à minimiser les conséquences négatives de la boxe sur la santé des athlètes.

Pour ce numéro, je vais me concentrer sur les blessures à la tête, plus précisément sur la commotion cérébrale.

Il y a deux types de blessures possibles, soit une blessure causée par un coup porté directement à la tête ou une blessure résultant d’une accumulation de coups portés à la tête et causant des effets à plus long terme.

Dans le premier cas, on peut penser à un K.-O. comme celui que Jean Pascal avait infligé à Lucas Green Arias en septembre 2006. Souffrant d’un hématome sous-dural, Green Arias avait dû subir une craniostomie (trou percé dans la boîte crânienne) pour évacuer l'hématome liquéfié et ainsi rééquilibrer la pression intracrânienne.

Le second cas fait référence à l’effet des coups et traumatismes cumulés au fil d’une carrière, comme dans le cas de boxeurs comme Mohammed Ali et Shawn O’Sullivan ou du lutteur Chris Benoit. Ce phénomène est communément appelé « démence pugilistique » ou encore « punch-drunk syndrome ». Afin de bien comprendre ce qu’est la démence pugilistique, je vous propose dans un premier temps de démystifier la commotion cérébrale. J’aborderai la démence pugilistique lors du prochain numéro.

1 http://www.lazonedeboxe.net/public/magazinelazonedeboxe15.pdf

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L’ex-boxeur canadien Shawn O’Sullivan vit désormais son quotidien avec des séquelles des guerres qu’il a livrées

tout au long de sa carrière. (Photo Wikipédia)

La commotion cérébrale

Lorsqu’un coup est porté directement à la tête, au visage ou au cou, il peut avoir des répercussions sur les fonctions cérébrales causant une atteinte plus ou moins marquée de l’état de conscience ainsi que des troubles de vision et/ou des troubles d’équilibre.

On utilise trois grades pour qualifier la gravité des commotions cérébrales. Ces grades sont numérotés de I à III. Il est important de savoir qu’il n’est pas nécessaire de perdre conscience pour subir une commotion cérébrale, comme vous serez à même de le constater.

Une commotion de grade I signifie que la victime n’a eu ni de perte de conscience, ni amnésie, mais qu’elle est confuse et présente des symptômes commotionnels (troubles de vision ou d’équilibre, entre autres) pour une période de moins de 15 minutes.

Un grade II n’implique toujours pas de perte de conscience, mais cette fois, l’amnésie s’ajoute aux symptômes de la commotion de grade I. De plus, les symptômes perdurent généralement plus d’une quinzaine de minutes.

Au grade III, il y a perte de conscience et, lors du réveil, nous pouvons constater les signes et symptômes propres à la commotion cérébrale, soit :

1. Troubles de mémoire ou d'orientation : incapacité de préciser la date, l'heure, lieu, l'adversaire ou le nombre de rounds disputés; confusion générale. 2. Symptômes typiques : maux de tête, étourdissements, sensation d'être sonné ou stupéfié, avoir la tête qui tourne, sensation d'hébétude, perception d'étoiles ou de lumières clignotantes, bourdonnement d'oreilles, somnolence, perte d'une partie du champ de vision, vision double, sensation de lenteur, nausées. 3. Signes physiques : mauvaise coordination ou trouble de l'équilibre, absence (regard vide et yeux vitreux), vomissements, troubles de l'élocution, lenteur à répondre à des questions ou à suivre les instructions, distraction facile et faible concentration, manifestations de réactions inhabituelles (rires ou pleurs), modification de la personnalité, comportement inapproprié (p. ex. retourner dans le mauvais coin), capacité réduite par rapport au début du combat. Lorsqu’un athlète subit une commotion cérébrale, certains signes et symptômes peuvent perdurer : maux de tête, étourdissements, troubles cognitifs (concentration faible et mémoire appauvrie), fatigue, nausée, sensation d'avoir la tête vide, modification de la personnalité (irritabilité, frustration, anxiété, dépression), symptômes visuels, difficulté à regarder la lumière, symptômes auditifs, insomnie.

Une personne présentant des signes et symptômes de commotion cérébrale devrait, par mesure préventive, se rendre à l’hôpital. Il est important de porter une attention particulière aux gens souffrant d’une commotion de grade II et III pendant une période de 24 à 48 heures après le traumatisme afin de s’assurer qu’il n’y a pas de complications. Dans un tel cas, il faut être attentif aux signes et symptômes d’hypertension intracrânienne post-traumatique se caractérisant par une détérioration lente ou tardive de la fonction cérébrale causée par une hémorragie ou un œdème cérébral des suites d’un traumatisme crânien.

