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L’ARPENTEUR DU WEB CHAMPS SCALAIRE ET VECTORIEL EN GÉOPHYSIQUE GUY BOUYRIE NOTIONS DE CHAMP SCALAIRE, DE CHAMP VECTORIEL EN GÉOPHYSIQUE C’est en première S que l’on aborde en lycée la notion de champ, dont la profondeur et la « puissance » risquent d’échapper à nos lycéens tant le temps qu’on peut lui consacrer est restreint ! En effet, en deux semaines au plus, le programme de première S suggère de « recueillir et exploiter des informations (météorologie, téléphone portable, etc.) sur un phénomène pour avoir une première approche de la notion de champ », en vue de « décrire le champ associé à des propriétés physiques qui se manifestent en un point de l’espace », tout en comprenant comment « la notion de champ a émergé historiquement ». Et donc il faut apprendre à distinguer des champs scalaires et des champs vectoriels, pour ensuite étudier le champ de pesanteur terrestre avant de cartographier quelques champs électriques et magnétiques remarquables. Dans cet article, nous nous limiterons aux champs et potentiels terrestres qui sont du domaine de la géophysique (météorologie et géodésie), à l’exclusion du champ magnétique terrestre. Rappelons que la géodésie est la science qui étudie les dimensions et la forme de la Terre, ainsi que son champ de pesanteur. Nous allons voir qu’INTERNET offre en la matière de nombreuses ressources, exploitables ou non avec les élèves, qui permettent d’appréhender des notions souvent méconnues. 1. CARTES EN MÉTÉOROLOGIE & GÉOGRAPHIE : VERS LA NOTION DE CHAMP En météorologie, on établit un très grand nombre de cartes où, en chaque point de l’espace considéré, sont portées des valeurs mesurées associées à des grandeurs physiques utiles (température, pression, vitesse du vent, etc.). À une date donnée, une valeur ou un ensemble de caractéristiques d’une grandeur physique sont donc liés en chaque point de cet espace, ce qui constitue une première sensibilisation à la notion de « champ ». 1.1. Champs scalaires et vectoriels en météorologie On consultera avec intérêt ce remarquable site : http://www.infoclimat.fr/ Par le menu « temps réel », on peut accéder à tout un ensemble de cartes qui permettent d’illustrer de façon très intéressante ce propos introductif relativement à la notion de champ, vue comme une « propriété » qui structure l’espace en chacun de ses points. Faire un bon usage des cartes disponibles n’est pas toujours aisé. Un lexique est disponible selon : http://www.infoclimat.fr/apprendre-lexique-meteo.html Le site de MeteoFrance : http://www.meteofrance.com/accueil apporte des documents pédagogiques d’un grand intérêt pour compléter cette étude. Consulter les pages disponibles suivant http://education.meteofrance.fr/ Figure 1 : portail d’entrée du site INFOCLIMAT http://www.infoclimat.fr/ Figure 2 : dossiers thématiques disponibles sur le site de Meteo France http://education.meteofrance.fr/dossiers-thematiques

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CHAMPS SCALAIRE ET VECTORIEL EN GÉOPHYSIQUE GUY BOUYRIE

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NOTIONS DE CHAMP SCALAIRE, DE CHAMP VECTORIEL EN GÉOPHYSIQUE

C’est en première S que l’on aborde en lycée la notion de champ, dont la profondeur et la « puissance »

risquent d’échapper à nos lycéens tant le temps qu’on peut lui consacrer est restreint ! En effet, en deux

semaines au plus, le programme de première S suggère de « recueillir et exploiter des informations

(météorologie, téléphone portable, etc.) sur un phénomène pour avoir une première approche de la notion de

champ », en vue de « décrire le champ associé à des propriétés physiques qui se manifestent en un point de

l’espace », tout en comprenant comment « la notion de champ a émergé historiquement ». Et donc il faut

apprendre à distinguer des champs scalaires et des champs vectoriels, pour ensuite étudier le champ de

pesanteur terrestre avant de cartographier quelques champs électriques et magnétiques remarquables.

Dans cet article, nous nous limiterons aux champs et potentiels terrestres qui sont du domaine de la

géophysique (météorologie et géodésie), à l’exclusion du champ magnétique terrestre. Rappelons que la

géodésie est la science qui étudie les dimensions et la forme de la Terre, ainsi que son champ de pesanteur.

Nous allons voir qu’INTERNET offre en la matière de nombreuses ressources, exploitables ou non avec les

élèves, qui permettent d’appréhender des notions souvent méconnues.

1. CARTES EN MÉTÉOROLOGIE & GÉOGRAPHIE : VERS LA NOTION DE CHAMP

En météorologie, on établit un très grand nombre de cartes où, en chaque point de l’espace considéré, sont

portées des valeurs mesurées associées à des grandeurs physiques utiles (température, pression, vitesse du

vent, etc.). À une date donnée, une valeur ou un ensemble de caractéristiques d’une grandeur physique sont

donc liés en chaque point de cet espace, ce qui constitue une première sensibilisation à la notion de

« champ ».

1.1. Champs scalaires et vectoriels en météorologie

On consultera avec intérêt ce remarquable site : http://www.infoclimat.fr/

Par le menu « temps réel », on peut accéder à tout un ensemble de cartes qui permettent d’illustrer de façon

très intéressante ce propos introductif relativement à la notion de champ, vue comme une « propriété » qui

structure l’espace en chacun de ses points. Faire un bon usage des cartes disponibles n’est pas toujours aisé.

Un lexique est disponible selon : http://www.infoclimat.fr/apprendre-lexique-meteo.html

Le site de MeteoFrance : http://www.meteofrance.com/accueil apporte des documents pédagogiques d’un

grand intérêt pour compléter cette étude.

Consulter les pages disponibles suivant http://education.meteofrance.fr/

Figure 1 : portail d’entrée du site INFOCLIMAT http://www.infoclimat.fr/

Figure 2 : dossiers thématiques disponibles sur le site de Meteo France http://education.meteofrance.fr/dossiers-thematiques

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Lignes isobares

Le « champ » de pressions relevées à un instant donné en différents points d’un plan à une altitude donnée

permet de mettre en évidence des lignes « d’équi » (égales) ou « iso »pression, suivant que l’on préfère le

latin ou le grec ! C’est un peu comme des courbes de niveau sur les cartes de géographie (on y reviendra par

la suite).

