LE MANUEL SCOLAIRE - ladocumentationfrancaise.fr · Objet, champ et finalités de l’évaluation Le groupe de pilotage a choisi une définition pragmatique : a été considéré

Ministère de l’éducation nationale, dela recherche et de la technologie

INSPECTION GÉNÉRALE D E

L’ÉDUCATION NATIONALE

PROGRAMMEDE TRAVAIL 1997-1998

THÈME 2

LE MANUEL SCOLAIRE

Rapporteur :Dominique BORNE

juin 1998

La documentation Française : Le Manuel scolaire

Ministère de l’éducation nationale, de la recherche et de la technologie

INSPECTION GÉNÉRALEDE L’ÉDUCATION NATIONALE

PROGRAMME DE TRAVAIL 1997-1998

THEME 2

LE MANUEL SCOLAIRE

RAPPORTEUR : Dominique BORNE IGEN, doyen du groupe histoire etgéographie

(...) Vousparvenezpeuà peu àfaire abandonnerpar les intéresséslesdeux sortesdemauvaislivres dontil faut quenosécolessedéfassent :d’une part le livre vieilli, hérissé d’abstractions et de termestechniques, celui qui faisait de la grammaire un formulaireinextricable, de la géographie une nomenclature,de l’histoire unrésumésansvie et sanspatriotisme, de la lecture même,de cettelecture courante qui devrait être l’âmede la classe, un insipideexercicemécanique ;et d’autre part, le livre trop commode,où lemaître trouvesa leçon toutefaite, questionset réponses, devoirsetexercices,le livre qui dispensele maître d’expliquer et l’élève decomprendre,ensubstituantà l’imprévu dela classeparlée et vivantelesrecettes del’enseignementsystématique ».

JulesFERRY,circulaire auxrecteurs -7octobre1879.

Juin 1998


RAPPORTEURDominique BORNE, IGEN, doyen du groupehistoire et géographie

GROUPE DE PILOTAGE

Monsieur Jean BOTTIN IGEN, doyendu groupephysique-chimie

MadameMagaliCHANTEUX chargéed’unemission,enseignementsartistiques

MonsieurMarcel DUHAMEL IGEN, enseignementprimaire

Monsieur Jean CHERPRENET IGEN, scienceset techniquesindustrielles

Monsieur Francis GOULLIER IGEN, langues vivantes

Monsieur Bernard KERN IGEN, sciencesde la vie et dela terre

Monsieur Guy MALVEZIN IGEN,doyendu groupeéducationphysiqueet sportive

MonsieurAlain MICHEL IGEN, scienceséconomiqueset sociales

Monsieur Jacques MOISAN IGEN, mathématiques

Monsieur AndréPESSEL IGEN,philosophie

Monsieur Guy POUZARD IGEN,établissementsetvie scolaire

Madame ArletteROBERT IGEN, économieet gestion

Madame Claudine RUGET IGEN, mathématiques

MadameChristineSAINT-MARC chargéed’unemissionenseignementprimaire

Madame Katherine WEINLAND IGEN,lettres

Monsieur Alain CHOPPIN, universitaire,chercheurà l’INRP, a acceptédejouer le rôled’expertauprèsdu comitédepilotage.

Le secrétariat etla frappe ont été exécutés par Madame Monique BEYRAND.

Le rapporteurremercie tous ceux, inspecteurspédagogiquesrégionaux etinspecteurs de l’éducationnationale qui ontparticipéà l’enquêteet permisderassemblerlesdonnées.

Il remercie égalementles éditeursqui ont répondu, debonne grâce, à sesquestions.


SOMMAIRE

Introduction p 3Objet, champ et finalités de l’évaluation p 4Méthodologie de l’évaluation p 4

Le manuel dans l’institution scolaire p 6L’école primaire p 6Le collègeet le lycée p 6Les éditeurs et le Ministère p 7

Le manuel, description p 9L’offre p 9Les auteurs p 10Le manuel, morphologie p 11

Une structurecomplexe p 11Desmanuels« attrayants » :la couleuret l’image p 12La placerestreinte desconnaissances p 12Uneplaceplusgrandefaiteà la pédagogie p 13Unelisibilité incertaine p 14

Les manuels : analyse qualitative p 15Des manuels globalement conformesaux programmes... p 15... mais oùla présentation dessavoirs n’estni cohérente ni structurée p 15La résistance auchangement p 16Trois exemples particuliers p 17

Les manuelsà l’écoleprimaire p 17Lesmanuelsdelanguesvivantes p 18Lesmanuelsd’économieet degestion p 18

A la recherche descohérences verticaleet horizontale p 19La perte du sens p 20

L’usage du manuel p 22Le manuel à l’écoleprimaire p 22Le manuel au collège p23

Languesvivantes p 23Mathématiques p 23Histoireet géographie p 24Lettres p 24Sciences de lavie etde laterre p 24

Le manuel au lycée p 25La photocopie concurrente du manuel p 27Les enseignants,les élèves etle manuel p 28

Le manuel dans l’établissement p 31Le choix desmanuels p 31Le manuel au centre dedocumentation et d’information p 32Professeurs, parents et élèvesface aux manuels p33Dans les établissements, l’indifférence au manuel révèle l’absence de p 34réflexion pédagogique d’ensemble

Conclusion p 35La crise du manuel p 35De nouveaux manuels ? p 35Manuel et multimédia p 36

Recommandations p 38

Annexe : fichesd’évaluation p 42La documentation Française : Le Manuel scolaire

IntroductionLe manuelscolaireest un personnagesi familier du théâtre de la

classe, unoutil si usuel qu’onoublieparfois de réfléchir à sa nature et à safonction. Les polémiquesqu’il provoque sontpériphériques: on dénoncesonpoids : l’encombrementdescartablesdéformerait, générationaprès génération,les dos descollégiens. Onmontre du doigt le sexisme ordinaire qu’ilvéhiculerait. Unarticle récent,parudansun journal du soir, stigmatiseà grandrenfort d’approximations la scandaleuse « symbiose » entre « la hauteadministrationde l’Education nationale»(c’est l’inspection généralequi estainsi désignée)et les éditeursscolaires.Ces problèmesne doivent pas êtreéludéset nous tenteronsd’y apporterquelquesréponsesmais cette enquêtes’intéresseenprioritéà la fonction éducativedu manuel :quelle estla qualitédecet outil ? Quelestsonusage ?

L’objet de cette étuden’est pashistorique ; quelques rappelssontnéanmoinsnécessaires pourcomprendrela situation actuelle.Depuis lesannées1970, l’institution scolairea tenté d’infléchir les démarches traditionnellesenmettantl’accentmoinssur le savoir quesursatransmission. L’encyclopédisme,l’empilement des connaissances n’ontcessé d’être dénoncés,alors ques’imposaitl’idée plusou moinsclairementexpriméequ’apprendreà apprendreétait l’acte éducatif majeur. Par ailleurs, la généralisationprogressivedel’enseignementsecondaire,l’accèsau collègeunique,puis au lycée, d’élèvesissusde couchessocialesqui, jusqu’audébut des années1960et sauf notablesexceptions, restaientenfermésdans l’enseignementprimaire ou, au mieux,primaire supérieura conduità proposer une pédagogiequi permettraità l’écolede suppléerl’apport de la famille. En classe,les élèvesdoiventnon seulementenregistrerle savoirmaissel’approprier.

Enfin, en faisantde l’élève l’acteur centralde sapropreinstructionl’Ecole doit lui fournir lesmoyensde construirelui mêmesonpropresavoir.Et « éveiller » l’élève supposede capter son attention, de lui donner ledésird’apprendre.Il s’agit doncdepromouvoirun enseignementattrayant. Leslignesqui précèdentempruntentvolontairementles mots,voire lestics de langage,duvocabulaire à la mode. Cetteréférenceà l’air pédagogiquedu temps estindispensablepour comprendrel’évolution desmanuelsscolaires qui, certes,tentent de se conformer aux programmesofficiels mais reflètent aussi lespratiques pédagogiquesdiffuséesdansl’institution.

L’évolution desmanuelss’explique donc en priorité commeuneréponse des éditeursà cequ’ils pensentêtre une doctrine pédagogique,mêmesicette prétendue doctrinen’a jamaisétéglobalementénoncée.Ainsi l’enquêtesurles manuels rencontrenécessairementle discourspédagogique,explicite ouimplicite, qui émanede l’institution, De mêmele regardsur l’usage dumanueldans les classesdévoile les pratiquesenseignantes.Autrement dit, il seraitillusoire de penser pouvoiranalyserle manuel scolaireen dehorsdu systèmedont il estun deséléments.


Objet, champ et finalités de l’évaluationLe groupede pilotagea choisiune définition pragmatique :a été

considéré comme manuelscolairetout supportpédagogique (livres oufiches)qui doit être acquis parl’élève (lycée) ou qui est mis à sa disposition parl’établissement(écoleprimaireet collège).

Il était impossible d’analyserla totalité desmanuels scolairesenusagedans lesclasses.Le groupedepilotagea doncchoisid’étudier :

- lesmanuelsdela dernièreannée ducycle3pour l’écoleprimaire ;

- lesmanuelsde sixièmeet de cinquièmepour le collège ;

- lesmanuelsde terminale(enseignement général,technologiqueetprofessionnel)pour lelycée.

Pour l’école primairele choix du cycle 3 rendpossiblel’approchedisciplinaire.

Le changementdesprogrammes, au collège,qui permetde disposerdemanuelsnouveaux danstouteslesdisciplinesexpliquele choix desclassesdesixièmeet de cinquième.

Pour lelycée, la classeterminale a été privilégiée comme classed’examen.

L’analyseest d’aborddescriptive.Elle vérifie ensuitela conformitédesmanuelsauxprogrammes,elle étudieenfin leur utilisation(en classeet horsde la classe).L’enquêteest conçuepour permettreà l’inspectiongénérale defaire des propositionssur les évolutionssouhaitablesdu manuelscolaire. Celaentraînenécessairementuneréflexion sur lesrelationsentre le ministèreet leséditeursconcernés.

Méthodologie de l’évaluationLe groupede pilotagea été constituéde manière àce que chaque

discipline soit représentée.Trois grilles d’évaluationont étéélaboréespar lerapporteuret approuvées parle groupede pilotage (cf.annexe).Elles ont étééventuellementmodifiéespar les membres de cegroupe en fonction desspécificitésdechacunedesdisciplines.

La première grille, qui a été directement renseignéepar lesinspecteurs généraux,vise à décrireles manuels, àapprécierleur degré deconformité aux programmesen vigueur, à se prononcer surla qualité dumanuel.


La deuxièmegrille a pour fonctiondepermettrel’analyse del’usagedu manuel en classe.Elle a été renseignéeà partir d’inspectionsordinaires(inspecteursgénéraux, inspecteurs pédagogiquesrégionaux, inspecteursdel’éducationnationale)afin d’élargir l’observation.Certes lesconditionsd’uneinspectionpeuventmodifierles pratiques desenseignantset nous avonstentédetenir compte de cette réalité, maisla solution choisie estpréférable à desentretiens avec lesenseignants, au cours desquels lesréponses sontinévitablementsuggérées parlesquestions.

La troisième grille, qui a été directement renseignéepar lesinspecteurs générauxmembres dugroupe depilotage, est le support del’enquête dans les établissements(rôle du centre de documentation etd’information, formationdesélèvesà l’usage dumanuel,concurrenced’autressupports pédagogiqueset enparticulierdela photocopie).

Prèsde200manuels del’école primaire,du collègeet du lycéeontétéévalués.

Pourl’école primaire l’enquêtea porté sur1 000 classes, 90séancesont été directement observées.Au collège, commeau lycée l’observation aporté surplus de 500 classes.Au total, donc,plus d’un millier d’exemplesd’usagedesmanuelsen classeont étédirectementanalysés.Chaque membredugroupedepilotageresponsabled’unediscipline aétabliunesynthèse àpartir desfichesd’observation.

Par ailleurs, les membresdu groupedepilotage ontenquêtédansune quarantained’écoles, quinzecollègesetvingt deuxlycées.

Chaquemembredu groupedepilotagea élaboré,pour la disciplineou le niveaud’enseignementdont il avait la charge,unesynthèsedesdifférentesobservations.Cessynthèsesont servidematériaupour l’élaborationdu rapportfinal.

Enfin le rapporteura interrogé les éditeurs, lesyndicatnationaldeséditeurs scolaires. Il a consulté le Directeur de l’enseignementscolaire,MonsieurAlain BOISSINOT, lePrésidentdu Conseilnationaldesprogrammes,Monsieur Luc FERRY, le Directeur généraldu Centre national dedocumentation pédagogique, Monsieur Roger-François GAUTHIER.

