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LIVRES D'IMAGES Chez Chantecler, d'Alexandra Day : Oscar fête Noël. Dans la tra- dition anglaise, des illustrations d'une élégante facture classique, racontent avec bonheur l'escapade d'un gros chien et d'un petit homme. | Au Centurion, plusieurs « Petit Ours brun » illustrés par Danièle Bour (Les petits albums de Pomme d'Api) présentent les qualités qui font de ce personnage anthropo- morphe le héros chéri des tout- petits. Petit Ours brun a peur du noir, Petit Ours brun accueille sa maman, Petit Ours brun vide son pot, Petit Ours brun et sa petite chaise, ... et son parapluie, ... et les chaussures. L'ÉLÉPHANT L'Arche de !Soé, £11. A. Hellé, Circonflexe Quelle bonne idée a eue Circon- flexe de rééditer André Hellé, artis- te de l'entre deux-guerres, aux talents multiples, remarquable illus- trateur et créateur de jouets. Initia- tive à laquelle La Joie par les livres est associée en tant que conseiller éditorial de la nouvelle collection Aux couleurs du temps. L'Arche de Noé n'est pas un reprint de l'édition parue en 1925 chez Garnier (chan- gement de couverture et absence de quelques planches d'animaux) mais sa présentation actuelle ne dénature pas l'ouvrage original. Le texte de ce bestiaire plein de détails pitto- resques amusera les petits, alors que le modernisme des illustrations et l'invention de la mise en pages éblouiront les grands. Chez Ducubt, André Dahan pro- pose une version remaniée de Quand le berger dort. De belles images mises en valeur par un for- mat agrandi par rapport à l'édition d'origine (chez Hatier), mais une histoire un peu tirée par les cheveux le loup au lieu de manger les moutons les charme avec de la musique. De Pili Mandelbaum, illustrées par Gabrielle Vincent : Histoires au bord du lit. Un ouvrage sur l'enfance où texte et images ne man- quent certes pas de charme ! mais l'aspect décoratif de la mise en pages date et lasse par sa monoto- nie ; et le caractère poétique du texte ne parvient pas à créer un lien logique entre les différentes saynètes composant l'ouvrage. | A l'Ecole des loisirs de Claude Boujon : Troc. Le trait caricatural des dessins, sa malice astucieuse dynamise un récit l'échange sert traditionnellement à berner un des partenaires. De Philippe Corentin : L'Ogrionne. Une fois encore l'illustrateur fa- brique une histoire dont la drôlerie repose sur l'utilisation contrariée de stéréotypes. Au secours de cette per- mutation fantaisiste des personnages si savoureux qu'on les mangerait ! De Bénédicte Guettier : Amandine et Petit-lion. Un récit rondement Biaise et la tempêteuse bouchée, ill. C. Ponti, Ecole des loisirs mené où les rôles entre le petit et le grand s'inversent temporairement. La simplicité graphique souligne avec bonhomie le rythme du récit auquel elle confère une grande lisi- bilité. Trois titres de Claude Ponti de qualité inégale : Broutille, Le Jour du mange-poussin et Biaise et la tempêteuse bouchée. Dans les deux derniers, une jolie utilisation d'un petit format à l'italienne démesuré- ment allongé et agrandi par l'emploi systématique de la double page. Dans le Mange-poussin, le thème de la dévoration engendre un monstre de fantaisie. Son génie redoutable symbolisé par la rougeur de sa robe et de son cri est amplifié par une ty- pographie sonore qui envahit l'image. D'Alan Mets, Le Chat orange, dont le graphisme outrancier et caricatu- ral fera rire les amateurs. De Grégoire Solotareff : Mon frère le chien, un très bel album I'auteur-illustrateur se renouvelle, notamment enchangeant de format. Le livre en longueur, étiré par N° 143-144 HIVER 199219

LIVRES - CNLJ

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LIVRESD'IMAGES• Chez Chantecler, d'AlexandraDay : Oscar fête Noël. Dans la tra-dition anglaise, des illustrationsd'une élégante facture classique,racontent avec bonheur l'escapaded'un gros chien et d'un petithomme.

| Au Centurion, plusieurs « PetitOurs brun » illustrés par DanièleBour (Les petits albums de Pommed'Api) présentent les qualités quifont de ce personnage anthropo-morphe le héros chéri des tout-petits. Petit Ours brun a peur dunoir, Petit Ours brun accueille samaman, Petit Ours brun vide son

pot, Petit Ours brun et sa petitechaise, ... et son parapluie, ... et

les chaussures.