En examinant la répartition spatiale de ces lignes « iso », on serait donc tenté de prévoir selon quelle

direction les masses atmosphériques vont être mises en mouvement, sachant quand même que les relevés

sont effectués à une altitude ramenée au « niveau de la mer » (encore une notion qu’il va falloir « creuser »).

Mais ici le problème est relativement complexe :

des variations de pression peuvent être constatées, à un instant donné, entre deux points différents de

l’espace cartographié, en parcourant donc l’intervalle spatial allant d’un point à un autre : d’où le calcul

d’une « pente » P

r, analogue à un « gradient de pression » (cas [1]) ;

des variations de pression peuvent être constatées, en un point donné, entre deux instants différents, en

parcourant donc un certain intervalle temporel : d’où le calcul d’un rapport P

t, analogue à une « variation

temporelle de la pression » (cas [2]).

Il se trouve qu’en météorologie, on dresse de véritables cartes basées sur des mesures différentielles du type

[2], sur des durées d’observation de une à trois heures au plus, ce qui reste petit devant la durée d’une

journée.

On peut alors essayer de trouver une corrélation entre ces relevés « différentiels » et ceux permettant de

cartographier la direction, le sens et l’intensité du vent sur une zone spatiale donnée.

Là encore, les cartes de « vents » doivent être ramenées à une altitude conventionnelle. Examinons alors les types de représentations que l’on peut obtenir :

Figure 3 : un exemple de lignes isobares présentées sur http://www.infoclimat.fr/

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Si les figures 3 et 4 permettent de comprendre la structure du « champ vectoriel » établi dans la figure 5,

dans le détail, cela s’avère plus délicat !

Figure 4 : même lieu, même date qu’en figure 3 avec observation des

variations temporelles de la pression atmosphérique http://www.infoclimat.fr/

years.html

Figure 5 : même lieu, même date qu’en figure 4 avec observation des vents

moyens observés « au niveau du sol » http://www.infoclimat.fr/

years.html

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1.2. Courbes de niveau : altitude et équipotentielle de gravité

En topographie, pour « cartographier » un lieu, il faut référencer sur une carte les « altitudes

topographiques » pour établir les « courbes de niveau » ; or repérer une altitude ne peut se faire sans

cartographier le champ de pesanteur terrestre ! C’est toute la difficulté de cette branche de la géophysique

appelée géodésie, à la frontière de plusieurs disciplines allant de la géologie à la physique pour aboutir à des

modèles mathématiques très complexes !

Les arpenteurs de notre globe se sont heurtés à des difficultés majeures pour assurer leurs relevés :

établir la forme de la Terre ;

définir la verticale et donc l’horizontale qui lui est perpendiculaire, ce qui repose sur les lois de la gravité ;

mesurer par conséquent la gravité, laquelle fait intervenir la notion d’altitude qui est une conséquence de la

gravité ! En effet, mesurer la gravité en un point du globe pose le problème de déterminer la distance au

centre de la Terre, pour ramener ensuite cette mesure à une altitude de référence !

Nous serons amenés à évoquer ces difficiles mesures qui ont conduit à définir « l’ellipsoïde de référence »

d’une part, le « géoïde » d’autre part.

Et tout est affaire de conventions : existe-t-il un « niveau de référence » ? Tout d’abord, revenons sur nos cartes de géographie, telles celles établies par L’IGN : http://www.ign.fr/

Beaucoup de cartes sont d’un accès public et libre, sur le fameux site « GÉOPORTAIL » de l’Institut national

de l’information géographique et forestière ou IGN : http://www.geoportail.gouv.fr/accueil .

Les cartes « topographiques » les plus intéressantes, en accès libre, sont celles relatives au littoral, établies

par le SHOM et l’IGN (ouvrir l’onglet « catalogue de données » pour y accéder). Pour commencer, retenons ceci :

la « verticale », en un lieu donné, est la direction du « champ de pesanteur » (ou “gravité”) en ce lieu ;

l’« horizontale » est une surface perpendiculaire en tout point à la verticale. Cela définit un lieu des points

qui est une équipotentielle de pesanteur, c’est-à-dire une surface sur laquelle le potentiel de pesanteur est

constant.

On peut donc faire une profonde analogie entre les « courbes de niveau » de la carte et les « lignes

équipotentielles de gravité ».

Les lignes de plus grandes pentes sont perpendiculaires aux courbes de niveau et la pente est plus forte là où

les courbes sont les plus rapprochées. On peut bien sûr rencontrer des points placés à des altitudes différentes

pour lesquels la pente est la même ou des points de même altitude (sur la même courbe de niveau) avec des

pentes différentes. De même qu’il ne faut pas confondre « constance de l’altitude » avec « constance de la pente », il ne faut

pas confondre « constance du potentiel de pesanteur » avec « constance du champ de pesanteur ».

Figure 6 : les ite de L’IGN GEOPORTAIL http://www.geoportail.gouv.fr/accueil

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On consultera avec profit les remarquables ressources offertes par l’ENS Lyon sur ce vaste sujet : http://planet-terre.ens-lyon.fr/article/gravitation-pesanteur.xml

Figure 7 : altitude ou pente ? Un remarquable document disponible sur http://planet-terre.ens-lyon.fr/article/gravitation-pesanteur.xml

Figure 7 bis & ter : à gauche, lignes de même altitude (courbes de niveau) et à droite, lignes de même pente http://planet-terre.ens-lyon.fr/article/gravitation-pesanteur.xml

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Pour des élèves de première S, on peut alors se risquer à dire les choses suivantes :

Les lignes équipotentielles de gravité ressemblent aux courbes de niveau d’une carte topographique : en

terrain accidenté, un objet de masse m qu’on déplacerait sur une courbe de niveau aurait toujours le même

« potentiel V de pesanteur » car il serait toujours à la même hauteur par rapport au niveau zéro (les

courbes de niveau sont ainsi des lignes équipotentielles de pesanteur).

