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Le seul magazine au Québec dédié uniquement à la boxe Novembre, 2009 Numéro 26 Rencontre avec l’arbitre Alain Villeneuve La diffusion d’un gala de boxe Point de mire sur Jean Pascal AUSSI:

La Zone de Boxe vol 26

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En vedette Jean Pascal, Stéphane Lalonde, Alain Villeneuve, Guy Bolduc et Eleider Alvarez.

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Magazine La Zone de Boxe 5ième année – numéro 26

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Le seul magazine au Québec dédié uniquement à la boxe

Novembre, 2009Numéro 26

Rencontre avec l’arbitre Alain Villeneuve

La diffusion d’un gala de boxePoint de mire sur Jean Pascal

AUSSI:

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Magazine La Zone de Boxe 5ième année – numéro 26

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Le mot du médium format géant

Magazine La Zone de Boxe

2755 Clermont Mascouche (Québec) J7K 1C1

[email protected] Éditeur François Picanza Rédacteur en chef Pascal Roussel

Collaborateurs Guy Bolduc François Couture Samuel D. Drolet Stéphane Lalonde Martin Laporte Vincent Morin Correcteur/Réviseur Pascal Lapointe Véronique Lacroix Monteur Martin Laporte Photo page couverture Stéphane Lalonde Le magazine la Zone de boxe fut fondé en 2004 à Mascouche par François Picanza. Ce magazine est maintenant offert gratuitement sur le web.

La Zone de Boxe magazine

5e année, numéro 26 Novembre 2009

3 – Le mot du médium format géant 5 – Entrevue avec Alain Villeneuve 10 – La boxe et moi : Stéphane Lalonde 12 – La boxe et moi : Guy Bolduc

14 – Point de mire sur Jean Pascal 17 – Transition de la boxe olympique vers la boxe professionnelle 21 – Les coulisses d’un gala de boxe 26 – Entrevue avec Eleider Alvarez

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Le mot du médium format géant

Arbitre en vedette, prise 2 Lors de notre 23e numéro, nous avions interviewé l’arbitre Marlon Wright. C’est maintenant au tour de l’arbitre Alain Villeneuve de faire notre histoire de page couverture. J’espère que vous apprécierez cette entrevue avec l’arbitre sherbrookois avec autant de plaisir que j’ai eu à la faire. Ce que vous ne voyez pas d’un gala Vous ne savez pas à quel point la retransmission d’un gala de boxe à la télé est quelque chose de réglé au quart de tour. Je m’en doutais, mais je ne savais pas que c’était si pire

que ça! Même les prédictions de K.O. sont calculées! Si un boxeur qui est supposé passer le K.O. à son adversaire ne le fait pas, il met toute l’équipe de production en retard. Lisez cet intéressant reportage de notre collaborateur François Couture qui a assisté à ce manège lors du gala Pascal-Diaconu le 19 juin dernier. Lorsque les amateurs veulent devenir des professionnels La boxe olympique et la boxe professionnelle sont deux mondes complètement distincts. Le succès chez les amateurs garantit-il la réussite chez les pros? Pas du tout! Et l’inverse est-il possible? Peut-on avoir connu une carrière ordinaire chez les amateurs et connaître une carrière satisfaisante chez les pros? Bien sûr, demandez à Éric Lucas. Notre collaborateur régulier, Vincent Morin, vous offre son analyse de ce qu’est la transition de la boxe olympique à la boxe professionnelle. La boxe et nous Dans ce numéro, nous avons deux chroniques « La boxe et moi ». Guy Bolduc, descripteur de boxe à Radio-Canada, et Stéphane Lalonde, photographe officiel du groupe Interbox, nous déclarent comment leur histoire d’amour avec la boxe a commencé. Et je voudrais en profiter pour souligner le travail des photographes de notre magazine : Stéphane Lalonde nous fournit généreusement des photos pour les galas Interbox et Vincent Ethier fait la même chose pour les galas du groupe Yvon Michel. Sans eux, notre magazine n’aurait pas aussi fière allure. Storm Alvarez Una cerveza por favor. Voilà, mon espagnol s’arrête là. Heureusement pour vous, je ne suis pas celui qui a réalisé l’entrevue avec Eleider Alvarez, cette nouvelle recrue chez GYM qui fait écarquiller bien des yeux. Samuel D. Drolet a rencontré cette future étoile pour nous. Apprenez-en plus sur l’histoire de celui qui a choisi le surnom de Storm pour faire sa marque chez nous au Québec. Les commentaires du médium Jean Pascal le provocateur Après quelques années de malaise, j’ai pris une grande décision. J’ai décidé de ne plus être dérangé par les déclarations et l’attitude de Jean Pascal. Cela m’a souvent tombé sur les nerfs de l’entendre parler de dents de requin et de sauce pour pâtes italiennes sanglantes. Mais tant qu’il livrera la marchandise sur le ring, je vais tenter de faire le sourd. Ce malaise s’était construit pour la plupart des gens au cours d’une période de six

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mois (2007-2008), pendant la séquence Norman-Pittman et la publicité pour le combat entre Pascal et Edison Miranda qui n’a finalement jamais eu lieu. Pascal avait beaucoup fait parler sa bouche, mais pas assez ses gants. Mais nous devons tous admettre que depuis Froch-Diaconu-Branco, Jean a donné la parole à ses mains. Lisez plus loin dans le magazine l’opinion d’un collaborateur, Martin Laporte, sur Jean Pascal, celui qui ne laisse personne indifférent. H1N1 Grant? En cette période où le virus le plus célèbre ressemble à mon code postal, on pourrait se demander si l’entraîneur Howard Grant n’est pas contagieux. Il n’y a pas si longtemps, Howard Grant était celui au Québec qui avait le plus de boxeurs à diriger. Ce fut d’ailleurs un reproche prononcé par certains de ses boxeurs insatisfaits du temps que leur accordait leur entraîneur. Mais soudainement, il n’y en a plus tant que ça qui se plaignent, ils sont presque tous partis! Il y a eu la très médiatisée séparation entre Howard et Joachim Alcine. Le départ aussi médiatisé de Walid Smichet qui disait qu’Howard ne lui accordait pas assez de temps. Récemment, Olivier Lontchi et Adonis Stevenson ont aussi quitté le navire pour des raisons inconnues. Phil Lo Greco parti en Italie et Benyamine Besmi probablement à la retraite, les temps de disponibilité d’Howard viennent d’augmenter pour ceux qui demeurent! Il lui reste un client à temps plein, Hermann Ngoudjo, et deux clients à temps partiel. Ali Chebah, le français qui vient parfois à Montréal, est toujours sous ses ordres. Mais on ne l’a pas vu souvent à Montréal dans les derniers mois. Reste le client californien Librado Andrade. C’est un client qui exige beaucoup de temps quand il est à Montréal, mais qui, comme Chebah, n’est pas toujours là. Par contre, sans vouloir être prophète de malheur, la relation entre Andrade et Grant risque de tirer à sa fin en cas de défaite contre Bute le 28 novembre. Tout porte à croire qu’il arrêtera ses visites à Montréal s’il perd encore une fois contre Bute. Espérons que c’est le méritant Ngoudjo qui saura profiter de cette situation. Il aura presque son entraîneur à lui seul! Pascal Roussel Rédacteur en chef format géant

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Quand on fait une entrevue avec Alain Villeneuve, on sait quand ça commence, mais on ne sait pas quand ça se termine. 2 heures et 15 minutes plus tard, j’ai regardé mes notes et je me suis dit, « ok, je crois en avoir assez! ». Voici le résultat d’une intéressante discussion avec celui que les boxeurs appellent Mr.Smiley!

Alain Villeneuve : passion arbitrage

par Pascal Roussel

L’arbitre Zone de Boxe : Alain, tu m’as déjà dit ne jamais avoir boxé. Mais avant d’être arbitre de boxe professionnelle, tu as été arbitre de boxe amateur, n’est-ce pas? Alain Villeneuve : Tout à fait. J’ai été arbitre et juge de boxe amateur pendant 20 ans. J’’ai arbitré et jugé près de 1 500 combats amateur. Mon épouse a aussi été juge pendant 2 ans. Mais j’ai arbitré plusieurs autres sports! 33 ans de balle-molle, 28 ans de volley-ball (j’ai obtenu mon grade national et arbitré aux Jeux du Canada), 20 ans de hockey mineur, 20 ans de baseball (jusqu’au niveau junior majeur). J’ai aussi été le seul Canadien à arbitrer un match de demi-finale au marbre lors des championnats du monde des Petites Ligues à Williamsport en 1989. J’ai aussi arbitré plusieurs années au soccer au niveau provincial. ZDB : Pour avoir accumulé tant d’expérience d’arbitrage dans autant de sports différents, tu as dû arbitrer plusieurs sports en même temps! Mais quel âge as-tu?

