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LECTURES COMPAREES par Martine Burgos* Dans le cadre d'un questionnement sur la réception littéraire dont elle rappelle les fondements théoriques, Martine Burgos présente un projet de recherche concernant la lecture comparée d'un même roman, en France et au Burkina Faso. D e par le monde, les livres circulent. De plus en plus nombreux, divers, accessibles, bon marché, à un rythme accélé- ré par l'évolution des techniques. Avec le développement des réseaux de communica- tion informatique, la diffusion des écrits ne dépendra bientôt plus de leur matérialité. Le dernier obstacle à leur présence simultanée, en tous les points du globe, la lourdeur, l'encombrement physique du livre-objet - et ce indépendamment de toute logique « histo- rique » - sera ainsi théoriquement levé. Une telle perspective est à la fois exaltante et, au plus haut degré, inquiétante. Emblème de l'entrée des sociétés occidentales dans la modernité, l'écrit qui véhicule des projets, des sensibilités, des systèmes de valeurs venus de tous les lieux habités par l'homme participe aujourd'hui de la déstructuration d'un monde dans lequel l'individu était conçu dans son rapport à des entités collec- tives fortes : l'Humanité, la Nation ou la Classe. Ces figures abstraites étaient por- teuses d'un projet fédérateur, dans le temps et dans l'espace, qui transcendait les intérêts particuliers ; elles étaient donc censées don- ner, de gré ou de force, sens et cohérence aux existences individuelles. On est donc en droit de s'interroger sur les nouvelles confi- gurations sociales auxquelles les individus s'attacheront pour qu'elles leur fournissent de nouveaux systèmes de repères. Or la « mondialisation », à laquelle participe l'écrit, ne se réalise pas sur une table rase. Le inonde actuel offre une diversité extraor- dinaire de formations sociales, des plus ar- chaïques aux plus développées, en contact réel (ou virtuel) les unes avec les autres. Si la question de l'individualisation, du rapport du sujet individuel à la communauté, au groupe, tend à s'universaliser avec la géné- ralisation de la civilisation urbaine, chaque société y répond d'une manière spécifique. La question des conditions, des limites et des effets réels de la réception des modèles mis en circulation par les mass-media et les modes de communication plus traditionnels se pose nécessairement. Les enquêtes concer- nant la réception culturelle, en particulier celle des oeuvres esthétiques et notamment des textes littéraires, participe de cet effort pour comprendre ce qui s'élabore dans cet échange généralisé de la production symbo- lique. * Martine Burgos est sociologue et membre de l'EFISAL : Equipe Fonctions Imaginaires et Sociales des Arts et de la Littérature. N°177 SEPTEMBRE 1997 / 81

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LECTURES COMPAREESpar Martine Burgos *

Dans le cadre d'un questionnement sur la réception littérairedont elle rappelle les fondements théoriques,

Martine Burgos présente un projet de rechercheconcernant la lecture comparée d'un même roman,

en France et au Burkina Faso.

D e par le monde, les livres circulent.De plus en plus nombreux, divers,

accessibles, bon marché, à un rythme accélé-ré par l'évolution des techniques. Avec ledéveloppement des réseaux de communica-tion informatique, la diffusion des écrits nedépendra bientôt plus de leur matérialité. Ledernier obstacle à leur présence simultanée,en tous les points du globe, la lourdeur,l'encombrement physique du livre-objet - etce indépendamment de toute logique « histo-rique » - sera ainsi théoriquement levé. Unetelle perspective est à la fois exaltante et, auplus haut degré, inquiétante. Emblème del'entrée des sociétés occidentales dans lamodernité, l'écrit qui véhicule des projets,des sensibilités, des systèmes de valeursvenus de tous les lieux habités par l'hommeparticipe aujourd'hui de la déstructurationd'un monde dans lequel l'individu étaitconçu dans son rapport à des entités collec-tives fortes : l'Humanité, la Nation ou laClasse. Ces figures abstraites étaient por-teuses d'un projet fédérateur, dans le tempset dans l'espace, qui transcendait les intérêtsparticuliers ; elles étaient donc censées don-ner, de gré ou de force, sens et cohérence

aux existences individuelles. On est donc endroit de s'interroger sur les nouvelles confi-gurations sociales auxquelles les individuss'attacheront pour qu'elles leur fournissentde nouveaux systèmes de repères. Or la« mondialisation », à laquelle participel'écrit, ne se réalise pas sur une table rase.Le inonde actuel offre une diversité extraor-dinaire de formations sociales, des plus ar-chaïques aux plus développées, en contactréel (ou virtuel) les unes avec les autres. Si laquestion de l'individualisation, du rapportdu sujet individuel à la communauté, augroupe, tend à s'universaliser avec la géné-ralisation de la civilisation urbaine, chaquesociété y répond d'une manière spécifique.La question des conditions, des limites et deseffets réels de la réception des modèles misen circulation par les mass-media et lesmodes de communication plus traditionnelsse pose nécessairement. Les enquêtes concer-nant la réception culturelle, en particuliercelle des œuvres esthétiques et notammentdes textes littéraires, participe de cet effortpour comprendre ce qui s'élabore dans cetéchange généralisé de la production symbo-lique.

