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Le Regard Libre | Janvier 2015 | N° 08 1 LE REGARD LIBRE Journal d’opinion réalisé par des étudiants depuis janvier 2014 Janvier 2015 | N° 08 02 | Éditorial et image du mois 03 | L’entretien : Pour un Valais durable 06 | Cinéma : « La vita è bella » de Cecchi Gori 08 | Musique : Les polnarévolutions 13 | Spiritualité : Insieme – une approche différente 15 | Citations Le Regard Libre sera présent à la Matinée Portes Ouvertes du samedi 31 janvier 2015 au Lycée-Collège des Creusets avec un stand au premier étage. galerie.parismatch.com À la découverte de l’Œuvre et du personnage de Michel Polnareff – Page 8 Vos articles portant sur la philosophie, la politique, la littérature, la musique, la spiritualité, le cinéma ou un autre domaine digne d’intérêt sont les bienvenus. Nous nous réjouissons de vos commentaires et de vos propositions. Contact : Jonas Follonier | Classe 5A | [email protected] Aimez et suivez votre journal mensuel Le Regard Libre sur Facebook Visitez notre site Web www.leregardlibre.wordpress.com

Le Regard Libre - N° 8

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Ce premier numéro de l'année 2015 renoue avec la rubrique Cinéma et offre un gros plan sur Michel Polnareff et son œuvre. Bonne lecture !

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Page 1: Le Regard Libre - N° 8

Le Regard Libre | Janvier 2015 | N° 08 1

LE REGARD LIBRE

Journal d’opinion réalisé par des étudiants depuis janvier 2014

Janvier 2015 | N° 08

02 | Éditorial et image du mois

03 | L’entretien : Pour un Valais

durable

06 | Cinéma : « La vita è bella »

de Cecchi Gori

08 | Musique : Les

polnarévolutions

13 | Spiritualité : Insieme – une

approche différente

15 | Citations

Le Regard Libre sera présent à la Matinée

Portes Ouvertes du samedi 31 janvier 2015 au

Lycée-Collège des Creusets avec un stand au

premier étage.

galerie.parismatch.com À la découverte de l’Œuvre et du personnage de Michel Polnareff – Page 8

Vos articles portant sur la philosophie, la politique, la littérature, la musique, la

spiritualité, le cinéma ou un autre domaine digne d’intérêt sont les bienvenus. Nous

nous réjouissons de vos commentaires et de vos propositions.

Contact : Jonas Follonier | Classe 5A | [email protected]

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Le Regard Libre | Janvier 2015 | N° 08 2

02 DIVERS

JONAS FOLLONIER – Rédacteur en chef

Éditorial

Gare aux effets de groupe et aux réactions réactionnaires

Après le 7 janvier, la masse s’émeut. La médiocrité s’émeut, ou plutôt publie son

émotion. En même temps, nombre de « citoyens » répondent à la haine par la haine :

« Tuons-les ! », « Rétablissons la peine de mort », s’exclame-t-on. « C’est le Coran qui dicte

ces actes ! » En France, la Marine ne manque pas de surfer sur la vague : c’est tellement

facile. Les Zemmour et autres populistes ne tarderont pas non plus.

Rappelons aux réactionnaires SANS CERVELLE que les premières victimes des

terroristes sont les musulmans. Qu’en Suisse, pour citer Pascal Couchepin dans l’Hebdo

paru peu après l’attentat, « 99% des musulmans veulent vivre paisiblement, gagner leur

vie, élever leurs enfants et s’intégrer. »

Au-delà des réactions auxquelles on pouvait aisément s’attendre, il est certain qu’il faut

s’indigner contre l’atteinte à nos valeurs chères. Certes, Charlie Hebdo symbolise la

liberté d’expression entaillée. Personnellement, je ne suis pas Charlie, mais simplement

un partisan de la liberté.

L’image du mois (Photo de Florent Aymon)

Malgré le manque de neige, quelques belles journées de ski ont quand même pu se dérouler.

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03 L’ENTRETIEN

L’interview d’ISABELLE DARBELLAY MÉTRAILLER, présidente

d’Avenir Ecologie

Pour un Valais durable

Une interview réalisée par Jonas Follonier

Isabelle Darbellay Métrailler, l’actuelle présidente d’Avenir Ecologie, une association

valaisanne, a accepté de répondre à nos questions. Très active dans le PLR Valais depuis

une dizaine d’années, elle a également été présidente des Femmes libérales-radicales

valaisannes et responsable du bureau valaisan de l’égalité.

Décrivez-nous l’association Avenir Eco-

logie que vous présidez.