Alain Villeneuve, discipline, concentration et contrôle de soi. (photo Vincent Ethier)

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AV : J’ai 48 ans et je suis originaire de Sept-Îles. Je n’avais pas grand-chose d’autre à faire là-bas à part arbitrer! (rires) ZDB : Mais qu’est-ce qui t’a amené à aussi être un arbitre à la boxe? AV : Celui qui m’a amené à la boxe, c’est Jean-Paul Ricard de Sherbrooke. Il fut mon mentor. Il a été président de la fédération canadienne de boxe amateur pendant plusieurs années. Ici en Estrie, Ricard est un pionnier. Gaby Mancini et Tony Triconi ont aussi été des arbitres que j’ai côtoyés et qui ont été des inspirations pour moi. Si je suis arbitre de boxe, c’est beaucoup grâce à eux. ZDB : Je t’écoute parler depuis tout à l’heure. L’arbitrage, c’est clairement une passion pour toi. AV : Il faut être passionné. Et cela m’amène à te parler de ma philosophie de la vie. Des épreuves familiales dans le passé nous ont amené, mon épouse et moi, à développer une philosophie de vie. La règle des 3 P. La passion, la persévérance et le positivisme. Ces trois choses, c’est pour nous l’essence de notre moteur. Cette philosophie nous amène une discipline. Et pour être arbitre à la boxe, ça me prend cette discipline. Il ne faut pas juste avoir l’air d’un arbitre avec notre habit, il faut être en contrôle sur le ring. Être prêt à improviser pour contrôler. ZDB : Que sont tes ambitions comme arbitre de boxe professionnelle? AV : J’aimerais bien me rendre à 400 combats arbitrés. Cela m’amènerait environ à une soixantaine d’années. Évidemment, j’aimerais bien en venir à faire des combats de championnat du monde. Mais ça ne m’inquiète pas vraiment, je sais que je vais m’y rendre un jour. ZDB : Je crois que comme pour les boxeurs, chaque arbitre a un style différent. Qu’est-ce qui pourrait te distinguer des autres arbitres de boxe? En tout cas, je peux te suggérer une réponse! Tu souris tout le temps sur le ring!

AV : En effet, on me le dit souvent! D’ailleurs, y a un groupe de boxeurs à Montréal qui m’ont surnommé « Mr. Smiley » ! (rires). Et bien, il y a un truc que je fais, et je crois être le seul à le faire à Montréal. Dans la chambre des boxeurs, avant les combats, s’il y a des boxeurs étrangers qui parlent espagnol, je leur donne mes directives dans cette langue. J’ai un ami au bureau (NDLR : Alain est conseiller en sécurité financière) qui parle espagnol et qui m’a traduit ma feuille de consignes à dire aux boxeurs avant un combat. Les boxeurs étrangers sont toujours surpris et heureux de m’entendre et cela les rassure. Car souvent, ces boxeurs étrangers, comme les mexicains qui viennent souvent à Montréal, se sentent un peu perdu. D’entendre l’arbitre leur parler dans leur langue quand ils boxent dans un pays étranger pour la première fois, ça doit les rassurer un peu...

« Il ne faut pas juste avoir l’air d’un arbitre

avec notre habit, il faut être en contrôle

sur le ring»

Alain Villeneuve, surnommé Mr. Smiley par les boxeurs! (photo Stéphane Lalonde)

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«Dans les yeux et dans les gestes des boxeurs, je décode

parfois la peur»

ZDB : Tu crois qu’ils en ont besoin? AV : J’ai étudié la synergologie (langage du corps et langage non-verbal). Et oui, dans les yeux et dans les gestes des boxeurs, je décode parfois la peur. Cela est aussi vrai sur le ring. Cela me permet d’être plus alerte et de pouvoir, par exemple, parfois arrêter un combat au bon moment. ZDB : En tant qu’arbitre, es-tu rattaché à une fédération en particulier? AV : Je suis accrédité par la WBO depuis un an. Cela me permet de pouvoir faire des combats d’importance dans cette association. Les décisions, les opinions ZDB : Que penses-tu du potentiel des reprises vidéo dont on parle de plus en plus comme une future possibilité en boxe? AV : Les arbitres sont des êtres humains. Il est évidemment possible que l’on ne voit pas une chose, si l’angle de vue ne nous permet pas de la voir. Si l’apparition des reprises vidéo devient une chose automatique, plus personne ne voudra s’engager! Je crois que si ce système arrive un jour, il faudra le faire en fonction de ne pas arrêter l’action. Le faire entre les rounds serait déjà assez compliqué. Et je considère que cela pourrait être acceptable si c’est pour contester l’interprétation d’un règlement, mais pas pour un jugement de l’arbitre. ZDB : Quel est ton point de vue sur la controverse à la fin du combat Bute-Andrade, certains disent que le compte a été trop long? AV : Marlon a fait exactement ce qu’il fallait faire. C’est Andrade qui a causé sa propre perte en ne restant pas dans le coin. C’est lui qui, en revenant dans le centre du ring, interrompait le compte de 10. Regarde ici dans le livre de règlements… Règle 107 de la loi sur la sécurité dans les sports de combat : « Un concurrent qui est « knock-down » par un coup permis doit recevoir un compte de 8 ». Cette règle est la même pour toutes les associations. ZDB : Je vois, mais le point du clan Andrade était que le 8 secondes a été plus long que cela… AV : Où vois-tu le mot « seconde » dans la règle? On parle d’un compte de huit. Si l’arbitre est interrompu dans son compte par le boxeur adverse, il interrompt son compte et reprend où il était rendu avant l’interruption. L’arbitre compte jusqu’à huit, c’est tout. ZDB : Un instant! Cela donne bien trop de latitude à l’arbitre, tu ne trouves pas! Avec un soupçon de malhonnêteté, un arbitre pourrait prendre son temps afin de sauver un boxeur.

«Où vois-tu le mot seconde dans la

règle? On parle d’un compte de huit. »

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AV : La vitesse du compte de Marlon était très correcte. Ce n’est pas de sa faute si Andrade l’interrompait. Cela doit toujours être fait avec l’intention de protéger le boxeur qui a subi le knock-down. Si Andrade avait été au centre du ring au moment où le combat reprenait, la sécurité du boxeur aurait été compromise. (NDLR : exactement comme lors du combat Mosley-Mayorga le mois précédent en Californie). Pour ce qui serait d’un arbitre qui prendrait trop son temps comme tu le dis, cela serait bien trop évident et cela serait matière à protêt. De toute façon, ni moi ni Marlon ne sommes malhonnêtes! (rires) ZDB : Revenons sur une mini-controverse t’impliquant dans un combat entre Walid Smichet et Renan St-Juste à Sherbrooke en avril 2006. Plusieurs croient, surtout le clan Smichet, que tu as arrêté le combat trop rapidement. AV : Quoi qu’ils en disent, j’ai pris la bonne décision. J’étais le mieux placé pour voir que Walid n’était plus en état de continuer. Mais de toute façon, je répète que la décision fut prise dans le but de protéger le boxeur. Peut-on m’en vouloir? J’ai fait tout de même une erreur technique due à mon manque d’expérience dans ce combat qui est arrivé tôt au début de ma carrière d’arbitre professionnel. J’ai arrêté le compte de Walid à sept secondes alors que j’aurais dû me rendre à huit. J’ai été confus par le son de la cloche qui est arrivé durant mon compte.

ZDB : Plutôt mineure comme erreur! AV : Je suis un perfectionniste. (rires) ZDB : Y a-t-il un combat que tu rêves d’arbitrer? AV : Tu vas trouver ça curieux, mais ma réponse est non. En fait, je me fous un peu de qui sont les boxeurs sur le ring. Je dois offrir la même performance peu importe les boxeurs. Et je ne fais pas ce métier pour le vedettariat. ZDB : Selon toi, quel a été ta meilleure performance en tant qu’arbitre? AV : Sans hésitation, le combat entre Benoit Gaudet et Alberto Garza à Drummondville en novembre 2007. Ce fut un combat d’une grande intensité où la foule aurait pu m’influencer, car le héros local était sérieusement dans le pétrin. Gaudet s’est fait sonner tôt au début du round et il a peiné à rester sur ses jambes durant les deux dernières minutes. Mais Gaudet a survécu et le clan Garza n’a pas contesté mes décisions, car je crois avoir géré ce combat à la perfection.

ZDB : C’est drôle que tu me parles de ce combat. J’étais là et je voulais justement t’en parler! N’as-tu pas remarqué le vieux truc que le coin de Gaudet t’a joué entre le 11e et 12e round? Le fameux truc de la chaudière d’eau renversée pour permettre à Gaudet d’avoir plus de temps pour récupérer? J’ai tout vu et je ris encore quand j’y repense!

