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Alexandre Counis (à Londres), Cécile Thibaud (à Madrid), Olivier Tosseri (à Milan), avec Elsa Dicharry @dicharry_e Longtemps courtisés pour les recettes qu’ils génèrent, les touris- tes, lorsqu’ils sont trop nombreux, ne sont plus forcément les bienve- nus. A Venise, Barcelone, Amster- dam ou Dubrovnik, il ne s’agit plus d’attirer encore plus de visiteurs, mais au contraire de limiter un afflux vécu comme une menace pour la pérennité des lieux. En ins- taurant des quotas pour les sites les plus populaires. En limitant la durée des locations d’hébergement touristiques entre particuliers. Ou encore en régulant l’arrivée des paquebots de croisière. Ailleurs dans le monde, comme en Thaïlande ou aux Philippines, les autorités ont pris des mesures radicales, en fermant carrément certaines plages pendant plusieurs mois. Tour d’horizon. VENISE TENTE DE PROTÉGER SON ÉCOSYSTÈME L’incident a marqué les esprits. Début juin, un paquebot de croi- sière a semé la panique à Venise, heurtant un quai alors qu’il tentait de s’amarrer, du fait d’une panne de moteur. Les autorités ont recensé quatre blessés légers. Si le pire a été évité, cet épisode a relancé la polé- mique à propos des dommages infligés à la cité des Doges et à son fragile écosystème par ces géants des mers, censés, pour les plus gros d’entre eux, accoster bientôt dans un nouveau terminal construit à Marghera. Et plus généralement par l’afflux de touristes. Chaque année, plus de 30 millions de per- sonnes visitent la Sérénissime. Le maire, qui demande désormais son inscription sur la liste Unesco du patrimoine en danger, multiplie les mesures pour la protéger. En 2017, la création de nouveaux hôtels dans le centre-ville a été interdite, un quota de 20.000 par- ticipants a été fixé sur la place Saint-Marc pendant le carnaval et lors de certains jours fériés, et la fermeture de certaines rues et débarcadères décidée. Une taxe d’entrée devrait en outre être intro- duite en janvier prochain. Com- prise entre 2,50 et 5 euros, jusqu’à 10 euros en haute saison, elle devrait être incluse dans les billets de train ou d’avion. Cette taxe devrait rapporter entre 40 et 50 millions d’euros, pour notam- ment financer les services d’entre- tien de la ville. LA SARDAIGNE INSTAURE DES NUMERUS CLAUSUS Comme Venise, Florence et Rome sont également concernées par le en dit long sur l’exaspération des habitants. La colère gronde, mais pas partout en Espagne. Deuxième destination au monde, le pays a reçu 82,6 millions de visiteurs l’an dernier et le tourisme, qui rap- porte 14,6 % du PIB, est perçu comme une manne bienfaisante. « Les problèmes sont médiatisés mais très localisés, ils sont moins liés au nombre de touristes qu’aux frictions avec les populations locales contraintes de partager un espace congestionné », constate le consul- tant Bruno Hallé, responsable de la section « hospitality » de Cushman & Wakefield. Il rappelle qu’à Beni- dorm ou dans toutes les stations balnéaires bondées de la côte méditerranéenne, où l’urbanisme est adapté, le grand nombre de tou- ristes ne pose pas de problème. PALMA ENCADRE LES LOCATIONS D’APPARTEMENTS Ce n’est pas le cas à Barcelone. Victime de son succès, la ville voit défiler 30 millions de visiteurs par an pour 1,6 million d’habi- tants. Dans l’ancien quartier des pêcheurs de la Barceloneta, en bord de plage, les commandos d’activistes se révoltent contre les excès des hordes de vacanciers éméchés. La même colère court sur l’île de Majorque, épicentre du tourisme aux Baléares. « Tou- rists go home », lit-on sur les murs de Palma, la principale ville de l’île, où les prix de l’immobilier flambent et rendent l’accès au logement impossible pour les autochtones. Pour y faire face, les muni- cipalités de Barcelone ou de Palma multiplient les initiatives afin de tenter de moduler les flux, de faire baisser la pression hôte- lière sur les zones saturées en cen- tre-ville, d’ordonner l’arrivée de bateaux de croisière et de lutter contre l’incivisme du tourisme low cost. Dans cette bataille, l’un des points sensibles est le bras de fer engagé avec les plates-formes de location d’hébergement, comme Airbnb. Il s’agit de contrô- ler et d’encadrer les appartements touristiques, tout en évitant qu’une législation trop restrictive ne provoque une recrudescence de locations illégales. EDIMBOURG A VOTÉ UNE TAXE SUR LES TOURISTES Au Royaume-Uni, Londres tente de gérer les flux de visiteurs. Signe d’une réelle prise de cons- cience du problème dans le pays, la commission parlementaire chargée de l’environnement à la Chambre des communes a lancé le 18 juillet une enquête sur le tou- risme durable, afin d’examiner les impacts du tourisme sur l’environnement et voir com- ment les limiter. Elle rendra un rapport en début d’année prochaine, qui doit à la fois l L’augmentation constante des flux touristiques est perçue dans certaines métropoles comme une menace pour la qualité de vie. l A Venise, Barcelone, Londres ou Amsterdam, les autorités prennent des mesures pour limiter le nombre de visiteurs, en cherchant à privilégier la qualité plutôt que la quantité. L’Europe se mobilise contre le « surtourisme » TOURISME tourisme de masse. Dans les trois communes, les amendes pour pré- server les monuments et la propreté des rues ont été renforcées. Se bai- gner dans le Grand Canal, dans une des fontaines de la Ville éternelle ou pique-niquer sur les marches du Duomo peut coûter au moins 500 euros. Les autorités se réser- vent également la possibilité de pro- noncer des interdictions d’assister aux événements sportifs. A l’origine adoptées pour lutter contre le hooli- ganisme, des dispositions servent désormais à écarter des centres-vil- les les touristes peu respectueux, que la presse transalpine qualifie « d’invasions barbares ». Les villes ne sont pas les seules à être prises d’assaut et à se sentir menacées. En Sardaigne, de nom- breuses plages ont instauré un numerus clausus compris entre 300 et 1.000 personnes par jour qui doivent s’acquitter d’un billet d’entrée entre 1 et 10 euros, selon qu’elles viennent à pied ou en voi- ture. L’Italie, qui reçoit chaque année environ 60 millions de visi- teurs, est le cinquième pays au monde attirant le plus de flux tou- ristiques. Les autorités du pays ont promis de faire plus pour lut- ter contre l’afflux non maîtrisé de touristes… sans pour autant renoncer à la manne financière qu’ils génèrent. D’après les chiffres de Bankita- lia, l’an dernier, elle s’est élevée à près de 42 milliards d’euros. Un chiffre en hausse de 5,7 %, alors que la croissance du PIB italien était de 0,85 % en 2018 et risque d’être nulle en 2019. Il s’agit désor- mais de privilégier la qualité plutôt que la quantité. Pour lutter contre « le flux croissant de hâte et de superficialité » et promouvoir le tourisme de qualité, le directeur des Offices de Florence a par exem- ple fait passer le prix du billet d’entrée de 8 à 20 euros. LA COLÈRE GRONDE À BARCELONE En Espagne, c’est Barcelone qui se révolte contre l’overdose touristi- que. « Le tourisme tue la ville. » La banderole déployée au début du mois de juillet au cœur de la ville, sur la façade de La Pedrera, l’un des immeubles les plus emblémati- ques de l’architecte Antoni Gaudi, L’Italie reçoit chaque année environ 60 millions de visiteurs. Une manne financière de 42 milliards d’euros, à laquelle le pays ne peut pas renoncer. 1. Plage de Barceloneta dans la capitale catalane. 2. Bateau de croisière longeant Dubrovnik sur la côte croate. 3. Séance de photos devant la Victoire de Samothrace, au Louvre. Photos Christian Franz Tragni/RÉA ; Sipa ; Shutterstock ENTREPRISES Lundi 29 juillet 2019 Les Echos

