Le Journal de Notre Amérique n°11: Vivir Bien

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N°11 février 2016

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  • 2SOMMAIRE :L'dito du JNA

    Par Alex Anfruns & Michel Collon

    L'Argentine renoue avec son pass nolibral et rpressif par Marcelo Massoni

    TTP: Trait Transpacifique ou le rgne des multinationalespar Marcel Claude

    Amrique Latine: la CELAC oeuvre pour la paix

    Brsil : entre dirigisme et realpolitik par Raf Custers

    Brves

    10 ans d'un processus de changement en Bolivie :un regard gopolitique

    par Katu Arkonada

    Bolivie: de la ncessit dune critique constructive du processus de changement

    par Raffaele Morgantini

    Le Plan Colombie a t un cauchemar pour les femmespar Kimberley Brown

    Venezuela: Quoi dire ?par Luis Britto Garcia

    Equateur: la fret empoisonne (interview)par Alex Anfruns

    "Nous affrontons l'offensive no-librale dans Notre Amrique"

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  • Aux lections prsidentielles de 2014 en Bolivie, 88% des Boliviens exercrent leur droit de vote. Evo Morales remporta les lections prsidentielles pour la troisime fois, avec 60% de voix. Vu de l'Europe, un tel soutien populaire est souvent qualifi de...populisme. Mais le Prsident aymara, arriv au pouvoir aprs un long parcours de militant syndicaliste cocalero, est fort habitu aux campagnes de diffamation. En effet, lorsque le jeune snateur Evo se prsenta pour la premire fois aux lections prsidentielles en 2002, il fut qualifi par l'ancien ambassadeur USA de "taliban des Andes". Paradoxalement, en profrant des menaces 4 jours seulement avant les lections, ce soi-disant expert dans la lutte anti-terroriste donna un coup de pouce la campagne d'Evo.

    Souvenons-nous: en 2003, un soulvement populaire El Alto eut lieu pour s'opposer la privatisation des ressources naturelles. Sanchez Losada, le chef d'tat de l'poque, envoya alors l'arme pour rprimer la population aymara. Bilan: 81 morts, plus de 400 blesss et la fuite d'un nime "vendeur de la patrie" vers sa destination prfre: Miami. La morale de la "Guerre du Gaz"? Elle accoucha d'un peuple dter-min ne plus se laisser diriger par des criminels. Et pour la premire fois de son histoire, un Prsident indien arriva au pouvoir fin 2005.

    Aujourd'hui, ce mme peuple, qui a retrouv sa fiert et sa dignit, est appel s'exprimer lors d'un rf-rendum qui permettrait Evo et son quipe de gouvernement de se reprsenter pour un quatrime man-dat en 2019. L'enjeu est de taille: aprs avoir rcupr sa souverainet sur les matires premires, le pays se prpare une reconversion industrielle qui lui permettrait de se moderniser et de devenir plus auto-nome vis--vis de l'conomie capitaliste.

    Comme Evo l'avait exprim dans son discours d'investiture de 2006, il s'agit de briser les fondements de l'ancien Etat colonial pour accder la vritable indpendance. Et pour cela, de nouveaux instruments d'intgration rgionale ont dj vu le jour. Fin janvier, le IVme Sommet du CELAC (Communaut des Etats Latino-amricains et Caribens) a eu lieu Quito avec 33 Etats du continent amricain, l'exception des USA et du Canada. Rafael Correa a ainsi pu dire que l'OEA (Organisation d'Etats Amricains) ayant son sige Washington, tait devenue "anachronique" et que la CELAC allait la remplacer.

    Enfin, nous retiendrons de ce mois deux dates importantes: le 9me anniversaire de la Rvolution ci-toyenne, qui a consolid un modle de dveloppement original, le Buen Vivir, dans ce pays qui fait des efforts considrables pour amliorer la condition de vie de son peuple. Et le 17me anniversaire de la r-volution bolivarienne qui, confronte aux conditions politiques et conomiques les plus adverses, fait preuve d'une crativit hors normes et a pris l'initiative de renforcer l'Etat par ses bases.

    Par Alex Anfruns & Michel Collon

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  • Par Marcelo Massoni

    Le PRO, Propuesta Republicana (NdT : Proposi-tion Rpublicaine) est un parti nolibral et con-servateur n au moment de la crise de 2001 sous un format rnov (Macri commence son parcours comme prsident du club de football de Boca Ju-niors, l'un des plus populaires du pays, l'instar de Berlusconi en Italie) afin de toucher un lectorat beaucoup plus large, lui permettant ainsi de rem-porter les lections prsidentielles. Sa structure po-litique consiste en un leader incontest qui est Mauricio Macri, en un idologue en la personne de Jaime Durn Barba, et en une utilisation des m-dias comme porte-parole de ses mesures.

    Le grand mrite du parti de la capitale a t d'abandonner son tiquette de parti local et d'tre devenu aujourd'hui une force politique au niveau national. Pour ce faire, il s'est alli au sein de la coalition Cambiemos (NdT : Changeons) l'histo-rique Parti Radical lequel lui a permis de profiter de ses fiefs lectoraux et de s'ancrer dans l'Argen-tine profonde.

    Leur thme de campagne comportait trois grands axes: 1) politique: s'attaquer la corruption et rta-blir le systme rpublicain en rcuprant les bases institutionnelles; 2) social: rtablir le dialogue dans la socit en effaant la fracture de celle-ci ; 3) conomique: reformuler la structure macrocono-mique, en s'attaquant en priorit l'inflation.

    Ces trois axes ont t martels tout au long de la campagne tant par les responsables politiques du parti que par la plate-forme multimdia (du groupe Clarn) qui lui a fourni un soutien inconditionnel.

    Si un individu se promne dans les rues argentines et s'arrte pour parler au premier passant qu'il ren-contre, il entendra certainement que le kirchn-risme tait le gouvernement le plus corrompu qui a exist en Argentine, le plus autoritaire, et que, fina-lement, c'est de lui que vient cette fracture.

    Cette construction collective, diffuse avec succs par les grands mdias de dsinformation, a telle-ment perc dans la socit qu'elle lui permet au-jourd'hui (une fois l'lection prsidentielle rempor-te avec 51% et encore plus aprs avoir effective-ment pris le pouvoir) d'entreprendre des actions qui vont l'encontre de son discours bas sur le respect des institutions, du slogan pauvret zro et de la tentative de gommer la fracture.

    Les exemples sont multiples, comme le nombre de dcrets de ncessit et d'urgence (DNU) qui ont t signs en si peu de temps (dj plus que sous Cris-tina Kirchner, en 8 ans de gouvernement).

    Des dcrets au contenu illicite comme: celui qui modifie la loi de services de communication au-diovisuelles (loi des mdias); celui qui nomme deux juges de la Cour Suprme (mesure indite dans l'histoire argentine); et celui qui a ramen le systme ducatif actuel celui des annes 90, et qui s'accompagne de la suppression d'au moins la moiti du budget allou l'ducation.

    la suite de la mise en place de cette nouvelle forme de gouvernement, le parlement est devenu un lieu oubli. De fait, aucune des dcisions de Macri n'est jusqu' prsent passe par le circuit l-gislatif, malgr les demandes solennelles de l'oppo-sition qui appelle la tenue de sessions extraordi-naires.C'est partir du mois de mars (date laquelle d-bute le cycle lgislatif) que Cambiemos devra

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  • montrer ses aptitudes politiques afin de parvenir des accords qui lui permettraient d'obtenir les votes ncessaires pour dicter de nouvelles lois et pour valider les dcrets adopts. L'obstacle principal se-ra la chambre haute du parlement o les snateurs kirchneristes ont la majorit absolue.

    Pendant ce temps, le nouveau gouvernement s'est empar des institutions. Depuis l'arrive au pouvoir de Cambiemos, l'Institut National des Statistiques et du Recensement (INDEC) a arrt de publier les chiffres de l'inflation (ce sera encore le cas pendant sept mois, chose qui n'tait jamais arrive, mme en priode de dictature), l'objectif politique tant d'affaiblir les commissions paritaires qui auront lieu en fvrier et en mars afin de pouvoir transfrer les ressources de la classe laborieuse vers la classe patronale.

    Un autre changement a consist utiliser la rpres-sion comme mcanisme institutionnalis afin de contrler les mouvements sociaux. Un mconten-tement social qui dcoule des licenciements mas-sifs effectus dans le secteur priv, mais aussi, et plus particulirement, dans le secteur public, au sein duquel est en train de s'oprer une purge ido-logique qui rappelle les heures sombres de l'his-toire argentine. Le meilleur exemple de cela a t la dtention de Sala (responsable de l'organisation sociale Tupac Amaru et membre du Parlasur [NdT: Parlement du Mercosur]) pour avoir organis une manifestation au moyen d'un campement sur la place principale de Jujuy (dans le nord-ouest du pays).

    Le ministre des finances, Prat Gay, a annonc que le secteur public allait procder des licencie-ments, ou plutt liminer la graisse du militan-tisme selon ses propres mots. On estime vingt mille le nombre d'emplois qui ont t supprims parmi lesquels des postes d'employ municipal, ministriel, parlementaire, scientifique, etc.

    En toute logique, des mobilisations se sont organi-ses en signe de protestation contre ces mesures, et la rponse apporte a t la mme qu' chaque fois que des licenciements du secteur public ou priv

    sont entrepris : rpression et absence d'un dialogue pourtant au cur de la dernire campagne.

    Cela fait quelques annes que le thme de la frac-ture est un sujet constant en Argentine, laquelle fait rfrence une impossibilit suppose de dia-logue entre les kirchneristes et les antikirchneristes. Ce terme, invent par Jorge Lanata (journaliste ve-dette du groupe Clarn), a servi de manire rcur-rente accuser jadis le discours officiel d'intol-rance qui empchait le dialogue et l'entente. Il s'agissait en ralit de mettre sur la table des th-mes fondamentaux pour la politique argentine, ce qui gnre toujours des luttes de pouvoir.

    La fracture n'est pas en train de se rsorber grce au dialogue, elle est plutt en train d'tre supprime de manire grossire : on essaie de faire disparatre une des deux parties du jeu communicationnel.

    Cela a t dmontr de manire criante le lundi 12 janvier dernier lorsque Vctor Hugo Morales (jour-naliste phare des sympathisants kirchneristes) a t licenci en direct de son programme radio ainsi que du programme tlvis qu'il prsentait.

    Le niveau d'alignement mdiatique sur la politique de Cambiemos atteint des niveaux jamais observs depuis le retour la dmocratie en 1983. La seule exception cela est le poids spcifique qu'ont pro-gressivement acquis les mdias sociaux en termes d'information alternative.