Alcine-Mitchell, le combat le plus difficile de la carrière de Villeneuve (photo Vincent Ethier)

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AV : Sérieux? (rires) J’avoue n’avoir rien vu. Mais l’officiel du coin aurait dû m’avertir et j’aurais sanctionné. J’aurais enlevé un point à Gaudet. J’ai ce combat sur vidéo. Je vais regarder cela tout à l’heure… ZDB : Quel a été pour toi le plus difficile combat à arbitrer? AV : C’est très récent. Ce fut le combat entre Joachim Alcine et Eric Mitchell lors du retour de Joachim le 28 août. Cela n’a rien à voir avec le combat lui-même, mais le tout a mal commencé. Quelques instants avant le combat, il y a eu une bagarre dans la foule. J’aurais pu faire retarder le combat, mais je ne l’ai pas fait. Le combat a eu lieu et dans le feu de l’action, je crois avoir offert une honnête performance. Mais après l’analyse de la vidéo par la suite à la maison, je m’aperçois que je n’ai pas réussi à être invisible sur le ring. ZDB : Que veux-tu dire par ne pas avoir réussi à être invisible? AV : L’arbitre doit être invisible dans le ring. Il doit laisser les boxeurs donner le spectacle. Si tu réussis en tant qu’arbitre à être invisible, c’est que tout se passe dans les règles de l’art. Mais sur la vidéo, j’ai compté le nombre de fois où j’ai dû séparer les boxeurs. 79 fois! J’ai été trop patient. J’ai averti, j’ai enlevé un point pour accrochage à Mitchell au 9e round. Mais j’aurais dû disqualifier Mitchell avant le 6e round. ZDB : Bon et bien je te remercie Alain. Je te souhaite de le faire plus tôt que plus tard ton combat de championnat du monde. AV : Ce fut un plaisir.

« L’arbitre doit être invisible dans le ring. Il doit laisser les boxeurs donner le spectacle »

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La boxe et moi est une chronique où nous demandons à une personnalité du milieu de nous expliquer comment est née son histoire d’amour avec la boxe. Pour ce numéro-ci, nous avons l’histoire de Stéphane Lalonde, photographe officiel du groupe Interbox.

La boxe et Stéphane Lalonde

Je fais de la photo depuis l’âge de 11 ans. J’ai commencé avec un KODAK 110. Je me rappelle qu’en 2003, quand j’ai obtenu un diplôme en photo de l’école Marsan, une des trois choses que le prof a dit, c’est : « Une des choses les plus difficiles en photographie, c’est de faire des photos de boxe en action… », parce que la lumière est mauvaise et que photographier LE coup de poing est extrêmement difficile. Je me suis dit : « Ce n’est pas grave, les chances que je me retrouve ringside un jour sont nulles. Dans mon échelle de priorités, la boxe était à la 500e position dans ma vie! Sur une échelle de 502! Mais, c’est fou des

fois comme on change… Un jour, un ami me demande si j’ai envie de boxer pour le fun (juste faire l’entraînement). Il avait un frère qui boxait déjà (Sébastien Gauthier). Je me suis dit, pourquoi pas? Ça va me garder en forme. Un jour, le beau Sébastien me demande si je veux faire des photos de lui. « Ben… Je n’sais pas », que je lui dis! Il me répond : « Aller viens, tu vas être ringside. » Ringside? Et là, je repense à mon prof! Ah! Pis fuck!!! J’essaie! Nous sommes le 5 juin 2006… deux jours plus tard, je suis à St-Jérôme pour un gala Interbox. Le combat commence, je pèse sur l’piton… maudit que les coups viennent vite! Pis maudit que la lumière est mauvaise! Mais je capote d’être là! Je savoure chaque minute. Le lendemain, je regarde les photos et les envoie à David Messier d’Interbox. Il les trouve belles. Résultat : je deviens LE photographe officiel d’Interbox! Aujourd’hui, d’être là, ringside, est toujours aussi savoureux. Nous sommes dans l’action pas à peu près! Je dois souvent nettoyer ma lentille après un gala, parce qu’il y a du sang et de la sueur dessus. J’ai même déjà reçu un bon coup de poing sur la gueule par Mr. Bute en personne quand il s’est battu contre Andrade. Ils étaient à la hauteur des photographes et Librado a évité un coup qui a passé tout droit… ou presque! J’ai été quitte pour une scratch dans le front.

Être photographe pour Interbox m’a permis d’être connu et reconnu dans le milieu très fermé de la photographie et ça m’a permis de rencontrer des êtres formidables dans le milieu des boxeurs et même me lier d’amitié avec certains d’entre eux (Sébastien Gauthier, Benoît Gaudet). Être bien équipé pour faire des photos de boxe, c’est une chose, mais

ce n’est pas tout. L’important, c’est l’instinct! Rien d’autre. C’est de savoir… QUAND PESER SUR L’PITON! Faire 10 photos/seconde ne sert à rien si on n’a pas l’instinct. J’ai vu des photographes de studio arriver sur le bord

« Dans mon échelle de priorités, la boxe était à la 500e position dans ma vie… Mais, c’est fou des fois comme on change »

Stéphane Lalonde sur le bord du ring

« L’important, c’est l’instinct! Rien d’autre »

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du ring et dire : « Bof, ça va être facile, j’ai rien qu’à laisser le doigt sur le piton et le tour est joué! ». Ils n’ont rien fait de bon! Photographe de boxe, c’est vrai que ce n’est pas facile, mais maudit que je trippe! Ça m’a amené plein de belles choses, des photos publiées partout, un studio de photo à la maison et la préparation d’un livre sur la boxe au Québec. Sans parler du cahier souvenir qui se vend au Centre Bell les soirs de gala. Je suis toujours à la recherche d’une façon d’être meilleur, je suis très rarement satisfait de mon boulot, je veux être toujours meilleur. Disons que je me mets une tonne de pression le soir d’un gala. Demandez à ma blonde, je ne suis pas parlable le soir d’un gala. D’être proche des boxeurs comme je le suis m’a permis de voir et de comprendre tous les sacrifices, les efforts et la souffrance que doit endurer un boxeur. C’est incroyable! Tu dois être fort mentalement et discipliné. Et un peu fou, disons-le. Je suis chanceux d’être là. Je travaille fort pour y rester. Dans la section SUEUR de mon site Web www.stephanelalonde.com, vous avez mes photos préférées. Je vous en montre quelques-unes ici…. Être bon ne suffit pas, lorsqu’on vise l'excellence!

Quelques-uns des clichés préférés de Stéphane Lalonde.

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La boxe et Guy Bolduc

La boxe, un seul regret C'était le 15 septembre 1978, à Beauceville en Beauce, j’avais 9 ans. Ce soir-là, Mohamed Ali affrontait Leon Spinks pour son combat revanche. Mon père me parlait de cet affrontement depuis plusieurs semaines et espérait le voir à la télé. J’ai vu mon père la journée même sortir de la broche et se faire une longue antenne qui rejoignait le tuyau de chauffage en métal pour capter cette chaîne anglaise. Dans ma tête de petit gars, c'était sûrement très important pour qu’il fasse ces efforts. Déplaçant l’antenne sans arrêt pendant la télédiffusion pour bien voir l’image, j’ai vu ce boxeur du nom d’Ali l’emporter. Le lendemain à l'école, j'étais devenu Ali et tous les autres gars de ma classe se nommaient Leon Spinks… Cette histoire est le début de ma relation avec ce sport qui fait augmenter mon rythme cardiaque depuis plus de 30 ans. Un autre moment important qui a contribué à me faire apprécier la boxe fut la représentation canadienne des Jeux olympiques de 1984 avec Shawn O’Sullivan et Willie De Witt. Je me rappelle de cela comme si c’était hier

et j’ai même pleuré après la défaite de DeWitt contre Henry Tillman dans le combat pour l’obtention de la médaille d’or. J’aurais tellement aimé que les deux aient davantage de succès chez les professionnels, particulièrement De Witt qui n’aura tout même perdu qu’une fois, contre Bert Cooper, et prit sa revanche sur Tillman en 1988.

Âgé de 40 ans et père de 3 enfants, je vis avec un petit regret, celui de ne jamais avoir mis les gants de façon sérieuse. J’ai évoqué la possibilité une fois et mes parents m’ont vite rappelé à l’ordre et la mise en garde était sans équivoque. Il faut dire que ceux qui gravitaient dans la boxe dans mon coin de pays n’était pas des enfants de chœur. Dommage, car j’ai toujours eu passablement de succès dans les sports élites, dont le football, et je n’ai jamais eu peur de souffrir et de prendre les choses au sérieux. La boxe est le seul sport que je peux regarder avec intérêt à la télé même si je ne connais pas du tout les deux gars sur le ring. Souvent, pendant une pause publicitaire, je me précipite à l’ordinateur sur www.boxrec.com pour regarder le palmarès des boxeurs et faire des liens avec d’autres. Je n’ai raté que très rarement un gala de boxe à Montréal, à Québec ou dans ma région natale en Beauce. Si je ne suis pas sur le bord du ring comme descripteur ou reporter, je suis dans les estrades; je ne manque jamais l’action, pas même les combats préliminaires. Ma femme sait aussi qu’il n’y a pas de prix pour regarder un gala de boxe à la télé payante. Française d’origine, Ingrid, qui partage ma vie depuis 8 ans, est aussi devenue fan de ce sport, elle qui n’y connaissait rien.