Avenir Ecologie est une association,

créée en 2011 dans le cadre des élections

nationales pour lesquelles elle avait pré-

senté une liste apparentée au PLR.

Notre association défend une écologie

responsable qui réconcilie écologie et

économie. Nous pensons en effet que

l’écologie a beaucoup d’atouts qu’il fau-

drait mieux mettre en avant. C’est la

seule façon d’assurer un développement

durable pour notre pays et notre pla-

nète.

Qu’est-ce qui vous a fait choisir cette

démarcation dans votre propre parti ?

Mon parti prône la responsabilité, or la

responsabilité environnementale est une

des plus importantes qui soit. Notre en-

gagement pour le développement du-

rable a donc toute sa place dans l’enga-

gement de notre parti. Il faut d’ailleurs

relever qu’en Valais, la préoccupation

environnementale a toute sa place dans

les priorités du parti, grâce notamment

à des précurseurs comme Narcisse Cret-

tenand. Avenir Ecologie a par exemple

un siège au Comité Directeur.

D’aucuns vous diront que le libéralisme,

ou le capitalisme, est contraire, dans sa

logique même, à l’écologie : le libre mar-

ché engendre une extension infinie des

biens, alors que l’écologie vise à donner

des limites au niveau de la population,

de l’utilisation des res-sources naturelles

etc. Que leur ré-pondez-vous ?

Je ne crois pas que le capitalisme soit

contraire à l’écologie. Tout bon capita-

liste sait qu’il faut investir pour s’as-

surer des revenus futurs. Or l’écologie

n’est rien d’autre qu’un investissement

pour l’avenir ! De même que le capi-

talisme a évolué en matière de droits

sociaux, il est en train d’évoluer en ma-

tière d’écologie. Plus personne au-

jourd’hui en Europe n’accepterait les

conditions de travail qui existaient au

début du siècle passé. Le libéralisme a

évolué, intégrant des droits sociaux

comme les vacances, la semaine de cinq

jours etc. Il en va de même de l’écologie

je pense. Le développement durable

comprend d’ailleurs ce volet social éga-

lement, en plus des volets écologique et

économique.

Suite p. 4

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04 L’ENTRETIEN

L’une des grandes préoccupations de

l’écologie actuelle est l’élevage indus-

triel, qui engendre la souffrance et le

mal-être de milliards d’êtres sensibles

par année. Êtes-vous personnellement

pour interdire, ou pour encadrer ce type

d’ « agriculture » avec des lois strictes ?

Je suis bien sûr pour une limitation de

ces pratiques pour des raisons éthiques

(éviter la souffrance des animaux), sani-

taires (limiter le risque de maladies et

améliorer la qualité de notre alimen-

tation) et économiques (la production de

qualité amène aussi une plus-value in-

téressante).

L’agriculture locale est un thème de pré-

dilection d’Avenir Ecologie. Quels sont

les moyens politiques pour la mettre en

pratique ?

C’est une raison de plus pour limiter les

élevages industriels ! Les petits éleveurs

locaux tirent d’ailleurs de plus en plus

leur épingle du jeu. Les consommateurs

apprécient les produits de qualité et sont

prêts à payer plus pour cela. Pour la

viande, mais aussi pour les fruits et les

légumes, la production locale a de gros

atouts et va se développer encore.

Politiquement, il s’agit surtout d’édicter

des conditions-cadres, mais l’essentiel

est à faire ensuite par les producteurs

eux-mêmes. Et je crois que le Valais

n’est pas du tout à la traîne, contrai-

rement à certains préjugés. Regardez

par exemple le mouvement de soutien à

une institution comme La Potagère qui

s’est récemment développé. Enfin, les

citoyens et les citoyennes ont un rôle

essentiel à jouer. Au final, c’est à nous

de choisir ! Choisir de consommer des

produits locaux et de qualité est béné-

fique pour notre santé, pour l’environ-

nement et pour l’économie. Le dévelop-

pement durable est bien l’affaire de

toutes et tous.

Le développement durable, justement,

inclut également les énergies renou-

velables, qui occupent une place impor-

tante dans votre programme. Dans

quelle mesure le Valais a-t-il le potentiel

de réformer ses sources d’énergie ?

En Valais, les choses sont malheu-

reusement souvent compliquées… Les

lobbies sont forts et peinent à voir le

potentiel des nouvelles énergies. Le

lobby hydraulique, par exemple, peine à

comprendre que le développement des

énergies renouvelables est son meilleur

atout. Pour stocker de l’éolien ou du

solaire, les barrages sont indispensables.