Fautede temps etde moyensl’enquêtene porte que parallusionssur les aspectséconomiquesdesproblèmes. Onne trouvera, dansce rapport,niuneétude des structureset desstratégiesdesmaisons d’édition,ni uneanalysedes coûts supportés parla collectivité ou les familles. L’approche estpédagogique,elle analysele manuelet sonusagescolaire.Centrésur le manuelce rapport n’étudie pasl’ensembledessupportspédagogiquesen usage danslesclasses sinonquand ils jouent un rôle de substitution. Cependant ledéveloppement accélérédes technologies de l’information et de lacommunicationconduit nécessairementà s’interrogersur l’avenir du manuelscolairetant danssaformeque danssoncontenu.

La finalité decerapportestdeproposerun diagnostic d’ensembleetnon d’établir un palmarès. C’estla raison pour laquelle les exemples sontanonymes :aucunemaisond’édition n’estcitée.


Le manuel dans l’institution scolaire

La situation française, comparée à celle d’autres paysdémocratiques,est paradoxale. La France a une conception fortementcentraliséeet impérative des programmes.Une des fonctions des corpsd’inspection est de veiller à leur stricte mise en oeuvre. Maisles éditeursinterprètent les programmesentoutelibertéet lechoix du support pédagogiqueessentielque représente lemanuelest de la responsabilitédu professeur.Cesprincipesont plus d’un siècle, ils datent des débutsde l’affirmation de laTroisièmeRépubliqueet n’ont étéremisen causeque parle régimede Vichy.Lesprogrammessont nationauxet obligatoiresparce que leprincipede l’égalitéd’éducationest fondateurdesinstitutions ;le choix desmanuelsest confié auxenseignantscommeun symboledeleur liberté pédagogique.

L’école primaireLescommunesfinancentles crédits pédagogiquesalloués aux écoles

primaires.Le conseil d’école décidelibrementde l’usagede cescréditset doncde la part consacréeà l’achatdesmanuels.Cette part, trèsvariable,dépasserarement 20 % de leur montant total Lesécolesconserventdes stocksdemanuelsde générationsdifférenteset les changementsde programmes neprovoquentpas toujoursautomatiquementleur renouvellement.L’enquêteportantsur 1 000classesdotéesde manuelspermetde constater que,plus dedeux ans aprèsla mise enplace des nouveaux programmes(1995), 17 %seulementdesmanuelsde françaisutilisés sont éditéspostérieurementà cettedate. Le pourcentageestun peu plusimportantenmathématiques (26%) et enlanguesvivantes(35 %) dont l’enseignementa étéintroduit récemment.Danslesdeuxtiers des écolesobservéeschaquemaîtrechoisit seullesmanuelsqu’ilutilise. Les parents nesontjamaisconsultés.

Le collège et le lycéeAu collègel’achat desmanuelsestpris en chargepar l’Etat. Il peut

arriver que,en raison de créditsjugésinsuffisants,une disciplinene bénéficiepas d’unrenouvellementdesmanuelsmalgréun changementde programme,mais cette situation resteexceptionnelle.Cependantil faut mettre à partl’éducationcivique,dontlesmanuelsnesontmisà la dispositiondesélèvesquedansmoinsd’un collègesurdeux.Leplus souvent,le centre de documentationet d’informationgèrel’achat etla distributiondesmanuels.

Au lycée,la liste deslivres obligatoiresestfournie auxfamilles. Leproblèmedes coûtsn’intervient pratiquementjamaisdans leschoix.


Réglementairement,au collège comme au lycée, le conseild’enseignement,qui réunit sous la présidencedu chef d’établissementlesprofesseursd’une même discipline, délibère sur le choix des manuels.Lespropositionsde ce conseilsontsoumises,pour avis,au conseild’administrationde l’établissement. Les textes réglementairesconseillent aux enseignantsd’adopter le même manuel pour un niveau considéré.Pratiquement,lesprofesseursdéterminentleur choix en comparantles spécimensgratuitsqu’ilsreçoivent des éditeurs, leplus souvent par l’intermédiaire du centre dedocumentationet d’information de l’établissement.Il est rare que le conseild’administrationsoit réellementconsulté ;lesélèveset leursparentsnedonnentdoncqu’exceptionnellementleur sentimentsur lesdécisionsprises.

Au collège comme aulycée les enseignants exigentparfois desachatscomplémentaires.La pratique est habituelle en languesvivantes oùl’usage d’uncahierd’exercicesest la règlequasigénéraleau collège.Pochettesd’exercices, cahiersde travaux pratiques,fiches méthodologiquess’ajoutentquelquefoisau manuel,tout particulièrementdans lessériestechnologiquesetprofessionnelles.

Les éditeurs et le ministèreLe ministèrede l’éducation nationalea desrelationsrégulièresavec

le syndicat national des éditeursscolaires. Il informe les éditeurs deschangements des programmes, quiréglementairement doiventêtre publiésquatorze moisavant leur mise en applicationafin de laisser aux éditeursuntempssuffisantpourconcevoiret fabriquerles livres.Des rencontresinformellessont parfois organiséesentre les éditeurset lesresponsablesde la conceptiondes programmes(groupes techniques disciplinaires), afin d’expliquer lesobjectifs et les finalités desprogrammes.Récemment unaccord contractuelentre le ministère (direction de l’enseignementscolaire)et le syndicat deséditeursa abouti, pour lesmanuels dequatrième,à déciderqueseuls pourraientêtre acquis par lescollègesles livresrépondant àdeux exigences :un grammagede papier ne dépassantpas 70 grammes,des reliures brochéeset non pluscartonnées.La finalité decettedécisionestd’alléger lepoids descartables.Ellen’intervient donc pas sur le contenu des manuels. Son importancedoitcependantêtresoulignéepuisqu’elle contraintleséditeursà seconformerà unenorme.

Intervient également Savoir Livre qui se présentecomme une« associationsans but lucratifréunissantdivers acteursdu systèmeéducatif ».Cette association,qui a les mêmesbureauxet le même secrétariatque leSyndicatprofessionnel,esten réalitésafaçadela plusvisible. Elle est contrôléepar les éditeurs lesplus importants.Elle organise colloqueset groupesderéflexion et collaborevolontiersavecle ministère :SavoirLivre est coéditeur,avec le Centrenational de documentationpédagogique,des programmesdel’école primairede 1995; elle collaboreavecla directiondes lycéeset collègesen 1996 pour éditer et diffuser une brochurede douze pages « choisirunmanuel,un enjeupédagogique». Ainsi, leséditeurs,dont on sait quebien peudorénavant sont indépendants desdeux grands groupesqui se partagent


l’essentiel du marché, disposent-ilsd’un syndicat professionnel et d’uneassociationà laquellele ministèren’hésitepasà faire appelpour financertelleou telleopération oudiffusertelle outelle publication.

Les conséquences decettesituation d’ensemblepeuventêtre ainsianalysées :

• Les éditeurs recherchent naturellement, en priorité,l’adhésion des enseignants prescripteurs ; les manuels sontdonc conçusen fonction desvoeux des professeursplus qu’enfonction des souhaits de l’institution ou desbesoinsdes élèves.

• La distribution massive de spécimens gratuits(une grandemaisond’édition offre chaque année entre 500 000 et1 000 000de livres aux enseignants) alourdit nécessairement leprix desmanuels. Elle met à la disposition des enseignants unconsidérable matériau pédagogique qui risque de nepas lesinciter à aller, pour préparer leur enseignement, auxsourcesmêmesdu savoir.

• Les récentes consultations desprofesseurs du second degrésur les programmes ont contribué à les familiariser avec lestextesofficiels, les manuelscontinuent cependantà représenter,pour la majorité de cesprofesseurscomme pour les maîtres duprimaire, l’expression même des programmes, d’autant plusque la parution des documents d’accompagnement (seconddegré) destinée à expliquer les finalités des programmes etàaider lesenseignants àles mettre en oeuvre,a été tardive et leurdiffusion inégale.

• La puissance des éditeurs scolaireset l’efficacité de leuraction risquent, dans le systèmeactuel de totale liberté, depriver le ministère de tout rôle dans l’orientation des supportspédagogiques en usage dans les classes. Autrement dit, lanorme pédagogique est élaborée par les éditeurs encollaboration avec certains acteurs de l’institution.


Le manuel, descriptionLes éditeursmaîtrisent parfaitement la fabrication d’un produit

complexe. La comparaison avecdesmanuelsd’autres paysfait apparaîtrelaqualité technique desmanuels français: maquetteimaginative,abondanceetqualitédel’illustration.

L’offreLa situation est très différente selon le niveau et la discipline

considérée.

En français,pour lecycle III niveau 3 de l’école primaire,on peutestimerque 70 à 100manuelsdifférentssontactuellementsur le marchédontuneminorité seulementestpostérieure auxprogrammesde 1995. Cesmanuelssont organiséscommerecueilsde textes, d’exercicesou spécialisésdansunsecteur(grammaire,vocabulaire...).Certainséditeursproposent aussiun manueluniquequi s’efforcede regrouper lesdifférentescatégories.En mathématiquesunedizaine de collections ont étémises surle marchédepuisla parution desnouveaux programmes. L’offre est moins importante pour les autresdisciplines :six collectionsen « scienceset technologie» par exemple.Le plusgrandnombredesmanuelsdu primaireest accompagnéd’un livre du maîtreetsouvent d’uncahierd’activitéspour lesélèves.

La situation au collège et au lycée est différente. L’offre estnaturellement d’autantplus importanteque lepublic visé est nombreux. Encollège,pour le français,les mathématiques,l’histoire-géographie,les sciencesde la vie et de la terre,la physique-chimie,l’anglais,lesenseignantsont lechoixentre 5 à 8 manuelsdifférents. L’offre estun peu moins importanteen lycéemaiselle reste de l’ordrede 4 à 6 manuelsdifférentspour cesmêmesdisciplinesdegrandediffusion. La situationet bien différentepour les languesautres quel’anglais. L’offre est faible, voire nulle pour leslanguesrares,ainsi que pourcertainesspécialitésen lycéeprofessionnelou pour certainesoptions.Dansdenombreux cas, le professeur doitdonc utiliser et adapter un manuelcorrespondantà d’anciensprogrammesou conçu pour un autre niveau. Leréseaudu Centre national de documentationpédagogiquesuppléesouventl’absence demanuelsen publiant différentsdocuments avecl’aide des corpsd’inspection.

Le manuelest rarementproposéseul. Gravitent autour de lui denombreux produitsauxiliaires.Ainsi en anglaisau collège,un éditeur proposeun cahierd’exercices,un fichier d’utilisation, des cassettes audio pourla classeentière, des cassettes audiopour lesélèves,des CD pour lesélèves,descahiersde vacances, desensemblesvidéo, des « photofiches »,des « aide-mémoire », « faire le point »et mêmeun ouvraged’entraînementdont le titre, «premierenanglais »garantitl’efficacité. Au lycéeleparascolaireestessentiellementorientéautour de la préparation aubaccalauréat.Au lycéeprofessionnelles manuels,selon les spécialités,sont parfoiscommunsaux deuxannéesde baccalauréatprofessionnel. Ils sont souvent éclatésen opuscules thématiques,fasciculesd’exercices,aide-mémoire.


L’offre de manuelsest doncnaturellementsoumiseà une logiquecommerciale.

Les auteursII n’a pasétépossibled’établir unestatistique préciseconcernantles

auteurs demanuels, d’autant plus que la fonction indiquée est souventtrompeuse : tel ou tel«professeuragrégé» exerceparfois, en réalité, lesfonctionsd’inspecteur pédagogiquerégional.Certainsauteursne sont identifiésque par leur nom sansaucuneindication de leur fonction. Il est cependantpossiblede soulignerquelquestendances.

Chaque manuelest engénérall’oeuvre d’un collectif de 3 à 12 ou15 auteurs.La moyennes’établissantautourde 4 à 5. Les auteurssontplusnombreuxen lycéeoù l’on fait volontiersappel à des spécialistesde telle outelle partie du programme.Le plus souvent les éditeursrecrutent desprofesseursdesécoles,de collègeou de lycée,selon le niveau considéré,quisont encadrésparfois, et surtout pour lelycée, par desuniversitaires,plusfréquemment par des membres des corps d’inspection, inspecteurs del’éducation nationalepour l’enseignementprimaire et le lycée professionnel,inspecteurs pédagogiquesrégionauxpour le collège et le lycée. L’inspectiongénéraleest présentede manièretrès inégale selon les disciplines. Certainsgroupes sonttotalementabsentsdesmanuels,parfois parsouci déontologique,afin de conserverleur pleinelibertédejugement.Depuisunevingtained’années,ont pratiquement disparulescollections quasiinstitutionnellespilotées par desinspecteurs généraux.Inversementle nombre des inspecteursde l’éducationnationaleet des inspecteurspédagogiques régionauxs’est considérablementaccru.On peutestimerque unquart à un tiers desmanuelscomporte parmileursauteursaumoinsun membredes corpsd’inspection.Si l’on prendcommebaseles corpsd’inspectioneux-mêmes,la participationauxmanuels concerne,selon les disciplines,entre 10 % et 50 % d’entre eux. Enfin, un nombrenonnégligeablede membresdesgroupestechniquesdisciplinaireschargésde larédactiondesprogrammessont auteurs ou co-auteursdemanuels.