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Signes et symptômes :

Diminution de l’état de conscience Diminution de la lucidité Augmentation de céphalée (douleurs locales ressenties au niveau de la boîte crânienne) Nausée et vomissements Tendance au sommeil profond Diminution de la fréquence cardiaque et augmentation de la tension artérielle Convulsions

Il faut éviter administrer des médicaments, du liquide ou de la nourriture à une personne venant de subir une commotion cérébrale, faute de quoi on risque d’aggraver les symptômes, ou de les masquer, ce qui est à proscrire puisqu’on souhaite connaître l’évolution de l’état de conscience de la victime. De plus, une prise alimentaire augmente les risques de vomissements qui peuvent provoquer une élévation de la pression intracrânienne. Le retour à l’entraînement Après avoir subi un tel traumatisme à la tête, il est important d’attendre la disparition de tous les symptômes avant d’effectuer un retour à l’entraînement. Un retour hâtif à la compétition pourrait représenter un grand danger. C’est ce que l’on appelle le syndrome du second impact. Il est peu commun, mais peut s’avérer mortel, et ce, même si un coup d’apparence faible est porté au cerveau. Un second impact porté à un cerveau affligé par une commotion cérébrale peut entrainer un œdème cérébral massif pouvant causer la mort. La période de repos est primordiale, car le retour à l’entraînement ou à la compétition d'une personne présentant des symptômes peut accroître le risque de commotion cérébrale subséquente et faire durer les symptômes découlant de commotions cérébrales et d'autres blessures. Les symptômes peuvent aussi s’amplifier si la personne touchée fait de l’activité physique, peu importe son type, après un traumatisme. Il a été prouvé que la répétition de commotions peut mener à des changements permanents et irréversibles : « L’étude2 montre que les effets des commotions cérébrales subies par les jeunes adultes en pratiquant des sports sont encore présents plus de 30 ans après la date de la commotion et que ces effets altèrent notamment la cognition et les fonctions motrices quand l’athlète vieillit, souligne Louis De Beaumont. À la lumière de ces résultats, il est évident que les athlètes doivent être mieux informés des effets à long terme sur les processus mentaux et physiques des commotions cérébrales à répétition subies en pratiquant des sports, afin qu’ils soient plus à même d’évaluer les risques liés à un retour au jeu. »

Comparaison des cerveaux d’une personne n’ayant pas subi de commotion cérébrale

et d’une personne ayant subi de multiples commotions.

2 Comparaison de 19 anciens athlètes en bonne santé ayant subi des commotions cérébrales plus de 30 ans auparavant à 21 anciens athlètes en bonne santé n’ayant jamais subi de commotions cérébrales. Réalisé par Louis De Beaumont sous la supervision de Maryse Lassonde, professeure de neuropsychologie à l’UdeM.

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Les médecins recommandent donc une reprise progressive des activités selon un protocole spécifique comprenant six étapes. 1. Aucune activité, repos complet tant que les symptômes sont présents 2. Reprise d'exercices légers (p. ex. : marche ou bicyclette stationnaire) 3. Reprise de l’activité propre au sport (retour au gymnase, corde à danser, « shadow boxing ») 4. Entraînement dans l’environnement propre au sport sans contact corporel (sac, « speed ball », mitaines d’entraînement, etc.) 5. Entraînement dans l’environnement (combat simulé sans contact) 6. Retour à la pratique normale (combat simulé avec contacts et retour à la compétition possible) En cas de manifestation négative, comme le retour de la douleur ou des symptômes, il faut retourner à l’étape un, soit le repos complet. La boxe : savoir quand arrêter La commotion cérébrale, bien qu’elle fasse pratiquement partie intégrante de la boxe, représente un danger bien présent et il est important d’en être conscient avant de pratiquer un tel sport. Au fil du temps, les mesures mises en place pour protéger les participants ont contribué à diminuer de façon significative l’incidence de la boxe sur la santé des pugilistes, mais ce n’est pas encore suffisant pour assurer une pratique sans dommages à long terme. Bien que dans certains cas cela soit une évidence (blessure grave avec répercussions sur une carrière), plusieurs boxeurs ne semblent pas savoir quand mettre un terme à leur carrière. Parfois, ils s’en rendent compte par eux-mêmes et abandonnent la boxe avant que les dommages soient trop grands, mais souvent ils ont besoin de leur famille et de leurs amis pour les convaincre d’accrocher les gants. Alors si jamais vous connaissez un guerrier, un gladiateur des temps modernes qui ne veut pas laisser son sport malgré des signes ou des symptômes laissant voir qu’il a reçu trop de coups, vous pourriez peut-être lui porter conseil et l’aiguiller vers la bonne décision à prendre.

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La salle Marcel-Cerdan à Levallois. (photo Pierre Girod)

Décarie-Mbaye, un résultat de combat qui suscite des avis partagés.

(Photo Alain Décarie-RueFrontenac.com)

Un gala de boxe en France : une comparaison avec nos cousins

Par Martin Laporte

Le 28 mai 2010, j’ai eu la chance d’assister au combat opposant Antonin Décarie à Souleymane M’Baye. Un championnat WBA par intérim qui a eu lieu à Levallois-Perret, une banlieue de Paris. Le combat a été chaudement disputé et le boxeur local l’a emporté. Certains ont crié au vol et d’autres ne voient aucunement Décarie gagnant. Je crois que la réalité se situe entre ces deux versions car selon l’importance que l’on donne à l’activité des boxeurs, le combat pouvait pencher d’un côté comme de l’autre. De plus, les opinions divergent à l’intérieur même des deux camps (Québec vs France). En effet, un homme de coin de M’Baye et certains juges français (n’étant pas en poste lors de ce combat) croyaient que Décarie méritait la victoire, tandis que le juge québécois (en poste lors du combat) et un analyste de boxe au Québec ont vu le Français vainqueur. Puisque je ne veux pas m’étaler sur le sujet (qui a déjà chaudement été débattu), je terminerai en affirmant que la seule façon de clore ce débat est de mettre en place un combat revanche. D’ailleurs, le clan M’Baye a jusqu’au 26 août (90 jours après l’affrontement) pour profiter d’un combat optionnel avant que la revanche soit exigée. Étant donné les difficultés d’organisation reliées à cet événement, il me semble fort probable qu’on assistera à la revanche d’ici peu.