Sur une ligne équipotentielle de pesanteur, l’objet de masse m possède la même énergie potentielle de

pesanteur (qui vaut en un lieu terrestre d’altitude h, E pp = mg h).

Traverser les courbes de niveau d’un relief correspond à gravir ou descendre une pente. Le trajet le plus

abrupt est toujours perpendiculaire aux courbes de niveau. S’il n’y avait aucun frottement, une balle

qu’on laisserait aller en terrain accidenté accélérerait spontanément selon la pente la plus abrupte, la force

résultante étant perpendiculaire aux courbes de niveau.

Il existe donc un lien entre :

le potentiel de pesanteur V et le champ de pesanteur g, de sorte que g = V

h si h représente la différence

d’altitude entre « 2 courbes de niveau ou lignes équipotentielles de pesanteur » ; le rapport V

h est analogue à

une « pente » ou encore « gradient de V ».

Rappelons aussi qu’en un point donné de l’espace où l’on place une masse m, on définit le vecteur « champ

de pesanteur » par la relation g

= P

m .

F1

F2

F3

Figure 8 : courbes de niveaux sur une carte de l’IGN et différentes pentes représentées par des

vecteurs en 3 points distincts

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2. CHAMP DE PESANTEUR ET LIGNES ÉQUIPOTENTIELLES DE PESANTEUR

2.1. La forme de la Terre : vers l’ellipsoïde

Au XVIII e siècle, les expéditions de l’Académie de Paris en Laponie lancée en 1736 (MAUPERTUIS et

CLAIRAUT) et celle rocambolesque au Pérou débutée en 1735 (GODIN, BOUGUER et LA CONDAMINE) avaient

pour but de vérifier qualitativement que l’aplatissement de la Terre, prédit par Newton, existait, plutôt que

d’en déterminer une valeur exacte.

Écouter la conférence présente suivant le lien : http://planet-terre.ens-lyon.fr/article/figure-terre-2006-conf.xml

Le but est d’obtenir une modélisation de la Terre selon un ellipsoïde de demi-grand axe a et de demi-petit

axe b ; le facteur d’aplatissement f = a b

a .

Ces expéditions, qui ont pu être menées à leur terme après avoir réussi à vaincre d’inimaginables difficultés,

n’ont pas permis de déterminer a et b avec une précision suffisante, alors que le facteur d’aplatissement a été

évalué à f 1 / 200, ce qui a définitivement validé le modèle de NEWTON par opposition à celui proposé par

les partisans de DESCARTES (pour qui l’aplatissement était équatorial).

Pour l’expédition de Laponie de MAUPERTUIS & CLAIRAUT lire : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhs_0048-7996_1951_num_4_1_4317 puis :

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhs_0048-7996_1951_num_4_2_2870

L’Académie des sciences propose à ce propos une belle animation flash sur les expéditions françaises aux

pôles, et notamment celle de MAUPERTUIS et CLAIRAUT http://www.academie-sciences.fr/activite/archive/dossiers/api/pole.swf

Bien sûr, la bibliothèque numérique GALLICA permet de consulter le célèbre livre rédigé sous la direction de

MAUPERTUIS « La figure de la Terre déterminée par les observations au cercle polaire » http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k625769.r=Maupertuis.langFR

Figure 9 : planches tirées de « La Figure de la Terre » de MAUPERTUIS http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k625769/f223.image et http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k625769/f216.image

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Pour l’expédition du Pérou (GODIN, BOUGUER et LA CONDAMINE), on lira avec intérêt :

un éloge de La CONDAMINE par l’académie des sciences ; http://www.academie-sciences.fr/activite/archive/dossiers/Condamine/archives_Condamine_oeuvre.htm

les péripéties de cette expédition dans la forêt amazonienne : http://bndigital.bn.br/francebr/frances/geodesique.htm .

Là encore, GALLICA permet de consulter le célèbre livre rédigé sous la direction de BOUGUER « La figure de

la Terre déterminée par les observations aux environs de l’équateur ». http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1051288w.r=Bouguer.langFR

En 1799, est proposé par la Commission des Poids et Mesures, suite aux travaux de MÉCHAIN, DELAMBRE et

BORDA, le premier ellipsoïde calculé avec les caractéristiques suivantes : a = 6 375 653 m et f = 1

334 .

Cet ellipsoïde a une importance historique considérable, car il a servi de base pour le système métrique

décimal (le mètre étant défini comme la dix-millionième partie du quart du méridien terrestre).

« L'ellipsoïde de révolution est un modèle mathématique de la Terre utilisé pour exprimer des

coordonnées géographiques et effectuer des calculs (positionnement, distance…). À chaque référentiel

géodésique est associé un ellipsoïde, sur lequel on a fixé un méridien comme origine des longitudes »

d’après l’IGN, document consultable suivant le lien : http://geodesie.ign.fr/contenu/fichiers/Modeles_ellipsoides_France.pdf Il y a donc plusieurs modèles d’ellipsoïde pour décrire mathématiquement la surface du globe : ils tiennent

compte non seulement de paramètres géométriques proprement dit, mais aussi du produit des constantes G

de la gravitation et de la masse M de la Terre et de son atmosphère, de la vitesse angulaire lié à la rotation

du globe autour de l’axe polaire, mais aussi de tout un ensemble de facteurs J permettant de décrire au mieux

le potentiel de gravité de la Terre, en relation avec le « géoïde » que nous examinerons ci-après en 2.2.

Ainsi, dans le modèle d’ellipsoïde IAG – GRS 80, très utilisé depuis les résolutions de l’Union Géodésique

et Géophysique Internationale de 1980, on a, entre autres, les caractéristiques suivantes :

a = 6 378 137 m (rayon équatorial terrestre), f = 1 / 298,257 222 101, G M = 3 986 005 10 3 m

3 s

2 et

= 7 292 115 10 11

rad s 1

. Il y a une différence de 21 385 m entre « rayon » équatorial et « rayon » polaire.

