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Avril, 2009 Numéro 24 Le seul magazine au Québec dédié uniquement à la boxe Une journée avec Yvon Michel : Découvrez la routine d’un promoteur de boxe Plus : Entrevues avec Bob Miller et Benoît Roussel Portrait du combat Soto-Gaudet Combat virtuel : Bute-Andrade II

La Zone de Boxe vol 24

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En vedette Yvon Michel, Bob Miller, Benoît Roussel, Danielle Bouchard, Richard Cloutier et un retour sur le combat Soto-Gaudet.

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Magazine La Zone de Boxe 4ième année – numéro 24

1Avril, 2009Numéro 24

Le seul magazine au Québec dédié uniquement à la boxe

Une journée avec Yvon Michel : Découvrez la routine d’un promoteur de boxe

Plus : Entrevues avec Bob Miller et Benoît Roussel Portrait du combat Soto-Gaudet Combat virtuel : Bute-Andrade II

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Magazine La Zone de Boxe 4ième année – numéro 24

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Magazine La Zone de Boxe

2755 Clermont Mascouche (Québec) J7K 1C1

[email protected] Éditeur François Picanza Rédacteur en chef Pascal Roussel

Collaborateurs Danielle Bouchard Éric Breton Richard Cloutier Jonathan Dion Vincent Morin Pascal Lapointe Correcteur/Réviseur Pascal Lapointe Véronique Lacroix Traducteur Pascal Lapointe Photo page couverture Vincent Ethier Mise en pages / Infographie Martin Laporte Le magazine la Zone de boxe fut fondé en 2004 à Mascouche par François Picanza. Ce magazine est maintenant offert gratuitement sur le web.

La Zone de Boxe magazine

4e année, numéro 24 Avril 2009

3 – Le mot du médium format géant 5 – Une journée avec Yvon Michel 11 – Portrait de Soto et analyse du futur duel avec Benoît Gaudet 13 – Entrevue avec Bob Miller

17 – La boxe et moi : Richard Cloutier 19 – Entrevue avec Benoît Roussel 22 – La page du boxeur : Danielle Bouchard 24 – Combat virtuel : Bute-Andrade II 30 – Si j’étais : Harry Simon 33 – Classement La zone de boxe

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Le mot du médium format géant Quelle période faste pour notre boxe québécoise! C’est tout pour l’introduction. Allez, action!

Comment se déroule la journée d’un promoteur?

Vous n’aurez plus à vous poser cette question si vous l’avez déjà fait. Parce que nous avons eu l’idée de suivre Yvon Michel pour une journée. Et comme les gens gentils attirent parfois la chance, nous sommes tombés sur une bonne journée! Un peu plus loin, vous pourrez lire cet article de notre collaborateur Pascal Lapointe qui a suivi pas à pas Yvon Michel dans une journée de travail.

La revanche Bute-Andrade II Voulez-vous le résultat du combat Bute-Andrade II? Ce n’est pas parce qu’il n’a pas encore eu lieu qu’on ne peut pas avoir le résultat! Un de nos collaborateurs occasionnels, Éric Breton, nous offre ce combat virtuel qu’il a concocté avec l’aide de Jonathan Dion. En mai 2007, Éric nous avait déjà offert un combat virtuel entre Bute et Kessler. J’ai dû légèrement lui tordre un bras afin qu’il imagine pour nous comment se déroulerait la revanche Bute-Andrade. Voyez cette bataille à travers ses mots. Nos chroniques régulières Nouvelle édition de notre chronique La boxe et moi. Cette fois-ci, nous avons demandé à Richard Cloutier de netboxe.com de vous expliquer comment est née son histoire d’amour avec la boxe. Et pour La page du boxeur, Danielle Bouchard vous fera faire un voyage pugilistique, du début de sa carrière à aujourd’hui.

Gaudet, Diaconu et Pascal

Les 3 et 4 avril derniers, deux annonces de combats de championnat du monde impliquant nos Québécois m’ont rendu fou de joie! Premièrement, Benoit Gaudet affrontera Humberto Soto en championnat du monde le 2 mai à Las Vegas, sur la même carte que le méga-combat Hatton-Pacquiao. Wow au carré! Même si Benoit est largement négligé par les experts, il ne pouvait pas laisser passer une occasion comme celle-là. Soyons honnêtes, si Benoit a cette chance, c’est parce que le clan du champion Soto croit avoir trouvé un adversaire avec une bonne fiche, qui a le classement nécessaire pour être éligible à un combat de championnat, mais qui représente une proie facile. Sébastien Demers fut choisi de la même façon pour affronter Artur Abraham l’an dernier. Bergeron par Valuev. Et à l’époque, Lucas fut aussi choisi avec cette même optique par Roy Jones et Fabrice Tiozzo. Je crois que Benoit Gaudet pourra mieux faire qu’eux. Mais je crois aussi malheureusement que Benoit n’arrivera pas à vaincre ce Soto. Reste à lui et à Stéphan Larouche de nous prouver que nous sommes tous dans le champ. Je serai le premier à être heureux de sa victoire et de m’être trompé! Mais puisque la grande majorité des lecteurs du magazine n’ont aucune idée de qui est Humberto Soto, j’ai demandé à un collaborateur du magazine, Vincent Morin, de nous dresser un portrait de Soto et de nous parler de ce duel tant attendu. En passant, ne vous en voulez pas de ne pas connaître ce Soto. Ce n’est pas votre faute, il y a trop de champions, trop de ceintures, trop d’associations, trop de catégories de poids et trop de noms dans la boxe internationale pour les connaître tous. Levez la main ceux qui connaissaient Humberto Soto? C’est bien ce que je pensais. Les huit qui ont levé la main, vous pouvez la baisser maintenant. Message spécial : Je sais que Benoit et Stéphan, vous lisez le magazine. Je doute que ce que je vais vous dire sera vraiment une motivation supplémentaire, mais je vous assure que si Benoit devient champion du monde le 2 mai à Las Vegas, il fera la page couverture du prochain numéro du magazine, avec sa ceinture et un gros sourire victorieux!

Ensuite, même si ce n’est pas encore annoncé officiellement au moment d’envoyer ce texte au montage, je ne pensais jamais que cela allait arriver un jour, mais un gala en co-promotion entre GYM et InterBox se discute fermement pour le mois de juin au Centre Bell. Adrian Diaconu contre Jean Pascal. Attachez votre tuque avec de la broche (quoiqu’en juin, les tuques ne sont pas très à la mode), quel combat ce sera! Une co-promotion entre les deux groupes me cause un

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dilemme majeur : pour qui je vais prendre ce soir-là? J’ai encore quelques semaines pour y réfléchir. Mais sans vouloir être prophète de malheur, je vais y croire à 100 % quand je vais voir les deux boxeurs sur le ring et entendre la cloche annonçant le premier round. Il y a tellement d’embûches possibles pour la mise en branle de ce combat. D’autant plus que comme aucun des deux boxeurs n’acceptera de se présenter sur le ring sans être dans une forme optimale et que les deux ont un historique de blessures récurrentes, ça double le coefficient de malchance. Croisons les doigts et toutes les autres choses qui peuvent se croiser.

Les entrevues

Pour ce numéro du magazine, nous avons voulu placer d’autres gens que les boxeurs sous les projecteurs. Ce sont les boxeurs qui donnent le spectacle, mais ça prend d’autres personnes pour les appuyer. Le « cutman » est souvent indispensable pour les boxeurs qui se font un peu trop frapper! Et si un combat n’est pas arrêté par les coupures ou les enflures, ça prend quelqu’un pour remettre un pointage à la fin du combat. Les juges aussi ont leur mot à dire! C’est pourquoi nous avons rencontré pour vous le « cutman » Bob Miller et le juge Benoit Roussel. Deux hommes souvent dans l’ombre, mais qui méritaient l’éclairage que nous leur avons donné. Dans les pages suivantes, vous pourrez lire les entretiens que nous avons eus avec eux.

Expérience Showtime!

Ce titre de rédacteur en chef du magazine m’apporte parfois des surprises. Il me permet d’être en contact les gens du milieu de la boxe, autant ceux de GYM que d’Interbox. Et cette relation professionnelle et amicale m’a permise de faire quelque chose d’inattendu le 13 mars dernier. Je vous explique.

David Messier, le relationniste d’Interbox m’envoya un curieux courriel. Sachant que je suis bilingue et que je connais le vocabulaire de la boxe, David m’avisa que Showtime avait besoin d’un traducteur simultané pour faire la traduction du coin Bute-Larouche entre les rounds pour leur télédiffusion. Il voulait savoir si cela m’intéressait. Sur le coup, j’ai plutôt reculé, me disant que faire de la traduction simultanée en direct devant des millions de téléspectateurs n’était pas un défi que j’envisageais! Mais après réflexion, je me suis convaincu moi-même que le défi était intéressant. J’ai plongé. Je vais immédiatement vous amener à la fin de l’histoire. Pour les deux derniers combats (St-Juste et Bute), c’est moi qui avait la meilleure place de tout le centre Bell, j’en suis certain! J’étais assis tout juste derrière les deux commentateurs de Showbox et à quelques pieds seulement du coin de Larouche et Bute. J’ai participé à la répétition technique pour l’émission vers 22 h 30 sur le bord du ring alors que nous entrions en ondes à 23 h. Impressionnant de voir tous ces détails techniques pour assurer la diffusion d’un combat. Lorsque le combat débuta, le réalisateur me parla via mon casque d’écoute pour m’aviser que tout de suite après le premier round, on se dirigeait dans le coin de Bute et que je devais être prêt à traduire simultanément en anglais les propos de Larouche à Bute. J’allais entendre les paroles de Larouche par le micro-perche au-dessus du coin. Alors quand Larouche commença à parler, malheur! Je n’entendais absolument rien!!! Le bruit ambiant du Centre Bell couvrait tout! Le réalisateur en panique me lança des « Mais qu’attends-tu? Allez! » Je regardai alors le régisseur accroupi près de moi et je lui fis comprendre pas des gestes que je n’entendais pas un seul mot. Le régisseur m’enleva mon casque à toute vitesse pour constater lui-même qu’en effet, il était impossible d’entendre. (Un ami qui habite au New-Jersey m’appela le lendemain matin pour me dire qu’on m’avait vu à l’écran faisant des signes pour dire que je n’entendais pas!) On me dit alors qu’on allait régler le problème de son, qu’à ma prochaine intervention, on utiliserait le micro-cravate de Larouche. À la fin du round suivant, le réalisateur se dirigea dans le coin de Zuniga. Entre le 3e et 4e, ce fut les deux commentateurs qui parlèrent. On m’avisa durant le quatrième round qu’on reviendrait à moi. Mais si vous vous rappelez du résultat, nous n’avons pas vu la fin de ce round. Alors vous comprenez que finalement, je n’ai pas eu le temps de dire un seul mot! J’ai quand même apprécié l’expérience et surtout l’endroit où j’étais assis! Merci à David Messier d’Interbox pour avoir pensé à moi! Pascal Roussel Rédacteur en chef format géant

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Yvon Michel le soir du gala Ngoudjo-Urango (photo Vincent Éthier)

Une journée avec Yvon Michel Par Pascal Lapointe ([email protected])

Quand mon rédacteur en chef a communiqué avec moi afin de me proposer de passer une journée complète avec le président du Groupe Yvon Michel (GYM) pour en faire un article tout simplement intitulé « Une journée avec Yvon Michel », une question s’est rapidement imposée : mais quelle journée, au juste? Nous espérions tomber sur une journée « palpitante », mais rien n’était certain, puisque nous devions fixer la date plusieurs semaines à l’avance. Nous avons donc choisi le mardi 27 janvier 2009, soit trois jours avant la tenue du combat de championnat des super-légers de l’IBF entre Hermann NGoudjo et Juan Urango. Par conséquent, dans le présent article, les expressions comme « le programme », « l’événement » ou « le combat » font référence à la réunion du 30 janvier 2009 dont Urango-NGoudjo a été la pierre angulaire. Mon rédacteur en chef et moi pouvons maintenant dire que nous avons eu la main heureuse et que j’ai été témoin d’une journée plutôt palpitante dans la vie d’Yvon Michel. En effet, deux véritables petites bombes ont explosé pendant que je me trouvais dans les locaux de GYM. Mais j’y reviendrai. On m’avait déjà dit qu’Yvon Michel avait mis une croix sur les longues soirées au bureau depuis qu’il avait connu les joies de la paternité il y a environ deux ans. Ce qu’on ne m’avait pas dit, c’est qu’il n’a pas vraiment tronqué son horaire – seulement modifié. Je m’en rends compte lorsque nous entrons en communication la veille de notre rendez-vous et qu’il m’explique qu’il commence habituellement sa journée de travail à… six heures et demi, ce qui lui permet d’éviter les bouchons de circulation qui

assombrissent l’existence de milliers de banlieusards. Peu matinal, je suis d’abord tenté de répondre, à la manière de Bart Simpson, « Il y a un six heures et demi du matin? », mais je feins l’enthousiasme en lançant un « Parfait! » et je raccroche. 6 h 30 : Malgré une nuit de sommeil amputée de plusieurs heures, c’est avec entrain que je me présente aux bureaux de GYM, de vastes locaux mis à la disposition de la société par son vice-président, Dino Marchitello. L’endroit ne paie pas trop de mine : les murs sont peints couleur coquille d’œuf et la décoration est réduite à sa plus simple expression. Le bureau de Michel ne fait pas exception. Les classeurs sont dépareillés. Plusieurs photos laminées, où figurent Michel, mais aussi Joachim Alcine, Don King et Jean Pascal, entres autres, pourraient apporter une touche personnelle, cependant elles jonchent encore le sol, n’ayant jamais été accrochées. Yvon Michel, dans son incarnation d’organisateur de programmes de boxe, est un homme de projets. Et il aime en parler. Il n’est pas encore 7 h que mon cahier de notes regorge déjà d’inscriptions sur les perspectives à court terme des boxeurs de GYM. Alcine pourrait se battre à Québec. Ou au stade Uniprix. Ou encore en France, avec peut-être David Lemieux, Olivier Lontchi et NGoudjo en préliminaires. Une vedette de boxe olympique est sur le point de se présenter à Montréal pour un essai de deux semaines. NGoudjo pourrait aussi se battre contre Zab Judah s’il bat Urango. Walid Smichet devrait