Guy Bolduc, amateur de boxe avant tout. (Photo : collaboration spéciale)

« Je vis avec un petit regret, celui de ne jamais

avoir mis les gants de façon sérieuse. »

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J’admire ceux qui ont contribué à faire de la boxe professionnelle au Québec ce qu’elle est aujourd’hui. Yvon Michel, Bernard Barré, Éric Lucas et Stéphane Ouellet sont les premiers noms qui me viennent en tête, mais il y en a d’autres. J’ai eu la chance de voir de plus près l’évolution du Groupe GYM puisque j’ai été le premier animateur de la série Boxerock avec celui qui est devenu aujourd’hui un très bon ami, Patrice « le Granit » L’heureux. Cette aventure de 4 ans à VOX m’a mené jusqu'à la description des combats de boxe à Radio-Canada. Parmi tous ceux que j’ai vu évoluer depuis quelques années, Walid Smichet est celui qui m’impressionne le plus. C’est drôle, mais je pense que son style ressemble un peu au mien dans la vie de tous les jours. Un gars qui s’ajuste à son adversaire, qui ne fait pas trop de bruit, qui n’a pas peur de recevoir des coups, qui ne gagne pas toujours mais qui donne tout ce qu’il peut; il pourrait travailler davantage sa défensive, mais c’est comme ça qu’il veut être sur un ring et c’est comme ça qu’on l’aime. Voilà! Longue vie au sport que j’aime.

Guy Bolduc avec Robert Frosi et Bernard Barré lors d’une retransmission du Stade Uniprix. (Photo : collaboration spéciale)

« Parmi tous ceux que j’ai vu évoluer depuis

quelques années, Walid Smichet est celui qui

m’impressionne le plus. »

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Point de mire sur Jean Pascal : un boxeur qui ne laisse personne indifférent

par Martin Laporte De toute son histoire, la boxe québécoise n’a jamais été aussi rayonnante sur la scène internationale. Des boxeurs du Cameroun, de la France, de la Colombie, du Mexique, de l’Algérie, de l’Italie, de la Roumanie, des États-Unis et même du Canada anglais s’entraînent ou se sont récemment entraînés à Montréal pour y parfaire leur maîtrise du noble art. Cependant, depuis Éric Lucas, seulement 2 boxeurs totalement « made in Québec » ont réussi à devenir champion du monde, soit Joachim Alcine et Jean Pascal. Le dernier des deux est toujours champion du monde et, malgré qu’il soit spectaculaire sur un ring, plusieurs fans le dénigrent toujours. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Jean Pascal ne laisse vraiment personne d’indifférent. On reproche plusieurs choses à Jean Pascal. Certains affirment qu’il n’a pas de « cardio », d’autres qu’il est imprécis et large dans ses coups. On a aussi avancé qu’il a la mauvaise habitude d’avoir toujours les mains basses, qu’il n’a pas de jab, qu’il n’est pas capable de s’adapter sur un ring et surtout que son attitude typique de la WWE tombe sur les nerfs. Je visiterai chacun de ces points et tenterai de les remettre dans une toute nouvelle perspective. J’espère tout simplement changer l’avis des dénigreurs de Pascal afin que la population québécoise jouisse un peu plus de la chance qu’elle a d’avoir fabriqué un si bon boxeur.

Lors de son combat contre Diaconu, un Pascal en position défensive n’a jamais paru large dans ces coups. (photo Stéphane Lalonde)

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Jean Pascal n’a pas de « cardio » Il est vrai que dans certains de ces combats, Jean Pascal a eu de la difficulté à terminer en force. Par exemple, un Jermain Mackey achevé a survécu 12 rounds avec un Pascal qui n’avait plus l’énergie pour éteindre les lumières. Face à Carl Froch, une baisse d’énergie importante lui a fait clairement perdre la deuxième partie du combat. Il est aussi vrai que Jean Pascal fait souvent des pauses au milieu des rounds avant de se relancer en attaque. Cependant, on oublie l’intensité avec laquelle le combat Froch-Pascal s’est déroulé. Peu de boxeurs auraient pu dépenser toute cette énergie et rester debout jusqu’à la fin des 12 rounds. Il faut donner aux deux boxeurs le mérite qui leur revient pour l’exploit qu’ils ont réalisé ce jour-là. On oublie aussi que Pascal n’a subi aucune baisse de régime contre Diaconu et, surtout, que lors de son affrontement contre Branco, il a augmenté le tempo à chacun des rounds, sauf le 9e où il a pris un petit repos avant de finir le travail au 10e. Personnellement, je ne vois qu’une amélioration constante du « cardio » de Jean Pascal. De plus, j’ajouterais aussi qu’il est sage qu’un boxeur prenne quelques pauses lorsqu’il domine clairement le combat. Ce genre de stratégie oblige l’adversaire à se compromettre tout en permettant de conserver son énergie pour les rounds ultérieurs. Jean Pascal est imprécis et large dans ces coups

Lorsque Jean Pascal se lance complètement en attaque, il a la fâcheuse tendance de baisser la tête et de ne pas regarder où il frappe. Les résultats ne sont pas très esthétiques et laissent croire à un manque de précision. Aussi, dans cette situation bien précise, les coups de Jean Pascal sont effectivement larges et donnent l’impression qu’on assiste à une bagarre de rue sans technique plutôt qu’à un combat de boxe. Par contre, ces attaques restent efficaces. Si on les analyse bien, elles sont rapides (compte tenu de la puissance des coups) et explosives (elles permettent de surprendre l’adversaire pour causer des dommages considérables), sans nuire à la mobilité de Pascal (il y effectue de superbes déplacements pour se donner des angles), ni à sa défensive (il ne se fait pas toucher pendant ces moments). On oublie souvent que l’imprécision de Pascal survient seulement pendant ces attaques. Lors de ces combats contre Camou et Nievas, Jean Pascal a terminé le show avec des attaques d’une précision chirurgicale. On oublie aussi que lors de son combat contre Diaconu, un Pascal en position défensive n’a jamais paru large dans ces coups. Jean Pascal a les mains basses

Effectivement, cette fâcheuse tendance pourrait, un jour, lui jouer un tour. Mais d’un autre côté, elle semble lui profiter en attaque. Certains boxeurs sont plus imaginatifs les mains basses. Ils peuvent profiter de différents angles pour lancer leurs coups et cette dérogation à l’orthodoxie technique leur permet d’obtenir un avantage sur leur adversaire. De plus, dans plusieurs de ces combats, on a vu Jean Pascal lever rapidement la main arrière et parer un crochet sournois qui allait directement à son menton. Qui plus est, on a vu Jean Pascal absorber les meilleurs coups de Froch. Il semblerait que Pascal ait les mains assez rapides et le menton assez solide pour boxer de cette façon. Ce problème en sera seulement un vrai à la fin de sa carrière lorsqu’il perdra sa vitesse. Mais pour l’instant, je n’y vois pas de problème. Jean Pascal n’a pas de jab

Honnêtement, être dominé par le jab de Froch n’a rien de rassurant. Cependant, dans ce combat, Jean Pascal n’a pas suivi le bon plan de match.

Par ailleurs, on a vu lors de son combat contre Diaconu qu’il lui était possible de bien utiliser le jab. Reste à voir ce qu’il pourra faire dans ces prochains combats. Il faut toujours donner la chance au coureur. Jusqu’ici Jean Pascal a toujours su relever les défis dans l’adversité, y compris après un échec.

Boxer avec les mains basses finira-t-il par lui jouer un mauvais tour? (photo Vincent Éthier)

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Jean Pascal ne peut pas s’adapter sur un ring Ce reproche lui a été adressé à la suite du combat contre Carl Froch. Jean Pascal a clairement été émotionnellement dépassé par les évènements lors de cet affrontement. Il a tenté d’arracher la tête de Froch, quand la tactique la plus efficace aurait été le mode défensif (un peu comme il l’a fait contre Diaconu). Jean Pascal n’a jamais été en mesure de retrouver son sang-froid et de renverser la vapeur. Ce qui est un réel problème en temps normal.

Mais soyons justes avec lui. Il en était seulement à son premier combat de championnat du monde et n’avait jamais eu d’affrontement avec un fameux « gatekeeper » qui aurait pu le préparer à un adversaire du calibre de Froch. Edison Miranda aurait été un adversaire parfait pour ce type de préparation, mais les blessures et la télé américaine ne l’ont pas permis. On peut aussi ajouter que Jean Pascal a parfaitement su appliquer son plan de match contre Diaconu. De plus, il a su prendre son temps, analyser le style et contrer à partir du 4e round un Branco expérimenté. On peut donc conclure que Jean Pascal est de plus en plus mature sur un ring. Ce qui est de bon augure pour l’avenir.

Jean Pascal a une mauvaise attitude à la WWE Le signe de coupe-gorge envers Miranda, la mangouste qui bouffe le cobra, la dent de requin donnée à Diaconu

pour qu’il lui en reste une à la fin du combat et la sauce sanglante à l’italienne ont animé les discussions des forums de boxe québécois. Certains ont été scandalisés par cette attitude en la qualifiant de « colon ».

