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Apport de l’imagerie neurologique dans la prise en charge du patient traumatisé crânien grave T. Lescot, V. Degos, D. Galanaud, L. Abdennour et L. Puybasset Principes de l’imagerie Scanner à rayons X La tomodensitométrie X ou scanographie est une méthode de diagnostic radio- logique tomographique permettant d’obtenir des coupes transversales reconstruites à partir de la mesure du coefficient d’atténuation du faisceau de rayons X au cours de la traversée d’un segment du corps. Le coefficient d’atté- nuation est exprimé en unités arbitraires : unités Hounsfield (UH). Par convention, le coefficient d’atténuation de l’eau est 0 UH et celui de l’air – 1 000 UH. Le coefficient d’atténuation des composants du contenu de la boîte crânienne est compris entre 12 UH (liquide céphalo-rachidien) et 60 UH (sang) pour une valeur moyenne de 33,5 UH chez le sujet sain. L’image de la coupe d’un objet irradié par un faisceau fin de rayons X est reconstituée à partir d’un grand nombre de mesures du coefficient d’atténua- tion, effectuées selon diverses incidences. On recueille ainsi toutes les données, qui proviennent des volumes élémentaires de matière, grâce aux détecteurs. À l’aide d’un calculateur, on attribue aux surfaces élémentaires de l’image recons- truite à partir des données projetées sur une matrice de reconstruction une tonalité plus ou moins importante en fonction des coefficients d’atténuation. Indications Le scanner cérébral est l’examen de choix à réaliser en première intention après un traumatisme crânien et doit systématiquement être effectué en urgence en cas de score de Glasgow inférieur à 15, de présence d’une fracture du crâne, de

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Apport de l’imagerie neurologique dans la prise en charge du patient traumatisé crânien grave

T. Lescot, V. Degos, D. Galanaud, L. Abdennour et L. Puybasset

Principes de l’imagerie

Scanner à rayons X

La tomodensitométrie X ou scanographie est une méthode de diagnostic radio-logique tomographique permettant d’obtenir des coupes transversalesreconstruites à partir de la mesure du coefficient d’atténuation du faisceau derayons X au cours de la traversée d’un segment du corps. Le coefficient d’atté-nuation est exprimé en unités arbitraires : unités Hounsfield (UH). Parconvention, le coefficient d’atténuation de l’eau est 0 UH et celui de l’air– 1 000 UH. Le coefficient d’atténuation des composants du contenu de laboîte crânienne est compris entre 12 UH (liquide céphalo-rachidien) et 60 UH(sang) pour une valeur moyenne de 33,5 UH chez le sujet sain.

L’image de la coupe d’un objet irradié par un faisceau fin de rayons X estreconstituée à partir d’un grand nombre de mesures du coefficient d’atténua-tion, effectuées selon diverses incidences. On recueille ainsi toutes les données,qui proviennent des volumes élémentaires de matière, grâce aux détecteurs. Àl’aide d’un calculateur, on attribue aux surfaces élémentaires de l’image recons-truite à partir des données projetées sur une matrice de reconstruction unetonalité plus ou moins importante en fonction des coefficients d’atténuation.

Indications

Le scanner cérébral est l’examen de choix à réaliser en première intention aprèsun traumatisme crânien et doit systématiquement être effectué en urgence encas de score de Glasgow inférieur à 15, de présence d’une fracture du crâne, de

crise convulsive, de signe clinique évoquant une fracture de la base du crâne,de signe neurologique de localisation, ou de céphalées persistantes (1). Lagrande disponibilité de cette technique, la rapidité de son acquisition, sa repro-ductibilité et son coût modéré expliquent la place conquise par latomodensitométrie dans l’évaluation du patient traumatisé crânien. Le scannercérébral permet dans ce contexte la détection d’un hématome intra- ou extra-parenchymateux, d’un œdème cérébral, d’une contusion cérébrale, d’un effetde masse, d’une pneumencéphalie. Chez les patients les plus graves, sa réalisa-tion doit être la plus rapide possible afin d’évaluer la nécessité d’uneintervention chirurgicale ou d’un monitorage de la pression intracrânienne. Ledéveloppement et la diffusion récente de scanner multibarrettes offre la possi-bilité d’étendre le champ d’exploration aux structures osseuses (recherche d’unefracture du rachis cervical) et vasculaires (recherche d’une dissection des vais-seaux du cou ou d’une dissection intracrânienne) en un temps restreint (fig. 1).

