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1 L’EDUCATION : ENJEUX SOCIO-POLITIQUES DE DEVELOPPEMENT (Claude ASSABA) Position du problème Le Bénin est l’un des pays que l’on peut qualifier de toutes les expériences au regard de son histoire politique marquée par plusieurs changements politiques avec des expériences ou des choix idéologiques fluctuants induisant, par ricochet, des transformations au niveau du système éducatif. Je n’exagère rien en disant que l’éducation scolaire reste d’ailleurs un véritable enjeu politique dans la vieille tradition du rapport de force entre le pouvoir des savoirs et le pouvoir politique, en particulier dans le contexte béninois. Une fois n’est pas coutume : je me plierai à la tradition des chiffres dans cet exposé qui traduira plus des inquiétudes que des réponses, qui suscitera plus des questions que des solutions, d’autant que la meilleure réflexion est celle qui se fait collectivement, encore qu’ici le sujet n’engage pas que son auteur mais l’ensemble de la nation. Le thème interpelle largement. Il mobilise, car il intéresse. Il provoque car il est d’une extrême sensibilité. Mais il est grave, car vital. Il n’est pas certain qu’il puisse être épuisé au cours de cette rencontre, cela n’est même pas souhaitable à cause même de la dynamique du phénomène éducatif. Il me faut tout de même préciser que l’éducation n’est pas réductible à l’instruction avec laquelle on la confond aisément. Cette distinction reste importante afin de pouvoir orienter le champ de réflexion. Il est indiscutable que la problématique qui transparaît dans le thème de cet exposé est celle de l’éducation scolaire du fait de son intrication avec le politique. Il s’agira pour moi d’analyser la question éducative dans les deux dimensions : éducation scolaire et éducation traditionnelle, dans la mesure où elle pose crûment les implications de l’entreprise éducative avec le développement. Développement qui doit s’entendre à la fois comme développement de l’individu et développement de la société. Cela conduit à cette triade : EDUCATION Démocratie POLITIQUE DEVELOPPEMENT On pourrait s’attendre à ce que le politique soit placé au sommet du triangle. Je justifie cette présentation par le simple fait logique que c’est l’éducation qui prépare le politique même si celui-ci vient à en définir les politiques, c’est-à-dire à organiser et à contrôler l’éducation. De la même façon, l’éducation est la clef du développement, or celui-ci ne

L’EDUCATION : ENJEUX SOCIO-POLITIQUES DE …chantdoiseau.net/wa_files/L_E2_80_99_C3_A9ducation_20... · 2018-01-15 · Le Bénin est l’un des pays que l’on peut qualifier de

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L’EDUCATION : ENJEUX SOCIO-POLITIQUES DE DEVELOPPEMENT

(Claude ASSABA)

Position du problème

Le Bénin est l’un des pays que l’on peut qualifier de toutes les expériences au regardde son histoire politique marquée par plusieurs changements politiques avec des expériencesou des choix idéologiques fluctuants induisant, par ricochet, des transformations au niveau dusystème éducatif. Je n’exagère rien en disant que l’éducation scolaire reste d’ailleurs unvéritable enjeu politique dans la vieille tradition du rapport de force entre le pouvoir dessavoirs et le pouvoir politique, en particulier dans le contexte béninois.

Une fois n’est pas coutume : je me plierai à la tradition des chiffres dans cet exposé quitraduira plus des inquiétudes que des réponses, qui suscitera plus des questions que dessolutions, d’autant que la meilleure réflexion est celle qui se fait collectivement, encore qu’icile sujet n’engage pas que son auteur mais l’ensemble de la nation.

Le thème interpelle largement. Il mobilise, car il intéresse. Il provoque car il est d’uneextrême sensibilité. Mais il est grave, car vital. Il n’est pas certain qu’il puisse être épuisé aucours de cette rencontre, cela n’est même pas souhaitable à cause même de la dynamique duphénomène éducatif.

Il me faut tout de même préciser que l’éducation n’est pas réductible à l’instructionavec laquelle on la confond aisément. Cette distinction reste importante afin de pouvoirorienter le champ de réflexion. Il est indiscutable que la problématique qui transparaît dans lethème de cet exposé est celle de l’éducation scolaire du fait de son intrication avec lepolitique.

Il s’agira pour moi d’analyser la question éducative dans les deux dimensions :éducation scolaire et éducation traditionnelle, dans la mesure où elle pose crûment lesimplications de l’entreprise éducative avec le développement. Développement qui doits’entendre à la fois comme développement de l’individu et développement de la société.

Cela conduit à cette triade :

EDUCATION

DémocratiePOLITIQUE DEVELOPPEMENT

On pourrait s’attendre à ce que le politique soit placé au sommet du triangle. Je justifiecette présentation par le simple fait logique que c’est l’éducation qui prépare le politiquemême si celui-ci vient à en définir les politiques, c’est-à-dire à organiser et à contrôlerl’éducation. De la même façon, l’éducation est la clef du développement, or celui-ci ne

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s’entend que dans un contexte de sécurité dans tous les domaines, sécurité dont la chargerevient inéluctablement au politique. Il semble donc établi que toute réflexion sur l’éducationest une invite à l’analyse de son intérêt politique dans le processus de développement.L’interdépendance et l’interférence des trois champs ne favorisent pas des approchespartielles. L’analyse doit être totale et globale. Toute éducation tient d’un projet de sociétédéfinit et garantit par le politique. L’éducation consiste à former des citoyens, c’est-à-dire desacteurs sociaux responsables capables de participer pleinement à la vie de la cité tant sur leplan politique, économique, social, environnemental que culturel. Ces éléments montrent lesdimensions essentielles de toute entreprise éducation : elle requiert une adhésion nationale etelle s’impose par sa transversalité car il n’est aucun domaine où ne s’impose l’investissementéducatif. C’est en cela que l’éducation reste effectivement un enjeu social et un enjeupolitique.

