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8/9/2019 Le Choco, l'autre Colombie - Numero 2 - Avril 09
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ditorialPar Olivier LAGARDE
Nous inaugurons dans ce second numro la rubrique portrait, qui nous amnera connatre dun peu plus prs les acteurs ou les habitants du Choc, en leur donnantla parole. Cest tout naturellement que jai choisi de commencer cette srie parChango, le reprsentant lgal dASCOBA.
Plus qu linformation, aux faits, ce bulletin se veut aussi le reflet de ressentis, cest
pourquoi, dune manire plus personnelle, je fais la part belle aux opinions
danscet article, bases sur les expriences du quotidien.
Le but tant dlargir un peu les angles de vision, et que chacun puisse y trouver cequi lui convient et se faire son ide.
Bonne lecture.
B u l l e t i nd in format ionsaux donateurs etsympathisants duC o m i t d es o u t i e n a u xpopulations duBas Atrato.
LE CHOC: LAUTRE COLOMBIE
Numro2-Avr
il2009
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Jos Angel Palomeque, dit Chango , est lereprsentant lgal dASCOBA depuis la cration de
lorganisation en 2003. Aprs 2 mandats de 3 ans, il
passera la main en fin danne lors de lAssemble
Gnrale des conseils communautaires du Bas Atrato.
Loccasion pour nous de connatre un peu mieux un
acteur communautaire important de la rgion.
Bonjour Chango. Tout dabord, peux tu nousprsenter ton parcours jusqu ta nomination latte dASCOBA en 2003?Je suis n Boca de Curvarado, prs dici, et aprs mes
tudes primaires Carmen Del Darien, je suis parti
Quibd afin de passer le Bachillerato1. De retour dans
la rgion, jai suivi une formation en Administration des
Entreprises ici Riosucio. Puis, je me suis install dans
une finca2 Rio Ciego, dans le Salaqu (NDLR: dansle Bas Atrato galement). L bas, je me suis beaucoup
investi dans lorganisation communautaire notamment
travers les jeunes, ctait dans les annes 80. A lpoque
existait OCABA, lOrganisation des paysans du Bas
Atrato, o jai travaill partir de 1982. Jai poursuivi
mon travail communautaire en intgrant le bureau des
Communauts Noires la Mairie de Riosucio en 1994,
o je moccupais de laccompagnement et de la
formation. Aprs le dplacement massif et lexprience
des communauts de paix, ASCOBA est ne dune
volont commune et dun processus devenu de plus en
plus ncessaire, celui de lorganisation communautaire.
Finalement, et comme jtais quelquun de prsent
depuis longtemps dans ce domaine, jai t lu en 2003
en tant que reprsentant lgal, puis rlu en 2006.
Depuis 2003, comment juges-tu lvolutiondASCOBA? ASCOBA regroupe aujourdhui 80 communauts.
Lorganisation a rendu possible quun discours sur
limportance du processus organisationnel fasse jour
dans les communauts. Ces dernires devaient prendre
ou reprendre confiance, et surtout vis--vis de nous.
Entretien avec Jos AngelPalomeque, dit Chango.
LECHOCL
AUTRECOLOMBIE
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LECHOCL
AUTRECOLOMBIE
Les communauts sont accompagnes mensuellement
sur des sujets tels que la formation et le fonctionnement
des conseils communautaires ou les rglements
internes, et ce afin dobtenir une coexistence pacifique.
ASCOBA accompagne aussi les pratiques de production
traditionnelles, et a pour cela dvelopp un systme de
prt, le Fondo Rotatorio pour mettre dispositiondes petites sommes aux paysans qui le souhaitent, et
quils remboursent par la suite.
Il y avait dj eu des expriences dorganisation
communautaire comme OCABA par exemple, mais je
pense quASCOBA en tant que tel, aujourdhui, est
encore en quelque sorte un peu nouveau pour les gens,
il faut gagner la confiance. Aujourdhui, ASCOBA
reprsente 15000 personnes du Bas Atrato.
Et quel est son rle aujourdhui face auxproblmatiques rencontres?