Mais l’inverse est également vrai. Quand

il n’y aura plus d’énergie nucléaire bon

marché pendant la nuit, le pompage des

eaux devra trouver d’autres sources

d’énergie. Et je ne parle pas uniquement

Suite p. 5

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05 L’ENTRETIEN

des installations de pompages-

turbinages. Les eaux qui sont récoltées

dans toutes les alpes valaisannes pour

être acheminées vers les barrages ne le

sont pas seulement par gravité. C’est

donc particulièrement dommage que le

Valais peine à se réformer et à imaginer

son futur avec les nouvelles énergies

renouvelables. Nous avons été avant-

gardistes lors de la construction des

grands barrages au siècle dernier. Mais

cet esprit visionnaire manque

aujourd’hui, alors même que nous

pourrions devenir la place forte de

l’Europe énergétique grâce aux barrages,

au soleil et au vent. Au lieu de cela,

chacun se bat pour défendre ses droits

d’eau, ses subventions, ses acquis.

Autant je suis optimiste sur la prise de

conscience écologique de nos concitoyens

et concitoyennes, autant je suis

pessimiste sur la capacité du Valais à se

réformer. En tout cas tant que la défense

des acquis mobilisera toutes nos

énergies, car il faut innover pour créer

l’avenir. Reste à espérer que l’arrivée de

chaires de recherche en énergie dans le

cadre du pôle EPFL Valais-Wallis fera

souffler un vent nouveau…

Enfin, si vous deviez vous définir en un

mot : êtes-vous avant tout une radicale ?

Une femme ? Une verte ?

Tout cela ! Pour moi, la responsabilité

individuelle est la valeur principale, et

elle inclut l’engagement radical,

l’engagement féministe et l’engagement

vert.

Merci infiniment du temps que vous

avez consacré à cet entretien.

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Répercussions, long métrage réalisé par Axel Oztas, étudiant au LCC, sortira en 2015

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06 CINÉMA

Une présentation de LORIS MUSUMECI

« La vita è bella »

Ouverture. Brouillard. Bruit du vent.

VOIX OFF : Cette histoire est simple, et pourtant elle n’est pas facile à raconter. Comme

un conte, elle est douloureuse et comme un conte elle est pleine de merveilleux et de

bonheur.

La vie est belle. Roberto Benigni n’aurait pu trouver meilleur titre à son chef-d’œuvre

cinématographique réalisé en 1997. En effet, il est vrai que la vie, comme cette histoire,

comporte bien des douleurs, mais elle est aussi pleine de merveilleux et de bonheur, c’est

pourquoi l’on peut dire que La vie est belle. Cependant, ce titre ambitieux pourrait

sembler paradoxal avec le contexte tragique dans lequel le film est ambiancé. Comment

peut-on chanter cet hymne à la vie au cœur de la période si dramatique pour l’humanité

qu’est la Shoah ? Benigni y parvient d’une manière à la fois exceptionnelle et simple, il

s’adresse aux cœurs en traitant ce drame avec une douce et poétique tragicomédie, entre

larmes et sourires.

Suite p. 7

La vita è bella, Cecchi Gori, 2000

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07 CINEMA

En 1938, Guido Orefice, un jeune et joyeux Toscan, quitte la campagne avec son ami

poète, Ferruccio, pour travailler en ville, à Arezzo. Les deux compagnons logent chez

l’oncle de Guido, Eliseo, qui est directeur au Grand Hotel (où Guido travaillera comme

serveur). Une fois en ville, Guido tombe follement amoureux d’une charmante petite

maîtresse d’école, Dora. Elle aussi éprouve une certaine sympathie pour lui, mais elle

malheureusement déjà promise en mariage à Rodolfo, un antipathique bureaucrate

fasciste. De ce fait, le jour des fiançailles qui a justement lieu au Grand Hotel, Dora

décide de s’échapper avec Guido. Celui-ci l’« enlève » alors au grand moment de la

cérémonie, au gâteau, après quoi les deux tourtereaux se réfugient chez Guido, et de cet

amour naît Giosuè. Suite à une ellipse de cinq ans, la famille Orefice apparaît dans la

plus parfaite des sérénités. Toutefois, la situation politique et sociale se dégrade

rapidement, en effet les lois raciales deviennent toujours plus nombreuses et sévères,

surtout pour les Juifs, et Guido est Juif. La petite famille n’est cependant pas affectée

par ce contexte difficile, jusqu’au jour du cinquième anniversaire du petit Giosuè, où lui-

même, son père et le grand-oncle Eliseo sont capturés pour être déportés. Dora, n’étant

