15
Le Regard Libre | Février / Mars 2015 | N° 09 1 LE REGARD LIBRE Journal d’opinion réalisé par des étudiants depuis 2014 Février / mars 2015 | N° 09 02 | Editorial et image du mois 03 | Architecture : Le Palais des Tuileries 06 | Philosophie : Médita- tions syriennes 09 | Spiritualité : L’adver- saire 11 | Photographie : Les bases de la photographie 13 | Forum : Réflexions sur la liberté 15 | Citations www.photos-galeries.com Le Palais des Tuileries : une histoire sombre – Page 3 Vos articles portant sur la philosophie, la politique, la littérature, la musique, la spiritualité, le cinéma ou un autre domaine digne d’intérêt sont les bienvenus. Nous nous réjouissons de vos commentaires et de vos propositions. Contact : Jonas Follonier | Classe 5A | [email protected] Aimez et suivez votre journal mensuel Le Regard Libre sur Facebook Visitez notre site Web www.leregardlibre.wordpress.com

Le Regard Libre - N° 9

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Ce numéro assez classique, allant d'une réflexion sur la liberté à la présentation d'un philosophe syrien, offre la nouveauté de la photographie qui n'avait encore jamais été traitée dans notre revue. Bonne lecture !

Citation preview

  • Le Regard Libre | Fvrier / Mars 2015 | N 09 1

    LE REGARD LIBRE Journal dopinion ralis par des tudiants depuis 2014

    Fvrier / mars 2015 | N 09

    02 | Editorial et image du

    mois

    03 | Architecture : Le Palais

    des Tuileries

    06 | Philosophie : Mdita-

    tions syriennes

    09 | Spiritualit : Ladver-

    saire

    11 | Photographie : Les bases

    de la photographie

    13 | Forum : Rflexions sur la

    libert

    15 | Citations www.photos-galeries.com

    Le Palais des Tuileries : une histoire sombre Page 3

    Vos articles portant sur la philosophie, la politique, la littrature, la musique, la

    spiritualit, le cinma ou un autre domaine digne dintrt sont les bienvenus. Nous

    nous rjouissons de vos commentaires et de vos propositions.

    Contact : Jonas Follonier | Classe 5A | [email protected]

    Aimez et suivez votre journal mensuel Le Regard Libre sur Facebook

    Visitez notre site Web www.leregardlibre.wordpress.com

  • Le Regard Libre | Fvrier / Mars 2015 | N 09 2

    02 DIVERS

    JONAS FOLLONIER Rdacteur en chef

    ditorial

    Vive la politique

    Il y a environ deux millnaires, les Grecs anciens inventaient la dmocratie. Il ne sagissait pas

    du systme que lon connat actuellement, certes, mais lide tait l : lindividu devenait citoyen

    et participait la vie de la cit comme il lavait en fait toujours fait, mais une organisation tait

    ne tout comme une forme de premire politique.

    Souvent lenfermement des jeunes dans leur petit milieu leur font croire que la politique est un

    jeu de puissants qui mangent beaucoup et boivent normment.

    Si la deuxime partie de la phrase nest pas forcment fausse, la premire si. Pour faire moi-

    mme lexprience de lengagement politique, je suis heureux dannoncer quil suffit dun peu de

    volont et dintrt pour toucher la chose publique, pas besoin ncessairement dargent ou de

    tradition familiale. Linvestissement suffit et il est prcieux.

    Il est trs important que les jeunes citoyens nourrissent les dbats actuels et soient les acteurs de

    leur libert (il ne suffit pas den disposer, il faut en user) : cette qualit de ltre humain nous

    permet de faire chaque jour des petits choix qui influenceront considrablement notre quotidien.

    Mes amis, chers citoyens chanceux et suisses, je vous invite prendre part ce monde

    magnifique et vous souhaite un beau printemps.

    Le comit (incomplet) du PJV lors de la Session des Jeunes du mardi 24 mars 2015

    Limage du mois (Photo de Florent Aymon)

  • Le Regard Libre | Fvrier / Mars 2015 | N 09 3

    03 ARCHITECTURE

    Un article de VINCENT GAUYE

    Le Palais des Tuileries

    Son nom voque sans conteste son origine. En effet, il fut rig lemplacement dune

    fabrique de tuiles, en 1564, par Catherine de Mdicis. Il est intressant de constater quil

    fut bti face la puissante forteresse du Louvre, alors bien loigne de larchitecture de

    celui que nous connaissons. En effet, loin des larges baies, ouvertes sur Paris, ce sont

    daustres courtines de moellons et de hautes tours troites et sinistres qui le composent.

