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ACCRÉDITATION EN BACTÉRIOLOGIE REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2014 - N°461 // 25 article reçu le 4 janvier, accepté le 17 janvier 2014. © 2014 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés. RÉSUMÉ En raison de sa spécificité, l’accréditation en bactériologie est plus difficile à mettre en œuvre que pour d’autres disciplines de biologie. Consciente de ces enjeux, la Société française de microbiologie (SFM) a constitué un groupe de travail, le QUAMIC, pour accompagner les laboratoires dans leur démarche et faciliter leur travail. Une réflexion méthodologique a été développée et des exemples de documents ont été fournis dans le document QUAMIC en vue de faciliter la mise en place de l’accréditation dans les laboratoires de microbiologie. La microbiologie médicale est fondamentalement différente des autres spécialités biologiques car elle s’intéresse au monde du vivant. Aussi, ne peut-elle être appréhendée, en matière d’accréditation, de la même manière que les autres disciplines telles que la biochimie, pour lesquelles les analyses visent à effectuer le dosage d’un substrat ou d’un constituant au sein d’un liquide biologique. L’analyse microbiologique a le plus souvent pour objet, d’une part, la mise en évidence d’un ou des micro-organismes susceptibles d’être responsables d’un syndrome infectieux à partir d’échantillons divers et variés, ceci parfois au sein d’une flore commensale complexe et, d’autre part, l’étude de leurs sensibilités aux anti-infectieux. Ces particularités et tous ces aspects ont été intégrés dans le document QUAMIC qui comporte un certain nombre de chapitres et de fiches ayant trait à la partie préanalytique, analytique et postanalytique. Ce document ne saurait être exhaustif, l’objectif est de fournir aux microbiologistes des éléments de référence permettant à chacun de développer une démarche qualité efficiente, durable, adaptée, sans entrer dans le piège de l’excès et de la sur-qualité. Le document est illustré d’exemples de gestion du contrôle de qualité ou d’élaboration d’un dossier de validation de méthode, ou encore d’implication en matière de prestation de conseils. Ce document étant appelé à vivre et à évoluer dans le temps, il sera réguliè- rement revu au fil des évolutions à la fois des exigences, des techniques et des besoins. Il sera également enrichi de chapitres concernant plus spéci- fiquement la virologie et la mycologie. Les auteurs espèrent ainsi contribuer à répondre aux attentes des microbiologistes mais également à celles des évaluateurs Cofrac. Accréditation – bactériologie – référentiel QUAMIC. Patrice Laudat a, *, Jean-Louis Galinier b , Christian Cattoen c , Agnès Ferroni d , Brigitte Lamy e , René Courcol f et le Groupe Quamic g L’accréditation en bactériologie : enjeux, difficultés et particularités a Laboratoire Arnaud 40, rue Jules Simon – 37000 Tours b Biolab Avenir 43, av. de Lombez – Clinique Pasteur – 31076 Toulouse cedex c Laboratoire de microbiologie – Centre hospitalier de Valenciennes Av. Desandrouins – 59322 Valenciennes d Laboratoire de microbiologie – Hôpital Necker-Enfants Malades 149, rue de Sèvres 75743 Paris cedex 15 e Laboratoire de bactériologie – Centre hospitalier universitaire Av. du Doyen-Giraud – 34295 Montpellier cedex f Institut de microbiologie – Centre hospitalier universitaire 59037 Lille cedex g le Groupe QUAMIC-SFM: C. Auvray - Dijon, R. Baraduc - Clermont-Ferrand, M. Baume -Lyon, A. Bouvet - Paris, F. Canis - Valenciennes, C. Cattoen - Valenciennes, S. Charachon - Nîmes, V. Cocquerelle - Strasbourg, R. Courcol - Lille, C. de Champs - Reims, M. de Montclos - Lyon, A. Deloy - Paris, C. Eloy - Troyes, A. Ferroni - Paris, N. Fonsale - Saint-Étienne, F. Grobost - La Ferté- Bernard, N. Hidri - Limoges, J.-L. Galinier - Toulouse, J. Izopet - Toulouse, B. Jaulhac - Strasbourg, C. Kauffmann-Lacroix - Poitiers, B. Lamy - Montpellier, P. Laudat - Tours, C. Lawrence - Garches, C. Menard - Strasbourg, C. Muller - Paris, P. Pischedda - Lille, M.-E. Reverdy - Lyon, J. Ritter - Lyon, C.-J. Soussy - Créteil, A. Tachet - Pau, S. Tigaud - Lyon, F Toubais - Paris. * Correspondance [email protected] SUMMARY Accreditation and bacteriology Due to its specificity, the accreditation of bacteriolo- gy is more difficult to implement than other biological disciplines. Recognizing these challenges, the French Society for Microbiology (SFM) established a working group, the QUAMIC group, to support laboratories in their approach and to facilitate the setting of the process. A methodological approach has been developed and it was decided to provide documents with examples to facilitate the implementation of accreditation. The medi- cal microbiology is fundamentally different from other biological specialties because it focuses on the living world. Therefore, microbiology cannot be understood, in terms of accreditation, in the same manner that other disciplines, such as biochemistry for which the analysis determines a substrate or a constituent in a biological fluid. Microbiological analysis is usually intended, first, to highlight one or several microorganisms responsible for an infectious syndrome in miscellaneous specimens and sometimes among a complex commensal flora and, secondly, to study their susceptibility to antimicrobial agents. All these features have been included into the QUAMIC document with chapters and files relating to the pre-analytical, the analytical and post-analytical parts. This document cannot be exhaustive and the aim is rather to provide to microbiologists some reference materials and examples on how to manage quality control and to prepare a validation document, or to describe the involvement in the provision of advice, so everyone can develop an efficient quality management, sustainable, appropriate, without entering into the trap of excess and over-quality. This document is being called to live and evolve over time, it will be updated steadily according to both the developments of requirements, technical developments and needs. It will also be enriched with chapters specific to virology and mycology. The authors hope to contribute to meet the needs of microbiologists but also to those COFRAC evaluators. Accreditation – bacteriology – QUAMIC.