pas Juive, n’est pas arrêtée, mais exige d’être déportée elle aussi avec sa famille. Arrivés

au camp de concentration, Eliseo est envoyé avec les vieillards, Dora avec les femmes,

mais Giosuè et Guido restent ensemble. Ce dernier, voulant protéger l’innocence

infantile de son fils de l’horreur de la tragique réalité dans laquelle ils se trouvent, lui

fait croire que tout n’est qu’un jeu et que le premier qui arrive à mille points gagne un

vrai char d’assaut…

Le film est visiblement « divisé » en deux parties : la première raconte la joyeuse et

romantique histoire de Guido ainsi que la sereine vie de famille des Orefice, alors que la

deuxième témoigne de la véritable mission du protagoniste de préserver son fils des

horreurs de l’holocauste. On pourrait alors penser que de la « première » à la

« deuxième » partie il y a un passage de la comédie à la tragédie, mais ce n’est pas le cas.

Et c’est justement là que se trouve le cœur de la compréhension du film. Certes, le

contexte est des plus dramatiques (et le film le montre à chaque fois en suggérant

l’horreur, mais sans jamais l’exposée) mais l’histoire n’est pas triste, elle est même

profondément heureuse. Et c’est l’amour « inconditionnel » (même l’horreur de

l’holocauste n’est pas une condition) d’un père pour son fils qui donne au film tout son

Bonheur et sa Beauté. En effet, qu’y a-t-il de plus beau que le Don complet de soi. Guido

donne sa vie pour son fils pour le sauver, pour sauver l’Espérance. Il y a là une certaine

« folie de l’amour », un amour christique. En évoquant le Christ, on peut penser à l’une

de ses plus belles sentences : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie

pour ses amis. » (Jn 15:13)

En fait, La vie est belle n’est autre qu’un témoignage de l’omnipuissance de l’Amour,

celui-ci qui résiste et se renforce même dans un camp d’extermination, et comme l’a dit

Benigni pour conclure un entretien durant le tournage : « Le film est un hymne au fait

que nous sommes poétiquement condamnés à aimer la vie : parce que la vie est belle. »

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08 MUSIQUE

Portrait actuel par JONAS FOLLONIER

Les polnarévolutions

Qui est Michel Polnareff ? Que peut-on retenir de son œuvre, de ses révolutions

musicales ? Tels seront les deux grands défis de cet article, auxquels je vous invite

naturellement à vous intéresser : le jeu en vaut la chandelle. En effet, méfiez-vous de

l’image que vous vous faites de cet homme, qui, bien au-delà de ses lunettes et cheveux

blonds ondulés qui le caractérisent pour un public large, n’est rien d’autre qu’un génie.

C’est dans la froideur et la tristesse d’une enfance rythmée par le ceinturon facile de son

père et la pression qu’il subissait quant à son niveau musical que le jeune Michel, très

bon élève, s’avéra très vite (et dut surtout s’avérer) être un pianiste virtuose. La rigueur

extrême et étouffante de son cadre familial le poussa à claquer la porte de son foyer à

l’âge de seize ans pour aller, beatnik, jouer de la guitare sur les marches du Sacré-Cœur.

Il est donc très important de bien prendre en compte l’ambivalence qu’il y eut durant son

enfance entre le bagage musical classique qu’il acquit et la cruauté du père : par

exemple, son fils lui ayant demandé qu’il lui achète une fleur pour l’offrir à une jeune

fille qu’il convoitait, L. Polnareff alla acheter un cactus pour son fils pourtant très sage.

Ce dernier pointant une mine surprise, l’autorité paternelle lui jeta le cactus à la figure.

Et c’est peut-être ce climat très particulier qui devait faire que Michel, désormais

adolescent, devînt vite l’un des grands maîtres de la musique française des Trente

Glorieuses. Il sortit son premier album en 1966, Love Me Please Love Me, qui marqua

l’arrivée du Pop-Folk en France. Outre l’innovation au niveau musical (inspirée par Bob

Dylan et le groupe The Byrds), incluant des expérimentations sur le mixage par exemple,

les thèmes qui font la couleur de cet album se veulent absolument "adolescents", tantôt

existentiels avec Sous quelle étoile suis-je né ?, tantôt prônant la liberté sexuelle avec le

titre célèbre L’Amour avec toi, interdite à la radio avant 22 heures.