L’Europe se mobilise contre le « surtourisme · Alexandre Counis (à Londres), Cécile Thibaud (à Madrid), Olivier Tosseri (à Milan), avec Elsa Dicharry @dicharry_e Longtemps

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Page 1: L’Europe se mobilise contre le « surtourisme · Alexandre Counis (à Londres), Cécile Thibaud (à Madrid), Olivier Tosseri (à Milan), avec Elsa Dicharry @dicharry_e Longtemps

Alexandre Counis (à Londres), Cécile Thibaud (à Madrid), Olivier Tosseri (à Milan), avec Elsa Dicharry

@dicharry_e

Longtemps courtisés pour les recettes qu’ils génèrent, les touris-tes, lorsqu’ils sont trop nombreux, ne sont plus forcément les bienve-nus. A Venise, Barcelone, Amster-dam ou Dubrovnik, il ne s’agit plus d’attirer encore plus de visiteurs, mais au contraire de limiter un afflux vécu comme une menace pour la pérennité des lieux. En ins-taurant des quotas pour les sites lesplus populaires. En limitant la durée des locations d’hébergement touristiques entre particuliers. Ou encore en régulant l’arrivée des paquebots de croisière. Ailleurs d a n s l e m o n d e , c o m m e e n Thaïlande ou aux Philippines, les autorités ont pris des mesures radicales, en fermant carrément certaines plages pendant plusieurs mois. Tour d’horizon.

• VENISE TENTE DE PROTÉGER SON ÉCOSYSTÈMEL’incident a marqué les esprits. Début juin, un paquebot de croi-sière a semé la panique à Venise, heurtant un quai alors qu’il tentait de s’amarrer, du fait d’une panne demoteur. Les autorités ont recensé quatre blessés légers. Si le pire a étéévité, cet épisode a relancé la polé-mique à propos des dommages infligés à la cité des Doges et à son fragile écosystème par ces géants des mers, censés, pour les plus grosd’entre eux, accoster bientôt dans un nouveau terminal construit à Marghera. Et plus généralement par l’afflux de touristes. Chaque année, plus de 30 millions de per-sonnes visitent la Sérénissime. Le maire, qui demande désormais soninscription sur la liste Unesco du patrimoine en danger, multiplie lesmesures pour la protéger.