Quellessontlesraisons decettesituation ?Lesmembresdes corpsterritoriaux d’inspection sont à même, pensentles éditeurs,d’une part detraduire les finalités des programmes et, d’autrepart, de recruter des auteurscompétents.Les auteursde manuelssont en effet, enmajorité,des formateurs(mission académiqueà la formation despersonnelsde l’éducation nationale,institut universitairedeformationdesmaies), ou desconseillerspédagogiques.Ils sont issus desmilieux qui gravitent autour des corpsd’inspection. Latendancegénéraleest de privilégier les spécialistes de lapédagogie et deladidactiqueet les praticiens de terrain plutôt que lesuniversitaires.Le contenudesmanuelsexpliquecechoix.

La participationdes corpsd’inspection àla confectiondesmanuelsest diversementappréciée.Dans certainscas,elle permet effectivementunemeilleureadéquation des contenusà la lettreet àl’esprit des programmes,maisquelquesmanuels, cosignéspar desinspecteurs,sontloin de cetteconformité,que la fonction semblepourtant garantir.Dans leur très grandemajorité lesinspecteursveillent à ne pasutiliser leur fonctionpour inciter au choix de leurmanuel,maisquellesquesoientles précautionsprises le soupçondemeure.Ce


soupçonest naturellementpréjudiciable à l’exercice dumétier et interdit enparticulier de conseiller les enseignantssur le choix des manuels.Enfin lescharges éditorialesde quelques inspecteurs -en petit nombre il est vrai - sonttellesqu’ellesempiètent nécessairementsurleur tempsdetravail

Le manuel, morphologieLa diversité des manuels est, selon le niveau et la discipline

considérés,extraordinairementgrande.Il est cependant possiblede proposerune description qui rende comptedes caractéristiquesgénérales et del’évolution récente desmanuels.

Une structure complexe

Chaque éditeur souhaite, naturellement,séduire le plus grandnombred’enseignants.Cesenseignantsayant des exigences(et des pratiquespédagogiques)fort différentes,la tendanceest à la multiplication desentrées.Autrement dit, le manuel ne propose pasun exposésuivi et articulé desconnaissancesmais il juxtapose desrubriquesrepérées parun titre, par unecouleur, voire parun logo. Deprime aborddonc, lemanuelse présentecommeun outil ou, plusprécisémentcommeuneboîte à outils où les professeurs,enclasse, lesélèves,en classeou horsde la classe,sont censéspuiser selonleursbesoins.

Cette structurecomplexeest expliquéeà l’élève dans unedoublepage d’ouverture qui doitlui permettrede s’orienter. Cette organisationenrubriques imposeà l’éditeur de construire une maquetterigide. De trèsnombreuxmanuels del’écoleprimaire,du collègecommedu lycée, fonctionnentsur le modèlede la doublepage.Une desdeuxpagesest consacréeà l’exposédes connaissances,en vis-à-vis l’autre page prolongeet illustre le cours,proposedocuments,expériences, exercices.La doublepage doit formerun tout.Chaquechapitreest composéd’une ouverture(qui le plussouventillustre ousensibilise),d’un certain nombre de doubles pageset d’annexesoù sontregroupés exerciceset documentscomplémentaires.En troisième comme enterminale de nombreuses pagesproposent des exercicesd’entraînementàl’examen.

Chacun des chapitres d’un manuel récent de mathématiques(collège)juxtaposeainsi :

• une page d’ouverture (titre,objectifs,illustration)

• des pagesd’activités

• une rubrique : « l’essentiel»

• des pages «savoirfaire »

• des pages «approfondissements »

• unerubrique«document»

• unerubrique« mots clés »

• unerubrique« QCM »


• desexercicesd’entraînement

• desexercicesde synthèse

L’exemple est certesextrêmemais il dit bien une tendance.Lesauteursdemanuelsdoivent donc sesoumettre aux contraintesd’une maquettepréétablie.

Des manuels « attrayants» :la couleur et l’image

Quelle que soit la discipline ou le niveau considéréles éditeursproposentdesmanuels oùtout estmis en oeuvrepour intéresseret retenirlesélèves.Ainsi multiplie-t-on les imageset utilise-t-onla couleur. Iln’y a plusdemanuels ennoir et blanc. Les images sont parfois desdocuments,desphotographiesd’expériences,desscènespermettantde comprendreun textedelanguevivante.Ellesont alorsunefonction pédagogique.Dans d’autrescaslesimagespeuvent avoirunefonctionuniquementdécorative.Ainsi dansun manueldefrançaisune photo (nonidentifiée) dela grandescène du bal duGuéparddeVisconti illustre un texte d’Oscar Wilde. Les très fortes contraintesde lamaquetteexpliquent la présencefréquented’images simplement destinéesàcomblerun vide.

Lesmanuelsdel’écoleprimaire commeceuxdu collègesontparfoisenvahispar desimagesàvisée humoristique.Lespersonnagesdebandedessinéemultiplient lesclins d’oeil au lecteur.Au lycéel’image doit donnerses lettresdenoblesseculturelle au manuel. Elle reste très présentemais plus retenue :portraits de mathématiciensouvrant chaque chapitre d’un manuel demathématiques determinale, oeuvres picturales ou paysages dans telou telmanueldefrançais.LesdessinsdePlantusontrarementabsentsdesmanuels degéographie.

La cohabitation d’images récréativesou décoratives avecdesimagesqui mériteraientanalysen’est guèrepropiceàun apprentissageraisonné.Dans lesdisciplinesscientifiquescertainesimagessont de vrais documents,d’autressontdepseudodocumentsscientifiques,dont le moded’obtentionn’estpasindiqué etsanslienavecle contextede l’étude.

La place restreinte des connaissances

L’exposé des connaissancesoccupedans lesmanuelsune placetoujoursminoritaire, quellesquesoientlesdisciplineset lesniveauxconsidérés :au collègelesconnaissancesreprésentent5 à 11 % du volumedesmanuelsdemathématiques,14 à 49 % en français,4 à 10 % en sciencesde lavie et de laterre, 12 à 20 % en histoire et en géographie. Contrairementà ce que l’onpourrait penserla part desconnaissancesn’est pas beaucoupplus élevéedansles manuelsdu lycée. Certes,danscertainesdisciplines,la diversité est trèsgrande: en scienceséconomiqueset socialesle pourcentage variede 5 % à60 %. Maisd’unedisciplineà l’autrela part desconnaissancestourne autourde25 % à 30 %(17 à 32 %en mathématiques,13 à 15 % ensciencesde lavie etdela terre,15 à 25 % enhistoirecommeengéographie). Les pourcentages sontcomparablespour lesmanuelsd’économiegestiondesséries technologiquesetinférieurs pour les manuels en usage dansles classes de baccalauréatprofessionnel.Le contenuet les finalités desmanuels delangues vivantes ne


permettent pasd’utiliser exactementles mêmescatégoriesd’analyse. Nousreviendronssur lesproblèmesspécifiquesqu’ils peuventposer.

Ainsi cen’estpasl’exposédu savoirqui gonflelesmanuels.Réduitsau seul exposé desconnaissances,les épais manuels de terminale necompteraientque de60 à 100pages,bien moinsencorelesmanuelsde l’écoleprimaireet ducollège.

Une placeplus grande faite à la pédagogie

Lesmanuelsréserventdonc,enmoyenne,prèsdetrois quartsde lasurfacedisponibleà desillustrationsdécorativeset gratuites,à des documents(textes ouimages),à des schémasexplicatifs (figures, courbes,diagrammes,organigrammes),et enfin à différentstypesd’exercices.

Le document,écrit ou figuré, est souvent destiné à montrer, àidentifier, à reconnaître(sciencesde la vie et de la terre,physiqueet chimie,histoireet géographie) : une chouette, unepile électrique,le port de Marseille,le portrait de Louis XIV. Il peut aussipermettred’observerles différentesétapesd’une expérience(sciencesexpérimentales)ou faire partie d’un dossierproposant des étudesde cas(sciences économiqueset sociales,économieetgestion parexemple).Cependant,cesdocuments quicontribuentà l’élaborationdu savoirne sont pas toujoursdistingués detextes oud’imagesdont la fonctionest simplementillustrative, voire décorative. Autrement dit,il estbien difficile àun élève deposséder lesclés qui lui donnentla place et le rôle de chaqueélément,dedistinguerl’essentieldel’accessoire.

Les exercices,les nombreuses pages « méthode »,« le point sur»,« savoirfaire », etc...dessinentunepédagogiequi normalement devraitêtre dela responsabilité dumaître. Sauf exception rare, l’apprentissagen’est pasréellementprogressif,il vise l’élève indistinct, supposémoyen. Enfin certainsoutils quasicanoniquesont-ils réellementles vertuspédagogiques qu’onleurprête ? En histoirela « frisechronologique »apprend-elleréellementà l’élève àsituer lesévénementsdans le temps ?Certainsorganigrammescompliquentenréalité cequ’ils sontcenséssimplifier. Cetteinvasiondu pédagogiques’expliqueparla volonté,issuedel’institution, defavoriserle travail autonome desélèves.Elle est contemporaine dela critique virulente du « cours magistral » ets’exprime par la multiplication du mot activités en titre de nombreusesrubriques. L’élève devrait«dialoguer» avecson livre commeil est incité,pendantles heuresd’enseignement,à dialogueravecleprofesseur.

La complexitédesitinérairesproposéspermet-elleréellementunepratique autonomedumanuel ?

Le manueloffre, en effet, enapparencetous leséléments nécessairesà la construction dessavoirs.Il pourrait doncremplacerle professeurpuisqu’ilcontient non seulementle savoir mais aussi son élaborationet même lavérification deson appropriation.


Mais les éditeurs nepeuvent éluder la médiation de ceux quidécident du choix des livres. Les élémentssont donclivrés en mosaïque,juxtaposés.Les élèves ne peuvent,livrés à eux-mêmes, utiliserun outil aussipolyphonique.Le professeur chef d’orchestreretrouve alorssa place et sonrôle : il disposeseuldu fil d’Ariane, un livre du maitrele conseillesouvent surlamiseenordrepossibleet lui fournit lesréponses auxexercicesproposés.Il peututiliser tel ou tel document,commentertel ou tel texte,telleou telleimage, fairefaire tel ou tel exercice. L’ampleurdu livre s’expliqueparla volontéde ne pasimposertrop strictementun itinéraire.

En effet le choixréel s’exprimeplus à l’intérieur d’un mêmemanuelqu’entrelesmanuelsqui - c’estparticulièrementvrai pour lesrécenteséditionsde sixième et decinquième -seressemblentet sontconstruits sur unmêmetypedemaquette.

Une lisibilité incertaine

Dans lesmanuelsde l’école primaireet du collègeessentiellement,maisla tendancegagnelesmanuelsdestinés auxlycéens,il est exceptionnelderencontrerun exposé construitet articulépropiceàunesimplelecturesuivie. Lejeu de la typographie,les caractères gras, lesitaliques, les surlignages,lesencadrés,lesmultiplesrenvoisà l’index, àun document,à uneimage imposentdesallersretours, dessautillements del’attentionpeu propicesà la lecture.

A tous lesniveaux,les maquettes,et enparticulier lajuxtapositionde doublespagesautonomes,n’incitent guère non plusà l’effort d’une lecturesuivie. La doublepage sesuffit à elle même,il n’estplus besoin detournerlapage. Tout se passecomme si les manuels,avec leurs multiples rubriqueséclatées,préparaientàuneculturedu zapping.

• L’offre de manuels est très inégaleselon les disciplines etspécialités. Elle obéit à une logique commerciale. Dans certainscas,l’institution doit suppléer les carencesdes éditeurs

• Les auteurs sont en majorité des enseignants. Laparticipation d’inspecteurs à la confection des manuels n’est pas générale.Elle pose cependant unproblème déontologique.

• Contrairement à une idée reçueles manuels ne contribuentpas à accroître « l’encyclopédisme des programmes ». L’exposé des savoirsne représentequ’une faible part de leur volume (5 à 25 %en moyenne)

• Le manuel en multipliant rubriques et entrées, endéveloppant la pédagogie au détriment de l’exposé des connaissancesn’estplus une référence mais un puzzle, dont seul le maître a les clésd’assemblage.

• Le manuel loin de favoriser la lecture suivie renforce uneculture du zapping.


Les manuels : analyse qualitative

Quellesque soientles disciplinesou les spécialitésconsidéréeslesévaluateurs constatentla qualité techniquedes manuels, plus agréablesàfeuilleter quela plupart de leurshomologues étrangers grâce ausoin apportéàla maquetteet aux illustrations. Les éditeurset les équipes d’auteursqu’ilsconstituent sont de bons professionnelsdu livre scolaire. L’évaluationdescontenusest plus nuancée.Nous avons retenu dansun premier tempslesobservationsqui nous ont semblégénéralisablesafin de dégagerles grandestendances.Nous consacronsensuitedesparagraphesparticuliersaux manuelsde l’école primaire et aux manuelsde languevivante dontles finalités sontspécifiques.Les manuels d’économieet de gestion(voies technologiquesetprofessionnelles),enfin,méritentune étudeparticulière.