Se faisant connaître grâce à cet envol très anglosaxon, Michel Polnareff imbibera la

France d’un nouveau genre musical, le Pop Baroque, qui se manifestera le plus dans son

album Le Bal des Laze (1968). Cette forme de pop se caractérise par une appropriation

d’instruments très utilisés dans la période baroque et créant ainsi une atmosphère

ancienne, caverneuse, lugubre parfois. Ainsi, des chansons belles à pleurer mettent en

valeur le clavecin (Mes regrets), l’orgue d’église (Le Bal des Laze, interdite elle aussi à la

radio) ou encore des cordes et cuivres dramatiques et passionnées (Jour après jour).

Suite p. 9

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09 MUSIQUE

1971, c'est l'année d'une grande déprime pour Michel Polnareff. Il perd son ami Lucien

Morisse, qui l'avait mené au succès, et lui compose alors une chanson-hommage

renversante par sa musicalité et son fond, Qui a tué Grand-maman ?. Polnareff venait

également de subir une agression lors d'un concert en 1970, or Johnny Hallyday lui offre

l'opportunité de renouer avec la scène en lui proposant d’être le pianiste de son show au

Palais des Sports. C'est également en 1971 que Polnareff sort l'album quadriphonique

Polnareff's, qui est généralement considéré comme l'apogée de sa carrière : un Polnareff

expérimental surprend avec des titres comme Né dans un Ice-Cream et confirme son

style habituel avec le titre formidable Nos mots d'amour. 1971, c'est enfin l'année où

Polnareff crée les musiques du film Ça n'arrive qu'aux autres (avec Catherine Deneuve),

l'histoire d'un couple heureux dont l'enfant de neuf mois meurt un beau matin. La

chanson est à nouveau sublime, elle devient un grand succès. « Ça n'arrive qu'aux

autres... Mais c'était le nôtre... Tu sais la différence c'est le chagrin. » Comme quoi,

toujours et encore, on constate que c'est lors de moments difficiles que les artistes

produisent les choses les plus abouties, et les plus sincères.

Outre les innovations musicales, il y a les

provocations de Michel Polnareff. Elles aussi ne

seront pas des conséquences de la « révolution »

sociétale en marche à l’époque, mais en

constitueront des agents principaux. Ses

provocations provoqueront un progrès, ou du

moins, des changements dans la mentalité

française très formatée par le général de Gaule.

Ainsi, outre la teneur de chansons comme La

poupée qui fait non, On ira tous au paradis ou

L’amour avec toi, c’est également par ses choix

vestimentaires que Polnareff provoquera, en

étant le premier chanteur connu à se montrer

en habits très féminins. Sa technique de

publicité elle aussi divisera l’opinion publique :

à l’affiche de son concert Polnarévolution, dont

le nom a inspiré le titre du présent article,

Polnareff se met en scène travesti et montrant

ses fesses. Une amende s’ensuivera.

Polnarévolution, son concert à l’Olympia,

intégrant – c’est une innovation – le son 5.1 et

des instruments fabriqués en plexiglas, ac-

compagnera deux chansons qui feront vraiment Michel Polnareff à l’Olympia (1972)

www.lefigaro.fr

Suite p. 10

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10 MUSIQUE

de l’année 1972 une période très percutante en ce qui concerne Michel Polnareff : On ira

tous au paradis et Holidays, deux grands tubes. L’une tire la langue à la culpabilisatrice

Eglise, l’autre transpose en chanson douce la peur polnarévienne de l’avion et offre une

deuxième lecture du texte, plus fine, dénonçant le contexte de l’apartheid à New York, où

le chanteur se rendait par la voie des airs.

Alors chargé de trois grandes étapes de sa carrière, Polnareff entrera dans cet enfer qu’il

dénonçait avec son plus grand tube, cité plus haut. Afin d’éviter de devoir fermer ses

portes, l’Olympia demanda à Michel Polnareff de refaire son spectacle quatre mois après

celui qui lui valut tant de succès tant pour sa publicité que pour son contenu. Mais ce

dernier refusa ; il voulait en effet monter un nouveau concert, avec une nouvelle mise en

scène et de nouvelles chansons. Afin de créer celles-ci, il sollicita Jean-Loup Dabadie,

l’un des plus grands auteurs de la chanson française à cet époque, et l’invita à se rendre

avec lui dans une oasis du sud afin de profiter de l’eau, du soleil et des femmes et laisser

parler sa créativité. Cependant, Polnareff se montra très paresseux : il repoussa toujours

les moments de travail à plus tard, et les titres furent créés en très peu de temps avant

l’échéance de l’Olympia. Le concert fut détesté ; l’album qui en résulta deçut.