Une attention toute particulière doit être apportée aux explorations scano-graphiques effectuées très précocement (dans les trois premières heures suivantun traumatisme crânien grave) ; une imagerie normale à ce stade n’exclue pasla survenue ultérieure de lésions cérébrales (2) et, en particulier, la constitutionretardée d’un hématome extradural après un intervalle libre de quelques heuresou l’aggravation majeure d’une contusion cérébrale.

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Fig. 1 – Angioscanner des vaisseaux du cou : examen normal.

Imagerie par résonance magnétique

Principes

Très schématiquement, un appareil d’IRM étudie les modifications d’aimanta-tion des noyaux d’hydrogène sous l’action conjointe de deux champsmagnétiques : l’un fixe (Bo) et l’autre tournant.

Le corps est constitué à 80% d’eau et de graisse, donc d’hydrogène dont lenoyau se compose d’un proton. Le proton possède une propriété quantiqueappelée « spin » équivalente à un mouvement de rotation sur lui-même. Auspin est associé un moment magnétique microscopique. La disposition préfé-rentielle des moments magnétiques microscopiques dans la direction du champmagnétique principal Bo est à l’origine de l’apparition d’une aimantation oumoment magnétique macroscopique M. À l’équilibre, M est donc aligné lelong du champ magnétique Bo. Dans un deuxième temps, M est déplacé horsde sa position d’équilibre par le champ tournant dont la fréquence de rotationest celle de résonance de l’hydrogène. Le champ tournant est ensuite arrêté, etM retourne le long de Bo. Ce mouvement de retour à l’équilibre est décrit pardeux constantes de relaxations appelées T1 et T2. S’il existe une bobine autourde l’objet lors du retour de M à sa position d’équilibre, la rotation de M, équi-valente à la rotation de l’aimant à l’intérieur d’une dynamo, entraînel’apparition, aux bornes de la bobine, d’un courant électrique que l’on peutenregistrer. C’est le signal de précession libre qui est à la base de toute l’ima-gerie par résonance magnétique. Pour localiser le signal dans l’objet (et doncobtenir l’image), on utilise des gradients de champ magnétique. Le signal enIRM est faible et doit être accumulé par des stimulations répétées. Il estrecueilli sur des antennes adaptées au volume à analyser. Ceci se fait au coursde séquences définies par certains paramètres en fonction de la perturbationchoisie. On parle de séquence SE (écho de spin) ou EG (écho de gradient). Ladurée d’une séquence est variable, actuellement entre 0,5 et 15 minutes. Aucours d’une séquence, la stimulation puis la reconstruction se fait plan parplan, dans les trois directions de l’espace.

Précautions

Le champ magnétique est toujours présent dans l’environnement de l’appareild’IRM, même quand celui-ci n’acquiert pas de séquence. De ce fait, il existe unréel risque « d’effet projectile » si des objets ferromagnétiques tels qu’un obusd’oxygène, un moniteur de surveillance ou un respirateur de transport pénè-trent dans la pièce dédiée à l’IRM. Aujourd’hui, plusieurs appareils nonferromagnétiques sont disponibles sur le marché dont des respirateurs d’anes-thésie à circuit fermé. À défaut, un respirateur artificiel conventionnel de typeSERVO 900 (essentiellement conçu en aluminium) positionné très à distancede l’appareil est utilisable. Le monitorage se fait à l’aide d’un matériel adapté

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non ferromagnétique pré-installé dans la pièce. L’électrocardiogramme, laSpO2, la pression artérielle invasive ou non invasive ainsi que l’EtCO2 doiventêtre mesurés lors de l’examen. L’utilisation de seringues électriques (sédation,catécholamines) est possible. Celles-ci doivent alors être positionnées à distancede l’appareil d’IRM. Des rallonges de grande taille sont à prévoir avant le trans-port du patient. Il n’existe pas aujourd’hui de perfuseurs électriques dédiés àl’IRM. Dans l’état actuel du matériel disponible, la vitesse d’administration desdrogues peut être influencée par le champ magnétique : il existe donc un risqued’instabilité hémodynamique chez les patients dépendant de la régularité del’administration de catécholamines. Enfin, la surveillance clinique et l’accès aupatient sont rendus difficiles pendant l’examen IRM, car celui-ci est positionnéassez loin dans l’appareil.