* Martine Burgos est sociologue et membre de l 'EFISAL : Equipe Fonctions Imaginaires et Sociales des

Arts et de la Lit térature.

N°177 SEPTEMBRE 1997 / 81

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Des recherches précédentes1 nous ontconvaincus de l'intérêt qu'il y avait à faire ledétour par une œuvre de fiction narrativepour cerner les représentations mentales etles systèmes de valeurs qui orientent les com-portements des individus et des groupes. Lamédiation par le texte littéraire permetnotamment d 'appréhender les zonesd'ombre, les tensions, les questions irréso-lues qui composent une problématiqueouverte et dynamise la conscience de soi del'individu et son rapport aux autres. Eneffet, le texte littéraire ne délivrant pas demessage univoque, sa lecture met le sujetdans une posture intellectuelle particulière :elle lui permet (ou le contraint) d'exercer unemaîtrise symbolique sur un monde paradoxalqui ne prend consistance qu'à la mesure del'investissement auquel le lecteur consent. Enmême temps, le texte possède une cohérenceinterne avec laquelle le lecteur est amené àjouer ou négocier s'il veut parvenir à l'élabo-ration d'une signification considérée commeun des modes possibles de totalisation deséléments du texte, qui n'en exclut a prioripas d'autres. C'est ainsi que la lecture litté-raire est un processus d'interprétation quirévèle, mieux que ne le font les discours ordi-naires qui traitent d'un monde réel nécessai-rement incohérent et non maîtrisable dans satotalité, le mode de rapport que le lecteurentretient (ou cherche à établir) avec le réelcomme potentialité.

C'est dans ce cadre théorique large qu'uneenquête comparative de réception littérairea été lancée dans deux pays participant decivilisations très différentes, en particulier

dans son rapport à l'écrit : la France et leBurkina Faso. Elle concerne des lecteursadolescents (entre 12 et 17 ans) que nousavons interviewés dans des établissementsscolaires et des bibliothèques. Comme ter-rain pour cette enquête nous avons retenuun roman de Lois Lowry intitulé LePasseur*.

Les raisons de choisir cet ouvrage ne sauraientéchapper à ceux qui le connaissent déjà. Ilnous fallait proposer un texte dont la valeurlittéraire garantisse la multiplicité desapproches et des interprétations. En mêmetemps sa facture devait être accessible à deslecteurs de compétences variées, tant du pointde vue de la technique leetorale que deI'« encyclopédie »3 dont ils disposaient. Nousdevions tenir compte en particulier de l'étatd'ignorance (relative) dans laquelle chaquegroupe respectif de lecteurs, en France et auBurkina Faso, se trouvait à l'égard du mondede l'autre, dans sa dimension culturelle, poli-tique, religieuse, aussi bien que dans celle de lavie quotidienne, au plan des modes de vie, del'environnement naturel, sensoriel, etc. Lerécit ne devait donc pas pouvoir être référé àun monde par trop étranger, ou par trop fami-lier, à l'un ou l'autre des lectorats. Nous avonsainsi écarté de très beaux récits dont l'histoirese déroulait en Amérique latine ou dans lesrégions les moins développées de l'Asie. Lesquestions ouvertes par le texte devaient êtresuffisamment importantes, graves et pro-fondes, pour concerner l'ensemble de nos lec-teurs et les toucher, compte tenu de leur âge. Atous ces critères de choix, Le Passeur répon-dait parfaitement.

1. Voir en particulier Jacques Leenhardt , Pierre Jozsa : Lire la lecture, Le Sycomore, 1982 ; Jacques

Leenhard t , Mar t ine Burgos : Existe-t-il un lecteur européen ?. Conseil de l 'Eu rope , 1989 : Mart ine

Burgos : « La Lecture comme prat ique dialogique et son interprétat ion sociologique » in J .M. Pr ivât . Y.

Reuter : Lectures et médiations culturelles, P.U.L., 1991.

2. Lois Lowry : Le Passeur, L'Ecole des loisirs, Médium, 1994.

3. Umberto Eco oppose cette notion, qui renvoie à un ensemble de connaissances ordonnées, à celle de

« dictionnaire » qui regroupe les définitions abstraites de termes isolés. Cf. U. Eco : Lector in fabula,

Grasset, 1985.