En 2017, la création de nouveauxhôtels dans le centre-ville a été interdite, un quota de 20.000 par-ticipants a été fixé sur la place Saint-Marc pendant le carnaval et lors de certains jours fériés, et la fermeture de certaines rues et débarcadères décidée. Une taxe d’entrée devrait en outre être intro-duite en janvier prochain. Com-prise entre 2,50 et 5 euros, jusqu’à 10 euros en haute saison, elle devrait être incluse dans les billetsde train ou d’avion. Cette taxe devrait rapporter entre 40 et 50 millions d’euros, pour notam-ment financer les services d’entre-tien de la ville.

• LA SARDAIGNE INSTAURE DES NUMERUS CLAUSUSComme Venise, Florence et Rome sont également concernées par le

en dit long sur l’exaspération des habitants. La colère gronde, mais pas partout en Espagne. Deuxièmedestination au monde, le pays a reçu 82,6 millions de visiteurs l’an dernier et le tourisme, qui rap-porte 14,6 % du PIB, est perçu comme une manne bienfaisante. « Les problèmes sont médiatisés mais très localisés, ils sont moins liés au nombre de touristes qu’aux frictions avec les populations localescontraintes de partager un espace congestionné », constate le consul-tant Bruno Hallé, responsable de lasection « hospitality » de Cushman& Wakefield. Il rappelle qu’à Beni-dorm ou dans toutes les stations balnéaires bondées de la côte méditerranéenne, où l’urbanisme est adapté, le grand nombre de tou-ristes ne pose pas de problème.

• PALMA ENCADRE LES LOCATIONS D’APPARTEMENTS Ce n’est pas le cas à Barcelone.Victime de son succès, la ville voitdéfiler 30 millions de visiteurspar an pour 1,6 million d’habi-tants. Dans l’ancien quartier despêcheurs de la Barceloneta, enbord de plage, les commandosd’activistes se révoltent contre lesexcès des hordes de vacancierséméchés. La même colère courtsur l’île de Majorque, épicentredu tourisme aux Baléares. « Tou-rists go home », lit-on sur les mursde Palma, la principale ville del’île, où les prix de l’immobilierflambent et rendent l’accès aulogement impossible pour lesautochtones.

Pour y faire face, les muni-cipalités de Barcelone ou dePalma multiplient les initiativesafin de tenter de moduler les flux,de faire baisser la pression hôte-lière sur les zones saturées en cen-tre-ville, d’ordonner l’arrivée debateaux de croisière et de luttercontre l’incivisme du tourismelow cost. Dans cette bataille, l’undes points sensibles est le bras defer engagé avec les plates-formesde location d ’hébergement,comme Airbnb. Il s’agit de contrô-ler et d’encadrer les appartementstouristiques, tout en évitantqu’une législation trop restrictivene provoque une recrudescencede locations illégales.

• EDIMBOURG A VOTÉ UNE TAXE SUR LES TOURISTESAu Royaume-Uni, Londres tentede gérer les flux de visiteurs.Signe d’une réelle prise de cons-cience du problème dans le pays,la commission parlementairechargée de l’environnement à laChambre des communes a lancéle 18 juillet une enquête sur le tou-risme durable, afin d’examinerles impacts du tourisme surl’environnement et voir com-ment les limiter.

Elle rendra un rapport en débutd’année prochaine, qui doit à la fois

l L’augmentation constante des flux touristiques est perçue dans certaines métropoles comme une menace pour la qualité de vie.l A Venise, Barcelone, Londres ou Amsterdam, les autorités prennent des mesures pour limiter le nombre de visiteurs, en cherchant à privilégier la qualité plutôt que la quantité.

L’Europe se mobilise contre le « surtourisme »

TOURISMEtourisme de masse. Dans les trois communes, les amendes pour pré-server les monuments et la propretédes rues ont été renforcées. Se bai-gner dans le Grand Canal, dans unedes fontaines de la Ville éternelle oupique-niquer sur les marches du Duomo peut coûter au moins 500 euros. Les autorités se réser-vent également la possibilité de pro-noncer des interdictions d’assister aux événements sportifs. A l’origineadoptées pour lutter contre le hooli-ganisme, des dispositions servent désormais à écarter des centres-vil-les les touristes peu respectueux, que la presse transalpine qualifie « d’invasions barbares ».

Les villes ne sont pas les seules àêtre prises d’assaut et à se sentir menacées. En Sardaigne, de nom-breuses plages ont instauré un numerus clausus compris entre 300 et 1.000 personnes par jour qui doivent s’acquitter d’un billet d’entrée entre 1 et 10 euros, selon qu’elles viennent à pied ou en voi-ture. L’Italie, qui reçoit chaque année environ 60 millions de visi-teurs, est le cinquième pays au monde attirant le plus de flux tou-ristiques. Les autorités du paysont promis de faire plus pour lut-ter contre l’afflux non maîtrisé detouristes… sans pour autantrenoncer à la manne financièrequ’ils génèrent.