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Yvon avec Dino Marchitello, vice-président et actionnaire de GYM (photo François Couture)

recevoir une offre d’Andy Lee… Michel est pratiquement intarissable, même s’il précise que pour un projet qui réussit, neuf « passent dans le beurre ». L’attitude peut sembler un peu fataliste, mais elle découle d’années d’expérience et semble n’avoir nullement miné son enthousiasme. 7 h 30 : La discussion est en cours depuis près d’une heure tandis qu’un appel de la conjointe de Michel marque un temps d’arrêt et lui rappelle qu’il a du travail à faire. Il a beau avoir des contacts quotidiens avec des grands décideurs du monde de la boxe, par exemple Lou DiBella, Don Majeski et même Don King, Michel fait partie d’une petite équipe (voir l’encadré « L’équipe GYM ») et doit s’occuper de certaines tâches plutôt fastidieuses. Quand il n’est pas au téléphone, il passe donc la majeure partie de la matinée à réunir les renseignements et les statistiques dont il aura besoin pour la conférence de presse officielle, qui est prévue pour 11 h au centre Bell. Encadré : L’équipe GYM Comme en témoigne son nom, le Groupe Yvon Michel repose sur la renommée et l’expérience de son président, mais l’équipe compte plusieurs autres membres un peu moins connus du public.

• Bernard Barré, vice-président, Opérations et recrutement : Connu pour son travail d’analyste à la télévision, Barré

veille aussi à la bonne marche des événements présentés par GYM. Par exemple, il agit souvent à titre d’interlocuteur auprès du personnel des réseaux de télévision. En outre, il est le principal responsable des activités de recrutement, si bien qu’il se déplace régulièrement pour faire du dépistage dans des tournois comme le championnat du monde ou les qualifications olympiques.

• Alexandra Croft, vice-présidente exécutive : Au fil des années, les responsabilités de Croft se sont élargies. Elle chapeaute les communications et le marketing, de même que de la billetterie. Elle est parfois aussi investie d’importantes missions, comme représenter l’entreprise au congrès du World Boxing Council.

• Dino Marchitello, vice-président : Actionnaire de GYM, Marchitello participe aux activités de relations publiques et commerciales ainsi qu’aux ventes de l’entreprise.

• Marc Ramsay, matchmaker : Pigiste, Ramsay ne fait pas officiellement partie de l’entreprise. Sa contribution est néanmoins importante, puisque c’est lui qui fait l’entremetteur pour tous les combats présentés par GYM, à quelques exceptions près. Qui plus est, étant donné sa vaste connaissance de la boxe et des boxeurs, on sollicite régulièrement son opinion quand vient le temps de prendre des décisions qui influeront sur l’orientation de la carrière des poulains de l’écurie.

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« 10 h : Marcel Aubut est en ligne. »

« 8 h : La valse des coups de téléphone d’affaires débute. »

8 h : La valse des coups de téléphone d’affaires débute. C’est aussi à cette heure qu’Alexandra Croft se présente au bureau, après sa séance d’entraînement matinale. L’ambiance est assez fébrile, puisque dans les prochaines heures on apprendra si NGoudjo pourra profiter de la présence de son entraîneur, Howard Grant, dans son coin pour son duel contre Urango. Grant, qui a interjeté appel de la suspension de trois mois que lui a imposée la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ) pour ses agissements lors du combat Lucian Bute-Librado Andrade, demande à celle-ci l’autorisation de travailler dans le coin de ses boxeurs jusqu’à ce qu’une décision sur l’appel soit rendue. 8 h 20 : C’est Don Majeski, conseiller à l’échelle internationale de GYM, qui est au bout du fil. Il n’a pas encore reçu l’information relative à son transport pour venir assister au combat de la fin de semaine. La difficulté est aplanie en quelques secondes et Majeski raccroche, non sans avoir transmis à Michel quelques renseignements juteux sur ce qui se trame en coulisses dans le monde de la boxe. 8 h 30 : Croft doit rappeler à Michel, qui a plutôt tendance à discuter avec son invité – il s’est notamment lancé dans une longue explication sur les négociations entourant les appels d’offres du point de vue du promoteur –, qu’il doit terminer la préparation de la documentation qui servira à la conférence de presse. Quelques minutes plus tard, Bernard Roos, le promoteur européen qui songe à faire boxer Alcine en France, sollicite deux billets pour le combat. Immédiatement après, Adam Harris téléphone à Michel pour mettre la dernière main au contrat de Logan McGuinness, boxeur de Hennessy Sports qui fait partie du programme. 9 h 30 : Après que Leon Margules, dirigeant de Warriors Boxing et promoteur d’Urango, eût annulé sa participation à la conférence de presse, Michel commence à se demander pourquoi il n’a pas eu de nouvelles de la décision de la RACJ. Il communique donc avec l’avocat qui a représenté Grant lors de l’audience. La mauvaise nouvelle tombe : la RACJ refuse de reporter l’application de la suspension. C’est la première bombe, qui semble prendre de court le personnel de GYM. Mi-figue, mi-raisin, Croft rappelle que Marc Ramsay avait suggéré la veille que Michel devrait remplacer Grant. Même si Ramsay était tout à fait sérieux, vouant un imposant respect aux aptitudes de gestionnaire de combat de Michel, ce dernier semble écarter cette possibilité. Après tout, il n’a pas accompagné de boxeur dans un ring depuis plus de cinq ans. De toute façon, mentionne-t-il, il n’a plus de permis d’homme de coin. 9 h 45 : Michel, Croft et Marchitello se réunissent en privé pour la première fois de la journée afin de prendre acte des conséquences de la décision de la RACJ. À l’issue de cette rencontre, le consensus qui se dessine consiste à faire appel à Russ Anber pour appuyer NGoudjo, tout en donnant une place près du ring à Grant et à Pedro Diaz, qui ont supervisé l’entraînement du Camerounais.

10 h : Le retour aux activités courantes se fait rapidement. Danièle Gagnon, de la RACJ, joint Michel pour confirmer quelques détails sur l’identité des juges qui seront en fonction en fin de semaine. Puis, c’est Me Marcel Aubut qui est en ligne. Candidat à la présidence du Comité

olympique canadien (COC), il communique avec Michel car il aimerait savoir s’il jouira du soutien des dirigeants de la boxe amateur canadienne dans son projet. Michel l’informe qu’à ce qu’il sache, la décision finale n’a pas encore été prise. [Me Aubut a été élu président du COC le 28 mars dernier.] 10 h 10 : Michel se met en route vers le centre Bell. Son sans-fil continue de sonner régulièrement, mais moins souvent que son téléphone au bureau. Ce petit ralentissement lui donne l’occasion de bavarder de choses et d’autres. Entre autres, il raconte comment son aîné adore les sorties au cinéma. L’écran géant, surtout, semble beaucoup l’impressionner. 10 h 35 : Juste avant de pénétrer dans le centre Bell, Michel reçoit un appel important. Lou Dibella, promoteur de l’ancien champion du monde des poids moyens, Jermain Taylor, exerce de la pression pour obtenir une réponse rapide à l’offre qu’il a faite à Jean Pascal d’affronter son poulain. Puisque Pascal n’a toujours pas transmis sa réponse à Michel, ce dernier doit temporiser. 10 h 45 : Une fois tous les intéressés arrivés, une autre réunion privée se forme. Michel, NGoudjo, Croft, Barré, Marchitello et Grant y participent. Michel racontera plus tard que la « Panthère » y a affirmé qu’il souhaitait que Michel

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« 11 h : Conférence de presse »

« 14 h 10 : Y. Michel annonce à DiBella que Pascal n’affrontera pas Taylor »

prenne la place de Grant. Tout à coup, la suggestion de Ramsay devient de plus en plus sensée. Il est décidé que Michel fera effectivement partie de l’équipe d’entraîneurs de NGoudjo, mais que la nouvelle sera annoncée en après-midi plutôt que pendant la conférence de presse. [On apprendra quelques heures plus tard que Michel n’est pas autorisé à agir comme entraîneur puisqu’un règlement de la RACJ empêche un titulaire de permis d’organisateur de travailler comme homme de coin. C’est finalement Anber, comme prévu initialement, qui s’est joint à Otis Grant et à Bob Miller dans le coin de NGoudjo.]

11 h : En conférence de presse, Michel est à l’aise comme un poisson dans l’eau. Après les allocutions d’usage, même s’il entend les cinq ou six mêmes questions pendant plus de deux heures, il donne des réponses réfléchies et détaillées, sans jamais enclencher le pilote automatique. 13 h 10 : Retour au bureau. Les courriels et les messages vocaux se sont accumulés. Michel conclut la vente d’une table VIP. Il écrit au président de l’IBF, Lindsay Tucker, pour veiller à diverses formalités, dont le paiement des frais d’homologation annuel du promoteur et du coût de la ceinture. Michel doit aussi coordonner le transport du superviseur de l’IBF. Parallèlement, il parle aussi à quelques journalistes qui veulent compléter l’information recueillie pendant la conférence de presse. 13 h 40 : Michel s’éclipse maintenant régulièrement de son bureau. Je finis par comprendre qu’une deuxième bombe vient d’exploser à mon insu : Pascal a décidé de refuser l’offre de DiBella. Pendant plusieurs minutes, Michel multiplie les conversations avec Croft et Marchitello qui, avouons-le, me considèrent avec un brin de méfiance. Leur attitude est facilement compréhensible : ce ne sont pas eux qui ont consenti à être suivis par un reporter toute la journée.

14 h 10 : Yvon Michel annonce à DiBella que Pascal n’affrontera pas Taylor. Non pas qu’il m’ait expliqué ce qu’il faisait. C’est que j’entends le bouillant promoteur américain crier au téléphone. Manifestement, il ne saisit pas – mais pas du tout – pourquoi Pascal laisserait passer une telle occasion. Bien entendu, il se soucie peu du fait que Pascal a subi la défaite dans un combat extrêmement éprouvant il y a moins de deux mois et qu’il dispose d’un délai relativement court pour se préparer à un tel défi, deux facteurs qui ont beaucoup pesé sur la décision du boxeur lavallois.

Michel est du même avis que DiBella, en ce sens qu’il croit que l’occasion était belle pour son poulain. Par contre, il sait qu’il ne peut pas dire à la place de Pascal s’il se sent prêt, physiquement et mentalement, à retourner au front. D’ailleurs, en matinée, Michel avait eu cette réflexion un peu presciente, en parlant d’une autre situation : « Pour un boxeur, c’est évident que refuser un combat qu’il aurait dû accepter, ce n’est pas l’idéal. Mais c’est bien pire de faire un combat qu’il ne voulait pas accepter parce quelqu’un – son promoteur, son entraîneur ou son gérant, par exemple – l’y a forcé. Dans de telles circonstances, le boxeur se présente sur le ring avec une mauvaise attitude mentale et risque de subir une défaite vraiment dommageable. » 15 h : La déflagration a été puissante, mais brève. La page semble déjà tournée. Après un appel d’Anber à propos de l’éventuelle diffusion du combat NGoudjo-Urango à TSN, Michel reçoit une visite surprise, alors que Hercules Kyvelos vient le saluer une minute ou deux. L’ancien champion canadien des mi-moyens consacre maintenant son temps à l’immobilier. Il donne aussi des cours de boxe privés. 15 h 05 : Michel se rappelle qu’il doit pondre une chronique pour rds.ca. Il se dit qu’il la rédigera en soirée. 15 h 10 : À la demande de Harris, Michel doit apporter une dernière modification au contrat de McGuinness pour s’assurer que ce dernier sera rémunéré par son promoteur et non par GYM. 15 h 15 : Le président de GYM écrit à un ancien commanditaire pour l’aviser que l’entente ne sera pas reconduite. L’offre n’était simplement pas assez généreuse, explique-t-il.