La présence d’instruments ferromagnétiques, de type pace-maker, pompeimplantable, ou neurostimulateur, est une contre-indication formelle à la réali-sation d’une IRM. Il existe un risque de déplacement, de réchauffement ou dedérèglement de l’instrument. Lorsqu’une valve cardiaque ou un clip sontprésents, il est préalablement nécessaire de s’assurer de leur caractère non ferro-magnétique. Les coils récents ne sont pas ferromagnétiques : leur présence necontre-indique donc pas l’examen. La présence d’un capteur de pression intra-parenchymateux est responsable d’artefact de mesure. Les valves internes dedérivation ventriculaire peuvent voir leur réglage modifié après la réalisationd’une IRM. Le plus souvent, la valve se positionne en haute pression de déri-vation. Cette hypothèse doit être systématiquement évoquée devantl’apparition d’une aggravation neurologique au décours de la réalisation d’uneIRM chez un patient porteur d’un tel dispositif. Il est ainsi recommandé d’ef-fectuer un contrôle radiologique systématique du réglage de la valve dedérivation avant et après l’examen.

Séquences morphologiques

Séquence T1

En écho de spin, la pondération T1 est obtenue avec un temps de répétition(TR) court et un temps d’écho (TE) court. La séquence T1 donne un contrasteanatomique. La substance blanche apparaît blanche, la substance grise, grise etle LCR noir. L’œdème et les anomalies liquidiennes sont en hyposignal. C’esten séquence T1 que sont injectés les produits de contraste. Ceux-ci sont à basede chélates de gadolinium qui est une substance paramagnétique. Lorsqu’ilexiste une prise de contraste, on observe une augmentation du signal enséquence pondérée en T1.

Séquence T2

En écho de spin, la pondération T2 est obtenue avec un TR long et un TElong. La séquence T2 donne un contraste inversé. La substance blanche est gris

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foncé, la substance grise est gris clair et le LCR blanc. L’œdème apparaît enhypersignal.

FLAIR

Le Fluid Attenuated Inversion Recovery représente une technique d’acquisitionpermettant d’obtenir des images très fortement pondérées en T2, tout ensupprimant le signal des liquides tels que le LCR. Cette séquence est supérieureau T2 pour détecter l’œdème cérébral et mettre en évidence des lésions situéesà proximité des ventricules.

T2*

C’est une séquence identique au T2 mais qui tient compte des effets causés parles inhomogénéités de champ en écho de gradient. Elle permet de mettre enévidence l’hémosidérine présente après une hémorragie et ainsi d’objectivercelle-ci des mois après sa survenue alors que les autres séquences dont le FLAIRse sont normalisées.

Angiographie par résonance magnétique (ARM)

Ne nécessitant pas l’injection de produit de contraste, l’ARM est intéressanteen traumatologie, pour infirmer ou affirmer l’existence d’une dissection vascu-laire traumatique qui nécessitera un traitement anticoagulant à dose efficace.

Imagerie de diffusion

Le phénomène de diffusion moléculaire correspond aux mouvements aléatoiresde translation des molécules appelés mouvements browniens. Contrairement àla diffusion de l’eau dans un liquide où les molécules d’eau se déplacent defaçon isotrope sans rencontrer d’obstacle, la mobilité des molécules d’eau dansles tissus biologiques est influencée par la structure tissulaire. Les différentscomposants tissulaires (la membrane cytoplasmique, le cytosquelette, lamyéline) constituent des obstacles physiques qui entravent la mobilité desmolécules d’eau. L’interaction des molécules d’eau avec les constituants tissu-laires se traduit alors par une réduction du coefficient de diffusion de l’eau.L’apparition de changements de structure des tissus modifie les interactionsentre les molécules d’eau et les constituants tissulaires, entraînant des variationsdu coefficient de diffusion. Ainsi, les modifications tissulaires engendrées parune ischémie cérébrale (tortuosité des espaces extracellulaires, gonflementcellulaire) provoquent une diminution précoce du coefficient de diffusion desmolécules d’eau. Une application clinique de l’imagerie de diffusion est lediagnostic très précoce des accidents vasculaires ischémiques. Dès la quaran-tième minute, la zone ischémiée apparaît sous la forme d’un hypersignalcomparé au reste de l’encéphale en imagerie pondérée en diffusion, ce quicorrespond à une diminution du coefficient de diffusion.