D’après les chiffres de Bankita-lia, l’an dernier, elle s’est élevée à près de 42 milliards d’euros. Un chiffre en hausse de 5,7 %, alors que la croissance du PIB italien était de 0,85 % en 2018 et risque d’être nulle en 2019. Il s’agit désor-mais de privilégier la qualité plutôtque la quantité. Pour lutter contre « le flux croissant de hâte et de superficialité » et promouvoir le tourisme de qualité, le directeur des Offices de Florence a par exem-ple fait passer le prix du billet d’entrée de 8 à 20 euros.

• LA COLÈRE GRONDE À BARCELONEEn Espagne, c’est Barcelone qui se révolte contre l’overdose touristi-que. « Le tourisme tue la ville. » La banderole déployée au début du mois de juillet au cœur de la ville, sur la façade de La Pedrera, l’un desimmeubles les plus emblémati-ques de l’architecte Antoni Gaudi,

L’Italie reçoit chaque année environ 60 millions de visiteurs.

Une manne financière de 42 milliards d’euros, à laquelle le pays ne peut pas renoncer.

1. Plage de Barceloneta dans la capitale catalane. 2. Bateau de croisière longeant Dubrovnik sur la côte croate. 3. Séance de photos devant la Victoire de Samothrace, au Louvre. Photos Christian Franz Tragni/RÉA ; Sipa ; Shutterstock

ENTREPRISES Lundi 29 juillet 2019 Les Echos

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regarder comment le gouverne-ment peut favoriser un tourisme durable au Royaume-Uni et s’il doits’impliquer davantage pour limiterles effets négatifs du tourisme bri-tannique à l’étranger. Elle évaluera aussi si l’industrie touristique bri-tannique gère convenablement les impacts du tourisme de masse au regard des objectifs de développe-ment durable qui sont fixés sur sonmarché domestique ou à l’étranger.

En attendant, la ville d’Edim-bourg, en Ecosse, souhaite lever une taxe sur les touristes, de 2 livres par chambre et par nuit pour la première semaine de séjour, sur toutes les réservations, y compris les Airbnb. Soutenu en janvier par 90 % des habitants et 51 % des fournisseurs d’héberge-ment, puis voté en février par le conseil municipal, le projet pour-rait rapporter de 11,6 à 14,6 mil-lions de livres par an. Il ne pourra néanmoins pas s’appliquer avant que le Parlement écossais ne légi-fère sur le sujet pour autoriser les villes à mettre en place de telles taxes. Ce qui ne devrait pas arriveravant l’an prochain.

• LONDRES TENTE DE GÉRER LES FLUX DE VISITEURSLondres, de son côté, piloteautant que faire se peut ses fluxtouristiques (près de 20 millionsde personnes par an). D’abord, enétalant la charge. « Nous cher-chons à attirer des touristes passeulement au moment des pério-des de pointe mais toute l’année,pas seulement en journée maisaussi pour la vie nocturne, et passeulement sur les sites touristi-ques du centre-ville mais aussi enpériphérie » , résume LauraCitron, directrice générale deLondon & Partners, l’agence de laville notamment chargée du tou-risme. Ensuite, en concentrant

après le tournage dans ses mursde la série à succès « Game ofThrones ». La ville a dû instaurer,en 2017, des quotas quotidiens devisiteurs. En Grèce, les autoritésont limité, sur l’île de Santorin, lesarrivées de croisiéristes.

• DES PLAGES INTERDITES EN THAÏLANDE OU AUX PHILIPPINESPlus loin, en Asie, des mesuresdrastiques ont parfois dû être pri-ses. En Thaïlande, les autoritésont annoncé en mai que la plagede la baie de Maya, sur l’île de KoPhi Phi Leh, fermée en 2018, nerouvrirait pas avant 2021. Cinqmille touristes déferlaient chaquejour sur le site rendu célèbre en2000 par le film « La Plage », deDanny Boyle, avec LeornardoDiCaprio et Virginie Ledoyen.

L’an dernier, les Philippinesavaient dû fermer pendant six moisl’île de Boracay, un petit coin de paradis transformé en « fosse septi-que », selon le président du pays, sous l’effet du tourisme de masse. Le site a été nettoyé. L’accès des visi-teurs est désormais numérique-ment limité et un certain nombre de règles ont été instaurées, comme l’interdiction de fumer ou de boire de l’alcool sur les plages.

(Lire l’éditorial de Jean-Marc VittoriPage 10

« L’objectif : une liste de préconisations à Matignon pour la fin de l’année »Propos recueillis par Christophe Palierse

@cpalierse

U n groupe de travail intermi-nistériel a été mis en placesur le thème Développe-

ment durable et tourisme. Le président de l’agence de dévelop-pement touristique Atout France préconise la détermination de « jauges » pour les sites.