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15 h 20 : Ramsay, qui était dans l’immeuble depuis quelques heures pour réunir toute la paperasserie nécessaire à la participation des boxeurs au programme, se présente dans le bureau de Michel. Il a besoin de quelques précisions pour accomplir sa tâche. En même temps, il dépose une proposition d’événement que lui a transmise un homme d’affaires québécois qui veut tenter sa chance dans la boxe. La carte soumise est certes exceptionnelle, mais elle manque de réalisme. Non seulement place-t-elle l’une des vedettes locales dans une situation où il devra causer une surprise considérable pour l’emporter sur son adversaire pressenti, mais elle comprend aussi un duel auquel ni l’un ni l’autre des combattants, Éric Barrak et Éric Martel, ne donnerait probablement son aval. En outre, elle prévoit la participation d’un athlète qui évolue toujours en boxe olympique, Mikaël Zewski. Il est à noter que l’entourage de Zewski n’aurait de toute façon jamais permis qu’il fasse ses débuts professionnels contre Marc Bourassa, l’adversaire qu’on lui avait attribué. 15 h 35 : Michel reçoit un appel d’un journaliste qui demande des précisions sur ce que Barré voulait dire lorsqu’il a déclaré à la conférence que « on a eu une surprise la dernière fois qu’un cogneur est venu à Montréal pour se battre contre un styliste, un gaucher contre un droitier. » Michel lui indique que Barré parlait du choc entre Lucian Bute et Librado Andrade. 15 h 38 : Michel doit rappeler le journaliste, après avoir confirmé auprès de Barré que celui-ci parlait en fait du combat entre Daniel Santos, cogneur gaucher comme Urango, et Joachim Alcine, styliste droitier à l’instar de NGoudjo. 15 h 45 : Harris communique une dernière fois avec le président de GYM pour s’assurer que tout est en ordre en ce qui concerne McGuinness. 16 h : Michel finit de remplir le tableau sommaire des bourses versées aux boxeurs ainsi que de la rémunération des entraîneurs et soigneurs, tâche à laquelle il a consacré l’après-midi quand il n’était pas au téléphone ou en réunion. 16 h 05 : Pour terminer sa journée de travail, Michel accepte de participer, vendredi après-midi, à une émission spéciale sur la boxe pour le compte de CKAC. 16 h 15 : Départ. ----------------------------------------------

Yvon Michel fier d’un de ses boxeurs, Olivier Lontchi suite à son K.O contre Cecilio Santos le 4 avril au Casino de Montréal. (photo François Couture)

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Plusieurs semaines ont passé depuis ma rencontre avec Yvon Michel. Depuis, la plupart des projets dont il m’avait parlé en matinée sont morts dans l’œuf, un peu comme il l’avait prédit. Mais il est certain que Michel travaille à en échafauder d’autres. Pour ce qui est du combat tant attendu, personne chez GYM ne pouvait s’attendre à ce que NGoudjo subisse une défaite aussi cuisante, fracture de la mâchoire en prime. Toutefois, comme Michel en avait touché un mot pendant la journée, GYM et Warriors Boxing, l’équipe de promotion d’Urango, ont protégé leurs arrières en concluant une entente selon laquelle le promoteur du gagnant céderait 50 % du contrat de son boxeur au promoteur du perdant. Autrement dit, GYM est aujourd’hui copromoteur du champion de l’IBF chez les super-légers. L’arrangement devrait grandement atténuer les répercussions négatives de la défaite de NGoudjo sur l’entreprise… et ainsi aider Michel à vivre plusieurs autres journées palpitantes comme celle du 27 janvier 2009.

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Humberto Soto, champion du monde du WBC chez les 130 livres (photo Boxrec.com)

Humberto Soto contre Benoit Gaudet Par Vincent Morin

Tous les amateurs de boxe ont été surpris de voir Benoit Gaudet retiré de la carte du 4 avril au Centre Bell. La raison du désistement a également étonné bien des partisans de boxe : Benoit boxera en championnat du monde le 2 mai, au MGM Grand de Las Vegas, en sous-carte du prestigieux duel Pacquiao-Hatton. Bref, la chance d’une vie! Mais qui est l’adversaire du Drummondvillois d’origine? Benoit pourra-t-il bien faire? Voici Humberto Soto.

Humberto Soto (47-7-2, 30 K.-O.), droitier, 5 pieds 7 pouces et demi

Humberto Soto est un vétéran des rings. Ne vous faites toutefois pas d’idée, l’homme qui compte déjà 56 combats en carrière n’est pas un vieux de la vieille usé : il n’a que 28 ans.

Soto, qui a commencé sa carrière professionnelle au pays des mariachis en 1997, à l’âge de 16 ans, n’a été arrêté qu’une seule fois. Hector Javier Marquez (22-7, 15 K.-O.) avait réussi l’exploit au 11e round d’un combat prévu pour 12, en 2000. Soto a toutefois prouvé sa solidité : il a fait la limite avec Joan Guzman et Kevin Kelly, pas nécessairement reconnus comme des deux de pique!

Soto a également décroché les scalps de Rocky Juarez, Gamaliel Diaz, Francisco Lorenzo et Humberto Toledo, tous des adversaires sérieux, coriaces et expérimentés. Sa victoire face à Juarez, alors qu’il était négligé et qu’il avait accepté le combat à seulement deux semaines d’avis, l’a fait connaître des Américains.

Un super-plume (130 livres) pour la majorité de ses combats d’importance, Soto a commencé sa carrière à 118 livres alors qu’il était très jeune. Il a également combattu chez les plumes (126 livres) et a disputé un combat à 140 livres. Il est un peu plus petit que Benoit Gaudet (5 pi 7 po et demi par rapport à 5 pi 9 po).

Le populaire entraîneur du Kronk Gym de Detroit, Emanuel Steward, l’a surnommé «Gumby Man», en raison de son style peu orthodoxe.

Pugiliste coriace, Soto a un style agressif et aime foncer sur ses adversaires. Il a un bon menton et une condition physique exemplaire, sait couper le ring, peut boxer à distance comme au corps à corps et cogne des deux mains avec une puissance très décente pour un super-plume (130 livres). Soto sait également flairer l’odeur du sang et achever son adversaire quand il le sent blessé. Benoit Gaudet ferait mieux d’être prêt, car il n’affrontera pas un sac de sable.

Benoit Gaudet (20-1, 7 K.-O.), droitier, 5 pieds 9 pouces

Benoit a beaucoup progressé depuis ses débuts professionnels. Après une prolifique carrière en boxe olympique, il a su tranquillement s’adapter au style professionnel.

Comme Benoit est doté d’une capacité d’adaptation et d’une expérience notoires acquises face à des adversaires de haut niveau en boxe amateur, plusieurs voyaient et voient toujours très grand pour lui. Après tout, il est le seul Canadien à avoir vaincu un Cubain en boxe olympique et il a participé aux Jeux olympiques.

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Benoit Gaudet de Drummondville, challenger. Champion NABA chez les 130 livres. (photo Stéphane Lalonde)

Certains détracteurs critiquent sa force de frappe et son menton. Pourtant, en tant qu’analyste de boxe, j’ai remarqué une légère amélioration de sa puissance lors de ses derniers combats. Gaudet n’est certes pas un cogneur, mais il peut se faire respecter chez les super-plumes (130 livres). Il devra toutefois s’assurer de ne jamais reculer en ligne droite face à un dur comme Soto, afin d’éviter le drame du premier duel face à Henry Arjona ou des passages comme la fin de combat apocalyptique contre Alberto Garza.

Vision du combat

La chance de Benoit est de se déplacer, de tourner autour du Mexicain comme un requin et de battre le champion de vitesse. Soto est un vrai dur à cuire et il vaudrait mieux pour le boxeur de Drummondville de privilégier la vitesse au lieu de faire preuve d’un ego déplacé et de tenter d’échanger coup pour coup ou de lancer des bombes.

Benoit Gaudet possède des mains ultra-vives et il devra s’en servir. Jouer aux gros bras avec un Mexicain doté d’une force de frappe comme il n’en a encore jamais vue chez les professionnels lui serait de toute évidence fatal.

Je crois que Benoit pourrait se faire respecter par Soto avec une bonne stratégie et même peut-être le mettre dans l’embarras avec le plan parfait. Une chose est sûre : à moins d’un coup au corps parfait, Humberto Soto ne tombera pas. Benoit aura à respecter le plan à la

lettre et la moindre erreur pourrait être coûteuse. Pourra-t-il tourner autour de Soto et l’étourdir durant douze rounds? On le souhaite tous…mais ça risque d’être difficile.

J’aime bien Benoit, qui est tout un athlète, consciencieux et charismatique. Je lui souhaite de remporter le duel, mais mon côté raisonné me laisse croire qu’il pourrait se faire surprendre par un direct de droite ou un crochet de gauche exécuté en contre-attaque par Soto, ce qui pourrait mettre fin à l’affrontement à tout moment.

Prédiction : Je vais me risquer à une prédiction : Soto par K.-O. technique au 10e round, à la suite d’une belle performance de Benoit qui, après avoir bien bougé autour du ring et répliqué tout le combat, aura été ébranlé par une charge de Soto, qui aura fini le boulot.

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Rencontre avec Bob Miller Par Pascal Roussel

Si les ceintures de champions du monde existaient aussi pour les « cutmen », alors nous aurions un autre champion du monde évoluant à Montréal. Les deux groupes de boxe à Montréal ont la chance en or d’avoir avec eux un des meilleurs soigneurs au monde en la personne de Bob Miller. Mais vous n'avez pas à nous croire sur parole. Voyez seulement ce que Stéphan Larouche et Marc Ramsay ont à dire au sujet de Bob Miller :

Bob Miller est un homme très calme, qui est hautement considéré dans le milieu. Mais encore plus important, il est très respecté par les arbitres et médecins des différentes commissions athlétiques, ce qui est essentiel dans les cas où une coupure est critique. J'ai souvent entendu l'arbitre et même le médecin demander à Bob s'il était en contrôle de la situation durant la minute de repos et ils reposaient leur décision sur Bob. Avec nous, Bob fait partie de la famille. Les boxeurs le respectent au plus haut point et sont très fiers de sa présence dans leur coin. (Stéphan Larouche) Le premier mot qui me vient à l'idée en pensant à Bob Miller est professionnalisme. Il est sans aucun doute l'un des meilleurs de sa profession. Il est discret et ne perturbe jamais l'environnement d’un boxeur, mais, si on le lui demande, il peut intervenir avec un judicieux conseil basé sur son immense expérience. Travailler avec lui est à chaque occasion une expérience enrichissante. (Marc Ramsay) Résidant d’Albany dans l’État de New York, Miller connaît maintenant par cœur la route reliant cette ville à Montréal. Lors du gala Bute-Zuniga du 13 mars, le magazine La Zone de Boxe a eu la chance d’avoir une rencontre privilégiée avec ce soigneur par excellence.

Bob Miller, un des meilleurs soigneurs du monde. (photo Stéphane Lalonde)

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« Le dernier boxeur qui a été arrêté pour une coupure sous mes soins est Éric Lucas, contre Roy Jones»

Bob Miller, depuis 35 ans dans le milieu de la boxe. (photo François Couture)

La Zone de Boxe : Tout d’abord, merci de nous accorder cet entretien. Devenir un soigneur en boxe n’est pas quelque chose qu’on apprend à l’école. Comment êtes-vous devenu un soigneur? Bob Miller : C’est arrivé un peu par défaut. Vers 1975, j’étais gérant et entraîneur de plusieurs jeunes boxeurs dans l’État de New York. Et comme nous n’avions pas vraiment les moyens de nous payer un soigneur, j’ai décidé de faire moi-même le boulot. C’était purement une raison économique! J’ai donc appris directement mon travail sur le ring! Quand mes boxeurs coupaient, je soignais. J’ai sûrement fait quelques erreurs à mes débuts. ZDB : Est-ce vrai qu’aucun des boxeurs dont vous étiez le soigneur n’a été arrêté pour une coupure? BM : C’est presque vrai! En fait, je dirais que ce n’est jamais arrivé au Canada. Le dernier boxeur qui a été arrêté pour une coupure sous mes soins est Éric Lucas, contre Roy Jones (NDLR : le 16 juin 1996 en Floride après 11 rounds). L’arbitre voulait laisser continuer le combat, mais c’est moi qui ai pris la décision d’arrêter le combat. Lucas était trop en retard dans le combat et n’avait pratiquement aucune chance de battre Jones au 12e round. Sa coupure était vraiment sévère.