Figure 10 : planches tirées de « La Figure de la Terre » de BOUGUER http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1051288w/f555.zoom.r=Bouguer.langFR

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2.2. Altitude et géoïde

L’altitude est une grandeur physique liée à l’accélération de la pesanteur, cette notion d’altitude fait donc

appel au champ de pesanteur terrestre et à ses anomalies.

Consulter le portail consacré à la géodésie sur le site de l’IGN : http://geodesie.ign.fr/

Il faut donc être en mesure de déterminer une altitude tout en contrôlant la gravité ! Un enjeu dont les

arpenteurs du globe du XVIII e siècle avaient parfaitement conscience, alors que sur le terrain ils ne

pouvaient développer que des règles de triangulation validées par des méthodes astronomiques pour relever

des distances et des hauteurs, tout en ayant le « pendule de Huygens » pour essayer de déterminer les

variations locales de la gravité ! Altimétrie et gravimétrie sont désormais des domaines particulièrement

raffinés de la métrologie dont on donnera plus loin un bref aperçu.

On choisit une surface de référence particulière, qui est une équipotentielle du champ de pesanteur

terrestre. Elle est mathématiquement complexe, car elle dépend de la répartition des masses à l’intérieur de la

Terre : cette surface est telle que le potentiel terrestre y est constant ; c’est ce que l’on appelle une surface

« équipotentielle de pesanteur ».

L’équipotentielle de pesanteur particulière correspondant avec le niveau moyen des océans (en

supprimant la houle, les courants marins, les variations thermiques, etc.) est appelée « géoïde ».

En toute première approximation, le géoïde est une sphère, en deuxième approximation il s’agit d’un

ellipsoïde, que l’on appelle « l’ellipsoïde de référence », en toute rigueur il ne s’agit ni d’un ellipsoïde, ni

même d’une surface de révolution.

En effet, si l’on veut obtenir la forme véritable des équipotentielles de pesanteur terrestres, il faut tenir

compte des forces centrifuges et de toutes les forces de gravitation, celles-ci dépendant non seulement des

irrégularités de la surface terrestre mais aussi des inhomogénéités en profondeur des matériaux dont la Terre

est composée.

Pour obtenir l’altitude d’un point M appartenant à la surface topographique, il suffit de mesurer la distance

du point M à son projeté H sur le géoïde selon la verticale locale, qui par définition est perpendiculaire en H

au géoïde. Pour obtenir un niveau 0 d’altitude nulle, on détermine le niveau moyen des mers en un point

donné à l’aide d’un marégraphe. Par exemple, le marégraphe basé à Marseille a permis, en prenant la

moyenne d’une série de mesures opérées sur 13 ans de 1884 à 1896, de fixer le zéro des altitudes en France.

Figure 11 : le portail de l’IGN consacré à la géodésie http://geodesie.ign.fr/

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Cette détermination est arbitraire et il existe donc un décalage entre le géoïde et le zéro du système de

nivellement choisi.

À noter que les moyens de mesure directs d’altitude conventionnels comme le GPS ne permettent pas de

mesurer directement cette distance HM. Le GPS permet en effet de relever la hauteur « ellipsoïdale » H0M

qui est repérée par rapport à l’ellipsoïde WGS 84 associé au système GPS.

On obtiendra l’altitude HM par soustraction de l’écart H0H entre géoïde et ellipsoïde à la hauteur ellipsoïdale

H0M, en corrigeant éventuellement le résultat obtenu de la « déviation de la verticale » : en effet, la normale

(la verticale donc) en un point H du géoïde n’est pas forcément confondue avec celle en H0 de l’ellipsoïde de

référence ! En pratique, on ne dispose pas de l’écart H0H entre géoïde et ellipsoïde en tout point du globe.

Pour obtenir une altitude avec des mesures de hauteurs ellipsoïdales, on utilise alors soit des modèles de

géoïde mondiaux permettant d’obtenir une précision décimétrique, soit des grilles de conversion

altimétrique. La grille de conversion RAF 98 de l’IGN permet d’obtenir la correspondance entre les hauteurs

ellipsoïdales issues du système WGS 84 et les altitudes du système NGF 69 avec une précision de l’ordre de

2 à 3 cm si les observations GPS sont de qualité suffisante.

Signalons enfin qu’en topographie il existe plusieurs types d’altitudes, les unes étant déterminées à partir de

mesures des valeurs du champ de pesanteur, les autres étant basées sur des estimations « théoriques » de ce

même champ de pesanteur.

Lire à ce sujet : http://www.sat-info.fr/rubrique,informations-techniques,elements-de-geodesie,systemes-de-coordonnees,reference-altimetrique.php

2.3. Images du globe : géoïde, anomalies de gravité et surface topographique

Dans le modèle théorique, les équipotentielles, dont la surface de la Terre, sont des ellipsoïdes de

révolution concentriques. En réalité la répartition des masses à l’intérieur de la Terre est plus complexe

(enveloppes non homogènes, mouvements de matière ascendants et descendants, anomalies thermiques, etc.)

que dans un modèle concentrique.

Enfin, pour des raisons que nous avons signalé précédemment, les équipotentielles de pesanteur ne sont pas

exactement ellipsoïdales.

La surface moyenne des océans (surface libre et à l’équilibre, pour le niveau moyen, entre deux fluides eau /

atmosphère) est une équipotentielle de pesanteur qui couvre 70 % de la surface de la Terre et qui est, de ce

fait, prise comme équipotentielle de référence, appelée géoïde.

L’altimétrie spatiale, au moyen d’un radar embarqué sur un satellite, permet de cartographier directement les

ondulations de la surface de la mer, donc du géoïde. Cette technique cependant ne donne pas accès au champ

de gravité sur les continents : en partant d’un point connu du géoïde on peut le prolonger, plus vers

l’intérieur des terres, par la mesure du vecteur « champ de pesanteur ».

Comme le champ est en tout point perpendiculaire au géoïde, on en déduit alors son profil.

On parle parfois de bosses et creux du géoïde, alors que ce dernier définit une surface horizontale de

référence, puisqu’en tout point perpendiculaire à la verticale donnée par la pesanteur.