La destination France n’échappe pas aux effets du surtourisme. Dans quelle mesure les pouvoirs publics prennent en compte cette nouvelle donne ?Nous avons été discrets jusqu’à pré-sent mais nous travaillons ! Un groupe de travail interministériel, réunissant les ministères des Affai-res étrangères [ce dernier a un rôle de pilote en matière de politique tou-ristique, NDLR] et de l’Economie, sur le thème Développement dura-ble et tourisme a été mis en place au printemps à l’initiative de Jean-Baptiste Lemoyne [le secrétaire d ’Etat auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, NDLR], et du président de l’Ademe,Arnaud Leroy. Ce dernier en est d’ailleurs également le président. Bien évidemment, le surtourisme est l’un des sujets à couvrir. Ce groupe de travail, qui regroupe unedizaine de personnes, s’est d’ores etdéjà réuni trois fois. L’objectif est d’établir une liste de préconisa-tions au Premier ministre pour la fin de l’année. Nous n’allons pas nous disperser, notre problémati-que, c’est le tourisme.

A-t-on une idée du nombre de sites concernés en France par le phénomène ?C’est une excellente question. Il fau-

drait procéder à une évaluation, untravail que l’on ne peut faire qu’en concertation avec les régions et les responsables locaux. Au fond, il faudrait arriver à définir des jauges car on ne peut pas comparer le nombre de visiteurs pour des sites majeurs comme la tour Eiffel, le château de Versailles ou le Mont- Saint-Michel et celui pour un « village remarquable », comme Gordes. Mais cette question est toutparticulièrement d’importance pour les sites en milieu naturel car ils sont les plus vulnérables. Par ailleurs, il y a une part de ressenti dans le surtourisme à prendre en compte. Il y a des sites où le pro-blème se pose seulement pour une courte période de l’année. Néan-moins, nous disposons déjà d’outilsde régulation. Le réaménagement du Mont-Saint-Michel a été pensé dans un souci de mieux gérer les flux tout en valorisant davantage labaie. Par ailleurs, nous pouvons jouer sur les amplitudes d’horaires d’ouverture. La réservation de créneaux horaires de visite est un autre levier. Mais il faut rester réa-liste, nous n’empêcherons pas les touristes étrangers de venir en France.

Une approche européenne ne s’impose-t-elle pas par ailleurs ?J’attends beaucoup du nouveau Parlement européen, lequel pour-rait avoir un rôle d’aiguillon. A titre d’exemple, ne devrions-nous pas introduire des critères de dévelop-pement durable dans les finance-ments européens ? n

CHRISTIAN MANTEIPrésident d’Atout France

ses efforts sur les touristes quidépensent le plus. « Tout notretravail proactif vise à attirer lestouristes américains et chinois,jeunes et qui viennent pour la pre-mière fois », précise-t-elle. Cestouristes restent en effet d’autantplus longtemps (plutôt 10 joursqu’un simple week-end) et explo-

r e n t d ’a u t a n t p l u s l e p a y s(Oxford, Ecosse…) qu’ils viennentde loin. Avec, à la clef, des retom-bées maximales pour l’économiebritannique.

Les initiatives se multiplientailleurs en Europe. Au printempsdernier, aux Pays-Bas, Amster-dam avait mis en place tout unarsenal pour lutter contre lesméfaits du tourisme de masse :limitation à 30 jours par an pourles locations de meublé aux tou-ristes, interdiction d’ouverture denouveaux commerces de souve-nirs, bateaux-mouches priésd’accoster en périphérie, cars detouristes exclus du centre-ville…Une dernière mesure qui pourraitinspirer Paris (voir page 14).

En Croatie, Dubrovnik, déjà envogue, a vu sa popularité grimper

Hors d’Europe, des mesures drastiques ont déjà été prises sur certains sites, en Asie notamment.

Aux Philippines, l’île paradisiaque de Boracay , transformée en « fosse septique »,a été interdite aux touristes pendant six mois.

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Sur ce semestre, la dynamique commerciale illustre nos priorités :Sur ce semestre, la dynamique commerciale illustre nos priorités :développement à l’international, consolidation de nos positions en Europe,développement à l’international, consolidation de nos positions en Europe,accélération auprès des clients industriels, et accentuation des effortsaccélération auprès des clients industriels, et accentuation des effortsd’innovation dans les activités à forte valeur ajoutée. SUEZ a remporté le contratd’innovation dans les activités à forte valeur ajoutée. SUEZ a remporté le contratde gestion des déchets de Manchester, ouvert le centre de tri le plus modernede gestion des déchets de Manchester, ouvert le centre de tri le plus moderned’Europe en Allemagne et débuté la construction d’une usine de recyclage ded’Europe en Allemagne et débuté la construction d’une usine de recyclage deplastiques en Thaïlande. Le Groupe a pris une participation majoritaire dans laplastiques en Thaïlande. Le Groupe a pris une participation majoritaire dans lasociété saoudienne EDCO, spécialiste des déchets dangereux. Enfin,société saoudienne EDCO, spécialiste des déchets dangereux. Enfin,l’acquisition en Chine des laboratoires d’ALS, un leader de l’analyse, du contrôlel’acquisition en Chine des laboratoires d’ALS, un leader de l’analyse, du contrôleet de la certification, conforte notre force d’innovation.et de la certification, conforte notre force d’innovation.