    Le plan conomique, qui a pourtant t au centre de la majorit des promesses lectorales, n'est pas la fte non plus, c'est mme plutt le contraire compte tenu de la concentration de richesses la-quelle on assiste. Les taxes sur la viande, le bl et le mas ont t totalement supprimes, et elles ont t rduites pour le soja. Comme on pouvait s'y attendre, ces mesures ont eu deux consquences immdiates : d'un ct on a assist une augmenta-tion des prix des aliments qui ont pour bases ces denres, et d'un autre ct, on a observ un trans-fert de richesses formidable estim plus de 85 milliards de pesos (6,1 milliards de dollars selon le taux de change officiel).

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  • La tranche d'impt sur le revenu a t releve pour les travailleurs (elle ne concernait prcdemment que les plus gros salaires, savoir 12% des tra-vailleurs). Mais le revers de la mdaille se trouve dans les dclarations du ministre des finances, Prat Gay, qui a conseill aux syndicats d'tre prudents au moment de ngocier les salaires la hausse tant donn que cela pourrait entraner des licen-ciements si ceux-ci taient trop levs.

    On estime 10% en moyenne la perte de pouvoir d'achat pour les travailleurs, ce qui reprsente au total presque 200 milliards de pesos qui vont pas-ser des mains des travailleurs aux mains des pa-trons en une anne seulement.

    Macri dclarait en 1999: Nous devons rduire les cots et le salaire est un cot en plus . Cette phrase, l'instar de celle de Prat Gay, ne fait rien de moins que mettre en lumire la dcision politi-que d'augmenter le chmage pour ainsi pouvoir rduire le pouvoir d'achat des travailleurs et am-liorer la rentabilit des entreprises.

    Cest sur cette politique que s'est aligne Mara Eugenia Vidal, gouverneur de la province de Bue-nos Aires, en signant un dcret qui mettait fin aux commissions paritaires des employs municipaux de sa province, dcret qu'elle a d annuler face la pression des syndicats.

    La problmatique de l'emploi ne se limite pas la purge idologique qui est pratique au cur de l'tat. Des difficults d'envergure se profilent l'horizon et elles dcoulent de deux situations : l'absence de l'tat quand il s'agit d'empcher des licenciements dans le secteur priv, et l'ouverture indiffrencie des barrires l'importation.

    Des secteurs comme celui de la chaussure, du jouet, ou du textile se voient affects et d'autres secteurs connatront le mme sort, mettant la rue des milliers de travailleurs comme cela s'est pro-duit lors des sombres annes 90. Il en est de mme pour la suppression des aides aux entreprises pri-ves comme c'est le cas pour Aerolnea Sol ou pour la socit avicole Cresta Roja.

    Tout cela n'est pas d au hasard, il s'agit d'une res-tauration du modle de concentration conomique des annes 90 mais en plus organis. Il n'est pas surprenant de voir des PDG tre nomms la tte d'un portefeuille ministriel comme celui de l'ner-gie (ex-PDG de Shell) ou la tte d'entreprises comme Aerolneas Argentinas (ex-PDG de General Motors). On peut galement citer le secrtaire l'agriculture de Vidal qui est l'ancien directeur g-nral de Monsanto, et on pourrait poursuivre la liste des exemples pendant longtemps.

    En dfinitive, aprs avoir pris le pouvoir, on a vu que le discours bas sur le respect des institutions, sur le slogan pauvret zro et sur la tentative de remdier la fracture n'tait in fine qu'un discours.

    L'histoire argentine montre que le peuple n'a pas pour habitude de rester passif face un tat qui restreint les droits et dtriore le climat social.

    Il faut rajouter cela une donne fondamentale: le kirchnerisme a su fdrer un vrai cercle de sympa-thisants (les tenants du pouvoir comme les appelle Cristina Kirchner) qui se voient comme le foyer de la rsistance pour que Macri ne puisse pas mettre en uvre son plan nolibral.

    Traduction de l'espagnol par Rmi Gromelle pour Investig'Action

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  • Le TPP (Accord de partenariat Trans-pacifi-que), qui a t sign le 5 octobre dernier entre les tats-Unis et 11 pays (Australie, Brunei, Ca-nada, Chili, Japon, Mexique, Malaisie, Nou-velle-Zlande, Prou, Singapour et Vietnam) et que la Prsidente du Chili, Michelle Bachelet, est sur le point de ratifier, nest autre quun pas de plus vers le nouvel ordre conomique mon-dial o les grandes puissances conomiques agissent en toute impunit et jouissent dun pouvoir sans limite.

    Par Marcel Claude*

    En 1998, lorsque David Korten a crit Quand les multinationales gouvernent le monde, lon pou-vait dj deviner la situation prcaire dans laquelle nous allions vivre quelques annes plus tard, situa-tion qui ne cesse dempirer. Dans son livre, D.Korten explique que nous assistons une transformation intentionnelle et volontaire qui vise mettre en place un nouvel ordre conomique mondial dans lequel le commerce international se-rait dpourvu de toutes frontires et de nationali-ts Cet ordre est stimul par la soif de pouvoir lchelle mondiale des grandes entreprises, des

    gouvernements mprisants, et est encourag par une culture commune de consommation et un com-promis idologique avec le libralisme conomi-que. Dans ce contexte, lauteur prcise que les protestations et les plaintes quant aux restrictions daccs aux marchs extrieurs seront rapidement examines et rsolues par des instances darbi-trage supranationales.

    Il rappelle galement que les dirigeants politiques ne font que proposer des solutions dsutes et in-efficaces, comme par exemple la stimulation de

    la croissance conomique par la drgulation, la rduction des impts, la suppression des barrires commerciales, laugmentation du nombre de sub-sides octroys, limposition aux retraits de conti-nuer travailler, le maintien de la rpression poli-cire et la construction de nouvelles prisons. Son point de vue est que nous nous trouvons face u-ne crise de contrle gouvernemental provoque par la convergence de forces idologiques, politi-ques et technologiques la suite du processus de globalisation conomique qui a transmis le pou-voir des gouvernements responsables de lintrt gnral des entreprises institutionnelles et finan-

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  • cires motives par un seul but: obtenir des bn-fices conomiques court terme. Tout ce proces-sus est rgi par le principe suivant: les citoyens ne doivent plus avoir le droit de grer leurs politiques conomiques en fonction de lintrt public et, de son ct, le gouvernement doit rpondre aux be-soins de lentreprise globale.

    Ces observations ont t faites il y a 20 ans. Lau-teur dnonait dj lempire des marchs cono-miques, la tyrannie des multinationales, la perte de souverainet ainsi que la disparition de la dmocra-tie politique au profit de la libert du choix de Milton Friedman: nous pouvons lire le candidat mais nous navons pas notre mot dire quant au programme politique du gouvernement; en fait, il est totalement interdit et durement rprim de vou-loir choisir tout projet politique qui soit en contra-diction avec les consignes imposes par les multi-nationales.

    Dans un article publi par El Clarn (26/10/2015), Paul Walder affirme que cet accord est laboutis-sement des nombreux traits de libre-change con-clus durant les 10 dernires annes et permet aux tats-Unis de dfendre les intrts de ses entrepri-ses et de rivaliser avec la Chine. Par ailleurs, le TPP cherche tre en accord avec les politiques du TTIP (Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement) qui est au cur des ngociations entre les tats-Unis et lEurope.

    Ces ngociations huis clos qui se droulent en prsence du lobby des multinationales ne cessent de nourrir et dinspirer la crainte. Joseph Stiglitz, conomiste de grande renomme, a accord un en-tretien au quotidien The Vancouver Sun en octobre dernier. Durant cet entretien, il affirme explicite-ment quil sagit dun accord qui entranera des consquences ngatives pour les citoyens des pays signataires, alors que les multinationales, y com-pris les entreprises pharmaceutiques, en tireront tous les bnfices tant donn que le respect des rgles relatives lenvironnement, la scurit, lconomie et la sant ne fait pas partie de leur proccupation . Lconomiste a fait part de son inquitude quant laccs aux mdicaments gn-

    riques, qui sera de plus en plus limit et difficile, surtout pour les secteurs les plus pauvres.

    De nombreuses organisations opposes la signa-ture du TPP ont attir lattention sur la tentative des multinationales, telle que la mystrieuse entreprise Monsanto, de remettre au jour la volont dap-prouver la Convention UPOV 91 qui vise privati-ser les semences. Grce la pression exerce par le public sur les diffrentes institutions politiques, cette convention na pas t ratifie en 2014 et na plus fait lobjet de discussions parlementaires. Tou-tefois, lheure actuelle, si le TPP est ratifi, la multinationale Monsanto risquerait datteindre son objectif et dempcher la libre utilisation des se-mences, et runirait toutes les conditions pour lexpansion et la culture massive des transgni-ques.

    Malheureusement, cette situation reflte bien la ralit Il suffit de prendre lexemple de la Co-lombie en 2013 qui dnonait, la suite de lentre en vigueur du trait de libre-change avec les tats-Unis, limpossibilit des paysans garder les semences, ayant uniquement le droit dacheter des semences certifies auprs de Monsanto et Du-pont.

    Ces craintes ne sont pas infondes : les entreprises qui runissent toute la production des semences et plantes transgniques lchelle mondiale ne sont pas trs nombreuses; Monsanto est la principale et occupe 80 % du march, suivie de Aventis (7%), Syngenta et BASF (5% du march chacune) et Du-pont (3%). Le climat dinquitude a son origine dans lexistence dune tendance gnrale adopter ce type dagriculture et, comme ces entreprises produisent 60% des insecticides et 23% des se-mences commerciales, on peut envisager que, court terme, la scurit alimentaire dans le monde tombe entre les mains de ce petit nombre de multi-nationales.

    En ce qui concerne lautonomie des gouverne-ments dcider de leurs politiques conomiques, Heribert Dieter affirme que les pays signataires du TPP sengagent ne pas prendre des mesures rela-

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  • tives aux changements de leurs politiques; ils se-raient donc dpourvus de toute marge de manu-vre. Mise part lautorisation apporter certaines modifications bien dfinies, aucune mesure qui influencerait la valeur extrieure dune devise nest admise. De cette manire, les pays signataires se-raient privs dun instrument de politique cono-mique essentiel, surtout pour les pays mergents et en voie de dveloppement. Une fois lentre en vi-gueur du TPP, les banques centrales ne pourront plus lutter contre la survaluation des devises, comme cela a t le cas en Amrique latine aprs la flexibilit montaire offensive des tats-Unis, qui dure depuis 2008.