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Le roman de Lois Lowry satisfait enfin à undernier critère qui tient plus spécifiquementau rôle attribué à l'écrit dans les sociétésafricaines. Au moment où le projet prenaitforme, avant que le choix du roman ait étédéfinitivement arrêté, notre collègue anthro-pologue4 a insisté sur le fait que, pour lamajorité des jeunes Africains, la lecture ad'abord une visée documentaire. Elle est,principalement, une voie d'accès à laconnaissance du monde réel et le moyen de laréussite sociale5. L'oralité, en particulier latransmission des mythes, reste le principalvecteur de la construction de l'imaginaireindividuel et collectif. Par ailleurs, à la lecturede fiction par laquelle on s'évade et exploredes territoires étrangers auxquels l'imagina-tion propre du lecteur donne forme, estassociée une posture de repli sur soi impli-quant le retrait provisoire hors du groupe,ce qu'il est fort difficile d'obtenir dans unesociété où l'individu n'est presque jamaissolitaire. Si la lecture romanesque apprendau lecteur que solitude n'est pas forcémentsynonyme d'exclusion, cette découverte ne vapas de soi dans des sociétés fortement mar-quées par la tradition. Aussi, pour éveillerl'intérêt des lecteurs africains et les soutenirdans cette posture toujours plus ou moinssubversive de l'ordre qu'adopte le lecteur deroman, fallait-il choisir un ouvrage de fictionqui leur parle de leur réalité (pourl'« accroche ») mais sur un mode qui sollicitel'imagination (pour l'activité interprétativequ'elle induit). Le Passeur a été cet ouvrage.

Masque Bachain. Musée Rietberg, Zurich.« Ce mas((iie a le caractère un peu baroque et exhibitionnistetypique des sociétés hiérarchisées s'appuyant sur un chef »

in L'An africain, O.D.E.G.E., 1969

En effet, la question centrale du Passeur est,nous semble-t-il, celle du rapport de l'indivi-du au groupe. La « communauté » danslaquelle se déroule l'histoire de Jonas est unestructure de formation et de contrôle desindividus qui emprunte beaucoup de traitsaux sociétés traditionnelles, en particulier cecaractère fondamental que Louis Dumontdésigne par le terme de « holisme »^, c'est-à-dire la valorisation de l 'ordre, « donc laconformité de chaque élément à son rôle

4. Une petite équipe a été constituée autour de cette recherehe. Elle comprend : en France, MichèleDacher, anthropologue au Centre de Recherche Africaine de l'École des Hautes Études en SciencesSociales et moi-même ; au Burkina Faso, Salaka Sanou, enseignant à la Faculté des Lettres, des Arts etdes Sciences Humaines de l'Université de Ouagadougou ; Christine Bahari et Olivier Caira ont partici-pé à l'élaboration de la problématique et aux entretiens.5. On retrouve là les caractéristitpjes de la lecture utilitaire pratiquée par une majorité de jeunes lec-teurs français, pas seulement ceux qui sont issus de milieux populaires. Cf. : Nicole Robine : LesJeunes travailleurs et la lecture, La Documentation française, 1984 ; François de Singly : Les Jeuneset la lecture, Ministère de l'Education Nationale et de la Culture, 1993.6. Louis Dumont : Homo aequalis, Gallimard, 1985, p. 12.

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dans l'ensemble, en un mot la société commeun tout. » Ce type d'organisation socialeimplique le plus souvent la soumission desindividus à une hiérarchie, valeur que LouisDumont oppose à l'égalité et à la liberté quisont celles des sociétés « individualistes » qui« valorisent en premier lieu l'être humainindividuel » et ses besoins particuliers audétriment des besoins de la société. On voitque la société du Passeur combine en appa-rence des traits « holistes » et « individua-listes » : elle est à la fois égalitaire et hiérar-chisée, attentive aux individus et brimantleur désir, tolérante et répressive, respon-sable et insouciante, brutale et paisible,rationnelle et incantatoire, etc. Ces ressem-blances sont, de fait, toutes formelles car ons'aperçoit qu'il manque à cette société l'unedes valeurs centrales et dynamiques qui don-nent sens respectivement à l'un et à l'autrede ces systèmes : la transcendance qui fondel'ordre immuable des sociétés « holistes » etl'immanence qui assure une finalité et unecohérence à la multiplicité infinie des his-toires que trament les sociétés « individua-listes ».