ZDB : Qu’est-ce qu’on peut retrouver dans votre trousse de soigneur? BM : Beaucoup de choses! En fait, il y a des choses que l’on peut utiliser durant le combat et d’autres qu’on utilise une fois le combat terminé. Durant le combat, j’utilise de l’adrénaline (1 : 1000) et de la thrombine (pour stopper l’écoulement de sang), un end-swell (instrument en métal conservé dans la glace pour appliquer directement de la pression sur une enflure afin d’y réduire la circulation sanguine et ainsi diminuer la progression de l’enflure), des coton-tiges courts et longs et de la gelée de pétrole (vaseline). Pour après le combat, j’ai dans ma trousse des pilules pour le cœur, des compresses (gauze pads), des antibiotiques et des points de rapprochement (butterfly strips). Et au cas où j’en aurais besoin un jour (rires), j’ai aussi des sels volatils (smelling salts) mais je ne les ai jamais utilisés en 20 ans. C’est illégal. ZDB : Qu’est-ce qui est le plus difficile pour vous de contenir? Le sang d’une coupure ou une enflure comme celle de Hermann NGoudjo l’été dernier au Stade Uniprix? BM : Avec l’expérience, on finit toujours par bien se débrouiller avec les coupures. Mais les enflures, c’est plutôt difficile à contrôler car on ne sait jamais ce qui se passe sous cette bosse. Et le end-swell est tellement froid que c’est très inconfortable à la fois pour le boxeur et pour moi. ZDB : Est-ce vrai que les boxeurs noirs coupent moins que les boxeurs blancs? BM : C’est vrai. C’est en raison de la structure de leurs os. Les os des Noirs sont plus en courbe alors que les os des Blancs sont plus en pointe. Donc quand le gant frappe un coin d’os, la peau du Blanc va

couper plus facilement. Et c’est particulièrement vrai au niveau des sourcils. Et je ne sais pas si c’est vrai, mais on m’a déjà dit que les Noirs ont une couche de peau de plus que les Blancs.

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« Le meilleur truc que je pourrais suggérer aux boxeurs pour éviter les coupures est de garder les gants bien hauts »

« Dorin avait de 4 à 5 énormes coupures. Il était coupé au nez, sur les deux sourcils et en dessous des deux yeux. Une vraie boucherie »

ZDB : Dans le lot de boxeurs avec qui vous avez travaillé, quels sont ceux qui coupaient le plus facilement et le moins facilement? BM : Dans ceux qui coupaient le plus, je dirais Stéphane Ouellet, Éric Lucas, Dale Brown et Leonard Dorin. Pour ceux qui coupent le moins facilement, je dirais Adrian Diaconu, Benoît Gaudet et Lucian Bute. Par contre, Bute a très souvent des enflures. ZDB : Quelle est la pire coupure que vous avez réussi à maîtriser?

BM : C’est une coupure de Dale Brown lors d’un combat contre un dénommé Washington. (NDLR : contre David Washington le 14 octobre 1998). C’était une coupure qui traversait l’arche du nez d’un coté à l’autre. On voyait le cartilage à travers la coupure! J’ai réussi à le faire boxer 3 ou 4 rounds avec cette horrible coupure et il a fini par gagner par K.-O. au huitième et dernier round. ZDB : Y a-t-il des trucs que les boxeurs peuvent utiliser pour couper moins? BM : Pas vraiment. Plusieurs boxeurs croient que de se mettre

beaucoup de vaseline dans le visage va leur permettre de moins couper étant donné que le gant va glisser plus sur la peau. Moi je crois que la vaseline a plutôt l’effet contraire et qu’elle affaiblit la peau en la rendant plus fragile. Le meilleur truc que je pourrais suggérer aux boxeurs pour éviter les coupures est de garder les gants bien hauts en défensive! (rires) ZDB : Et les soigneurs eux, ont-ils des trucs pour éviter que les boxeurs coupent moins? BM : J’utilise de la solution hypersalée (brine solution). Elle endurcit les tissus dans le nez et diminue ainsi les écoulements sanguins. ZDB : Vous avez travaillé avec plusieurs boxeurs, ce qui signifie que vous avez travaillé aussi avec plusieurs entraîneurs. Lesquels vous impressionnent le plus et pourquoi? BM : J’adore travailler avec les entraîneurs ici au Québec. Ils sont professionnels. Avec les frères Grant, Stéphan Larouche et Pierre Bouchard. Avec eux, la communication passe bien. Chacun fait son boulot de son coté et ne pile pas sur les pieds des autres. ZDB : Le 5 janvier 2002, vous avez gagné au Texas un titre de champion du monde avec Leonard Dorin, lors de son premier combat contre Raul Balbi. Selon plusieurs personnes, Dorin vous doit entièrement sa ceinture ce soir-là. Parlez-moi de ce combat. BM : C’est sans aucun doute la soirée où j’ai travaillé le plus fort de toute ma vie! J’aurais pu avoir une troisième main ce soir-là et elle n’aurait pas été de trop. Dorin avait de 4 à 5 énormes coupures. Il était coupé au nez, sur les deux sourcils et en dessous des deux yeux. Une vraie boucherie. Mais comme l’arbitre voyait que je réussissais à assez bien contenir ses coupures, il n’arrêtait pas le combat. Et on a réussi à se rendre à la fin des douze rounds. Après le combat, l’arbitre (Rafael Ramos) est venu me voir et il n’en croyait pas ses yeux. Il n’avait jamais rien vu de pareil. ZDB : Selon vous, qui est le meilleur « cutman » du monde? BM : Je dirais que c’est Miguel Diaz. Il est le « cutman » principal à Las Vegas. Il travaille avec les plus grands noms (Floyd Mayweather Jr, Manny Pacquaio, Erik Morales, Jose Luis Castillo et Miguel Cotto, entre autres). Il a été intronisé au temple de la renommée de la boxe en novembre 2008. En s’installant à Las Vegas, il est au bon endroit!

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Bob Miller dans le coin d’Olivier Lontchi le 4 avril dernier au Casino de Montréal (photo François Couture)

ZDB : Et vous, Bob Miller, où vous situez-vous là-dedans ? BM : Je dirais humblement que je suis dans le top trois au monde avec Diaz et Danny Milano, un « cutman » établi au New Jersey. Il travaille notamment avec Paulie Malignaggi, Andre Berto, Antonio Tarver et Tomasz Adamek. En fait, cela démontre que c’est avant tout une question d’où tu es établi. Moi, j’habite dans le nord de l’État de New-York. Donc la ville de grandes réunions de boxe la plus près est Montréal. ZDB : Vous arrive t-il parfois d’être sollicité par d’autres boxeurs que ceux de Montréal? BM : Bien sûr. J’ai été sollicité par le groupe de Carl Froch pour son combat du 25 avril au Connecticut contre Jermain Taylor, mais je ne pourrai pas y aller. J’ai une excellente raison, c’est le mariage de ma fille ce soir-là! (rires) J’avais fait le combat de Vitaly Tsypko contre Jeff Lacy au Missouri en 2004. Et à l’époque, j’étais le promoteur et en même temps le soigneur de « Iron » Mike Tyson pour ses vingt-cinq premiers combats (1985-1986). Mais avec Tyson à ce moment-là, je n’avais pas beaucoup de travail à faire dans le coin! C’était plutôt les soigneurs de ses adversaires qui avaient du travail! ZDB : J’ai déjà entendu dire que vous aviez un gymnase de boxe à vous?

BM : Ce n’est pas exactement un gymnase. C’est plutôt un camp de boxe! Le Bob Miller Ranch! C’est une ferme avec plein d’animaux et un gymnase tout juste à coté. Les boxeurs viennent parfois s’y isoler pour des camps d’entraînement. Éric Lucas y venait souvent. Mon camp est situé à Altona, près de Plattsburgh.

ZDB : La boxe vous a probablement fait voyager partout dans le monde, n’est-ce pas? BM : La boxe m’a amené à peu près partout sur cette planète où il y a de la boxe. Pas seulement à titre de soigneur, mais aussi à titre d’entraîneur. Je crois qu’il serait moins long de vous dire les pays que je n’ai pas visités grâce à la boxe! ZDB : Merci Bob pour cet entretien. Nous vous souhaitons plein d’autres combats de championnats du monde, mais moins de soirées à la Dorin-Balbi I ! BM : Merci à vous. Ce fut un plaisir.

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« J’ai … la reconnaissance de la Boxing Writers Association of America »

Richard Cloutier, éditeur et chef de rubrique – Canada de netboxe.com.

La boxe et moi est une chronique où nous demandons à une personnalité du milieu de nous expliquer comment est née son histoire d’amour avec la boxe. Pour ce numéro-ci, nous avons l’histoire de Richard Cloutier, éditeur et chef de rubrique – Canada de netboxe.com.

LA BOXE ET MOI

Par Richard Cloutier J’étais au primaire lorsque j’ai eu mon premier contact avec la boxe. Avec un sac, pour être plus précis. Il était là, dans un coin du Boy’s Club, un genre de maison de jeunes que je fréquentais presque chaque jour après l’école. Je lui rendais visite avant même d’aller jouer à la table de mississipi. C’est tout dire. Pour autant que je me rappelle, j’ai toujours bien aimé la boxe. Depuis mon tout jeune âge. Mon père écoutait les combats à la télé lorsqu’il en avait l’occasion et je prenais le temps d’y jeter un coup d’œil moi aussi. Même quand j’étais au secondaire, alors que la mode était à la lutte et que les contacts de mon père au Forum me permettaient d’être installé « sur le bord du ring », je trouvais que ça ne valait pas la boxe. Que ça n’avait tellement rien à voir. Est-ce cela qui m’a finalement mené au gym de KO Marko tenu par Alex Hilton sur le boulevard Monk? Et plus tard, alors toujours sur le boulevard Monk mais un coin de rue plus loin, à celui de monsieur Hilton père? Quoi qu’il en soit, j’ai bien aimé renouer avec le sac et mettre les gants. Pour l’entraînement et le défi. Mais j’aimais trop m’amuser dans la vie et je n’avais surtout pas la discipline… La révélation, l’adrénaline par procuration, je les ai eues le 10 juillet 2001 lorsque Éric Lucas a passé le K.-O. à Glenn Catley. Et quel K.-O.! Bien sûr, il y avait eu Stéphane Ouellet contre Davey Hilton. J’avais aussi assisté à Hilton-Thobela. Mais Lucas, c’était autre chose. C’est ce qui m’a vraiment donné la piqure et fait constater à quel point la boxe pouvait être à la fois aussi irrésistible et inspirante. Même avec le recul, des combats comme celui mettant aux prises Arturo Gatti et

Joe Hutchinson, par-delà son caractère historique du fait qu’il demeure la seule présence en carrière de Gatti à Montréal, voire au Canada, a pris son sens en terme de cette performance. Toute la suite, je la dois donc à Éric Lucas. Depuis, j’ai assisté à des centaines de combats de boxe, dont plus d’une dizaine de combats de championnat du monde. Ça m’a mené à écrire une foule de reportages et à réaliser des dizaines

d’entrevues, le tout publié aussi bien au Canada et en Europe qu’aux États-Unis. J’ai même obtenu ma reconnaissance de la Boxing Writers Association of America. Tout un « hobby » pour un gars du milieu culturel qui a même, à une certaine époque, été éditeur d’un magazine littéraire. Surtout versé dans la création, ce n’est donc pas étonnant que la boxe en soit venue à inspirer mes écrits. Au point où un de mes textes ayant la boxe comme toile de fond s’est même retrouvé nominé en France dans un concours littéraire. Mais ce que je trouve aujourd’hui d’autant plus merveilleux, c’est que j’ai eu cette incroyable opportunité d’assister aux premiers pas professionnels d’un paquet de gars dont j’ai pu ensuite suivre en direct, depuis le bord du ring, le parcours franchement excitant. Parmi eux, Adrian Diaconu, Joachim Alcine, Jean-François Bergeron, Hermann NGoudjo, Sébastien Demers, Fathi Missaoui, David Cadieux, Lucian Bute, Jean Pascal, Antonin Décarie et combien d’autres. J’ai aussi eu la chance d’assister à des combats tantôt spectaculaires – je pense ici entres autres à Walid Smichet contre Gareth Sutherland en 2005 au Metropolis – tantôt marquants pour l’histoire de la boxe au Québec, comme Otis Grant

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« Mon meilleur combat à vie demeure probablement … Éric Lucas vs. Omar Sheika »

contre Librado Andrade en 2006 au Casino de Montréal. Sans compter tous ces boxeurs étrangers venus se battre ici, dont en 2001 l’Australien Anthony Mundine, avec qui j’ai pu discuter en marge d’un entraînement public tenu à l’Hippodrome de Montréal. Ou ces personnages plus grands que nature qui ont fait de la boxe ce qu’elle est aujourd’hui, tels que Lou Duva et le fameux Don King, qui m’a offert une entrevue l’été dernier.

Mais, à tout seigneur tout honneur, mon meilleur combat à vie demeure probablement celui qui a opposé Éric Lucas à Omar Sheika en 2002. Un combat pour le moins inspiré en ce qui me concerne et qui me ramène une fois de plus à ce besogneux acharné qui a fait sa place malgré l’adversité. Un homme inspirant qui sera d’ailleurs le sujet de mon premier livre dédié à la boxe, un ouvrage biographique à paraître sous peu aux Éditions Lidec. Comme quoi dans la vie comme dans la boxe, la passion peut être porteuse d’un étonnant parcours.

Richard Cloutier avec celui qui lui a définitivement donné la piqûre pour la boxe, Éric Lucas.