    Ce nouveau trait se veut nettement plus exigeant et radical en matire de commerce international et complique davantage la situation des pays pauvres et prcariss. Il constituera un obstacle aux inves-tisseurs trangers et aux monopoles de la sant, entre autres. De plus, tous les secteurs obiront la mme logique de privatisation et de drgulation: de lagriculture, aux services et aux investisse-ments, en passant par les politiques publiques, les normes lies la transparence, les mesures de rso-lution des controverses, les normes lies lenvi-ronnement et au travail, la proprit intellec-tuelle Comme le souligne Ana Romero Caro, les membres du TPP ont fait pression ds le dbut pour y inclure des mesures qui avaient dj t refuses lors de ngociations prcdentes concernant dau-tres traits au Prou. Il en va de mme pour le Chi-li: ce dernier avait dj rejet la convention UPOV 91 qui vise privatiser les semences et propager les transgniques mais, comme on peut le consta-ter, ces mesures sont rintgres dans le TPP.

    Comme lannonait dj D.Korten il y a 20 ans, le processus qui sinstalle depuis plus de 50 ans vise surtout protger les investisseurs trangers au d-triment de la population locale et des nations sou-veraines. Dailleurs, le TPP prvoit un mcanisme de rglement des diffrends entres investisseurs et tats : ce dernier permettra aux investisseurs damener les diffrents tats devant des tribunaux internationaux sans devoir passer par un systme

    juridique local. Et ce nest pas une nouveaut puisque quil existait dj la possibilit (incluse dans dautres traits de libre-change signs entre les pays latino-amricains et les tats-Unis) de faire appel au Centre international pour le rgle-ment des diffrends relatifs aux investissements ou la Commission des Nations Unies pour le droit commercial (UNICTRAL),

    Selon Mariano Turzi, le TPP sera dterminant dans la mesure o sa consolidation ou son blocage dfi-nira en grande partie lavenir de lintgration r-gionale des pays latino-amricains. M.Turzi expli-que que le TPP jouera un rle important en divisant la rgion entre lEst et lOuest, le Pacifique et lAt-lantique. une poque marque par le capitalisme sur-globalis , le TPP apportera des modifica-tions qui toucheront les secteurs de la production et la localisation des activits conomiques, ce qui influencera les prix et les cots relatifs la produc-tion et entranera la disparition de certaines indus-tries qui seront remplaces par dautres. Ainsi vues les caractristiques institutionnelles imposes par le TPP, on ne peut quenvisager la prcarisation du secteur du travail et lintensification des ingalits. Quant aux multinationales, elles jouiront de plus de pouvoir et verront leur position de leaders se ren-forcer. De plus, le TPP creusera davantage la frac-ture politique entre lAlliance du Pacifique (AP) et le March commun du Sud (Mercosur). Dailleurs, nous savons dj que lAP est plus pragmatique dans ses politiques, plus attire par louverture commerciale, plus librale quant aux mesures fi-nancires et davantage influence par les intrts des tats-Unis.

    Pour les riches qui se trouvent la tte du Chili (comprenez les sept familles propritaires du pays), tre membre du TPP est une occasion en or pour devenir encore plus riches et plus puissants. Dailleurs, comme lindique Felipe Lopeandia, faire partie dun systme conomique qui runit 40% du PIB mondial et qui compte parmi ses membres deux des trois conomies les plus impor-tantes du monde (les tats-Unis et le Japon) consti-tue un facteur extrmement judicieux pour un pays

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  • exportateur de produits primaires comme le Chili. Ceci nous permet de distinguer plus clairement les caractristiques de la classe dominante qui incarne le pouvoir politique. M.Bachelet et sa Nouvelle Majorit ex Concertation est prcisment au ser-vice des multinationales et des intrts amricains; la prsidente est loin de se soucier du bien-tre du peuple chilien.

    Toutes ces informations nous permettent de com-prendre les propos publis par El Clarn le 9 juin 2015: selon le quotidien, le Chili figurerait parmi les pays qui signeront un autre accord secret connu sous son acronyme anglais TISA (Accord sur le Commerce des Services). Ce dernier recouvre tous les secteurs: tlcommunications, commerce lec-tronique, services financiers, assurances, trans-ports Le TISA aurait donc des consquences plus graves encore sur les intrts locaux que le TPP.

    Mira lo que han hecho de ti mi pas est une chanson crite par Isabel Parra (fille de Violeta Par-ra) lpoque de la dictature. Force est de constater que le Chili est aujourdhui un pays trs diffrent : il suit un modle social et politique qui favorise le renforcement du capitalisme outrance et est donc rig en modle parfait par les multinationales. Ce modle de paix sociale (comprenez modle de soumission et dassujettissement) est inconcevable quand on sait que le Chili sest battu avec tant de volont et de dtermination contre une dictature militaire froce. Aujourdhui, cette nation est de-venue un berceau pour le capitalisme sauvage et de nombreux pays prennent le mme chemin, laissant ainsi des milliers dhommes et de femmes qui, eux, sont parvenus rester conscients de la tournure des vnements, surpris et horrifis.

    Face des accords commerciaux comme le TPP, le Chili se rapproche davantage du modle qui prne lindividualisme excessif et le capitalisme de masse illimit. Ce genre daccords augure des temps trs difficiles pour le Chili et pour lhumani-t en gnral, avec des nouvelles formes descla-

    vage et de nouveaux ngriers menaant lavenir des peuples.

    Bien que le TPP, le TISA ainsi que tous les accords commerciaux du mme genre provoquent de nou-velles victimes et engendrent de nouvelles difficul-ts, ils auront aussi indirectement comme cons-quence de renforcer la lutte sociale et de donner lieu de nouvelles rvolutions. Et, pour ceux qui comme nous sont tmoins de cette situation dsas-treuse, il est impratif de ramer contre-courant, avec la certitude que lmergence dune nouvelle conscience permettra un jour la mise en place dun ordre prnant plus de justice entre les hommes et plus de respect envers la nature.

    *Marcel Claude, Economiste, Santiago du Chili

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  • En janvier 2014, le 2e Sommet de la CELAC, la Communauts des tats Latino-amricains et Caribens, qui s'est tenu La Havane a procla-m la rgion zone de paix.

    Par Maria Josefina Arce

    Depuis lors, la CELAC n'a pas pargn d'efforts pour trouver une solution ngocie des conflits dans la rgion et pour garantir la stabilit et la scu-rit de ses habitants.De l, sa disposition totale pour vrifier le proces-sus de paix en Colombie dont les ngociations ont lieu La Havane depuis 2012 entre le gouverne-ment colombien et les Forces Armes Rvolution-naires de Colombie-Arme du Peuple, FARC-AP, organisations de la gurilla.Un communiqu des insurgs se rfrait il y a peu l'offre de la CELAC comme un service altruiste et humanitaire qui cherche contribuer la fin d'une guerre prolonge. Les chefs d'tat et de gouver-nement de l'Amrique Latine et des Carabes raf-firment ainsi que toute la rgion bnficiera de la cessation du conflit en ColombieLa CELAC fera donc partie de la mission politique de l'ONU qui vrifiera l'ventuelle fin du conflit en Colombie qui a saign le pays pendant six dcen-nies dj et qui a fait des milliers de victimes et des dplacs de guerre.Au Sommet qui vient d'avoir lieu Quito, la capi-tale quatorienne, les 33 pays membres de la CE-LAC ont confirm leur engagement en ce qui con-cerne l'appui aux conversations de paix en Colom-bie, une des questions au centre de la rencontre.

    Les chefs d'tat et de gouvernement prsents Quito ont salu les progrs obtenus, ces derniers mois, la table de ngociations installe La Ha-vane et ils ont fait des vux pour le cessez-le-feu, le dsarmement et pour l'dification d'une paix sta-ble et durable en Colombie.Par sa participation dans cette mission politique, la CELAC consolide son rle dans la concertation politique et sa capacit de coordination d'actions en faveur de la paix et de la solution de conflits dans la rgion.Le bloc intgrationniste voit dans la prservation de la paix une condition indispensable pour le d-veloppement social et conomique durable et in-clusif.La CELAC a apport son soutien, rappelons-le, la revendication de l'Argentine sur la juridiction des les Malouines que le gouvernement britannique d'occupation a fait rentrer dans ses plans de milita-risation dans l'Atlantique sud.Le dmantlement de la base navale tasunienne de Guantanamo et la restitution Cuba du territoire qu'elle occupe illgalement contre la volont du peuple et du gouvernement cubains est une autre exigence de la CELAC.La ministre vnzulienne des Affaires trangres, Delcy Rodriguez, s'est rendue ce mercredi Port-au-Prince, pour valuer la situation en Hati au nom de la CELAC.Cette organisation a mis au clair depuis sa fonda-tion en 2011 Caracas qu'elle uvrera d'une faon ardue pour la prservation de l'intgrit et de la s-curit de tous ses membres. Un esprit que rsumait le prsident cubain Raul Castro au Sommet de La Havane: La paix () est un bien suprme et un souhait lgitime de tous les peuples et sa prserva-tion est un lment substantiel de l'intgration de l'Amrique Latine et des Carabes...

    Edit par Francisco Rodrguez Aranega

    Source: http://www.radiohc.cu/fr/especiales/comentarios/83250-la-celac-uvre-pour-la-paix-en-amerique-latine-et-les-caraibes

    Publi sur le site Cuba Si Provence11

    Amrique latine: La CELAC uvrepour la paix

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  • Le Brsil a une longue histoire de dirigisme de lconomie par ltat. partir de 2003, le prsi-dent Lula va en crer une version progressiste. Dans quelle mesure, les travaillistes brsi-liens ont-ils rompu avec les prceptes nolib-raux ? Tentative de mise en perspective dune dcennie progressiste au Brsil.

    Par Raf Custers*

    Lgrement euphorique par ce quil dcouvrit au Brsil, lcrivain autrichien Stefan Zweig prdisait un avenir radieux ce pays. Ctait en 1940, une des priodes des plus sombres de lhistoire de lhumanit. Zweig, qui avait fui son pays natal et le Nazisme en 1934, projetait lpoque tout son es-poir sur le Brsil, dans un livre quil intitula Brasi-lien : Ein Land der Zukunft, Le Brsil : Un pays de lavenir. [1] tait-ce du wishfull thinking, prenait-il son rve pour une ralit ? Un jour Caetano Veloso, le clbre pote et chanteur brsilien, parle de ce livre dans une conversation avec son ami le musi-cien Arto Lindsay. Le livre est brillant, dit Veloso, mais personne ne le lit. On le ridiculise pour son titre. Les Brsiliens ne supportent pas lide que quelquun dautre puisse avoir une perception optimiste de lavenir de ce pays. [2]

    Bien que plein despoir dans lavenir du Brsil, Zweig npargnait pas pour autant llite blanche du pays et sa propension accumuler les richesses grce, entre autres, la culture du caf. Toujours selon lauteur autrichien, la production de caf

    connut une expansion fivreuse partir de 1850. Cette croissance fut suivie dune surchauffe de

    lconomie brsilienne. Zweig synthtise le ph-nomne comme suit : les planteurs, sduits par les dbouchs, agrandissaient continuellement les plantations, mais comme aucune planification or-ganise nexistait face cette surproduction sau-vage, une crise succdait une autre.