L'ÉLÉPHANTL'Arche de !Soé,

£11. A. Hellé, Circonflexe

• Quelle bonne idée a eue Circon-flexe de rééditer André Hellé, artis-te de l'entre deux-guerres, auxtalents multiples, remarquable illus-trateur et créateur de jouets. Initia-tive à laquelle La Joie par les livresest associée en tant que conseilleréditorial de la nouvelle collectionAux couleurs du temps. L'Arche de

Noé n'est pas un reprint de l'éditionparue en 1925 chez Garnier (chan-gement de couverture et absence dequelques planches d'animaux) maissa présentation actuelle ne dénaturepas l'ouvrage original. Le texte dece bestiaire plein de détails pitto-resques amusera les petits, alors quele modernisme des illustrations etl'invention de la mise en pageséblouiront les grands.

• Chez Ducubt, André Dahan pro-pose une version remaniée deQuand le berger dort. De bellesimages mises en valeur par un for-mat agrandi par rapport à l'éditiond'origine (chez Hatier), mais unehistoire un peu tirée par les cheveuxoù le loup au lieu de manger lesmoutons les charme avec de lamusique.De Pili Mandelbaum, illustrées parGabrielle Vincent : Histoires aubord du lit . Un ouvrage surl'enfance où texte et images ne man-quent certes pas de charme ! maisl'aspect décoratif de la mise enpages date et lasse par sa monoto-nie ; et le caractère poétique dutexte ne parvient pas à créer un lienlogique entre les différentes saynètescomposant l'ouvrage.

| A l'Ecole des loisirs de ClaudeBoujon : Troc. Le trait caricaturaldes dessins, sa malice astucieusedynamise un récit où l'échange serttraditionnellement à berner un despartenaires.De Philippe Corentin : L'Ogrionne.Une fois encore l'illustrateur fa-brique une histoire dont la drôlerierepose sur l'utilisation contrariée destéréotypes. Au secours de cette per-mutation fantaisiste des personnagessi savoureux qu'on les mangerait !De Bénédicte Guettier : Amandineet Petit-lion. Un récit rondement

Biaise et la tempêteuse bouchée,ill. C. Ponti, Ecole des loisirs

mené où les rôles entre le petit et legrand s'inversent temporairement.La simplicité graphique souligneavec bonhomie le rythme du récitauquel elle confère une grande lisi-bilité.

Trois titres de Claude Ponti dequalité inégale : Broutille, Le Jourdu mange-poussin et Biaise et latempêteuse bouchée. Dans les deux

derniers, une jolie utilisation d'unpetit format à l'italienne démesuré-ment allongé et agrandi par l'emploisystématique de la double page.Dans le Mange-poussin, le thème dela dévoration engendre un monstrede fantaisie. Son génie redoutablesymbolisé par la rougeur de sa robeet de son cri est amplifié par une ty-pographie sonore qui envahitl'image.D'Alan Mets, Le Chat orange, dontle graphisme outrancier et caricatu-ral fera rire les amateurs.De Grégoire Solotareff : Mon frèrele chien, un très bel album oùI'auteur-illustrateur se renouvelle,notamment en changeant de format.Le livre en longueur, étiré par

N° 143-144 HIVER 199219

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N O U V

l 'emploi de la double page, sedéploie comme un écran de cinéma-scope. Il peut ainsi narrer avec lagénérosité et l'ampleur nécessaires,une aventure initiatique où les diffé-rentes épreuves auxquelles estsoumis le héros sont exprimées parles lignes verticales, horizontales oudiagonales. Les couleurs ont unequalité symbolique qui racontentdes lieux, des climats, mais aussi dessentiments.De Janet Morgan Stoeke : Maurice.La vivacité des aplats de couleurs etla simplicité du graphisme relancentavec dynamisme l'alternative cruelledans laquelle se trouve ce petit hé-risson tiraillé entre le désir et lapeur.De Charlotte Trench et Grégoire So-lotareff, illustré par Antoon Krings :Olaf et Marjorie. Il est rare qu'unalbum ose s'engager sur le terrainde l'aventure. Ici tous les ingré-dients du genre sont réunis et lelecteur est tenu en haleine jusqu'àla fin du récit. Les rebonds dususpens sont très efficacement sou-tenus par les illustrations qui par-viennent à concilier une esthétiquepicturale et des techniques decaméra subjective. Une grande maî-trise des couleurs, dont la qualitéplastique n'est pas sans rappeler unchromatisme à la Gauguin, ajouteau caractère sensationnel et sensueldes illustrations. La relation dutexte et de l'image est parfaite ; lerésultat éblouissant. Hélas, le prixde vente de l'ouvrage risque depriver beaucoup d'enfants de salecture : 185 F !

