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Le deuxième fils de Dieu

– « Allô ? » – « Oui ? » – « Monsieur Aggélos de la Croix ? » – « Pourrais-je connaître la personne à qui je

parle ? » – « Je suis un collègue de police d’Aulnay. Mon

appel concerne votre fille. » – « Ma fille, que se passe-t-il ? » – « Ce que j’ai à vous dire n’est pas facile. » – « Ça suffit, maintenant ! Dites-moi ce qui se

passe, bordel ! » – « Voilà, aujourd’hui, le 08 mai 2009 à 16h00,

nous avons reçu un appel provenant de chez vos parents au 7 rue Bel air sur la commune d’Aulnay-sous-Bois, votre fille est portée disparue depuis maintenant plus de cinq heures. Normalement, ce n’est pas dans la procédure de vous appeler aussi tôt, mais comme vous êtes un collègue, je préférerai vous le dire au plus vite. Allô ? Allô ? Monsieur de la Croix ? Vous êtes encore là ? »

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– « Oui… Oui… Je suis lр. Pardonneг-moi, je ne vais pas rester, je vais me rendre au plus vite chez mes parents, merci. »

J’ai juste raccroché le combinц… Je ne Яoulais rien dire р ma femme… non rien. Elle aurait Яoulu du réconfort, elle aurait voulu que je la rassure, lui dire simplement qu’on allait la retrouver. Mais non, cela faisait trop longtemps que j’étais flic pour ne pas comprendre à quel point cela était grave. L’évidence était tellement douloureuse dans mon esprit, que pouvais-je faire… J’aurais tellement voulu ne rien connaître, ne rien savoir de ce métier. Quand ma femme m’a enfin posé la question, mon visage ne pouvait pas cacher la réalité des choses qui nous aЯaient rattrapцs р cet instant… et des annцes plus tard.

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Chapitre I Au commencement

– « Allô ? » – « Oui…. » – « Monsieur de la Croiб… » – « Je vis tout seul chez moi, vous avez mon

numéro, qui voulez-vous que ce soit d’autre, bon sang… »

– « Vous êtes à peine réveillé, Gaël, c’est votre capitaine ! »

– « Pas la peine de hurler, je me suis couché y’a à peine 1 heure… »

– « Vous avez encore passé votre nuit sur vos jeux en ligne ou sur un site porno ! »

– « Capitaine… j’avais pas assez de Kleenex pour cela… »

– « Écoute-moi bien espèce de gros dégueulasse ! Vous avez 2 heures de retard ! Alors, si vous n’êtes pas là dans 30 minutes, je vous colle un rapport sur le dos tellement salé que même les archives ne voudront pas de vous ! »

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– « Vous comprenez pas, j’avais un niveau à finir… Il a raccrochц, ce con… »

Ah, la vache, comment j’ai la tête dans le pâté. En parlant de bouffe, voyons ce qui y’a de bon dans le frigo. Je me fixe quelques minutes devant. C’est marrant comme tous ces petits post-it colorés l’envahissent tel du lierre, un « N’oublie pas le pain ». A qui est destiné ce message ? Pour moi venant de moi, certainement. Un autre indique « Mardi, prise de service à Saint Denis », mais d’autres sont plus énigmatiques. Des heures sans lieux, des listes d’objets trop chers, convoités mais jamais achetés, et là, au milieu de tout ça, une note de mille couleurs mal écrite. Elle sort du lot d’encres bleues et noires…. « Je t’aime, Papa ». Ce mot est cruellement beau, je ne me souviens plus depuis combien de temps il hante mon frigo. Je me souviens juste que j’avais aidé mon fils tout le week-end à faire un beau dessin pour sa maman. C’est dur de se rendre compte que je ne suis qu’un post-it dans la vie de mon fils. Et juste à côté, une date avec la photo de ma fille. Quel abruti ! Je fais tous les ans la même chose, j’en fais une boule que je jette dans la corbeille et que je vais irrémédiablement chercher dans la poubelle le soir quand je rentre. Mais là, maintenant, je me contentai de la laisser où elle est, en essayant de l’oublier.

– « Y’a quoi de bon, dans ce frigo… » Merde, je me parle encore à moi-même. Bof, après

tout, je m’en fous, je vis tout seul, tiens, je vais même pousser un cri.