Il ne peut y avoir de bosse ou de creux du géoïde que par rapport à une autre forme, un ellipsoïde de

référence !

SURFACE

TOPOGRAPHIQUE

GÉOÏDE

ELLIPSOÏDE DE

RÉFÉRENCE

M

H

H0

Normale à l’ellipsoïde Normale au géoïde

Figure 12 : notion d’altitude d’un point M

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Tous les efforts pour cartographier le champ de pesanteur et les équipotentielles de pesanteur afin

notamment de dresser une carte du géoïde, des anomalies du champ de gravité et de la surface topographique

de la Terre, sont fédérés au sein de l’Association Internationale de Géodésie IAG, laquelle coordonne les

travaux de six centres regroupés au sein de l’ « International Gravity Field Service » IGFS.

Voici le portail du centre de Potsdam (ICGEM), chargé de construire le géoïde.

Le lien du Bureau Gravimétrique International (BGI) est particulièrement intéressant.

On peut ainsi y obtenir des mesures du champ de pesanteur sur un certain nombre de stations référencées sur

le globe. Par exemple, dans la région du Sud-Ouest de la France, voici un extrait de ce que l’on obtient : http://bgi.omp.obs-mip.fr/data-products/Gravity-Databases/Reference-Gravity-Stations

Code station Ville Latitude (degré) Longitude (degré) Altitude (m) g (µgal)

22211 AGEN 44,20000 0,61667 47,40 980 519 410

22210 AGEN 44,20000 0,61667 47,00 980 519 380

107110 ARCACHON 44,65000 -1,15000 0,00 980 573 940

5020 BAGNERES 43,06000 0,14333 660,00 980 272 260

5021 BAGNERES 43,05000 0,13333

980 273 620

106940 BAYONNE 43,49733 -1,48217 0,00 980 461 350

42791 BERGERAC 44,85000 0,50000

980 568 550

242 BORDEAUX 44,83333 -0,70833 49,10 980 566 940

241 BORDEAUX 44,84500 -0,52167 71,00 980 557 260

42751 CAPENS 43,41667 1,25000

980 388 030

41412 LA MONGIE 43,00000 0,00000

979 986 550

41431 LA TAOULET 43,00000 0,00000

979 876 980

42771 MONTAUBAN 44,01500 1,32667 84,80 980 491 540

22450 TARBES 43,24167 0,07500 329,00 980 344 740

22451 TARBES 43,23333 0,08333

980 344 840

2630 TOULOUSE 43,61667 1,45000 176,00 980 427 740

2636 TOULOUSE 43,60000 1,45000 450,00 980 428 360

2632 TOULOUSE 43,61667 1,38333 151,80 980 438 840 À noter l’unité employée pour exprimer la valeur de g qui est le « gal » (galilée) :

1 gal = 0,01 m s 2

; on est amené à utiliser des sous multiples du gal (mgal et µgal).

On peut y consulter de magnifiques cartes décrivant la gravité et ses anomalies à la « surface » du globe. http://bgi.obs-mip.fr/fr/activities/Projects/world_gravity_map_wgm

Figure 13 : portail d’entrée de l’ICGEM à Postdam http://icgem.gfz-potsdam.de/ICGEM/ (noter le lien, entouré, “Gravity Visualization”)

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Le lien « Gravity Visualization », situé à gauche de la page d’entrée de l’ICGEM (voir Fig. 13) permet

d’afficher sur l’écran de l’ordinateur en haute résolution les différentes parties du géoïde. C’est un

remarquable « applet Java » (mettre à jour le plugin Java du navigateur et accepter les messages de sécurité).

On dispose de tout un ensemble de boutons de contrôles qui permettent de modifier les vues (géoïde,

anomalies de gravité, surface topographique), de zoomer sur telle ou telle partie d’un continent, etc.

Figure 14 : creux et bosses du géoïde par rapport à un ellipsoïde de référence

http://icgem.gfz-potsdam.de/ICGEM

Figure 14 bis & ter : images du globe (anomalie de gravité et surface topographique) http://icgem.gfz-potsdam.de/ICGEM

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13

L’interprétation que peut donner un géophysicien des variations régionales du potentiel de pesanteur

s’avère délicate : ces variations géographiques traduisent la distribution hétérogène des masses dans les

différentes couches constituant l’intérieur de la Terre (croûte, manteau, noyau). Depuis que le géoïde est

mieux établi, avec une bonne résolution sur la partie que couvrent les océans grâce aux relevés satellitaires,

les géologues sont en mesure de mieux interpréter ces « anomalies » de gravité en faisant appel aux dernières

avancées de la tectonique des plaques.

2.4. Réponses à quelques questions classiques

D’après le document ÉDUSCOL : http://culturesciencesphysique.ens-lyon.fr/ressource/Mississippi.xml

Qu’est-ce que le « haut » et le « bas » ?

Le « haut » et le « bas » pour un individu situé sur une équipotentielle de pesanteur donnée sont définis par la

position des objets par rapport à cette équipotentielle.

Le haut correspond à la position d’un objet au-dessus de l’équipotentielle et le « bas » à la position située en-

dessous de cette même équipotentielle. Mais si le profil des équipotentielles présente des concavités, on peut

facilement se tromper : ainsi, sur le schéma ci-contre les boules vertes sont toutes à la même altitude car

situées sur la même équipotentielle. La boule bleue qui appartient à une équipotentielle de « niveau »

inférieur est située « au-dessous » des trois boules vertes, donc est plus « basse » alors que la boule rouge est

« au-dessus » des boules vertes, donc est « plus haute ».

Le cours du Mississipi

La source du Mississipi est plus près du centre de la Terre que ne l’est son embouchure : on serait tenté de

dire que sa source est plus « basse » que son « embouchure » : il n’en est rien bien sûr.

La source du Mississipi appartient à une équipotentielle plus haute que celle de son embouchure, mais, du

fait de la forme ellipsoïdale du géoïde et donc des équipotentielles de pesanteur, la source qui se situe à de

hautes latitudes est effectivement plus proche du centre de la Terre que l’embouchure située dans des zones

subtropicales.