    Le Brsil en bonne sant

    Durant la dernire dcennie, les espoirs formuls par Stefan Zweig ont pris partiellement corps au Brsil grce au tournant politique majeur dcid par les Brsiliens en 2003. Cette anne-l, une ma-jorit de llectorat envoie Luiz Inacio Lula Da Sil-va la prsidence de ltat. Lula, ancien travailleur et syndicaliste dans les usines automobiles de Sao Paulo, remplira deux mandats. En 2011, Dilma Rousseff lui succde. Comme lui, elle est issue du Parti des Travailleurs (PT). En 2013, aprs dix ans sans interruption au pouvoir, les politiques menes par le PT ont contribu changer de faon substan-tielle le Brsil. Pendant la campagne lectorale qui mnera Lula au pouvoir en 2002, le Brsil subit une attaque spculative frontale une attaque qui se rptera dailleurs en 2014 pendant la campagne de Dilma Rousseff pour sa rlection, nous y revien-drons. Avant que Lula naccde au pouvoir, tous les maux frappent le pays : forte dprciation du real (la monnaie du Brsil), inflationgalopante, rapide contraction des rserves de change, dtrioration des finances publiques. Dix ans plus tard, crit lconomiste Nelson Barbosa, le Brsil a regagn lautonomie de sa gestion conomique. [3]

    Sous Lula, le Brsil a fait le choix de sloigner des dogmes no-libraux et a adopt une orientation dite post-nolibrale. Les gouvernements Lula successifs ont men des politiques de redistribution des riches-ses, au lieu de renforcer leur concentration dans les mains dune lite.

    Les premires annes furent difficiles. Il fallait re-trouver une stabilit montaire et fiscale et dans les deux domaines des mesures restrictives ont t in-troduites. La banque centrale du Brsil a par exem-ple augment le Selic, le taux de base bancaire pour contrler linflation et la dprciation du taux de change. Et un des objectifs de la politique fiscale tait de matriser la dette publique. La population la ressenti et la consommation des mnages a baiss.

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    Brsil: entre dirigisme et realpolitikLe

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  • Mais ds la fin de lanne 2004, lconomie brsi-lienne envoie les premiers signes damlioration. Ds 2005, le malade brsilien reprend vigueur, aid en cela par une conjoncture conomique mondiale favorable ainsi que par la fortecroissance conomi-que de la Chine.

    Les exportations doublent (de 60 milliards de dol-lars en 2002 118 milliards de dollars en 2005) et le solde commercial est nettement positif. Cela permet dentamer une politique dexpansion mar-que ds 2006, qui son tour permet au Brsil de rsister la crise bancaire qui viendra de Wall Street fin 2008. Pour faire face la crise, le gou-vernement injecte tout dabord plus de liquidits (dont plus de crdits) dans lconomie tout en maintenant une politique en faveur des couches d-favorises de la population. Ensuite, la fin du se-cond mandat de Lula et le premier mandat de Dil-ma Roussef la prsidence partir de 2011 sont marqus par une adaptation au nouveau scnario dune crise prolonge.

    Cette adaptation des politiques brsiliennes prendra le nom de macroprudencia. Ce paquet de mesures oblige les banques endiguer loctroi de crdit risque et augmenter leurs fonds propres.

    Aprs une dcennie de politiques travaillistes (2003-2013), plusieurs progrs sont mettre en lu-mire. Une premire avance concerne lemploi et la formalisation du march du travail avec une r-duction du travail au noir. Entre 2008 et 2014, le nombre demplois au Brsil crot de 12,2 millions, et sur toute la priode de 2003 jusqu 2014, pas moins de 21,2 millions de nouveaux emplois sont crs. [4] Le chmage,qui touchait 12,5% de la po-pulation active en 2004, tombe moins de 6% en 2012, un record historique. Les circuits de travail en noir sont rduits de 10%. Ils ne reprsentent plus que 46% du total de lemploi en 2012, contre 56% en 2004.

    La seconde avance concerne la pauvret et le pou-voir dachat des foyers populaires. En dix ans, entre 2002 et 2012, la part de la population brsilienne vivant sous le seuil de pauvret passe de 28% 13%. En 2006, le salaire minimum mensuel est ajust par dcret linflation une fois par an, et tous les deux ans la croissance du Produit Int-rieur Brut. Ces ajustements ont pour effet de tripler le salaire minimum mensuel qui passe de 240 reais en avril 2003 724 reais en dcembre 2013. La

    mobilit sociale accrue sexprime par le fait que la classe moyenne gagne en importance. Elle comprend 38% de la population brsilienne en 2002 et 52% en 2012. [5]

    En consquence, la consommation interne crot considrablement, et de plus en plus de produits sont fabriqus au Brsil. Un autre progrs marquant lre Lula concerne lenseignement. ce sujet, lancien prsident dira : Je suis le premier prsi-dent du Brsil qui na pas de diplme universitaire. Mais aucun de mes prdcesseurs na fond autant duniversits et de hautes coles que moi. Selon lui, 14 nouvelles universits fdrales, 126 exten-sions duniversits et 214 coles techniques ont t cres son initiative. [6]

    Ltat veut diriger

    Au fil de ses annes passes au pouvoir, le volonta-risme de Lula prend la forme dun dirigisme accen-tu de ltat.

    Ds 2007, le premier Programme dAcclration de la Croissance (PAC) est mis en uvre selon deux axes : spcifiquement, il sagit pour le pouvoir br-silien dinvestir dans les infrastructures conomi-ques et sociales, lnergie et la logistique ainsi que dans la fonction publique. Plus gnralement, le Brsil sengage avec Lula dans la promotion dun nouveau modle de dveloppement conomique. Un volet social est adjoint aux politiques conomi-ques. De nombreuses familles se voient ouvrir le droit lassistance sociale dans le cadre du systme de la Bolsa Familia. Ce systme accorde une assis-tance mensuelle toute famille dont le revenu est infrieur 120 reais et dont les enfants sont scolari-ss et vaccins. Lessentiel, selon Nelson Barbosa, est que le gouvernement fdral a pour la premire fois en plusieurs dcennies une stratgie pour ap-puyer la formation de capital par le secteur priv et daugmenter en mme temps linvestissement pu-blic dans linfrastructure. Le PAC-2 dmarre en 2011.

    Aprs sa rlection fin 2014, Dilma Rousseff annonce son intention de reconduire ce programme en 2015. Le total des capitaux investis par ltat est ce moment-l de 1,6 billion de reais (soit quasi 530 milliards deuros). Dautres PACs partiels sont labors, entre autres pour lenseignement ou les nergies renouvelables.Grce ces politiques dinvestissements, le Brsil rsiste mieux que dautres pays la crise conomi-

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  • que mondiale qui dbute en 2008. Petrobras, len-treprise ptrolire dorigine tatique, est par le mme biais financ pour explorer les fonds de locan atlantique (et dcouvrir les champs ptro-liers du pr-sal).

    Le pays se lance galement dans des grands chan-tiers urbains, y compris la rnovation de ses infra-structures sportives pour la Coupe mondiale de football de 2014 et les Jeux Olympiques de 2016 Rio de Janeiro. Toute une srie dexemptions fisca-les sont accordes aux micros et petites entreprises. Ces mesures fiscales sont adosses un autre pa-quet de mesures connu comme la Politique de D-veloppement Productif (PDP). La PDP, en conjonc-tion avec le PAC, diminuait les taxes pour les biens dquipement et pour certains secteurs comme la construction dinfrastructures et les industries tech-nologiques (de fabrication de tls digitales et dordinateurs).

    Vient ensuite la politique sociale. Deux mesures ont dj t voques ci-dessus : la hausse continue du salaire minimum et louverture progressive de las-sistance sociale aux familles par la Bolsa Familia. Elles font crotre la consommation des mnages de manire spectaculaire, en moyenne 5,6% par an durant la priode post-crise de 2009-2010. Dans ce mme contexte, le gouvernement lance un vaste programme de construction de maisons accessibles aux larges couches populaires. Ce programme est appel Minha Casa Minha Vida (Ma maison, ma vie - MCMV). Il doit dans un premier temps ajou-ter 1 million de nouvelles maisons lhabitat dj disponible au Brsil. Cette politique sera renouve-le une deuxime fois. En 2015 par contre, dans un contexte conomique de rcession et avec une op-position politique renforce au Parlement, le MCMV-3 tarde se concrtiser ce qui provoque des mobilisations et des campagnes de protestations de certains syndicats et mouvements sociaux.

    Le gouvernement dcide galement dimpulser une nouvelle dynamique dans les secteurs stratgiques de lconomie brsilienne. Dans ce contexte, le mi-nistre des Mines et de lEnergie propose en 2011 un Plan de diversification pour le secteur des mine-rais, le Plano nacional de mineraao 2030. Ce do-cument part du constat que : le march des mine-rais est soumis des fluctuations (qui peuvent tre abruptes) des cycles commerciaux. Nous devons donc nous diversifier. Cela vaut surtout pour le fer. Le fer, estime le ministre, peut tre le catalyseur

    de dveloppements industriels, sur le plan local et rgional et aussi pour les industries qui approvi-sionnent le secteur minier. [7]Les objectifs sont do-rnavant de doubler la production et les exporta-tions de fer, mais aussi que lindustrie de lacier au Brsil consomme plus de fer produit au pays. La production dacier devrait avoir tripl en 2030. [8]

    Les investisseurs privs reoivent des incitants afin quils contribuent latteinte de ces objectifs. Ltat octroie aux entreprises prives le droit de faire des explorations de gisements de minerais (ce qui leur ouvre la perspective dexploiter ces gise-ments pour leur profit), en retour, ces dernires doivent payer des compensations au trsor brsi-lien. Ce mcanisme (la Compensao Financeira pela Explorao Mineral - CFEM) a, selon le Plano nacional, rapport pas moins de 427 millions de reais (prs de 150 millions deuros) ltat en 2009. [9]

    BNDES, la trs puissante banque publique

    Le gouvernement nest pas le seul acteur public injecter des capitaux dans lconomie brsilienne. La Banque Nationale de Dveloppement Economi-que et Social (BNDES) est un acteur essentiel dans ce domaine. La BNDES dispose dune puissance conomique et financire unique. En 2012, elle d-tenait un montant de 44,8 milliards de dollars de fonds propres. [10] Le total de ses actifs (total assets) tait de 814 milliards de reais (200 mil-liards deuros) en 2014. [11] La BNDES est rpute pour accorder plus de prts aux entreprises que la Banque mondiale (BM). En 2010, ce ratio tait de 3 pour 1, avec 101 milliards de dollars de nou-veaux prts de la BNDES et 26 milliards de dollars de la BM. [12]

    Cette banque tatique, cre en 1952 linstigation des tats-Unis et de laBanque mondiale, a toujours symbolis les diffrentes approches ducapita-lisme dtat au Brsil. Conue initialement pour contourner la faiblesse de linvestissement priv par le financement de projets publics, cest sous la dictature militaire (1964 - 1985) quelle prend sa forme actuelle : un fournisseur de fonds bons mar-chs aux grandes entreprises prives. Celles-ci ob-tenaient prs de 70% des prts de la BNDES en 1970 et prs de 90% dix ans plus tard. [13] Ds lors, la banque a progressivement perdu sa mission premire de soutien une politique publique et so-

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  • ciale. Cette disproportion a t adoucie depuis quelques annes. En 2013, moins de 60% des prts de la BNDES allaient aux grandes entreprises.