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Touristes sur le pont des Soupirs, à Venise, en février 2019. Photo Vincenzo Pinto/AFP

Les Echos Lundi 29 juillet 2019 ENTREPRISES // 13

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14 // ENTREPRISES Lundi 29 juillet 2019 Les Echos

LES ECHOS SOCIÉTÉS - LE PUBLICATEUR LÉGAL - LA VIE JUDICIAIRE

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M ROMAIN PAHINDRIOTEntreprise CMP CRIDELAdresse : 2 rue du Commandant Schloesing 75 016a déposé un dossier de projet de création d’une chambre funéraire, sise :au 1 Esplanade Auguste Perret 94 320 ThiaisSuperficie du bâtiment de 261m², comprenant :• hall d’entrée et salon d’accueil de 71 m²• salons de présentations : – nombre : 3 de 79 m²• 3 salles de cérémonie : – nombre de places : 25 de 51 m²• partie technique : 105 m² avec salle de préparation : 32 m²• garage : 28 m²• parking : nombre de places 3 dont 1 pour les personnes à mobilité réduite• horaires d’ouverture : lundi au dimanche de 9 h à 18 h• date envisagée de l’ouverture au public : 1 octobre 2019Cette création est soumise à décision préfectorale après consultation du conseilmunicipal concerné et avis du conseil départemental de l’environnement et desrisques sanitaires (CODERST).EP19-436 [email protected]

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l’une des marques du groupe Voya-geurs du Monde, avait surpris. Il indiquait que 65 % des personnes interrogées étaient prêtes à renon-cer à la visite d’un site majeur. « J’avais moi aussi été surpris par cette réponse. Il s’agit d’intentions et pas de la réalité, qui pourrait être toute autre sur le terrain bien sûr, mais cela reste surprenant et nouveau », observe Alain Capestan, le directeur général de Comptoir des Voyages, par ailleurs directeur général délégué de Voyageurs du Monde.

Partir « en décalé »Néanmoins, il relève des change-ments dans l’attitude de sa clientèle.Ainsi, il « est de moins en moins vrai que les voyageurs veuillent coûte que coûte faire la visite de ces sites majeurs ». De la même manière, observe Alain Capestan, les voya-geurs « partent proportionnelle-ment davantage en septembre ou à la

Chantraine [feu le fondateur, NDLR] a investi dans le nord de la Thaïlande – Lisu Lodge et Khum Lanna – pour éviter le centre saturé de Chiang Mai et favoriser le dévelop-pement d’initiatives locales », rap-pelle son directeur général , Guillaume Linton. Par ailleurs, Asia propose « assez peu de départs pendant les vacances scolaires » et joue « sur la dispersion spatiale et temporelle » de ces flux vers les sitesles plus fréquentés. Exemples : la visite à contre-courant de la Cité interdite ; Angkor hors sentiers à vélo en commençant par les tem-ples plus éloignés ; le déjeuner chezl’habitant dans les hutongs de Pékin« pour éviter les cantines à touris-tes ». Par ailleurs, les parcours privés ou en petit groupe « sont trèsappréciés », constate le patron d’Asia.

Découverte et rencontre« Les tour-opérateurs prennent des chemins de traverse. C’est d’autant plus intéressant que cela ne concernepas que les spécialistes du voyage surmesure », témoigne, de son côté, Jean-Pierre Mas, le président de l’organisation interprofessionnelle Les Entreprises du voyage. Ce der-nier salue « l’approche très fine » de l’exploitant de clubs de vacances Kappa Club, lequel promeut la découverte et la rencontre avec la population locale.

A contrario, Jean-Pierre Mas nenote pas, à ce stade, un changement significatif dans l’attitude des consommateurs-voyageurs. « On ne peut pas dire qu’il y ait une prise de conscience collective de la clientèle du surtourisme. On ne constate pas une baisse de la demande pour les spots touristiques surfréquentés, tels Venise, Barcelone – en dépit de mouve-ments locaux d’hostilité – ou Dubrov-nik », déclare à ce propos le prési-dent des Entreprises du voyage. En revanche, nuance-t-il, « il y a une demande, qui n’est pas nouvelle, de visiter autrement les sites majeurs. C’est une demande constante ». — C. P.

Les chemins de traverse des voyagistes français

Alors que la saison estivale bat son plein en Europe, la question de l’afflux excessif de touristes se pose avec toujours plus d’acuité, tant pour les destinations phares du Vieux Continent que pour ces voya-g e u r s e n p a r t a n c e p o u r d e s « spots » relevant du long-courrier. Si le phénomène paraît inexorable avec l’essor de nouvelles clientèles asiatiques et latino-américaines, la prise de conscience de la nécessité de l’endiguer n’en est pas moins tangible, tant du côté des profes-sionnels que des consommateurs-voyageurs.

En mai dernier, un sondage réa-lisé pour Comptoir des Voyages,

Les tour-opérateurs français offrent des alternatives afin de contourner les situations de surtourisme. Une démarche qui ne concerne pas que les spécialistes du voyage sur mesure.