Donc le Mississipi « descend » spontanément les potentiels de pesanteur et s’écoule bien de la source vers

l’embouchure (avec perte d’énergie potentielle de pesanteur).

B

V

V

V

R

Équipotentielle 3

Équipotentielle 2

Équipotentielle 1

Figure 15 : équipotentielles de pesanteur et « haut » et « bas »

Nord

Sud

C

Source

Embouchure

Équipotentielle de pesanteur

haute

Équipotentielle de pesanteur

la plus basse

Figure 16 : le cours du Mississipi (proportions non respectées)

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14

3. GÉOÏDE ET CHAMP DE PESANTEUR : ASPECT MATHÉMATIQUE

3.1. Un peu d’histoire

Il y a un lien fort entre l’interaction gravitationnelle et le champ gravitationnel lui-même.

Pourtant, l’idée de « champ » ne s’est pas imposée d’elle-même.

Alors même que NEWTON a « découvert » l’interaction gravitationnelle, il subit de la part des physiciens

héritiers de la tradition cartésienne de violentes attaques sur la nature même de cette interaction.

Comment la Terre peut-elle ressentir instantanément l’action du Soleil (et réciproquement) sans qu’aucun

« mécanisme » engageant la structure de l’espace ne soit nécessaire ? Comment se transmet cette interaction

sans aucun médiateur (ou particules) chargé de la propager de proche en proche dans l’espace qui sépare les

corps en interaction ?

Cette objection, héritage de la théorie des « tourbillons » de DESCARTES, était en réalité d’une grande

profondeur, comme l’ont relevé bien plus tard EINSTEIN puis FEYNMAN par exemple : elle porte sur la nature

même de ce qu’on appelle « le vide ».

NEWTON était conscient de cette objection et, dans les Principia, il note dans une des « scholies » :

« J’ai expliqué jusqu’ici les phénomènes célestes et ceux de la mer par la force de la gravitation, mais je n’ai

assigné nulle part la cause de cette gravitation. Cette force vient de quelque cause qui pénètre jusqu’au

centre du soleil et des planètes, sans rien perdre de son activité ; elle n’agit point selon la grandeur des

superficies, comme les causes mécaniques, mais selon la quantité de matière, et son action s’étend de toutes

parts à des distances immenses, en décroissant toujours dans la raison doublée des distances.

Je n’ai pu encore parvenir à déduire des phénomènes la raison de ces propriétés de la gravité, et je

n’imagine point d’hypothèses. Car tout ce qui ne se déduit point des phénomènes est une hypothèse, et les

hypothèses, soit métaphysiques, soit physiques, soit mécaniques, soit des qualités occultes, ne doivent pas

être reçues dans la philosophie expérimentale. […] Et il suffit que la gravité existe, qu’elle agisse selon les

lois que nous avons exposées, et qu’elle puisse expliquer tous les mouvements des corps célestes et ceux de

la mer ».

Ce point de vue pragmatique et ô combien efficace a reçu un large écho des mathématiciens, et notamment

des mathématiciens français qui ont œuvré à affiner la théorie gravitationnelle de NEWTON, de CLAIRAUT à

LAPLACE, en passant par LAGRANGE et POISSON.

L’apport des mathématiciens allemands ou anglais comme GAUSS et GREEN a été décisif pour établir les

jalons d’une théorie des distributions : dans la langue des mathématiques, l’interaction gravitationnelle fait

place à la notion de « potentiel de gravitation » puis de « champ de gravitation » comme « gradient de ce

potentiel ».

Ainsi on obtient l’équation locale du champ de gravitation : div G

= 4 G, où G

est le champ créé par un

corps massif dont la masse volumique est au point considéré.

Si le corps, de masse totale M, présente une symétrie sphérique de rayon R de sorte que la masse volumique

ne dépende que de la distance r au centre de cette répartition de masse, le champ G

est radial et on obtient,

à une distance r > R (hors du corps donc), l’expression bien connue : G

(r) = G M

r 2 er

, où er

est un vecteur

unitaire, dans la direction radiale, pris au centre de la distribution.

Le potentiel newtonien est alors : V (r) = G M

r + constante.

C’est cette expression du champ gravitationnel que l’on retient dans l’actuel programme de Terminale S

(sans pour autant y voir un « champ » mais plutôt une « accélération »).

Sur la surface du globe supposée sphérique (r = R T 6 370 km), en négligeant les effets de marée et ceux

centrifuges liés à la rotation du globe, cette expression du champ gravitationnel représente aussi celle du

champ de pesanteur g

(c’est ce que l’on affirme en classe de première S).

Pour une altitude h faible devant le rayon moyen R T de la Terre, on obtient alors l’expression bien connue :

g g (0)

1 2 h

RT

.

Il revient à FARADAY, qui certes ne faisait pas preuve de par sa formation quelque peu empirique d’une

grande virtuosité mathématique, à donner du « sens » physique à cette notion de champ, suite à ses travaux

portant sur l’électromagnétisme.

Lire à ce propos ces pages trouvées sur l’ENS LYON ÉDUSCOL : http ://planet-terre.ens-lyon.fr/article/histoire-gravite-3-Huygens-Einstein.xml

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15

« FARADAY propose l’interprétation moderne de la gravitation. La force d’attraction imaginée par NEWTON

ne concernait que les deux points où la matière était présente et elle résultait de l’action immédiate et à

distance de ces deux masses l’une sur l’autre. C’est au contraire l’espace tout entier qui est la scène du

champ gravitationnel. Et plus important encore, le champ créé par une première masse préexiste en tout

point de l’espace avant l’introduction d’une seconde masse.