Si cette hypothèse de lecture est juste, elledevrait s 'avérer féconde par rapport àl'objectif de notre recherche : susciter chezle lecteur une prise de position critique àl'égard du monde de la fiction, qui l'engageen retour à réfléchir sur son propre univers.Au Burkina Faso comme en France, des lec-teurs devraient pouvoir se sentir à la foisproches et éloignés de ce monde, que beau-coup de jeunes Français qualifient d'ailleursde « bizarre », signalant ainsi qu'ils ne sont

pas insensibles à son caractère composite,parfaitement construit, fonctionnant à mer-veille mais à partir d'éléments hétéroclites.D'où la gêne, la curiosité, l'intérêt que pro-voque sa lecture.

Pour autant que nous puissions en juger àpartir d'une première lecture des entretienseffectués en France7 et des échos que nousavons des réactions africaines, le livre deLois Lowry a été crédité de manière généraled'une dimension fortement critique. Au-delàde ce constat, il reste beaucoup à apprendrede l'analyse de ce corpus, extrêmement richeet divers. On peut se demander, par exemple,si le caractère « inhumain » de l'univers duPasseur est dénoncé à partir de valeurs simi-laires (« universelles ») en France et au Bur-kina Faso ou bien si les lecteurs adoptent unpoint de vue spécifique, investissant lesvaleurs propres à leur culture. Ainsi, peut-ons'attendre au même type de rejet de la partde jeunes Français, vivant dans un pays quifigure, en dépit de la crise, parmi les plusriches de la planète, appartenant à une socié-té libérale, où le procès d'individualisationest en œuvre depuis des siècles, et de la partd'adolescents burkinabés vivant dans uncontexte matériel et social qui fait du main-tien du modèle communautaire une nécessitéabsolue pour la survie des individus et dugroupe ? Témoignent, par exemple, de cettedifférence probable, l'importance centraledu thème de la liberté, au sens de « bon plai-sir », dans les réponses de la plupart des lec-teurs français et la position plus complexedes étudiants burkinabés qui repèrent, dansle texte, des indices (qui ont échappé à leurs

7. Après la phase de pré-enquête qui nous a permis de recueillir les réactions d'une dizaine de lecteursâgés de 12 à 82 ans, nous avons mené des entretiens avec les élèves d 'une classe de 51' du collège PaulValéry à Thionville, avec de jeunes lecteurs fréquentant les bibliothèques municipales Crimée etBenjamin Rainer, dans le 19*1 arrondissement à Paris , et enfin avec des élèves d'une classe de 31' ducollège Paul Bert dans le 14e arrondissement. Que tous ceux qui ont aidé l'équipe dans cette partie dela recherche, enseignants, documentalistes, bibliothécaires, sans oublier Marie Laurentin de La Joiepar les livres, qui nous a fait découvrir Le Passeur, et l'association Lecture-Jeunesse qui nous a pro-curé une partie des livres nécessaires à l'enquête, soient ici chaleureusement remerciés.

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camarades français) concernant l'origine decette société et l'objectif que ses fondateurslui ont fixé : éradiquer la souffrance soustoutes ses formes afin d'éliminer la violenceet la guerre. L'idée prédomine qu'il estimpossible de normaliser la nature humaine,faite de raison et de passion et que, si larecherche de l ' idéal est constitutif del 'humanité, cette recherche même peutengendrer le pire : immobilisme, absence decontact, répression. La plus grande maturitédes étudiants burkinabés, sensiblement plusâgés que les adolescents français, ne suffitprobablement pas à expliquer l'attentionportée au moment de la fondation et à sesconséquences. L'histoire récente des paysafricains qui fait se succéder les ruptures etles gestes fondateurs s'inscrit volontiers dansla tradition des grands récits mythiques quiracontent l'origine de la communauté. Unedes grandes questions auxquelles une tellerecherche pourrait apporter un commence-

ment de réponse sera précisément celle dumaintien ou de F affaiblis sèment d'un imagi-naire de la rupture, et de ses enjeux au plandes valeurs, dans l'un et l'autre pays.

Il me semble que c'est au moment où l'onréfléchit à un autre monde possible, que lerapport à l'autre, la place qu'on est prêt à luiaccorder, prend toute son importance etqu'une chance nous est alors offerte de quitterl'univers parfois dangereusement clos de lareprésentation utopique pour entrer danscelui du partage d'un monde mis en commun.Les enquêtes de terrain, en dépit de la triviali-té de leurs procédures, peuvent peut-être nousaider à percevoir les limites de cette aventurecollective, à préciser les incompatibilités géné-ratrices de tensions, de mécompréhensionsmutuelles et d'affrontements, mais aussi lesouvertures conciliables avec le monde tel quel'histoire nous l'a légué, dans la diversité de sesidentités et de ses particularismes locaux. I

La Forêt illuminée, ill. Frazden. Dakar : NEAS / Vanves : Edicef

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