Des manuels globalement conformes aux programmes...D’une discipline à l’autre et pour l’essentiel, les erreurssont

relativement rares dans lesmanuels. Certes on pourrait relever, ici ou là,quelques affirmations hasardeuses.Ecrire dans un manuel d’histoire decinquièmeque « lesChrétienscroient en Dieu et en Jésus-Christ »,risque delaisser penser qu’ils sont polythéistes. Mais les approximationssont plusnombreuses queles erreurs. Enphysiqueet chimie,par exemple,il n’y a pasd’erreursscientifiques maisle flou de certainsexposésestmanifeste.

De même, ettout aussiglobalement,lesmanuelssont conformesàla lettre desprogrammes.Les avis sontplusnuancésquantà leur esprit. Leschangementsdes programmesdecollègepermettentd’observerune tendanceàminorer les aspectsnouveauxdes programmeset à maintenirdesélémentsoudes typesd’approche quirappellent les programmes précédents.Ainsi, enfrançais commeenhistoire-géographie,par exemple,lesmanuelsde sixièmeetde cinquièmequi ont connula pluslargediffusion,sontceux qui«oublient »lesinnovationset qui permettentainsi à l’enseignantde perpétuer seshabitudes.Nousreviendrons surcedernierpoint.

... mais où laprésentation des savoirs n’est ni cohérenteni structurée

La critiquela plusgénéraleporte surl’exposédes savoirs dontnousavonsrelevéla faibleplacedans lesmanuels.

En économieet gestion, oùle développementde compétencesprofessionnelles inscritesdans lesréférentielsimposepour leur transfert dansd’autres situations, la mobilisation de connaissances,les savoirsde basejalonnentles étudesdecaset lesdocuments.Cesont donc des «aide-mémoire»qui,surtout pour lesélèvesdeslycéesprofessionnels,rassemblentl’essentiel.Enscienceséconomiqueset socialeslesmanuelsse présententcomme unamalgamededocumentsdivers,la présentationsynthétiquedesconnaissancesest réduiteà


la portioncongrue.Cetypedemosaïquenepermetguèreà l’élève de se référerau manuel pour acquérir des connaissanceset surtout pour structurer sonsavoir.Dans lemêmesens, onregrettele flot de documentsdont l’abondancerend les phénomènesdécrits peulisibles. En mathématiques(collège) l’actedémonstratif,qui estaucoeur desprogrammes,esttrèsmalreprésentédans lesmanuels. Certainsne comportent aucune démonstrationrédigée et mise enforme sinonau détourd’une activité. De mêmeles manuelsde mathématiquesde terminaleS et ES mettenten évidenceles connaissancesfondamentalesminimalesmais celles-cine sontpas structuréesd’une manière perceptibleàl’élève. Le manuel n’est pas un instrument de référence. Làencore lesdémonstrationssont absentesou n’apparaissentque dans les exercices.Cesmanuelsne peuventêtre desinstrumentsde culture puisqu’ilsne s’intéressentpasà la construction des conceptsni à leur progression.En sommeils ont uneplacedans le «consommable »commebanqued’exercices répétitifs.

L’analyse des manuelsde physique etde chimie de la classeterminale S va dans le même sens : les informations scientifiquessontjuxtaposéeset les corrélationslogiques entre les différentesparties sontinsuffisantes.Certes,l’emballageest soigné,maisla fragmentationexcessive del’information d’unepart,l’indéterminationd’un discoursscientifique,dont on nesait s’il est purementdescriptifou logique d’autrepart, ne peuventaider lesélèvesni à structurerleurs connaissancesni à appréhenderlesprincipes deladémarchescientifiqueet expérimentale.

La résistance au changementLes exemplesqui précèdentsoulignentl’insuffisante structuration

dessavoirs, aggravéepar la construction éclatée desmanuels.Ce constatsedouble, pourcertainesdisciplines,d’une incapacitédes éditeursà transformerun produit éprouvémêmequandunnouvelesprit desprogrammesnécessiteuneapprochefondamentalementdifférente. En ce sens,l’exemple des manuelsd’histoire et de géographiedu collègeest significatif. Les programmes,s’ilsn’innovent guère quant aux périodes et territoires étudiés, proposent desdémarchesintellectuellesneuves :ils suggèrentle recoursà desformesde réciten évitantles tentativestrop précocesde conceptualisation ;ils conseillentdefairelire, en liaisonaveclesprogrammesdefrançais,des textes longsau lieu des’appuyersurunemultitude de fragmentsisolés.Les manuelsde sixièmeet decinquième,trop souventperçus par lesenseignants commel’expressionmêmedesprogrammes,reproduisentcependantlesanciennesmaquettes.Les exposésrestent éclatéset un seuléditeur,en sixième,a inséréun cahierreproduisantdesextraitsconséquentsde l’Iliade et de l’Odyssée,de la Bible... Mais, ce manueln’ayantpaseu le succèsescompté, celui decinquièmea vite retrouvé lesvieilleshabitudes. Le même type de remarquespourrait être développépour laprésentation despaysagesengéographie.

D’autresinnovationsnesont guère prisesen compte par lesmanuelsqui continuentà proposer,en histoire commeen géographie,des ensemblesdocumentairestrop éclatés alors que les programmessuggèrent dehiérarchiser,de mettre en évidence,au collège,les documents quel’on peut qualifier depatrimoniaux,de confronterenfin les informationsidentifiées.De mêmeles


programmesindiquent un petit nombrede repèreschronologiqueset spatiauxqui doivent être mémorisés.Le plusgrandnombredesmanuelsn’en tiennentguère compte ounoientces repères dansd’inutilesfrises chronologiques.

Cesdernières observationsconduisentà un constatde portée plusgénérale. Si les éditeurscontinuent à proposer, comme ils l’affirmentconstamment, le produitsouhaité par les enseignantset que cesmêmesenseignantschoisissentde préférenceun produit rassurantqui lesconfortedansleurshabitudes,commentfairepasserl’innovationpédagogique ?

Trois exemples particuliersLes manuels à l’école primaire

Les manuelsrécentsdu cycle III niveau3 sont, dansl’ensemble,conformes aux programmesde 1995; le plussouvent ils pêchent davantageparexcès que pardéfaut.Les erreursou approximationssontrares.

Mais, contrairementà la situationobservée aucollègeet au lycée,de très nombreuxmanuels présents dans les classes ont été rédigésantérieurementà la miseen applicationdes programmesde 1995. L’enquêtefaitapparaître que, pourl’échantillon observé,seuls20 % enmoyennedesmanuelsutilisés sont conformes aux programmesen vigueur. Cequi fait problèmeicic’est la multiplicité desmanuels: de 70 à 100disponiblessur le marchéenfrançais,par exemplesanscompterlesmanuelstrèsanciensparfois exhumésparun maîtredesréservesdel’école. Celan’empêchepas lesenseignantsd’affirmerque le manuel estconformeau programmemême si sa date d’édition estantérieureà celui-ci.

Cepremierconstatestparticulièrementgrave.Il touche l’usagedesmanuelset conduit à s’interroger surl’utilisation par les écoles descréditspédagogiques.Mais il concerne aussil’édition puisqueles manuelsantérieursaux nouveaux programmes restentsur le marché.Cette situation illustre ladifficulté à faire pénétrer, jusque dansla classe, l’innovationpédagogique. Detouteévidencela publicationde nouveaux programmesn’y suffit pas.

Deuxièmeconstatfondamentaldes évaluateurs :ces manuelsdetousâgesconstituentchacunununiversétanche. Autrementdit, aucunlien entreles différentesdisciplinesn’est suggérépar lesmanuelsqui, ainsi, ne peuventêtre une aide pourla pratique de la polyvalence. Cette carenceestparticulièrementgravepour l’apprentissageet la pratique dela lectureet del’écriture auxquelstoutes lesdisciplines devraientcontribuermais l’on peuts’étonnerégalementque lesarticulationsentre l’histoire et la géographienesoientpasmisesen évidence.Les savoirséclatésque proposent lesmanuelsnepeuventcontribuerà la cohérenceglobaled’une formation.Dèsl’école primairelesmanuels jouentunelogiquepurementdisciplinaire.


Les manuels de languesvivantes

Un paragraphespécifique est indispensablepour analyser lesmanuelsde languesvivantes quifournissentles supports pour lesentraînementset les apprentissageset qui sont construits pour proposer une progressionlinguistiquerigoureuse.Outils de culturegénéraleenterminale,lesmanuelssontessentiellementfonctionnelsau collège : l’ensemblemanuel,cahierde l’élève(dont on peut se demandersi l’achat obligatoireest bien conformeau principede la gratuité)et livre du maître constituepour lesprofesseurs des préparationsde coursprêtesà l’emploi qui risquentdelesdispenserdela nécessaireréflexionpour mettre en oeuvre lesobjectifs et les modalitésadéquatesau grouped’élèves dontils ont la charge.La rigidité du produit est-elle,par ailleurs,propiceà la différenciationpédagogique ?Enfin, construitspour l’exploitationenclasse,cesmanuelspeuvent-ilsconstituerdes ouvragesde référencepour lesélèvespuisqu’ils supposentla médiation de l’enseignant ? Certes, certainsmanuelscomportentdu vocabulaire,un précisgrammaticalmais cesélémentssontabsents descahiersd’exercicesdesélèvesqui, d’une classe àl’autre, neconserventdoncpasla trace desacquissurlesquelsilspourraients’appuyer.

L’examendesmanuelsnerévèlepas d’écarts importantspar rapportauxprogrammeset aux orientationspédagogiquesqu’ils préconisent.Mais laconformitéglobaledes contenusdissimuleparfois desdivergences surla partieduprogramme quiconcernela conception de l’apprentissage de lalangueet lesmodalitéspratiques de la «centration surl’élève ». De même la languematernelle,trèsfréquentedans lescahiersd’exercices(exposédesconsignes),est souvent utilisée dans certains manuels pour l’explication de faitsgrammaticauxet la méthodologieet prend une placede plusenplusimportante.Cetteutilisation du françaisa pour objectif d’éviter deplacerl’élève dansunesituation d’échec. Ellepeut êtrecependantà l’origine depratiquesde classepeucompatiblesavecles exigencesd’emploi exclusifde la langueétrangèredanscertaines phasesde la séquence pédagogique.Elle est parfois égalementencontradictionavec lesobjectifs :ainsi, en anglais, latraductionen françaisenbas de page d’une partie du lexique d’un texte alors que l’oncherche àdévelopperchez lesélèvesl’aptitudeà inférer le sens de motsinconnusàpartirdu contexteouparapplicationdesrèglesdecompositionoude dérivation.

Enfin les éditeurs nepourraient-ilspas êtresollicitéspour favoriserle plurilinguisme ? L’institution peut-elle se satisfaire de l’absenceou del’insuffisancede manuelséditéspour certaineslangueset/ou certainesclasses(sixièmeet cinquièmepour deslangues plutôtchoisiescommeLV2 ou LV3,classesdeslycéesprofessionnelspour leslanguesautresquel’anglais) ?

Les manuels d’économieet degestion

Face auxpublicsdeclassesdeplusen plus hétérogènes les éditeurstentent derendrelesmanuelsaussisouplesquepossibled’utilisation. Si l’unedes faiblessesconstatéesest l’insuffisante conceptualisation,on comprendlesuccès descollectionsd’aide-mémoire,pour aideraux synthèsespériodiquesetpour réviser.Faceaux autresressources,la structurationdu savoir doit resterl’atout dumanuel.


Les ouvragesévoluent et nombred’entre eux intègrent déjà unedisquettede travail (avec fichiers, exercices,guide des activités...). Certainséditeurs vontplus loin : ils associentmanuelset cassettes vidéo(« cas » decommunication commerciale, d’entretiensde vente) et même quelquescédéromsdont l’utilisation peut s’adapteraux besoins particuliersdes élèves(gestionsimuléed’une entreprise,autoformationmultimédia à deslogiciels.).Déjà,cettecombinaisond’outils apparaît judicieusepour développerdessavoirscomportementaux(en communication,envente,pour la maîtrise d’uneépreuveorale... ).

La grande variétéde l’offre d’ouvrages, abondantepour lesformations à forts effectifs, plus limitée pour d’autres(par exemple lebaccalauréat professionnel commerce)ne facilite pasleschoix des professeurs :tantôt lesdifférencesde stratégiepédagogiqueréellesontsubtilesà percevoirdepremier abord, tantôtla rareté du manuel conçupour despublics de niveaudifférent brouille la représentationdescompétencesà développer(dansuneclassedéterminée).Celasuppose des professeursbien formésà la didactiquedeleur discipline...

Enfin, ne voit-on pas sedessinerune séparation entreauteurs-concepteurs(maîtrisant remarquablementle fond) et auteurs-guides desapprentissages,plus distants des savoirs ?Il y a là un risque à éviterabsolument: lessavoirs fondamentauxsont indispensablesà la formationcontinue qu’appellentlesévolution demétiers.