Dans la perspective de cette transversalité, j’aborderai cette réflexion autour des pointssuivants :

1- L’éducation au Bénin : l’épreuve des chiffres2- Les politiques éducatives : des discours à la réalité3- Enseignants, enseignés et parents aux abois4- Crise de société, crise des valeurs, crise de l’éducation

a) Education scolaireb) Education familiale

5- Quel projet de société sur quelles valeurs éducatives ?

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1- L’EDUCATION AU BENIN : L’EPREUVE DES CHIFFRES 1

La population béninoise en 2002, d’après les résultats du Troisième RecensementGénéral de la Population et de l’Habitation (RGPH 3) est de 6.769.914, elle est estimée à6.973.905 en 2003 et à 7.395.040 en 2005.

a) – Taux bruts et taux nets de scolarisation au primaire des enfants de 6-14ans (ensemble du Bénin 2002)

TBS : 57, 8 % (le rapport entre nombre total d’enfants scolarisés dans le primaire quel que soit leur âge, et lenombre total d’enfants appartenant au groupe d’âge correspondant officiellement à ce niveau d’enseignement)

TNS : 51,3 % (le rapport entre nombre total d’enfants scolarisés dans le primaire appartenant augroupe d’âge correspondant officiellement à ce niveau d’enseignement et le nombre total d’enfantsappartenant à ce même groupe d’âge)

Conclusion : Avec seulement 1 personne sur 2 âgée de 6-14 ans en cours de scolarisation

b) Population de niveau secondaire selon le type d’enseignement (ensembledu Bénin 2002): 658. 701

Enseignement Général : 628.915 dont 486.352 au 1er cycle et 142.563 au 2ème

cycle

Enseignement Technique: 29.786 dont 10.966 au 1er cycle et 18.820 au 2ème

cycle

c) Pourcentage des jeunes et des adultes ayant été instruits (ensemble duBénin 2002) :

Groupe d’âges Maternel Primaire Secondaire Supérieur Aucun niveau

15-24 1,1 23,7 23,2 1,3 50,815 et plus 0,9 18,7 15,9 1,9 62,7

La conclusion : Au Bénin 6 personnes de 15 ans et plus sur 10 n’ont jamais été à l’école.

d) Pourcentage Alphabétisation des jeunes et des adultes (ensemble du Bénin2002)

Groupe d’âges Ensemble Masculin Féminin15-24 42,9 56,2 31,415 et plus 32,6 45,0 21,9

La conclusion : Au Bénin 7 personnes sur 10 âgées de 15 ans et plus sont analphabètes.

En outre, le RGPH 3 relève que au Bénin 2 ménages sur 5 sont pauvres dufait de la qualité de leurs conditions de vie.

1 MINISTERE CHARGE DU PLAN, DE LA PROSPECTIVE ET DU DEVELOPPEMENTet INSTITUTNATIONAL DE LA STATISTIQUE ET DE L’ANALYSE ECONOMIQUE, Le Recensement Général de laPopulation et de l’Habitation de 2002, Synthèse des résultats, Cotonou, Direction des Etudes Démographiques,Décembre 2003, pp. 18-21 et p. 27.

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2- LES POLITIQUES EDUCATIVES : DES DISCOURS A LA REALITE

Au Bénin, la relation entre les acteurs de l’Enseignement supérieur c’est-à-dire lesuniversitaires et les autres niveaux du système éducatif doit s’inscrire dans son contextehistorique, lequel se lit à travers trois grandes périodes : 1960-1972 ; 1972-1990 ; 1990 à nosjours.

* La période de 1960 à 1972 :

Peut-on réellement parler d’un statut des universitaires au Dahomey (actuel Bénin) aulendemain des indépendances au point de vouloir dégager quelque implication de leursactions dans le système éducatif ? Répondre par l’affirmative c’est choisir de biaiser avec lesréalités de cette époque. Certes, il existait des cadres, des intellectuels mais ils ne pouvaient seprévaloir d’être des concepteurs et des promoteurs de réformes éducatives. En effet, lesaccords signés entre la France et la République du Dahomey un peu avant les indépendanceset pendant les indépendances subordonnent totalement le système éducatif dahoméen à celuien vigueur en France. Toute intervention dans ce système n’est insufflée que par les‘’universitaires’’ français sur les schémas directeurs des politiques éducatives définies par laFrance. Si tant est qu’on pouvait parler d’universitaires dahoméens, leur implication dans lesréformes des systèmes éducatifs restait à la lisière de l’’’entérinisation’’ des choix françaisdans le domaine éducatif, nous disons à la lisière dans la mesure où ils n’étaient rien d’autresque des appendices des décideurs politiques eux-mêmes étant les caisses de résonance de laMétropole. Nous voulons dire que les universitaires d’alors n’avaient de toute évidenceaucune place dans la conception des systèmes éducatifs, d’autant qu’en vertu des accordssignés par les anciennes colonies avec la Métropole, le Dahomey s’était engagé en 1959, àl’instar des autres pays, dans la sauvegarde et le renforcement des liens culturels etlinguistiques avec la France. Ainsi, la France s’engage dans la fourniture des enseignants etl’élaboration des programmes éducatifs. En exemple, la convention annexe sur l’aide et lacoopération entre la République Française et la République du Dahomey du 16 septembre1959 dans son article premier notifiait : «Le gouvernement de la République Française met àla disposition de la République du Dahomey dans toute la mesure de ses moyens, le personnelqualifié que le gouvernement de la République du Dahomey estime nécessaire aufonctionnement de ses établissements publics d’enseignement et de la culture pourl’inspection pédagogique, à l’organisation et la sanction des examens et concours et aufonctionnement des services administratifs de l’enseignement.

De son côté, le gouvernement de la République du Dahomey s’engage à consulter legouvernement de la République Française sur toute modification de l’organisation de sesservices d’enseignement et de culture susceptible d’avoir des incidences sur l’aide et lacoopération dans le domaine de l’enseignement et de la culture telle qu’elles sont prévues parla présente convention…»2. En outre, l’article premier de l’accord de coopération culturelleentre la République Française et la République du Dahomey signé à Paris, le 24 avril 1964 parMiche Debré et Hubert Maga abonde dans le même sens.