Apport de l’imagerie neurologique dans la prise en charge du patient 183

Imagerie du tenseur de diffusion

L’imagerie de diffusion précédemment décrite est une technique unidimen-sionnelle qui est fonction de l’axe du gradient de diffusion appliqué.Cependant, la diffusion des molécules d’eau correspond à un processus tridi-mensionnel et les valeurs de coefficient de diffusion varient en fonction de ladirection des gradients. La distribution des valeurs des coefficients de diffusionde l’eau dans la substance blanche peut être modélisée par une ellipsoïde dontle grand axe représente la direction des fibres. Le tenseur de diffusion permetainsi de caractériser pour chaque voxel l’ellipsoïde caractérisant localement ladiffusion des molécules d’eau. L’organisation des fibres nerveuses myéliniséesde la substance blanche de l’encéphale explique le caractère anisotrope de ladistribution des molécules d’eau dans la substance blanche : les molécules d’eause déplacent préférentiellement le long des fibres. La caractérisation de la direc-tion principale des fibres par l’imagerie du tenseur de diffusion permet de relierles informations de diffusion obtenues voxel par voxel pour reconstruire latrajectoire tridimensionnelle des faisceaux de fibres selon un codage couleur(fig. 2). Une destruction de l’organisation des fibres conduit à une modifica-tion de l’anisotropie de diffusion des molécules d’eau et est objectivée par letenseur de diffusion. Le tenseur de diffusion représente donc un indice de l’or-ganisation architecturale des fibres nerveuses de la substance blanche. Cetteséquence est utile dans la détection des lésions axonales diffuses hémorragiques(3) ainsi que dans le suivi des désordres architecturaux des fibres de la substanceblanche après un traumatisme crânien.

184 La réanimation neurochirurgicale

Fig. 2 – Imagerie du tenseur dediffusion.

Imagerie de perfusion

Cette méthode permet une approximation de la perfusion cérébrale locale. Ilne s’agit pas d’une mesure absolue du débit mais d’une mesure relative àcomparer à une autre zone du cerveau.

IRM spectroscopique

La spectroscopie par résonance magnétique permet une évaluation non inva-sive de substances biochimiques intracellulaires (fig. 3). Cette techniquepermet de quantifier la concentration en créatine (Cr), choline (Cho) et N-acétyl-aspartate (NAA) d’une région donnée du parenchyme (spectroscopiemonovoxel) ou bien d’une section de coupe IRM (analyse multivoxel).

La spectroscopie repose sur l’étude de la fréquence de résonances des spinsdes atomes. Pour un atome donné correspond une fréquence de résonance duspin qui est fonction de l’espèce biochimique dans lequel se trouve cet atome.Grâce à une application mathématique, on obtient le spectre des fréquencespour un atome. L’application de la spectroscopie par résonance magnétique àl’encéphale permet l’étude du spectre de résonance de l’atome d’hydrogène H1ou de l’atome de phosphore P31. L’analyse du spectre des fréquences de réso-nance de l’atome d’hydrogène met en évidence un certain nombre de pics

Apport de l’imagerie neurologique dans la prise en charge du patient 185

Fig. 3 – Spectroscopie par résonance magnétique protonique.

correspondant aux molécules de N-acétyl-aspartate (NAA), de créatine (Cr) etde choline (Cho). Le ratio NAA/créatine serait un marqueur indirect de l’acti-vité neuronale alors que le ratio choline/créatine serait un marqueur indirect del’activité gliale.