    Dans les annes 1990, les gouvernements de droite ont tour tour accept que le secteur public se dsengage de lconomie et ont privatis les entreprises tatiques. La BNDES ne pouvait plus avoir que des participations minoritaires dans des entreprises. Sous la direction du prsident Lula, comme nous lavons vu, la BNDES a destin une plus grande partie de ses fonds (environ 40%) aux micros- et petites entreprises.

    Les fonds de la BNDES proviennent du secteur pu-blic : du gouvernement et defonds de retraite de travailleurs. On pourrait ds lors sattendre ce que les financements de la banque soient orients vers des activits publiques. Elle a effectivement tou-jours des participations dans des entreprises dori-gine tatique (18,7% dans Eletrobras, 17,3% dans la compagnie ptrolire Petrobras et 8,4% dans la compagnie minire Vale), mais elle reste pour les-sentiel une banque du priv. Une critique rcurrente reproche la BNDES dtre une passoire qui fait transiter largent de la population vers les entrepri-ses prives. Pour cette raison, la banque est parfois surnomme la Bolsa Empresario, en allusion las-sistance prte par la Bolsa Familia. Il sagit dune vraie assistance aux entreprises, puisque la BNDES naugmente ses prts que dun intrt subventionn et fortement en dessous des taux dintrtcommer-ciaux.

    Une autre critique formule lencontre de la ban-que est quelle participe au financement dentrepri-ses purement commerciales comme la multinatio-nalede la pulpe de bois Fibria (dont la BNDES pos-sde 30,4%) et lentreprise de stockage et de trai-tement de viande JBS (dont la banque possde 24,6%). Dans la mme veine, la BNDES a aussi largement facilit lexpansion internationale dau-tres multinationales brsiliennes, comme Vale, et le brasseur AB Inbev, dirig par le plus riche brsi-lien, Jorge Paulo Lemann, qui aurait pu se passer de subventions publiques.

    Bras de fer

    Les partisans dun dirigisme post-nolibral nont pas les mains libres. Ils ont hrit dune banque pu-blique de dveloppement qui depuis longtemps r-pond plus aux besoins du priv que du public. Ils ont aussi hrit dun systme politique patrimo-nial. Ce systme sert des intrts mutuels dentre-prises prives et de politiques. Les entreprises pri-ves sont autorises financer les partis politiques. Elles le font gnreusement et reoivent des fa-veurs en retour. On retrouve les entreprises dj cites dans ce champ de corruption blanche.

    Lors des campagnes lectorales pour la prsidence et le parlement de 2014, la socit JBS tait le plus important sponsor priv. Deux mois avant les lec-tions JBS tait en tte de liste avec pour 112,7 mil-lions de reais de dons. La totalit des dons dclars montait ce moment-l plus dun milliard de reais, dont plus de la moiti provenait de 19 entre-prises seulement. [14] Tous les partis politiques b-nficient de ces dons, un tel point que les analys-tes politiques au Brsil ne parlent pas de fractions (bancadas) politiques dans les diffrentes assem-bles parlementaires, mais de fractions patronnes par des entreprises. Aprs les lections, la publica-tion Valor Economico dnombrait 160 reprsen-tants du groupe JBS au Congrs et 141 reprsen-tants du groupe Odebrecht, une multinationale br-silienne de la construction. [15]

    Or, les retours du secteur public au priv sont di-rects et sans quivoques. Des contrats de travaux publics par exemple sont surtout octroys aux do-nateurs les plus gnreux. Cela a entre autres t tudi pour les lections de 2006. [16]

    Le prsident Lula a personnifi ces collusions en-tre intrts publics et privs. Lula a normment voyag pour promouvoir les intrts des entreprises multinationales brsiliennes. En huit ans la prsi-dence, il sest dplac 13 reprises en Afrique pour y visiter 29 pays, plus que lensemble de tous ses prdcesseurs. [17] Ds le dbut de son premier mandat, Dilma Rousseff a repris le flambeau du soutien aux entreprises. Mais les gouvernements travaillistes se heurtent galement aux limites du dirigisme. Sa diplomatie conomique semble

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  • toujours aider les mmes, les Odebrecht et consorts qui tirent leur pingle du jeu. Et, lors des choix stratgiques, les voix de ltat dans les conseils dadministration des entreprises psent finalement peu. Le cas de la multinationale Vale, premier pro-ducteur de fer, le montre bien.

    Lors de son deuxime mandat, le prsident Lula tente de donner plus de poids au gouvernement dans la gestion de Vale. Il est confront Roger Agnelli, le Corporate Executive Officer (CEO) de Vale. Agnelli a des liens troits avec la banque pri-ve Bradesco, co-actionnaire de Vale. Les dissen-sions deviennent frontales lorsquAgnelli dcide de licencier 1.500 travailleurs en rponse la crise conomique de 2008. Lula et le gouvernement ne sont pas daccord. Selon Lula : Vale gagne de lar-gent et possde beaucoup de cash. Eh bien, en ces moments difficiles les excutives aussi doivent faire un effort. [18] Mais, les diffrences sont plus profondes. Agnelli mise sur les exportations et lexpansion internationale. Pour lui, Vale doit parti-ciper la concurrence internationale. Il fait donc construire des super-navires, les fameux Valemax, qui peuvent charger un demi-million de tonnes de minerais de fer chacun.

    Mais lorsquil en commande en Chine, le gouver-nement intervient. Pour le prsident Lula, lcono-mie nationale du Brsil doit lemporter sur les ex-pansions lextrieur. Il insiste pour que les mati-res premires nourrissent les industries brsilien-nes, car ce sont elles qui crent lemploi et produi-sent ce que les Brsiliens vont consommer. Pour la mme raison, le gouvernement impose des quotas dachats (le local content) auprs des entreprises tablies au Brsil. Que pouvons-nous faire dune conomie, si les gens nont pas de pouvoir dachat et ne peuvent acheter ce qui est produit chez nous ? Lula pose la question au moment o il la-bore son plan de dveloppement national. [19].

    Deux visions stratgiques saffrontent donc au sommet de Vale. Roger Agnelli, le CEO, jette lponge et quitte lentreprise en 2011. Ce qui ne signifie pas que les pouvoirs publics semparent une fois pour toutes du contrle de Vale qui, rp-tons-le, appartenait entirement ltat jusqu sa privatisation partielle la fin des annes 1990.

    Conclusion

    Le Brsil a une longue histoire de dirigisme de lconomie par ltat . Cette pratique trouve ses origines dans les annes 1930 et le rgime militaire du prsident Getulio Vargas. Dans les annes 1960 et 1970 cet interventionnisme de ltat (exerc par la dictature militaire lpoque) a mis en route de grands chantiers nationaux, comme le bassin minier de Carajas au nord du Brsil, ou le barrage dItaipu (dtrn comme le plus grand barrage au monde par celui des Trois Gorges en Chine). chaque fois ltat autocratique simposait. Sous les prsidences de Lula et de Dilma Roussef, le Brsil est dirig par des chefs dtat progressistes. Mais, peut-on quali-fier leurs passages au pouvoir de post-nolibral ?

    En 2013 des millions de Brsiliens descendent dans la rue pour manifester leur mcontentement. Les services de base (les transports) restent de mau-vaise qualit et trop cher pour une grande partie de la population. Des quartiers entiers sont privatiss par des projets de rnovation lis aux mga-vne-ments sportifs de 2014 et 2016. Les mouvements sociaux et les syndicats critiquent la reprimarisation de lconomie qui donne une importance accrue aux exportations de matires premires. Pour les milieux daffaires, le gouvernement reste pourtant trop gauche. En 2014, ils lancent les attaques, dabord une attaque spculative (comme en 2002), puis des attaques politiques. La conjoncture sy prte. Lconomie mondiale ralentit, lconomie chinoise est en restructuration et la demande de ma-tires premires, en provenance du Brsil, est en forte baisse.

    En 2014 le Brsil entre en rcession. En plus de cela, un scandale de corruption a clat la tte de Petrobras. Des fournisseurs de services (allant de Odebrecht Rolls Royce) semblent avoir achet des fonctionnaires de la socit pour arracher des contrats. Au moins 2 milliards de dollars ont dispa-ru dans les poches de ces hauts placs. Lopposition politique y voit une opportunit.

    Cest elle maintenant de mobiliser ses affilis dans les rues. Dilma Rousseff a toutefois remport les lections fin 2014 et entame son deuxime mandat comme prsidente. Mais, elle cde aux exi-gences de rforme exprimes par le secteur priv et ses allis politiques et mdiatiques. Son nouveau

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  • ministre des Finances a introduit un programme dajustement pour assainir les finances publiques. Laustrit frappe les foyers et les petites et moyennes entreprises hautement endettes alors quil pargne le secteur banquier. [20] Le recul de Dilma rend les libraux davantage avides. Le pr-sident du Congrs Eduardo Cunha, dont le parti participe la majorit prsidentielle, met tout en place pour ouvrir une procdure de destitution (im-peachment) de la prsidente. Cunha, lui-mme souponn de corruption, approuve la procdure en dcembre 2015.

    Si les mouvements sociaux sopposent la proc-dure de destitution, ils critiquent Dilma Roussef pour avoir adopt une politique aux accents no-li-braux. Fin 2015, les lections en Argentine et au Venezuela signalent le retour en force de la droite. Les progressistes au Brsil sont affaiblis.

    Combien de temps tiendront-ils encore ?

    * Journaliste et historien, auteur de Chasseurs de matires premires, Investig'Action, Gresea, Cou-leurs livres, prface de Michel Collon,

    [1 ] . Zweig, Stefan, Brasilien : Ein Land der Zu-kunft, 1941, Feedbooks,http://gutenberg.spiegel.de .

    [2 ] . 72 hours in Rio de Janeiro : Caetano Veloso and Arto Lindsay, in : Electronic Beats Magazine, nr.37 - 1, 2014.

    [3 ] . Barbosa, Nelson, Dez anos de poltica eco-nmica, in : 10 anos de governos ps-neoliberais no Brasil : Lula e Dilma, sous la rdaction dEmir Sader, ditions Boitempo/FLACSO, So Paulo-Rio de Janeiro, 2013, p.69-102.