Tous ces accords sont restés en vigueur jusqu’en 1970 à telle enseigne que leschangements observés dans le système éducatif français (par exemple la réforme Fouché de1963-1964) et les changements enregistrés en mai 1968 avaient leurs échos au Dahomey.

2 NOUDJENOUME Philippe et YAO Denis, Les traités et accords de coopération entre le Bénin et la France1851-1993, Imprimerie Nationale du Bénin..

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Il n’empêche que des intellectuels africains et dahoméens en particulier, conscients del’inadéquation de l’école «extravertie» avec les réalités socio-économiques nationales onttenté d’élaborer de nouvelles politiques éducatives suite aux Conférences d’Addis-Abeba(1961), d’Abidjan (1964) et de Naïrobi (1968) dont les objectifs majeurs étaient :

- Envoyer massivement les enfants à l’école pour qu’en 1971, l’on ait le maximumd’enfants scolarisés,

- Rendre l’enseignement primaire gratuit et obligatoire,- Etudier les problèmes relatifs à l’intégration de l’éducation au développement

économique, social et culturel du Dahomey.

Les signes de la première réforme éducative se sont dessinés durant la période de1960-1965. Il fallait désormais accorder une grande attention à l’histoire et à la géographie duDahomey. Les supports didactiques ont été l’œuvre des universitaires. En 1965-1966 onenregistra une réforme de type expérimentale dont l’enjeu portait sur la ruralisation del’enseignement secondaire.

* La période de 1972 à 1989 : politiques éducatives révolutionnaires

Un texte de Lê Thành Khôi nous servira à ce niveau de fil conducteur dans lacompréhension des bouleversements enregistrés dans les politiques éducatives au Bénin de1972 à nos jours. Mais il ne sera question dans les lignes suivantes que de la période 1972-1989, celle de la Révolution qui donnera le nom Bénin au Dahomey.

«Tout État a une politique explicite ou implicite qui s’exprime dans ses grandesorientations lesquelles ne sont pas indépendantes de son idéologie. Et c’est sous les formes decette idéologie qu’il demande à l’éducation et notamment à sa principale instance, l’école,d’assurer ses fonctions de préparation de la force de travail, de transmission du patrimoineculturel, de socialisation. Quel que soit le régime, l’éducation tend à réaliser le consensus enlégitimant le système. Ce qui diffère c’est la nature de l’idéologie : aujourd’hui, d’un côté, lelibéralisme, l’individualisme, la démocratie politique, la propriété privée ; de l’autre, lesocialisme, la propriété collective des moyens de production, le plein emploi. Dans les deuxcas, il y a loin évidemment des promesses à la réalité et des classes ou des groupes sont plusfavorisés que d’autres. C’est précisément le rôle de l’État, en combinant répression etpersuasion, de faire accepter l’ordre des choses et d’éviter que les mécontentements nedégénèrent en révoltes. Faut-il souligner que ce rôle a existé de tout temps ? Les réformes,elles, sont des changements apportés au système d’enseignement, ou à l’un de ses niveaux, envue de l’améliorer. L’”amélioration” est conçue par l’auteur de la réforme. Elle est unereprésentation. Dans les faits, il faut savoir à qui elle profite et ce qui change. Les effets réelspeuvent diverger des effets prévus. Enfin, les décisions les plus importantes d’ungouvernement prennent la forme de lois. Sociologiquement parlant, une loi comme uneréforme, est toujours un compromis entre les intérêts en présence, il résulte du rapport desforces dans le pays

3».

Le Bénin a connu les deux formes d’idéologie exprimées dans ce texte. Le libéralismeinculqué par l’école coloniale s’est exercé jusqu’en 1972, date de la prise de pouvoir parMathieu Kérékou. L’option marxiste-léniniste du nouveau gouvernement militaire conduira àla plus grande réforme du système scolaire jamais réalisée dans le pays. Voici en quels termesest stigmatisé le système éducatif hérité de la colonisation et poursuivi de 1960 à 1972. Mais

3 LË THANH KHÔI, L’éducation : cultures et sociétés, Paris, Publications de la Sorbonne, 1991.

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c’est l’idéologie marxiste-léniniste clairement déclarée en 1975 qui permettra de définir lesobjectifs de l’École Nouvelle (conformément à l'Ordonnance n° 75-30 du 23 juin 1975,portant Loi d’orientation de l’éducation nationale) dont le contour se trouve déjà exprimé danscette déclaration du 30 novembre 1972 :

«Jusqu’ici l’Enseignement, l’éducation et la culture ont été au service de ladomination et de l’exploitation étrangères. Ici également s’impose une politiquenouvelle d’indépendance nationale qui rompt avec le carcan d’étouffement de nosvaleurs nationales que constitue l’École traditionnelle. Dans cette optique, il estimpérieux d’installer un système d’Éducation démocratique et patriotique quipermettent l’Enseignement d’une science et d’une technique modernes au service desintérêts du peuple.

Pour cela, il faudra :- Élaborer une réforme authentique de l’Enseignement conforme aux exigences

de la nouvelle politique. Cette réforme aura à mettre en place des structures, unEnseignement d’orientation et de contenu conformes aux nécessités d’un développementéconomique et national indépendant ;

- Revaloriser notre culture en l’adaptant aux besoins de nos masseslaborieuses ;

- Ouvrir notre Université à toutes le formes du savoir et à tous les courantscontemporains de la pensée scientifique. Elle doit avoir une vocation africaine en mêmetemps qu’universelle et réservée une place privilégiée au brassage des expériencesaccumulées par les universités sœurs.

L’État doit exercer un contrôle rigoureux sur les Écoles privées aussi bienconfessionnelles que laïques. Pour l’Enseignement catholique en particulier, l’État doitpermettre une solution satisfaisante des problèmes ardus posés aux Enseignants.