L’accréditation en bactériologie : enjeux, difficultés et particularités

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Page 1: L’accréditation en bactériologie : enjeux, difficultés et particularités

ACCRÉDITATION EN BACTÉRIOLOGIE

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2014 - N°461 // 25

article reçu le 4 janvier, accepté le 17 janvier 2014. © 2014 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés.

RÉSUMÉ

En raison de sa spécificité, l’accréditation en bactériologie est plus difficile à mettre en œuvre que pour d’autres disciplines de biologie. Consciente de ces enjeux, la Société française de microbiologie (SFM) a constitué un groupe de travail, le QUAMIC, pour accompagner les laboratoires dans leur démarche et faciliter leur travail. Une réflexion méthodologique a été développée et des exemples de documents ont été fournis dans le document QUAMIC en vue de faciliter la mise en place de l’accréditation dans les laboratoires de microbiologie. La microbiologie médicale est fondamentalement différente des autres spécialités biologiques car elle s’intéresse au monde du vivant. Aussi, ne peut-elle être appréhendée, en matière d’accréditation, de la même manière que les autres disciplines telles que la biochimie, pour lesquelles les analyses visent à effectuer le dosage d’un substrat ou d’un constituant au sein d’un liquide biologique. L’analyse microbiologique a le plus souvent pour objet, d’une part, la mise en évidence d’un ou des micro-organismes susceptibles d’être responsables d’un syndrome infectieux à partir d’échantillons divers et variés, ceci parfois au sein d’une flore commensale complexe et, d’autre part, l’étude de leurs sensibilités aux anti-infectieux. Ces particularités et tous ces aspects ont été intégrés dans le document QUAMIC qui comporte un certain nombre de chapitres et de fiches ayant trait à la partie préanalytique, analytique et postanalytique. Ce document ne saurait être exhaustif, l’objectif est de fournir aux microbiologistes des éléments de référence permettant à chacun de développer une démarche qualité efficiente, durable, adaptée, sans entrer dans le piège de l’excès et de la sur-qualité. Le document est illustré d’exemples de gestion du contrôle de qualité ou d’élaboration d’un dossier de validation de méthode, ou encore d’implication en matière de prestation de conseils.Ce document étant appelé à vivre et à évoluer dans le temps, il sera réguliè-rement revu au fil des évolutions à la fois des exigences, des techniques et des besoins. Il sera également enrichi de chapitres concernant plus spéci-fiquement la virologie et la mycologie. Les auteurs espèrent ainsi contribuer à répondre aux attentes des microbiologistes mais également à celles des évaluateurs Cofrac.

Accréditation – bactériologie – référentiel QUAMIC.