– « Mouahahahahah !!! » Marrant, le rire du fou délirant, je l’avais pas

encore fait !

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– « C’est pas bientôt fini de crier pour rien, vous faites peur à mes enfants ! »

Putain, ma voisine du haut. Heureusement, je l’entends à peine, j’espère qu’elle va entendre ça.

– « Vos gueules, les Arabes ! » – « Espèce de raciste ! » Alors, il date de quand, ce lait à la fraise ? Périmé

depuis deux semaines, il est peut-être encore consommable ?

– « Beurk !!! Mais c’est presque de la boue ! » Elle m’a dit quoi, déjà, ma voisine ? Ça devait être

encore un truc dans sa langue de sauvage. Bon, faut que je me presse pour me préparer. Fait chier, tous ces rituels de merde. Je jette un rapide coup d’œil dans la glace. Ce type aux cheveux courts, brun foncé, presque noirs, avec un profil de boxeur au nez cassé et cette barbe de trois jours, c’est moi ? Oui, ces cernes m’appartiennent, heureusement, j’ai de belles dents qui rattrapent tout ça. Allez, fini de s’admirer. Brossage de dents, c’est bon, je vais faire l’impasse sur la douche, rapide rinçage, boxer propre, jeans propre, chemise propre, ou presque.

– « Après t’avoir reniflé, tu es déclarée chemise propre de l’année ! »

Ou en tout cas celle qui semble l’être le plus. Quelle heure il est ?

– « Oh, bordel, déjà ! » J’enfile mon cuir noir rapidement. J’ai à peine eu

le temps de fermer la porte de mon appartement, que déjà dans le couloir ma voisine me tombe dessus. Vais-je l’insulter ou garder mon calme ?

– « Excusez-moi, Monsieur. Monsieur de la Croix. »

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Elle m’énerve déjà avec sa petite voix et son accent. – « Qu’est-ce que vous me voulez encore, Madame

Bouse rassie ? » – « C’est Bouzazzi. Pourquoi vous nous haïssez

tant ? N’y a-t-il pas de place pour un peu de tolérance dans Яotre cœur ? »

Mais je rêve ou elle me met la main sur l’épaule ? – « Mais c’est quoi, ce caca sur vos doigts ! C’est

dégoûtant ! » – « CE n’est pas du caca, c’est du henné, c’est

traditionnel. » – « Attendez, moi, j’en sais rien, si ça se trouve,

vous avez des coutumes bizarres où vous faites des statues païennes en crotte ? En plus, j’ai pas le temps de vous parler ! »

Ah ! Je suis enfin dans l’ascenseur. Tiens, sa petite gamine qui essaie d’arriver avant que les portes se referment, va-t-elle y arriver avec son gros sac de classe ? Zut, elle a rцussi…

– « … » Qu’est-ce que ça peut être long, ces ascenseurs… – « Pourquoi tu me regardes comme ça, gamine ? » – « Je vous ai vu retenir la porte pour moi. » – « Tu te trompes, la mioche. Faire ça pour une

petite rebeu, moi ? Tu rêves tout éveillée, je crois. » – « Ce n’est pas la première fois que vous le faites.

Merci. Ma maman dit que vous êtes quelqu’un de méchant et que je ne dois pas vous parler. »

– « Bah, écoute-la un peu et arrшte de me parler… » Quand je la vois partir, cette petite gamine, elle me

rappelle la mienne, aussi gentille et studieuse. Une fois dans ma voiture, je n’ai plus vraiment le temps

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d’y penser, entre les feux rouges grillés et les dépassements, je fais tout pour arriver à peu près à l’heure. Arrivé au commissariat, je dis à peine bonjour à mes collègues avant de m’annoncer dans le bureau du capitaine.

– « Comment je rentre ? Genre je toque et je me la ramène pas, ou j’arrive l’air de rien ? »

– « Tu te parles encore tout seul. » – « Ah, c’est toi, Sam… » – « Oui. Tu devrais te la jouer discret, sur ce coup-

là, il est en pétard. » – « Tu sais quoi, je vais me passer de tes

conseils… » – « Arrête un peu tes conneries, ça fait maintenant

4 ans que ta fille est morte, fais-en le deuil. Cette excuse ne te sauvera pas toujours. »

– « Alors, déjà, tu vas me lâcher le bras tout de suite avant que je te mette un coup de tête. Et ensuite, si ma fille est morte, c’est à cause de gens comme toi. »

– « J’arrive pas à croire que nous étions amis fut un temps. »

J’ai pris un plaisir particulier à le pousser contre le mur.