Apport de l’imagerie dans la décision chirurgicale

Dans le cadre du traumatisme crânien grave, la première question à laquellel’imagerie précoce doit répondre est celle de l’existence d’une urgence neuro-chirurgicale. L’équipe médicochirurgicale doit confronter les conditions desurvenue du traumatisme et l’état clinique du patient aux données du scanner.À la phase aiguë, les urgences neurochirurgicales traumatiques sont dominéespar les hématomes extra- et sous-duraux avec déviation de la ligne médiane etpar les embarrures ouvertes ou parfois fermées. Dans en second temps, lescontusions temporales avec compression du tronc cérébral et anisocorie homo-latérale, les contusions frontales avec HIC incontrôlable et l’existence d’un

186 La réanimation neurochirurgicale

Fig. 4 – Volumineuse contusion hémorragique temporale droite avant (A) et après (B) évacua-tion chirurgicale.

œdème massif avec hypertension intracrânienne incontrôlable peuvent fairel’objet d’un traitement chirurgical (fig. 4).

Apport de l’imagerie dans le bilan lésionnel

Lésions extraparenchymateuses

Hématome extradural

L’hématome extradural résulte de la constitution d’une collection sanguinecomprise entre la boite crânienne et la dure-mère et est le plus souvent associéà une fracture du crâne en regard. Il est la conséquence d’une lésion d’uneartère ou veine méningée, plus rarement de la rupture d’un sinus veineux. Surle scanner, sa présentation est celle d’une lentille biconvexe spontanémenthyperdense, bien limitée, accompagnée d’un effet de masse sur le parenchymeadjacent. En cas de constitution très récente et/ou très rapide, son aspect peutêtre celui d’une collection hétérogène avec coexistence de plages hypo- ethyperdenses traduisant l’existence de sang collecté et de sang encore liquide. Lapossibilité d’une apparition retardée de cette lésion impose une interprétationprudente des images et le renouvellement de l’examen lorsque la réalisation decelui-ci est précoce.

Hématome sous-dural aigu

Résultant de lésions de petites veines traversant l’espace sous-arachnoïdien,l’hématome sous-dural se constitue entre l’arachnoïde et la dure-mère. Cettecollection se situe le plus souvent au niveau de la grande convexité de la boîtecrânienne. L’association d’un hématome sous-dural aigu et d’une contusionparenchymateuse sous-jacente est fréquente, rendant son pronostique plussévère que celui des hématomes extraduraux à volume égal. Son diagnosticrepose sur la réalisation d’un scanner cérébral sans injection de produit decontraste révélant une lame hyperdense homogène étalée en croissant à limiteinterne concave.

Hémorragie méningée

Elle apparaît sous la forme d’une hyperdensité spontanée homogène desespaces sous-arachnoïdiens sur le scanner. Elle est retrouvée dans environ 35%des cas de traumatisme crânien et constitue un facteur indépendant de mauvaispronostic (4).

Apport de l’imagerie neurologique dans la prise en charge du patient 187

Hémorragie intraventriculaire

La présence de sang au sein du système ventriculaire se traduit par une hyper-densité spontanée au sein du liquide céphalo-rachidien (LCR) ventriculaire.Souvent secondaire à l’extension d’une contusion hémorragique, l’hémorragieventriculaire est rare et expose au risque d’hydrocéphalie par blocage des voiesd’écoulement du LCR.

Pneumencéphalie

Une pneumencéphalie est suspectée devant la présence de bulles d’air, hypo-denses au sein de la boîte crânienne. Elle traduit l’existence d’une fracture dela base du crâne impliquant un sinus ou d’une brèche dure-mérienne associéeà une fracture ouverte.

Dissection vasculaire

La présence d’une lésion ischémique systématisée dans un territoire artérieldoit faire évoquer l’existence d’une dissection vasculaire. Celle-ci peut inté-resser une artère carotide dans sa portion extra- ou intracrânienne ou bien uneartère vertébrale. Sa mise en évidence repose sur la réalisation d’une angiogra-phie des vaisseaux du cou par une technique tomodensitométrique, d’imageriepar résonance magnétique ou de radiologie conventionnelle. Cette recherchedoit être systématique lors de fracture de la base du crâne associée à un trau-matisme crânien grave. Elle est indispensable en cas de lésion cervicale associée(fracture du rachis, contusion des parties molles).