Patrice Laudata,*, Jean-Louis Galinierb, Christian Cattoenc, Agnès Ferronid, Brigitte Lamye, René Courcolf et le Groupe Quamicg

L’accréditation en bactériologie : enjeux, difficultés et particularités

a Laboratoire Arnaud40, rue Jules Simon – 37000 Tours b Biolab Avenir43, av. de Lombez – Clinique Pasteur – 31076 Toulouse cedex c Laboratoire de microbiologie – Centre hospitalier de ValenciennesAv. Desandrouins – 59322 Valenciennes d Laboratoire de microbiologie – Hôpital Necker-Enfants Malades149, rue de Sèvres75743 Paris cedex 15 e Laboratoire de bactériologie – Centre hospitalier universitaireAv. du Doyen-Giraud – 34295 Montpellier cedex f Institut de microbiologie – Centre hospitalier universitaire59037 Lille cedex

g le Groupe QUAMIC-SFM : C. Auvray - Dijon, R. Baraduc - Clermont-Ferrand, M. Baume -Lyon, A. Bouvet - Paris, F. Canis - Valenciennes, C. Cattoen - Valenciennes, S. Charachon - Nîmes, V. Cocquerelle - Strasbourg, R. Courcol - Lille, C. de Champs - Reims, M. de Montclos - Lyon, A. Deloy - Paris, C. Eloy - Troyes, A. Ferroni - Paris, N. Fonsale - Saint-Étienne, F. Grobost - La Ferté-Bernard, N. Hidri - Limoges, J.-L. Galinier - Toulouse, J. Izopet - Toulouse, B. Jaulhac - Strasbourg, C. Kauffmann-Lacroix - Poitiers, B. Lamy - Montpellier, P. Laudat - Tours, C. Lawrence - Garches, C. Menard - Strasbourg, C. Muller - Paris, P. Pischedda - Lille, M.-E. Reverdy - Lyon, J. Ritter - Lyon, C.-J. Soussy - Créteil, A. Tachet - Pau, S. Tigaud - Lyon, F Toubais - Paris.

* [email protected]

SUMMARYAccreditation and bacteriology

Due to its specificity, the accreditation of bacteriolo-gy is more difficult to implement than other biological disciplines. Recognizing these challenges, the French Society for Microbiology (SFM) established a working group, the QUAMIC group, to support laboratories in their approach and to facilitate the setting of the process. A methodological approach has been developed and it was decided to provide documents with examples to facilitate the implementation of accreditation. The medi-cal microbiology is fundamentally different from other biological specialties because it focuses on the living world. Therefore, microbiology cannot be understood, in terms of accreditation, in the same manner that other disciplines, such as biochemistry for which the analysis determines a substrate or a constituent in a biological fluid. Microbiological analysis is usually intended, first, to highlight one or several microorganisms responsible for an infectious syndrome in miscellaneous specimens and sometimes among a complex commensal flora and, secondly, to study their susceptibility to antimicrobial agents. All these features have been included into the QUAMIC document with chapters and files relating to the pre-analytical, the analytical and post-analytical parts. This document cannot be exhaustive and the aim is rather to provide to microbiologists some reference materials and examples on how to manage quality control and to prepare a validation document, or to describe the involvement in the provision of advice, so everyone can develop an efficient quality management, sustainable, appropriate, without entering into the trap of excess and over-quality.This document is being called to live and evolve over time, it will be updated steadily according to both the developments of requirements, technical developments and needs. It will also be enriched with chapters specific to virology and mycology. The authors hope to contribute to meet the needs of microbiologists but also to those COFRAC evaluators.

Accreditation – bacteriology – QUAMIC.

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1. Introduction

L’accréditation des laboratoires de biologie médicale est devenue une réalité sur le plan réglementaire. Elle doit être perçue comme une approche méthodologique et un outil destinés à faire progresser la qualité de nos analyses et à valoriser notre discipline.La bactériologie est une discipline pour laquelle de nom-breux biologistes se posent des questions en matière d’accréditation. Les laboratoires accrédités en bactério-logie sont encore peu nombreux, sans doute en raison des spécificités de cette discipline liées à la nature des échantillons biologiques (diversité des matrices), à la diversité des localisations anatomiques des prélève-ments et en raison d’une automatisation encore partielle laissant une large place aux techniques manuelles. De surcroît cette discipline présente la particularité d’être en constante évolution. Les publications récentes abor-dant la thématique de l’accréditation en bactériologie sont rares [1-6]. Quels sont les enjeux, les difficultés, les particularités de l’accréditation en bactériologie ? Cet article donne des exemples et tente d’apporter quelques réponses.