    Imaginons la raction de Catherine de Mdicis face cet ouvrage au raffinement

    dplorable, elle qui descend de Laurent le magnifique, mcne des arts et de la

    Renaissance, loigne depuis des sicles de laustrit mdivale. Elle sen vient Paris

    pour pouser le futur Henri II, elle quitte la Renaissance pour le Moyen-ge. En effet, si

    Franois 1er rgne encore en ces temps-l et dploie dj, le long de la Loire, les grces de

    la Renaissance, Paris demeure mdivale, clotre derrire ses longs et froids remparts

    de pierre grise. Ma foi, malgr la monte de son poux sur le trne, il faudra attendre la

    fin de sa rgence (1563) pour voir les premiers projets du Palais des Tuileries aboutir.

    Notons toutefois la rfection dune aile du Louvre par Franois 1er en 1546, qui va

    inspirer le style de ce palais, par souci dhomognit. Ce sont Philibert Delorme puis

    Jean Bullant qui le btissent. Le plan tait bien plus ambitieux et comportait de nom-

    breuses arrire-cours qui laissrent place une structure bien plus simple, mais dune

    lgance sans bornes. Un pavillon central abritait alors un somptueux escalier de

    marbre, bien des

    gards le plus beau de

    son temps et le plus

    fastueux. Ce pavillon

    tait prolong par deux

    ailes, dont lune termi-

    ne par le pavillon Bul-

    lant datant de 1570.

    Henri IV, ds 1607, d-

    buta la construction

    dune longue aile qui

    reliait le pavillon Bul-

    lant au complexe du

    Louvre, alors en cours

    de mtamorphose Re- http://photos.wikimapia.org/p/00/01/00/02/32_big.jpg

    Suite p. 4

  • Le Regard Libre | Fvrier / Mars 2015 | N 09 4

    04 ARCHITECTURE

    naissance. Cet impressionnant prolongement, abritant une longue Galerie, fut nomm

    Le Grand Dessein . Louis XIII et Louis XIV enrichirent le Louvre de cours et de nobles

    faades jusquau dpart de la cour Versailles. Les immenses travaux cessrent et les

    Tuileries, aussi bien que le Louvre, furent dlaisses progressivement. Mais ce nest pas

    seulement ce dpart qui freine les ambitieux projets alors en cours, mais bel et bien cet

    amas dhabitations qui semble sparer indfiniment le Louvre des Tuileries.

    Si le Louvre depuis Philippe-Auguste jusqu Louis XIV, et Versailles, depuis ce dernier jusqu Louis XVI, furent les rsidences Royales officielles, Les Tuileries y succdrent, ds 1789, avec le retour de la famille royale Paris.

    En 1792, le Palais fut investi par la foule, massacrant les gardes suisses et pillant le

    royal logis.

    Lon y installa la Convention en 1793 puis le premier Consul Napolon 1er. Ce dernier, avide de prestige et de grandeur, perut cet ensemble royal non comme abouti, mais

    comme un dfi qui devait asseoir et lgitimer son pouvoir. En symtrie au Grand Des-

    sein dHenri IV, il fit dbuter une longue galerie et rasa le quartier qui faisait obstacle lunit Louvre-Tuileries.

    Cest seulement sous le Second Empire (Napolon III) que ces deux palais royaux ne fi-rent plus quun. Ainsi termin, le chteau imprial se compose comme suit : louest, une grande cour rectangulaire, ferme par les tuileries et encadre par les longues ailes

    du Grand Dessein ; lest, lemplacement de la forteresse primitive, une cour carre.

    Aujourdhui, lon ne parle plus que du jardin des Tuileries, et la cour ouest souvre sur ces derniers. Mais quen est-il des Tuileries ? O est donc pass le palais renaissance de Catherine de Mdicis, dHenri IV, de Louis XIII, de Louis XIV, de Louis XVI et de Napo-lon ?

    Reprenons. la chute du premier Empire, le frre de Louis XVI, le Roy lgitime de

    France, Louis XVIII, Comte de Provence, restaure la monarchie en France. Ce dernier

    sinstalle aux Tuileries. Cest de l aussi que rgnera Charles X, troisime frre du mal-heureux Roy. Cest en ce mme palais que natra en 1820, de la tmraire Duchesse de Berry, Henri dArtois, Comte de Chambord. De Palais Imprial, il devint ainsi Palais de la Restauration. Mais avec la rvolution de 1830, il fut nouveau pill.

    En 1831, pour lgitimer son pouvoir, lexemple de Napolon 1er, Louis-Philippe sinstalle aux Tuileries, alors vandalises. Il y fait de nombreuses rfections, mais sa chute conduit un troisime et invitable pillage. Encore heureux quil ne ft point in-cendi. En effet, il y eut une dispute entre deux partis. Les uns prnaient son pillage

    pour enrichir le peuple, et les autres sa destruction pour effacer les maux qui y

    avaient rgn.