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Entrevue avec Benoît Roussel : juge de boxe professionnelle

C’est entre deux combats à juger lors du gala du 30 janvier au Centre Bell que nous avons intercepté Benoît Roussel pour une entrevue. Benoît venait de terminer le combat entre Ali Chebah et Cesar Soriano. Et avant que vous vous posiez la question, voici la réponse. Non, lui et moi n’avons aucun lien de parenté! Juste la même passion pour la boxe que nous nourrissons différemment. Par Pascal Roussel

Zone de Boxe : Benoît, avant de devenir un juge, as-tu été boxeur? Benoît Roussel : Oui, j’ai fait 21 combats chez les amateurs. J’ai terminé ma carrière avec une fiche de 16 victoires et 5 défaites. J’ai gagné les Gants dorés novice en 1980. J’ai déjà affronté Pasquale Procopio (lui aussi juge de boxe aujourd’hui) à trois reprises (une victoire et deux défaites). J’ai perdu mon dernier combat contre nul autre que Howard Grant. Je n’aurais pas dû accepter ce combat, mais je voulais voir ce que je pouvais faire contre un gars du calibre de Grant. J’en ai mangé une maudite! (rires)

Benoît Roussel, en coulisses du gala du 30 janvier au Centre Bell (photo Pascal Roussel)

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« Depuis janvier 2008, je me suis joint à l’IBF »

« Il y a toujours des distractions autour de nous»

ZDB : Comment es-tu devenu juge de boxe professionnelle? BR : Lorsque j’habitais à Hull, j’ai jugé une cinquantaine de combats amateurs. En 2002, j’ai été muté à Montréal. Je suis technicien en mouvement dans les Forces armées canadiennes. En regardant un combat, j’ai entendu le nom du juge Pasquale Procopio que j’avais déjà affronté en boxe amateur. Je me suis dit que s’il était devenu juge de boxe, je pouvais surement en faire autant. J’ai trouvé le numéro de la RACJ et joint Danielle Gagnon pour lui faire part de mon intérêt. J’ai alors suivi une formation. ZDB : Et cette formation consiste en quoi? BR : C’était un genre de clinique avec des juges et des aspirants-juges comme moi. Il y a notamment eu une séance vidéo avec trois combats complètement différents à juger. J’ai ensuite été invité à faire une formation plus concrète. Mario Latraverse a demandé à moi et à deux autres aspirants-juges de « nous exercer » lors de deux galas professionnels (ceux où Otis Grant a boxé Dingaan Thobela et où Lucas a combattu Danny Green). À la suite de ces tests, Robert Gay et moi avons été retenus. Et depuis janvier 2008, je me suis joint à l’IBF. J’ai maintenant mon accréditation d’officiel pour les combats de championnat du monde de cette association. (NDLR : Depuis ce temps, Benoît a jugé les deux défenses de titre de Lucian Bute au Centre Bell) ZDB : Ton premier combat à titre de juge s’est bien déroulé? BR : En fait, non, pas du tout! (rires) C’était le combat entre Greg Bazile et un dénommé Alejandro De Leon. J’avais mis Bazile gagnant 39-37, et les deux autres juges beaucoup plus expérimentés ont vu De Leon gagnant. Après le combat, Mario Latraverse est venu me dire que j’étais dans le champ! Pas très glorieux comme début! ZDB : Qu’est-ce qui est le plus difficile dans le travail de juge? BR : De rester concentré pendant trois minutes. Il y a toujours des distractions autour de nous comme les fans des boxeurs, les photographes et parfois des spectateurs un peu éméchés! Je me rappelle les galas au Club Soda. Nous n’étions assis que sur des tabourets près du ring, pratiquement dans la foule. Chaque fois que quelqu’un passait, nous recevions un coup! ZDB : As-tu déjà rendu une décision que tu regrettes?

BR : Pas vraiment. Peut-être des rounds parfois. Mais dans le feu de l’action, avec toutes ces distractions, ce n’est pas toujours évident. Nous sommes des humains après tout. ZDB : Les « ring girls » vous déconcentre, c’est ça…? BR : Jamais! (rires). Mais quand je ne juge pas le combat en cours et que je suis

tout de même assis près du ring, je ne me gêne pas pour regarder moi aussi! ZDB : Comment te sens-tu quand ta carte est complètement à l’opposé de celle des deux autres juges? Remets-tu ton jugement en doute? BR : Pas du tout. Dans ce temps-là, c’est les deux autres qui sont dans l’erreur. (rires) ZDB : Souvent les boxeurs ont des idoles. Les arbitres aussi. Y a-t-il des juges-vedettes? BR : Pas vraiment. En mai dernier, lors du congrès de l’IBF qui s’est déroulé à Hambourg, en Allemagne, j’ai assisté à une conférence du juge Steve Weisfeld. Il m’a donné l’impression d’un juge pertinent que les autres semblaient respecter. (NDLR : Weisfeld a jugé entre autres le combat Hopkins-Pavlik et le deuxième duel Abraham-Miranda. Il est aussi venu à Montréal pour le combat entre Lucian Bute et James Obede Toney)

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Benoît Roussel, concentré sur l’action lors du gala du 13 mars au centre Bell (photo Stéphane Lalonde)

ZDB : Les amateurs ont souvent l’impression que les juges de boxe, c’est un peu comme les curés. Ce sont tous des petits vieux! Y a-t-il une relève? BR : J’ai 45 ans. Procopio a le même âge que moi. Il n’y a que Robert Gay qui est plus jeune que nous. C’est vrai que les autres sont plus dans la soixantaine. ZDB : Le métier de juge de boxe professionnelle doit être ingrat. Si vous rendez une mauvaise décision, vous êtes dénigrés partout sur les forums. Mais si vous rendez une décision juste, personne ne remarque qui étaient les juges du combat. Ça doit être frustrant. BR : On ne fait pas ce métier pour la gloire. Mais c’est certain qu’on aime avoir une reconnaissance parfois. On peut souvent se faire accuser de favoritisme envers le boxeur local. Quand Procopio et moi avions donné la victoire à Dionisio Miranda sur Sébastien Demers alors que le juge de l’extérieur avait rendu une décision en faveur de Demers, on ne pouvait sûrement pas nous accuser d’avoir fait gagner le boxeur local. Un article avait paru à ce moment-là sur Eastsideboxing.com qui s’intitulait The Night the Judges Got it Right. Cet article disait que les deux juges locaux étaient restés objectifs et avaient fait leur boulot comme des professionnels. Et que la vidéo du combat devrait servir de référence afin de savoir comment juger un combat. C’est un commentaire que j’ai apprécié venant d’un journaliste américain.

ZDB : Quel a été le combat le plus palpitant que tu as jugé jusqu'à présent? BR : Ce n’est pas un combat en particulier, mais plutôt l’ensemble des combats qu’il y a eu sur les Starbox au Club Soda. C’était toujours des combats équilibrés où il fallait constamment être sur le qui-vive. ZDB : Tu es maintenant juge depuis près de cinq ans. Tu n’as pas encore jugé un combat à l’extérieur du Canada. Quelles sont tes ambitions? BR : Sortir! J’aimerais aller juger à Las Vegas, même si dans le milieu on dit que Las Vegas est une chasse bien gardée, qu’il y est difficile de s’y rendre. Le New Jersey, New York, l’Europe, partout! J’ai d’ailleurs reçu un appel hier : on m’a annoncé que je vais juger le combat de championnat de l’IBF des lourds-légers entre Tomasz Adamek et Johnathon Banks le 27 février au New Jersey et aussi le combat des légers entre Nate Campbell et Ali Funeka le 14 février.

ZDB : Le temps file, dernière question. Crois-tu qu’un round peut être jugé 10-10? BR : Ca me fait rager quand un juge donne une note de 10-10. Dans nos formations, on nous enseigne qu’un round qui se termine 10-10 est impossible. Il y a trop de critères d’évaluation qui entrent en ligne de compte pour qu’un round soit vraiment égal. Il y a quatre critères dont il faut tenir compte : la qualité des coups portés, l’agressivité, le contrôle du ring et la défensive. Si on a l’impression que le round semble nul, on regarde qui selon nous a gagné le premier critère, celui des coups portés. Si c’est encore égal à nos yeux, on passe au second critère et ainsi de suite. ZDB : Merci Benoît. Je ne veux pas t’inquiéter, mais n’est-ce pas l’hymne national pour le combat Décarie-Spivey qu’on entend? Benoît n’a pas eu le temps de répondre. Il est parti au pas de course pour ne pas être en retard pour ce combat qu’il devait juger!

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« En 2000… nommée meilleure boxeuse au Canada »

Danielle Bouchard avec l’arbitre Jean-Guy Brousseau à la suite de sa victoire sur Liliane Balles le 19 octobre 2007 au Centre Bell. (photo Stéphane Lalonde)

La page du boxeur

Par Danielle Bouchard Il était une fois une jeune fille qui vivait dans un beau et grand royaume, le Royaume du Saguenay. Elle était profondément attirée par un sport qui, à cette époque, était réservé aux hommes : la boxe. Son oncle, Jean-Marc Tremblay, alors président du château fort, le club de boxe olympique de Jonquière (CBOJ), incitait ses proches à s’impliquer au sein de la prestigieuse organisation. Le papa de la jeune fille, amateur de boxe, beau-frère du président, était représentant chez Coca-Cola. Fier commanditaire, il n’hésitait pas à appuyer le CBOJ, Par le fait même, il a initié toute la famille au bénévolat. Du montage de salle à la billetterie en passant par les moitié-moitié, la fillette faisait tout pour être près du ring. De plus, côtoyer les boxeurs, avoir un manteau aux couleurs du club était pour elle une fierté, elle faisait partie de la grande famille de la boxe! Dès l’âge de 13 ans, accompagnée d’une amie, elle passe à l’action. Deux mois d’entraînement dans ce milieu où la pratique n’était réservée qu’au sexe masculin ont suffi à décourager les deux pugilistes. Déçue temporairement du noble art, elle se tourna vers le basket-ball, le tennis, l’équitation, etc. Heureusement pour elle, son frère de cinq ans son cadet s’enrôla dans l’aventure extraordinaire de la compétition. Elle suivit sa carrière et parcourut villes, provinces et pays afin d’assister à ses performances. Elle rencontra sur son chemin les adeptes de ce sport qu’elle côtoie encore aujourd’hui : Abe Pervin, Bernard Barré, Sylvain Gagnon, Yvon Michel, Marc Seyer, Jim Girard, Russ Anber, Michel Desgagné, Joe et

Arturo Gatti, Michel Moffa, Pietro Napolitano, Pascal Procopio, Howard et Otis Grant. Sans le savoir, une partie de l’histoire s’écrivait sous ses yeux. Des champions en devenir boxaient année après année dans les murs de la polyvalente Kénogami. Ces tournois resteront à jamais gravés dans la mémoire des athlètes, des fans et des organisateurs. Lennox Lewis,

Egerton Marcus, Otis et Howard Grant, Stéphane Ouellet, Christian Gagnon, Victorio Salvatore, Marc Ménard, les Hilton, Raymond Downey et Tom Glesby ne représentent qu’une infime partie des cavaliers qu’elle a eu le privilège de voir évoluer, dans diverses compétitions et à différents moments. C’est au même moment qu’elle tomba sous le charme d’un prince charmant. En 1991, deux femmes déterminées, Jenny Reid, avocate, et Thérèse Robitaille, policière, marqueront l’histoire. Le premier combat féminin a lieu au Canada. Grâce à elles, Danielle sera des plus heureuses, elle commencera finalement sa carrière de boxe amateur en 1992. Les débuts furent difficiles. L’acceptation des femmes dans ce sport était à construire. Un premier combat contre une Américaine, une victoire, puis l’histoire d’amour et de passion commença et ne se termina jamais. Elle a fait partie des premiers gants d’argent, gants dorés et championnats canadiens. Une belle carrière amateur, 55 combats, quatre championnats canadiens victorieux, des tournois internationaux, les débuts de l’équipe nationale féminine. En 2000, elle fut nommée meilleure boxeuse au Canada. Arrive le moment fatidique, après une victoire au tournoi Ringside, au Kansas, le 2 septembre 2001. Danielle a 34 ans. Elle signe alors la fin de son règne amateur. Les premiers championnats du monde féminin ont lieu en Pennsylvanie en novembre. À ce moment-là, Danielle, première au classement mondial chez les 54 kg, reçoit la nouvelle de Boxe Canada

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« Boxer devant 14000 spectateurs était inoubliable »

Danielle se préparant à son combat pour le titre WBC international le 30 novembre 2007 à Drummondville. (photo Pascal Roussel)

qu’elle ne pouvait y participer puisqu’elle avait 34 ans, âge limite lui permettant de boxer selon la réglementation de l’Association internationale de boxe amateur. Une déception, une injustice qui la hante encore aujourd’hui.

Toujours aussi passionnée, elle décida donc de devenir boxeuse professionnelle au grand désarroi de ses proches. Elle fit ses débuts professionnels dans la forteresse du Centre Bell en septembre 2002. Pour cette occasion, Danielle portait un costume bleu et or, une nouvelle coiffure, elle était prête pour le grand bal. Un K.-O. contre une adversaire de moindre expérience mais une sensation qu’elle n’oubliera pas. Ce fut encore une fois un parcours semé d’embûches. Trois combats en 2 ans, difficile de s’entraîner chaque jour, d’être enseignante à temps plein et de vivre de l’espoir de se battre. Rappelons-nous qu’à cette époque, il y avait très peu de boxe professionnelle à Montréal. Persévérante et entêtée, la princesse s’accrocha à son rêve, devenir championne du monde. Petit à petit, elle prendra de l’expérience pour finalement avoir accès à la ceinture WBC internationale. Un grand pas, un couronnement pour elle puisque ce combat lui permettra de grimper au classement mondial et d’obtenir un combat de championnat du monde de la WBA en Argentine en juillet 2008. Son prince charmant avait monté la garde. Du haut de sa tour d’ivoire, elle percevait enfin la réalisation de son rêve.