2. Historique du groupe QUAMIC

La Société française de microbiologie (SFM), de par son statut de société savante dans le domaine de la microbio-logie, a pour mission de fixer le niveau des compétences des microbiologistes et des exigences techniques dans le domaine du management de la qualité. La SFM est à l’origine du référentiel en microbiologie médicale (REMIC, version 4 en cours de validité) [7], transposé en version européenne (European manual of clinical microbiology) [8]. Elle assure la publication annuelle du Comité de l’anti-biogramme (CA-SFM) [9]. La SFM s’est associée avec la Collégiale des enseignants de microbiologie des facultés de médecine (AZAY) et avec le Collège de bactériologie, virologie et hygiène des hôpitaux (COL BVH) mais aussi avec des microbiologistes libéraux pour déterminer ces niveaux de compétences et d’exigences et proposer au Cofrac des recommandations spécifiques à la microbio-logie. Le groupe ainsi constitué, dénommé QUAMIC, se réunit régulièrement depuis novembre 2010.Le groupe QUAMIC met en ligne, pour ses membres, sur les sites de la SFM et du COL BVH des recommandations sur les parties préanalytiques, analytiques et postanaly-tiques des examens de microbiologie [10]. Une dizaine de documents sont disponibles dans la version 2013, comme, par exemple la mise en place des contrôles internes et externes, les hémocultures, l’examen cyto-bactériologique des urines, l’antibiogramme automatisé, l’identification par spectrométrie de masse, la biologie moléculaire. La version 2014 sera enrichie d’autres cha-pitres comme, l’examen du liquide céphalo-rachidien, la coproculture, l’antibiogramme par diffusion (actua-lisé EUCAST [11]), par exemple. De façon plus géné-rale, il donnera des indications pour les validations de méthodes sur les grandes étapes de l’analyse microbio-logique, en fonction des portées définies par le document

Cofrac SH INF 50 (Portées types d’accréditation) : examen microscopique avant et après coloration, culture, identification et antibiogramme.Ce document est destiné à aider les biologistes dans leur démarche d’accréditation et ainsi contribuer à harmoni-ser la mise en place du système de management de la qualité (SMQ) au sein des laboratoires de microbiologie, ceci en totale collaboration et transparence avec les experts du Cofrac.La microbiologie médicale est fondamentalement différente des autres spécialités biologiques car elle s’intéresse au monde du vivant. Aussi ne peut-elle être appréhendée en matière d’accréditation de la même manière que les autres disciplines, telles que la biochimie, pour lesquelles les analyses visent à effectuer le dosage d’un substrat ou d’un constituant au sein d’un liquide biologique. L’analyse microbiologique a le plus souvent pour objet de mettre en évidence un ou des micro-organismes susceptibles d’être responsables d’un syndrome infectieux sur des prélèvements divers et variés, ceci parfois au sein d’une flore commensale complexe et d’étudier leur sensibilité aux anti-infectieux. L’analyse microbiologique comprend souvent plusieurs étapes : examen microscopique, ense-mencement, lecture des milieux de culture, identification, antibiogramme. Elle se déroule le plus fréquemment sur plusieurs jours (48 heures, 72 heures, voire plusieurs semaines). Elle ne peut être systématiquement enca-drée par des contrôles internes de qualité pour tous les prélèvements et toutes les analyses de microbiologie. La mise en place d’un contrôle interne de qualité (CIQ) peut même s’avérer impossible ou du moins de façon très restrictive pour certains types d’analyses comme les hémocultures : il faut plutôt raisonner sur les grandes

Figure 1 – Les trois phases d’un examen

de microbiologie médicale.

Postanalytique Validation Interprétation contextuelle du résultat Communication appropriée du résultat au prescripteur dans un délai compatible avec l’état de l’art

Conseil

Préanalytique Prélèvement d’un échantillon Recueil des éléments cliniques pertinents Préparation, transport et conservation de l’échantillon jusqu’au laboratoire

Conseil

Analytique Processus technique permettant l’obtention du résultat de l’analyse microbiologique

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ACCRÉDITATION EN BACTÉRIOLOGIE

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2014 - N°461 // 27

Des informations médico-techniques : le choix de l’échantillon à prélever et la façon de prélever, de le conditionner et de le transporter n’obéissent pas tou-jours à des règles simples. Ces paramètres dépendent de la nature de la bactérie recherchée, de la pathologie sous-jacente et des techniques utilisées ou recomman-dées au laboratoire. De ce fait, un guide détaillé pour la réalisation des prélèvements doit être disponible pour les prescripteurs et les préleveurs.