Par conséquent, l’objectif de cet article sera de décrire un gala de boxe made in France aux amateurs de boxe québécois. Bien entendu, cette description n’a rien de rigoureuse puisque je n’ai vu qu’un seul gala français. Par contre,

elle soulèvera certaines différences entre nos deux cultures et peut-être qu’elle donnera quelques idées à nos promoteurs respectifs.

La salle Marcel-Cerdan semble avoir été conçue pour les petits galas de boxe. Environ 3000 personnes peuvent s’y asseoir et aucune place n’est mauvaise. Une telle salle serait parfaite au Québec pour remplacer de façon fort avantageuse le Casino de Montréal. Par contre, l’éclairage laisse un peu à désirer, puisque les estrades sont pratiquement autant éclairées que le ring, ce qui retire toute intimité au lieu.

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Cette absence d’intimité est par contre oubliée grâce à une ambiance très chaude. L’attachement du public pour leurs favoris amène une tension palpable dans la salle pour chacun des combats (aussi non significatifs peuvent-ils être). Parfois, certains spectateurs sont tellement à chaud qu’il s’en prenne verbalement à l’officiel (même si ce dernier a sans aucun doute raison). Malgré tout, le public français à un penchant pour les exploits sportifs, peu importe le boxeur qui en est l’auteur. La défaite de Canclaux en est un exemple éloquent : son adversaire, Roman Dzhuman, recevait une véritable raclée sous ses coups. La détermination de l’Ukrainien en a surpris plusieurs, car après avoir survécu à la tempête il expédia Canclaux au tapis. La foule se rangea subitement du côté de l’étranger. Sous les branches, j’ai entendu dire que « Rocky » ne s’était pas vraiment entraîné pour ce combat, d’où sa décision de terminer l’Ukrainien rapidement. Ce manque de professionnalisme fut vu comme un manque de respect par ses fans. La témérité de Dzhuman a donc été chaudement récompensée. Les « plombiers » avec du cœur ont la chance d’être respectés en France. Loin de moi l’idée de comparer Éric Lucas à un plombier, mais d’une certaine façon ce combat m’a rappelé sa victoire morale lors de son affrontement contre Fabrice Tiozzo pour le titre WBC des mi-lourds en 1996 à St-Étienne, en Loire. À la fin du combat, la foule scandait le nom de Lucas, ravi de l’effort présenté par le Québécois.

Difficile soirée pour Christophe Canclaux face à Roman Dzhuman (photo Pierre Girod)

L’absence de commanditaires et de distributeur de bières dans les estrades contrastaient avec ce que nous vivons au Québec : mais où étaient donc ces Budweiser Girls (ou leur équivalent français!), qui désennuient la foule entre les combats? La réponse est simple : nulle part, parce que l’enchaînement des combats était rapide. Si rapide, en fait, qu’il était impossible d’aller aux toilettes. J’ai donc terminé la soirée assoiffé, affamé et avec une envie de pisser! Un peu déplaisant, mais j’imagine que j’aurais dû profiter d’un combat de moindre importance pour satisfaire tous ces besoins primaux. Après réflexion, je me dis qu’il est possible que la vente d’alcool à un public aussi chaud emmène certains problèmes que l’on préfère éviter. C’est dommage puisque le promoteur perd sûrement une source de revenue fort intéressante. Aussi, l’entrée des boxeurs était malheureusement trop rapide et sans saveur. La plupart du temps il n’y avait aucune musique d’entrée. Seul Canclaux y a mis un peu de piquant, en arrivant en costume et cravate. Peut-être une autre raison expliquant pourquoi il n’a pas obtenu les faveurs de la foule lors des moments difficiles de son combat…

Au final, j’ai passé une soirée forte agréable et je tiens à remercier Kamel Messani du site Netboxe.com pour toute l’aide qu’il a apportée, à moi et à la Zone de Boxe, pour nous permettre d’être présents à cet événement d’envergure.

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« Plus l’enjeu est important, plus les

sensations engendrées par le succès ou par l’insuccès

sont amplifiées»

L’agonie de la défaite Par Benoit Dussault « …Moi je reste là et je regarde Belinda, et je me rends compte que quand un boxeur est battu, tous ceux qui croient en lui sont battus du même coup – sa famille, ses amis, ses enfants, les gens qui l’acclament, qui lui donnent leur amour, leur espoir, leur orgueil. Quant à moi, je sais qu’aucun boxeur ne peut survivre s’il les laisse aller à s’attendrir sur son sort après une défaite (…) il faut que je me relève et que je remette ça, quelque humiliante que soit la défaite – » Muhammed Ali après sa défaite contre Ken Norton en mars 19731

Notre collaborateur Benoit Dussault (à gauche) recueillant les commentaires de Joe Goossen et d’Edison