Pourtant, on oublie que Muhammad Ali a dit à Joe Frazier qu’il était laid comme un singe, qu’il lisait des poèmes à

ses adversaires dans lequel il leur expliquait comment il les massacrerait et surtout qu’il est allé en pleine nuit chez Sony Liston dans un autobus pour proférer des menaces avec un haut-parleur. On oublie aussi que Bernard Hopkins a piétiné le drapeau portoricain avant son combat contre Felix Trinidad et qu’il a affirmé qu’il ne perdrait jamais contre un blanc avant son duel contre Joe Calzaghe. De plus, on peut voir ce genre d’attitude dans plusieurs autres sports comme les combats ultimes et le hockey.

Ce genre de commentaire peut être perçu de deux façons. Certains affirment qu’il s’agit de « trashtalk » qui

devrait être banni des sports et d’autres affirment que cela fait partie du combat psychologique qui a lieu avant le combat physique. Quoi qu’il en soit, cette guerre psychologique a toujours lieu. Parfois plus sobrement, comme lorsque Librado Andrade affirme sur toutes les tribunes qu’il mettra Bute K.-O. dans le temps réglementaire lors de son prochain combat, parfois plus discrètement, par l’intermédiaire des regards que s’échangent les boxeurs pendant les conférences de presse et les pesées publiques. Personnellement, je trouve que Jean Pascal met du piquant dans ces moments qui peuvent souvent être mornes lorsque rien ne se produit. Aussi, on remarque de plus en plus que Pascal est connu à l’extérieur de la frontière. Son potentiel de vedettariat est de plus en plus considéré par nos voisins du sud.

L’attitude flamboyante de Pascal ne lui sert pas

seulement dans ces guerres psychologiques d’avant-combat. Elle peut aussi lui servir pour passer des messages aux jeunes (afin qu’ils croient en eux-mêmes et en leurs rêves), à rendre hommage à d’autres personnes publiques (par exemple à Stéphane Ouellet, à Arturo Gatti et à Pierre Falardeau) et à envoyer un beau message d’intégration aux communautés culturelles (les Italiens de Montréal sont avant tout Québécois). Finalement, l’attitude d’après-combat de Jean Pascal démontre clairement qu’il est un jeune homme brillant et réfléchi.

En somme, Jean Pascal est un boxeur qui n’a pas peur d’être remarqué et qui désire atteindre les plus hauts sommets du noble art. Je terminerai ici avec une phrase de la chanson « Boomtown café » de Richard Desjardins :

« Y’en a qui disent [… ] Parle pas trop fort, serre ta guitare, on pourrait penser que t’es pas mort ».

À Pascal je dis : Ne les écoute pas et boxe aussi fort que tu le peux !

Pascal envoie un beau message d’intégration aux communautés culturelles. (photo Vincent Éthier)

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La transition de la boxe olympique à la boxe professionnelle : Les cinq points cruciaux qui font la différence

Par Vincent Morin

La boxe olympique diffère de la boxe professionnelle à plusieurs points. Pourquoi certains combattants tellement dominants chez les amateurs ne peuvent accomplir la même chose chez les pros? À mon avis, il y a cinq points non négligeables auxquels il faut s’attarder. 1-Gérer son énergie

Pour la plupart des pugilistes amateurs, l’ajustement doit se faire sur le plan de la durée des combats. Puisque l’ancien système amateur proposait quatre rounds de deux minutes*, les combattants doivent analyser davantage et placer le jab au lieu d’y aller d’enchaînements en enchaînements ou de faire des rounds à manivelle. Par exemple, Jean Pascal lançait des combinaisons sans arrêt durant trente secondes et se déplaçait durant les trente secondes suivantes chez les amateurs. Gérer son énergie, parce que les rounds sont plus longs et parce qu’il y en a plus, c’est une question d’adaptation, d’entraînement et de discipline. Certains combattants qui ont pourtant très bien fait chez les amateurs demeureront toujours des boxeurs de 4 et 6 rounds chez les professionnels. *Depuis le début de l’année 2009, les combats sont d’une durée de trois rounds de trois minutes, tout comme en 1988 avant la réforme de l’AIBA découlant du cas Roy Jones aux Jeux olympiques de Séoul. 2- Se planter les pieds

Plusieurs bons boxeurs amateurs ne réussissent pas en boxe professionnelle car leur boxe est adaptée pour marquer des points. Ils pensent davantage en fonction de la vitesse au lieu de se « planter les pieds » pour frapper avec puissance. Un bon technicien comme Benoît Gaudet, seul Canadien à avoir vaincu un Cubain en boxe amateur (NDLR : depuis la rédaction de ce texte, Mikael Zewski a aussi réussi à vaincre un cubain), médaillé de bronze au championnat du monde en 1999 à Houston et olympien en 2004 à Athènes, travaille actuellement pour aller chercher cette « puissance supplémentaire ». Si la puissance vient naturellement, elle peut être améliorée à un certain degré, et ce, en travaillant au gymnase à se planter les pieds pour développer un transfert de poids complet. Des exercices de pliométrie peuvent également aider nettement ces boxeurs qui pensent davantage à marquer des points qu’à étirer leurs coups.

Jean Pascal, un de ceux qui ont bien réussi la transition vers la boxe professionnelle. (photo Vincent Ethier)

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3-Se servir du jab et des coups aux corps

La boxe olympique consiste en un système de pointage bien particulier, particulièrement lors des compétitions internationales. Dans certains pays, la technique utilisée par les boxeurs est moulée, question de marquer le plus de points possibles. Par exemple, certains pays changeront le positionnement de leur boxeur afin qu’il devienne gaucher, question de pouvoir marquer plus de points grâce à la contre-attaque. Les jabs et les coups au corps seront oubliés au profit du direct de la main arrière et du crochet de la main avant. « C’est de l’escrime avec des gants », avait d’ailleurs déclaré le vice-président du Groupe Yvon Michel (GYM), Bernard Barré, lors d’une discussion sur la boxe olympique internationale. Or, en boxe professionnelle, le jab est une arme plus qu’efficace, voire nécessaire, pour placer ses coups et bien contrôler la distance… il est question de gagner des rounds et non de marquer des points. Les coups au corps sont également un facteur non négligeable surtout dans un combat de longue haleine, question de ralentir un adversaire quand le nombre de

rounds progresse. D’ailleurs, avec de plus petits gants, un coup au foie ou au plexus solaire peut s’avérer déterminant (voir Arturo Gatti c. Léonard Dorin, Bernard Hopkins c. Oscar De la Hoya, Vasily Jirov c. Dale Brown). 4-Menton, endurance et aptitudes athlétiques

Une autre facette de la transition concerne l’endurance physique, la tolérance à la douleur et la capacité de prendre les coups. Comme en boxe amateur les gants de 10 onces sont un peu plus rembourrés (on n’a qu’à penser aux gants Top Ten, qui produisent 50 % moins de K.-O.), en plus des casques protecteurs qui absorbent une partie de la puissance et du fait que les combats durent moins longtemps, certains pugilistes qui font bien en style olympique peuvent être vulnérables en boxe professionnelle. On n’a qu’à penser à Amir Khan (Breidis Prescott), Benoît Gaudet (Henry Arjona) ou plus récemment Sébastien Gauthier (Mario Macias) pour se rendre compte que les petits gants peuvent permettre à des boxeurs durs mais au talent plus limité d’avoir une chance dans une arène où les guerriers sont rémunérés. Être talentueux ne suffit pas, il faut être déterminé ou avoir de l’endurance… et de préférence la tête dure! 5-Discipline

Il y a des boxeurs qui ont pu réussir en boxe olympique, comme Stéphane Ouellet et Michael Simms, seulement avec un talent inné. Indiscipliné, Ouellet a pu remporter des championnats canadiens et a presque assuré sa place sur l’équipe olympique canadienne grâce à sa fluidité et ses habiletés physiques. Idem pour Simms, champion du monde mi-lourd amateur en 1999 à Houston, qui a été jeté de l’équipe américaine pour problèmes disciplinaires. Les deux pugilistes ont connu dans un cas une carrière surprenante (29-5, 18 K.-O.) malgré une fin tragique (Ouellet), tandis que l’autre (Simms) connaît une carrière médiocre (20-11-1, 13 K.-O.). Or, chez les professionnels, l’éthique de travail compte beaucoup plus. Comme j’en ai parlé plus haut, il est question de faire des rounds de trois minutes et de faire des rounds supplémentaires. Les boxeurs professionnels doivent être mieux encadrés que les boxeurs amateurs. Souvent, blasés par une longue carrière amateur et un régime strict afin de réussir à respecter le poids limite de leur catégorie, des boxeurs relâchent tout simplement leur discipline une fois chez les pros.