Lésions intraparenchymateuses primaires

Œdème cérébral

L’œdème cérébral post-traumatique se développe dans les heures et les jourssuivant le traumatisme. Qu’il soit vasogénique ou ischémique (cytotoxique), ilexpose au risque de déplacement et d’engagement des structures cérébrales,d’hypertension intracrânienne, d’hypoperfusion cérébrale et d’ischémie. Lessignes d’œdème important sur le scanner sont une disparition des citernes dela base, une diminution de la taille des ventricules, une disparition des sillonscorticaux, et une dédifférenciation cortico-sous-corticale.

Contusions hémorragiques

Les contusions hémorragiques représentent des zones de destruction cérébralerésultant du choc direct de l’encéphale contre des zones saillantes de la struc-

188 La réanimation neurochirurgicale

ture osseuse de la boîte crânienne. Pour cette raison, elles se constituent le plussouvent au niveau des lobes frontaux et temporaux. Elles sont le plus souventassociées à des lésions de contre-coup. Les contusions hémorragiques sontconstituées d’un noyau central hémorragique, hyperdense, entouré d’une zonede tissu cérébral hypoperfusé à risque ischémique, hypodense. Dans les heureset les jours suivant le traumatisme se forme un halo œdémateux péricontu-sionnel de mécanisme ischémique (cytotoxique) et vasogénique. Au sein descontusions, la destruction du parenchyme cérébral s’accompagne d’uneaugmentation accrue de la perméabilité de la barrière hémato-encéphalique,notamment aux produits de contraste (5, 6). Dans ces conditions, l’utilisationagressive de thérapeutiques osmotiquement actives doit être réfléchie en cas dezones contuses étendues (7).

La présentation de ces contusions en imagerie est variable en fonction despatients, du traumatisme et du temps. La figure 5 illustre les modificationsd’aspect et de taille des contusions hémorragiques à la phase initiale du trau-matisme.

Lésions axonales diffuses

Les forces d’accélération-décélération et de rotation appliquées à la boîtecrânienne lors du traumatisme se traduisent par des lésions de cisaillements des

Apport de l’imagerie neurologique dans la prise en charge du patient 189

Fig. 5 – Évolution temporelle d’une contusion hémorragique entre H2 (A) et H16 (B) post-traumatique.

fibres nerveuses. Ces lésions de la substance blanche appelées lésions axonalesdiffuses, sont localisées aux zones de jonction de tissus de densités différentes,elles peuvent êtres hémorragiques ou ischémiques. Elles siégent préférentielle-ment à la jonction entre la substance grise et la substance blanche des lobesfrontaux et temporaux, au niveau du corps calleux, des ganglions de la base etdu tronc cérébral. À la phase aiguë, la tomodensitométrie peut révéler laprésence de lésions axonales diffuses sous la forme de petites pétéchies puncti-formes. Néanmoins, le scanner cérébral est peu sensible, de plus il sous-estimela quantité et la taille de ces lésions. L’IRM permet de détecter les lésionsaxonales diffuses et doit être réalisée chez tous les patients présentant peu delésions au scanner cérébral contrastant avec un coma profond. Les lésionsaxonales diffuses de type hémorragique, non détectées par le scanner cérébral,sont visibles sur les séquences en écho de gradient en pondération T2*. Ellesapparaissent sous la forme d’un hyposignal et traduisent la présence de désoxy-hémoglobine paramagnétique (fig. 6). Le nombre de lésions en T2* et leurlocalisation seraient corrélés à la gravité clinique du patient et à son pronosticà moyen terme (8).

L’IRM permet également de détecter des lésions axonales diffuses nonhémorragiques (9). Ces lésions peuvent expliquer les troubles de la conscienceobservés après traumatisme crânien malgré un aspect normal au scanner céré-bral. Typiquement, il s’agit de lésions hyperdenses en FLAIR quis’accompagnent d’hypersignaux en diffusion (diminution du coefficient dediffusion) sans anomalies en T2* (10). Ces lésions sont le plus souvent situées

190 La réanimation neurochirurgicale

Fig. 6 – Lésions axonales diffuses hémorragiques du corps calleux visibles sous la forme d’hy-posignaux en séquences pondérées T2* après accident de la voie publique. Le patient a présentéune bonne évolution clinique dans les suites.

au niveau du corps calleux, des noyaux gris centraux, des pédoncules et de laprotubérance (fig. 7).