Des considérations médicales : certaines analyses bactériologiques sont peu utiles (par exemple, les frottis de plaies superficielles). Il faut décourager au maximum leur prescription s’il n’y a pas de justifica-tion précise (par exemple la recherche de bactéries multirésistantes). D’autres sont particulièrement utiles et doivent être réalisées 7 jours sur 7, voire 24 heures sur 24 et les prescripteurs doivent en être informés.

Des informations nécessaires à la conduite de l’ana-lyse bactériologique : la nature des échantillons (sang, urines, liquide de ponction, abcès, selles, par exemple) et le site de prélèvement conduisent à se poser de nombreuses questions quant à l’objectif recherché car l’analyse n’est pas univoque : s’agit-il d’un échantillon destiné à établir un diagnostic, ou la surveillance de la colonisation ?

La nécessité des renseignements cliniques : indispen-sables à l’analyse bactériologique et à son interpréta-tion, ils doivent comporter le site anatomique précis prélevé, la méthode de prélèvement (écouvillon au lit du patient versus prélèvement au bloc opératoire ; les prélèvements de ville effectués au cabinet ou directe-ment par le patient versus les prélèvements réalisés par le laboratoire), l’histoire clinique du patient (antécé-dents d’antibiothérapie, immunodépression, présence de matériel prothétique, par exemple).

Les difficultés de la phase préanalytique imposent un conditionnement en milieu de transport approprié, un délai d’acheminement au laboratoire maîtrisé et raison-nable et un dialogue avec les cliniciens. Ce dialogue biologiste-clinicien est d’autant plus important que la norme NF EN ISO 15189 et SH REF 02 [12, 13] oblige à une prestation de conseil à la phase préanalytique comme postanalytique. Prévue par l’ordonnance de 2010 [14] : le biologiste peut modifier la prescription après accord du prescripteur, sauf urgence ou indisponibilité, pour l’adapter aux bonnes pratiques.

étapes de ces analyses comme l’examen microscopique (état frais, cytologie), les colorations, la culture, l’identifi-cation et l’antibiogramme. De tout cela résulte logique-ment un certain nombre de particularités : la validation des méthodes en microbiologie se fait majoritairement selon un mode qualitatif ; la maîtrise des risques repose essentiellement et avant tout sur l’habilitation et la ges-tion du contrôle de qualité se fait de manière adaptée.Ces particularités et tous ces aspects ont été intégrés dans le document QUAMIC qui comporte un certain nombre de chapitres et de fiches ayant trait au préanalytique, à l’analytique et au postanalytique (figure 1). Ce docu-ment ne saurait être exhaustif, l’objectif est de fournir aux microbiologistes des éléments de référence et des exemples concernant la manière de gérer le contrôle de qualité ou d’élaborer un dossier de validation de méthode ou de décrire l’implication en matière de prestation de conseils afin que chacun puisse développer une démarche qualité efficiente, durable, adaptée, sans entrer dans le piège de l’excès et de la sur-qualité.

3. Processus préanalytique

en bactériologie, principales

difficultés

L’analyse bactériologique d’un échantillon biologique présente une complexité particulière liée à la culture pour la mise en évidence des bactéries. Entre le moment du prélèvement et de l’ensemencement, il faut maintenir la « viabilité » des bactéries éventuellement présentes dans l’échantillon. Cette viabilité dépend du matériel de prélèvement utilisé, du conditionnement de l’échantillon, de la température et du délai de transport. Les princi-pales difficultés identifiées sont les suivantes. Une problématique : la réalisation d’un prélèvement en

bactériologie est complexe et l’analyse de l’échantillon n’est pas univoque. Les bactéries sont soumises aux conditions environnementales : pendant le transport, si le délai d’acheminement est trop long, ou si le conditionne-ment n’est pas adapté, les résultats peuvent être faussés par excès (cas fréquent de l’ECBU, par exemple), ou par défaut (cas des germes fragiles comme le gonocoque, par exemple). La quatrième édition du REMIC donne à cet égard de nombreuses indications (tableau I).

Tableau I – Conditions préanalytiques conformes au REMIC V4 : exemples.