Il faudra assurer le développement de la culture populaire en organisant dansles langues nationales l’alphabétisation de s masses facteur essentiel de notredéveloppement.

Il est nécessaire de créer un Institut de linguistique, chargé de mettre au pointles moyens de lever les obstacles à l’utilisation des langues nationales comme véhiculedu savoir.

Un autre groupe qui doit bénéficier de l’attention du Gouvernement MilitaireRévolutionnaire est celui constitué par les jeunes.

Notre conviction est que les jeunes peuvent jouer un rôle capital dans latransformation de la société de par leur nombre, leur disponibilité pour faire face auxmutations, leur impatience pour exiger des changements nécessaires»4.

La révolution que l’on veut désormais faire porter par l’École s’inspire de l’intérêt deMarx d’unir l’éducation et le travail. Aussi les textes officiels établissant la nouvelle école ladéfinissent-ils comme une “unité de production”. Il s’agit intentionnellement de lier l’école àla vie et plus encore d’amener les élèves à s’autogérer. Le travail devient un élément deformation et les élèves doivent pouvoir s’exprimer et s’évaluer à travers leurs productions. Eneffet, comme on peut le lire dans les pages de l’Organe du Militantisme Révolutionnaire,l’École Nouvelle est une institution scolaire différente de l’ancienne école coloniale et néo-coloniale et ses objectifs globaux en font une institution :

4 Discours-Programme du 30 novembre 1972 de Mathieu KEREKOU, EHUZU - Quotidiend’Information, Organe du Militantisme Révolutionnaire, n° 1452, 7 juillet 1981.

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-Démocratique et Populaire-Obligatoire et Gratuite-Publique et Laïque-Libératrice de toute exploitation.

Elle est aussi :

-Une Unité de Production-Un moteur de développement économique et social.De plus, elle assure la professionnalisation du Béninois.

L’élaboration de cette nouvelle réforme éducative, l’Etat révolutionnaire adiligenté une vaste enquête à travers tout le pays. Un séminaire national a étudié lesrésultats de l’enquête en 1973. De ce séminaire est né en fait le nouveau systèmeéducatif adopté par le Conseil National de la Révolution présidé par Mathieu Kérékouau cours d’une session extraordinaire des 9 et 10 septembre 1974. Ledit système a étépromulgué sous forme de loi en juin 1975 (Loi n° 075-30 du 23 juin 1975).

* La période de 1990 à nos jours : les idées démocratiques et la quête de l’excellence

«Le problème n°1 de l’éducation dans notre pays c’est que le système scolaire avait été misen place pour former des fonctionnaires, et qu’il faut aujourd’hui, face à la saturation de laFonction publique, mettre en place de toute urgence, et presque sans transition, un systèmequi forme pour autre chose. Pour autre chose, c’est-à-dire forcément pour le secteur privé, etpuisque ce secteur privé est encore embryonnaire, pour l’auto-emploi, la création d’emplois,la capacité à s’installer à son propre compte et à générer, à l’occasion, de nouvelles offres. Ilnous faut opérer consciemment, méthodiquement, cette nécessaire reconversion, tirer en touterigueur les conséquences de ce choix nouveau et incontournable»

«Une autre question, aussi fondamentale et, je crois, complémentaire : la question des voieset moyens de recréer l’excellence, de rompre, de façon décisive et irréversible, avec ce vastesystème de reproduction de la médiocrité qu’est un peu devenue, malheureusement, l’école,dans ce pays qu’on appelait pourtant, voici un demi-siècle, le quartier latin de l’Afrique. Ilnous faut recréer au Bénin une élite courageuse et dynamique, intellectuellement armée pouraffronter les problèmes immense de cette fin du XXe siècle, capable de proposer des modèleset d’incarner des exemples, capables d’exercer sur toute la population et en particulier surles plus jeunes, un effet d’entraînement qui les portes vers l’avant, individuellement etcollectivement. Il faut encourager l’effort, développer la créativité, promouvoir l’invention»

Paulin Hountondji poursuit : «Pour réussir ce vaste programme, il faudra, à coup sûr,commencer par le commencement : étendre au maximum le savoir à la base. Dans cet ordred’idées, il nous faut mettre en place un plan cohérent de généralisation de l’enseignementprimaire, et pourquoi5 pas d’éradication complète de l’analphabétisme au Bénin en l’an2000».

Un nouveau départ s’imposait du fait des changements politiques induits par laConférence Nationale des Forces Vives de la Nation (09-28 février 1990) couronnée par

5 Paulin HOUNTONDJI, «Allocation d’ouverture du Ministre de l’Education Nationale», in MINISTERE del’EDUCATION NATIONALE, Actes des Etats Généraux de l’Education, CNPMS, Porto-Novo, 1990, pp.13-17.

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l’avènement de la démocratie. C’est ce qui justifie la tenue des Etats des Généraux del’Education du 02 au 09 octobre 1990 avec la participation actives des universitaires.

Contrairement à la réforme éducative consacrant l’Ecole Nouvelle, la réformeinsufflée par les Etats Généraux de l’Education est une réforme partielle : «Il ne s’agit pasd’investir nécessairement un système éducatif nouveau mais de s’inspirer des expériencespassées en vue d’améliorer les programmes qui existent déjà»6 (p. 32).

Il faut se reporter à des extraits des allocations du Nicéphore Soglo alors PremierMinistre du Gouvernement de Transition sous Mathieu Kérékou et de son Ministre del’Education Nationale Paulin Hountondji pour saisir l’esprit des nouvelles politiqueséducatives devant orienter les Etats Généraux de l’Education organisés à Cotonou du 2 au 9octobre 1990. On pourrait déjà noter sur la banderole derrière le présidium «Education,facteur de développement» le temps est donné et le cadre circonscrit.