– « Oh ! » – « Capitaine… » – « Rentrez tout de suite dans mon bureau, Gaël ! » Fait chier, toute cette hiérarchie. Heureusement, ils

ont des fauteuils confortables. – « J’ai pas dit que vous pouviez vous asseoir, de

la Croix ! Et au moins, quand vous faites preuve d’impolitesse, faites l’effort de faire semblant de vous

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intéresser à votre boulot en ouvrant le dossier face à vous. »

C’est quoi, ce pavé ? – « Affaire Allan le Guide, comme le célèbre

écrivain ? » – « Oui. Ferme ce dossier. Avant toute chose,

Gaël, il faut que je te mette en garde. C’est la dernière affaire que le commissaire veut te laisser ; si tu ne changes rien, il fera un rapport de comportement sur toi et ton état psychologique, il en a marre de ton comportement dépressif qui te rend xénophobe. Après cela, ce sera le conseil de discipline. »

– « Eh ben. Autant dire que c’est du sцrieuб… » – « Arrête de faire celui qui se fout de tout. Tu ne

comprends pas, après cela, tu ne pourras peut-être plus travailler. Il te restera quoi, dis-moi ? Ta femme est partie avec ton fils, tu habites dans un tout petit appartement, et je n’aborderai pas le sujet concernant ta fille. Je sais que les salauds qui ont fait cela l’ont charcutée, mais tu dois arrêter de vivre dans ton monde imaginaire de jeux vidéo, de BD et je ne sais quoi d’autre, reviens un peu sur terre. Tu sais, cela fait 10 ans que l’on se connait, je t’ai vu jeune stagiaire, moi aussi j’ai serré ta petite dans mes bras. Vous цtieг comme une famille pour moi. Mais… qu’est-ce que tu fais ? »

– « Hein ? Je ne vous écoutais pas, j’étais sur mon portable, j’essaie de vendre un objet dans mon jeu et je voulais voir s’il était acheté. »

– « Ecoute-moi bien, c’est ta derniчre chance… » – « Oui, j’ai compris, c’était inutile de balancer

mon portable par terre, j’écoute. »

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– « L’affaire Allan le Guide, de son vrai nom Allan Heraldi, né en France dans la région de Besançon. Célibataire, vit actuellement dans le Massachusetts aux Etats-Unis, ses parents sont morts et il n’a pas d’autre famille connue. Comme nous le savons tous, il est l’auteur de nombreux best-sellers, qui ont fait sa grande fortune. »

– « C’est pas interdit d’être riche, j’aimerais bien être à sa place. »

– « Le problème n’est pas là. Depuis qu’il s’est installé en Amérique, il a gagné en popularité, et nous savons de source sûre qu’il a créé une sorte de secte. »

– « Ça fera qu’un illuminé de plus. » – « Si ce n’était qu’un gourou comme les autres…

Mais celui-ci laisse des cadavres derrière lui. La justice américaine n’a, jusqu’à présent, pas réussi à le faire comparaître devant leurs tribunaux. Il possède un avocat en béton et, au moment des meurtres, il était vu par des milliers de personnes ailleurs que sur les lieux des crimes. »

– « Je parie qu’il revient séjourner en France, et c’est pour cela qu’on s’intéresse à lui. Par contre, je ne comprends pas pourquoi c’est à moi qu’on donne cette affaire ? »

– « Disons que, d’après certains rapports de la police américaine, il ferait preuve de capacités surprenantes. »

– « Attendez, vous voulez dire des genres de… pouvoirs ? »

– « Je préfère vous laisser lire son dossier. Mais oui, cela tiendrait de sortes de super pouЯoirs… »

– « Vous Яous fouteг de moi… »

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– « Non, les brigades de chez nous qui sont censées s’en occuper ne prennent pas cette histoire au sérieux. Vous êtes en quelque sorte notre seul fonctionnaire assez calé sur tout ce qui est mythes, légendes et autres folklores fantaisistes pour savoir de quoi il retourne. »

– « Mouais… en gros, je joue le bouche-trou… » – « Ne vous en faites pas, vous avez une équipière

sur ce coup là, tout droit venue des States pour vous seconder. »

Je crois rêver, je vais faire équipe avec une Ricaine… A quoi elle Яa ressembler encore ? Je suis sûr que ça va être un engin de démolition, le bazar. Je vais avoir l’impression d’être une brouette à côté d’elle.