Échantillon

ExamenMatériel Milieu de transport Température

Délai transport

Remarque

Urines ECBU Flacon stérileOui(acide borique)

Ambiante 24 h

Urines ECBU Flacon stérile Non 2 – 8 °C< 12 h idéalMaximum 24 h

PusÉcouvillonFlacon stérile

OuiNon

AmbianteAmbiante

48 h< 2 h

Hémocultures Flacons aéro-anaérobies Non Ambiante < 12 h

LCR Flacons stériles Non Ambiante< 2 hAnalyse 24 h/24

Génital Écouvillon Oui Ambiante 24 h

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aux méthodes du laboratoire [16]. Les EEQ aujourd’hui disponibles ne permettent pas une approche strictement par matrice au sens du SH INF 50 [17]. C’est pourquoi le groupe QUAMIC recommande une approche métier, avec des EEQ prenant en compte le plus grand nombre possible de points critiques communs aux processus du diagnostic cytobactériologique. Toutes les techniques utilisées aux laboratoires devront être soumises à cette évaluation (routine et back up).L’exploitation des EEQ correspond à un triple objectif : évaluer les performances de la technique, évaluer les performances du laboratoire, assurer la formation-habili-tation du personnel. Comme l‘organisme évaluateur est à considérer comme un fournisseur critique, il devra satis-faire à une triple exigence : assurer des groupes de pairs suffisants pour la technique employée par le laboratoire, démontrer sa compétence (par une accréditation, par exemple), fournir dans ses rapports une formation continue applicable au laboratoire.

6. Validation des méthodes :

SH GTA 04, SH FORM 43,

SH FORM 44 [18-20] :

des particularités en bactériologie

Les examens de bactériologie résultent d’un processus complexe qui utilise plusieurs techniques pour un même examen : ensemencement, examen microscopique avec et sans coloration, dénombrement et identification après culture, voire antibiogramme avec des tests complémen-taires. Cet aspect est prévu dans la nouvelle version de la norme 15189 (2012) [12]. Toutefois la validation des méthodes impose de déposer des dossiers séparés pour chacune des étapes du processus analytique et en fonc-tion des matrices demandées par le document Cofrac SH INF 50 (Portées types d’accréditation [17]) (tableau II).

4. À propos des contrôles

internes de qualité (CIQ)

(SH GTA 06) [15]

Pour toutes les étapes techniques, aussi bien manuelles qu’automatisées (de la coloration de Gram à l’antibio-gramme), des CIQ doivent être mis en place [10]. L’échan-tillon de contrôle pour le CIQ doit avoir une composition similaire ou identique à la matrice de l’échantillon patient, ce qui n’est pas toujours le cas en bactériologie, particu-lièrement pour la cytologie urinaire : automate de cytologie urinaire : peu d’échantillons de CIQ autres que ceux des fournisseurs d’automates sont disponibles ; identification bactérienne, antibiogramme : le passage régulier des souches de référence qui sont différentes pour chaque technique impose de disposer d’un souchier important difficile à gérer sans altération des bactéries testées ; les contrôles de qualité sont composés d’organismes vivants qui peuvent évoluer ajoutant un niveau de com-plexité supplémentaire ; le délai d’obtention d’un résultat de CIQ comportant une étape de culture ne peut pas donner lieu à la même réactivité ou fréquence qu’en biochimie.

5. À propos des contrôles

externes de qualité (EEQ)

La participation du laboratoire à des évaluations externes de la qualité (EEQ) est une obligation normative [12] et régle-mentaire [13]. De ce fait elle figure explicitement dans les références opposables par le Cofrac [14]. L’objet soumis à l’essai devra être le plus proche possible des échantillons cliniques en termes de matrice et de réaction par rapport

Tableau II – Portée / SH INF 50 et SH REF 08 (A/B) : Sous-domaine : Microbiologie- Famille : Bactériologie

(BACTH). Exemple de l’antibiogramme par diffusion.

Nature de l’échantillon

biologique

Nature de l’examen/analyse Principe de la méthode Référence de

la méthode

Remarques (limitations,

paramètres critiques…)

Tout échantillon biologique d’origine humaineCulture bactérienne

Étude qualitative et quantitative de la sensibilité aux antibiotiquesType : antibiogramme standard par diffusion

Méthode automatisée de type qualitatif et quantitatifInhibition de croissance en présence d’une certaine concentration d’antibiotique(s), après incubation

Méthodes reconnues (A)

Tableau III – Comment orienter son dossier de validation de méthode : exemples.