Il sagit de continuer laccompagnement des
communauts. Il faut sauver les territoires collectifs mis
en danger par lusurpation, les propritaires de mauvaise
foi. Nous suivons cela, et nous aidons les paysans dans
le processus de restitution des terres.
Tu vas quitter ta charge de reprsentant lgal en findanne, quels sont tes dfis dici l?Travailler du mieux possible pour que la future
assemble soit reflte dans les communauts, quelle
continue son travail. Je souhaite aussi quelle ait des
principes clairs pour permettre lautonomie et
lethnodveloppement. Il est important davoir des
principes clairs. On a tous la mme conscience du
travail faire, il faut continuer. Je veux que la nouvelle
assemble continue dtre appuye pour dfendre la vie
sur notre territoire.
Quel message souhaiterais-tu faire passer auxpersonnes en France et aux sympathisants du
Comit travers ce bulletin?Que le conflit na pas cess, on sent la crainte chez les
gens. Il est important de sentir le soutien moral,
politique, conomique de nos frres de France. Cela
permet de donner de la confiance aux gens, dASCOBA
mais aussi des communauts. Cela donne de la
confiance pour dvelopper la vision que lon a de notre
dveloppement, ce qui permet aux communauts de
prserver leurs coutumes, leurs croyances. La Loi 70
permet que chaque communaut rtablisse son mode
de vie sur son territoire. Les gens doivent tre consults
sur les dcisions qui les concernent, travers la
consulta previa3. ASCOBA doit galement continuerdans le travail de dnonciation des violations aux droits
humains, et pour cela aussi un tel soutien est important.
Entrevue ralise le Mercredi 22 Avril 2009 Riosucio.
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Depuis sa cration en 2003, ASCOBA a
pou r ob jec t i f d accompagner l es
communauts bases le long du Bas Atrato
et de ses influents. Ce travail de soutienactif passe par la connaissance des gens et
de leurs problmatiques. Etant donn le
contexte gographique de la zone, cest un
dfi permanent dassurer cette tche
essentielle, sachant que les dplacements
en bateau sont toujours longs.
Cest pourquoi ASCOBA organise
chaque mois une sortie en commission, o
quelques membres de lorganisation partent
de Riosucio pendant quelques jours pour
visiter une cuenca. Au mois dAvril, je suis
parti avec lune de ces commissions, ce qui
ma permis de voir ce qutait le travail de
terrain et de connatre un peu mieux les
conditions de vie.
Nous nous sommes donc rendus dans
le Ro Salaqu, zone quelque peu isole
dans la fort, et difficile daccs, dautant
plus quand le cours deu est sec comme
ctait le cas. L, dans chacun des villages
visits, ASCOBA runit les habitants afin de
leur expliquer le rle de lorganisation,
rappelant que le processus communautaire
reprsente un enjeu primordial.
En effet, dans cette zone comme dansbien dautres, il ny a ni ducation ni
systme de sant. Finalement les villages se
ressemblent. Car nombreux sont ceux qui
possdent une construction en dur pour
lcole ou le centre de sant, mais quasi
aucun na de matres ou de personnel
soignant pour la faire vivre. Et ces
dolances l sont les plus rcurrentes. Il y a
bien parfois des matres qui sont affects
de lextrieur, mais ils ne restent pas
longtemps, ayant du mal supporter les
rudes conditions de vie. Et on ne peut leur
jeter la pierre lorsque lon sait quil faut
sadapter aux moustiques, la chaleur, aux
logements prcaires, labsence deau et
dlectricit, ou encore lisolement.
De plus, les villageois doivent prendre
en compte la prsence dacteurs extrieurs
tels que les entreprises dextraction de bois
ou de platano, ainsi que les acteurs arms
illgaux, plus ou moins menaant lorsquil
Lorganisation communautaire:ASCOBA en commission
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sagit de prserver les intrts territoriaux et
contrler tel ou tel ngoce.