Nicéphore Soglo7 mû par une sorte de sentiment nostalgique rappelle que le Béninpouvait être comparé avant la Révolution sur le plan éducatif au Japon qui se vante d’avoirl‘un des meilleurs systèmes d’éducation et de formation du monde. Le Bénin sur ce mêmeplan n’était-il pas qualifié de Quartier Latin de l’Afrique ? Le triste souvenir du régimemilitaro-marxiste et de l’Ecole Nouvelle qui l’accompagnait l’exacerbe et l’indignestigmatisant ledit régime. Il découvre des «infirmes intellectuels», un autre qualificatif‘’démocratique’’ de «intellectuels tarés» de Kérékou. Les nouvelles politiques éducativesdoivent orienter vers la reconquête de la culture de l’excellence

Comme le montre la liste des Ministres qui se sont succédé au Ministère del’Education Nationale (MEN) désigné parfois par Ministère de l’Enseignement Supérieur etde la Recherche Scientifique (MESRS), la participation des universitaires dans la conceptionet la mise en application des réformes éducatives actuelles est déterminante. La plupart desmesures relatives aux nouvelles exigences éducatives sont conçues et suivies par lesuniversitaires dont s’entourent la plupart du temps les Ministres universitaires eux-mêmes :

1990-1991 : Paulin Hountondji, Docteur Professuer de Phisophie à l’Université Nationale duBénin (UNB) (ex Université du Dahomey). Promoteur d’une Education de l’Excellence.1991-1996 : Karim Dramane, Docteur d’Etat, Professeur à la Faculté des Sciences Techniques(UNB). Promoteur de la scolarisation des filles.1996-1998 : Djidjoho Kpadonou, Docteur en Médecine, Professeur à Faculté des Sciences dela Santé (UNB). Promoteur de la méthode participative1998-2002 : Damien Zinsou Alahassa, Docteur, Professeur de Lettres (UNB). Acteur de lamise en application des réformes entamées par son prédécesseur avec pour toile de fondl’actualisation du travail productif dans les collèges et lycées (Projet du développement del’Initiation Professionnelle dénommée de 1990 à 1999 Production Scolaire Artisanale (PSA).2002-2003 : Dorothée Sossa, Docteur, Professeur à la Faculté de Droit et des SciencesPolitiques (UNB) : Promoteur de la déconcentration et de la décentralisation de l’Université2003-2004 : BAYAN Docteur, Professeur de Médecine à la FSS (UNB).

6 MINISTERE de l’EDUCATION NATIONALE, Actes des Etats Généraux de l’Education, CNPMS, Porto-Novo, 1990.7 Nicéphore SOGLO, «Allocation d’ouverture aux Etats Généraux de l’Education», Palais des sports du Stade del’Amitié, 4 octobre 1990, pp. 9-12 in MINISTERE de l’EDUCATION NATIONALE, Actes des Etats Générauxde l’Education, CNPMS, Porto-Novo, 1990, 175 p.

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Nationale du Bénin avec création de l’Université d’Abomey-Calavi, l’Université de Parakouet de Centres universitaires.

L’intégration de l’Education Relative à l’Environnement dans les nouveauxprogrammes atteste aussi de l’importance des implications des universitaires dansl’élaboration et l’application des systèmes éducatifs surtout depuis 1990. La conception et laproduction des manuels pédagogiques portant sur l’environnement, les problèmes de santé, etla formation des enseignants des différentes disciplines (mathématiques, biologie, physique,géographie, etc.) chargés de l’exécution des nouveaux programmes bénéficient des apportsdes universitaires selon leurs spécialités et de l’appui des cadres de l’INFRE dont l’actuelDirecteur est M. Yaovi Toussaint Tchitchi, enseignant au Département des Sciences duLangage et de la Communication de l’Université d’Abomey-Calavi.

3- ENSEIGNANTS, ENSEIGNES ET PARENTS AUX ABOIS

«Dans la mesure où le constat accablant est fait, que tout le secteur éducatif a étédécapité, saccagé, il ne restera plus qu’à tout recommencer, en s’attaquant aux fondations, àla base : l’Enseignement primaire, qu’il faut consolider, améliorer et développer. Celaimplique nécessairement qu’il faut former de nouveaux maîtres, recycler ceux qui ontdésappris pour arriver à retrouver ce niveau d’enseignants primaires qu’ont été nos vénérésmaîtres et que toute la sous-région, sans forfanterie, nous enviait. Oui, qualité d’abord sinous voulons, et nous le voulons, renouer avec l’Excellence».

Se référant aux conclusions d’une étude de la Banque Mondiale qu’il cite, Soglo vaattacher une grande importance à l’éducation dans le primaire, car, comme le note la BanqueMondiale «De nombreuses études récentes révèlent que ceux qui ont reçu une instructionprimaire sont plus productifs et généralement plus ouverts à l’innovation que les autres, cequi explique les taux de rentabilité économique relativement élevés de l’Enseignementprimaire dans presque tous les pays. On a constaté qu les agriculteurs instruits sont plusproductifs que ceux qui n’ont pas été à l’école. Que l’éducation de la mère renforce laprobabilité de survie de l’enfant»

La dernière phrase fera rebondir la Premier Ministre. Aussi note-t-il se référant à unautre Rapport de la Banque Mondiale8 qu’«Aucun développement durable n’est dès lorsconcevable si l’Education ne met pas un accent particulier sur l’éducation de la femme».

Mais cette recherche de la qualité ne fait pas perdre de vue la misère des enseignants.Aussi est-il légitime de souligner que «L’amélioration de la qualité passe par le relèvementdu niveau de compétence des enseignants et l’augmentation des dépenses du matérielpédagogique. Mais nous savons aussi que les enseignants sont mal payés.

Il va falloir remédier à cela et leur accorder des traitements leur assurant une viedécente, leur permettant de se consacrer entièrement à cette œuvre d’apostolat qu’est le

8 Banque Mondiale, «Dans les ménages africains, le pouvoir de décision des femmes en matière d’alimentation,de nutrition, d’eau, de soins de santé, d’éducation et de planning familial est beaucoup plus grand que partoutailleurs dans le monde en développement. Elles ont toujours eu un rôle actif en agriculture, dans le commerce etd’autres activités économiques. Elles veillent au bien-être de leurs enfants et sont explicitement chargéesd’assurer leurs besoins matériels»L’Afrique subsaharienne, de la crise à une croissance durable. Etude deprospective à long terme, cité par Nicéphore Soglo, idem.