N°Chapitre

REMIC V4-2010

Intitulé

examen

Méthode

qualitativeMéthode qualitative « avec estimation de type quantitatif »

Méthode

quantitative

8-9 Hémocultures Oui

11 LCR Oui Oui : cytologie / microscopie

12 ECBU Oui : cytologie / microscopie + dénombrement bactérien après cultureOui cytologie automatisée

13-14 Origine pulmonaire Oui Oui : cytologie - microscopie+dénombrement bactérien après culture

15 Selles Oui

16 IST Oui Oui : dénombrement bactérien pour les mycoplasmes uro-génitaux

17 Sperme Oui : dénombrement bactérien après culture

18 Antibiogramme Oui (S,I,R) Oui : CMI

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ACCRÉDITATION EN BACTÉRIOLOGIE

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La conséquence qui en découle est la multiplication des dossiers de validation à présenter, notamment dans le cas d’un laboratoire automatisé pour l’ensemencement, la cytologie, la coloration, l’identification et l’antibiogramme et qui se doit de disposer de techniques dégradées en cas de panne d’automate, c’est-à-dire de valider les méthodes manuelles. Par exemple l’ECBU correspond à un examen mais à

10 dossiers de validation de méthode, ce qui explique en partie le faible nombre de laboratoires accrédités en bactériologie.Les techniques utilisées en bactériologie, à l’exclusion de la cytologie urinaire automatisée, sont des méthodes à valider en qualitatif (SF FORM 44) (tableau III), même si pour l’interprétation il est parfois nécessaire de recourir à une estimation quantitative de la population bactérienne : ECBU, produits d’aspiration bronchique, par exemple. Si l’on prend l’exemple de l’antibiogramme, les mesures

obtenues qui sont soit des diamètres d’inhibition pour la méthode de diffusion, soit des CMI pour la dilution en milieu liquide automatisée, sont interprétées en sensible, intermédiaire ou résistant à l’aide de critères publiés par des comités comme le CA-SFM, l’EUCAST ou le CLSI. Le compte rendu final peut inclure des résultats qualitatifs (S, I ou R), ou des résultats quantitatifs (valeurs de CMI) avec des interprétations S, I ou R. De ce fait, les techniques d’antibiogramme sont à considérer comme des examens qualitatifs. Ce point est en accord avec le référentiel aus-tralien pour la validation des méthodes NATA qui prend en compte la notion de subjectivité pouvant exister dans une mesure et son interprétation [21]. En effet, au-delà de la stricte valeur numérique, les mesures réalisées au cours d’un antibiogramme prennent en compte un profil de résistance apprécié à la lumière des connaissances du biologiste en épidémiologie de la résistance, ce qui inclut un facteur de subjectivité inévitable.Le corollaire est qu’il convient d’utiliser le SH FORM 44 afin de réaliser un dossier de validation tout en ajoutant les épreuves qui semblent utiles en fonction de l’analyse de risques réalisée. L’analyse de risques et la gestion des risques liés aux

processus sont indispensables pour maitriser la réalisation des examens. Il est possible dans le cas de processus com-plexes, comme l’ECBU, de réaliser une analyse de risques de l’ensemble du processus en détaillant chaque étape. L’arrêté du 17 octobre 2012 [22], la loi n° 2013-442

du 30 mai 2013 portant réforme de la biologie précise les échéances : accréditation sur 50 % des examens au 1/11/2016, puis sur 70 % au 1/11/2018 et enfin sur 100 % au 1/11/2020 [23]. Pour remplir ces objectifs pour la famille

bactériologie (BACTH), il est logique de commencer la validation de méthode par les examens les plus fréquents comme l’ECBU, puis selon que l’on soit laboratoire de type hospitalier, les hémocultures, ou laboratoire libéral, les prélèvements génitaux, par exemple.Le document QUAMIC fournira des documents sup-ports pour faciliter la démarche d’accréditation dans ces domaines.

7. Qualification et habilitation

du personnel : les enjeux

Tout le personnel du laboratoire doit disposer des compé-tences requises pour les tâches qui lui sont confiées. Cela est particulièrement vrai en bactériologie, secteur qui comporte encore beaucoup de techniques manuelles (reconnaissance microscopique, sélection des colonies, par exemple) et de subjectivité opérateur-dépendante (la lecture en immuno-fluorescence, le score de Nugent de la flore vaginale, voire même certaines méthodes de cytologie urinaire automatisée nécessitant parfois l’intervention subjective d’un opérateur, par exemple). D’une façon générale, après une formation initiale ou continue ou par l’expérience acquise, une personne obtient une reconnaissance pour répondre aux exigences d’occu-pation d’un poste, par exemple celui de technicien qualifié en bactériologie. L’habilitation est le pré-requis nécessaire à la réalisation d’une ou plusieurs tâches dans le laboratoire. C’est le maintien, le suivi et l’évaluation des habilitations qui font partie des enjeux de l’accréditation en bactériologie.