    La venue de Napolon III en 1852 redora le blason de cette maison et vit le projet voulu

    par Henri IV achev. Balanant entre Restauration et Empire, ce Palais aura toujours

    t aurol dune aura de prestige et danti-rvolution.

    Suite p. 5

  • Le Regard Libre | Fvrier / Mars 2015 | N 09 5

    05 ARCHITECTURE

    Que pensait un rvolutionnaire

    convaincu, de lEmpire et de la Restauration ? Ctait pour lui une vidence : lchec de la R-volution, un pass absolutiste

    radiquer ! Quel objet reprsen-

    tait le mieux cet chec ? Les

    Tuileries, assurment ! De l, il

    ne restait plus qu porter la coupe aux lvres. Mais pour ce

    faire, il fallait le pouvoir. Ce

    pouvoir, ils leurent la chute du Second Empire, au lende-

    main de la dfaite de Sedan et

    de linvasion prussienne. La France eut tt fait constituer la

    Commune, assemble aux re-

    lents rvolutionnaires absolus.

    Durant deux mois, Paris vcut

    une reconstitution historique

    des dboires de la Rvolution.

    C'est lissu dune runion ab-jecte de ces mcrants, le 23

    mai, que lon vit le royal monument tre la proie aux flammes de lenfer rvolution-naire ; que lon vit ce dernier membre de pierre demeurer en vie steindre jamais !

    Ceux qui avaient triomph en 1848 seffaaient devant les misrables pyromanes. On lavait pill et brl ! Que dire de lmotion des Parisiens lorsque lon vit ses structures noircies par les flammes seffondrer leur tour dans un vacarme puissant et dans une poussire absolue ? Quelle fut la pense dHenri V voir son peuple dtruire sa demeure qui lui semblait pourtant si proche ?

    Les pierres du chteau taient peine refroi-dies quand, le dimanche

    2 juillet, un fiacre tran par un cheval tique, sarrtait langle de la rue de Rivoli et du pa-villon de Marsan et, sans mettre pied terre, un homme, du fond de la voiture, considrait, les yeux gros de larmes, les murs calcins. Ctait le comte de Chambord, le petit duc de Bordeaux dautrefois, dont, un demi-sicle auparavant, les salves, les cloches, les vivats avaient salu la naissance. Oh ! disait-il son compagnon, voil les deux fentres de ma chambre ; voil celle au bas de laquelle taient mes jouets : une tente de campement, des tambours, de grands soldats de plomb ! Voici la fentre du cabinet o mes professeurs me donnaient des leons ; ici, tait lappartement de ma mre et plus loin, celui o logeait le roi, mon grand-pre Tenez, mon ami, allons-nous-en ; je souffre trop ; allons-nous-en !

    Extrait de Les Tuileries fastes et malfices dun palais disparu

    G. LENOTRE

    http://www.lesechos.fr/medias/diaporamas/2209/DIAP220911426_A07B5E/PD_p225.jpg

  • Le Regard Libre | Fvrier / Mars 2015 | N 09 6

    06 PHILOSOPHIE

    Une pense de SOIAMICA

    Mditations syriennes

    Perte de la vue puis perte de la foi et de la destination : Aussi ma nuit extrme est-elle trois nuits.

    Abul Ala Al-Maari

    N en 973 aprs J.-C. prs dAlep en Syrie, Abul Ala Al-Maari est un des plus grands

    potes et penseurs de lge dor islamique. Il devint aveugle ds quatre ans, ce qui ne

    lempchera pas de faire ses tudes Alep, Antioche et Tripoli, et de publier un premier

    recueil de posies philosophiques intitul Saqt az-zand, soit l'tincelle d'Amadou. Deve-

    nu populaire, il est invit par les prestigieuses instances intellectuelles de Bagdad, aux-

    quelles il refuse de vendre une partie de ses uvres et dont il perdra par consquent le

    soutien. Il rentre alors en 1010 en Syrie o il mne une vie dascte jusqu la fin de sa

    vie en 1057, retir dans une modeste maison. la fois respect pour ses talents litt-

    raires et blm pour laudace de sa pense libre, Al-Maari crit son deuxime ouvrage, la

    Ncessit de ce qui nest pas Ncessaire (Luzum ma lam yalzam), suivi de lEptre du

    Pardon (Risalat al-ghufran), auquel on comparera souvent la Divine comdie de Dante.

    Son uvre se terminera avec le recueil dhomlies Al-Fusul wa al-ghayat, littralement

    Paragraphes et Priodes. Une grande partie de ses crits est aujourdhui malheureuse-

    ment perdue.