Miranda à leur sortie du Centre Bell après la raclée qu’a subie le Colombien contre Lucian Bute (photo Jonathan Abenhaim)

Dans le sport comme dans toutes les sphères de notre vie, la griserie de la victoire et le poids de la défaite sont proportionnels à l’enjeu. Plus l’enjeu est important, plus les sensations engendrées par le succès ou par l’insuccès sont amplifiées. Autant la victoire est grisante et exaltante, autant la défaite peut être destructrice et parfois laisser des séquelles psychologiques irréversibles. En boxe professionnelle de haut niveau, chaque combat revêt un enjeu considérable. Tandis que la victoire propulse l’athlète dans les classements et lui offre des occasions de combats de plus en plus intéressantes, la défaite affecte non seulement l’égo du boxeur, mais peut aussi avoir des répercussions catastrophiques sur la progression de sa carrière : recul dans les classements, bourses moins généreuses, occasions qui ne viennent pas, qui ne viennent plus, oubli.

Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours été bizarrement fasciné par le sort réservé au boxeur vaincu. Celui qui reste assis dans son coin, anéanti et dévasté, alors que le vainqueur saute de joie au milieu du ring, soulevé par la foule. Je ne peux m’empêcher de me demander ce que lui réserveront les prochains jours, les prochains mois? Combien de temps durera sa traversée du désert? À quel point sera grande la tristesse du réveil? Combien de temps sera-t-il obsédé par l’image du coup de poing qui l’a envoyé au plancher? Combien de temps vivra-t-il avec le sentiment d’avoir laissé tomber ceux qui croient en lui?

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« Il y a des défaites dont on ne se remet jamais et

d’autres qui deviennent des leviers»

Demers contre Vera. De quelle façon Demers va-t-il se relever? (photo Vincent Ethier)

Certains boxeurs réussissent à revenir plus fort après une défaite alors que d’autres ne s’en remettent vraiment jamais et en gardent des séquelles permanentes. Prenons le cas de Jean Pascal qui a démontré une force de caractère impressionnante en étant capable d’analyser sa défaite contre Froch et d’en tirer les leçons qui lui ont servi dans ses combats subséquents. Grâce à cette défaite, il est aujourd’hui un meilleur boxeur. Plusieurs diront même que cette défaite a été la meilleure chose qui puisse lui arriver. À l’autre bout du spectre, pensons à Fernando « Ferocious » Vargas qui, à 23 ans et toujours invaincu après 21 combats, s'est fait passer le K.-O. par Félix Trinidad. Vargas, n'a plus jamais été le même par la suite, les poings de Trinidad ayant laissé une marque indélébile dans sa mémoire. Il a pris sa retraite en 2007, à l'âge de 30 ans.

« Quand le knock-out vient d’un coup qu’on n’a pas vu arriver, on s’en remet vite (…) mais le coup que l’on voit venir, et qu’on ne peut esquiver, celui-là s’enregistre et on le rejoue aux moments les plus idiots. En rêve. Ou rien qu’en se baladant dans la rue. » Jersey Joe Walcott (champion des lourds 1951-52)

Comment reviendra Renan St-Juste de sa défaite dans un combat préparatoire, au moment le plus inopportun de sa carrière? Sébastien Demers réussira-t-il à accepter sa récente défaite par K.-O. contre Brian Vera et à y puiser du positif ou sera-t-il hanté par les images du K.-O. comme l’ont été Walcott et Vargas? Jo Jo Dan et Antonin Décarie réagiront-ils comme l’a fait Jean Pascal ou seront-ils affectés comme l’a été Vargas? Des défaites qui assassinent et des défaites qui réveillent Il y a des défaites dont on ne se remet jamais et d’autres qui deviennent des leviers. Entre ces deux réalités, il existe autant de défaites que de boxeurs. Chacun composera avec la défaite à sa façon selon sa force de caractère, mais aussi la manière dont elle est survenue, le moment de la carrière, la préparation préalable, et de nombreux autres facteurs impondérables. Bien qu’on ne puisse pas se préparer à la défaite, un boxeur bien entouré aura plus de facilité à accepter rapidement la défaite et réussira à en tirer des leçons qui l’aideront à progresser. Enfin, la défaite nous force aussi souvent à regarder nos propres limites en face. Près de nous, on peut penser à Hermann Ngoudjo qui maintenant est plus en mesure de se situer par rapport à l’élite mondiale. Il sait ce qui lui manque pour monter sur la plus haute marche. Il en est de même pour Adrian Diaconu qui ne peut que constater que même avec tous les ajustements possibles, il ne pourra jamais détrôner les meilleurs de sa division. Surmonter la défaite Tenter de saisir toute la portée d’une défaite chez un boxeur en pleine ascension représente une tâche quasi impossible tellement le désarroi et la détresse peuvent être profonds. Pour plusieurs psychologues sportifs, la période que doit traverser un boxeur après une défaite s’apparente à celle du deuil ou celle d’un revers personnel important comme un divorce, une faillite ou un congédiement.

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Renan St-Juste, une mauvaise défaite au mauvais moment.

