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Le destin de Paquito · « Prenez-en soin pour l'amour de Dieu, il s'appelle François. » Un trait et une croix se trouvaient dans un angle. C'était le 12 avril de cette année

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  • Louis Delluc

    Conservez cette page. Elle vous permet de partici- per au

    C O N C O U R S F A N T A S I A Un Million de Francs de Prix !

    Vous trouverez le règlement du concours annuel Fantasia dans tous les Cahiers de Vacances Magnard

    LE DESTIN DE

    P A Q U I T O

    P ENDANT les guerres de Napoléon 1 en Espagne : les exploits du « Charro », le célèbre chef de guérilleros ; les prouesses du général Fournier- Sarlovèze, le brillant duelliste de la Grande Armée ; les mal- heurs de Paquito ; le jeune sculpteur et dessinateur ; de Pépita, son amie d'enfance...

    Vous allez voir tout cela, dans les prestigieux décors de Ciudad- Rodrigue, de la Peña de France, Salamanque, la cité de l'art et de l'esprit.

    D ES embuscades, les charges des lanciers du « Charro », celles des dragons de Fournier, les horreurs de la guerre, mais aussi des aventures, du courage, de la loyauté, de la bonne camarade- rie, de l'amour !

  • LE DESTIN DE PAQUITO

  • COLLECTION " MOUSQUETAIRES "

    Derniers titres parus :

    L e p a s s e u r d e B i l l a n c o u r t , p a r C . M A R C E L - R O B I L L A R D .

    L e d e s t i n d e P a q u i t o , p a r L . D E L L U C .

    L'anneau d'or de Messire Bertrand, par l e C o l o n e l M I C H O N .

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    L e C e l t e a u T o r q u e d ' a m b r e , p a r l e C o l o n e l M I C H O N .

    L ' a i g l e s u r l e r o c h e r , p a r E . B A R O N

    Q u e n t i n D u r w a r d , p a r W . SCOTT.

    Aux Editions MAGNARD

    122, Boulevard Saint-Germain — PARIS-6e

  • COLLECTION " MOUSQUETAIRES "

    Louis DELLUC

    LE D E S T I N

    DE P A Q U I T O Illustrations de C. FONTUGNE

    EDITIONS MAGNARD

    122, Boulevard Saint-Germain - PARIS VI

  • Tous droits de t raduct ion, de reproduct ion e t d ' adap ta t ion réservés pour tous pays.

    © 1959 by Edi t ions Magnard , Pa r i s IMPRIMÉ EN FRANCE

  • AVANT-PROPOS

    Près de la frontière portugaise, pendant les guerres de Napoléon I en Espagne, Paquito, le jeune sculpteur, surnommé " le Petit Français " , vit des heures douloureuses.

    Ecartelé entre ses deux " patries en guerre ", l'amour de Pépita, sa camarade d'enfance, rendra la paix à son cœur hon- nête et fier.

    José Granados, l'artisan-artiste de Ciudad-Rodrigue; le célèbre chef guérillero don Julian, dit le " Charro le général Fournier, duelliste fameux; le maréchal Ney, le brave des braves, animent ce récit coloré gui intéressera, nous en sommes persuadés, nos jeunes lecteurs.

  • RENSEIGNEMENTS PRELIMINAIRES

    Don Julian, dit le « Charro » (le paysan), de son vrai nom Julian Sanchez, célèbre chef guérillero qui opéra surtout entre Salamanque et la frontière du Portugal.

    Le général François Fournier, qui prit le nom de Fournier-Sarlovèze, commandant une brigade de dra- gons, eut à lutter contre le « Charro » .

    La Peña de France (prononcer « Pégna »), sommet rocheux, un des points culminants de la Sierra de France, où se trouve un monastère fameux.

    Paquito : diminutif de Francisco (François).

    Pépita : diminutif de Joséfa (Josèphe). Don = monsieur ; — Doña = madame.

    Dehesa : lande avec, de maigres pâturages et des chênes-verts. Les « dehesas » occupent de vastes espaces entre Salamanque et Ciutad- Rodrigue.

    Patio : Cour intérieure à la mode arabe.

  • LIEUX OÙ SE PASSE L'ACTION

  • PREMIERE PARTIE

    I

    LA CATHEDRALE E T LES REMPARTS

    V

    VENEZ tous aujourd'hui au bord de l'Aguéda ! Cet appel remontant du fond de ma mémoire

    évoque, avec une étonnante précision, une jour- née de mon enfance qui, sans nul doute, a orienté mon destin.

    Sur les remparts de Ciudad-Rodrigue, moi, Paquito, un gamin de huit ans, je commandais la troupe des va-nu-pieds qui sortaient des ruelles voisines de la cathédrale.

    — Venez ! avais-je répété. Même les filles ! — Moi aussi ? avait demandé la timide Carmina,

    une brunette au nez retroussé. — Bien sûr ! Et Marie-Pi, Inés, Rosario, Pilar... les

  • autres... toutes ! Il y aura du travail pour tout le monde.

    Je n'avais pas expressément nommé Pépita. Pourtant, elle, surtout, devait venir. Je la surveillais sans en avoir l'air. Elle hésita, puis prenant son parti, suivit les autres

    Bénito, mon lieutenant, dirigeait ce jour-là le groupe des garçons.

    Nous avions passé la porte « del Sol » (du Soleil), et, par des sentiers abrupts qui nous étaient familiers, nous descendions en courant vers les bords de la rivière.