Ce n'est qu'un rêve de Chris VanAllsburg nous déçoit tant l'auteur-illustrateur américain nous avaithabitués à une invention stylistiquejamais démentie jusqu' ici . Lemessage écologique est bien lourd :comment diable traiter tous les pro-

blèmes de l'environnement à l'aidede séquences de trois pages sansschématiser. Les déplacements dePetit Pierre dans son lit qui, enrêvant, survole des univers diffé-rents, donnent du monde une visionterne. Malgré leur qualité tech-nique, les illustrations ne décollentpas.De Rosemary Wells : Fritz et la féePagaille. L'agrandissement duformat permet à l'illustratrice dedonner toute son ampleur à sa re-présentation du désordre. Beaucoupd'humour et de gentillesse dans lacomposition des personnages.Dans la collection Pastel : La Follenuit du Petit Jésus, un régal dû àNicholas Allan. Un grand mythe re-ligieux mis à la portée des petits etdes grands. Ce récit de la Nativité,plein d'humanité et d'humours'adresse à tous, croyants et mé-créants (Voir fiche dans ce numéro).

T E S

tures de ce personnage clownesqueet dont la fantaisie caricaturalen'est pas si loin de la réalité.

La Folle nuit du petit Jésus,ill. N. Allan, Ecole des loisirs

Enfin, dans la même collection Poli-chinelle et moi d'EIzbieta. La viva-cité des couleurs, la fantaisie despersonnages, la désinvolture d'undessin volontairement naïf offrentune équivalence parfaite à l'universludique de la Comedia deU'Arte.De Nadja : Momo fait de la photoen Renardeau. La suite des aven-

Polichinelle et moi,ill. Elzbieta, Ecole des loisirs

| Chez GallimardILe Sourire quimord, saluons le flair de l'éditeurChristian Bruel qui publie unejeune illustratrice : Katy Coupriedont les coups d'essai sont des coupsde maîtres. Dans Robert Pinou,l'emploi d'une esthétique picturale,très à la mode, trouve sa justifica-tion symbolique et plastique. L'illus-tratrice se sert de l'irrégularité et dela vitalité d'un traitement à lagouache pour offrir une équivalencesensible à la drôlerie, l'impertinen-ce, la spontanéité naturelle duregard enfantin. Le tremblé d'unetypographie manuscrite divaguantdans l'image rythme l'alternance decouleurs sombres ou claires expri-mant le jaillissement des sentiments.L'autre titre : Anima, est une friseanimalière présentée sous la formed'un dépliant en accordéon dont lamanipulation et la vision spectacu-laire s'adressent aux grands et auxadultes plutôt qu'aux petits. Iciencore la forme est au service dufond. Aucun texte ne commente lafuite de cette faune tropicale dontl'étrangeté résulte autant de l'ex-

10 / U REVUE DES LIVRES POUR ENFANTS

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N O u V u

pression de la peur que des effets de

cadrages saisissants. Grandiose !

| Chez Grandir, de Charles Galtier,

illustrations d'Ana Chechile : Un

Oiseau sur un pommier, Un et un

font deux, Ah ! qu'est-il arrivé ?,

Comptine de la pintade et de Charles

Galtier, illustrations de Silvana

Mazet : La Chanson des grenouilles.

Tous ces titres méritent sans aucun

doute le statut de livres d'art pour

enfants qu'ils revendiquent à juste

titre. Le format carré, le pliage en

accordéon, la qualité du grain du

papier, la perfection artisanale d'une

gravure sur bois renouent avec la tra-

dition, longtemps délaissée, d'une

production bibliophilique destinée

aux enfants. Regrettons, toutefois la

pauvreté de textes pseudo-poétiques

qui veulent imiter les comptines.

Nouveau titre de Taro Gomi : Le

crocodile Aïe, aïe aïe. Qui a le plus

peur : le dentiste ou son patient ?