– « Tiens, d’ailleurs la voilà. Rentrez, Tamia. » – « Bon-jour, Capitaine Armant. » Ah bon Dieu, l’accent y est déjà, j’ai limite peur de

me retourner pour Яoir р quoi elle ressemble… Bon, il va bien falloir le faire à un moment.

– « Oh, La vache ! L’énorme paire de seins !!! » – « What ? » Merde… J’ai encore pensц р Яoiб haute… – « Mв face is aboЯe… » – « Oh putain, mais tu es black… » – « WHAT ?! » – « Vous exagérez Gaël ! Un peu de respect ! » – « Mais, mais Capitaine, elle est noire, toute noire,

je Яeuб dire… » – « Rappelez-vous ce que je vous ai dit, de la

Croix, c’est Яotre derniчre chance… » – « En gros, je suis obligц de me la coltiner… »

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– « Well, puis-je parler ? Je vois bien, votre, comment dites-Яous en franхais… unfriendly ? »

– « Antipathie. » – « Yes. Votre an-ti-pa-thie. Mais le projet est

commun : arrêter un mauvais homme, quelqu’un de really bad. Laissons nos, oh shit, quel est ce mot français ? »

– « Différents. » – « Yes, thanks. Et travaillons ensemble. » – « Hum. Oui, bon d’accord… C’est quoi, la suite

du programme, Capitaine ? » – « L’agent Tamia Canfields va vous montrer tous

les éléments qu’elle possède. Vous pouvez disposer. » Je vais la laisser passer devant, histoire de montrer

que je peux aussi être poli. – « Oh, bordel, ce cul énorme ! » – « You speak about my ass ? » Faut vraiment que j’arrшte de penser р Яoiб haute…

Bon, j’avoue que les premières heures, c’était un peu dur, avec elle. Au moins, elle n’est pas désagréable à regarder. Je veux dire, en occultant cette poitrine et ces fesses à se damner, elle a plutôt un beau visage, aux traits fins et harmonieux, légèrement potelé. Son jeans et son petit pull mettent bien ses formes en valeur. Elle me fait presque penser р ma femme…

– « Monsieur de la Croix ?! Vous m’écoutez ? » – « Non. Euh… je Яeuб dire, oui ! » – « Oh God… » – « Non, vraiment désolé, j’ai pas l’habitude de

travailler avec quelqu’un, en fait. Ce n’est pas contre vous. »

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– « De ce que j’ai pu comprendre, vous êtes a nolife. »

– « Pardon ! Ah non, non. Bon, d’accord, ça m’arrive de pas décrocher de mon PC pendant des jours, mais merde, fait chier, je fais ce que je veux aprчs tout… »

– « Sorrв… Sorrв. Calmdoаn. Vouleг-vous bien reprendre, please ? »

Cette fois-ci, je reste concentré sur le sujet, Allan le Guide. J’élude un peu toutes les commodités administratives pour arriver au vif du sujet. Nous y voilà. Première victime, son collaborateur sur les projets de ses romans, Eric Slégur. Tous les éléments de l’enquête se regroupent pour appuyer la thèse du suicide. Etrange, je ne suis pas trop au courant de leurs méthodes, en Amérique, mais un suicide avéré ne donne pas suite à une enquête.

– « Vous vous demandez pourquoi nous avons continué après le premier meurtre. Continuez à lire, Monsieur de la Croix. »

– « Raaaah, arrête ! Tu écorches mon nom de famille, appelle moi Gaël. »

Où en étais-je ? Le deuxième bougre est un de leurs policiers. Eh oui, ils ne rigolent pas, là-bas, faut pas toucher à la police, c’est certainement pour cela que l’affaire reste ouЯerte. RetrouЯц mort par…

– « Excuse-moi, mais c’est bien ce que je lis là ? Il n’y a pas une mauvaise traduction par hasard ? »

– « No. » <Rapport de la mort : survenue suite à une

exposition prolongée due à un choc électrique violent, ou à un ampérage massif traversant l’agent John Stimson.>