L’IRM spectroscopique peut aider à la détection des lésions axonalesdiffuses. Les données de travaux expérimentaux (11) et cliniques (12, 13, 14)ont mis en évidence une diminution de NAA secondaire à une souffranceneuronale et une augmentation de choline témoignant d’une proliférationmicrogliale au sein de la substance blanche frontale, bien que celle-ci apparais-sent normale sur les séquences morphologiques. De plus, cette réduction deNAA était corrélée avec la sévérité du traumatisme (13) et était associée à unmoins bon pronostic à six mois (14).

Apport de l’imagerie neurologique dans la prise en charge du patient 191

Fig. 7 – Lésions axonales diffuses non hémorragiques du corps calleux. Aucune anomalie n’estdétectée au scanner (A). Il existe un hypersignal en FLAIR (B). La séquence en T2* n’objec-tive pas d’hémorragie (C). L’hypersignal est très marqué en diffusion (D).

Lésions intraparenchymateuses secondaires

La constitution d’un hématome, l’aggravation d’un œdème cérébral dans l’en-ceinte close et inextensible de la boîte crânienne peuvent conduire desmodifications des pressions intracrâniennes et se compliquer d’engagementscérébraux et de lésions ischémiques parfois secondairement hémorragiques.

Les engagements cérébraux résultent de la compression de structures céré-brales par déplacements. On décrit quatre grands types d’engagementscérébraux : l’engagement sous la faux du cerveau, l’engagement transtentoriel,l’engagement par la fente de Bichat et l’engagement par le trou occipital.L’engagement sous la faux du cerveau ou engagement cingulaire résulte d’undéplacement latéral des structures cérébrales. L’engagement transtentorielrésulte d’un déplacement céphalo-caudal des hémisphères vers le bas. Il setraduit rapidement par une mydriase bilatérale. L’engagement par la fente deBichat ou engagement temporal est latéral et correspond au passage de l’uncuset de l’hippocampe dans la fente de Bichat, entre le bord libre de la tente ducervelet et le tronc cérébral. Il se traduit par une anisocorie puis une mydriasehomolatérale. Dans ces deux cas, l’engagement peut s’accompagner d’unecompression de l’artère cérébrale postérieure à l’origine d’une cécité corticaleischémique (fig. 8). L’engagement par le trou occipital est exceptionnel en trau-matologie et ne se rencontre que dans les lésions de fosse postérieure.

Apports de l’imagerie dans l’évaluation pronostique

Prédire l’avenir en termes d’éveil chez les patients dans le coma après un trau-matisme crânien est l’un des très grand enjeux de la neuroréanimation. Cette

192 La réanimation neurochirurgicale

Fig. 8 – Hypersignal en séquence IRM dediffusion traduisant un œdème cyto-toxique : ischémie dans le territoire del’artère cérébrale postérieure secondaire àdes épisodes d’engagements centraux.

approche est motivée par la nécessité pour le personnel soignant médical etparamédical d’informer le plus précisément possible les familles et d’adapterl’intensité des soins au pronostic neurologique.

La sévérité du traumatisme peut être appréciée dès la phase initiale à partirdu recueil d’éléments anamnestiques, cliniques et des lésions sur le scanner.L’âge élevé et un score de Glasgow initial bas sont certes prédictifs d’un mauvaispronostic mais ils ne permettent pas d’envisager plus finement le devenir de cespatients. Cette évaluation nécessite un bilan lésionnel exhaustif fourni par laréalisation d’une IRM couplée à une analyse fondée sur les données anato-miques et physiologiques.