A la recherche descohérencesverticale et horizontaleLes manuelssont ainsi faits qu’ils sont conçusexclusivementpour

un niveauet pour unedisciplineet cefaisantrépondent aux pratiqueshabituellesd’enseignement.D’une classe à l’autre le suivi desapprentissageset leurcohérencene sont guère assurés :passant d’unenseignantà un autreet d’unmanuelà un autre,l’élève est ainsi soumisà des logiquespédagogiquesetdidactiques successiveset parfois contradictoires, les acquis sont alorsmalaisémentcapitaliséset valorisés. Remédierà cet état de fait supposerait,pour lesmanuels,plus de cohérencepédagogiqueet, pour lesenseignants,unchoix plusraisonné. Laprise en compte, parlesprofesseurs,de lanécessitédecette constructionverticale dessavoirs,ne pourrait-ellepas être soutenue parl’existence demanuelsdestinés,non pasà un seulniveau, maisà un cycle ?

Les manuels répondent-ils mieux à la nécessaire cohérencehorizontale d’une formationintellectuelle ?La réponseest sansambiguïté.L’analysedescriptive desmanuelsa déjàmisen évidenceun « effetmaquette »qui rendaitleur lisibilité incertaine ;l’approchequalitativeconfirme et renforcece constat.La lecturen’est guère encouragéepar les manuelsalors qu’elledevraitêtreun desobjectifs transdisciplinairesprioritaires.L’exposé des savoirsest trop fragmenté,et les documents proposés sontdavantageconçus(surtoutàl’école primaire et au collège)pour uneexploitation en classeque pourunelecturehors dela classe.En lettres,l’édition d’opusculesd’extraitscommentéset prédigérés, alors quela lecture de l’oeuvre complèteest prescrite parles


programmesdeterminale,démontre jusqu’àl’absurdequetout semblefait pouréviterauxélèvesde lire.

Comment les étudiants pourraient-ils utiliser les manuelsd’enseignementsupérieur alors qu’ils n’ont été habitués qu’àune lecturefragmentée ? Lacomparaisondes manuels de terminale et des manuelsuniversitairespermet de comprendrebeaucoupd’échecsà l’université. Alorsque le multimédiamultiplie les sourcesd’information et de documentation,lelivre nepeutencoreavoirun sensà l’école ques’il resteun livre et s’il enracine,quelle que soit la discipline considérée,l’habitude du discoursraisonné etargumenté.

Les autresexigences transdisciplinairesne sont guèreprises encompte. Au collège, l’éducation à la citoyennetén’apparaît - saufde raresexceptions - que danslesmanuels d’éducationcivique. On cherchevainementdanslesmanuelsdemathématiques,dephysique-chimie,desciencesdela vie etde la terre uneinitiation plus globale à l’esprit scientifique.De même lesmanuelssecontententdejuxtaposersousla mêmecouverturel’histoire et lagéographiealorsquepourtant lesdeuxdisciplinessontenseignéespar lemêmeprofesseur.

Certes,là encore,lesmanuelsécrits pour lesprofesseurs, répondentà leur demande etreproduisentdoncl’étanchéitédesdisciplines.Noussommesbien dansun systèmedont les manuelsfont partie. Forceest cependant deconstaterque lorsque l’institution souhaiteune évolution despratiques,leséditeurs ont plutôt tendanceà renforcer et conforter la tradition quel’innovation.

La perte du sensEn somme, les manuels, tels qu’ils sont aujourd’hui, disent

l’épuisementd’un modèlequi met plus en évidenceles savoir-faireque lescontenus,la pédagogie que lessavoirs.La multiplicationdes documents ou desexercicesde toute naturedispensel’enseignantde la réflexion pédagogique etfait perdre auxmanuels leurrôle de référence.La dilution dessavoirs risqued’être pertede sens. Cerisqueestmultiplié parl’absenced’indicationexplicitesur les finalités desconnaissancesenseignées.Dans cesconditions,les élèvespeuvent-ilsréellement « construireleur savoir » ?

• Techniquement bien faits, dépourvus d’erreurs flagrantes,les manuels respectent globalement,malgré quelques approximations, lalettre des programmes.

• Mais les manuels ne peuvent constituer des livres deréférence pour les élèves parce queles connaissances fondamentales nesont pasprésentées de manière structurée.

• Les manuels confortentles enseignants dans leurs habitudeset ne respectent pas toujours l’esprit des programmes.

• Seuls 20 %, en moyenne, des manuels utilisés à l’écoleprimaire sont conformes aux programmes de1995.


• La plus grande partie des méthodes delangue vivante, aucollège,proposent des ensembles quirisquent de dispenserles professeursde réflexion pédagogique et donc d’adaptation au public qui leur estconfié.

• Certains manuels d’économie et de gestion associent autraditionnel support papier des disquettes de travail, descassettes vidéoetmême des cédéroms. Cette dissociation entre l’exposé des savoirset leséléments qui permettent les activités et l’apprentissage mérite d’êtreétudiée. Dansla mesure oùelle favorise l’individualisation des approchespluridisciplinaires et la professionnalisation elle permet au manuel deseconsacrer à l’essentiel.

• Les manuels, de l’école primaireà la classeterminale, restentfermés sur la discipline et le niveau auquel ils s’adressent. ils n’aidentguère l’institution à prendre en compte les objectifs transdisciplinairesfondamentaux commela lecture et l’éducation à la citoyenneté.


L’usage du manuel

L’évaluation de l’usage du manuel repose, rappelons le, surquelquesentretienset essentiellement,sur une observationdirectedesclasses,l’examendescahiersdesélèveset descahiers detextes. Cetteobservationportesur la présencedu manuel,sur les éléments utiliséspendantla séance,sur lefonctionnementdu manuel commeoutil. Nous avons tenté de croiser lespratiques desenseignants etl’usage réel des élèves (documentation,travailautonomeenclasseet à la maison).Tout autantquel’utilisation du manuelcetteétuderévèle les pratiques pédagogiquesdes professeurs.Elle permet de sedemandersi le manuel,tel qu’il estconçu, répondauxbesoins.

Le manuel à l’école primaireDans les classesde dernière annéedu cycle 3 observées,les

pratiquessont diversesselonlesdisciplines.Quelquesconstantespeuventêtrecependantsoulignées :le manuelestprésent surlestablesdans troissituationssur quatre.Mais il n’est constamment utiliséque dansun quart descas.Lesphotocopiesdistribuées auxélèvesdansdeux classessur trois sont le plussouventassociéesaumanuelmaisdansplus d’une classesurcinq le manuelestabsent et la photocopie constitue le seul support pédagogiqueutilisé.Fréquemment,alors que les élèves disposent d’uneédition ancienne, laphotocopiepermet aux maîtresde proposerdes documents issus demanuelsconformesauxprogrammesde 1995.

En somme, lapratique la plus couranteconsisteà construirelaséanced’enseignement à partirde plusieurs manuels. La photocopie estl’auxiliaire obligé de ce patchwork.« C’est en composantle coursà partir dedifférentsmanuels qu’onrespecte leprogramme» affirme un enseignant.Lesmanuelsconstituentune sortede fil directeurpour lemaître,c’est l’évidenceenmathématiques,en histoire et géographie,mais il ne semblepas êtreun guidepour lesélèvesdansleurs apprentissages.Il est tout à fait exceptionnelquelemanuel soitprésenté auxélèvesqui nesont doncpratiquementjamais initiés àson utilisation pour un travail autonomeen classeou à la maison.Référencepour le maître, le manuel n’est donc qu’un appoint ponctuel dans sonenseignement : enhistoireet engéographieou en scienceset technologieil sertd’illustration documentaire,en mathématiques, derecueild’exercices.

Visiblement,pendantleur formationinitiale, les maîtres ontapprisàconstruiredesséquences,ils n’ont pas apprisl’usagedu manuel,ni le rôle qu’ilpourraitjouer danslesapprentissages.

Le manuel,d’ailleurs,est-ilvéritablement unlivre ?La littératuredejeunesse,présenteà la BCD, estau centrede l’apprentissagede la lecture. Là«devraislivres » permettentde respecterle rythme de chaqueenfantlecteuretde prendreen comptel’hétérogénéité.Il ne semblepas que lesmanuelssoientréellementutilisésainsi.On ne lit pasun manuel, onn’incite pasun élèveà lelire, on leconsulteépisodiquement.


Le manuel aucollègeLangues vivantes

Le manuelet le cahiercorrespondant sont,dansla quasitotalité dessituations observéesen sixième et cinquième,présentssur les tables. Maislecahier - leworkbooken anglais -n’estutilisé quedansla moitié des casalorsqueson achatestpresquetoujoursobligatoire; le pourcentageest comparablepour l’usagedes autres supports(enregistrementssonorescomplémentairesdela méthode et,beaucoupplus rarement,vidéos).La photocopieapparaîtdans20 % environ desséances.Dans 70 % à 80 % des casle déroulementpédagogiqueest «fortementdéterminépar le manuel» ce qui nuit dans40 %des coursà l’authenticitédeséchangeset desactivitéslangagières.La priorité,pour de nombreuxenseignants, estplus de réaliser les tâchesou exercicesprévus par les auteursdu manuelquede créerdansla classelesconditionslesplus favorablesà unecommunicationauthentique.Le manuel estalorsressenticommeprescriptif et, pourbeaucoupd’enseignants,il est l’expressionmêmedesprogrammesofficiels. La tendanceest donc d’essayerd’aller le plus loinpossibledans lemanuelmaisil n’est pasrarequesonderniertierssoit méconnuou même ignoré.

Les différentespartiesdu manuel sont inégalementutilisées : lesprofesseurs fontappel d’abord aux documents(75 % des séances observées)puis à l’exposition des connaissances(une séance surdeux) et enfin auxexercices(45 % descasenviron). Ils utilisent laterminologiegrammaticaledumanueldans92 % des casen anglaiset seulement29 %en allemand.Cesdeuxpourcentagesrévèlent des pratiquesfort différentesd’une langueà l’autre.L’autonomie desenseignantspar rapportaumanuelest beaucoupplus grandeen allemand qu’en anglais. Cette différence tient-elle à la formation desenseignants et au discoursde l’institution ou s’explique-t-ellepar l’absencedemanuel d’allemandde sixième réellementnouveau depuis la parution desnouveauxprogrammes ?

Si demanière généralele manuelest trèsutilisé en classeil ne sertque dansun tiers descasenvironautravail autonomedesélèves.A la maisonlemanuel est massivement utilisépour les exercices de langueet pourl’apprentissage,moins fréquemmentpour des entraînements linguistiquescomplémentaires (compréhensiond’un texte,rédaction).

Mathématiques

Si tous lesélèvesdecollègedisposentdu manuel demathématiques,ils l’utilisent peu. Seulsun trèspetit nombre d’enseignants(12,5 %) s’appuientsurle manueltout au longde la séance,pourun tiersd’entreeuxl’utilisation estépisodique.Le manuelde mathématiquesest enréalité une banqued’exercicesoù l’enseignantpuise.La référence,en classe,à l’exposé desconnaissancesn’intervient que dans13 % des situations observées.Les élèvessont incités(64% des cas)à utiliser leur manuel à la maison mais il s’agit toujoursd’indiquer des exercices et fort rarement (16 % des cas)de prescrirel’apprentissagedesconnaissances.


Histoire et géographie

Le manuel est présent sur les tables dans la quasi totalité dessituationsobservées.Il est utilisé majoritairementde manière épisodiquededeux à quatre fois dans l’heure, essentiellementpour l’observation desdocuments, commeillustrationou, secondairement, commesupportd’exercices.Inversementla partie «connaissances »estrarementpriseen compteen classe.Dans plusde la moitié des séancesobservées leprofesseurdistribueun ouplusieurs feuillets photocopiés.Ces photocopiescomposent un ensembledocumentaire,unefiche élaboréeparle professeurou reproduite.Le manuelestla based’un travail autonome desélèvesen classedans40 % descasenviron(étuded’un texte, d’uneimage,d’une carte).L’utilisation à la maisonest plusincertaine :le cahierrestele supportessentieldel’apprentissage,il ne comportequ’épisodiquementdes renvois au manueL Le cahier de textes ne prévoitexplicitement untravail oral ou écrit à partir du manuelquedansun tiers dessituationsobservées.

Au collège,le manuel d’histoire etde géographieest une «banquede documents »et secondairement un recueild’exercices,maisle recoursà laphotocopieprouve que,mêmepour cesfonctions,il ne semblepassuffisant.Enfin la partie qui rassembleles connaissancesest très largementignorée etresteleplus souventinutilisée.