    Contemporain dAvicenne et prdcesseur dAverros, sa philosophie reflte un tre lu-

    cide, tourment par le monde auquel il appartient mais dont il ne comprend pas le sens.

    Al-Maari est empreint dun certain pessimisme sur lexistence et la condition humaine,

    du mal de vivre, de doutes sur la survie de lme aprs la mort, et surtout dun profond

    scepticisme quant aux convictions religieuses, quelles soient musulmanes comme la

    culture dans laquelle il fut lev ou autres. Ce libre penseur, qui navait peur des mots

    et qui tait provocateur dj son poque, sera par ailleurs encore censur 1000 ans plus

    tard, lors du Salon International du Livre dAlger. Refusant les croyances et faisant

    lloge de la raison, Al-Maari, outre ses provocations sur les hommes et les religions,

    peut encore actuellement apporter des clefs de lecture et ouvrir le dbat sur les sujets

    difficiles et polmiques que sont les croyances personnelles.

    Arrtons-nous sur quelques extraits de son second recueil "la Ncessit de ce qui nest

    pas Ncessaire", exemples de ses doutes face aux vrits prtablies et de sa misanthro-

    pie :

    Suite p. 7

  • Le Regard Libre | Fvrier / Mars 2015 | N 09 7

    07 PHILOSOPHIE

    La vrit est soleil recouvert de tnbres

    Elle n'a pas d'aube dans les yeux des humains.

    La raison, pour le genre humain

    Est un spectre qui passe son chemin.

    Foi, incroyance, rumeurs colportes,

    Coran, Torah, vangile

    Prescrivant leurs lois ...

    toute gnration ses mensonges

    Que lon sempresse de croire et consigner.

    Une gnration se distinguera-t-elle, un jour,

    En suivant la vrit ?

    Deux sortes de gens sur la terre:

    Ceux qui ont la raison sans religion,

    Et ceux qui ont la religion et manquent de raison.

    Tous les hommes se htent vers la dcomposition,

    Toutes les religions se valent dans l'garement.

    Si on me demande quelle est ma doctrine,

    Elle est claire :

    Ne suis-je pas, comme les autres,

    Un imbcile ?

    Un tel discours, crit il y a environ un millnaire, choque encore nos points de vues et

    croyances dhomme moderne : les paroles sont tranchantes, les attaques sans scrupules,

    et la solution au dni des religions se trouve tristement dans le dni de lhomme. On peut

    reprocher au pote ses prises de positions trop catgoriques, diffamatoires ou irrespec-

    tueuses.

    Cependant, au-del des jugements de valeurs, que lon adhre ou non ses ides, Al-

    Maari donne rflchir : il pose la question dune vrit qui relierait les hommes dans

    leur existence, et non pas dans une vie aprs la mort, comme le proposent une grande

    partie des religions. limage dAlbert Camus, le penseur refuse de "sillusionner", cest-

    -dire de spculer sur la mort et ce qui viendrait aprs ; il refuse les thories tentant

    dexpliquer le cosmos ou encore les affirmations sans justification pralable des

    croyances sur certains aspects de la vie. Son deuxime recueil va mme jusqu ne placer

    quune seule certitude : celle du Nant, qui entoure de prs ou de loin lhomme tout au

    long de sa vie. Apparat alors un paradoxe amusant entre le personnage et sa philoso-

    phie : misanthrope, Al-Maari place pourtant la raison humaine au centre dun

    Suite p. 8

  • Le Regard Libre | Fvrier / Mars 2015 | N 09 8

    08 PHILOSOPHIE

    processus de rflexion qui permettrait de trouver une vrit universelle, commune tous

    les hommes, cela indpendamment du fait quils soient musulmans, juifs, chrtiens, zo-

    roastriens, athes etc

    Cette ide dhumanisme me plat particulirement. Elle nest ni purement nihiliste ni

    entirement relativiste, comme elle peut le paratre au premier abord : elle laisse cha-

    cun une marge de manuvre suffisante en dautres termes une libert de choisir

    sans crainte de rpressions ce quoi lon veut adhrer, de refuser de se soumettre des

    systmes de penses dans lesquels on ne se reconnat pas. Au mme titre, elle empche

    dimposer aux autres ses propres croyances du simple fait que lon pense avoir raison.

    Paradoxalement encore une fois, outre le pessimisme et la misanthropie dAl-Maari, sa

    philosophie remet en question nos propres convictions, mais aussi les diffrentes doc-

    trines, quelles soient religieuses ou agnostiques. Elle nous permet de prendre du recul

    sur notre poque, o malgr tous les discours et les luttes que lon fait au nom et en vue

    de la libert, le fondamentalisme religieux ne sest jamais fait autant ressentir. Elle ap-

    porte enfin un idal de tolrance envers tous, permettant chacun de spanouir dans un

    cadre qui, loin dopprimer, de stigmatiser et dinterdire, noffre que lopportunit de vivre

    heureux dans le respect des diffrences.

    mditer.