Une construction en écho sur la

double page permet de visualiser les

pensées communes qui animent le

bourreau et sa victime.

| Chez Grasset Jeunesse une bien

triste : Histoire du bonhomme de

neige de Raymond Briggs. L'auteur,

remanie un titre ancien (mais tou-

jours disponible) : Le Bonhomme de

neige, merveilleux petit film muet en

images fixes. Il ajoute un texte insipi-

de, retire deux tiers des images, chan-

ge le format, modifie le rapport des

valeurs chromatiques et banalise le

titre original. Le résultat est désolant

mais le talent de Briggs est si grand,

que le lecteur innocent et ignorant, se

satisfera de beaux restes !

Ce titre est également disponible en

film dans la nouvelle collection de

cassettes vidéo de Gallimard Jeunes-

se que nous analyserons dans le pro-

chain numéro.

UN ET UN FONTDEUX

Un et un font deux,ill. A. Chechile, Grandir

| Chez Grûnd, de Peter Colling-ton : Noël. Un joli livre sans textequi raconte à l'aide de délicatesimages muettes la visite d'un PèreNoël nordique qu'accompagnent depetits elfes, balisant un chemin delumières.

| Le Voleur de jouets chez Hatier,de Grégoire Solotareff, illustrations deNadja : Après Le Père Noël et sonjumeau, le frère et la soeur s'associentune fois encore pour perpétuer leurjeu de massacre. Mais, cette fois lesujet se prête mal à la dérision. A mi-chemin entre Oliver Twist et Robindes Bois, le thème du vol est très sca-breux et l'outrance du graphismecaricatural est loin de lever l'ambiguï-té morale et sociale de l'histoire.D'Alain Le Saux, la suite de la sériePapapik : Papa nage, Papa sent,Papa est malade.

| Chez Kaléidoscope : Le Coucande nuit de Gwen Strauss, illustrépar Anthony Browne. Est-ce lasituation d'illustrateur confrontéavec un texte étranger qui bride letalent d'Anthony Browne ? Lessombres illustrations suivent l'épa-nouissement psychologique du héroset partent à la conquête de la cou-leur, mais l'imaginaire figurén'atteint pas à la profondeur sym-bolique du Tunnel.Quel plaisir, par contre de retrou-

ver le plus courageux des gringaletsdans une réédition de Marcel laMauviette où l'humour de Brownes'en donne à cœur joie.Zèbre a le h o q u e t de DavidMacKee : Texte et image sont amu-sants et sans prétention. L'allégressed'une couleur chatoyante, le traitgéométrique qui cerne les person-nages sont bien adaptés à un publicde petits et renouvellent agréable-ment le style de MacKee.Enfin de Jonathan Shipton, avecdes i l l u s t r a t ions de MichaelForeman : Pas le temps ! Selon sonhabitude, l'illustrateur s'applique àcaricaturer un des problèmes denotre époque, à savoir : l'absencede communication.

| Deux titres chez Nathan, dans lacollection La Maman des poissonsqui se distingue par l'originalité desa démarche.De Youpala, illustrations de Zaii :Youpala, la reine de la jungle : desimages pleine page, un trait àl'encre noire, une atmosphèrejoyeuse inspirés par la spontanéitéet la richesse de l'imagerie africaine.De René Gouichoux, illustrations deNicole Claveloux : Barnabe et lavache qui marchait au plafond.Loufoque et désopilant. De rebonden rebondissement, la « tac-tic »d'une vache folle qui saute au

Barnabe et la vache qui marchaitau plafond,

ill. N. Claveloux, Nathan

N° 143-144 HIVER 1992/11

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plafond, bondit sur la page etricoche dans la tête du lecteur. Letexte non sensique est amplifié parle caractère baroque de l'image deClaveloux ; tous deux bourrés de ré-férences multiplient les clins d'oeiljubilatoires : la « Vache qui rit » dece vieux farceur de BenjaminRabier n'est pas loin ! (Voir fichedans ce numéro.)

| Fée ? chez Ouest France de Béa-trice Poncelet. La sophistication gra-phique et littéraire, l'emploi d'unrosé fluo ne parviennent pas à tra-duire le sentiment festif, le troublemystérieux qui accompagnent le portdes masques et le déguisement.