Parallèlement à cela, Polnareff se rendit compte, peu à peu, qu’il se faisait rouler par son

homme de confiance. Ce dernier le ruina : Polnareff dut au fisc plus d'un million de

francs. Ne pouvant payer cette somme car l’autre lui avait tout volé, le chanteur s’exila

aux Etats-Unis à bord du France, qui se trouvera être l’un des plus grands titres de

Michel Sardou.

Polnareff avait grand espoir dans l’Amérique, qui devait lui offrir une compétition

honnête entre les chanteurs et un Etat plus respectueux fiscalement. Il fut d’ailleurs le

premier artiste français à signer un contrat international avec une maison de disque

américaine. Cependant, malgré de belles chansons comme Holding Hope To Smoke, celui

qu’on appelle « le Roi des Fourmis » n’atteint pas le succès espéré et retrouva le

châtiment de la censure avec son titre Jesus for tonight. C’est là que Michel Polnareff,

après avoir avalisé un mauvais concert en France, après s’être fait escroqué, après avoir

râté sa carrière aux Etats-Unis et apprenant la mort de sa mère, envisagea de tout

arrêter. Polnareff avait fait trop de tubes, trop vite. Rien ne lui suggèrait une lueur

d’espoir.

Rien, si ce n’est la nostalgie qui grandit lentement dans son cœur. Invité par la célèbre

RTL pour un concert spécial à Bruxelles, cette nostalgie se concrétisera en larmes devant

un public fou de joie de retrouver enfin leur idole française. La France, oui, c’est bien elle

qui était sa patrie. Et le prodige fut : Michel Polnareff soigna ses plaies en composant

une Lettre à France. Cette chanson mélancolique se manifesta comme un véritable coup

de tonnerre auprès du public francophone. Son retour était annoncé. Et quel retour.

Suite p. 11

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11 MUSIQUE

L’album qui accompagnera ce grand succès épistolaire, Coucou me revoilou, ne sera

cependant pas à la hauteur des attentes du public. Certains titres de l’opus dénoncent

son exil forcé, comme J’ai tellement de choses à dire, qui fait partie des chansons

réussies, bien qu’elle ait un ton de variété épique frisant le cliché. La variété, Michel

Polnareff l’aura toujours snobée, malgré quelques exceptions comme la chanson précitée

ou deux titres remarquables de 1970 : « Un train ce soir » et « Gloria ». Il l’évite donc

pour mieux l’aborder que ses collègues de métier. Sous la roche un peu fade de l’album-

retour dont nous parlions, une source de beauté coule et nous montre que le génie

Polnareff a bien persisté : Une Simple Mélodie, voilà l’une de ses meilleures créations,

une adéquation parfaite entre l’orchestration, les mots et la mélodie, et qui compte sur la

participation en or du bassiste Jaco Pastorius, qui nous offre des notes exceptionnelles.

Puis, les années 80 auront une influence très néfaste sur l’Amiral : deux albums

seulement sortiront, dont Incognito, qui porte bien son nom. Les synthétiseurs des

années disco seront-il la raison de son « déclin » ?

Assurément non, car l’un des épisodes les plus intéressants de la vie de Michel arrivera.

Depuis 1985, Michel Polnareff veut vivre enfermé sur lui-même : il se réfugie 18 mois

dans un manoir, n’écrit rien, ne compose rien. Une fois sorti du manoir, il décide de

rester dans ce village français car il s’y sent bien. C’est alors dans un bar-tabac qu’il

passe une vie "normale", demandant à tout le monde de garder le secret de sa

personnalité. Désormais, seules ses lunettes permettent de le reconnaître : Polnareff se

laisse pousser une barbe hirsute, ne se lave pas souvent, ne se teinte plus les cheveux en

blond. Une fois la rumeur parvenue, de nombreux producteurs musicaux de Paris

cherchent à le trouver pour lui proposer un contrat. Sony Music y parvient.

Seulement, fin 1989, Michel Polnareff a une condition spéciale pour réaliser son album :

il veut s’enfermer dans un palace de la capitale, le Royal Monceau. Le bar servira de

studio d’enregistrement de 4h à 8h du matin. Polnareff boit beaucoup, dort beaucoup, se

lève à 17 heures. Il gère les cordes, enregistrées à Londres, par téléphone. Tout paraît

irréaliste, et pourtant, tout aussi irréaliste, un chef d’œuvre de l’artiste, si ce n’est son

chef d’œuvre, en naîtra : Goodbye Marylou, une chanson dont l’harmonie n’avait été

utilisée dans aucun morceau auparavant. Polnareff dira avoir reçu ce thème musical

comme une aura, une révélation.