Benoît Gaudet recherche cette « puissance supplémentaire » qui est nécessaire en boxe professionnelle. (photo Stéphane Lalonde)

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Vous seriez d’ailleurs surpris de voir le nombre de boxeurs évoluant à des poids beaucoup plus élevés en pro que chez les amateurs. Besoin d’exemple? Herman Ngoudjo (119 et 125 livres chez les amateurs, 140 livres chez les professionnels)

Exemples de transition réussie entre la boxe olympique et la boxe professionnelle depuis 1988

Voici quelques exemples de boxeurs amateurs émérites qui ont remporté un championnat du monde ou une médaille d’or olympique et qui ont également remporté une ceinture de champion du monde chez les professionnels. -Lennox Lewis (Canada), Joel Casamayor (Cuba), Oscar De la Hoya (USA), Wladimir Klitschko (Ukraine), Léonard Dorin (Roumanie), Antonio Tarver (USA) Exemples de transition ratée

Voici maintenant quelques boxeurs dominants chez les amateurs qui n’ont pu se démarquer chez les professionnels. -Shawn O’Sullivan, Howard Grant, Mark Leduc, Raymond Downey (tous les quatre canadiens), Michael Carruth (Irlande) Québec

Comme m’a expliqué le vice-président de GYM, Bernard Barré, certains boxeurs s’usent en demeurant trop longtemps chez les amateurs. Ça été le cas d’Andrew Kooner (9-2, 4 K.-O.), un double olympien dont on disait beaucoup de bien. « Quand tu fais des combats jour après jour et que tu dois affronter les meilleurs, des champions nationaux, ça magane assez rapidement, a-t-il confié. C’est seulement trois ou quatre rounds, mais dans le tapis. Tandis qu’en pro, tu peux monter une carrière en travaillant la transition technique, sans avoir, comme Andrew Kooner, à livrer des guerres soir après soir. Kooner est demeuré trop longtemps chez les amateurs. »

La boxe olympique internationale, « C’est de l’escrime avec des gants », a déjà déclaré le vice-président du Groupe Yvon Michel (GYM), Bernard Barré. (photo François Couture)

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Selon moi, meilleur exemple de belle transition actuellement est celle du nouveau champion mi-lourd du WBC, Jean Pascal (23-1, 15 K.-O.). On peut aussi penser à un boxeur comme David Lemieux (16-0, 16 K.-O.), qui comme Matthew Hilton (32-3-2, 23 K.-O.), n’a que peu boxé en catégorie ouverte (senior) en amateur. Tout comme l’ancien champion du monde IBF des super-mi-moyens, Lemieux monte les échelons de la boxe professionnelle en se servant de sa force de frappe et de son instinct belliqueux pour écraser ses rivaux. On devra toutefois attendre avant de voir le véritable talent du poulain de Russ Anber en raison du faible calibre des adversaires auxquels il a fait face. Contrairement à Dave Hilton père, Anber prend un soin jaloux de son boxeur afin de ne pas le lancer dans la gueule du loup.

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Le 19 juin dernier, lors du premier combat entre Jean Pascal et Adrian Diaconu au Centre Bell, notre journaliste a pu être un témoin privilégié des dessous de la télédiffusion de la carte de boxe au Québec et partout aux États-Unis, par le biais de la chaîne sportive Versus. Accueilli par l’équipe de production, il a pu assister à une réunion préparatoire et, le soir du combat, observer les principaux acteurs de cette télédiffusion. Il nous a préparé ce reportage.

Les dessous de la télédiffusion d’un gala de boxe Par François Couture (texte et photos)

Il est midi. Cage aux Sports du Centre Bell. J’ai rendez-vous au sous-sol, dans la salle de réunion. Tout le monde est là, sauf Jean Bédard, retenu ailleurs, et un employé de Versus, dont on déplore l’absence. Autour de la table sont réunis les principaux membres de l'équipe de production - une équipe pour le moins chevronnée : le réalisateur Michel Aumais, le producteur Michel Quidoz, le régisseur près du ring Gilles Paquette, le responsable de la vidéo du Centre Bell Paul Gallant, le directeur de production technique Patrick Fortaich, le superviseur de la production télé Jacques Primeau, le directeur de l'événement Patrick Sawyer, l'analyste télé et représentant du Groupe Yvon Michel Bernard Barré, et l'attaché de presse d'Interbox, David Messier. Au menu, en plus des morceaux de poulet et des salades qui jonchent la longue table : les derniers préparatifs en vue de la télédiffusion de ce soir. Première constatation : le déroulement d’un gala est prévu à la seconde près. Rien n’est laissé au hasard. Chaque membre de l’équipe possède une feuille de route de l’événement, où l’on apprend par exemple que l’introduction du gala aura lieu à 19 h 14 min et 30 sec., que la présentation du premier boxeur (Jean Charlemagne) surviendra deux minutes plus tard, que son rival (Pier-Olivier ‘Apou’ Côté) sera nommé une minute plus tard, etc. On prévoit deux minutes pour l’attente de la décision, idem pour la sortie du ring des belligérants. Sur cette feuille de route, on retrouve également une case «Pas avant» : au cas où il y aurait K.-O., le réalisateur et les membres de son équipe savent que tel segment du spectacle sportif ne peut commencer avant telle ou telle heure. C’est une donnée importante lors de la retransmission d’un combat à la télévision. Ce soir-là, Versus diffuse deux combats et la demi-finale, mettant aux prises Michael Simms et Troy Amos Ross, doit impérativement débuter à 21 h, avec l’entrée de Simms dans le Centre Bell. Il faut assister à l’une de ces réunions pour comprendre à quel point cet événement médiatisé est en fait une véritable orgie de détails – compliquée ce jour-là par l’absence du représentant du diffuseur américain Versus. Sans trop rentrer dans les détails techniques, chaque décision prise à partir de 21 h, heure du début de la diffusion en direct aux États-Unis aurait dû être validée par un représentant du télédiffuseur. J’apprends que l’équipe de production américaine n’est arrivé que la veille à Montréal (alors que, par exemple, les gens de Showtime arrivent plusieurs jours à l’avance, pour fignoler chaque détail), et cela complique la tâche de l’équipe québécoise. Bref, on identifie une personne qui fera le suivi avec Versus un peu plus tard dans l’après-midi et on continue avec la liste des questions à régler avant 13 h 30.

Réunis à la Cage aux Sports quelques heures avant le gala de boxe, les membres de l'équipe de production s'affairent à régler les derniers pépins.

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Les pauses pour permettre d’acheter de la bière, la personne qui dit aux boxeurs de rentrer et de sortir du ring, l’heure à laquelle on décide de passer le combat de soutien ou non, ce qu’on fait si on a un K.-O. rapide en demi-finale, les moments on met des pubs avec son (et d’autres sans son) sur les écrans géants du Centre Bell, le moment où on apporte les drapeaux sur le ring (21 h 55 précises!), le moment où on présente Lucian Bute à la foule, le lieu des entrevues après-combat (sur le ring ou à l’extérieur), etc., chaque micro-détail est analysé à cette importante réunion, la dernière avant le début de la carte de boxe. J’apprends aussi que peu importe le vainqueur de la finale entre Pascal et Diaconu ce soir-là, s’il y a un K.-O., il y aura des feux d’artifices et de la pyrotechnie (on se rappelle, cette carte constitue la première collaboration entre Interbox et le Groupe Yvon Michel); si on se rend à la décision des juges, on n’aura que des confettis. J’apprends également que même si on est en sol québécois, c’est Versus qui a la priorité dans les entrevues d’après-combat. On détermine comment on va créer un build-up dans le Centre Bell pour l’arrivée de Pascal et de Diaconu : puisque c’est une coproduction GYM-Interbox, on a peu d’éléments visuels et scénographiques, les budgets sont restreints. On décide alors qu’on fermera les lumières de l’amphithéâtre jusqu’à l’annonce des boxeurs par Christian Gauthier... Après 90 minutes d’échanges, les questions ont toutes été vidées, les éventuels problèmes évoqués, et on est donc prêts. En sortant, je me dis que c’est vraiment la télé qui détermine les conditions de présentation d’un gala. Et qu’à cause de cette première coproduction GYM-Interbox, à cause des boxeurs en présence, à cause du championnat du monde en jeu, les gens présents et moi-même avons tous le même sentiment : c’est une soirée qui marquera l’histoire de la boxe canadienne. Un bal bien orchestré

J’arrive au Centre Bell vers 18 h. Je croise

François Picanza de LaZonedeboxe.com, qui prépare son attirail technique pour l’enregistrement des combats de la soirée, en vue d’une webdiffusion sur La Zone, dans la section Platine. François possède deux caméras numériques : l’une, portable, pour ses entrevues, l’autre qui demeure en régie technique pour l’enregistrement en continu des différents combats. Il faut savoir que lors d’un gala, la Zone se nourrit à même l’image du télédiffuseur principal, grâce à une entente savamment négociée par F. Picanza. Toute la soirée, je suivrai à la trace Patrick Sawyer, qui se veut le responsable de la circulation des boxeurs sur le plancher et en coulisses. C’est lui qui va les chercher dans leur vestiaire, qui leur dit quand monter sur l’estrade, et c’est également lui qui leur donne le signal de départ (GO! GO! GO!) pour leur marche vers le ring. Muni d’une paire d’écouteurs, je peux entendre toutes les communications entre les membres de l’équipe de production, de même que les échanges entre Versus et le réalisateur Michel Aumais, qui lui est situé derrière sa console, sur le bord de la bande côté Ouest, en plein centre du ring. Rares sont les silences sur les ondes, car il y a toujours un détail à régler, quelque chose qui cloche. En ce début de carte, pour ne donner que cet exemple, quelqu’un avise l’équipe qu’on doit retarder l’entrée en scène des deux premiers boxeurs puisque les ambulanciers ne sont toujours pas arrivés au Centre

Bell (afin de respecter un règlement de la Régie des Alcools, des Courses et des Jeux du Québec). Quelques jurons fusent mais chacun garde son calme : ces professionnels de la télédiffusion en ont vu bien d’autres au cours de leur carrière (Michel Quidoz, pour ne nommer que lui, a été le réalisateur de La Soirée du hockey à Radio-Canada pendant 25 ans! Michel Aumais, quant à lui, a eu le même emploi dans les années 2000).