La semaine qui précéda le combat fut mémorable. Accompagnée de ses entraîneurs, Pierre, son fidèle chevalier, et du dévoué Crinu, Danielle eut droit au traitement royal. La bonne humeur et l’esprit d’équipe étaient au rendez-vous. Des messages d’encouragements lui donnèrent une belle confiance.

Son adversaire, aujourd’hui championne unifiée de la WBA et du WBC, était coriace et beaucoup plus expérimentée. Marcela « Tigresa » Acuna remporta une décision unanime sur la Québécoise. La Tigresa, championne du monde depuis 2006, est à Buenos Aires une grande vedette. Son affiche se retrouvait partout dans la ville. Toutefois, Danielle a apprécié chacun des moments vécus dans ce périple. Boxer devant 14 000 spectateurs était inoubliable. Malheureusement, le carrosse s’est transformé en citrouille. Déception. Avec le recul, Danielle accepte la défaite et est capable de voir tout le chemin parcouru afin d’arriver à la réalisation d’une partie de son rêve. Toutefois, elle ne sera jamais couronnée reine. À son retour, elle dut prendre une décision en ce qui concerne son avenir. Une réflexion difficile puisque la femme de cœur demeurait toujours aussi passionnée et continuait de mettre les gants et de s’entraîner. À l’instar de sa bonne amie Nataly Lacombe qui après sa carrière de boxeuse est devenue officielle et arbitre, Danielle pensa à devenir entraîneur. Une belle opportunité s’offrait à elle. Nathalie Forget, une amie avec laquelle elle s’est entraînée pendant quelques années, mit fin à une fulgurante carrière amateur et devint boxeuse professionnelle. Elle demanda à Danielle de travailler dans son coin. Une belle aventure commence donc pour Danielle. De nouvelles émotions, des perspectives différentes, le début d’un voyage enrichissant. Elle se laisse maintenant porter par la vague pour découvrir d’autres horizons. De plus, chers lecteurs, les aventures de notre princesse sont loin d’être terminées. Vous n’êtes pas sans vous douter que son prince charmant est toujours à ses côtés. Ils partagent la même passion et se dévouent à ce sport, la boxe, jour après jour. Aujourd’hui, ils vivent heureux et …

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Librado Andrade, le challenger qui veut terminer ce qu’il a manqué de temps pour accomplir lors du premier duel. (photo Stéphane Lalonde)

L’idée d’écrire des combats virtuels entre deux boxeurs ne vient pas de nous. Cet exercice a été réalisé par plusieurs auteurs partout dans le monde. Au Québec, Marc Ranger en a déjà réalisé plusieurs sur le site Web de RDS. Nous n’en pouvions plus d’attendre. Le premier duel entre ces deux boxeurs avait tellement fait couler d’encre en raison de la fin controversée (à tort ou à raison). Voici donc comment nous entrevoyons cette revanche si elle a lieu un jour. Bonne lecture!

Combat Andrade-Bute II

Par Éric Breton et Jonathan Dion Mardi 3 novembre 2009 : la conférence de presse À quelques jours d’un des combats les plus attendus de la décennie sur la scène québécoise, l’engouement est palpable à l’intérieur de la Cage aux Sports du centre Bell. Malgré la présence d’un juge neutre pour le combat de cette fin de semaine, le clan Andrade ne manque pas de revenir constamment sur les éléments controversés du premier affrontement. En dépit des politesses que se font les deux boxeurs, le ton a monté entre les deux groupes. Howard Grant n’a pas manqué de mettre vivement en doute les capacités de Bute. « Ce sont eux qui refusent d’admettre la réalité, s’est-il exclamé. Bute n’a pas voulu en faire trop pour son public. Il a simplement manqué d’énergie. Bien avant le 12e engagement, sa faible résistance a été mise au grand jour par l’acharnement et l’accumulation des coups de puissance de Librado. Ils le savent et ils ne pourront compter cette fois-ci sur un arbitre qui va lui donner autant de chances de

récupérer. Je vous garantis qu’il va se faire ébranler plus rapidement et ira au plancher plus tôt dans le combat. » Pour sa part, le représentant de Golden Boy Promotions – David Itskowitch – s’est surtout fait remarquer en mettant de l’huile sur le feu : « Ils savaient très bien à quoi s’attendre avec cet arbitre local qui bâtissait sa carrière en parallèle à leur organisation… et il avait fait honte à notre sport bien avant son favoritisme des dernières secondes. » À l’autre bout de la table, l’arrogance et les sous-entendus d’Itskowitch n’ont pas été acceptés. « Pour un gars qui n’a même pas l’envergure d’un vendeur de chaussures, il s’en permet pas mal trop », a répliqué Stéphan Larouche. Après avoir promis une domination plus claire, qui ne laissera aucun doute, Bute et son entourage ont précipitamment quitté la tribune. On a quand même pu voir un aperçu de la concentration et de la détermination de Bute à faire

taire les doutes qui subsistent à son sujet depuis la soirée du 24 octobre 2008. De l’autre coté, il est indéniable que le boxeur d’origine mexicaine a grandement gagné en confiance en ses capacités

par rapport à Bute depuis ce temps. La guerre psychologique a monté en intensité, la confiance de Bute a durement été attaquée. Voilà où se situe la plus grande part du défi que doit relever le favori de la foule montréalaise.

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Bute et Larouche. Un duo aux grandes ambitions. (photo Stéphane Lalonde)

Vendredi 6 novembre 2009 : la pesée Les deux boxeurs viennent de se conformer à la limite de poids sans problème, soit 167,8 et 167,5 livres pour Bute et Andrade, respectivement. Stéphan Larouche n’a pas manqué de mentionner, devant l’entourage d’Andrade, que les officiels seront avertis de bien porter attention à la hauteur de la culotte du Mexicain pour ne pas répéter l’avantage dont il a profité sur ce plan face à Bute. Stéphan Larouche a mentionné certains des aspects de leur stratégie. « Lucian devra mieux doser ses énergies, a-t-il expliqué, moins s’épuiser à accrocher et ne pas en faire trop quand le round est déjà dans la poche. Mais la ligne est mince. Tu dois rester bien actif pour contrer la pression d’un taureau comme Andrade. Là-dessus, Lucian a bien travaillé son jab à l’entraînement et devra utiliser davantage son direct de la gauche en contre comme il le faisait en début de combat. » Les bases de la stratégie de Bute ne devraient toutefois pas différer de celles du premier combat, soit contre-attaquer davantage autour du jab qu’à l’habitude, bien utiliser toute la surface du ring et compter sur un jeu de pieds à son mieux. Bute avait excellé sur ce dernier point, mais on ne peut pas en dire autant des deux autres alors que Bute n’a jamais pu installer son jab autant qu’il le voulait et qu’Andrade l’emmenait où il le voulait trop souvent dans le combat. Bute a affirmé qu’Andrade serait quand même difficile à atteindre au corps et qu’il souhaitait revenir à ses combinaisons corps-tête, comme on a vu un peu plus tôt dans sa carrière, et mieux faire à l’intérieur « comme vous avez pu voir contre Zuniga ». Howard Grant est bien conscient des faiblesses de Bute à ce chapitre, qu’il associe à un manque de confiance dû à sa faible résistance : « Librado va être encore plus physique et incisif à l’intérieur tôt dans le combat, a-t-il annoncé. Bute était incapable de bien contre-attaquer à courte distance et se contentait d’accrocher. » Samedi 7 novembre 2009 : le combat À quelques minutes de l’entrée des deux boxeurs, les gradins du centre Bell semblent remplis à pleine capacité. On anticipait une foule d’environ vingt mille personnes. Comme à l’habitude, la foule réagit fortement quand son favori apparaît sur les écrans. Les gens présents au centre Bell auront droit à une finale inattendue, gracieuseté du réseau américain Showtime. En effet, la finale de ce soir opposera le Danois Mikkel Kessler et l’Américain Andre Dirrell. En cas de victoire de Bute lors de la demi-finale de la soirée, tout indique que le réseau américain financera un duel au sommet chez les super-moyens entre lui et le gagnant du combat principal. La confiance et la concentration caractérisent l’entrée sur le ring des deux boxeurs. Sans surprise, on peut entendre que Librado Andrade a gagné le respect de la foule montréalaise et y trouve maintenant sa part d’appuis. Les dernières directives données, il ne reste que les deux boxeurs et l’arbitre qui attend le signal au centre du ring. L’enthousiasme et la tension sont à leur comble dans l’amphithéâtre. Round 1 Ça y est. Bute/Andrade II est maintenant réel. Le challenger paraît très énergique avec des mouvements saccadés de la tête. Lucian lance la première combinaison, un double jab dont le premier touche les gants et le second atteint son adversaire directement au visage. Déjà le challenger baisse les mains quelque peu tout en balançant son corps de gauche à droite. Lucian en profite pour y aller d’une attaque identique. Deux jabs qui touchent la cible. Librado bloque partiellement en remontant ses gants. Lucian recule et se réinstalle en travaillant cette fois avec des séries de deux ou trois jabs. Librado reste là sans trop se déplacer. Il lance à quelques reprises des jabs rapides, dont la plupart sont bloqués par Lucian, et se contente de monter la garde à la venue des courtes séries du champion pour aussitôt rebaisser les poings comme pour indiquer à Lucian « Vas-y mon gars, ça n’a pas fonctionné la dernière fois, alors… ».

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Percutante gauche de Bute sur Andrade au deuxième round. (photo Stéphane Lalonde)

10-9 Bute Round 2 C’est encore le challenger qui rejoint le centre du ring le premier. Lucian s’approche, puis Andrade feint un crochet de gauche et décoche une percutante droite qui touche Lucian. Le challenger poursuit le champion avec plusieurs une-deux. Lucian, près des câbles, est en mode défensif et esquive bien les charges portées contre lui. Le champion se permet même une esquive de côté pour revenir avec un uppercut de la droite et un superbe direct du gauche qui touchent tous les deux la cible. Le challenger n’a eu le temps que de se fermer les yeux. Toutefois, c’est lui qui revient rapidement avec deux jabs, mais Lucian termine sa puissante offensive en esquivant la réplique de son opposant. Lucian sort des câbles en se redressant et en appliquant deux séries de jabs très précises. Librado continue à le poursuivre, mais le champion décoche de courtes séries et sort de l’axe de frappe d’Andrade. Le challenger est donc imparfait dans l’application de son plan en début de combat. 10-9 Bute Round 3 Bute est positionné au centre du ring. Il commence à bouger davantage la tête et les poings de bas en haut et décoche des attaques rapides. Librado est très souvent touché par le premier coup mais profite d’une bonne garde des deux côtés de la tête. Lucian tente une offensive au corps en s’abaissant mais le challenger lui applique un court crochet de la droite. Le champion perd pied et doit accrocher pour ne pas tomber. Librado lui applique une droite derrière la tête. L’arbitre s’interpose. À la reprise, Andrade décoche trois jabs de suite. Lucian réplique avec des séries gauche/droite, mais le challenger poursuit sa marche et amorce une attaque puissante au corps. Lucian se retrouve dans les câbles et son adversaire met de la pression avec de puissants crochets au corps. Lucian réplique avec plusieurs petits uppercuts des deux mains. Le challenger réussit à passer au-dessus de la garde du champion avec un très large crochet. Lucian se cache derrière ses gants et Librado poursuit avec acharnement autant au corps qu’à la tête. Lucian reçoit plusieurs coups sur les gants, mais son adversaire l’a touché à quelques reprises. Librado applique une solide droite venue de nulle part au menton de Lucian et le champion s’écroule au sol assis sur ses talons. Les genoux ont lâché! L’arbitre commence son compte et, cette fois-ci, le challenger respecte les consignes, reculant dans le coin opposé. Au compte de 5 Lucian est à genoux, 6 ,7, 8… Bute est debout. Dès la reprise, le challenger passe en mode finition avec l’instinct du fauve. Lucian est en mode survie et place les mains de chaque côté de la tête. Il essuie de terribles rafales de coups, des crochets, des combinaisons, tout y passe. Lucian réussit tant bien que mal à bouger le haut du corps et à s’approcher d’Andrade pour finalement s’accrocher à lui. Un autre arrêt est provoqué par l’arbitre. Le champion sort des câbles. Les deux hommes échangent coup pour coup au centre du ring. Lucian semble reprendre ses sens et lance plusieurs coups qui ne touchent pas beaucoup la cible car Librado lance toutes sortes de combinaisons. Librado a terminé très fort et retourne dans son coin les bras en l’air. 10- 8 Andrade Dans le coin du champion, Larouche s’adresse à Lucian :

- Wow! Ça a passé proche… mais là on est revenu. T’es O.K. champion. - Lucian répond; je vais O.K. coach… - Là là… va falloir qu’on passe aux choses sérieuses. Ça fait deux fois qu’il te pince avec sa droite. T’as boxé trop

face à lui dans ce round. Reviens en angle et puis… Bang! Bang! Bang pis tu sors de là! Lucian fait signe qu’il a compris.