Or un malaise s’installe chez ses proches : pourquoi, une fois l’album terminé en 1990,

Polnareff désire-t-il encore rester dans cet hôtel, tel un ermite ? La réponse sera per-

cutante : depuis près de cinq ans, il devenait progressivement aveugle, et, ne voulant pas

le dire à son entourage, il s’est habitué aux contours des couloirs du Royal Monceau pour

pouvoir se déplacer. Convaincu par ses proches, il décidera finalement de détruire ce mal

profond qui le ronge en osant faire une opération très dangereuse, qui se passera bien.

Suite p. 12

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12 MUSIQUE

Un ironique événement pour cet

homme dont le premier com-

plexe fut ses yeux. En effet, Mi-

chel Polnareff adolescent s’est

vite trouvé laid ; il fut par-

ticulièrement complexé par sa

maigreur et ses yeux hagards et

très rapprochés. La fabrication

progressive de son personnage

semble dès lors avoir des rai-

sons très profondes. Ses lu-

nettes blanches, qui, bien sûr,

relèvent de quelque chose d’ac-

cessoire à côté de son oeuvre dé-

mentielle, comportent tout de

même quelque chose d’intrigant

et de mystérieux. De même que ses cheveux blonds ondulés ou ses tenues vestimentaires

variées, elles semblent en tout cas symboliser une grande transformation de soi.

Si Polnareff est si intéressant, c’est pour l’opacité qui le caractérise en de nombreux

points. Et cette dernière, passée la dimension physique, se retrouve dans quelques chan-

sons très ambiguës. Ainsi en est-il de Ballade pour toi (1966), qui a donné naissance à de

multiples débats pour savoir si le chanteur s’adressait à une fille ou à un garçon. Il est

vrai que l’atmosphère de la chanson laisse penser à la deuxième possibilité, renforcée par

une chanson de l’année 1967, Complainte à Michaël. Nombreuses furent les dénoncia-

tions d’une prétendue homosexualité, qui se lisait aussi dans les vêtements de l’artiste.

Puis, l’ambiguïté se transpose même dans des chansons exposant un certain amour pour

les enfants. L’exemple le plus frappant est le titre À midi à minuit, qui clot son album

mythique Polnareff’s de manière belle mais qui porte à confusion. « À minuit, les enfants

comme toi sont au lit. À minuit, qu’est-ce que tu fais dans mon lit ? »

De Kâma-Sutrâ à La mouche en passant par La maison vide, l’univers de Polnareff

mérite donc qu’on s’y faufile. Un monde à part n’existe jamais sans raison.

La rédaction vous suggère les nouveaux albums suivants :

Turn Blue (The Black Keys, 2014)

LØVE (Deluxe Version) (Julien Doré, 2014)

Michel Polnareff à son concert événement de 2007

http://it.wikirecent.com/topics/polnareff/

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Le Regard Libre | Janvier 2015 | N° 08 13

13 SPIRITUALITÉ

Un partage d’HÉLÈNE IVEN

Insieme – une approche différente

L’association Insieme Valais, soutenue par le Lycée-Collège des Creusets dans le cadre

de la marche d’automne et de l’action de Noël 2014, bien que locale, n’a jamais parue si

éloignée. Eloignée de notre quotidien d’une part, parce que la prise en charge de

personnes handicapées est rarement abordée, ni dans le milieu scolaire, ni ailleurs ;

d’autre part du fait que le handicap est trop souvent considéré comme « hors-norme »

dans une société où la différence effraie. En effet, ce sont des commentaires facilement

entendus dans les conversations : les handicapés mettent mal à l’aise. Pourquoi ? Sont-

ils trop différents ? Cette pensée m’indigne, d’autant plus que je ressentais le même

trouble, jusqu’au jour où j’ai voulu dépasser les apparences, m’éloigner de la fausse

image que j’avais des handicapés mentaux et me rapprocher d’eux pour apprendre à

vraiment les connaître.

Le concept d’Insieme est de libérer les parents d’enfants handicapés de leur charge

pendant certains week-ends de l’année. C’est surtout une possibilité pour leurs enfants

de passer des moments riches en activités et en amitié, dans une autre ambiance que

celle de l’école. Ils sont encadrés de jeunes qui s’en occupent et qui se chargent de

l’animation. Bien que travailler comme accompagnant demande une certaine

responsabilité, le jeune passe un week-end dans un cadre de vacances et il est rétribué

pour cela. En outre, il apprend à créer des liens de confiance avec des personnes

différentes. Lorsque j’en ai entendu parler, j’ai saisi l’occasion de tenter l’expérience et,

après un entretien avec la responsable, j’étais engagée pour un mini-camp d’un week-end

durant les vacances de Noël.