• Le Père Castor/Flammarionpublie une adaptation de Michka,de Marie Colmont, illustrations deGérard Franquin d'après Rojan-kovsky. Voilà un remake qui n'ajou-tera rien au talent de Franquin !Pourquoi diantre les éditeurs nerespectent-ils pas les grandes réus-sites d'un petit genre qui, en raisonmême de sa minorité, mériteraitd'être mieux protégé ? Le chef-d'œuvre de Rojankovsky (édité en1936), a fait les beaux jours de plu-sieurs générations. Il est et demeureindémodable puisque les enfantsactuels le lisent toujours avec émo-tion et tendresse. Pourquoi vouloirles en priver ?

I Au Seuil, deux passages réussis enpetit format. Un Chat bien tran-quille de Michael Foreman qui, non-obstant son caractère bonhomme nemanque pas d'humour. Et unCochon, Cochon et Cie de TonyRoss qui enrichit son répertoireparodique du conte avec cettemodernisation insolente des Troispetits cochons.

C.A.P.

PREMIERESLECTURES

• Chez Casterman, une nouvellecollection : Pagivores. Marie-Fran-çoise Grillot-Kanter apporte dansLes Malheurs de Zorro, une touchede réalisme à l'image des héros.Zorro, à l'écran, c'est un caïd, unsuper-héros. Mais de l'autre côté dela télévision quel raseur et qu'il estdouillet ! Un récit enlevé, bien sou-tenu par l'illustration de Mérel, pasplus tendre que l'auteur pour lehéros déchu.

Les malheurs de Zorro,ill. Mérel, Casteman

Dans Clémentine clin d'œil, illustrépar Anne-Marie Robain, CécileGagnon part d'une idée amusante,Clémentine a des yeux vairons etpeut voir à travers les objets quandelle cligne de l'œil . Un pouvoirmagique qui peut se révéler indis-cret. Décevant malgré un début pro-metteur.De Do Spillers, illustré par Véro-nique Boiry, La Gare fantômeaurait pu être une banale histoired'enfant dont les parents sont divor-cés. C'est en fait une aventure fan-tastique qui plonge Simon et sonpère cinquante ans en arrière. L'oc-casion pour Simon d'entr'aperce-voir la guerre et l'exode vécus par

ses grands-parents avec leur fils, lepère de Simon, alors âgé de deuxans. Une lecture originale mais unpeu complexe pour les jeunes lec-teurs.Hors collection un étrange album autexte important, écrit et illustré parPija Lindenbaum, Mes 7 papas.Eisa vit seule avec sa mère ets'invente... sept papas, tous petits,tous identiques, tous gentils. Lerécit joue le jeu de la réalité et tire,avec un sérieux imperturbable, lesconséquences d'une telle situationpour le moins inhabituelle ! L'illus-tration accentue la drôlerie du réciten y glissant quelques fantasmes.

| A l'Ecole des loisirs, en Renar-deau, d'Alexis Lecaye, illustré parNadja, La Bergère qui mangeaitses moutons. C'est le monde àl'envers, la bergère mange les mou-tons, et le loup mange les bergèresbien dodues... Une caricature quifait passer le réalisme cruel de lavie. Certains rient, d'autres ne selaissent pas embarquer dans cettefantaisie.Abo, le minable homme des neige,de Agnès Desarthe, illustré parClaude Boujon. Des empreintes gi-gantesques de pas dans la neige suf-fisent à provoquer la panique auvillage. Une chasse à l'homme sanspitié n 'aura pour effet que deprendre au piège un tout petit bon-homme, timide, peureux... maisaffublé de pieds énormes ! Amusant.En Mouche, réédition de troiscontes de Claude Aveline (la premiè-re édition, chez Gallimard, datait de1946) sous le titre D'un lion, entreun Eléphant et un Pucereau : unéléphant radin qui se fait passerpour un moustique, un lion, ama-teur de fraises, que l'on croit trèsféroce et un « pucereau » qui de