L’attraction peut donc être décomposée en deux processus bien distincts, n’affectant qu’un seul corps à la

fois : un processus actif, lorsque chaque corps est la source d’un champ gravitationnel qui ne dépend que de

ses caractéristiques physiques, et un processus passif, lorsque chaque corps est plongé dans le champ créé

par les autres corps à l’endroit de l’espace où il se trouve. Ces deux processus, toujours réciproques et

simultanés, sont de nature tout à fait différente. Il n’y a donc plus d’attraction à distance, puisqu’un corps ne

subit pas une force créée par un autre corps éloigné mais réagit à l’influence d’un champ et subit une force

qui dépend uniquement des propriétés de l’espace où il se trouve. Le corps qui subit une attraction peut

donc « ignorer » l’existence du deuxième corps, il ne fait que réagir à des conditions locales, régnant dans

une région limitée de l’espace. Le problème s’est déplacé. Il ne s’agit plus de comprendre comment une

masse peut agir à distance sur une autre masse mais comment les propriétés de l’espace peuvent être

modifiées par la matière ».

3.2. Un modèle mathématique du géoïde

La Terre n’a pas une répartition des

masses sphérique et homogène ; il faut

reprendre l’expression du potentiel de

gravitation en considérant une masse

volumique qui n’obéit pas à une relation de

symétrie sphérique.

Pour obtenir une connaissance fine et précise

de la forme de la Terre et de son champ de

pesanteur, il faut donc faire appel à un

ensemble de modèles mathématiques qui

peuvent conduire à des approximations de

plus en plus précises lorsqu’on les confronte

aux données, elles-mêmes obtenues avec de

plus en plus de précision.

Dans le cas d’un corps isolé, rigide, pour un

point S extérieur à ce corps, on définit le

potentiel newtonien V à l’aide d’un

développement en harmoniques sphériques.

Les coordonnées de position du point P

extérieur à la distribution de masse sont

exprimées dans un repère lié au centre de masse O de la Terre et d’axes (OX, OY, OZ).

On obtient alors le potentiel V (r, , ) de gravitation tel que :

)(sin)sincos)(sin) , ,( ( 1

m

2

l

m

lmlmlll

l

i

PmSmCPJr

R

r

GM

r

GMrV .

Dans cette expression :

G est la constante de la gravitation, M la masse de la Terre, R le rayon d’une sphère contenant le globe

(ou le rayon équatorial a de l’ellipsoïde) ;

J l sont les « harmoniques zonaux », qui caractérisent des variations de forme et de densité dépendant de la

latitude ;

C l m, S l m sont les « harmoniques tesseraux » qui, eux, font intervenir ces variations de forme en

longitude ;

P l , P l m sont les polynômes et fonctions associées de Legendre. Connaître V (r, , ), c’est calculer les harmoniques de cette représentation.

Si le corps est en rotation uniforme autour de l’axe Z, le potentiel total de « pesanteur » W est la

somme de ce potentiel newtonien V et du potentiel de rotation 1

2 2 r

2cos

2 , soit W = V + 1

2 2 r

2cos

2

La pesanteur à la surface de ce corps est le gradient de ce potentiel W.

r

X

Y

Z

O

Point extérieur P

Latitude

Longitude

Figure 17 : coordonnées sphériques pour déterminer le

potentiel de gravitation hors de la distribution de masse

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16

On définit alors le géoïde comme la surface engendrée par les points P tels que : W (P) = W0, où W0 est

une constante conventionnelle.

Ce modèle n’est qu’une première approximation puisque la Terre n’est pas un corps rigide et qu’elle est

soumise aux actions conjuguées de la Lune et du Soleil qui engendrent des effets de marée ! Mais ce modèle

reste précieux pour les besoins de la géophysique. Pour aller plus loin en mathématiques (public très averti)

http://www.ipgp.fr/~greff/cours/slideHS.pdf (document remarquable pour comprendre ce que l’on voit sur une

carte de la « topographie » terrestre).

http://people.rses.anu.edu.au/lambeck_k/pdf/29.pdf (pourquoi l’altimétrie par satellite est venue au secours des

modèles mathématiques en harmoniques sphériques du potentiel de gravitation).

Pour faire un peu mieux que ses propres élèves de Terminale S, résoudre l’excellent sujet du concours

général de 2005 sur la gravimétrie.

Texte et solution fournis sur : http://artic.ac-besancon.fr/sciences_physiques/concours/index.php?lequel=cgeneral

4. GRAVIMÉTRIE ET ALTIMÉTRIE PAR SATELLITE

4.1. Gravimètres

Le premier gravimètre est le pendule de Huygens dont la période des petites oscillations est : T0 = 2 g

;

mais les physiciens ont eu le plus grand mal à effectuer des mesures précises de la gravité à différentes

latitudes avec ce dispositif, pour lequel on doit être en mesure de contrôler parfaitement sa longueur .

Il existe désormais deux types de gravimètres :

les gravimètres « absolus », coûteux, fragiles, rarement transportables mais indispensables pour des

mesures directes de g très précises (sensibilité pouvant atteindre 10 8

g ou 1 µgal);

les gravimètres relatifs qui peuvent aisément être utilisés sur le terrain par les géologues. Pour les gravimètres absolus, lire :

sur le site de l’IGN : http://geodesie.ign.fr/index.php?page=gravimetrie

Cet appareil, basé sur le principe de la chute libre dans le vide d’un objet (coin de cube en céramique),

permet de mesurer la valeur réelle de l’accélération de la pesanteur en n’importe quel point.

La mesure des temps de chute et des distances parcourues dans la chambre à vide de chute fait appel à des

méthodes interférométriques (le concours général de 2005 étudie ce dispositif).

Sur le site du laboratoire de métrologie du LNE – SYRTE, voir le prototype : https://syrte.obspm.fr/tfc/capteurs_inertiels/frame.html?https://syrte.obspm.fr/tfc/capteurs_inertiels/pages/gravi.html

Il est basé sur la chute libre d’atomes ultrafroids soumis à des impulsions lasers qui agissent sur les paquets

d’ondes associés aux atomes chutant, lesquels sont séparés dans deux bras d’un interféromètre !