« L’une des réponses serait de créer de nouvelles destinations »Propos recueillis par Christophe Palierse

P our faire face aux flux devoyageurs renforcés parde nouvelles clientèles, le

président du syndicat des tour-opérateurs estime qu’il faut rechercher « des alternatives aux classiques du tourisme ». L’occa-sion, selon lui, pour les profes-sionnels du secteur de mettre en exergue leur valeur ajoutée.

Comment les voyagistes prennent-ils en compte la question du surtourisme ?Avant de répondre, j’aimerais faire une observation : il y a quand même une contradiction àvouloir faire venir les touristes, vouloir accroître les recettes et dire par ailleurs qu’on n’en veut plus ! Je constate qu’on en parle beaucoup à propos de Paris. Je nesuis pas sûr qu’on en parlerait autant s’il n’y avait pas les munici-pales en perspective…

Les nuisances du surtou-risme n’en sont pas moins perceptibles un peu partout dans le monde. Agents de voyages et tour-opérateurs n’ont-ils pas un rôle à jouer ?Ce serait suicidaire que de ne pas en tenir compte. C’est clair, dans certaines capitales et/ou lieux tou-ristiques, on a un problème ! Il faut l’intégrer. Globalement, nous

n’en sommes qu’aux balbutie-ments. Le tourisme moderne s’est construit depuis soixante ans, il ne faudrait pas que les Chinois mettent autant de temps à réagir. Car on doit d’autant plus agir que nous devons faire face aux flux de nouveaux pays. Nous sommes passés du tourisme de masse à la masse dans le tourisme… L’une des réponses serait de créer de nouvelles destinations touristi-ques. Il y a soixante ans, personneou presque n’allait à Marrakech. Cela étant, certains voyagistes ont déjà pris en compte le surtou-risme en proposant et en mettant en œuvre des alternatives aux classiques du tourisme.

N’est-ce pas l’occasion pour le voyagiste de retrouver ses lettres de noblesse à l’heure de la désintermédiation et du voyageur-internaute ?Tout à fait, les tour-opérateurs sont condamnés à créer de la valeur ajoutée. Et la valeur ajou-tée aujourd’hui, c’est, entre autres, de créer du bonheur dans une destination apparemment encombrée. A ce titre, on gérera lesurtourisme en travaillant sur les amplitudes d’ouverture des sites touristiques, avec de la flexibilité d’une manière générale. Car, quoique l’on fasse, on n’empêchera jamais, par exemple, un touriste étranger à Paris de vouloir voir la tour Eiffel. n

RENÉ-MARC CHIKLIPrésident du syndi-cat des tour-opéra-teurs Seto, vice-président de la Confédération des acteurs du tourisme

« Les tour-opérateurs sont condamnés à créer de la valeur ajoutée. »

ne sont, selon lui, pas sanction-nées.En mars, le Tribunal de grande instance de Paris a déboutéla ville, qui l’avait saisi à propos d’annonces publiées sur Airbnb et jugées illégales car ne comportant pas de numéro d’enregistrement. Un numéro pourtant obligatoire… et essentiel pour s’assurer que les propriétaires s’acquittent de la taxede séjour et respectent la limite des120 jours, estime la mairie. « Notre priorité à présent est d’aller de l’avant et de travailler avec les auto-rités », avait déclaré Airbnb à l’issue de cette décision. La ville, elle, ne s’est pas avouée vaincue et adéposé une nouvelle plainte au titre du non-respect de la loi Elan sur le logement. La décision est attendue en octobre.

« Il faut que les plates-formescomprennent que si elles ne pren-nent pas leurs responsabilités pour préserver l’habitat des Parisiens, les Parisiens nous demanderont de les interdire », explique Jean-François Martins. Il plaide pour réserver les locations de type Airbnb aux résidences principales. A l’heure actuelle, 65.000 logements pari-siens sont proposés à la location sur la plate-forme.

2 LES COMMERCES DE PROXIMITÉ QUI FERMENTAutre sujet qui fâche : celui des commerces de proximité qui fer-ment au profit de magasins de sou-venirs pour touristes. Il y en avait 392 recensés en 2017 dans la capi-tale, selon une étude de l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur). Ce phénomène participe aussi au « sentiment des Parisiens de désap-propriation de leur ville », selon l’adjoint au tourisme. La ville a mis

Fédération professionnelle des autocaristes, vendredi dernier, le ton était toutefois beaucoup plus mesuré. L’équipe municipale en place, de son côté, rappelle que ces véhicules devront comme les autres se plier à l’interdiction du diesel dans la capitale à l’horizon 2024 dans le cadre du plan de lutte contre la pollution de l’air.

Elle a aussi fait savoir, par la voixdu premier adjoint, Emmanuel Grégoire, que « les cars ne sont plus les bienvenus dans l’hypercentre », sans totalement préciser les moda-lités de mise en application de cette nouvelle doctrine. Des « parkings dedesserte » ont commencé à être mis en place, à Bercy, près de la Porte des Ternes et à la Porte d’Issy afin d’éviter que ces véhicules ne ren-trent dans Paris. Autre problème : « Les contrats passés avec certains opérateurs touristiques obligent les chauffeurs de cars à laisser le moteurtourner pour maintenir une tempé-rature à 19 degrés », assure Jean-François Martins. Une nuisance bien inutile. n

Les trois points noirs du tourisme à Paris

Elsa Dicharry @dicharry_e

La mairie l’assure : Paris – qui avec sa région a accueilli 38 millions de visiteurs en 2018 – ne souffre pas de« surtourisme » comme Barcelone, Venise, Dubrovnik ou Amsterdam. Le tourisme, cependant, provoque des nuisances dans la capitale, en particulier dans certains sites parti-culièrement fréquentés. Voici les points qui posent problème.