Désormais, j’aime reprendre l’expression : « Il faut voir pour croire » car mon expérience

a réellement changé la vision que j’avais sur le sujet. Quand un enfant présente un

retard mental, il est facile de penser qu’il n’éprouve pas les mêmes sentiments qu’un

autre enfant. Pourtant, lorsque l’un d’eux vous devient familier, il apparaît clair que les

handicapés sont sujets aux mêmes accès de joie quand ils jouent et aux mêmes crises de

colère quand ils perdent que l’enfant que vous étiez. De même, ils apprennent, ils

dansent, ils chantent, ils boudent, ils tombent amoureux et sont jaloux, tout comme on

peut l’être.

Cependant, les aptitudes de chacun varient selon leurs maladies, qui sont autant

nombreuses que diverses chez Insieme (étonnamment, lors de mon camp, une seule

personne souffrait de trisomie). Par exemple, le jeune garçon dont je m’occupais

présentait des troubles de motricité, ses réponses n’étaient pas toujours compréhensibles.

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Le Regard Libre | Janvier 2015 | N° 08 14

14 SPIRITUALITÉ

Encore une fois, il était facile de sous-estimer sa compréhension. Malgré cela, j’ai

rapidement appris à le connaître : adorable mais taquin, il a directement compris que

j’étais nouvelle et comment utiliser mes préjugés. Pendant deux jours, il m’a laissé

mettre sa ceinture et lui brosser les dents, ce qu’il savait très bien faire lui-même ! Une

autre surprise a été de le voir rire aux éclats à de fines blagues ; il les comprenait, elles

l’amusaient.

Hélène Iven (auteur de l’article) et Simon, le jeune garçon dont elle s’est occupé

La différence a tendance à provoquer une méfiance, voire même une répulsion. Ainsi, à

travers les âges, il a toujours été difficile de dépasser cette première impression –

premier engrenage des ségrégations raciales et des discriminations sociales. Cependant,

une fois que l’on gratte cette différence pour l’examiner de plus près, elle s’atténue

étrangement. Finalement, mon expérience chez Insieme a atteint ses objectifs : je ne les

juge pas sur leur maladie. Ainsi, si l’un d’eux m’était antipatique, ce serait dû à son

caractère plutôt qu’à son handicap. Désormais, lorsque j’aperçois un handicapé dans la

rue, je ne ressens plus aucun malaise. Il m’arrive même de rencontrer des personnes

dont je me suis occupée pendant le week-end ; alors, c’est avec plaisir que nous nous

retrouvons et que nous discutons. C’est incroyable comme ils peuvent être adorables !

© Nathalie Rey

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Le Regard Libre | Janvier 2015 | N° 08 15

« Si on ne voulait qu'être

heureux, cela serait bientôt fait.

Mais on veut être plus heureux

que les autres, et cela est

presque toujours difficile parce

que nous croyons les autres plus

heureux qu'ils ne le sont. »

Montesquieu

« Tout ce qui est grand fuit la

place publique et la renommée ;

c’est loin de la place publique et

de la renommée qu’ont toujours

vécu les inventeurs de valeurs

nouvelles. »

Friedrich Nietzsche

« L’art conteste le réel mais ne

se dérobe pas à lui. »

Albert Camus

« Cette phrase „Je hais les Juifs“

est de celles qu’on prononce en

groupe ; en la prononçant, on se

rattache à une tradition et à une

communauté : celle des mé-

diocres. Aussi convient-il de rap-

peler qu’on n’est pas nécessaire-

ment humble ni même modeste

parce qu’on a consenti à la mé-

diocrité. C’est tout le contraire :

il y a un orgueil passionné des

médiocres et l’antisémitisme est

une tentative pour valoriser la

médiocrité en tant que telle,

pour créer l’élite des médiocres.

[...] En traitant le Juif comme un

être inférieur et pernicieux, j’af-

firme du même coup que je suis

d’une élite. Et celle-ci, fort diffé-

rente en cela des élites modernes

qui se fondent sur le mérite ou le

travail, ressemble en tout point

à une aristocratie de naissance.

Je n’ai rien à faire pour mériter

ma supériorité et je n’en puis

plus déchoir. Elle est donnée une

fois pour toutes : c’est une

chose. »

Jean-Paul Sartre

15 CITATIONS

« La plus grave des fautes

consiste à n’en voir aucune. »

Thomas Cartyle

« L’angoisse est le vertige de la

liberté. »

Sören Kierkegaard