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métier d’enseignant. C’est un devoir impérieux et un gage de développement. L’on ne peutvouloir un enseignement de qualité, sans y mettre le prix»9.

Paulin Hountondji va renchérir : «La revalorisation de la fonction enseignante estencore, aujourd’hui comme hier, une question préoccupante. Mais rien de décisif ne sera faitpour la régler, si les autres catégories professionnelles ne jouent pas le jeu, et si toute lanation ne s’accorde à reconnaître l’importance exceptionnelle des éducateurs en son sein, etla nécessité de leur faciliter la tâche. Inversement rien ne sera fait si la corporationenseignante elle-même n’impose le respect par un comportement exemplaire»10.

Les espaces de malaise

* Les modes de recrutement scolaire

a) Dans un certain nombre de cas, compte tenu du déficit chronique du nombre desenseignants, on observe qu’un même enseignant se trouve en charge de deux ou de troisniveaux dans une même classe. Autrement dit, il devra préparer les cours pour des élèves deCP, CE1 et CE2 et les assurer simultanément. C’est ce qu’on appelle le système multigrade.Quel peut être l’efficacité d’un tel système ? Que peut-on espérer réellement comme résultat ?A supposer que l’on se trouve dans le cas où ce système de multigrade concerne le CM1 et leCM2 en tant que classe d’examen. Quel résultat probant peut-on attendre, da ns un contexteoù il s’agit de donner une éducation de qualité, puisque ce système n’appartient pas à un passérévolu. Il existe dans certaines écoles.

b) Lorsque nous nous plaçons du côté des apprenants force est de constater, que danscertaines localités on assiste à ce que l’on a nommé le recrutement biennal. Faute de salles declasses et aussi de manque de personnel enseignant, des enfants, toujours dans un contexted’éducation de qualité et d’éducation pour tous, car c’est un phénomène qui frappe beaucoupplus les apprenants du primaire, il arrive que l’on recrute des apprenants de manièrealternative, par rotation. On peut ainsi avoir en 2003-2004 ouvert les classes de CI - CE1 –CM1 et 2004-2005 on assistera au recrutement en classes de CP – CE2 – CM2. Cela supposeconcrètement que l’on se retrouve en présence d’une école ne comptant que trois classes aumaximum depuis sa création. La traduction dans les faits de la situation des apprenants et deleurs parents se résume à ceci :

1- Un enfant en âge d’être scolarisé en 2004-2005 ne pourra l’être car il n’y aura pasde recrutement cette année-là au CI. Il devra attendre la rentrée 2005-2006.

2- Un enfant qui doit reprendre le CM1 devra attendre la rentrée 2005-2006 pour voirce cours rouvrir.

Tels sont les effets pervers de ce fameux système biennal, conduisant à la fois lesapprenants et leurs parents à des désenchantements.

* Typologie des enseignants :

Nous avons trois types d’enseignants auxquels se posent des problèmes à la foisgénéral et spécifiques. Tous les acteurs de la vie politique à charge de l’éducation sontconscients et rappellent à qui veut bien les entendre la triste situation financière et matérielles

9 Nicéphore SOGLO, id.10 Paulin HOUNTONDJI, idem.

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des enseignants. Mais qu’est-ce qui est fait concrètement pour renverser la situation ? Quelcrédit social accorde-t-on aux enseignants ? Quelle image d’eux l’on leur renvoie ?

Se posent de manière permanente et récurrente les questions de leur traitement salarial,de leur condition matérielle d’existence (hébergement, moyen de déplacement, etc.), desmécanismes de motivation, etc. A ces problèmes s’ajoutent pour les enseignants contractuelsdes problèmes d’ordre administratif : des contractuels installés dans la durée sans unesituation administrative claire et précise. Avec les enseignants contractuels, on a l’expressionmanifeste de la volonté communautaire, l’expression d’un besoin communautaire descolarisation des enfants. Les communautés se donnent des enseignants formés sur le tas etqu’elles doivent rétribuer. Elan noble ! Mais il suffit de s’attarder un instant sur ces cas pourcomprendre que cette disposition compensatrice est préjudiciable à la formation de qualitédéfinie par l’éducation de l’excellence.

Ces modes de recrutement pour pallier les déficits d’enseignants sont bien suicidaireset sont bien loin de favoriser la réalisation des nouveaux objectifs de formation à la qualité.De quelle qualité s’agit-il dans un contexte où le formateur lui-même est en situation de nonformation ? Que peut-il transmettre s’il a lui besoin d’être formé ?

Ainsi se pose la question de la formation des formateurs et de manière plussystématique celle du rôle des enseignants du supérieur dans la formation des formateurs.Quelle est la part de responsabilité de ces têtes pensantes et cherchantes ?

* La problématique de la formation des formateurs et enjeu démocratique

1- Toute formation suppose formation à, de, pour, avec un référent fondamental,l’information. Pour former encore faudrait-il avoir été informé. Mais informé de quoi,quand, où et par qui ? De quoi renvoi au contenu, quand à la durée d’acquisition etd’assimilation dudit contenu, le où désigne implicitement le cadre ‘’institutionnel’’ ounon et enfin, l’autorité d’où émane l’information. Or, on est loin de penser quel’information peut se structurer hors de son terreau culturel.

La stigmatisation du caractère extraverti des savoirs ‘’savants’’ produits en Afriquepar Paulin Hountondji, professeur de philosophie et ancien ministre à charge del’Education Nationale au Bénin, et promoteur de l’Education (Formation) del’Excellence, est un indicateur du malaise anthropologique de la formation (disons desformations) dans nos pays.