François Picanza branche sa quincaillerie pour l'enregistrement des combats de la soirée, dans la régie technique.

« La télé détermine les conditions de

présentation d’un gala »

« Rares sont les silences sur les ondes, il y a

toujours un détail à régler, quelque chose qui cloche »

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Reproduction de la première page de la feuille de route de l'équipe de production télé

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Lorsque le réalisateur annonce que la présentation du premier boxeur par Christian Gauthier aura lieu dans 15 secondes, on sent l’adrénaline monter d’un cran. Jean Charlemagne et Pier-Olivier Côté sont dans leur coin. On s’aperçoit que Christian Gauthier s’est trompé dans l’annonce de la couleur des coins respectifs. Le logo de Versus apparaît dans l’image projeté sur l’écran géant du Centre Bell (alors qu’il ne doit y figurer qu’à partir de 21 h). Les projecteurs de poursuite (follow spots) sont trop puissants au goût du réalisateur. Les problèmes surgissent mais les solutions viennent – et doivent venir! – très rapidement... “Apou n’a pas fait le travail”, que j’entends dans les écouteurs. C’est vrai qu’en réunion, ce midi, on s’entendait tous pour dire que ce premier combat serait plus expéditif : même les K.-O. sont prévus à l’horaire et lorsqu’ils ne surviennent pas, on prend du retard... Il est alors décidé que Sébastien Gauthier et son adversaire se présenteront dans le ring sans marche vers le ring, pour rattraper quelques minutes. Michel Aumais indique également que la décision sera rendue rapidement après le combat, et que les boxeurs suivants devront se tenir prêts. Patrick Sawyer est déjà en train de marcher vers les vestiaires pour les avertir. On réagit promptement. Heureusement pour l’équipe télé (mais pas pour lui!), Gauthier est victime d’un sévère K.-O. au deuxième round. On peut ainsi reprendre tout le temps perdu par le retard des ambulanciers et la contre-performance de P.-O. Côté. Michel Aumais annonce que le prochain combat aura lieu dans huit minutes.

« Même les K.-O. sont prévus à l’horaire et

lorsqu’ils ne surviennent pas, on prend du retard »

Le commentateur et l'analyste du réseau américain Versus doivent livrer leur information tout en demeurant réceptifs aux directives du régisseur (en avant-plan, avec le casque d'écoute).

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J’en profite pour prendre quelques photos et pour me poster près de l’entrée des boxeurs, à l’orée des coulisses. Je suis privilégié de pouvoir ainsi les observer dans les minutes, voire les secondes qui précèdent leur entrée. Certains s’étirent en silence et sont hyper concentrés; d’autres badinent avec leurs hommes de coin ou avec Patrick Sawyer. Chacun a sa façon bien à lui de composer avec l’attente, la nervosité et la pression. Les combats de la sous-carte vont bon train. À 21h, le réseau Versus entre en ondes (et les commentaires en anglais se font plus présents dans les écouteurs). C’est leur show maintenant, c’est le moment pendant lequel les spectateurs au Centre Bell attendent plusieurs minutes avant d’avoir de l’action sur le ring, pendant l’analyse avant-combat des présentateurs du réseau sportif. Les impératifs télévisuels sont importants et il faut laisser aux gens le temps d’acheter des victuailles... Après une demi-finale quelque peu décevante (Troy Ross et Michael Simms), tout le monde est prêt pour la finale. Le réalisateur donne l’ordre de faire monter les (jolies) filles avec leurs drapeaux. Il est décidé à ce moment qu’il n’y aurait pas d’hymne national. Les indications dans les écouteurs sont plus nombreuses et doivent être exécutées immédiatement. Le niveau de bruit dans le Centre Bell augmente. Au moment où on entend : One minute! Let’s do it, guys!, l’émotion est à son comble. On cherche Christian Gauthier, qui devait déjà être sur le ring. Après l’avoir trouvé, on fait le black-out total dans le Centre Bell. La foule est en délire. Le réalisateur américain crie d’allumer les projecteurs de poursuite, pour montrer la foule en liesse aux téléspectateurs américains : I wanna see the crowd! I wanna see the crowd! Car oui, on doit crier dans les écouteurs pour se faire entendre. À 22 h 02 précises, soit seulement deux minutes plus tard que l’horaire initialement prévu sur la feuille de route, Michel Aumais donne le signal à Gilles Paquette, le régisseur près du ring : OK, présentation des boxeurs, Gilles, vas-y, fais signe à Christian!

Accompagné de leur thème musical respectif, les deux boxeurs font leur entrée sur le ring dans un tonnerre de cris et d’applaudissements. Après les présentations de Christian Gauthier, pendant lesquelles on entend dans nos écouteurs les commentaires flatteurs des Américains sur nos filles dans le ring (soulignons aussi que les gens de Versus sont très impressionnés par la qualité du spectacle et par la réaction enthousiaste de la foule), Pascal et Diaconu se font face au centre du ring, écoutant les dernières directives du troisième homme. C’est le moment : les filles sortent avec les drapeaux, les gants se touchent, le combat peut enfin commencer. Curieusement, une fois la machine lancée, les indications se font plus rares, tout roule tout seul. L’équipe québécoise se fait plus discrète et on n’entend que les commentaires des membres de l’équipe américaine.

Après un combat époustouflant, qui restera longtemps gravé dans les mémoires, la télédiffusion se termine avec ces mots du réalisateur Michel Aumais : Bon show, merci à tout le monde.

« Les gens de Versus sont très impressionnés

par la qualité du spectacle et par la

réaction enthousiaste de la foule »

« À 21h, le réseau Versus entre en

ondes […] C’est leur show maintenant »

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Entrevue avec Eleider Alvarez

par Samuel D.-Drolet

Octobre 2007, Marc Ramsay, entraîneur émérite de boxe et Bernard Barré, vice-président de GYM et responsable du recrutement pour cette même écurie, se rendent au Championnat du monde de boxe olympique à Chicago. Leur but est bien simple: trouver les boxeurs ayant le meilleur potentiel et les plus belles aptitudes pour faire le saut chez les professionnels. À l’issu de cette compétition, Barré et Ramsay font une liste épurée de 16 boxeurs qui pourraient avoir, si bien encadrés, un avenir prometteur en boxe professionnelle. Après plusieurs démarches, GYM parvient finalement à mettre la main sur deux espoirs colombiens : Oscar Rivas et Eleider Alvarez. De ces deux boxeurs, Eleider Alvarez est celui qui devrait gravir les classements le plus rapidement en raison de son style foudroyant et de son expérience chez les amateurs. Le magazine La Zone de Boxe a eu le privilège de s’entretenir avec cette étoile montante au terme d’un de ses entraînements quotidiens. Le parcours d’Eleider Alvarez Zone de Boxe: Merci, Eleider, de nous accorder de ton temps pour cette entrevue. Nous savons peu de choses sur toi, outre le fait que tu es Colombien et que tu as un bon passé en boxe amateur. Peux-tu nous parler de toi? EA: Tout le plaisir est pour moi, vraiment! Alors que dire… Je suis né à Puerto Giron, une petite ville coloniale de 200 habitants où les gens vivent principalement de l’industrie du bois et de la pêche. Mon père était capitaine de bateau et ma mère s’occupait de mes deux sœurs (Vilma Yudis et Deysi) et de moi. Quelques années plus tard, nous avons déménagé à Turbo, dans le département Antioquia. C’est là que j’ai commencé à boxer. ZDB : Parlant de boxe, comment en es-tu venu à boxer? EA: C’est à cause de ma mère que j’ai commencé à boxer. Quand j’étais plus jeune, après les heures de cours, je traînais dans les rues et elle n’aimait pas ça. Elle a donc demandé à Owsvaldo Ricard, un entraîneur de boxe qui habitait en face de chez nous, de bien vouloir s’occuper de moi. J’ai ainsi commencé à pratiquer la boxe à l’âge de 10 ans, mais mes débuts furent brefs. J’ai arrêté de boxer à 11 ans, pour recommencer quelques années plus tard. Lorsque j’avais 14 ans, ma mère est morte. Je lui ai fait la promesse de devenir un grand boxeur. J’ai repris l’entraînement avec acharnement, les résultats obtenus en témoignent. ZDB : Tu as boxé chez les amateurs pendant une dizaine d’années, à quoi ressemble ton parcours? EA: Dès mes premières années, j’ai cumulé les victoires, ce qui m’a mené au championnat du département d’Antioquia. Couronné champion du département à sept reprises, je me suis rendu aux sélections de l’équipe nationale. J’ai remporté cinq championnats nationaux, ce qui m’a permis de défendre les couleurs de la Colombie sur la scène internationale pendant quelques années. J’ai gagné une médaille d’argent aux Jeux Bolivarianos1, des médailles d’or aux Jeux sud-américains et aux Jeux 1 Compétition ayant lieu tous les 4 ans impliquant les pays du nord de l’Amérique du Sud tels que la Colombie, la Bolivie, l’Équateur, le Panama, le Pérou et le Vénézuela.