Do la ncessit de lorganisation
communautaire. La Loi 70, qui est la loi qui
donne aux communauts noires et mtisses
le droit de vivre sur un territoire donn titre
collectif et qui rgit leur autonomie, est une
clef du dveloppement pour le Choc en
gnral. Chaque village doit sorganiser
autour dune Assemble gnrale et dun
rglement intrieur propre pour pouvoir
conformer un Conseil communautaire .ASCOBA est lassociation qui regroupe les
Conseils communautaires du Bas Atrato
(soit 58 actuellement).
Fac e aux v io lat ions et/ou aux
spol iat ions dont sont vict imes les
populations noires et mtisses de cette
zone, il est difficile de lutter seul. Cest
pourquoi le fait de regrouper les forces vives
autour dun seul interlocuteur comme
ASCOBA est important, tout en laissant
chaque Conseil communautaire le libre
exercice de son autonomie et de son
dveloppement. Organisation est le matre
mot. Mais il est vrai que dans un tel
contexte, le manque daccompagnement
peut tre fatal. Le simple fait de visiter les communauts travers les commissions
donne du courage aux gens et vitalise le
processus, cest ce dont jai pu me rendre
compte lors de ce dernier sjour.
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AUTRECOLOMBIE Le Choco, terre de
peuples.
Le Choco compte environ
440.000 habitants selon un dernier
recensement effectu en 2005. La
p o p u l a t i o n e s t s u r t o u t
afrodescendante, 90%, mais
aussi Indigne environ 5%, le
reste tant constitu de mtis. Il est
cependant difficile de lvaluer de
manire exacte tant donn la
gographie complexe de la rgion
ou les dplacements forcs
rcurrents depuis presque 15 ans.
M a l g r l a p r o p o r t i o n
relativement faible des indignes,
ceux-ci restent trs visibles dans la
rsistance aux violations dont sont
victimes les habitants du Choco,souffrant eux-mmes beaucoup de
dplacements notamment. Sans
gnraliser, les Indignes vivent
plus reclus lintrieur de la foret,
et sont galement la proie des
acteurs arms illgaux ou des
entreprises, en qute de corridors
pour le trafic ou de richesses
naturelles exploiter.
Afros ou Indignes, mme
combat, effectivement, au seindune rgion meurtrie o les
injustices font fi des couleurs ou
des ethnies, ne frappant que l o
sont les interets. Mais les enjeux
sont encore plus importants. La
cohabitation pacifique entre les
deux ethnies nest pas toujours
r o s e . T o u s o n t s u b i d e s
perscutions depuis des sicles,
que ce soit travers lacharnement
contre les Indignes pour le
contrle de terres, depuis prs de 5
sicles ici en Amrique, ou que ce
soit par la traite avec les Noirs,
installs dans le Choco depuis
lpoque de lesclavage.
Ce pass c o m m u n nempche pas les diffrends. Dans
la vie quotidienne, on ne note pas
de frictions entre les deux ethnies.
J a i d a i l l e u r s t a s s e z
agrablement surpris au dbut en
voyant Indignes et Afros chabiter
dans une mme ville, expulss
quils taient de leurs terresdorigine et reconstruisant tant bien
que mal dans les municipalits plus
grandes de la zone.
Toutefois, jai limpression quil
y a de la mfiance entre les deux
groupes de ce que je vois ou
entends pour le moins. Jai dj t
t m o i n p a r e x e m p l e d e
commentaires jaloux sur le fait que
telle ou telle communaut, selon
quelle soit Indigne ou Afro,recevait plus daide humanitaire
que lautre. Parler de racisme serait
mon sens trop fort. Tout dabord
parce quil ne faut pas gnraliser.
Ensuite parce que, au Choco plus
quailleurs, il faut prendre en
compte le contexte et lhistoire.
Le conflit que vit la rgion depuis
de nombreuses annes et sonpass plus lointain difficile
poussent la modration. Les
sentiments, ou ressentiments, en
temps de guerre sont plus vifs.
Mfiance, jalousie, suspicion
slvent l o en temps de paix
ils se fondent dans la masse.