12 / LA REVUE DES LIVRES POUR ENFANTS

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bonds en bonds va toujours plushaut. Trois petits contes qui passentmerveilleusement bien à l'oral. Lesadultes se régaleront avec la page degarde où Phi l ippe Dumas areprésenté les passions de l'écri-vain.De Geneviève Brisac, illustré parMichel Gay, la suite des aventuresd'Olga, dans Olga au ski. En fait deski il s'agit plutôt d'une folle des-cente à luge. Un univers familial,anecdotique et chaleureux où lapetite héroïne commence à perce-voir les subtilités des relations hu-maines.Toxinette, d'Irène Schwartz, illus-tré par Philippe Dumas. Un drôlede nom dû aux grands frères quipensent que les filles sont despoisons... et on serait tenté de lescroire en lisant ce récit ! Elle a sixans et dans un style très direct ellenous narre ses mésaventures.Le Noël du Père Noël de GérardPussey, illustré par Claude Boujon.Quel enfant déjà lecteur entreradans cette invraisemblable histoired'apprenti-Père-Noél, et partagerala déception du petit garçon com-prenant qu'on l'a bercé de vainsespoirs ?

Deux livres de Brigitte Smadja,illustrés par Serge Bloch, légers etprofonds à la fois. Dans J'ai décidéde m'appeler Dominique, Emilie,bientôt 1 ans, croit voir sa vie bas-culer parce que ses parents sont su-bitement devenus idiots sous prétex-te qu'ils attendent un bébé. Emiliemanifeste à sa mesure son désarroi.Une bonne analyse des sentimentscontradictoires, beaucoup d'hu-mour et de revirements sympa-thiques. Dans Maxime fait des mi-racles, on trouve également un stylesimple pour une approche complexede la vie. Les vacances s'annoncenttristounettes : il pleut et Maxime estentouré de « femmes » qui ont bientrop de préoccupations pour sesoucier de lui. Mais c'est malgrétout un moment privilégié pour dis-cuter sérieusement. De la mort parexemple. Maxime n'est pas du toutconvaincu par les explications de samère, lui il croit en Dieu et aux mi-racles. (Voir fiche dans ce numéro.)De Chris Donner, illustré parMichel Gay, La Nouvelle voiture depapa. Un ton grinçant, bien adaptéaux jeunes lecteurs, pour raconterla grande affaire : les parentsd'Henri, dans une banlieue défavo-

D'un lion, entre un éléphant et unpucereau, ill. P. Dumas, Ecole des Loisirs

risée, viennent d 'acheter unevoiture neuve... et la vie s'en trouveconsidérablement perturbée. Unelecture jubilatoire où Chris Donnernous mène inexorablement vers lacatastrophe. La fin du récit n'est pasconforme à la morale, mais quevoulez-vous une voiture neuve ne faitpas forcément des hommes neufs !

Maxime fait des miracles,ill. S. Bloch, Ecole des Loisirs

| Chez Epigones, une nouvelle col-lection : Histoires pour toi. Desalbums très illustrés, au texte assezlong pour qu'un nouveau lecteurfasse ses premières armes. DeMarie-José Sacré, En prison sousles mers, raconte comment unpêcheur et sa femme se retrouvent,après avoir été ensorcelés par lessirènes, grâce aux décorations scin-tillantes du sapin de Noël. Lesgrandes illustrations de l'auteurplongent le lecteur dans cette atmo-sphère féerique.Christiane Renaud a construit lerécit du Scrouinch comme une par-tition de musique, faisant entrer lespersonnages progressivement encrescendo, avant de conclure dansle calme et la sérénité. Le calme,justement, c'est ce dont Oscar a leplus besoin. Car, contrairement àbeaucoup d'autres héros des livrespour enfants, Oscar a une famillenombreuse, t rop nombreuse,aimante, généreuse, prête à parta-ger... et l'enfant voudrait bien avoirquelque chose qui ne soit qu'à lui.

N° 143-144 HIVER 1992/13

Page 6: LIVRES - CNLJ

N O u V A U T

Yves-Marie Kervran, illustré par

Michel De Sousa, Vincent et l'hi-

rondelle. Le sauvetage d'une hiron-

delle dans un vieux quartier de

Paris provoque une belle pagaille.

Une histoire sympathique agréable-

ment illustrée d'aquarelles.

| Chez Flammarion-Père Castor,

en Castor poche Cadet, de Laurent

Cresp, Le Cheval savant, met en

scène un cheval courageux et sym-

pathique qui raconte lui-même sa

vie à Istambul. C'est un « cheval

savant » parce qu'il sait compter

jusqu'à dix, mais c'est surtout un

cheval à qui il ne manque que la

parole.

| Chez Gallimard, en Folio Cadet

Bleu, L'Escargot de Sophie, de

Dick King-Smith. Les lecteurs de 7

ans s'intéresseront-ils aux bavar-

dages d'une « petite » fille de 4 ans ?