Ceux qui sont «formés» ont-ils acquis un regard critique par rapport à ce qu’ils ontreçu comme information à transmettre ? Je ne le pense, d’autant que des exemplesassez regrettables, montrent comment des «formateurs» de seconde main ayant àcharge la formation des étudiants, s’occupant de surcroît des changements sociaux,n’ont d’autres référents que des valeurs américano-européennes présentées comme desvaleurs au nom desquelles on peut sacrifier toutes les autres valeurs.

C’est là que se précise notre première inquiétude : la culture de la complaisanceintellectuelle qui veut que la formation dans les pays du sud soit une formation deplacage de valeurs anthropologiques non contextuées et non «contextualisables»,n’est-elle pas en contradiction notoire avec la culture de la pensée critique devantcaractériser les universitaires ?

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2- Le mythe du formateur au-dessus de toutes formations qui aboutit à une sorte dedésertification intellectuelle, dit la peur de soumettre ses propres connaissances àl’auto-critique tant est si enracinée la culture de la complaisance et, a fortiori, à lacritique d’autres. La formation qui, de par le renouvellement incessant del’information, devrait être dynamique, se sustente dans un étang d’auto-satisfactionstagnante que sanctifie une culture de la pauvreté entretenue par des arguments enfaveur d’une pauvreté congénitale dont on trouvera facilement les racines dansl’anthropologiquement culturel.

Mais il s’agit en fait de la peur de se regarder en face dans le miroir de ses tares. Laculture de l’assistanat venant atrophier celle de la nécessaire compétence et de lacompétition dans un contexte de mondialisation et de globalisation.

Ainsi se dessine ma deuxième inquiétude : quelle crédibilité accordée aux acteursde la formation dans nos pays ? Cette inquiétude fait écho à une provocation quej’avais osée en envoyant mes étudiants récolter des informations sur les stratégies desurvie des enseignants du supérieurs au Bénin.

La survie des universitaires est d’une telle récurrence qu’on est porté à croire qu’ilssont prêts à s’aliéner tant en politique, que sur le plan économique et sur le planculturel. Les stratégies de survie, sont tout ce pour quoi on peut sacrifier la missionprimordiale : celle de la formation. Culturellement ça fait bien d’être formateur, maisfinancièrement il n’y a rien de plus dévalorisant au regard du niveau de vie de ceux-làà qui on a délivré tel ou tel diplôme mais qu’on a oubliés de former.

Il suit que la question de la formation qu’elle soit initiale ou continue est une questionéconomique et politique.

3- Lorsque Jean-François Bayard parlait de la politique du ventre en Afrique, je ne croispas qu’il soit loin des avatars de la formation quand on sait à quel point tout s’écrasesous le poids de la politique dans nos pays. Culturellement, il y a un malaise politiquedont les effets pervers retentissent sur la vie éducative. Culturellement, il fautretrouver les valeurs culturelles autochtones, pour briser les liens de dépendance danslesquels l’école a placé les dirigeants politiques et les formateurs. C’est un besoind’affirmation anthropologique pour dire sa fierté d’être homme avec ses traitsidentitaires.

Le Bénin se fait bien remarquer sur ce plan. C’est un pays de réformes. Chacun sedépêchant de marquer d’un sceau, son passage sur la scène politique. Et lesformateurs, immuables, savent s’adapter. Eux qui n’ont que cette porte pour s’en sortirfinancièrement. Les réformes dans ce contexte ne sont rien d’autres que des stratégiescompensatrices du manque à gagner des efforts de formation.

On notera au passage les contradictions inhérentes à ces successions et lesdysfonctionnements dans le système éducatif. L’étatisation de la culture de lapauvreté, conduit bien souvent nos pays à vibrer selon les airs des bailleurs de fondssoucieux de faire de l’EPT et de EPU des réalités. Chevauchement de programmes,désintéressement des enseignants, incompréhension des apprenants sont les traitscaractéristiques de la situation de la formation aujourd’hui.

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J’en viens à ma troisième inquiétude : quelle sens (en terme de finalité) prend laformation dans des contextes de non achèvement et de non évaluation deréformes éducatives qui se succèdent au rythme des changements politiques ?

4- Pour finir, considérons la question de la formation à la culture démocratique dans nospays. Je pense que la préoccupation d’Alain Mougnotte, résume bien l’impasseanthropologique et culturelle de l’articulation formation initiale et formation continuedans les pays africains subsaharien. Je vais paraphraser ici l’auteur : quelle formationà la culture démocratique peut-on assurer si on n’est pas soi-même initialementformé à cette culture ?

Cet exemple nous paraît assez pertinent dans la mesure où la formation aujourd’huiplus qu’hier vise à former des hommes anthropologiquement universels se reconnaissantdans des valeurs consacrées par les Droits de l’homme sous-tendus par la culturedémocratique. La valorisation de l’homme, en tant qu’acteur social engagé dans uneéconomie compétitive où l’accumulation des savoirs est dépassée par la nécessité de leurrenouvellement quotidien, ne peut se comprendre que dans une logique d’actualisation del’information qui suppose l’éveil permanent de l’esprit critique.

Pour suspendre mes inquiétudes et lancer le débat : Il reste enfin, que la question de lafinalité de la formation se pose de manière très particulière dans nos pays marqués par despesanteurs anthropologiques et culturelles qui font que la massification et ladémocratisation de l’éducation ne sont que des réalités évanescentes. A quoi ça sert deformer, si l’on n’est pas prêt à aller servir dans les zones rurales ? A quoi ça sert deformer, si les classes sont désertées ? A quoi ça sert de former si les disparités entre sexesse creusent davantage tous les jours ? A quoi ça sert de former s’il y a des priorités liées àla survie ici et maintenant ? A quoi ça sert de former, si le formateur lui-même, dans saprésentation de soi, n’est pas un modèle ou référent ? Quelle est la pertinence de cettearticulation formation initiale et formation continue dans un contexte d’inachèvement dela première ? Et pourtant, qu’on soit au Sud ou au Nord, le monde de l’éducationn’acquiert tout son sens que dans la formation. En fin de compte l’enjeuanthropologique de la formation est la définition des stratégies de résolution descontradictions anthropologiques et culturelles dans une interculturalité co-opérativeSud-Nord. La formation est-elle autre chose que synonyme de transculturalité ?