    J'ai vu se repentir des athes

    A l'approche de la tombe.

    Je nai pas choisi que ma lampe steigne

    Mais lhuile a trahi lallumeur.

    Les hommes sont pomes rcits par leur destin

    Parmi eux le vers libre et le vers enchan.

  • Le Regard Libre | Fvrier / Mars 2015 | N 09 9

    09 SPIRITUALIT

    Une chronique de LORIS MUSUMECI

    Ladversaire

    Quil ne joue pas la comdie pour les autres, jen suis sr, mais est-ce que le menteur

    qui est en lui ne la lui joue pas ? Quand le Christ vient dans son cur, quand la certitude

    dtre aim malgr tout fait couler sur ces joues des larmes de joie, est-ce que ce nest pas

    encore lAdversaire qui le trompe ?

    Jai pens qucrire cette histoire ne pouvait tre quun crime ou une prire.

    Paris, janvier 1999

    Jean-Claude Romand : Pre de famille idal, fils consciencieux, grand mdecin

    succs et menteur, assassin, fou.

    Son histoire est celle dun homme banal, qui pendant dix-huit ans a menti sur tout tout

    le monde. Et tout clate le 9 janvier 1993, lorsquil tue sa femme, ses enfants, ses parents

    et tente, sans succs, de se suicider. On dcouvre alors quil ntait pas mdecin lOMS

    comme il le prtendait. Il ntait rien. Durant toutes ces annes, sans lombre dun doute,

    sa famille, ses amis le crurent dans ce mensonge dune vie, mais au moment o la vrit

    sapprta dchirer le voile de limposture pour ressurgir la lumire, Jean-Claude

    Romand ne trouva dautre issue que dassassiner ceux quil aimait , ceux qui eussent

    t meurtris par cette vrit touffe, si vieille et nouvelle la fois.

    Cependant, le plus malheureux dans cette histoire, cest quelle est relle. Emmanuel

    Carrre crivit en effet le tmoignage de ce fait divers entre 1993 et 1999, pour le

    publier enfin en 2000 sous le nom silencieux et parlant de LAdversaire.

    La lecture de ce rapport est lune de celles qui donnent vraiment un malaise profond.

    Plus que dun simple malaise que lon ressent, il sagit en fait dune angoisse viscrale.

    Carrre russit crire de manire ce que le lecteur vive vritablement le mensonge de

    Jean-Claude Romand, en effet on touffe dans le mme couloir troit et sombre de la

    tromperie, on souffre avec lui, mais aussi avec ses proches et leur ignorance de la vrit.

    Il viendrait mme parfois lenvie de hurler cette ralit des faits dissimule et esprer

    que quelquun puisse lentendre lintrieur des pages de ce livre. Toutefois, le plus

    trange demeure lopposition des sentiments que lon prouve lgard de la personne

    elle-mme du protagoniste principal ; il y a tantt une haine rpugne qui pleure et crie

    envers ce monstre qui a, depuis quasiment une vie, vomi de tout son estomac sur la

    confiance que lui donnaient au quotidien ceux qui laimaient, et tantt une tendre com-

    Suite p. 10

  • Le Regard Libre | Fvrier / Mars 2015 | N 09 10

    10 SPIRITUALIT

    passion pour cet tre compltement perdu dans son mensonge, qui nest en fait que le

    fruit sale et puant de moisissure dune simple crise de jeunesse.

    De plus, le titre en lui-mme, LAdversaire, regorge de sens et de questionnements. Il

    apparat dailleurs pour la premire fois au dbut de lcrit, lorsque Carrre prsente au

    lecteur la situation et quil parle des parents de Jean-Claude Romand : Ils auraient d

    voir Dieu et sa place il avaient vu, prenant les traits de leur fils bien-aim, celui que la

    Bible appelle le satan, cest--dire lAdversaire. Par cette vocation du satan en nom

    commun, qui amne ensuite l Adversaire en nom propre, on comprend bien que ce

    tmoignage porte une vritable rflexion, dun point de vue plus religieux, sur le

    personnage du diable et des diffrents aspects quil peut incarner, mais surtout une

    problmatique sur le mal en gnral, cet Adversaire universel. Et cest l que lon

    peut mieux comprendre alors la souffrance prouve la lecture de ce rapport, on

    retrouve en fait, par le personnage de Jean-Claude Romand et son mensonge, ce

    satan qui est en chacun de nous, par le combat du protagoniste, on y voit notre

    propre combat contre le mal qui nous tourne autour tel un amas de mouches, filles de

    Belzbuth (en hbreu : roi des mouches). Nous sommes de nature aimer la vrit, et

    cest elle en effet qui nous met sur voie du bonheur, mais lorsque surgit, dans une

    bnignit apparente au dbut, lAdversaire, le Mensonge, il ny a que la force de rester

    fermement en amiti avec la ralit qui peut nous sauver, parce quau fond cest dans

    lillusion que nous plonge le mal. On pourrait mme dire que lemprise de ce mal sur

    nous, cest lillusion perptuelle, en dautres termes : lenfer.