Pour surmonter l’échec et arriver à en tirer profit, le boxeur vaincu doit franchir cinq phases psychologiques : le refus, le passage à vide, la réflexion, l’acceptation et finalement l’apprentissage. Chaque phase peut durer de quelques heures à plusieurs années. La durée impartie à chaque phase varie selon la force de caractère et le contexte de la défaite. Par exemple, Sébastien Demers prendra probablement beaucoup plus de temps à surmonter sa défaite contre Brian Vera qu’il en a mis pour surmonter celle subie aux mains d’Arthur Abraham. Le boxeur est le même, le résultat est le même, mais le contexte des deux défaites est complètement différent. Il devra traverser les cinq mêmes phases psychologiques, mais la durée de chacune sera cependant beaucoup plus longue. Plus le boxeur s’approche de la cinquième phase, plus il peut affirmer avoir fait face à son échec et être prêt à aller de l’avant. Ce ne sont pas tous les boxeurs qui arrivent à traverser les cinq phases, comme ce ne sont pas tous les entrepreneurs qui tirent des leçons d’une faillite. Nombreux sont ceux qui se relancent en affaires rapidement et connaissent le même sort, parce qu’ils répètent les mêmes erreurs. Il faut arriver à reconnaître ses erreurs et à les corriger ou, à tout le moins, à ne pas les répéter. Il faut espérer qu’à son deuxième mariage on ne refasse plus les mêmes erreurs que lors du premier. On choisit une partenaire (une adversaire, c’est selon) qui convient mieux à notre style.

1. La phase du refus

Le boxeur refuse le verdict. Il est en colère. Il cherche une explication extérieure à lui-même, à rejeter la faute sur quelqu’un d’autre. « J’étais blessé lorsque j’ai accepté le combat. » « C'est un coup illégal qui m’a ébranlé. » « Les juges m’ont volé, j’ai été battu par une décision locale. » « J’ai déjà battu des boxeurs bien meilleurs que lui » « Je n’ai pas eu le temps de me préparer adéquatement. », « J’ai accepté le combat à la dernière minute. » Etc.

Pensons simplement à Renan St-Juste qui a invoqué sa blessure aux côtes après sa défaite aux mains de Marcus Upshaw ou à Sébastien Demers qui s’est plaint d’avoir reçu un coup de coude au visage contre Brian Vera. Dans les deux cas, les boxeurs disent vrai et les facteurs invoqués ont probablement contribué à leur défaite. Cependant, il est très néfaste pour l’athlète de rester longtemps dans cette phase car elle l’empêche d’avancer et de tirer profit de la défaite.

2. La phase du passage à vide

Le boxeur réalise enfin qu’il a bel et bien perdu, qu’il n’y aura pas de protêt et que la décision ne sera jamais changée. Le sentiment de colère qui l’habite se transforme progressivement en un sentiment de tristesse, une sensation de vide. Il s’agit d’une transition naturelle pour accepter une réalité à laquelle nous ne nous attendions pas.

Le boxeur doit prendre le temps nécessaire pour vivre cette période de découragement et de tristesse. Son entourage doit être vigilant pour éviter que le boxeur sombre dans la dépression ou développe des habitudes de vie ou des comportements malsains. Personne n’aime être dans un état de tristesse et le boxeur finira par retrouver l’envie d’avancer.

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« Beaucoup ne dépassent jamais la phase d’acceptation et répètent les mêmes erreurs.»

Depuis sa défaite contre Lucian Bute le 17 avril dernier, Edison Miranda demeure introuvable. Aux dernières nouvelles, personne de son entourage ne savait où il se trouve. Cas classique de la phase de passage à vide.

3. La phase de réflexion

Durant cette période, les émotions commencent à laisser place à la rationalisation. Le boxeur réalise que la vie continue malgré tout, que ce qui lui est arrivé est bien dommage, mais que tout n’est pas pour autant fini. Il comprend que même les plus grands boxeurs au monde sont passés par là. Il relativise sa situation par rapport à d’autres qui ont surmonté des situations considérablement plus dramatiques que la sienne. Le boxeur commence à se sentir mieux émotionnellement et physiquement. Il évalue l’ampleur de sa défaite par rapport à sa vie en général. C’est durant cette phase que le boxeur reprendra l’entraînement de façon plus ou moins engagée et commencera à envisager son prochain combat et à faire des plans d’avenir.

4. La phase d’acceptation

Le boxeur reconnaît et accepte que cette défaite fait maintenant partie de sa vie, de son passé. Il ne blâme personne en particulier pour sa défaite. À ce stade, le boxeur considère que la défaite était inévitable compte tenu de son expérience, de sa préparation, de son entourage. Le boxeur est prêt à tourner la page, à passer à autre chose. Il parle ouvertement de sa défaite, sans émotion, avec une certaine sérénité.

5. La phase d’apprentissage

Le boxeur a maintenant accepté sa défaite et il est capable de l’analyser, d’en comprendre les raisons et d’en tirer des leçons. Le boxeur se considère même chanceux d’avoir vécu cet échec puisqu’il lui procure une expérience beaucoup plus riche. Le boxeur sait désormais quelles erreurs ne pas répéter et sait qu’il réagira différemment dans une situation similaire. Il se sent plus fort qu’auparavant et mieux préparé à affronter les différentes situations qui se présenteront à lui.