    [4 ] . Programa de aceleraao do crecimento-2 (PAC2). 11 balano. 4 anos, 2011-2014, p.16.

    [5 ] . Mattoso, Jorge, Dez anos depois..., in : 10 anos de governos..., p.115. Quest-ce que a repr-sente, la classe moyenne, se demande lauteur Jorge Mattoso. Ce concept nous met mal laise. Il est bas plus sur des indicateurs conomiques que dindicateurs sociaux ou dinsertion produc-tive. Cela finit par surdimensionner la classe moyenne et devient une idologie avec des valeurs peu claires.

    [6 ] . Sader, Emir et Gentili, Pablo, O necessrio, o possvel e o impossvel. Interview avec Luiz Incio Lula Da Silva, in : 10 anos de governos..., p.12.[7 ] . Plano nacional de mineraao 2030. Geologia, Minerao e Transformao Mineral, Ministrio das Minas e Energia, Braslia, mai 2011, p.64-65.

    [8 ] . Plano nacional De Minerao 2030, o.c., p.84.

    [9 ] . Plano nacional De Minerao 2030, o.c., Geo-logia, Minerao e Transformao Mineral, Minis-trio das Minas e Energia, Braslia, mei 2011, p.29.[10 ] . State-owned enterprises in the development process, OCDE, Paris, 2015, p.96.

    [11 ] . Leahy, Joe, State support, Financial Times, 12 janvier 2015.

    [12 ] . State-owned enterprises... , o.c., ibidem.[13 ] . State-owned enterprises... , o.c., p.81.

    [14 ] . Michellin, Jessica, Empresas que, mais doa-ram, Brasilpost, 14 septembre 2014.[15 ] . Valor Economico, cit dans A maior bancada do Congreso no sera de um partido, sera da JBS, MST, 7 novembre 2014.

    [16 ] . Boas, Taylor C., Hidalgo, F. Daniel, Ri-chardson, Neal P., The spoils of victory : campaign donations and government contracts in Brazil, in : The Journal of Politics, vol. 76, no.2, avril 2014, p.415-429.

    [17 ] .10 anos de governos ps-neoliberais no Bra-sil : Lula e Dilma, o.c., p.45, p.64.[18 ] . Musacchio, Aldo & Lazzarini, Sergio G., State-owned enterprises in Brazil, o.c., p.38.[19 ] . Sader, Emir et Gentili, Pablo, O necessrio, o possvel e o impossvel. in : 10 anos de gover-nos..., o.c., p.11.[20 ] . Zibechi, Raul, The United States Wins In Brazil , 7 septembre 2015, en l igne sur cipamericas.org

    Source: Grsea Echos, n84

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  • DOSSIER ASSANGE - UNASUR

    Libert pour Julian Assange

    Aprs que l'ONU a qualifi d'arbitraire la dten-tion de Julian Assange, l'Union des Nations Sud-Amricaines (UNASUR) a demand la Sude, au Royaume-Uni ainsi qu' lquateur qui a offert l'asile au fondateur de Wikileaks dans son ambas-sade Londres, de trouver un accord pour la libra-tion de ce dernier.

    TRAITE TRANSPACIFIQUE

    La rsistance contre le trait de libre-change s'organise

    Des milliers de citoyens argentins, chiliens et p-ruviens sont descendus dans les rues de leurs pays respectifs pour dire NON au trait de libre-change transpacifique. Pour le moment, trois pays latino-amricains l'ont sign: le Mexique, le Prou et le Chili. De son ct, le prsident argentin a exprim son souhait de rejoindre cet accord.

    HAITI

    Michel Martelly quitte le pouvoir

    Aprs des semaines de manifestations et d'meutes notamment dans la capitale Port au Prince, le prsi-dent Michel Martelly a finalement quitt le pouvoir. L'Assemble Nationale devra lire un prsident provisoire avant les prochaines lections prsiden-tielles dont la date n'a pas encore t fixe.

    VENEZUELA

    Le Tribunal Suprme de Justice ratifie le Dcret d'Emergence Economique

    Tandis que le Tribunal Suprme de Justice a dclar la validit du dcret d'Emergence Economique rati-fi par le Prsident de la Rpublique Nicolas Madu-ro, le nouveau Prsident de l'Assemble Nationale Henry Ramos Allup s'y est oppos et a annonc des mesures constitutionnelles en faveur d'une "sortie" du pouvoir excutif.

    Assemble Nationale: la continuit dans le changement

    Lors de son investiture dbut janvier, Ramos Al-lup, le dirigeant de la coalition de droite MUD, avait fait des dclarations et pris des mesures aussi scandaleuses que symboliques. Il a, par exemple, annonc que le gouvernement bolivarien n'allait pas durer plus de six mois et dcid de faire retirer de lAssemble Nationale les portraits du Liberta-dor Simon Bolivar et du Commandante Hugo Cha-vez.

    Nouvel assassinat d'un chaviste

    Le journaliste reconnu, Ricardo Durn, proche de la Rvolution Bolivarienne, a t assassin le 20 janvier dernier. Le prsident Maduro a ragi en tweetant: Pendant que nous travaillons pour la paix, il y en a qui depuis l'obscurit du fascisme continue leur guerre contre le Peuple.

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    Les Brves du mois Le

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  • ARGENTINE

    Christine Lagarde affiche son soutien au prsident Macri

    L a directrice gnrale du FMI, Christine Lagarde, s'est rjouie des politiques mises en uvre par le nouveau gouvernement argentin: Les politiques qui sont actuellement identifies par la nouvelle quipe et les nouvelles autorits argentines sont encourageantes et nous esprons qu'elles stabilise-ront l'conomie argentine. Ainsi, le FMI a salu les nouvelles mesures mises en place par le gou-vernement argentin savoir la drgulation du march des changes, la dvaluation du peso, l'ou-verture commerciale et l'augmentation des tarifs du gaz, de l'lectricit...

    Appel la grve gnrale contre les licenciements massifs

    Le dirigeant de la Centrale des Travailleurs Argen-tins, Hugo Yasky, a appel une journe de mobi-lisation nationale contre la vague de licenciements qui touche durement le secteur public depuis l'arri-ve au pouvoir de Mauricio Macri en dcembre dernier.

    Le Parlement europen condamne la violation des droits de l'homme en

    Argentine

    Dans une lettre adresse au prsident argentin, vingt-sept euro dputs du Royaume-Uni, d'Espa-gne ou encore de Belgique ont exprim leur pr-occupation aprs la dtention de la leader politi-que Milagro Sala: La dtention de Mme Sala est une violation des droits de libert d'expression et de manifestation d'une reprsentante du peuple, dpute du Parlasur (le parlement du Mercosur). Cest pour cela que nous exigeons la libration immdiate de Mme Sala et nous invitons les autori-ts argentines ouvrir le dialogue social pour que cesse la perscution des dirigeants et des activis-tes pouvait-on lire dans la lettre.

    BRESIL-PALESTINE

    La Palestine ouvre son ambassade au Brsil

    Le gouvernement brsilien vient d'inaugurer Bra-silia en prsence de reprsentants de l'Autorit Pa-lestinienne, de membres du gouvernement de Dil-ma Rousseff ainsi que des reprsentants de pays arabes l'Ambassade de Palestine. Cette inaugura-tion intervient dans un contexte tendu entre le Br-sil et l'Etat d'Isral. En effet, la prsidente Dilma Rousseff a refus la nomination par Benjamin Ne-tanyahou de Dani Dayan au poste d'ambassadeur d'Isral Brasilia, ce dernier ayant t dirigeant de colonie en Cisjordanie.

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  • DOSSIER BOLIVIE

    Le 21 fvrier 2016, le peuple bolivien se prononcera sur un nime referendum consti-tutionnel dune porte historique. L'enjeu est de taille: le peuple est amen dcider si la constitution du pays devra tre rforme, afin que le prsident Evo Morales puisse se reprsenter aux lections gnrales de 2019 pour un quatrime mandat. Le moment est crucial pour lavenir de la Bolivie, mais aussi pour toute lAmrique latine ainsi que pour l'avenir du mouvement progressiste global. Un NON hypothti-que la r-postulation de Morales annoncerait le dbut de la fin de lre Morales et plus largement, du processus de changement bolivien .

    L'viction du prsident porterait un coup fatal au projet dintgration latino-amricain, dj mis mal par le retour en force de la droite nolibrale en Argentine avec la vic-toire lectorale du no-prsident Mauricio Macri et au Venezuela avec la victoire aux lections parlementaires de la coalition de droite, consquences de la guerre cono-mique lance par les forces imprialistes lencontre des conomies latino-amri-caines dpendantes des cours des matire premires, du ptrole notamment.

    Aux premiers rangs de cette arme ractionnaire, on retrouve les classes oligarchiques, celles des grands industriels et des propritaire terriens, la grande bourgeoisie compra-dora, s'activant sous lil bienveillant de loncle Sam, impatient dassister leffon-drement des laboratoires politiques latino-amricains qui, depuis le dbut du sicle, mettent mal l'agenda imprial continental.

    par Raffaele Morgantini

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  • En un mois, la rvolution dmocratique et culturelle bolivienne va connatre des moments transcendantaux de son histoire rcente. D'une part, les 21 et 22 janvier on clbrera l'anniversaire de l'tat plurinational ainsi que les 10 ans du processus de changement, et d'autre part, un vote historique va avoir lieu et symbolisera la force de la nouvelle dmocratie bolivienne face la dmocratie nolibrale obsolte. par Katu Arkonada*

    La Bolivie d'aujourd'hui apparat comme une Bolivie des lumires, des exemples, des victoires et des optimismes et cela nous place dans une position stratgique. Nous devons pouvoir en profiter au sens collectif du terme, il faut que cette reconnaissance de la Bolivie nous serve de tremplin pour une mei l leure croissance conomique, pour une prsence et un leadership international tout en ayant en ligne de mire le thme de la mer.

    lvaro Garca Linera

    21 janvier 2006 : Evo Morales Ayma est dsign Apu Mallku (chef) des peuples indignes d'Amrique Latine au cours d'une crmonie ancestrale Tiwanaku. Le lendemain, il est investi Prsident de la Rpublique de Bolivie l'Assemble Lgislative. La mme squence se rptera respectivement les 21 et 22 janvier 2010 et 2015, aprs que Morales ait dj t lu Prsident de l'tat plurinational de Bolivie.

    21 fvrier 2016 : Le peuple bolivarien des 339 communes, dont 11 autonomies autochtones rurales dfinitives ou en passe de l'tre, formant les 9 dpartements du pays, dcidera de manire souveraine et dmocratique si la constitution pourra tre rforme partiellement l'occasion d'un rfrendum constitutionnel. Il s'agira de savoir si le Prsident Evo Morales et le vice-prsident lvaro Garca Linera pourront tre candidats leur propre succession lors des lections gnrales de 2019.