8. Conclusions

Sur une discipline encore largement manuelle, travaillant sur des organismes vivants, la démarche d’accréditation demande un ajustement important par rapport à d’autres disciplines très automatisées comme la biochimie ou l’hématologie. La phase préanalytique est difficile à maîtriser. Les contrôles de qualité sont composés d’organismes vivants qui peuvent évoluer ajoutant un niveau de complexité supplémentaire.Le document QUAMIC est appelé à vivre et à évoluer dans le temps, il sera donc régulièrement revu au fil des évolu-tions des exigences, des évolutions des techniques et des besoins. Il sera également enrichi de chapitres concernant plus spécifiquement la virologie et la mycologie. Les auteurs espèrent ainsi contribuer à répondre aux attentes des micro-biologistes mais également à celles des évaluateurs Cofrac.

Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de

conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Références[1] Klein JP. L’accréditation en bactériologie. Rev Fr Labo 2011; 436:39-50.[2] Hammad M, Paris L. Accréditation en bactériologie : retour d’expé-rience. Feuill Biol 2011; LI/300: 39-48.[3] Hidri N, Marzuck V. L’accréditation au laboratoire de bactériologie. In : Denis F, Ploy M-C, Martin C, Bingen E, Quentin R. in: Bactériologie médicale. Elsevier Masson Ed, Paris, 2e éd, 2011:109-16.

[4] Klein JP. Le processus postanalytique en bactériologie dans le cadre de l’accréditation. Rev Fr Labo 2012;445:91-100.[5] Klein JP, Prestation de conseils et comptes rendus en bactériologie clinique. Feuill Biol 2012; LIV/310:51-9.[6] Klein JP, Hammad M, Garnier JM, et al. Évaluation des points cri-tiques en laboratoire de biologie médicale : l’exemple de la bactériologie clinique. Feuill Biol 2013;LIV/314:45-65.

Page 6: L’accréditation en bactériologie : enjeux, difficultés et particularités

30 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2014 - N°461

[7] Courcol R, Herrmann JL, Laudat P, et al. REMIC : Référentiel en microbiologie médicale. Société française de microbiologie. 2010, 4e  éd, www.sfm-microbiologie.org

[8] Cornaglia G, Courcol R, Herrmann JL, et coll. European manual of clinical microbiology. 2012, 1re éd. SFM, ESCMID.[9] CA-SFM (2013). Comité de l’antibiogramme de la Société fran-çaise de microbiologie. Recommandations 2012. Société française de microbiologie, SFM, Paris. Téléchargeable à l’adresse : www.sfm-

microbiologie.org

[10] QUAMIC : Comité qualité de la Société française de microbiologie. Recommandations 2013. Téléchargeable à l’adresse: www.sfm-micro-

biologie.org

[11] EUCAST (2012). European committee on antimicrobial susceptibi-lity testing. Téléchargeable à l’adresse: www.eucast.org

[12] NORME NF EN ISO 15189, 2007 (et version 2012). Laboratoires d’analyses de biologie médicale. Exigences particulières concernant la qualité et la compétence. AFNOR.[13] Document Cofrac SH Réf 02. Recueil d’exigences spécifiques pour l’accréditation des laboratoires de biologie médicale.[14] Ordonnance n° 2010-49 du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale. JORF n° 12 du 15 janvier 2010 et Loi n° 2013-442 du 30 mai 2013 portant réforme de la biologie médicale.

[15] Document Cofrac SH GTA 06. Contrôle de qualité en biologie médi-cale. Révision 00 – juin 2012[16] Norme NF EN ISO/CEI 17043, avril 2010. Évaluation de la conformité- Exigences générales concernant les essais d’aptitude.[17] Document Cofrac SH INF 50. Portées types d’accréditation. Révision 00 – Mai 2011.[18] Document Cofrac SH GTA 04. Guide technique de vérification (portée A) / validation (portée B) des méthodes en biologie médicale. Révision 00 – Avril 2011.[19] Document Cofrac SH FORM 43. Fiche type quantitatif. Vérification (portée A) / validation (portée B) d’une méthode en biologie médicale. Révision 00 – Avril 2011.[20] Document Cofrac SH FORM 44. Fiche type qualitatif. Vérification (portée A) / validation (portée B) d’une méthode en biologie médicale. Révision 00 – Avril 2011.[21] NATA – Technical note 17. National association of technical autho-rities, June 2012, Australia. www.nata.asn.au

[22] Arrêté du 17 octobre 2012 définissant les conditions justificatives de l’entrée effective d’un laboratoire de biologie médicale dans une démarche d’accréditation. JORF du 20 octobre 2012.[23] Loi n° 2013-442 du 30 mai 2013 portant réforme de la biologie médicale. JORF du 31 mai 2013.