    LAdversaire jette alors en pleine lumire, par lexcellente

    criture de Carrre, la tragdie du mensonge et ses

    consquences dsastreuses, incarnes par Jean-Claude

    Romand, cette victime du Mal, quau fond personne ne

    peut juger. La seule chose que nous puissions et devions

    mme, de par notre responsabilit humaine, faire aprs

    la lecture de ce tmoignage, cest, dans un schma

    camusien de labsurde en effet le mensonge est absurde

    , prendre conscience, reprer clairement ce Mensonge, se

    rvolter contre lui en le refusant moralement mais en

    acceptant la faiblesse de lerreur humaine du menteur

    ( accepter ne signifie pas pour autant justifier ), et

    lutter par lamour vrai, celui de lamiti authentique,

    dans la Confiance inconditionnelle envers lautre.

    Oui, le pire ennemi de cet Adversaire dont il est question

    est sans aucun doute lAmiti.

    Suite p. 11

  • Le Regard Libre | Fvrier / Mars 2015 | N 09 11

    11 PHOTOGRAPHIE

    Une prsentation de JOSPHINE VUIGNIER

    Les bases de la photographie

    Tout photographe dsireux de sortir du mode automatique a d intgrer des notions

    techniques de photographie avant de pouvoir jouer avec ces dernires afin de progresser

    et de crer les effets dsirs. Ces bases techniques relvent du domaine de la physique et

    de la chimie, ensuite viennent les bases acadmiques (rgles des tiers, perspectives, ).

    Il y a trois principes importants prendre en compte pour commencer la photographie et

    avoir la bonne quantit de lumire : la sensibilit, louverture du diaphragme et la

    vitesse dobturation.

    La sensibilit (ISO ou ASA) : Jadis, dans la photo argentique se trouvaient sur la

    pellicule des grains d'argent qui ragissaient la lumire (importance de la chimie).

    Lorsque la lumire frappait les grains, ils noircissaient ; sans lumire, ils ne

    ragissaient pas (do les ngatifs). Le concept reste le mme lors du passage au

    numrique, les grains dargent sont juste remplacs par des capteurs. Ces capteurs ou

    grains ont un certain taux de raction la lumire, indiqu par les ISO (appel ASA sous

    lre de largentique). Plus les ISO sont hauts, plus les capteurs sont sensibles la

    lumire, donc moins il en faudra ; au contraire, plus les ISO sont bas, moins les capteurs

    seront sensibles, par consquent plus de lumire sera ncessaire. Pour un paysage au

    soleil fort de Barcelone, on choisira une faible sensibilit, par exemple 100 ISO pour ne

    pas obtenir une photo surexpose (trop claire). Pour un concert faible clairage, on

    favorisera une grande sensibilit 6400 ISO, afin que la photo ne soit pas sous-expose

    (trop sombre). Le choix de la sensibilit modifie aussi le bruit (effet pixellis ,

    granuleux). Si la sensibilit est faible (petit nombre), il y aura peu de bruit. A l'inverse, si

    la sensibilit est haute (grand nombre), il y aura plus de bruit. On privilgie donc une

    basse sensibilit pour les photos darchitecture o les dtails sont importants. L'impact

    du bruit reste tout de mme ngligeable.

    ISO 100 ISO 6400

    Beaucoup de lumire Peu de lumire

    Peu de bruit Beaucoup de bruit

    Louverture du diaphragme : Le diaphragme est lquivalent de la pupille de lil, il doit

    s'adapter la lumire. En cas de fort ensoleillement, il faut une petite ouverture pour

    laisser passer moins de lumire et dans la pnombre une grande ouverture, toujours

    dans le but dobtenir un rsultat ni surexpos ni sous-expos. La notation f/2 correspond

    une grande ouverture, f/16 une petite.

    Suite p. 12

  • Le Regard Libre | Fvrier / Mars 2015 | N 09 12

    12 PHOTOGRAPHIE

    Louverture du diaphragme influence la profondeur de champ (importance de la

    physique), cest dire la zone dans laquelle le sujet de la photo sera net. Une grande

    ouverture (chiffre bas) cre une courte profondeur de champ. On opte donc pour ce type

    de rglage dans les portraits afin davoir un flou artistique , ou bokeh , larrire-

    plan. A linverse, une petite ouverture (chiffre haut) cre une grande profondeur : nous

    lutilisons gnralement pour les paysages en vue dune nettet sur tous les plans.