Lettres

Le manuel, présentsur les tablesdans75 % des cas,est utilisédemanièreépisodique; dans50 % desséancesles professeursont recours àuntexted’observationalors quela plupartdesmanuelsproposent des textesayantcette fonction. Le plus fréquemmentle professeurmène le jeu pendant lapremière partiede la séance,le manuelest utiliséensuitepour l’acquisition desnotionset surtoutpour desexercices d’application.De mêmepour letravail à lamaison,le manuelest plus unréservoird’exercicesqu’une référencepour lesélèves.Enfin, onpeut s’interroger surla cohérence del’enseignement dispenséquand la majorité desenseignantsreconnaissentque leur coursest fondé surplusieursmanuelsdont les approchesthéoriqueset didactiques peuventvarierou s’opposer.

Sciences dela vie et de la terre

C’est sans doutedans cette discipline que le manuel joue, aucollège,le rôle le plusfaible. Il n’est présentsur lestablesque dans30 % desclassesen sixième et 20 % en cinquième et son utilisation reste toujoursépisodique.Les véritables supportsdu travail en classesont construits par lesenseignants.La photocopieestprésentedans85 % des séances observéesensixième et cinquième (exercices, documents complémentaires..) ; lerétroprojecteurestd’usagecourantdemêmeque lesmoyensaudiovisuelsenfinle matérielconcret,support dutravail d’observationet d’analyse,est une desrèglesdel’enseignementdecettediscipline.

Quandle manuelest utilisé c’est davantagepour lesdocuments,exerciceset activitésqu’il propose. Lesprofesseursincitent peu à l’usagedumanuelà la maison.


Le manuel au lycéeSi la très grandemajoritédesélèvesdisposentdumanuel, sonusage

est beaucoupplus intermittent qu’au collège. En mathématiques,la partie« connaissances» du manueln’estutiliséeen classequedans10 % desséancesobservées.De mêmelesélèvessont peuincitésà travailler àla maisonà partirde leurmanuelen dehors desexercices. Fréquemmentles professeursutilisentun autremanuelpour proposer desfiches, desactivités ou des énoncésdeproblème. En mathématiques,le manuel n’est pas considéré comme uneréférencepour l’élève. En physiquecomme en chimie la séquencedu coursignore le manuel,massivementutilisé comme sourcesd’exercices,en classecommeà la maison.Son rôle dansl’apprentissagedesconnaissancesapparaîtfaible. De mêmeen sciencesde la vie et dela terrele manuelestessentiellementutilisé pour lesensemblesdocumentairesqu’il propose.

La situationest unpeudifférentepour lessciences économiquesetsociales. Plus de quatre professeurssur cinq respectent l’esprit del’enseignementde la discipline en construisantla séquenced’enseignementàpartir de supports documentaires,selon le principe d’une pédagogie àdominanteinductive, les phases de « coursmagistral » étant limitées à unerécapitulation del’essentielà retenir.La trèsgrandemajorité d’entreeuxpréfèreélaborersonpropredossierdocumentaire,commesupportdel’enseignementetn’utilise le manuelquecommesupportannexe.Un professeur,seulement, surcinq préfères’appuyer surlesdocumentsdu manuel.

La situationestcomparableenhistoireet géographie.Le manuelestmoins systématiquement présentsur les tables qu’en collège (65 % dessituations observées contre plusde90 %aucollège)et sonutilisationen classeestpresquetoujoursépisodique.Les professeursde terminalemettentleur pointd’honneurà fournir à leursélèvesun courscomplet, baccalauréatoblige, et lerecours aumanuel porte quasi exclusivementsur sa partie documentaire.Cependantla fréquence dela photocopie(deux tiers dessituations observées)démontreque lesenseignantsne sesatisfontpas desdocuments,pourtantdiverset nombreux, proposés par lesmanuels.Enfin il estsignificatif que lecahierdetextes ne comporteaucunrenvoi au manueldans près destrois quarts dessituations observées.

En lettres,en classeterminale,quatre oeuvres sontauprogramme,les élèves disposent pratiquementtous du texte complet en classe etl’enseignementdispenséreposeessentiellementsur le textemêmede l’oeuvre.L’appareil critiqueestplusrarement utiliséquecesoit en classeou à la maison.L’usage des ouvragesparalittéraires,qui accompagnentrégulièrement lesoeuvres inscritesau programme,n’est conseillé aux élèves que de façonminoritaire, mais l’enquêterévèle que ceséditionsparascolairessont l’appuiessentieldela préparation des cours dans lesdeuxtiers dessituationsobservées.Encoreun exempleoù lemanuelest plusuneréférencepour leprofesseurquepour lesélèves.


Il ne semblepas quel’usage du manuelprésente des caractèresspécifiquesdans lessériestechnologiquesou les lycées professionnels.Ensciences ettechniquesindustriellesils sontpeuutilisésen classe.D’une manièregénérale,ils sontconsidérés commeun complémentutile maisnon exclusifducours. En revanche,on constateune très forteexploitation de documentsphotocopiésdeplus oumoins bonnequalité.Oninvoquesouventle coût decespublicationset la gêne financière des élèveset de leur famille. S’il s’agit,effectivement,d’un élémentimportant, d’autresfacteurs sont, néanmoins,àprendreen compte.L’absenceinitiale de manuelsn’a paspermis deformer lesenseignants à leurutilisation et a conduit à les inciter à créer leurs propressupportsd’enseignement.Lesprofesseurs n’ontpas prisl’habitude d’exploiterun livre et préfèrentcréer leurs propresdocumentsphotocopiés,souvent, àpartir desouvragesexistants.

Les constatssont comparablesenéconomieet gestion.La formationdes enseignantsest insuffisante. Une double dérive est souvent signalée :certainsenseignantsnégligenttotalementl’usagedu manuelalors que d’autresenfont uneutilisationlinéaireetpassive.

Enfin la situationenphilosophieesttouteparticulière.Lesmanuelsexistent, sous diverses formes (cours suivi ou anthologies de textesphilosophiquesessentiellement)maisils sontdéconseillés,par principe,par lescorpsd’inspectionqui seréfèrentaux instructionsde 1925 (« l’usage dumanuelnesaurait,enlui-même,constitueruneméthodeacceptable.A s’abriterderrièrele livre, le professeurperdraitson autoritéen abdiquantsapersonnalité...»). Iln’estpaspossiblede préciserdansquellemesure cesconseilssontsuivis.

En terminale l’obsessiondu baccalauréatpèse à la fois sur lesmanuelset sur les pratiquesd’enseignementdesprofesseurs.Les nouveauxmanuels d’histoire et de géographie consacrent une large place à laméthodologiedes épreuves(jusqu’à 15 à20 % de l’ensembledumanuel).Maiset pas seulement dans ces disciplines, les approches méthodologiquesapparaissentdéconnectéesdescontenus du savoir.Il s’agit le plus souventdesavoir faire non hiérarchisésqui ne permettent aucuneprogressivité desapprentissages.Lescompétencesévaluéesaubaccalauréatnesont pas abordéesgraduellement.Cette partie desmanuelsdeterminalene s’adresse-t-ellepas,enréalité,davantageauxenseignants qu’auxélèves?

L’enquêten’a pas permisde quantifieravecrigueur l’utilisation destrès nombreuxpetits opusculesspécialementdestinésà la préparation dubaccalauréat.Tout indique cependantqu’elle est massive.Quand vient lemoment de rassemblerles connaissancesd’une manière systématiquelesmanuels,trop épaiset trop complexesdansleur structure,ne conviennentpasaux besoinsdesélèves.Lemanueltel qu’il estnourrit leparascolaire.


La photocopie concurrentedu manuelLa multiplication des photocopiesest soulignée par tous les

observateurs.Rares sont lesclassesoù lesélèvesnebénéficientpasd’un ou deplusieursfeuilletspar séance.Cesphotocopies,on lesrencontrepartoutsur lesmurs de classe,à l’école primaire,soigneusementcollées sur le cahier ouenvrac dans lesclasseurset mêmeau fonddu cartable.

Certes, lesconditionsde l’observationpeuvent, sur ce point, enbiaiser les résultats. La présence d’un inspecteurn’incite-t-elle pas lesenseignantsà multiplier les signesdémontrantl’ampleur et la qualité de leurtravail ? Pourvérifier la réalité de cetteinflation de photocopiesl’enquête adonc porté sur le total annuel d’un certainnombre d’établissements.Lecroisement des différentes donnéespermet de chiffrer, toutes disciplinesconfondues,le nombrede feuilletsphotocopiéspar élèveet par an.

Quel que soit le type d’établissement,le nombre varie de 300feuilletspar élèveet par an à 1 000et parfois davantage.La fréquencela plushabituellese situe autourde la fourchette600 - 700, soit 15 à 20 photocopiespar élève et par semaine,et prèsd’unephotocopie,en moyenne,par heuredecours.

Le tableauci-dessousreproduit la consommationde photocopiesd’un collègedel’académiede Poitiers.L’enquête prouvequecet exemplepeutêtre transposé pour les écolesprimaireset pour leslycées.Certainsévaluateursnotent cependantque quelquesétablissements luttentcontre cetteinflation etparviennentà stabiliservoire parfoisà inverserla tendance.

Toutes lesdisciplines sont consommatrices,de manièrevariabled’un établissementà l’autre, et il n’est paspossibledeproposer unerépartitionmoyenne.Notonsseulementque lesmathématiquessemblentmoinsutiliser laphotocopie que les autresdisciplines.

Cevolumede connaissances,de documents oud’exercicess’ajouteau cahier etau manuel. Certes, lesfeuillets photocopiés sontle plus souventutilisés en articulation avec lecahiermais le manuelreste isolé et n’est pasréellementintégré,Sinon par morceaux,aux stratégiespédagogiques.Ce queconfirme l’examen de la nature des photocopiesutilisées. Elle peut être


approchéeà partir de l’exemple du français. L’analysedescahiersde textespermetdepréciserla répartitionsuivante surunetrentaine d’observations :

Transposée,cetterépartitionpourrait êtreobservéedansd’autresdisciplines.En histoireet géographie, parexemple,les photocopiespermettentdesmontages documentaires(le plus souventà partir d’autresmanuels),lareproduction de fonds de cartes, mais aussi l’élaboration de fiches oud’exercicesélaboréspar leprofesseur.Enmathématiquesil peuts’agirde fichesméthodologiquesmais,plussouvent,d’exercices.En sciencesde la vie et de laterrel’usagede la photocopieest la règle : les travaux pratiquesen classedeterminalesont fondéssur desfiches qui imposentune démarcheaux élèves.Parfoismême,la photocopieremplacel’enseignementexpérimental véritable.Faut-il ajouter qu’une part importante deces photocopiesest illégale ? Lesphotocopies sont moinsnombreusesen languesvivantespuisque l’ensemblemanuel-cahierpermetla « mise enactivité » des élèves.C’est en effet cettefinalité qui estvisée.

Les enseignants, lesélèveset le manuelLes résultatsde cette enquêteprouventqu’il n’est pas possible

d’isoler un desélémentsde l’analyse.L’étude des usagesdu manuel montreque, telsqu’ils sont, ilsrépondenteffectivementaux souhaitsqu’exprimentlesenseignants.L’évolution des pratiquesd’enseignementest alléedu mêmepasquel’évolution desmanuels.Lesenseignantsont souhaité« mettre lesélèvesenactivité »,l’institution a dénoncél’encyclopédismeet soncorollaire supposé, lecours magistral ; les éditeurs ontconstruitunproduit conformeà cesattentes.La cohérencedes savoirsestpasséeaudeuxièmeplan alors que semultipliaientillustrations,exercices,documents, étudesdecas.Danscertainesdisciplines,parexemple enanglaisau collège, le manuel et ses complémentsproposent ledéroulementmêmedu cours,en mathématiqueslesexercicesont envahila plusgrandepartiede l’espace,en scienceséconomiqueset sociales sont juxtaposésleséléments dela construction dusavoir.Le paradoxerésidedans lefait quelesenseignants,alors qu’ils disposent d’unoutil complet, estimentindispensabled’en construireun autre. Sansdoute, certainsélémentsde l’enseignementdispensésont empruntésaumanuelmais,aucollègetout aumoinset sauf sansdoute en languevivante, les enseignants utilisentdavantagedes documentsphotocopiéssouvent empruntésà d’autresmanuelsou desfiches et ignorenttrèsgénéralementla partie « cours»dumanuel ;ils élaborentun « résumé» que


les élèvesreproduisentsur leur cahier. Il est rare quele cahier soit conçucomme complémentairedu manuel,auquelle texte proposé parle professeurnerenvoiequ’exceptionnellement.

L’analyse permet donc un double constat d’apparencecontradictoire :

- les manuels, qui comportent tous les élémentsnécessaires àl’élaboration d’une séanced’enseignementen multipliant les possibilités demettre les élèvesen activité, sontbientels quelessouhaitentlesenseignants

- les manuelscependant,saufen languesvivantes aucollège,sontsoit ignorés,soit utiliséscommeune simplebanque dedocuments,d’exemplesou d’exercices.

La contradictionn’est qu’apparente: les enseignantsreconstituentun autre manuelpour manifester leurautonomieet faire la preuve de leurtravail. Donner valorise celui qui donne.Les photocopiessont donc là pourtémoignerdela qualitéduprofesseur.Mais en reconstituantun autremanuel,ilsdémontrentque lesmanuels incarnentbien la pédagogiequ’ils souhaitent.Letravail del’enseignantet le manuelsevalidentainsil’un l’autre.