Figure 18 : gravimètre absolu de l’IGN http://geodesie.ign.fr/index.php?page=gravimetrie

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17

Sur le site de l’EOST (École et Observatoire des Sciences de la Terre, née de la fusion des anciens

instituts de Physique du Globe et de Géologie de la Faculté des Sciences de Strasbourg). http://eost.unistra.fr/observatoires/obs-sismo-metro/gravimetrie/instruments/gravimetre-absolu/

« Ce gravimètre balistique permet de faire chuter pendant 200 millisecondes et sur une distance de 20 cm un

objet (coin de cube) dans une chambre sous vide à raison d’une chute toutes les 10 secondes ; il utilise la

technique interférométrique (laser) pour des mesures précises de distance et une horloge atomique au

rubidium pour les mesures précises de temps ; l’accélération de l’objet en chute libre est restituée par une

méthode de moindres carrés à partir des couples (temps, distance) (environ 200 par chute individuelle) ; une

moyenne statistique est obtenue à partir de chaque séquence de chutes successives ». Pour les gravimètres relatifs, lire :

sur le site de l’IGN : http://geodesie.ign.fr/index.php?page=gravimetrie

« Pour ce qui est des mesures de gravimétrie relative,

l’IGN est propriétaire de deux gravimètres SCINTREX de

type CG5. Si, en gravimétrie absolue, on mesure

directement l’accélération de la pesanteur, en gravimétrie

relative, on détermine des différences d’accélération entre

deux points. Le principe de ces appareils est de mesurer

l’allongement d’un ressort auquel est suspendu un poids

soumis à l’influence du champ de pesanteur ».

Sur le site de l’EOST : http://eost.unistra.fr/observatoires/gravimetrie/instruments/gravi

metre-de-terrain/

On utilise à Strasbourg un gravimètre relatif à

supraconducteurs :

« Dans le cas du gravimètre supraconducteur, la

suspension par ressort est remplacée par la lévitation

magnétique d'une sphère supraconductrice réalisée par les

courants permanents circulant à l'intérieur de deux

bobines supraconductrices. Quand la gravité change, la

sphère est maintenue dans sa position initiale grâce à un

système d'asservissement. Le système capacitif de

détection de position conduit à la génération d’un courant

de compensation dans une bobine auxiliaire, qui, par

induction, fournit le champ magnétique d'asservissement ».

Ces appareils ont une sensibilité qui atteint 1 µgal !

4.2. Altimétrie par satellite

Le recours aux méthodes spatiales pour des besoins de géodésie s’est considérablement développé. Par

exemple, l’altimétrie par satellite a permis d’affiner considérablement la forme du géoïde, par mesure du

niveau des océans.

Notons qu’il n’est pas possible de mesurer la gravité à l’altitude du satellite en embarquant un « gravimètre »

puisque celui-ci accompagnerait le satellite dans son mouvement de « chute libre » autour de la Terre (état

« d’impesanteur »). Mais repérer avec une grande précision un satellite sur son orbite permet de saisir toutes

les irrégularités de celle-ci du fait de la structure irrégulière du champ gravitationnel créé par la Terre qui

peut être décomposé, comme nous l’avons vu, en un très grand nombre d’harmoniques sphériques.

Ces derniers sont à l’origine de perturbations de l’orbite elliptique du satellite que l’on peut analyser avec

une grande finesse en mesurant très soigneusement les paramètres orbitaux du satellite : on remonte ainsi à

des estimations très précises des valeurs des coefficients J l du potentiel gravitationnel de la Terre !

Il est alors possible de restituer avec une très grande résolution le « géoïde », du moins au niveau des océans.

Nous avons déjà donné quelques caractéristiques des satellites des missions TOPEX POSÉIDON – JASON :

http://www.cnes.fr/web/CNES-fr/788-jason.php, dans une précédente fiche consacrée aux satellites artificiels.

Reprenons brièvement ce qui avait été dit à ce sujet :

Figure 19 : gravimètre relatif de la société

SCINTREX http://www.scintrexltd.com/gravity.html

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18

« L’altimètre émet une onde radar et

l’analyse après réflexion sur la surface.

La hauteur de mer est égale à la différence

entre la distance satellite - surface

(déduite du temps mis par l’onde pour

faire l’aller-retour) et la position du

satellite par rapport à une surface de

référence arbitraire (l’ellipsoïde de

référence).

Des systèmes de localisation comme

DORIS permettent une précision extrême

sur cette position du satellite en orbite. Il

faut aussi tenir compte de la moindre

perturbation subie par l’onde radar.

La mesure de ces perturbations (par des

instruments annexes, ou par l’utilisation

de plusieurs fréquences), ou leur

estimation par des modèles, permet de

corriger la mesure altimétrique.

D’après : http://www.aviso.oceanobs.com/fr/altimetrie.html

Dans ce site, il est détaillé de façon très

intéressante le principe de ces mesures,

avec analyse des signaux obtenus.

Pour tout savoir sur le principe de

l’altimétrie développée dans le programme

JASON :

lire le document suivant http://planet-terre.ens-lyon.fr/article/CSP-Jason-mesure-niveau-ocean.xml

lire aussi sur le site AVISO : http://www.aviso.oceanobs.com/fr/altimetrie.html

5. EN CONCLUSION

Il est difficile d’être exhaustif sur un sujet aussi vaste et complexe. Mais il est de notre devoir de

professeur de sciences physiques de prendre appui sur les acquis de la géophysique, un domaine que nous

abandonnons à tort trop facilement à nos collègues de SVT avec qui nous pouvons et devons coopérer sur ce

sujet de façon très fructueuse les connaissances des uns complétant de façon pertinente celles des autres !

Terriens nous sommes et il serait vraiment dommage de nous détourner de notre planète qui, à bien des

égards, est une belle inconnue ! Nous explorons avec plus de conviction et de moyens l’espace intersidéral

(qui nous fait certes rêver) que notre propre planète alors que nous avons presque abandonné, n’en déplaise à

Jules Verne, l’idée d’un voyage « au centre de la Terre » !

Bibliographie

Si l’on doit citer un ouvrage, que ce soit celui-ci :

« La figure de la Terre, du XVIIIe siècle à l’ère spatiale »

De l’Académie des sciences (Gauthier-Villars).

Figure 20 : principe de l’altimétrie radar http://www.aviso.oceanobs.com/fr/altimetrie/principe/principe-de-base/index.html