    La vitesse dobturation : Autrement appel temps de pose ou dure dexposition, il sagit

    du laps de temps durant lequel la lumire frappe les capteurs. Si nous manquons

    dclairage, la vitesse dobturation devra tre plus longue (1) que sil y a beaucoup de

    lumire (1/2000 sec). Ce paramtre permet de crer une impression dimmobilit ou de

    mouvement. Si vous voulez photographier un cycliste vive allure et dsirez l'avoir net,

    une vitesse rapide sera ncessaire. Si vous souhaitez un effet fil vous opterez pour un

    temps de pose plus long.

    Lorsque vous prendrez votre prochaine photo, focalisez-vous sur l'effet que vous dsirez

    rendre. Faites le rglage adquat et adaptez les autres paramtres afin datteindre une

    exposition correcte. Dornavant, vous pouvez abandonner le mode automatique et grer

    avec prcision le rendu de vos photos.

    La rdaction vous suggre les

    nouveaux ouvrages suivants :

    Un jour je men irai sans en avoir

    tout dit (Jean dOrmesson, Robert

    Laffont, 2013)

    Meursault, contre-enqute (Kamel

    Daoud, Actes Sud, 2014)

  • Le Regard Libre | Fvrier / Mars 2015 | N 09 13

    13 FORUM

    Une pense de SBASTIEN OREILLER

    Rflexion sur la libert

    Tout le monde se casse les dents sur la libert, tant le sujet est vaste et pineux. Sartre

    disait : La libert, cest vouloir ce que lon peut. En lieu dune dfinition, voil un

    plonasme, un sophisme mme, qui napprend rien sur la libert en tant que telle. Sartre

    se contente de prciser les conditions dans lesquelles sexerce cette fameuse libert, sans

    prciser ce que lon peut vraiment noter dailleurs que lon ne peut pas quelque chose

    mais que lon peut faire quelque chose. La libert se pose en actes. Nuance. La

    rciproque mme aurait t plus constructive, savoir que nest pas libre celui qui

    recherche ce quil ne peut atteindre. Mais a, tout le monde le sait ; le philosophe de

    lexistentialisme tourne autour du pot. Lminent pre du Zarathoustra lui aussi prfre

    rester dans le vague : La libert, cest davoir la volont dtre responsable de soi-

    mme. Or, on est libre parce que lon a la volont dtre responsable de soi-mme. Cest

    une cause, non la libert en soi. Ajoutons que le mot mme de libert est un concept

    dsagrable qui ne renvoie rien. Il ny a pas de libert : il ny a que des tres libres ou

    non. Il faut donc en revenir au fait physique, si simple et effrayant parce que si

    dangereux : tre libre, cest faire ce que lon veut. A cela, il faut ajouter lindispensable

    corollaire social : tre libre, cest faire ce que lon veut, quitte en payer les

    consquences.

    On entend souvent dire que la libert sarrte l o celle des autres commence. Or, la

    libert ne connait pas de limites physiques. Quand on pose un acte, on est entirement

    libre de le faire ou on ne lest pas. Il ny a pas de demi-mesures. Le reste est un pacte

    social qui na rien voir avec la libert : chacun dispose de sa propre intgrit mais pas

    de celle des autres. Je peux trs bien prendre le risque de dclencher une avalanche et

    dtre emport, cela ne concerne que moi ; par contre, je nai pas le droit de mettre en

    danger les skieurs en-dessous de moi en dclenchant une coule. Quoi quil en soit, je

    suis tout fait libre de le faire si je suis prt avoir la mort des autres sur ma

    conscience et/ou tre condamn. Ergo : je nai pas le droit de faire cela, pourtant,

    partir du moment o rien ne men empche, je suis libre de poser consciemment cet acte

    ou non. Cest le libre arbitre. On voit donc que le droit et la libert sopposent. Le droit

    est l pour viter lanarchie dans la communaut, il est fix par des rgles et garantit

    une cohsion au groupe. Corollaire n1 : fixer la libert comme une valeur intrinsque

    dun tat, cest la porte ouverte tous les abus, tant donn que la libert, partir du

    Suite p. 14

  • Le Regard Libre | Fvrier / Mars 2015 | N 09 14

    14 FORUM

    moment o elle existe, dpend de lindividu et ne se matrise pas. Corollaire no2 :

    lhomme libre est toujours un criminel le premier tre libre de la tradition occidentale,

    et le premier en payer le prix, nest autre que Satan, il faut le rappeler.