Pour les enseignants,le manuel est tout à la fois inutile etindispensable; c’est cequ’expriment lesprofesseursdessciencesde la vie et dela terre quireconnaissentla qualitédesmanuelset déclarent nepas pouvoirs’enpasser maisaffirment que «l’investissementmanuel n’est pas rentable ».Construitspour servir de modèle pédagogique,de banquede documentsetd’exercices,lesmanuelssontbeaucoupplus utiliséspar lesenseignantsque parlesélèves.La confrontationdesmanuels,dans lemeilleur cas,et plus souventlajuxtapositiondemorceauxdemanuels,est devenuela baseessentielledes coursdispensésdans lesécoles,lescollègeset leslycées.Maisquece soit enclasse ouà la maisonles élèves n’ontqu’un usagefragmentairedu manuel.Lesmanuelssont devenus desréférencespour lesenseignants,ils ne sontpour lesélèvesnides ouvragesderéférenceni mêmede simplelecture.

• A l’école primaire, au collège et au lycée les manuels sontessentiellement utilisésen classecomme ressource documentaireou banqued’exercices. En langues vivantes cependant, au collège, le manuel apparaîtcomme leguide, très prescriptif, du déroulement dela leçon.

• Le cahier de textes ne porte qu’exceptionnellementla traced’une incitation à utiliser le manuel hors de la classe, si ce n’estl’indication d’un exercice.

• La partie « exposédes connaissances » des manuels n’estpratiquement jamais utilisée, ni en classe, nià la maison.

• En terminale, le manuel est le moins utilisé des outils quisontà la disposition desélèves pourla préparation de l’examen.

• La pratique majoritaire des enseignants est d’élaborer « unautre manuel » en juxtaposant leur cours, reproduit sur le cahier par lesélèves et des documents, des fichesméthodologiques ou des exercicesphotocopiés.


• Les élèves sontainsi en possession, quel que soit leniveauconsidéré de 500à 700 feuillets photocopiés chaque année, soit près d’unephotocopie, en moyenne,par heure de cours dispensé.

• En majorité, les enseignants élaborent leurcours en utilisantplusieurs manuels qui constituent le plus souvent pour eux l’uniqueréférence scientifique. Mais, pour l’élève, le manuel n’apparaît ni commeune référenceni mêmecomme unlivre de simple lecture.


Le manuel dansl’établissement

Le choix des manuelsL’enquête confirme que le choix des manuelsest réalisépar les

équipesdisciplinaireslors desconseilsd’enseignement.Il est rare quece choixs’appuiesur une étude comparativerigoureuse,saufusage - exceptionnel -d’une grille d’analyse.Le choix se fait le plus souventpar sélectionnégativepuis parconjonctionde préférences ;il porte en généralsur le manuel le plusrassurant,celui qui perpétue leshabitudesacquises.Le manuel est choisiessentiellementen fonction de l’usage souhaitéen classe,l’éventuel travailautonomede l’élève à partir du manuel n’est pratiquementjamais pris encompte. Ce constatconfirmela conclusiondesobservations effectuéesdanslesclasses.Enfin les critèresdu choix sontexclusivement disciplinaires.De l’écoleprimairejusqu’aulycée,il ne reposejamais suruneréflexionglobaleà partir desbesoins desélèves.

Le chefd’établissementet le documentalisteassistentparfoisà laréunion du conseil d’enseignementmais ce n’est pas la règle générale.Leconseild’administrationentérinequelquefois,maissans débat, lesdécisionsdesconseilsd’enseignement.Il estvrai quecesdécisionssont tardives(juin), dansl’attente des derniersspécimens.Au lycéeil est fréquentquela liste distribuéecomporte, pourplusieursmatières,la mention« attendrela rentrée ».

Avec quelques exceptions notables (quatremanuels dephilosophiedifférentspour cinq enseignants d’unmêmelycée...)les professeurss’entendentpour choisir le même manueL Le documentalistejoue souvent le rôled’intermédiaireentre les éditeurset les enseignants,diffuse les spécimensetreçoit les représentants desmaisonsd’éditions.Au collègecommeaulycéeleslistes comportentsouventdesprescriptionsd’achat complémentaires(cahiersd’exercices,pochettesdetravauxpratiques...).

Au collège les documentalistesassurent, sansenthousiasme,lagestiondesmanuels: achat,distributionsaux élèves,récupérationau mois dejuin. Au lycée,les associationsdeparentsd’élèvesorganisent fréquemmentunebourse auxlivres. Le fonds social lycéen estutilisé soit pour verser uneallocation,de l’ordre de 1 500francs,auxélèvesles plusdéfavorisés,soit,plussouvent, pour acheteret prêter lesmanuels.Dans quelquesétablissementsonrencontre dessolutionsplus imaginatives: les parentsd’élèvesd’un lycéeontainsi créé une associationqui achètepuis loue aux parentsles manuelsnécessaires ; pour unesomme qui peutvarierde 100 francs(CAP) à 350 francs(terminalesSTI et STT) lesélèvesdisposentainsidel’ensembledesmanuels.


Le manuel au centre de documentation etd’information

Les manuelssonttoujours présentssur les rayonsdescentresdedocumentationet d’information, maisl’emplacementqui leur est réservérévèlesouventle rôle qui leur est dévolu.Il est rareque lesmanuels soientproposéscommeune sourced’information et de documentationessentielle.L’évaluationconfirme les conclusions del’enquête conduitepar Alain Choppin et YvesHerriou (« Le manuelauCDI : un objet ambigu » Argosn˚ 20 CRDP Créteilpp. 60 - 70) :dansles deux-tiersdescaslesmanuels nesont pasconsidéréscomme des livres et ne sont pas répertoriéset enregistréscommetels. Ilsconstituentdoncune catégorieà part, sont rangésensemble,parfois danslesréserves,toutesdisciplinesconfondues.Danscertainscentres dedocumentationet d’information,c’est l’usageminimum,un manuelestparfoisprêté auxélèvesétourdis. Maisils serventdavantageaux professeursqui les consultentou leur« empruntent »tel ou tel documentou tel ou tel exercice.Les collectionsconservéesaucentrede documentationet d’information permettentégalementdedépannerprofesseursstagiairesou remplaçants.Dansla quasitotalité des casobservés, les manuels représentent, au centre de documentation etd’information, la seule référenceaux programmes.Il est exceptionneldepouvoir y consulter les brochures,publiées par le centre national dedocumentation pédagogique,qui regroupentpour lecollègeou pour lelycéelesprogrammes d’unemême discipline ; la même remarquevaut pour lesdocumentsd’accompagnement. Onconstate donccettesituationparadoxaledemanuels,uniqueréférencevisibleduprescrit,et cependantfort peuutilisés.

Certes,l’anquête révèle aussi,à partir de l’exemple de quelquesraresétablissements,un usagecohérent desmanuelsprésents aucentre dedocumentationet d’information. Encorefaut-il que leséquipespédagogiquesrelaient les initiatives des documentalistesqui ne peuvent, sansl’appui desenseignants,menerseulsunepolitiqueraisonnée.Certains documentalistes,eneffet, sont conscientsde la nécessitéd’une initiation desélèvesà l’usage dumanuel. Ils sontrarementrelayéspar lesenseignantset cetteinitiation, observéeparfois pour lesélèves desixième,resteexceptionnelleetpartielle.

De même,danscertainscentresdedocumentationet d’information,les manuelssontbien considéréscommeune sourcedocumentaire primaire,àlaquelle les documentalistes renvoient en priorité. Mais ils restentinsuffisammentutilisés pour ce qu’ils devraientpermettre :la confrontationd’informations et de documents(images et textes). Il est vrai que laconstructiontoujourscomplexedesmanuelsn’en rendpasla consultationaiséeet les élèves se dirigent plus volontiers vers les dictionnaires ou lesencyclopédies.


En langues vivantes il est rare que les cassettesaudio, quicorrespondentà la méthodeadoptéepar l’établissement,soientlibrement à ladispositiondesélèvesdu centre dedocumentationet d’information.Cela poseune question plusgénérale: lesproduitsparascolairesdoivent-ilsêtre achetéspar les centresde documentationet d’information ?Cela sembleune évidencepour les languesvivantes ;c’est sansdoute plus discutablepour d’autresproduitsqui sont non pascomplémentaires dumanuelmaissessubstituts.

Professeurs,parents et élèvesface aux manuelsLes entretiens conduitsdansles établissementsn’infirment pasles

constatsexposésà partir de l’observationdesclasses.Lesenseignants énoncentdesjugementscontrastéssurla qualité du manuel,maisla satisfaction dominecequi estnaturelpuisquele manuelenusagea étéchoisipareux.Les professeurs,dansleurmajorité,n’ont guèrede réponsequandon lesinterrogesur l’usage dumanuelhorsde la classe et renvoientau documentalistepour l’usage aucentrede documentationet d’information. L’objet est sifamilier que les professeursdoiventfaireun effort intellectuel particulierpour le mettreenperspective.

Les parents nesouhaitentpasintervenirdansle choix desmanuels.Au collègeils s’inquiètentdupoids des cartables ;ils s’étonnentparfois, surtoutau lycée, dela faibleutilisation desmanuelsqu’ils ont dû acquérirpour leursenfantset souhaitentque lesprofesseursindiquent avecplus de précisionquelusage les élèvesdoivent en faire. De manière générale, la trace del’enseignementdispensépar leprofesseurqui figure surle cahierdesélèvesest,à tous lesniveaux duprimaireaulycée,jugée plusimportantepar les parentsque lesmanuels.C’est à partir du cahier,plus quedu manuel,que les parentsvigilants vérifient que les leçons sontappriseset suivent le travail de leursenfants. Quand intervient un jugement critique,il rejoint celui de quelquesenseignants :le manuel esttrop touffu et complexeetne constituepas, pourlesélèves,une référenceclaireet rigoureuse.

Lesentretiensaveclesélèves ontété trop peunombreuxpour quel’on puisseen tirer desconclusionsdéfinitives. De manièregénéralel’intérêtqu’ils portent aumanuelestmince. Quandon parvientà obtenir desréactions(essentiellementau lycée) les élèvesexprimentle besoind’ouvrageslégersetsimplesqui puissent guiderefficacementle travail personnel.Le manuelnedevraitpas être une« redite descours »maisun complémentde ceux-ci.Lesélèvesplaident parfois pour unedistinction plus grande entre l’exposé desconnaissances,les aides à l’apprentissageet au travail personnel et lesdocumentsde référence.A aucun moment,dans lesentretiensle manueln’apparaît commeun livre.


Dans les établissements, l’indifférence au manuel révèlel’absence de réflexion pédagogique d’ensemble

Au seindesétablissementsle manuelne suscitedes débatsque surdes aspectsextérieursà soncontenuet à sonusage.A l’école primaire, aucollège et au lycée on discuteparfois du renouvellementdes manuels.Onchercheaussià encadreret à limiter l’inflation desphotocopies.On tenteparfoisde diminuerle poids descartables, maislessolutionsleplus souventenvisagées(casiersindividuelspour les élèves)risquentde conforterencoreun usagequasiexclusif du manuelenclasse.

La réflexion sur lemanuelet sonusagen’est qu’exceptionnellementconduiteà partir d’une analysedesbesoinsdesélèves.Le constatest certesbanal puisqu’il recoupe de nombreuses observationssur l’isolement desdisciplines et la difficulté à concevoir plus globalement des stratégiespédagogiquesd’appropriationdesconnaissances.Cependant,maisde manièreisolée,on note quelquesinitiatives intéressantes: initiation à l’usagede manuel(essentiellementen sixième),travail guidéà partir du manuelen étudesdirigées,travaildeconfrontationdemanuelsen centrededocumentationet d’information(par exempleen séancede modules).Mais cesinitiatives viennentde quelquesdocumentalistesou de quelquesenseignants, ellesne sont pas lefruit d’unepolitiqueréfléchieet délibérée.

Enfin l’enquêterévèlequel’immensemajoritédesenseignantsn’ontjamaisétéamenésà réfléchir aumanuel età sonusage,enfonctiondesbesoinsdesélèves.En formation initiale, les futursenseignantsapprennentparfois àutiliserdesélémentsdumanuel(documents,images)en classe,ils nesontjamaisconduitsà envisagerglobalementsonrôle. Enformationcontinuelesstagesquiportent surcethèmesonttout à fait exceptionnels.Leséditeursont doncraisondesouhaiteruneformationspécifiquedesenseignants.

• Les établissements maîtrisent bien la gestion matérielle desmanuels maisla communauté éducative ne réfléchit guère à leur rôle danslesstratégies pédagogiques.

• Au centre de documentation et d’information, le manuel est« un objet ambigu ». Sous-utilisé, il n’apparaît pas comme un livre.

• Les élèves, mais aussi les enseignants ne sontqu’exceptionnellement formés à l’usage du manuel.