Malheureusement, ce ne sont pas tous les boxeurs qui parviennent à la phase d’apprentissage. Beaucoup ne dépassent jamais la phase d’acceptation et répètent les mêmes erreurs. Le seul avantage d’une défaite pour un boxeur est qu’il peut l’utiliser pour se constituer un bagage d’expériences diversifiées et une force de caractère qui lui serviront un jour. Lorsque cette expérience chèrement acquise lui procurera une victoire, l’euphorie en sera encore plus grande. Par contre, remonter sur le ring avant d’avoir pu tirer des leçons positives de la défaite peut s’avérer très risqué. Le boxeur qui précipitera son retour après un échec sera nécessairement plus hésitant et plus craintif, surtout s’il se retrouve devant une situation semblable à celle ayant causé sa défaite. De plus, les conséquences d’une autre défaite, alors que la précédente n’est pas complètement assimilée, pourraient être dévastatrices. 1 et 2 Le plus grand, Muhammad Ali et Durham Richard. Gallimard 1975 3. Faysal Hafdi ; comment digérer une défaite, décembre 2007 Pyschologiedusportif.fr Sports psychology : Concepts and Applications, 5th edition, Richard H. Cox. 2002

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Ntetu vise des titres et encore des titres. (photo courtoisie Francy Ntetu)

La page du boxeur Par Francy Ntetu Pour débuter, j’aimerais que vous sachiez qu’il me fait grand plaisir de prendre part à cette édition du magazine La Zone de Boxe afin de permettre aux lecteurs d’en apprendre un peu plus sur ma personne ainsi que sur mon parcours dans les rangs amateurs. Mon arrivée au Québec Tout d’abord, je suis natif du Congo, plus précisément de sa capitale, Kinshasa. Je suis le troisième d’une famille de 7 enfants comptant deux demi-sœurs. En 1989, nous sommes arrivés dans la belle province de Québec, dans la ville de Chicoutimi, au Saguenay. Étant frêle de nature, à l’âge de 12 ans je me suis intéressé à la boxe afin d’être en mesure de me faire respecter à l’école, une idée qui court malheureusement dans la tête de plus d’un jeune adolescent en quête de respect. Quelques mois plus tard, à la suite du décès de ma mère, je me suis éloigné de ce sport après seulement quelques mois d’entraînement. Par la suite, j’y repensais, mais n’osais pas trop y retourner vu ma disparition soudaine et sans préavis. Alors, de 12 à 17 ans, j’ai été dans le basketball jusqu’au niveau juvénile AAA tout en faisant beaucoup de musculation. Ma boxe amateur Insatisfait des résultats dans les sports d’équipe et côtoyant un ami qui boxait, c’est finalement à l’âge de 17 ans que j’ai remis les pieds et la tête au club de boxe Chicoutimi sous la tutelle de Michel Desgagné, et j’y suis depuis ce jour. Peu technique mais très orgueilleux, et possédant de bonnes capacités physiques, j’ai cumulé lors de la première année une fiche de 8-0 avant de perdre une décision serrée face à Sylvain Hétu, ce qui me donna une décevante deuxième place aux Gants d’Argent. L’année suivante, j’étais chez les seniors. Ma force physique, l’agilité que j’ai acquise en basketball et l’aide de mes expérimentés partenaires d’entraînement (David Savard, Serge Savard, Dave Villeneuve, Carl Brassard, Denis Gravel, etc.) m’ont permis de prendre de l’expérience et par la suite être en mesure de me frayer un chemin jusqu’en final des Gants Dorés en 2002. Encore une fois, je me suis incliné par décision face à Sébastien Demers. J’ai tout de même eu des moments de succès dans les années suivantes en remportant les Gants Dorés 2005, la Coupe du Québec (de 2003 à 2006), les qualifications provinciales à plusieurs reprises, en plus, les trois dernières années, d’être champion canadien dans deux catégories (chez les 75 kg et les 81 kg). J’ai fait environ 100 combats amateur, participé à de nombreuses compétitions internationales dont les Jeux de la Francophonie au Niger en 2005, le championnat mondial à Chicago en 2007, les qualifications pour les Jeux du Commonwealth ainsi que les trois qualifications (Chicago, Trinité et Tobago et Guatemala) pour les Jeux Olympiques de 2008. J’ai affronté de grosses pointures du Québec, dont Adonis Stevenson et Paul Clavette (pour ne nommer que ceux qui sont actifs chez les pros). Sur la scène internationale, le double champion mondial Matvey Korobov et une grosse pointure mondiale et vedette montante chez les pros, l’américain Fernando Guerrero. La suite des choses Alors, il est venu le temps pour moi d’explorer d’autres horizons et d’avoir de nouvelles motivations, ce que j’ai trouvé dans les rangs professionnels. Je ne vise rien de moins que des titres, des titres et encore des titres. Sur ce, à quand la prochaine « chicane »? Bien à vous, Francy Ntetu.