1 AIRBNB TOUJOURS POINTÉ DU DOIGTLe sujet pourrait resurgir lors de la campagne pour les élections muni-cipales de 2020. Les plates-formes d’hébergement touristique, au pre-mier rang desquelles Airbnb, con-tinuent d’accentuer le phénomène de pénurie de logements dans la capitale en dépit des mesures de régulation instaurées. « L’arsenal l é g i s l a t i f q u e n o u s a v o n s aujourd’hui n’est pas suffisant », estime Jean-François Martins. Les locations, depuis le 1er janvier 2019, sont limitées à 120 jours par an dans toute la capitale. Mais selon l’adjoint à la Mairie de Paris chargédu tourisme, ce quota reste « trop élevé » (Amsterdam a ainsi limité les locations à 30 jours). Et les pla-tes-formes qui ne le respectent pas

Plates-formes d’héberge-ment touristiques réduisant l’offre de logements, magasins de souvenirs qui prennent la place de commerces de proximité ou cars encombrants et polluants : telles sont les principales sources d’agacement des Parisiens.

au point une palette d’outils pour défendre ses boulangeries, phar-macies et autres commerces de proximité, et éviter la mono-activitédans certains quartiers.

Depuis 2004, la société d’écono-mie mixte de la Ville de Paris (Semaest) acquiert des locaux dans le parc privé, les rénove, les loue à des commerçants et artisans indé-pendants, puis en assure la gestion et l’animation. La Foncière Paris Commerces a aussi été créée en

2013 pour acquérir des locaux com-merciaux et mieux en maîtriser la destination. Enfin, depuis 2017, le GIE Paris Commerces loue les locaux commerciaux de bailleurs sociaux.

3 DE 900 À 1.200 CARS DE TOURISTES PAR JOURIl s’agit enfin d’organiser les mobili-tés et le partage de l’espace au sein de la ville. L’un des points noirs concerne les cars de touristes voya-

geant en groupe, bruyants, envahis-sants et polluants. Ils sont entre 900à 1.200 par jour à circuler dans la capitale selon les saisons, et se ren-dent en moyenne sur trois sites.

Le sujet là encore promet de figu-rer en bonne place lors de la campa-gne municipale. Benjamin Gri-veaux, candidat à la succession d’Anne Hidalgo, a déjà promis l’interdiction des cars de touristes diesel à Paris « d’ici à trois ans » s’il est élu. Lors d’une réunion avec la

Stationnement d’autocars de tourisme, près de la place de la Concorde. Photo Bruno Lévy/RÉA

Toussaint qu’auparavant et moins en juillet-août ». Avant d’ajouter : « Par rapport au surtourisme, nos clients préfèrent partir “en décalé” plutôt qu’aux périodes de gros flux, d’où le terme de “septembristes” que j’emploie souvent, et aller voir des sites secondaires lorsque les princi-paux sont bondés. En tant qu’agents de voyages, cela nous donne l’occa-sion de conseiller utilement ces clients sur ce sujet. » De fait, certainsvoyagistes cherchent d’ores et déjà à amener le consommateur-voya-geur en dehors des chemins battus et rebattus ou à les emprunter différemment.

Chez Voyageurs du Monde, qui afait sien le slogan « Voyager à contre-courant », le changement estréel au dire de son patron, Jean-François Rial. « Il y a quelques années, 90 % de la clientèle faisaient des voyages classiques et 10 % optaient pour des formules alternati-ves. Aujourd’hui, c’est du 50-50. Et pour ce faire, il a fallu trouver des alternatives, que ce soit en termes de destinations ou de saisons », relate Jean-François Rial. A titre d’exem-ples, pour les Etats-Unis il cite notamment la visite du Kansas et del’Arkansas, parce qu’il s’agissait de « sortir de l’Est américain et de la Cali-fornie ». A propos de cette dernière, le patron de Voyageurs du Monde sefélicite aussi d’avoir « réussi à la fairedécouvrir l’hiver, ce qui était impensa-ble il y a quelques années ».

Chez Asia, le spécialiste de l’Asie,on s’affiche tout aussi offensif. « Le sujet du surtourisme n’est pas nou-veau chez nous. Dès 1986, Jean-Paul

Les professionnels veulent emmener le consommateur-voyageur en dehors des chemins battus et rebattus, ou les lui faire emprunter différemment.

Les chiffres clefs

38MILLIONSLe nombre de touristes ayant séjourné dans Paris et sa région en 2018.

65.000LOGEMENTS PARISIENSproposés à la location par la plate-forme Airbnb.