ConclusionLa crise du manuel

Cette enquêtesur les manuels n’éclaire pas seulement l’objetspécifiquequ’elle avait pour mission d’étudier. Elle révèle un systèmeco-produit par lesenseignants,leséditeursscolaires etl’institution. Elle ne désignedonc pas des «coupables »sur lesquelsil suffirait d’agir pour améliorer lasituation. C’estl’ensembledes supportspédagogiques,et pas seulementlemanuel,qui est en causemaisaussiles pratiquesenseignanteset la pédagogieimplicitementdiffuséeparl’institution.

Lesdifférentspartenairessontd’ailleursconscientsde l’ébranlementd’un modèle.Cet ébranlementa deuxorigines :

- lesmanuelstelsqu’ils sontcorrespondentà desdémarcheset à desméthodes pédagogiquesqui centrentle travail quasiexclusivementsur la classeet mettent davantagel’accent sur« la miseen activités »desélèvesquesuruneréelleappropriationdessavoirs.Lesmanuelsen sontrestésà l’âge de la critiquesystématiquedu « coursmagistral » et ont été conçuspour la miseen oeuvre,en classe,du « cours dialogué ». Mais, paradoxalement,trop adéquatauxpratiques, lemanuel est imité plus qu’utilisé par les enseignantset trèslargementignoré desélèves ;

- le secondfacteurqui expliquela crisedu manuelest l’irruption desmoyensmodernesd’information et de communication,entranten concurrenceavec lesmanuelsalors qu’il faudrait élaborer des ouvrages quileur soientcomplémentaires.

De nouveaux manuels ?

Quelques tentativeset certainsprojetsdémontrentquela réflexionsur denouvellesformesdemanuelesten route.Un éditeur, jusquelà absentdumarché,propose, pourl’école primaire, un manuelqui pourrait être, toutaumoinsdans sesfinalitéspédagogiques,le successeurdu très célèbreTourde laFrancepar deuxenfantsdeBruno,qui a étépendantdesdécenniesdepuisla findu XIXe siècleun deslivres de lecture lesplus répandusà l’école communale.La dimension civique arelayéle patriotismeet on retrouve,rajeunieet adaptéeau monded’aujourd’hui, une formule où un récit suivi est une occasiondecomprendrele monde.Livre de lectured’abord - cequedevraitêtretout livre -le manuel estaussi, chemin faisant, livre de grammaire, de sciences,demathématiques,d’histoireoude géographie.

Un autre éditeur propose pour le grandpublic, ce sontd’abord lesparents quel’on souhaiteséduire,desmanuelsconsacrésà unediscipline et quicouvrent l’ensembledesprogrammesdu collège ou du lycée. Trop denses,encore construitsde manière éclatée,jouant sur de prestigieuses signaturesmédiatiques,il n’est pascertainque cesmanuelssoientréellementutilisablesparlesélèves.


Mais quellequesoit leurvaleurintrinsèque,cestentativesvont dansle bon sens :l’une en recherchantla cohérencehorizontale,l’autre la cohérenceverticaleauseind’unemêmediscipline. Ce sontbien cesdeux directionsqu’ilfaut exploiteret explorerconjointementen construisantdesmanuelsqui, d’unepart, ne seraientpas clos surune seule disciplineet, d’autrepart, pourraientconstitueruneréférence.

Il reste sansdouteencoreà inventer,selonlesniveaux,desformesd’écriture accessiblesaux élèves. Laréflexion sur la lecture est au coeur detouteréflexion surlesmanuels.

Manuel et multimédia

Si tout au moins dans certainesdisciplines (languesvivantes,histoireet géographie,sciencesde la vie et dela terre,parexemple)l’utilisationdu son et de l’image, fixe ou animée,est presquedevenue banale, l’usagedumultimédia estbeaucoupplusexceptionnel.Lestechnologiescontemporainesdel’information et de la communicationont trois avantagespar rapport auxsupportsclassiques : l’accès théoriquementillimité à toutes les sourcesd’information etde communication,la numérisation(textes, sons,images)quiévite le vieillissement et facilite le transfert d’un support à l’autre etl’interactivité qui permet auxutilisateurs de classer l’information, de laconfronteràd’autresinformationset d’être guidésdansleurrecherche.

Outils derecherche,lesnouvellestechnologiessontdéjàutilisées demanièreindividuelleparquelquesenseignants etaucentrede documentationetd’informationparquelquesélèves.Onpeut estimerqu’àmoyentermepourrontseconstituerdes banquesde donnéeset desréseaux d’échangeset de dialoguesfacilementaccessibles,qui offriront auxenseignantset aux élèvesla possibilitéd’obtenir et deconfronterlesinformations disponiblesmaisausside mettreencommunle travail etla recherchedechacun.Quelques expériences,directementdestinéesà l’enseignement,sont déjà enroute. On nouspermettrad’évoquerdeuxexemplesqui concernentl’histoire et la géographie.Le premier,Paysagesde France,est unproduit du réseauCNDP,à l’initiative duCRDPdeRouen eten collaborationavecle Ministère de la culture (servicede l’Inventaire). DesCD photo rassemblent,pour chaque académie, 600 images (paysagesgéographiqueset paysagesmonumentaux)directementprojetablessurécranouconsultables,commeun cédérom,sur un micro-ordinateurUn autre projet,européencelui-là, réunit l’Allemagne, l’Italie et la France,EURODELPHES,conçuet porté dans notre pays parl’Institut national del’audiovisuel, a pourambitiond’expérimenterun manuel hypermédiasur la basedetroischapitres del’histoire contemporaineenseignéedans chacun des paysconcernés.Ledispositifpermettrademettreà la dispositiondesprofesseurs etdesélèvesunvolume importantde documentsaudio et vidéo que lesutilisateurspourrontsélectionner,monteret annoterdeleursproprescommentaires.Certes, pour queces nouvellespossibilitéspuissentêtre pleinementutiliséesil ne suffit pas dedoter lesétablissementsdu matérielnécessaire.Pour passerde l’usage,encoreexceptionnelet individuel, à une utilisation généraliséeet collective uneréflexion s’impose. Elledoit être menéeen mêmetemps quela réflexion surl’avenir du manuel


Les technologiesactuellesde l’information et de la communicationne périment-ellespas la structure actuelle des manuels ? Si lesréseauxd’information et d’échangesmettent à la dispositionde chacundocumentsetbanquesd’exercicesle manuelne doit-il pas êtredésormais conçu,pour lesélèves,commeunmanueldelectureet deréférence ?Quele manuel,ensomme,redevienneun livre, c’estl’idée simple maisinsistantedecerapport.

• La crise du manuel s’explique à la fois par la crise d’unmodèle pédagogique et par la concurrence des technologiescontemporaines d’information et de communication.

• Certaines tentatives éditoriales tant dans le domaine dumanuel que dans celui du multimédia montrent qu’une évolution estpossible.

• Le manuel peut redevenir un livre. Un livre de lecture et deréférence.


RecommandationsLa réflexion sur le manuel et ses nécessaires évolutionsdoit

partir des besoinsdesélèveset non des voeux desenseignants.

Le manuel doit redevenir un livre.Les manuels respectent généralementla lettre desprogrammes,

ils doivent en respecter l’esprit.

Lesmanuelssontainsiconstruitsqu’ils n’exposentpasseulementlessavoirsprescrits,maisindiquentunepédagogieet une approchedidactique.Lesmanuelsdoiventrelayerl’innovationetnon lui faire écran.

Des manuelsmoins épais,moins luxueux, moins coûteux.

Les économies (volumeet prix) peuventporter surla maquettetropcomplexe, les images purement décoratives,un appareil pédagogiqueetdocumentaireet desbatteriesd’exercicesen grandepartie inutilisés par lesenseignants.Une distributionmoinssystématiquedespécimensgratuitspourraitégalementcontribuerà diminuerlescoûts.

Les manuels doivent devenir deslivres de référence et delecture pour les élèves.

A un momentoù semultiplient les sourcesd’information aisémentaccessibles,lesélèvesont besoin delivres deréférencequi proposentl’essentieldes connaissancesprescrites parles programmesde manière cohérenteetstructuréeet qui permettentausside comprendreles finalités danslesquelleselless’inscrivent.

A court ou moyen terme, les manuels doivent distinguerclairement l’exposé des connaissances dela partie exerciceset documents.

La constructionen mosaïque,qui dilue les savoirs, doit êtreabandonnée.Les manuelsainsi composésne sont «attrayants »que pour lesenseignants.Le manuelnedoit plusêtreun « CDI enminiature ».

A long terme, dissocier le manuel, livre de référence,et lesdocuments et les outils que peuvent diffuser les technologies del’information et de la communication.

Lesinformations(documents,textes,images)mais aussilesbanquesd’exercicespeuventdorénavantêtre misesà la dispositiondesenseignantsetdesélèves, enligne et horsligne. Le manuelpeut ainsi redevenirpleinementunlivre.


Cette distinction entre lesavoir et les outils qui permettent saconstruction et son appropriation doit rendre aux professeurs la maîtrisede la mise en oeuvre pédagogique aujourd’hui confisquéepar les manuels.

Le manuel doit assurer lacohérence des apprentissagesConstruire des manuels de cycle.

Afin d’assurer, dans unemêmediscipline,la cohérenceverticaledessavoirs,il serait souhaitable d’élaborerdesmanuelsde cycletout au moinsàl’école primaireet au collège.

Assurer la cohérence horizontaledes savoirs.

A l’école primairemaisaussiaucollègetout manueldoit êtreaussiun manuel de français. Il faut réfléchir à toutes lesautrespossibilités depolyvalencedesmanuels.

Le ministère et les éditeurs doivent redéfinir leursrelations.

Le contrôle a posteriori des manuels n’est ni possible, nisouhaitable.

Tout nouveau programme doit comporter un cahier deschargesà destination des éditeurs.

Le cahier des chargesest établi par les groupeschargésdel’élaborationdes programmes,en liaison avecl’inspectiongénéralequi évalueles besoinsdesélèveset desprofesseurs.Ce cahierdes chargesdéfinit lesgrandesorientations,il n’est pasun cadrage dedétail

Une commission desuivi doit vérifier, en amont, la conformitédesprojets au cahier des charges

Cette commissionest paritaire; elle est composéedes rédacteursdescahiersdeschargeset des éditeursconcernés.

En liaison avec le centre national de documentationpédagogique et le réseauqu’il anime et avec les éditeurs scolaires leministère doit conduire une réflexion sur l’ensemble de la productiond’outils et de supports pédagogiques.


La réflexion porte en particulier sur les disciplinesou spécialités(languesrares,enseignementsartistiques,lycéesprofessionnels)pour lesquellesl’édition privée ne propose pasde publication. Cette réflexion doit aussiconcerner la production de documents(écrits et figurés), d’informations,d’exercices,de fiches pédagogiquesafin de mettre en oeuvre toutes lespossibilitésquepermettentdésormaisles technologies del’information et de lacommunication.

Les membres des corps d’inspection qui participent àl’élaboration des manuels ne peuvent, par leur signature, engagerl’institution.

La participation des membresdes corpsd’inspection pose desproblèmes déontologiques.Dansla situationactuelle,le ministèrenepeut queleur conseillerl’abstentionmaisla mentionde leur fonctiondoit disparaîtredescouverturesdesmanuelsafin queleur signature n’engagepasl’institution.

Pour une réflexion globale, dans chaque établissement,sur le choix et la complémentarité des supportspédagogiques

Le choix des manuels doit être fonction d’un projet global etnon de critères exclusivement disciplinaires.

Cechoix engagele chefd’établissementqui participedonc,avecledocumentaliste,aux conseilsd’enseignement.Ces conseilsarrêtentaussi lesprincipesde l’usagedu manuel.Cesdécisionsfont l’objet d’un débatdu conseild’administrationet, pourl’enseignementprimaire,duconseild’école.

Le projet pédagogique définit le rôleet les usages respectifs (enclasse, au CDI et àla maison) du manuel, dela photocopieet des nouvellestechnologies.Il préciseleur complémentarité.

Le projet permet de réduire le nombre des photocopies. Ilcoordonnel’action desenseignantset celle du CDI ou de la BCD. Il placeaupremierrang desfinalités définiesl’apprentissageet la pratique dela lecturecommel’usage,pour la rechercheet la confrontation des informations, desnouvellestechnologies.


Le projet pédagogique prévoit une formation des élèvesàl’usage complémentaire du manuelet desnouvellestechnologies.

Cetteformationestorganiséeenfonctiondesfinalitésdéfiniespar leconseil d’administration oule conseild’école. Au collègeet au lycéeelle estconjointementpriseen chargepar les enseignantset le CDI. A l’école, elle estnotammentmiseenoeuvre pendantlesétudesdirigées.

La redéfinition du manuel et de son rôle suppose,en amont,une formation des enseignants.


Annexe

Fiches d’évaluation





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LE MANUEL SCOLAIRE - ladocumentationfrancaise.fr · Objet, champ et finalités de l’évaluation Le groupe de pilotage a choisi une définition pragmatique : a été considéré