    Le soleil de juin, qui penchait déjà vers les montagnes du Portugal, chauffait encore dur. En cette saison, l'Aguéda n'était plus qu'un ruisseau — des filets d'eau courant çà et là dans un lit trop large — avec, par endroits, de larges flaques stagnantes, dans lesquelles les lavandières bavardes rinçaient le linge qu'elles étendaient ensuite sur les cailloux.

    Je m'étais retourné plusieurs fois pendant le trajet. Pépita nous suivait toujours.

    Que venions-nous faire là, et pourquoi emmenions- nous les filles, nous qui les écartions le plus souvent de nos jeux ?

    Nous venions construire des murailles, des fcrts, un château féodal, comme le puissant castel de Transta- mare que nous apercevions là-haut, perché sur le roc. Il nous fallait de la main-d'œuvre, et les filles, aussi

  • bien que les garçons, portaient les pierres, les cailloux, le sable, l'argile.

    Les filles avaient en outre la charge d'écarter les bœufs, vaches et génisses qui déambulaient autour de

    Je commandais la troupe des va-nu-pieds...

    nous pour venir boire à la rivière. Avec un bâton, ou simplement avec les bras, elles chassaient les grosses bêtes, sans éviter toujours qu'un animal turbulent ou mal intentionné, ne vienne faire des brèches sérieuses dans nos constructions.

    Aussi, ces demoiselles avaient-elles bien gagné le droit

  • de nous remplacer derrière nos remparts, quand nous étions fatigués d'y monter la garde.

    Un jour, en inspectant les environs pour y trouver de la terre capable de lier les pierres de notre forte- resse, je découvris dans un talus une couche de glaise qui se pétrissait aisément et conservait la forme que je lui donnais. J'avais gardé pour moi cette trouvaille, et j'étais souvent revenu seul à cet endroit pour modeler un fruit, une feuille, un oiseau. Moi-même, j'étais émer- veillé de la façon dont la matière plastique obéissait à la pression de mes doigts.

    ... J'avais, en grand secret, ébauché un visage, un menton volontaire, des mèches folles sur un front bombé, Le tout ressemblait — je le croyais alors du moins — à Pépita.

    Ce jour-là, j'avais décidé de lui montrer mon ouvrage. Elle m'avait suivi. Nos camarades, filles et garçons, à l'écart, transportaient leurs matériaux. Nous étions seuls.

    — Vois ton portrait, lui avais-je dit. Elle se pencha, regarda, et, se trouvant trop laide,

    s'écria, furieuse : — Mon portrait ? Je suis bien plus jolie que ça !

    Tiens ! voilà ce que j'en fais, de cette horreur ! Elle sauta brusquement sur l'image, et la piétina

    rageusement. La glaise jaune s'aplatissait et glissait entre ses orteils. Plus rien ne restait de mon chef- d'œuvre !

    Furieux à mon tour, je l'avais bousculée. La fillette,

  • tombée sur les pierres, hurlait et pleurait en se relevant. Mais je n'avais eu aucune pitié pour elle, aucun regret de ma violence.

    — Jamais plus je ne ferai ton portrait, m'étais-je écrié, très en colère d'avoir vu ainsi mépriser mon ouvrage. Jamais plus ! C'est bien fini !

    ... Je me trompais : ce n'était pas fini ; la suite de mon récit vous le montrera. Mais pouvais-je alors devi- ner...

    Si vous voulez savoir qui je suis, qui était ce Paquito, cet « artiste » de huit ans, revenons un instant en arrière.

    J'ai été l'enfant de la cathédrale de Ciudad-Rodrigue. Bien qu'abandonné et recueilli par charité, je m'estimais aussi bien partagé que n'importe quel enfant des plus riches familles habitant palais et « patios » merveilleux. J'avais pour moi le décor unique, et d'une richesse extraordinaire, des vieilles pierres sculptées, parmi les- quelles je pris conscience du monde extérieur, grandis et m'épanouis.

    Comme berceau je n'eus, à vrai dire, qu'une simple corbeille d'osier que maman Isabelle s'empressa de descendre du grenier, lorsque, par une fraîche matinée de printemps, son mari, don Anastase, lui apporta le petit être que j'étais. Il m'avait trouvé dans un angle, près de la porte des Chaînes de la cathédrale, porte qu'il

  • ouvrait tous les matins à la pointe du jour, et, stupé- fait, avait saisi le paquet de chiffons dans lequel je me trouvais. Je m'étais éveillé et mis à crier, si bien que le pauvre homme n'avait eu rien de plus pressé que d'appeler sa femme, qui, elle, saurait ce qu'il fallait faire de moi.

    Il paraît que je fus accueilli à bras ouverts, avec des mots de tendresse qui n'arrivaient pas à ma petite cer- velle de nouveau-né. J'appréciai malgré tout le lait tiède qu'on m'ingurgita, et je me calmai.

    Maman Isabelle me déshabilla. Mes langes étaient modestes mais convenables, et, sur un papier épinglé que je conserve encore, étaient inscrits ces mots qui me troublent lorsque je les regarde :

    « Prenez-en soin pour l'amour de Dieu, il s'appelle François. » Un trait et une croix se trouvaient dans un angle.

    C'était le 12 avril de cette année 1792 qui fut si fertile en bouleversements. Ainsi François (Paquito en espagnol), devint ce jour-là citoyen de la pittoresque ville qu'est Ciudad-Rodrigue. Pour moi, maman Isabelle, qui avait perdu son fils unique emporté à vingt ans par une fièvre maligne, retrouva ses gestes maternels d'au- trefois. Elle me gâta, me soigna avec tout son cœur, et, bien que la maisonnette du sacristain à l'ombre de la cathédrale ne vît guère le soleil, je n'en poussai pas moins comme une bonne plante en terre fraîche, et je

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