    On voit donc le danger que reprsente le libre arbitre pour la socit. Si chacun

    commence appliquer lui-mme sa libert selon ce qui lui semble bon, la cohabitation

    devient vite un cauchemar. Ltat et la religion fonctionnent donc comme des entraves

    ncessaires la libert pour garantir la cohsion du groupe : ils fixent des rgles et des

    chtiments si les rgles sont entraves. Dans le troupeau, la peur de la punition limite

    donc lexercice de la libert. Le thologien Hans Kng navait pas tout tort en qualifiant

    le pape Jean-Paul II de dictateur qui voulait supprimer le libre arbitre en faisant primer

    le dogme et la tradition sur lexercice de la conscience. Ce quil faut comprendre, cest que

    de pareilles restrictions ont lieu dexister et sont mme ncessaires pour la masse du

    troupeau, peu duque et primitive. Rien nempche les tres plus intelligents

    dappliquer leur libert suivant leur libre arbitre, sil leffet obtenu est plus important

    pour eux que le chtiment. Lexercice rel de la libert pas le semblant dindpendance

    prsent au peuple pour quil se tienne tranquille est donc par dfinition un plaisir

    rserv une lite. Plus encore, la libert est la caractristique de lhomme noble, celui

    qui impose ses valeurs au troupeau, par opposition lesclave qui les subit. Nest pas

    libre qui veut.

    Si la libert, cest faire ce que lon veut, quitte en payer les consquences, on peut donc

    dire que plus les consquences sont pesantes, plus la libert est grande. La libert

    suprme, cest poser son acte dlibrment tout en sachant que lon va en souffrir. Et ce

    pour le meilleur comme pour le pire La douleur a donc un effet thrapeutique, comme

    le prtend Nietzsche. Pour faire un tel choix, il faut avoir du courage, il faut oser se

    sacrifier soi-mme. Le tragique est lexpression de cette crise, cest le conflit entre un

    vouloir vivre et une entrave irrparable la libert. Or, les hros sont les tres nobles

    par excellence, ceux qui ne supportent pas dtre enchans, ceux pour qui la mort est

    prfrable la suppression de la libert. Ou vivre noblement, ou noblement prir nous

    dit Ajax. Pour le hros (du grec : matre, chef, noble), vivre noblement cest vivre en

    homme libre. Voil pourquoi Antigone prfre mourir plutt que dtre prive de la

    libert denterrer son frre. Petit corollaire : si le personnage tragique est celui qui

    ressent au plus profond de lui-mme la privation de la libert, et que le hros est par

    dfinition un homme libre, on peut dire que tout hros est tragique. Ceux que lon

    nomme les hros du quotidien eux-mmes, ce sont les hommes prts tout pour dfendre

    leur libert (et parfois celle des autres) et nen supportent pas la privation. Un hros qui

    ne se bat pas pour sa libert, dune manire ou dune autre, nest pas un hros

  • Le Regard Libre | Fvrier / Mars 2015 | N 09 15

    Ce qui importe, ce nest pas la

    vie ternelle, cest lternelle

    vivacit.

    Friedrich Nietzsche

    De qui et de quoi en effet puis-

    je dire : Je connais cela ! Ce

    cur en moi, je puis lprouver

    et je juge quil existe. Ce monde,

    je puis le toucher et je juge

    encore quil existe. L sarrte

    toute ma science, le reste est

    construction.

    Albert Camus

    To everything there is a

    season. Yes. A time to build up.

    Yes. A time to keep silence and a

    time to speak. Yes, all that. But

    what else. What else ?

    Something, something

    Ray Bradbury

    Je nai pas rejoint le chur des

    moralistes qui recherchent ce

    quils dnoncent et qui con-

    damnent ce quils poursuivent.

    Largent est un mal, bien sr

    mais un mal ncessaire, et

    souvent agrable.

    Jean dOrmesson

    15 CITATIONS

    On nest pas dun pays, on est

    dune solitude.

    Roger Hanin

    Un seul tre vous manque, et

    tout est dpeupl.

    Alphonse de Lamartine

    Cest lenseignement de la

    langue qui compte. La syntaxe,

    cest la verticalit ; le

    vocabulaire, cest les nuances ;

    lorthographe, cest savoir ce que

    lon dit. Limportance, ce ne sont

    pas les valeurs, cest la rigueur.

    Lcole daujourdhui est pleine

    damour, pleine de sollicitude.

    force damour, elle a chass la

    Rpublique. Il faut que la

    Rpublique revienne dans lcole

    avec la rigueur, si cest encore

    possible. Je doute que ce le soit

    dans tous les endroits, mais les

    sociologues mexpliqueront le

    contraire.

    Alain Finkielkraut