Les organisat ions etn ico
territoriales, telle ASCOBA pour
les populations afros du Bas
Atrato, refltent dans leur majorit
un seul et unique groupe. Mais le
Choco, on le sait, nncessite une
seule voix. Cest pourquoi le
Forum Interethnique Solidarit
Choco (FISCH) est comme son
nom lindique le regroupement de
tous les acteurs communautaires
de la rgion, Afros, Indignes ou
mtis. Lide de cette organisation,
soutenue galement par lquipe
CINEP-Choco, est de proposer un
plan intgral de dveloppement etde rparation, en prenant en
compte tous les habi tan t s .
Lobjectif est de fdrer toutes les
organisations ethnico territoriales
du Dpartement afin den finir avec
la violence et les injustices.
Par ce genre de pari, certes
ambitieux, passe le salut de la
cohabitat ion entre tous les
chocoanos. On en est loin, mais il
serait dommage que le conflitentrane aussi des divergences
profondes entre Afros et Indignes,
l o en temps de paix elles nont
pas lieu dtre.
Tous ont subi desperscutions depuis dessicles, que ce soit travers lacharnementcontre les Indignespour le contrle deterres, depuis prs de 5
sicles ici en Amrique,ou que ce soit par latraite avec les Noirs,installs dans le Chocodepuis lpoque delesclavage.
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LECHOCLAUTRECOLOMBIE Ttais au Choco...Tas des
photos???Au dbut je men amusais, puis je me suis vite aperu
que cela devenait rcurrent et cela ma fait rflchir
sur la chose. Ce dont je parle, ce sont les
commentaires des gens extrieurs au Choc, de
Bogota ou dailleurs, chaque fois que je reviens
dun dplacement, c'est--dire tous les mois. Je ne
parle pas de commentaires forcment ngatifs, quiseraient dus au fait que le Choc est peupl 95%
de Noirs ou dIndignes, et qui pourraient virer au
racisme. Non, ce dont je parle cest dune
mconnaissance profonde et quasi gnralise de la
situation vcue l bas. Parfois, je me demande un
peu o je suis, moi ltranger, quand je me vois
expliquer la vie quotidienne du Choc des amis
bogotanos ou encore la famille de la petite amie !!Photos lappui parce quon me les demande
Bien peu de colombiens connaissent le Choc.
Quand je leur demande pourquoi, ils me rpondent
quils ny vont pas cause du conflit, quils ont peur,ce que lon peut aisment comprendre. Il faut savoir
galement que le Choc, mise part la rgion du
littoral pacifique, noffre pas de perspectives
touristiques, ce qui l aussi est comprhensible tant
donne la situation. Bref, les raisons pour lesquelles
nul ne se rend physiquement dans cette rgion nont
rien de choquantes.
Ce qui est frappant cest ce sentiment que le Choc,
en Colombie, napparat que sur les cartes. Je ne
jette aucunement la faute sur les gens, ceux qui ne
connaissent pas, bien au contraire il est trs
intressant den discuter. Cela ma permis den tirer la
conclusion que cest l aussi un des maux de cette
rgion, dj historiquement isole et qui souffre
encore danonymat ou de jugements hts. Cest une
autre forme de sgrgation, invisible celle l, bien
instrumentalise. Cela est vrai pour le Choc mais
aussi pour toutes les rgions isoles du territoire, qui
ont vu le conflit samplifier alors que dans le mme
temps se pacifient les aires urbainesEt il me semble important de travailler galement sur
cet aspect l, de diffuser au grand public colombien
ce quest la vie au Choc, en bien ou en mal. Car
actuellement, et cest logique dans un premier temps,
le combat pour la dignit et la vie sur les territoirescollectifs se mne contre les entreprises qui violentles droits les plus lmentaires ou lEtat. Mais il serait
intressant de voir quel point linterlocution pourrait
se faire aussi avec les autre colombiens ( travers
dautres associations, des rseaux, des confrences
ou des expositions par exemple) puisquil sagit
finalement dun mme pays, bien quon puisse sen
tonner parfois
Avril 2009
Rdaction Olivier LAGARDE - [email protected] en page Guillaume ORTIOU-CAMPION - [email protected]