    Le rfrendum constitutionnel est probablement le vote le plus important auquel le processus de changement doit faire face depuis la premire victoire d'Evo Morales et de son parti MAS-IPSP (NdT : Mouvement vers le socialisme Instrument politique pour la souverainet des peuples) en dcembre 2005. L'enjeu est de taille et la droite bolivienne, qui a dj russi au sein de l'Assemble constituante cadenasser la rlection, a rejoint les rangs du non au rfrendum, dment finance en cela par le Dpartement d'tat comme l'a rcemment dnonc1 le vice-prsident lvaro Garca Linera.

    C'est le vote le plus important car deux situations seront en jeu pour la premire fois. En premier lieu, la possibilit que Evo Morales ne soit pas le candidat des majorits sociales et, en second lieu, que le processus dapprofondissement du changement soit menac car, en cas de dfaite du

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    11 1 http://www.hispantv.com/newsdetail/Bolivia/200723/morales-oposicion-bolivia-eeuu-referendo-linera

    10 ans d'un processus de changement en Bolivie: un regard gopolitique

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  • oui, le MAS-IPSP sera confront ce dfi sans que son chef de file national ne soit Prsident de l'tat plurinational.

    C'est que la figure d'Evo dpasse celle d'un chef de parti et d'un Prsident de la Rpublique, elle cristallise les rves et les aspirations des classes populaires et du mouvement indigne autochtone rural bolivien marginalis par des sicles de co lon i sa t ion . Evo syn th t i se l e s lu t t e s anticoloniales inities par Tpac Katari et Bartolina Sisa, mais aussi les combats anticapitalistes mens au cours des guerres de l'Eau et du Gaz.

    Evo possde dans son ajayu (l'esprit en langue aymara, une force qui allie les sentiments et la raison) un anti-imprialisme forg dans les luttes qu'il a conduites contre la DEA (Drug Enforcement Administration, service fdral amricain de lutte contre le trafic de drogue, NdT) et l'USAID (United States Agency for International Development, agence du gouvernement amricain en charge de l'humanitaire dans le monde, NdT) dans le Chapare, et contre l'ingrence de l'ambassade des tats-Unis, ce qui l'amena se faire expulser du Congrs auquel il sigeait en tant que dput.

    Son anticolonialisme a fait de lui un leader international du mouvement syndical et rural pendant la campagne 500 ans de rsistance indigne, noire et populaire qui atteignit son sommet en 1992, 500 ans aprs l'invasion de Notre Amrique ; et c'est partir de cette campagne que la Va Campesina (la voie paysanne, NdT) a vu le jour en 1993, au sein de laquelle Evo achvera de dfinir son propre horizon anticapitaliste et en faveur de la souverainet alimentaire.

    C'est pour cette raison que toutes les grandes avances du processus de changement bolivien peuvent tre comprises travers trois dcisions. commencer par la nationalisation des ressources naturelles qui a rendu au peuple sa souverainet permettant une redistribution de la richesse encore jamais vue en presque 200 ans d'histoire rpublicaine et permettant d'amorcer un processus de transition vers le socialisme qui passait ncessairement par le renforcement de l'tat afin de

    mettre le nolibralisme de ct et de dfinir les coordonnes d'un horizon anticapitaliste partir d'une conomie de type national et communautaire.

    Sur cette base d'amlioration des conditions matrielles du peuple bolivien fut trace une ligne anticapitaliste qui a transform l'imaginaire de la socit et a initi un lent mais invitable processus de dcolonisation et de dpatriarcalisation de l'tat et de la socit, brisant une nouvelle fois les vieux paradigmes et faonnant une dfinition de ce socialisme communautaire du Bien Vivir (Bien vivre, NdT) qui est l'objectif final d'un projet politique de libration nationale et sociale.

    tout cela s'ajoute galement une nouvelle relation avec la Terre Mre. Et, comme il n'y avait pas d'autre solution, la Bolivie a adopt une solide position anti-imprialiste, tant au niveau national qu'international, qui commence par l'expulsion de la DEA, de l'USAID et de l'ambassadeur amricain et se poursuit avec la dnonciation de toutes les agressions imprialistes et la dfense de la souverainet nationale de n'importe quel pays du monde attaqu par l'imprialisme.

    Diplomatie des Peuples

    Mais cette conscience anti-imprialiste n'est qu'une partie d'une nouvelle doctrine des relations internat ionales et d 'une nouvelle vision gopolitique du monde multipolaire que la Bolivie est en train de btir et que l'on peut dfinir sous le nouveau paradigme de la Diplomatie des Peuples .

    Il existe une multitude de rfrences au sein de cette nouvelle Diplomatie des Peuples promue par le Prsident Evo et par le Chancelier (Ministre des Affaires trangres, Ndt) Choquehuanca, mais nous souhaitons en retenir quatre en particulier :

    Transposer en premier lieu cette rcupration de la souverainet nationale et de la dignit du peuple bolivien la sphre internationale. Cela s'est vu lors de l'appel lanc la Cour Internationale de Justice de La Haye pour rclamer au Chili un accs souverain la mer.

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  • Nous ne pouvons pas oublier que le Chili a priv la Bolivie dun accs 400 kilomtres de ctes par une agression belliqueuse. Une cte qui en plus de cela (ou est-ce prcisment cause de cela) est riche en ressources naturelles comme le guano, le salptre, le borax, le cuivre, et l'argent. Mais encore une fois Evo a appos sa patte, russissant unifier les intrts d'une nation derrire cette demande maritime et mettant en place une quipe forme en grande partie d'anciens prsidents boliviens, nommant mme lex-Prsident de la priode nolibrale qu'est Carlos Mesa comme porte-parole de la cause. Cette unit du peuple bolivien de mme que le soutien international dont a bnfici la Bolivie seraient impensables sous n'importe quel autre Prsident.

    Un Prsident qui a t le principal initiateur de l'intgration latino-amricaine aux cts de ses architectes que sont les commandants Fidel Castro et Hugo Chvez. La Bolivie n'a pas seulement intgr le TCP (Trait de Commerce des Peuples, Ndt) l'ALBA (Alliance Bolivarienne pour les peuples de Notre Amrique, NdT), mais il a galement t un pilier important de la constitution de l 'UNASUR (Union des nations sud-amricaines, NdT) et de la CELAC (Communaut d'tats latino-amricains et Carabes, NdT). Le sommet de cette dernire sera prsid en 2017 par la Bolivie et laquelle, selon les propres paroles d'Evo : Tous les Prsidents sont convis participer. La majorit y assistera, except le Canada et les tats-Unis () cela est aussi une faon de nous librer de la domination de l'empire nord-amricain . Nous ne pouvons pas non plus oublier le rapprochement et l'intgration de la Bolivie au Mercosur (March Commun du Sud, NdT), ainsi que le maintien de la position critique sur le mcanisme de dsintgration rgionale connu sous le nom d'Alliance du Pacifique.

    Le pari sur l'intgration latino-amricaine et

    caribenne s'est effectu conjointement avec un approfondissement des relations Sud-Sud. Et dans ce domaine, il faut souligner la prsidence du G77+Chine assure par la Bolivie en 2014 ainsi que la tenue du Sommet des Nations Unies Santa Cruz de la Sierra en juin de la mme anne. Travail et leadership qui se sont vu rcompenss par la nomination de la Bolivie pour prsider au sein de l'ONU le Comit sur le processus de restructuration de la dette souveraine dans le cadre de la dfense de la souverainet argentine face aux fonds vautours.

    Mais la Bolivie ne s'est pas fait remarquer uniquement dans le domaine de la diplomatie multilatrale. La nouvelle Diplomatie des Peuples et les relations Sud-Sud se sont galement traduites sur le plan bilatral. Sur ce terrain, nous devons souligner en premier lieu les relations optimales que nous avons avec la Rpublique Populaire de Chine conduites par le PCCh (Parti Communiste Chinois, NdT) et matrialises par un coup de pouce la souverainet scientifique et technologique bolivienne avec la construction en Chine du satell i te Tpac Katari ( T K S AT- 1 ) , p r e m i e r s a t e l l i t e d e tlcommunications possd par l'tat plurinational de Bolivie. On ne peut pas omettre non plus les relations avec la Russie, l'autre puissance des BRICS (Brsil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, NdT), avec laquelle la Bolivie a sign un accord pour la construction d'un centre de recherche nuclaire et la formation de personnel en vue de dvelopper l'nergie nuclaire des fins non seulement pacifiques mais mdicales.

    Mais, en plus de la nouvelle Diplomatie des Peuples de la Bolivie envers le reste du monde, le pays a galement les yeux rivs sur le cur de l'Amrique du Sud, en raison de deux aspects majeurs :

    Premirement , la bonne marche de l'conomie bolivienne. Dans un contexte de crise du capitalisme et d'une chute des prix du

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  • ptrole des niveaux historiques, la Bolivie continue d'avoir une croissance autour des 5%, chiffre indit dans une Amrique Latine qui avoisine 1% de croissance moyenne en 2015. Malgr un prix du gaz index sur le prix du ptrole, qui est en ce moment autour des 25 dollars le baril, la bonne sant de l'conomie bolivienne est un phnomne qui s'tudie mme2 la Facult d'conomie de l 'Universit de Chicago, berceau et laboratoire du nolibralisme.

    Deuximement, la Bolivie est en train de construire aux yeux de tous un nouveau paradigme de relation avec la nature. Face une plante qui a atteint ses limites en ressources et face un modle de croissance qui implose devant la ncessit de maintenir un taux de profit au capital, la Bolivie a mis en place un modle de dveloppement qui n'implique pas une croissance aux dpens du peuple, des personnes ou de la nature. Il est important de signaler ici l'adoption de la loi-cadre sur la Terre mre et le dveloppement intgral pour une bonne qualit de vie, qui doit devenir un modle pour une humanit la recherche d 'un autre modle de dveloppement.

    Cependant, toutes ces avances ainsi que la contribution bolivienne la construction d'un nouveau monde multipolaire se voient menaces par une droite qui, avec la complicit des imprialistes, veut restaurer un conservatisme qui a pris le pouvoir en Argentine et a connu une victoire partielle au Venezuela. Sans oublier la ncessit de la formation politique et de la cration de nouveaux cadres afin de poursuivre l 'approfondissement de la rvolution dmocratique et culturelle, il est essentiel d'achever la refonte de l'tat commence le 21 janvier 2006. Cette refondation doit

    atteindre son sommet en 2025 quand l'Agenda Patriotique sera accompli et que la Bolivie atteindra une seconde indpendance, dfinitive cette fois, o l'extrme pauvret aura t radique et o l'entire souverainet sera assure au niveau conomique, scientifique, technologique et culturel.