Alvarez lors des Jeux Panaméricains au Brésil en 2007.

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panaméricains, et j’ai été sacré champion panaméricain, champion du tournoi Roberto Balado à Cuba, champion du tournoi de la bataille de Carabobo au Venezuela. J’ai terminé dans le top 8 lors des championnats mondiaux juvéniles de 2002 à Cuba, et dans le top 16 lors des championnats mondiaux à Chicago en 2007. J’ai été un fier représentant de l’équipe colombienne lors des derniers Jeux olympiques de Pékin où je me suis incliné aux points face au médaillé de bronze Tony Jeffries de Grande-Bretagne. ZDB : Félicitations, ce sont de belles réussites! EA : En fait, il y en a d’autres, mais elles ne me viennent pas toutes en tête! (rires) ZDB : En boxe amateur, avais-tu une bête noire? EA : Il y a eu bien entendu Tony Jefferies qui m’a donné du fil à retordre aux Jeux olympiques. Il y a aussi un Colombien qui a toujours été, pour moi, comme une roche dans un soulier! Il s’appelle Jeison Monroy, et c’est mon successeur dans l’équipe nationale de Colombie. ZDB : Quelle était ta fiche chez les amateurs avant de passer chez les professionnels? EA : J’ai fait plus ou moins 150 combats et j’en ai perdu seulement 16. Alvarez passe pro ZDB : Tu as décidé de passer chez les professionnels cette année, qu’est-ce qui a motivé ta décision? EA : J’ai connu une carrière amateur intéressante. J’ai vécu ce que je voulais vivre et j'avais envie d'essayer autre chose. Maintenant que je suis chez les pros, je veux faire un peu comme tous ceux qui font le saut, c'est-à-dire devenir champion du monde. Cependant, ça ne s’arrête pas là. Je souhaite aussi devenir un modèle pour les jeunes en étant une bonne personne et en restant humble et accessible. Le côté économique a aussi pesé dans la balance. Je dois subvenir aux besoins de ma famille en Colombie. Mon père est sans emploi, et je viens d’avoir une petite fille, une grosse partie de mes bourses va directement dans mon pays pour ceux que j’aime. ZDB : Pourquoi as-tu alors choisi GYM? As-tu reçu d’autres offres? Est-ce que le fait que Oscar Rivas signait avec toi a influencé ta décision? EA : J’ai reçu plusieurs offres de différents promoteurs de partout dans le monde (États-Unis, Allemagne, Argentine, etc.). Top Rank et Golden Boy Promotion étaient intéressés, mais nous n’arrivions pas à nous entendre sur certains termes en raison des différents intermédiaires qui nous séparaient. Je désirais m’asseoir avec eux pour discuter et ça semblait impossible, alors qu’avec GYM tout était si facile. Le fait qu’Oscar (Rivas) faisait aussi partie de leurs priorités était important pour moi. Oscar est un bon ami depuis plusieurs années, nous avons fait la pluie et le beau temps en boxe amateur dans notre pays. J’habite maintenant avec lui à quelques pas du métro Sauvé. À deux, l’acclimatation est plus facile, j’en suis bien heureux. ZDB : Comment se sont passés tes premiers contacts avec GYM? EA : Marc Ramsay m’a approché en me disant qu’il était l’entraîneur de Jean Pascal et qu’il était intéressé à mes services ainsi qu’à ceux d’Oscar Rivas. Je lui ai répondu que je ne connaissais pas Jean Pascal (rires)! Marc a ajouté que si je voulais passer chez les professionnels, je n’avais qu’à l’appeler quand je serais prêt. En janvier 2008, Epifano Mendoza (boxeur professionnel qui a servi de traducteur pour GYM) m’a téléphoné pour me dire qu’une firme canadienne s’intéressait à moi et qu’il s’agissait du Groupe Yvon Michel. C’est donc Epifano Mendoza qui nous a amenés ici et qui nous a aidés pour la signature des contrats.

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ZDB : Est-ce que ça a été dur de quitter ton équipe d'entraîneurs pour venir ici? EA : Ce n’est jamais facile de quitter ceux qu’on aime surtout quand ils ont toujours cru en toi et qu’ils t’ont permis de te rendre au sommet. J’ai eu le sentiment de tout abandonner: mes coutumes, mes amis, ma famille, mes proches, mes entraîneurs de l’équipe nationale. C’était dur de laisser mes entraîneurs, l'un d’entre eux surtout, car il a su me donner confiance en moi et était très présent. C’était plus qu’un entraîneur, c’était un ami, un exemple. On ne peut pas devenir un bon boxeur si on n'est pas bien entouré à la base. J’ai été très chanceux d’être si bien entouré tout au long de ma carrière, et j’en remercie Dieu. Je n’ai jamais eu de problème avec personne de l’équipe nationale. Nous étions une grande famille et ils me manquent. ZDB : Comment perçois-tu ton cheminement? Où te vois-tu à la fin de l’année et à plus long terme? EA: Je suis très satisfait de mon début de carrière. Les adversaires que j’affronte me permettent de m’améliorer de combat en combat. Il me reste encore beaucoup de détails à peaufiner avant d’être champion du monde. Ce sont des détails de transition qui s’ajusteront avec le temps. Mon entraîneur Marc (Ramsay) m’aide énormément, ce qui me permet de progresser relativement rapidement. Marc est un entraîneur brillant et semble savoir tout ce qu’il faut pour me permettre de bien évoluer. Ici, comme en Colombie, je suis très bien entouré. Où je me vois? J'y vais une étape à la fois, on verra où ça mènera.

Eleider Alvarez avec son entraîneur Marc Ramsay. (photo Vincent Ethier)

Eleider Alvarez le bras du gagnant en l’air, quelque chose que l’on risque de voir souvent dans les prochaines années! (Photo Vincent Ethier)

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Quelques questions pour le plaisir ZDB : Outre la boxe, quels sont tes passe-temps préférés? EA: Comme je suis encore relativement nouveau ici, disons que, pour l'instant, j'aime écouter de la musique, jouer au X-Box, voir des amis, clavarder avec mes amis et dormir. Mais éventuellement, j'aurai plus de passe-temps (rires). ZDB : Comment t’acclimates-tu au Québec, redoutes-tu l’hiver? EA : C’est difficile à certains égards, car je viens d’un pays où la température est souvent au-dessus de 30 degrés. Le froid qui commence à arriver me fait peur (rires). J’aime le froid, mais je ne suis pas prêt à vivre dans un igloo! Une chose est certaine, c’est que je vais devoir m’acclimater. Je demande souvent à mes amis si c’est ça l’hiver, alors que nous ne sommes qu’en septembre (rires). Oscar et moi avons choisi le Québec, car c’est un endroit magnifique et les gens sont très sympathiques. Nous aimons cette nouvelle culture et nous apprécions rencontrer de nouvelles personnes, mais il est évident que ma famille me manque et que j’ai hâte d’aller en Colombie pour les revoir. ZDB : Si tu n’avais pas été boxeur, quel métier aurais-tu aimé exercer? EA: En fait, je suis boxeur, car je suis très mauvais dans toutes les autres disciplines! Plus sérieusement, je crois que j’aurais aimé être animateur à la radio. ZDB : Que souhaites-tu faire après la boxe? Penses-tu rester ici? EA: Je ne le sais pas encore. Je me concentre présentement sur ma carrière de boxeur professionnel. Pour le reste, on verra en temps et lieu. C'est encore loin. ZDB : D’où te vient le surnom « Storm »? EA: En 2007, quand j’ai rencontré Marc (Ramsay), il m’a dit que je me comportais comme une tornade (hurricane) lors de mes combats. J’ai dit à Marc de me trouver un autre surnom, car il y avait, jadis, un excellent boxeur colombien qui s’appelait El « Huracán » Palacio, mais il est malheureusement décédé du sida. Marc est resté dans le même ordre d’idées et m’a surnommé « Storm », ce qui signifie tempête. ZDB : Aimerais-tu apprendre le français? EA: Je commence peu à peu à apprendre la langue. Je me donne un an pour me faire l’oreille. Par la suite, je vais suivre des cours. C’est important pour moi de pouvoir parler français et de me faire comprendre. ZDB : Merci beaucoup Eleider, je te souhaite la meilleure des chances! EA: Ça m’a fait plaisir, merci à toi, merci aux supporteurs et merci à Dieu.

Alvarez contre le vétéran Jesse Sanders (14-6-2) lors de son premier combat professionnel au Casino de Montréal le 28 août 2009. (photo Vincent Ethier)

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