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« les trois manches de cette rivalité réunissent tout près de 60 000 spectateurs au Centre Molson»

Flashback : La trilogie Hilton-Ouellet

Par Richard Cloutier

Ouellet-Hilton, la trilogie qui marqua l’histoire de la boxe québécoise. (photo sport.ca)

Dans le monde du sport, la rivalité est un concept omniprésent. C’est particulièrement vrai à la boxe où elle prend même, parfois, une forme encore plus personnelle. Au Québec, cette notion s’est exprimée de multiples façons tout au long de l’histoire de la boxe locale. Récemment, les amateurs ont vécu cette forme de rivalité, deux fois plutôt qu’une, avec les affrontements ayant opposé Lucian Bute à Librado Andrade ainsi que Jean Pascal à Adrian Diaconu. Lorsque l’on évoque les grands combats ayant marqué l’histoire de notre boxe locale, on en revient toujours aux duels suscités par la rivalité. Des combats comme ceux ayant opposé Johnny Greco à Armand Savoie dans les années 50; Eddie Melo à Fernand Marcotte, fin 70, début 80; ou encore Dave Hilton Jr. à Mario Cusson dans les années 80, à Alain Bonnamie dans les années 90 ou, finalement, à Stéphane Ouellet à la fin des années 90, début des années 2000.

Cette dernière saga, une trilogie s’étendant de 1998 à 2000, se révèle assurément la plus fameuse de toute l’histoire de la boxe locale. Je n’ai pas l’intention ici de résumer le parcours professionnel des deux pugilistes en question. Je vous réfère plutôt à des lectures des plus intéressantes qui couvrent bien le sujet, c’est-à-dire l’ouvrage Stéphane VS Ouellet écrit par Jacques Pothier (Éditions JCL), ainsi que Le clan Hilton : autopsie d’un gâchis de Robert Frosi (Les Éditions Logiques).

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Ouellet, l’espoir sur qui Interbox avait été bâti. (photo Guillaume Bégin)

Le premier duel : le 27 novembre 1998 Comme le dirait si bien l’ancien promoteur Régis Lévesque : « Hilton contre Ouellet, c’est un naturel! ». En effet, les trois manches de cette rivalité réunissent tout près de 60 000 spectateurs au Centre Molson. Ce n’est pas un hasard : tout oppose les deux boxeurs. Ce sont les anglophones contre les francophones, le talent contre la force brute, les années 1980 contre les années 1990, etc. Puis, derrière ces combats, il a surtout un promoteur : le Groupe Interbox, dont les activités ont officiellement débuté quelques mois plus tôt, en avril 1998. La rencontre entre Dave Hilton Jr. et Stéphane Ouellet, le 27 novembre 1998, se révèlera indiscutablement le premier grand événement à succès du Groupe Interbox. Le nom Hilton, malgré les nombreuses problématiques qu’a connues la famille avec la justice, s’avère toujours vendeur. À ce moment, l’étoile de Dave Jr., l’aîné de la famille, est même en voie de retrouver son lustre perdu… en même temps que les illusions créées par Don King au cours de la décennie précédente. Quant à Stéphane Ouellet, son statut est alors celui d’une sorte d’icône pour les Québécois. N’est-ce pas son incroyable talent qui a mené Yvon Michel à faire le saut dans la boxe professionnelle et qui, éventuellement, a permis la création du Groupe Interbox ? Lorsqu’il croise Davey Hilton Jr. sur le ring pour ce premier duel en 1998, Ouellet a déjà battu deux fois son frère Alex et ce, avant la limite. Largement favori, « Le Poète » effectue à cette occasion une première défense de son titre canadien des poids moyens. Le Centre Molson est pour sa part rempli à pleine capacité et ce n’est guère étonnant : Montréal adore les grands événements et cette rencontre en est assurément tout un. Comme l’explique Robert Frosi dans son ouvrage dédié aux Hilton (p. 89), la folie qui règne autour de ce combat dépasse l’entendement : « La veille du combat, tous les regards convergeaient vers le Palais de justice de Montréal où le jury devait rendre son verdict dans l’affaire Maurice « Mom » Boucher, accusé du meurtre de deux gardiens de prison en 1997. L’acquittement sera célébré par les motards au pied du ring. (…) Maurice Boucher fera même une entrée triomphale dans le Centre Molson, comme si c’était lui la vedette de la soirée. » Le combat, un douze rounds retransmis sur les ondes du réseau américain ESPN, est relevé et les deux pugilistes se livrent une belle guerre. Il se déroule néanmoins comme les amateurs l’avaient prévu et Stéphane Ouellet est en avance sur la carte des juges. Toutefois, dans la dernière minute du combat, Ouellet se met en tête d’impressionner la foule. Il accentue la pression sur son rival et Dave Hilton Jr., qui voit l’ouverture à sa portée, ne rate pas sa chance. Quoi de mieux qu’une forte controverse pour garder alerte le souvenir d’un événement sportif? S’il est vrai que l’affrontement avait fait parler avant qu’il ne soit disputé, il fit parler encore bien davantage après. Ceux qui ont assisté au combat où qui en ont vu la retransmission se souviennent assurément tous de cette image de Stéphane Ouellet se détournant une première fois de son rival alors qu’il reste une quarantaine de secondes au combat. Puis de l’avoir vu, à vingt secondes de la fin, à bout de souffle, sortir carrément sa tête au travers des câbles, obligeant ainsi l’arbitre Denis Langlois à mettre un terme au combat à 2:42 du 12e round! Est-ce que la séparation des combattants ou un compte de huit donné par l’arbitre aurait changé l’issue du combat? C’est la grande question sur laquelle tous les amateurs ont longtemps argumenté entre eux. Et j’en soupçonne plusieurs d’en débattre encore aujourd’hui. Avions-nous parlé de rivalité? Les amateurs n’avaient encore rien vu...