Scanner

En comparaison au scanner, l’IRM permet une détection plus précise deslésions cérébrales. Mais la durée, le maintien de la position déclive et la diffi-culté d’y associer un monitorage performant expliquent que sa réalisation nesoit le plus souvent envisagée qu’à distance de la phase aiguë, en pratique aucours de la troisième semaine d’évolution. Il est donc apparu nécessaire depouvoir disposer d’éléments pronostiques dès la réalisation du scanner cérébralinitial. La classification de la Traumatic Coma Data Bank a été proposée parMarschall et al. en 1991 (15) afin de pouvoir relier l’aspect tomodensitomé-trique au pronostic des patients (tableau I). D’autres classifications ontégalement été publiées dans le même but. De l’ensemble de ces travaux, ilapparaît que l’aspect d’œdème cérébral diffus est un facteur isolé de mauvaispronostic à douze mois ; de même pour la présence d’une hémorragieméningée ou intraventriculaire, d’une déviation de la ligne médiane, d’unhématome sous-dural aigu ou de contusions multiples (4). L’analyse tomoden-

Apport de l’imagerie neurologique dans la prise en charge du patient 193

Catégorie Définition

Lésions diffuses de type I Absence de lésion

Lésions diffuses de type II Présence des citernesDéviation de la ligne médiane < 5 mm et/ou lésionshyperdensesPas de lésions hyperdense ou hétérogènes > 25 mL

Lésions diffuses de type III Compression ou absence des citernesDéviation de la ligne médiane < 5 mmPas de lésions hyperdense ou hétérogènes > 25 mL

Lésions diffuses de type IV Déviation de la ligne médiane > 5 mmPas de lésions hyperdense ou hétérogènes

Lésion avec effet de masse évacuée Toute lésion chirurgicalement évacuée

Lésion avec effet de masse non évacuée Lésion hyperdense ou hétérogène > 25 mL

Tableau I – Classification des lésions sur le scanner d’après la Traumatic Coma Data Bank.

sitométrique précoce peut permettre dans certains cas de prévoir la présenced’un déficit ultérieur mais ne peut répondre à la question cruciale du retour àla conscience.

IRM

Les études cliniques comparant les données issues de l’IRM morphologique etle pronostic des patients traumatisés crâniens graves ont permis d’isoler desfacteurs pronostiques indépendants. Si le nombre total de lésions visibles enséquence T2* est corrélé au pronostic évalué par le « Glasgow outcome scale »(GOS) (8), l’évolution est aussi sous la dépendance de la localisation des lésionsaxonales diffuses. Une atteinte des ganglions de la base, du mésencéphale ou dela protubérance est associée à un mauvais pronostic à six mois (16). Le volumeet le caractère uni- ou bilatéral (et dans ce cas symétrique ou non) des lésionsdu tronc cérébral influencent également l’évolution clinique de ces patients(17). Firsching et al. rapportent un taux de mortalité de 100% des patientsporteurs de lésions bilatérales du tronc cérébral, alors que celui-ci n’était pasdifférent entre le groupe des patients à lésions unilatérales et celui sans atteintedu tronc cérébral (18). Néanmoins, la durée du coma était deux fois pluslongue dans le groupe des patients présentant des lésions du tronc cérébral. Lesrésultats obtenus grâce à la spectroscopie par résonance magnétique peuventégalement être une aide à l’évaluation pronostique des patients traumatiséscrâniens graves qui, selon Garnett et al., est corrélée aux valeurs précoces ettardives du rapport NAA/choline de la substance blanche frontale (13, 14).

L’appréciation du pronostic dans les études cliniques fait appel au GlagowOutcome Scale. Si cette classification permet une analyse quantitative desdonnées, elle ne reflète qu’incomplètement les informations nécessaires àl’équipe médicale pour un patient donné. Envisager le devenir des patientstraumatisés crâniens graves, c’est pouvoir aborder d’une part la question del’éveil, et d’autre part la question des déficits neurologiques moteurs, sensitifs,sensoriels et cognitifs.

Conclusion

En conclusion, l’IRM morphologique et l’IRM spectroscopique offrentaujourd’hui la possibilité d’établir un bilan exhaustif des lésions cérébrales despatients traumatisés crâniens sévères. Ceci devrait permettre dans un avenirproche de préciser leur pronostic en termes d’éveil et d’informer leurs prochesau moyen d’arguments plus précis et plus fiables que ceux apportés par lesimple examen du scanner cérébral.

194 La réanimation neurochirurgicale

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Apport de l’imagerie neurologique dans la prise en charge du patient 195