Certains chapitres - il y a cinq his-

toires - sont plus des clins d'œil aux

adultes ; enfin quelques détails de

l'illustration de Michel Gay contre-

disent le texte. Un petit livre sympa-

thique néanmoins.

Peur de rien, peur de tout, de

Jane Gardam rassemble deux récits,

centrés autour de Chaton (Catheri-

ne, 7 ans), un peu sauvage et isolée

qui participe à la vie dure et astrei-

gnante de la ferme familiale. Un

récit un peu vieillot illustré avec

beaucoup de charme par William

Geldart.

Un petit air neuf et plus gai pour la

reprise - en couleurs - des Aven-

tu res de Papagayo de Marie-

Raymond Farré, illustré par Roland

Sabatier : un petit roman de pirates

pour frissonner...

| Chez Grandir deux grands

albums japonais au texte assez long,

remarquablement illustrés. Un récit

fantastique de Satoru Satô, Sankit-

chi le renard, illustré par Tsutomu

Murakami. Mohei, puis plus tard

Sankitchi, arrivent d'on ne sait où

et s'établissent comme forgerons

dans le village. Sous leur apparence

humaine, ne seraient-ils pas des

renards ? Un conte magique.

Le Petit renard Gon, de Niimi Nan-

kichi est un beau conte à se faire ra-

conter. La morale de l'histoire est

sévère : à force de jouer des tours

pendables, le renard quand il

devient attentif aux autres, est in-

compris et se fait tuer par celui qu'il

protège. Une légende très connue

des petits Japonais, nous dit la qua-

trième de couverture.

Sankitchi le renard,ill. T. Murakami, Grandir

| Chez Hachette, en Livre de poche

Copain, un album pétillant d'hu-

mour de Jean Mayle, bien soutenu

par les illustrations de Martine

Dupont-Nicolas : Elza et ses

parents magiques. Les parents

d'Elza sont arrivés à un compro-

mis : sa mère, fée, l'envoie le matin

à l'école des fées, son père, sorcier,

la conduit l'après-midi à l'école des

sorciers... et Elza mélange tout !

Tout seul... d'Anne-Marie Pol.

Récit poignant où le narrateur est

un chien abandonné et qui refuse de

l'admettre. L'identification fonc-

tionne parfaitement, renforcée par

l'illustration de Francine Vergeaux

qui montre le paysage à la hauteur

de l'animal.

• Chez Messidor-La Farandole, en

8-9-10, trois nouvelles de Claude

Gutman dans Les Nougats, illustré

par Serge Bloch. Un langage enfan-

tin qui sonne juste, avec des person-

nages ni entièrement sympathiques

ni antipathiques. Des enfants déci-

dés et qui se débrouillent seuls face

à des adultes assez peu efficaces,

dans des situations cocasses et dra-

matiques à la fois.

• Chez Motus (Landemer, Urville-

Nacqueville - 50460 Querqueville),

Les Contes de la bouche et de

l'oreille, de François David. Un cof-

fret de six petits livres aux textes en

gros caractères (à l'exception du

« Soleil bleu ») avec une mise en

pages aérée, agréablement illustrés

par six illustrateurs différents. Des

histoires à thème : le handicap, la

souffrance... Tous ces textes font

l'objet de spectacles, formule qui a

priori, semble plus satisfaisante.

I Chez Rouge et or, en Première

lecture, de Bineka, illustré par

Annie-Claude Martin, Pan, t 'es

mort. La guerre ce n'est pas un jeu,

Momo en sait quelque chose lui qui

l'a vue de près. Ugo comprend mais

la passion du jeu reste plus forte,

surtout quand sa grand-mère lui

offre le super fusil-mitrailleur de ses

• Au Sorbier, collection Plume,

Pareil qu'avant de Thierry Lenain,

illustré par Solvej Crévelier. Le

divorce n'est simple ni pour les

parents ni pour leur enfant. Les

14 / LA REVUE DES LIVRES POUR ENFANTS

Page 7: LIVRES - CNLJ

N O u V A U

parents d'Hugo se culpabilisent etc'est au garçon de les rassurer. Car,après tout, la vie continue et leschampionnats de bicross aussi !

A.E.