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« Au troisième duel… C’est Éric Lucas qui était pressenti pour affronter l’aîné des frères Hilton.»

Le deuxième duel : le 28 mai 1999 Cette défaite – ou victoire, selon la perspective - controversée par K.-O. technique mit évidemment la table pour un deuxième affrontement. Il aura lieu six mois plus tard, presque jour pour jour. Même si le succès est assuré et qu’une fois de plus, le Centre Molson sera plein, la tenue du combat soulève plusieurs questions. La principale, celle qui inquiète les amateurs et sans aucun doute le promoteur, c’est que tout le monde ignore dans quel état d’esprit se présenteront les deux boxeurs sur le ring. En effet, ce deuxième chapitre de la saga se déroule peu de temps après que des accusations criminelles eurent été portées contre Dave Hilton Jr., qui a néanmoins conservé à ce moment sa liberté. Ainsi que la possibilité de gagner sa vie en pratiquant la boxe. Placé sous la tutelle légale de son père, Dave Hilton Jr. s’entraîne donc avec lui ainsi qu’avec son frère Alex, au gymnase de ce dernier. Deux partenaires d’entraînement américains sont toutefois amenés à Montréal pour les besoins de la cause. Quant à Stéphane Ouellet, on ignore les impacts de sa précédente défaite sur son moral. Il bénéficie toutefois d’un camp d’entraînement à Porto Rico en compagnie de son entraîneur, Stephan Larouche. Pour la suite de sa carrière, une nouvelle défaite aux mains de son rival local n’est pas envisageable. C’est pourquoi son promoteur met alors tout en œuvre afin qu’il soit au meilleur de sa forme. Le suspense ne dure toutefois pas très longtemps et Stéphane Ouellet s’incline de nouveau. Cette fois, aucune controverse possible : la victoire de Dave Hilton Jr., décisive, est enregistrée par K.-O. technique à 2:48 du 3e round. Ce dernier conserve du même coup son titre de champion canadien, qui était en jeu. Le troisième duel : le 8 septembre 2000 Ce troisième combat entre Dave Hilton Jr. et Stéphane Ouellet ne devait pas avoir lieu. C’est Éric Lucas qui était pressenti pour affronter l’aîné des frères Hilton. À son dernier combat disputé au Centre Molson le 10 décembre 1999, Lucas s’était fracturé le poignet et s’était incliné aux mains du Britannique Glenn Catley. Une défaite d’autant plus douloureuse qu’il s’agissait d’un combat éliminatoire pour le titre mondial WBC. Une victoire sur Hilton devait permettre à Lucas de maintenir sa place dans les classements mondiaux. Toutefois, lorsque le 6 mai 2000 Glenn Catley rencontre Markus Beyer en Allemagne et l’emporte par K.-O.T. à moins d’une minute de la fin du combat, la situation emprunte une voie inattendue : cette victoire laisse en effet présager une nouvelle chance pour le titre mondial, puisque Catley est prêt à donner un combat revanche à Éric Lucas. On peut facilement imaginer que cette occasion aura mis à mal la perspective d’opposer Éric Lucas à Dave Hilton Jr.; toutefois le destin n’en avait pas fini avec le Groupe Interbox : trois jours après la victoire en championnat du monde de Glenn Catley, Éric Lucas effectue également son retour sur le ring. Le boxeur de Sainte-Julie remporte son combat face à John Lennox Lewis, mais se fracture malheureusement de nouveau la main. Une blessure qui le laissera 14 mois loin de l’action. Le Groupe Interbox se rabat donc sur la troisième présentation d’un affrontement entre Dave Hilton Jr. et Stéphane Ouellet. L’enthousiasme n’est toutefois plus le même chez les amateurs et le duel sera présenté comme principal combat de soutien dans le cadre d’un gala dont l’attraction sera nul autre qu’Arturo Gatti. Selon un article signé Martin Dion et publié le 24 novembre 2000 sur RDS.ca, le combat passe même bien prêt d’être annulé. « Une semaine avant son troisième combat face à Dave Hilton, Ouellet s'est fait retirer son permis de boxer à la suite d'une série de test médicaux. On s'est tourné vers une deuxième analyse qui a démontré que Ouellet était finalement apte à boxer. » Le troisième duel sera finalement remporté par Stéphane Ouellet, qui enregistrera le gain par décision unanime des juges. Un combat qui est loin d’être aussi enlevant que le premier affrontement entre les deux pugilistes.

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Cette victoire s’avèrera la dernière en carrière de Stéphane Ouellet. Quant à Dave Hilton Jr., paradoxalement, cette défaite le mènera à affronter le Sud-Africain Dingaan Thobela trois mois plus tard, puis à le dépouiller de sa couronne mondiale WBC des super-moyens. Mais ça, c’est une autre histoire…

Ouellet avec son fils William sur le ring, à la suite de sa victoire lors du troisième duel.

(photo Guillaume Bégin)

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