    Pour des raisons la fois endognes et exognes, le processus bolivien de changement est l'heure actuelle le plus solide et le plus stable de la rgion. Mais pour que cette stabilit ne soit pas menace, la victoire du oui au rfrendum du 21 fvrier est indispensable. Cette victoire ne permettra pas seulement Evo et lvaro d'tre nouveau des candidats du peuple en 2019, elle sera aussi un bol d'air frais pour le processus de changement l'chelle continentale, qui doit retrouver un nouvel lan aprs ses dfaites lectorales en Argentine et au Venezuela.

    *Katu Arkonada est diplm en Politiques publiques. Ex-conseiller du vice-ministre de la Planification stratgique et de la Chancellerie bolivienne. Membre du rseau des Intellectuels pour la dfense de l'Humanit.

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    22 2 Confrence du ministre de l'conomie de l'tat plurinational de Bolivie Luis Arce Catacora l'Universit de Chicago,

    avril 2015 (en espagnol) http://medios.economiayfinanzas.gob.bo/MH/documentos/Presentaciones/Presentaciones%202015/1_Pres.Chicago_University_(16.04.15)_Espa%C3%B1ol_2.pdf

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  • Dcouvrez le chapitre

    "Comment on affronte le march avec le lithium" en Bolivie

    dans le livre Chasseurs de matires premires

    de Raf Custers

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  • Les processus progressistes en Amrique Latine sont-ils en crise ? Le cycle progressiste latino-amricain arrive-t-il sa fin ? Ce sont des ques-tions omniprsentes dans les dbats relatifs ces expriences socio-politiques commences en d-but de sicle. Pour certains, la crise est une rali-t et le dclin des processus est invitable alors que, pour dautres, les processus continueront sur le chemin de la rvolution malgr les nom-breuses entraves et difficults. Les dbats ac-tuels sur les expriences latino-amricaines se caractrisent par une polarisation de plus en plus intense. Cest la gense dun discours di-chotomique qui nous semble se rvler comme tant contre-productif pour le perfectionnement et lapprofondissement de ces processus. Dans cet article nous aborderons le cas spcifique de la Bolivie, lun des acteurs de premier plan de la vague progressiste qui touche le continent lati-no-amricain depuis llection dEvo Morales en 2005. Par Raffaele Morgantini*

    Les questions exposes au dbut de lintroduction du prsent article ouvrent la voie un dbat plus large et plus profond. Ce dbat qui caractrise la dynamique de transformation de la socit boli-vienne actuelle sarticule, ou devrait sarticuler, autour des questions suivantes :

    Quel est concrtement le rle que le systme capi-taliste transnational joue encore dans le pays ? Quelle est la vritable nature de la politique mise en place par ladministration Morales ? Et dans ce sens, quel point et quel niveau la Bolivie a-t-elle russi innover et se mettre en marche vers une

    nouvelle voie de dveloppement, celle que ses pr-curseurs appellent le socialisme communautaire du Vivir Bien (pour plus dinformations sur ce concept, voir la note (1)) ? Et en conclusion, en tant quacteurs externes et observateurs du processus bolivien compromis avec la paix, la justice et la lutte anti-imprialiste, quel est le jugement que nous faisons de la situation en Bolivie ?

    Selon les diffrentes prises de position qui distin-guent ce domaine dtude, nous reprons deux cou-rants essentiels qui mritent dtre mis en vidence. Dun ct, celui qui dfend rsolument et sans con-dition le gouvernement de Morales, sans presque aucune vision critique de ce dernier, train par un sentiment romantique, et qui attaque toute voix dis-sidente comme tant illgitime et contre-rvolu-tionnaire ; de lautre, celui qui affirme que les gou-vernement de ce genre nont rien de progressiste, que leurs projets ne sont pas anticapitalistes et que par consquent ils ne doivent plus tre soutenus. Au sein des deux visions, nous dcelons un problme de fond majeur. Dans la premire, labsence dune profonde autocritique et la conviction (trop rpan-due) que toutes les mesures prises par ce gouver-nement doivent tre dfendues, sapent en ralit les possibilits de radicalisation et dajustement du processus qui passent forcment par une remise en question des erreurs et des ngligences commises. Dans la deuxime, cest plus simple : dans les con-ditions actuelles, soutenir et se battre pour la fin de ces processus quivaut favoriser le retour en force de la droite, de loligarchie et du nolibralisme pur et dur, tout en dcrtant la mort dun processus dintgration qui montre bien sr des lacunes, mais qui en mme temps a amen un changement radical dans la manire de penser et de faire la politique aprs des dcennies de dictature nolibrale.

    La Bolivie dEvo Morales :un pays anti-capitaliste ?

    Le capital transnational joue encore un rle pr-pondrant en Bolivie ; ce nest pas un avis person-nel, cest un fait. La remise en question de ce rle doit tre distingue comme la condition sine qua non pour circonscrire ce qui peut et doit tre peru comme une crise politique en train de saper la paix sociale du pays et le bon droulement du proces-sus de changement .

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    Bolivie: de la ncessit dune critique constructive du processus de changement

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  • Dune manire gnrale, ce quon peut constater avec certitude est que la politique du gouvernement dEvo Morales na pas russi radicaliser le proces-sus dans un sens anti ou post capitaliste. Comme le dit Franois Houtart, sociologue belge et fin con-naisseur des processus progressistes latino-amri-cains, la Bolivie a sans doute connu un tournant post-nolibral important. Nanmoins, cette volu-tion na pas russi se traduire en quelque chose de plus profond, de plus agressif envers les structures capitalistes du pays. La politique sociale dEvo Mo-rales a certainement contribu amliorer de ma-nire considrable les conditions de vie de la popula-tion par le biais dimportants projets d'inclusion so-ciale et de redistribution de la richesse. Cela a t possible grce une remise en question de deux pi-liers cls du dogme nolibral : la limitation du rle actif de lEtat dans la gestion de lactivit conomi-que et la diminution des dpenses publiques (no-tamment pour ce qui concerne la protection sociale). Les effets tangibles de la politique de Morales peu-vent tre aussi discerns dans le domaine qui relve plus du symbolisme, au sein des discours, de la con-science politique de la population. Plus que jamais dans lhistoire du pays, et probablement du continent aussi, une partie importante de la population boli-vienne est consciente de ltat dans lequel le systme capitaliste la conduite et estime que seule la sortie dudit systme pourra reprsenter une alternative via-ble pour la survie de lhumanit ; se muere la Madre Tierra o se muere el capitalismo.

    Malgr ces points positifs, la politique de Morales et la situation dans laquelle se trouve la Bolivie aujour-dhui ne refltent pas une transition post-capitaliste. Plusieurs lments sont la base de ce constat, dont trois que nous considrons comme prpondrants. Ces derniers constituent en mme temps les axes principaux sur lesquels il conviendrait de focaliser le travail et les actions aptes redresser le mouvement, lapprofondir et le radicaliser, pour lavenir du pays et du peuple bolivien.

    1) La structure conomique

    Les structures productives qui dfinissent le tissu conomique du pays, que ce soit au niveau indus-triel, agraire ou encore dans les services, sont tou-jours encadres par une organisation de type capita-liste. Le maintien de ce type de structure signifie que les rapports sociaux de production, cest--dire les rapports de proprit des moyens de production, n'ont pas t bouleverss par la politique conomi-

    que de Morales. Une politique conomique qui a certes revaloris le rle de lEtat dans lconomie et rduit les ingalits sociales (pour avoir une vue densemble sur cette rduction, voir la note (2)) grce une meilleure redistribution de la richesse mais qui, dans le mme temps, na pas t capable de remettre en question le processus daccumulation capitalistique classique qui continue profiter majo-ritairement au capital transnational.

    Pour saisir pleinement cette controverse, il nous semble ncessaire de connatre la stratgie conomi-que du gouvernement telle que pense et thorise par son principal prcurseur, le vice-prsident Alvaro Garcia-Linera.

    Dans la conception de Linera, le premier stade du processus de changement bolivien est celui du capitalisme andin-amazonien . partir dune lec-ture marxiste classique, Linera affirme quune fois modernises les structures conomiques tatiques, le systme capitaliste andin-amazonien se transformera progressivement, conduisant le pays vers la socit socialiste. Au cours de cette premire tape, lEtat devra rcuprer les excdents des ressources naturel-les nationalises afin dimpulser le dveloppement des forces productives du pays, le dveloppement social, des formes dauto-organisation communau-taires et la reconstitution dune classe ouvrire in-dustrielle davant-garde, conditions essentielles la construction du socialisme (3). Cette tape, qui dailleurs se caractrise par une alliance interclas-siste avec une partie de la bourgeoisie nationaliste, doit tre contextualise dans la situation conomique et politique dun pays tel que la Bolivie lentre dans le nouveau sicle. En 2005, la Bolivie est un pays fortement endett, dpouill de ses rserves, de ses infrastructures et dsindustrialis de manire sys-tmatique par deux dcennies de diktats nolibraux imposs par les instances financires internationales, le FMI et la Banque Mondiale. Ces diktats sont placer dans le cadre dune lutte plus large mene par les lites conomiques et politiques globales qui vi-saient rtablir leur position de privilge aprs la crise systmique du capitalisme des annes 1970.

    Face ce contexte, nous rejetons les critiques, ida-listes et irralistes, qui accusent Morales de navoir pas instaur immdiatement le socialisme et de ne pas avoir rompu immdiatement avec la totalit des mcanismes capitalistes. Ctait impensable et im-possible dans les conditions objectives du pays.

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  • Ici aussi, les choses doivent tre clarifies avec transparence. Nous estimons quun pays conomi-quement fragile comme la Bolivie a besoin dun processus dindustrialisation, accompagn par un processus dintgration rgionale, rgi par lEtat afin de dvelopper les forces productives du pays, redistribuer la richesse et en finir ainsi avec la pau-vret. En opposition, nous estimons que l colo-gisme radical , la sortie immdiate et unilatrale du pays de tous les mcanismes capitalistes, sont non seulement des solutions irralistes, mais aussi nfastes.

    Aujourdhui, dix ans aprs le dbut du processus, une premire critique simpose toutefois. En effet, les propos annoncs dans le capitalisme andin-amazonien de Garcia-Linera sont loin dtre ralit. Comme le remarque lacadmicien Diego An-dreucci, les conditions des secteurs de pointe de lconomie bolivienne sont restes inchanges, lemploi est majoritairement informel et prcaire, il ny a eu aucun grand saut industriel car les ex-portations continuent tre de type primaire et sans valeur ajoute, lconomie communautaire est sys-tmatiquement sacrifie au profit de lexpansion de relations capitalistes, des frontires dextraction des ressources naturelles et de lagro-business (4). Une situation qui provoque le mcontentement de nom-breux mouvements soc