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Crochet de la droite bien placé par Bute au cinquième round. (photo Stéphane Lalonde)

Round 4 Encore une fois, Andrade est au centre avant Bute. C’est le challenger qui reprend les hostilités avec une série jab/droite. Lucian esquive et accroche. Librado applique une percutante droite à la tempe qui fait mal à Lucian. L’arbitre s’interpose de nouveau pour séparer les deux boxeurs. Le challenger continue d’appliquer de la pression avec plusieurs séries jab/jab/crochet de la gauche/droite. Lucian boxe à reculons et se retrouve le dos aux câbles beaucoup trop souvent au goût de son entraîneur. Andrade connaît de très bons moments en plaçant plusieurs bonnes combinaisons au corps. Lorsque le champion rapproche ses coudes de ses côtes, Andrade le lui fait payer avec de très bons directs des deux mains. Lucian commence à éprouver quelques ennuis car, après les charges de son adversaire, il demeure adossé aux câbles. Stéphane Larouche qui est juste au-dessous d’eux lance à son boxeur : « Sors de là Lucian, uppercut… uppercut. » Le champion tente une réplique, mais le challenger esquive et lui passe un superbe uppercut de la droite suivi d’un crochet de gauche. Lucian est solidement atteint et il en perd son protecteur buccal. Il monte sa garde et Andrade continue de plus belle. Les câbles supportent maintenant Bute qui porte les mains très hautes. Les attaques de Librado sont très puissantes et le champion s’affaisse avec un genou au sol. L’arbitre se rend jusqu'à 8 et Bute se relève, au grand soulagement de la foule et monte les gants pour indiquer qu’il est prêt à continuer. Mais il demeure près des câbles. La condition physique de Lucian est très sérieusement testée jusqu’à la fin du round. Le champion demeure passif, cherchant surtout à esquiver les charges portées contre lui, et tente de repousser son adversaire. Il réussit à placer quelques bons coups vers la fin du round, mais Librado est rapide pour remonter sa garde et sort très fort psychologiquement de ce round. 10-8 Andrade

Round 5 Stéphane Larouche n’a pas aimé ce qu’il a vu. « Si tu laisses ce gars boxer, hurle-t-il, il va finir par t’étendre. La moitié du combat approche et je veux qu’on passe au plan de match 6 à 12! C’est pas le temps de ramollir. Es-tu prêt là? Parce que lui y va y aller. Il le sait qu’il t’a fait mal. Prouve-lui que c’est toi le champion. On est tous là pour toi Lucian. Laisse aller tes mains… pis bouge… bouge! » Lucian sort du coin confiant grâce aux consignes de son entraîneur. Il s’installe au centre du ring et décoche rapidement une série de deux jabs partiellement bloqués par Andrade qui fonce sur lui avec des directs de la gauche et de la droite. Lucian esquive bien de côté et reviens avec un double jab d’abord à la tête et ensuite au corps. Librado tente un uppercut de la gauche, mais Lucian lui sert une courte et précise série gauche/droite/gauche/droite. Le challenger réplique en touchant la cible avec un jab mais passe dans le vide avec son crochet. Lucian a fait un pas à reculons et revient avec une combinaison de trois coups jab/droite/uppercut au corps. Librado encaisse bien les coups et lance une série de plusieurs combinaisons des deux mains. Le champion recule un peu trop et se retrouve sur les talons. Librado enchaîne avec un très bon crochet au corps et

remonte à la tête. Lucian porte les mains très hautes et le challenger y va encore de très bons moments, pourchassant le champion qui longe les câbles. Lucian, plus rapide à se réinstaller, revient avec une rapide combinaison au visage, esquive la réplique de son adversaire et porte un solide crochet de la droite. Andrade reprend rapidement ses esprits et tente un puissant crochet qui rate la cible. Lucian enchaîne gauche/droite, déplacement de côté et gauche/droite encore. Les coups ne touchent pas tous la cible, mais le champion lance des coups solides et tient son adversaire à distance. Un percutant uppercut de la droite, préparé par une double main gauche et suivi d’un crochet, ébranle Andrade. Lucian prend avantage en ce qui a trait au volume de coups donnés et à la précision des attaques portées. Le challenger réplique à chaque charge de Bute et le champion demeure très prudent en portant la garde haute. 10-9 Bute

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Round 6 Lucian commence le round comme il a terminé le dernier. Il bouge de mieux en mieux et paraît de plus en plus fluide dans ses attaques. Il place plusieurs jabs, trois ou quatre à la fois. Le challenger doit placer les mains hautes car les coups sont très rapides. Lucian ressent toujours la pression que Librado applique, mais il ne fait plus face à son adversaire et varie davantage ses combinaisons et surtout la façon dont il les déclenche. Andrade semble un peu frustré et tente de lancer des combinaisons, mais il amorce ses attaques en baissant les mains et Lucian lui en met plein la vue au beau milieu du ring. La foule se lève d’un coup. La machine Bute est repartie. Il termine ses attaques avec de très solides uppercuts au visage. Revirement de situation important. La tête du challenger part dans toutes les directions. Il tente de poursuivre sa marche sur Lucian mais le champion, tel que son entraîneur le lui a demandé, termine ses assauts en sortant de l’axe de frappe de son adversaire. Lucian laisse enfin la fluidité de ses mains faire le travail. La foule l’appuie bruyamment et Lucian en remet en finissant le round en force, au moment où son adversaire se retrouve pour une très rare fois de dos aux câbles. La foule est rassurée pour l’instant. Mais tout le monde sait que Librado peut mettre fin au combat rapidement. Très bon round pour Lucian. 10-9 Bute Round 7 Les deux boxeurs au centre du ring portent la garde haute. L’attitude de début de combat du challenger a changé avec le nombre de coups solides qui l’ont touché au dernier round. Il reconnaît maintenant l’incroyable rapidité de son adversaire. Lucian décoche les deux tiers du temps les premiers coups lors des échanges. Même s’il est souvent touché, Andrade n’a qu’une direction, vers l’avant. Lucian sort gagnant la majorité du temps avec des coups explosifs et démontre de plus en plus de créativité. Le challenger tente de se rabaisser un peu pour offrir moins de cible et Lucian réagit en reculant encore à la fin de ses attaques forçant son adversaire à se déplacer vers l’avant donc à remonter son centre de gravité. Lucian applique de merveilleuses combinaisons. Certaines sont terminées avec plus de puissance que d’autres et Andrade ne sait plus d’où les attaques viennent. Parfois, le champion réussit à placer une dizaine de coups avant qu’Andrade puisse répliquer. Tout un round de Bute. 10-9 Bute Round 8 Lucian reprend le boulot là où il l’avait laissé. Jab/jab, recule, bouge le haut du corps, revient avec des séries de deux coups et recule de nouveau. Il abaisse son centre de gravité tout en bougeant la tête et esquive les jabs envoyés par Andrade. Lucian est très énergique, boxe de côté, varie beaucoup ses attaques et place de bons uppercuts au visage. Librado commence à montrer passablement d’enflure au visage. Il tente de répliquer mais ne réussit qu’à fendre l’air. À plusieurs reprises, il accroche un peu et applique quelques coups au corps durant ce temps, mais quand les hostilités reprennent, Lucian ne reste jamais très longtemps devant lui. Librado tente un large crochet de la droite que Lucian esquive et le challenger se retrouve de dos au champion qui le poursuit. Andrade monte sa garde pendant que Lucian lui sert toute une droite au visage. Le challenger est dans les câbles et Bute le bombarde avec de très rapides combinaisons variées et précises. Il parvient également à placer quelques bons crochets au corps. Librado en a plein les bras et accroche. La foule du Centre Bell est debout et encourage son champion. À la reprise, Librado se lance sur Lucian en le bousculant et en appliquant de très puissants crochets des deux mains. Lucian doit lever les mains et il est atteint aux côtes. Le challenger tente de poursuivre avec un crochet de gauche au visage. Lucian esquive. Librado se retrouve sur le bout des pieds et le champion lui lance un incroyable crochet directement au menton. Andrade perd l’équilibre vers l’arrière tout en levant les mains. Bute le poursuit jusque dans les câbles et dirige plus d’une douzaine de coups pendant que son adversaire essaie d’éviter cette rafale. Mais rien à faire. Lucian fait un pas à reculons pour laisser Andrade en faire un d’avant. Un puissant uppercut de la droite renvoie le challenger dans les câbles. Le champion reprend avec un bon jab et un autre uppercut de la droite. Lucian recule et revient en force avec des attaques droite/droite/jab/direct puissant de la droite, puis sort de l’axe. Il tire avantage des échanges avec une précision incroyable et une créativité à laquelle le challenger ne sait plus comment réagir. Librado ne tombe pas, mais il est sérieusement ébranlé. Lucian, gérant ses réserves, cesse son attaque et se replace au centre du ring. Lucian bouge bien et y va de combinaisons de trois ou quatre coups, le dernier de chaque série finissant par toucher Andrade qui a le visage de plus en plus abîmé. 10-9 Bute

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Et toujours champion du monde de la IBF, Lucian Bute. (photo Stéphane Lalonde)

Round 9 Début de round précis pour le champion qui s’installe au centre du ring et travaille son jab avec précision. Toujours avec une posture l’amenant à se déplacer vers l’avant, Andrade est régulièrement touché, mais tient bon. Lucian travaille bien en combinaison. Le challenger tente par tous les moyens d’esquiver les charges rapides qui sont lancées contre lui. Il bouge la tête et le haut du corps des deux côtés en essayant des attaques erratiques avec des coups larges. Lucian applique bien ses coups et recule de côté. Librado amorce une attaque avec deux directs de la droite qui fendent l’air, mais Lucian a effectué un pas en arrière et se retrouve aux câbles. Librado en profite pour lui appliquer un très bon crochet au corps. Lucian absorbe douloureusement le coup et le challenger poursuit avec une charge féroce des deux mains et touche la cible à la tête. Lucian lève la garde et reçoit plusieurs bons coups sur les gants. Andrade abaisse son centre de gravité et cherche à travailler au corps. Bute se tourne de côté, ce qui amène le challenger à revenir à la tête pour poursuivre ses attaques. Lucian esquive un crochet de droite et sort des câbles. Andrade a à peine le temps de se replacer que le champion lui lance une combinaison jab/droite qui le fait reculer. Lucian le poursuit avec une droite percutante. Le challenger est dans le coin et le champion touche très solidement la cible avec un puissant uppercut préparé par une gauche parfaite. Crochet de la gauche, direct de la droite, direct de la gauche et direct de la droite : Andrade met un genou au sol. Il est certain qu’il n’entendra pas l’arbitre compter tellement la foule se manifeste bruyamment. Librado a vraiment toute une résistance car il se relève au compte de 8. L’arbitre prend les gants du challenger et annonce la poursuite du combat. Lucian ne perd pas de temps et essaie de venir à bout de l’incroyable ténacité de son adversaire. Lucian est déchaîné et Andrade ne peut que tenter de bloquer les coups avec ses gants. Stéphane Larouche remarque qu’il ne reste que quelques secondes au round et espère qu’Andrade va céder. Mais finalement le round se termine et le challenger est toujours debout. 10-8 Bute C’est de plus en plus difficile pour le soigneur de Librado de faire diminuer l’enflure. Librado ne coupe pas, mais, à ce stade du combat, il a les deux yeux pratiquement fermés. Howard Grant indique à Andrade qu’il en a assez vu et que le combat devrait être arrêté. Cela fait plusieurs minutes que Librado est dans le pétrin. De plus, l’enflure grandissante l’empêche de répliquer. Force est de constater que cette fois-ci Lucian est trop rapide et énergique encore pour penser de lui servir le même coup qu’au mois d’octobre dernier. Les frères Grant font signe à l’arbitre pour l’aviser que Librado Andrade ne ressortira pas du coin. Au grand plaisir de la foule, l’arbitre annonce en sortant du coin du challenger que le combat est terminé.

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Harry Simon lorsqu’il était champion de la WBO chez les 154 livres. (Photo boxrec.com)

Si j’étais… Harry Simon

Par Vincent Morin

Voici la deuxième édition de Si j’étais. Cette fois, j’ai pensé vous faire découvrir un athlète qui, malgré un potentiel immense, n’a pu faire avancer sa carrière comme prévu. Voici donc… Si j’étais Harry Simon (24-0, 17 K.-O).

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Qui est Harry Simon?

Harry « The Terminator » Simon est un pugiliste combatif originaire de Walvis Bay en Namibie, un pays désertique de l’Afrique de l’Ouest.

Après une fructueuse carrière amateur où il a cumulé une impressionnante fiche de 271-2, dont une médaille d’or au Championnat d’Afrique (67 kg) en 1991 au Caire, en Égypte, ainsi qu’une participation aux Jeux olympiques de 1992 à Barcelone (défaite au premier tour à 67 kg, 13-11 face à Anibal Acevedo de Porto Rico), Simon avait pris une pause de deux ans avant de débuter chez les professionnels.