CONTES| Chez Casterman, dans la collec-tion Contes de toujours, de Brunode La Salle, illustré par NatalieLouis-Lucas : La Barbe-Bleue.L'auteur s'inspire ici d'une versionespagnole en lui donnant une finheureuse, une vision positive dupersonnage de Barbe-Bleue en proieà une malédiction que l'amour varompre. Ce qui nous étonne, habi-tués que nous sommes aux terri-fiantes versions de Perrault et deGrimm. Un beau texte. L'illustratri-ce a donné au héros un côté assy-rien. Pourquoi pas ?

| Chez Circonflexe, dans la collec-tion Aux couleurs du monde, deuxtitres des frères Grimm illustrés etcommentés par Anno : Les Quatrefrères habiles. Un conte jamaisédité ainsi séparément. Et pourtantces frères passés maîtres dans leurart et devenus quasi magiciens fasci-nent absolument les enfants. LePapa Renard qui « usait » si bien lesfables d'Esope l'année dernière s'endonne à cœur joie dans le délire.Inutile de parler du charme desillustrations.Le Pêcheur et sa femme. Ici, leconte est très connu. Il est très légè-rement adapté, sans porter préjudi-ce au sens de l'histoire. Le commen-taire de Anno-Papa Renard nonseulement s'inspire de l'illustrationdu récit des Grimm mais aussi d'unconte japonais. Ainsi deux contes detraditions différentes qui n'avaient

aucune chance de se rencontrer setrouvent-ils mêlés. C'est amusant ettrès excitant.Dans la nouvelle collection Aux cou-leurs du temps, des frères Grimm,illustré par Hans Fischer : Les Musi-ciens de la ville de Brème. Publiéen 1944 à Zurich, ce livre fut traduiten français chez Delpire en 1948. Ilnous manquait depuis de nom-breuses années et nous nous réjouis-sons de le retrouver. Hans Fischerest peu connu en France. Son gra-phisme plein d'humour, sa manièrede jouer avec la double page, leblanc (exception faite de l'immensenuit étoilée), le texte, le grandformat, sont inimitables. Un vrai

Les Musiciens de la ville de Brème,ill. H. Fischer, Circonflexe

• Chez ducubt, dans la collectionLes Authentiques, de H.C. Ander-sen, illustrés par Iisbeth Zwerger :Contes. Onze contes choisis parl'illustratrice, pour la plupart trèsconnus, comme « Le Briquet »,« Poucette » ou « Les Habits neufsdu roi ». Reprise de quelques illus-trations déjà publiées dans un autreformat, ce qui les comprime quelquepeu, et nombreuses illustrationsnouvelles d'un style différent. Deuxfacettes d'un même univers.

Dépouillement, humour, atmosphè-re un peu étrange. Un regard trèsparticulier et irremplaçable surl'univers des contes. Traductionnouvelle, intégrale. Une très belleanthologie.

• Chez Grûnd, dans la collectionGrands textes illustrés, une légendenorvégienne recueillie par PeterChristian Asbjornsen et JorgenMoe, adaptée en français par AnneDechanet et illustrée par P.J.Lynch : A l'Est du soleil à l'Ouest•de la lune. Une belle version norvé-gienne de « La Femme à la recher-che de l'époux disparu ». Ici le marianimal est un Ours Blanc, paysfroid oblige. Un long conte abon-damment illustré, parfois un peutrop dans un style hollywoodien,comme l'image du baiser final. Maispeu importe : quel plaisir de lire unenouvelle version de cette histoire siconnue et tant aimée de tous.

• Chez Hatkr, dans la collectionFées et Gestes, extraits du recueilGods and Fighting Men (Dieux ethommes combattants) publié en1904 par Lady Gregory, traduits icipar Pierre Leyris : Diarmuid etGrania, suivi de Le Destin desenfants de Lir. Comme toujoursavec ces récits celtiques, le dépayse-ment est garanti. Amours, combats,fidélité, trahison, marâtre, malédic-tions. On est emporté dans unviolent tourbillon de passions. Ettoujours à un moment s'élève unchant nostalgique qui nous arrachedes larmes. Quel bonheur ! La tra-duction, comme dans les deuxrecueils précédents dans la mêmecollection, est magnifique. Il y a tou-jours un petit effort à faire pourentrer dans ces textes mais le plaisirqu'on en tire est d'autant plusgrand. Pour les bons lecteurs.

N° 143-144 HIVER 1992/15