« The Terminator » a donc fait ses débuts professionnels en Afrique du Sud à l’âge de 22 ans. Après neuf combats sur le continent africain, il disputa ses sept duels suivants en Grande-Bretagne (Angleterre et Irlande). Il affronta des adversaires plutôt modestes, avec des fiches médiocres ou gonflées avant d’avoir un vrai test, en Afrique du Sud, face à un combattant des ligues majeures, Ronald « Winky » Wright (38-1, 23 K.-O.), dans un combat de championnat du monde WBO des poids super-mi-moyens (154 livres). Il a battu Wright par décision majoritaire pour devenir champion du monde, en août 1998. Ce fut d’ailleurs son seul combat en 1998.

Il a défendu ce titre quatre fois, contre une opposition ordinaire. Il n’a combattu qu’une seule fois en 1999 et deux fois en 2000, où il a visité le Canada, au Casino Rama. Simon avait effectué en Ontario la troisième défense de son titre en septembre 2000, face à l’Américain Rodney Jones. Il avait remporté ce combat par décision majoritaire, dans une des cartes les plus intéressantes présentées au Canada (présence de Simon, d’Acelino Freitas, de Zahir Raheem, de Billy Irwin et d’Ebo Elder).

En 2001, après sa quatrième défense de titre face à Wayne Alexander (15-0, 13 K.-O.), Simon a monté chez les poids moyens (160 livres), où il a vaincu le Français Hacine Cherifi (32-5, 20 K.-O.) à Porto Rico, par décision unanime pour le titre intérim de la WBO des moyens. Il a conquit le titre régulier de la WBO sur le Suédois Armand Kranjc (26-0, 19 K.-O.) par décision unanime, à Copenhague au Danemark.

C’est par la suite que tout s’est joué…

En novembre 2002, Simon, alors de retour dans sa Namibie natale, fait le fou au volant de sa rutilante Mercedes. Le résultat : trois touristes belges décédés (un couple et leur bébé). Simon avait déjà été impliqué dans un autre accident mortel, où deux personnes avaient rendu l’âme.

Simon a été déclaré coupable d’homicide involontaire et a purgé cinq ans de prison, de 2002 à 2007. De retour sur le ring après une absence de cinq ans, le 3 mars 2007, il obtient une décision unanime en huit rounds sur un jeune combattant africain, Stephen Nzuemba (6-0, 3 K.-O.). Le journal « Le Namibien » avait déclaré que la performance de Simon laissait à désirer car il semblait peu en forme… C’était la dernière fois qu’on le verrait sur un ring.

Simon est retourné en prison pour une période de deux ans, le 9 juillet 2007, après avoir perdu son appel pour sa condamnation de 2005. Simon n’avait appelé aucun témoin et manifesté aucun désir de défendre sa cause… avait-il seulement un avocat?

Si j’étais Harry Simon… je partirais d’Afrique Logiquement, Harry Simon devrait sortir de prison le 9 juillet 2009. Il aura alors 37 ans, lui qui est né en 1972. Les boxeurs des pays qui ont connu l’Apartheid (Afrique du Sud, Zimbabwe et Namibie) sont des durs à cuire qui ont eu une vie excessivement difficile. Simon est un dur à cuire puissant et surdoué. Lui qui avait de grandes ambitions, qui avait défié Felix Trinidad lors de son passage à Porto Rico (face à Cherifi), qui avait appelé Oscar De La Hoya pour ravoir son titre WBO et même Bernard Hopkins, lors d’une entrevue, afin d’unifier les titres, doit repartir de loin. La première chose qu’il devra faire en sortant de l’ombre, c’est de se remettre en forme et de quitter l’Afrique.

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Un talent phénoménal à la base, Simon, qui a une force de frappe démesurée pour son poids, peut encore songer combattre à un haut niveau, sachant que la dernière chose qui disparaît d’un pugiliste est la puissance. En Afrique, il revivra l’amertume des deux accidents tous les jours, ce qui ne l’aidera pas tellement à lui redonner l’œil du tigre. Comme il a combattu en Angleterre et au Canada, il serait profitable pour lui de s’associer à un promoteur connu, du moins demander un essai. Peut-être que GYM ou InterBox pourrait lui donner un combat d’essai? Si j’étais Harry Simon… je m’associerais aux bonnes personnes Quant à son retour, Simon devrait bien s’entourer. Combattre n’importe où, n’importe quand, avoir une gestion déficiente, de la difficulté à trouver des combats, prendre deux ans avant de monter sur les rings professionnels après avoir combattu aux Jeux olympiques et assurer soi-même sa défense au tribunal dans un cas d’homicide prouvent hors de tout doute que le Namibien était mal entouré… et tout simplement seul quant aux décisions importantes dans sa vie. Avec le groupe GYM, par exemple, Simon pourrait combattre en sous-carte avec par exemple Julien Marie Sainte (Eurosport, France) ou Tony Booth (Hennessy, Angleterre) et remporter un duel tout en se donnant une visibilité. C’est ce qu’un promoteur intelligent peut amener à un combattant. Peut-être que tout ça pourrait le mener à un duel avec Walid Smichet et éventuellement Sébastien Demers pour un quelconque titre? Ou faire revenir à Montréal le conquérant de Demers, Dionisio Miranda? Du côté d’InterBox, Simon pourrait toujours affronter un Paul Clavette au Centre Bell, question de se faire connaître et par la suite mousser un combat avec Renan Saint-Juste pour un titre régional? Avant tout, il est question de confiance. Simon doit s’entraîner régulièrement, mettre les gants et faire des rounds pour enlever cette rouille que les barreaux de la prison ont construite au fil des ans chez le Namibien. Il faudra le suivre de près et s’assurer qu’il s’entraîne sous bonne supervision, lui qui était entraîné par l’ancien champion mondial des super-plumes sud-africain, Brian Mitchell, intronisé au Boxing Hall of Fame, à Canastota dans l’état de New York. Stéphan Larouche, Howard Grant, Mike Moffa ou Russ Anber seraient les candidats idéals. Seul un entraîneur réputé pourra maîtriser et se faire respecter d’un tel animal. L’adversaire idéal pour lui redonner confiance serait Anibal Acevedo. Acevedo (13-7-1, 11 K.-O.) avait battu Simon par décision très serrée aux Jeux olympiques de 1992 à Barcelone. Comme le Porto Ricain connaît une carrière professionnelle très ordinaire et qu’il est au bout du rouleau (quatre défaites à ses quatre derniers combats), il serait parfait pour motiver Simon à s’entraîner pour venger sa défaite olympique. Si j’étais Harry Simon… j’oublierais les voitures! Oublier…tel est le mot. Oublier le passé, oublier la prison et surtout, oublier les voitures!

Si Simon est un surdoué dans le ring, il en est tout autrement de son talent à conduire un véhicule... il ne sait pas conduire!

En fait, Simon est tellement dangereux au volant que le groupe de promotion qui l’accueillerait devrait lui payer une passe de métro permanente et s’assurer que jamais il n’obtienne un quelconque permis de conduire… ne serait-ce qu’un kart de golf!

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CLASSEMENTS INTERNATIONNAUX (MARS 2009)

LOURDS (+ 200 livres) 1. Wladimir Klitschko 2. Vitali Klitschko 3. Ruslan Chagaev 4. Samuel Peter 5. David Haye 6. Alexander Povetkin 7. Juan Carlos Gomez 8. Nicolay Valuev 9. Oleg Maskaev 10. Eddie Chambers

LOURDS-LÉGERS (200 livres) 1 Tomasz Adamek 2. Steve Cunningham 3. Marco Huck 4. Enzo Maccarinelli 5. O’Neil Bell 6. Vadim Tokarev 7. Guillermo Jones 8. Krzysztof Wlodarczyk 9. Wayne Brathwaite 10. Giacobbe Fragomeni

MI-LOURDS (175 livres) 1. Bernard Hopkins 2. Chad Dawson 3. Zolt Erdei 4. Glen Johnson 5. Antonio Tarver 6. Clinton Woods 7. Hugo Hernan Garay 8. Adrian Diaconu 9. Roy Jones Jr. 10. Jurgen Braehmer

SUPER-MOYENS (168 livres) 1. Mikkel Kessler 2. Lucian Bute 3. Jermain Taylor 4. Librado Andrade 5. Carl Froch 6. Andre Dirrell 7. Karoly Balzsay 8. Sakio Bika 9. Denis Inkin 10. Edison Miranda

MOYENS (160 livres) 1. Kelly Pavlik 2. Arthur Abraham 3. Ronald "Winky" Wright 4. Felix Sturm 5. Anthony Mundine 6. Khoren Gevor 7. Sebastien Sylvester 8. Amin Asikainen 9. Javier Castillejo 10. Randy Griffin

SUPER MI-MOYENS (154 livres) 1. Sergeii Dzindziruk 2. Paul Williams 3. Vernon Forrest 4. Daniel Santos 5. Sergio Mora 6. Cory Spinks 7. Verno Phillips 8. Joachim Alcine 9. Sergio Gabriel Martinez 10. Oscar de la Hoya

MI-MOYENS (147 livres) 1. Shane Mosley 2. Miguel Angel Cotto 3. Antonio Margarito 4. Joshua Clottey 5. Carlos Quintana 6. Andre Berto 7. Kermit Cintron 8. Luis Collazo 9. Isaac Hlatshwayo 10. Zab Judah

SUPER-LÉGERS (140 livres) 1. Ricky Hatton 2. Timothy Bradley 3. Junior Witter 4. Paulie Malignaggi 5. Juan Urango 6. Vivian Harris 7. Kendall Holt 8. Andriy Kotelnik 9. Juan Lazcano 10. Ricardo Torres

LÉGERS (135 livres) 1. Manny Pacquiao 2. Juan Manuel Marquez 3. Nate Campbell 4. Joan Guzman 5. Juan Diaz 6. Julio Diaz 7. Joel Casamayor 8. Ali Funeka 9. David Diaz 10. Michael Katsidis

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SUPER-PLUMES (130 livres) 1. Edwin Valero 2. Humberto Soto 3. Jorge Linares 4. Robert Guerrero 5. Malcolm Klassen 6. Cassius Baloyi 7. Nicky Cook 8. Urbano Antillon 9. Alex Arthur 10. Roman Martinez

PLUMES (126 livres) 1. Chris John 2. Jorge Solis 3. Steven Luevano 4. Rocky Juarez 5. Hiroyuki Enoki 6. Choi Tseveenpurev 7. Oscar Larios 8. Martin Honorio 9. Terdsak Jandaeng 10. Cristobal Cruz

SUPER-COQS (122 livres) 1. Israel Vazquez 2. Rafael Marquez 3. Celestino Caballero 4. Juan Manuel Lopez 5. Poonsawat Kratingdaenggym 6. Daniel Ponce de Leon 7. Steve Molitor 8. Jhonny Gonzalez 9. Ricardo Cordoba 10. Toshiaki Nishioka

COQS (118 livres) 1. Hozumi Hasegawa 2. Gerry Penalosa 3. Anselmo Moreno 4. Silence Mabuza 5. Wladimir Sidorenko 6. Joseph Agbeko 7. Vusi Malinga 8. Nobuto Ikehara 9. Sasha Bakhtin 10. Simone Maludrottu

SUPER-MOUCHES (115 livres) 1. Vic Darchinyan 2. Fernando Montiel 3. Cristian Mijares 4. Alexander Munoz 5. Jorge Arce 6. Nobuo Nashiro 7. Pramuansak Posuwan 8. Dimitri Kirilov 9. Z Gorres 10. Kohei Kono

MOUCHES (112 livres) 1. Nonito Donaire 2. Daisuke Naito 3. Denkaosan Kaovichit 4. Omar Narvaez 5. Pongsaklek Wonjongkam 6. Roberto Vasquez 7. Koki Kameda 8. Takefumi Sakata 9. Jose Lopez 10.Rayonta Whitfield

MI-MOUCHES (108 livres) 1. Ivan Calderon 2. Hugo Fidel Cazares 3. Edgar Sosa 4. Ulises Solis 5. Cesar Canchila 6. Brian Viloria 7. Giovanni Segura 8. Muvhuso Nedzanani 9. Juan Carlos Reveco 10. Nelson Dieppa

POIDS MINIMUM (105 livres) 1. Roman Gonzalez 2. Raul Garcia 3. Oleydong Sithsamerchai 4. Katsunari Takayama 5. Juan Palacios 6. Florante Condes 7. Donnie Nietes 8. Muhammad Rachman 9. Nkosinathi Joyi 10. Yasutaka Kuroki

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Billets en vente* au Casino de Montréal, sur le réseauAdmission au 514 790-1245 ou au 1 800 361-4595

et auprès du Groupe Yvon Michel au 514 383-0666*Moyennant les frais de services. Accès réservé aux personnes de 18 ans et plus.

4 AVRIL18 AVRIL2 MAI28 AOÛT

30 OCTOBRE7 NOVEMBRE5 DÉCEMBRE2 MAI

6 FÉVRIER6 MARS

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