Critique des calendriers de formation des enseignants

La question de la formation des formateurs se pose par ailleurs en termes des calendriersdes formations. Quelle logique soutient le fait que les formations des enseignants soientorganisées pendant l’année scolaire au moment même où se plaint du manque d’enseignants ?Quelle logique explique que l’on puisse encore prendre sur le temps de l’enseignement pourformer les enseignants ?

Identifications des problèmes liés aux enseignants

Il faut être aussi objectif dans le traitement des questions relatives aux conditions desenseignants. Le respect de l’enseignant doit venir avant tout de lui-même. L’enseignant doitse présenter comme un modèle, un exemple tant du point de vue physique que du point de vuecomportemental ? L’image ou la présentation de soi doit être une préoccupation pourl’enseignant. Il faut incarner un idéal. Or, combien d’enseignants se donnent en spectacle :

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état d’ébriété, loques humaines, mendicité, etc. ! Comme s’il était nécessaire d’en rajouter. Auplan moral, on note des attitudes aberrantes, honteuses dont l’expression la plus grave est leharcèlement sexuel.

En outre, le mauvais traitement salarial, conduit dans bien des cas à des désertions liéesà la recherche de sources de revenus parallèles. Des enseignants qui n’hésitent pas à délaisserles apprenants pour aller cultiver un morceau de terre, pour se lancer dans le commerce, pourdevenir des conducteurs de zémidjan. L’absentéisme des enseignants ajoute aux raisons dedésenchantement des parents et des apprenants eux-mêmes sans compter les moments degrève.

4 CRISE DE SOCIETE, CRISE DES VALEURS, CRISE DE L’EDUCATION

Education scolaire

Je disais au début qu’il était nécessaire de distinguer éducation et instruction. J’insistepour dire que tout ce qui vient d’être exposé porte sur l’instruction car c’est là que se lisent lesenjeux politiques. Toutes les politiques élaborées et expérimentées ou en coursd’expérimentation témoignent d’un réel malaise. Je ne cache pas mon inquiétude malgré lesdiscours et les bonnes intentions politiques : je le dis le système éducatif est agonisant. Il estd’autant que l’éducation n’est pas considérée comme une priorité nationale et un phénomèneglobal et intégral. Je dis que le morcellement de l’institution politique qui doit s’en occupern’est pas un choix judicieux. On n’éclate pas une direction pour gérer un phénomène global ettotal. L’éducation est une chose trop sérieuse pour en faire un terrain d’expériences partisanes.On ne va pas à l’éducation comme on va au marché. Autant on ne badine pas avec l’amour demême on ne saurait jouer avec l’éducation, car la vie de la nation en dépend. Elle est facteurde développement ou elle n’est rien.

Il faut admettre que les fluctuations, les contingences politiques partisanes quimarquent le système éducatif béninois sont l’expression d’une crise bien plus profonde : celledes valeurs éducatives.

Le triste sort réservé aux écoles, aux enseignants, aux enseignés et aux parents pousseà reconnaître que les enfants, au nom d’une scolarisation généralisée, sont désormais arraché àl’éducation familiale. L’espoir de leur formation scolaire s’écroule sous les malaises relevésdans cet exposé : des écoles sans enseignants, des enseignants vidés de leurs valeurs socialeset morales. Le désenchantement est radical : ni éducation, ni instruction, ni formation. Onarrive à une situation de non références, de non repères.

Je peux encore l’exprimer autrement, en remontant l’histoire du système éducatifprésenté ici.

Je répète, à dessein : j’entends ici par éducation ce qui conviendrait de désigner par levocable instruction, car il faut l’admettre : il existe une différence entre éduquer et instruire.Pour des commodités de langage, j’emploierai donc le mot éducation. On comprendra qu’ils’agit de l’éducation scolaire, celle que l’Etat semble avoir à charge.

Il me semble nécessaire de situer le débat dans le contexte originel du mal être surlequel je voudrais appeler l’attention de tout le peuple béninois en tant que citoyen.

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Lorsque l’on considère les fondements du modèle d’école à savoir l’EcoleRépublicaine (Française) qui nous inspire, on note un fait d’une importance capitale. Cetteécole, fille de la Révolution française façonnée par, pour et dans la démocratie repose sur troistermes dont la paternité revient à Jules Ferry en 1881 et 1882. Ces trois termes sont : gratuité,obligation et laïcité. Ces termes ne traduisent rien d’autre que les principes républicains deLiberté, d’Egalité et de Fraternité.

- LA GRATUITE : transcription du principe de FRATERNITE qui implique, non pasque personne ne paie, mais que chacun contribue, dans la mesure de ses moyens et par le biaisde l’impôt, à la formation des futurs citoyens- L’OBLIGATION permet d’établir en principe une forme d’EGALITE entre les

individus devant l’accès au savoir- LA LAÏCITE : garantit la LIBERTE de conscience de chaque individu en reléguant

hors des murs de l’Ecole les conceptions philosophiques ou spirituelles propres à tel ou tel groupede pensée.

Sans prétendre au vice, je crois savoir que ces principes ne sont que la devise de la France quicontient toute le quintessence de la DEMOCRATIE, à telle enseigne que l’on peut soutenirque l’Ecole reste bien dans ce contexte, le creuset de l’apprentissage et de l’expérience de ladémocratie qui s’élève sur une valeur essentielle : la NATION.

Je rappellerai à la conscience de chacun de nous que notre devise, pour ce que je crois c’est :FRATERNITE, JUSTICE, TRAVAIL. Or, il se fait que le slogan : Le Bénin est résolumentengagé sur la voie de la démocratie semble bien noyé les principes fondateurs de notre pays.Je ne dis pas qu’il existe une contradiction fondamentale entre cette devise et celle qui justifieles termes fondateurs de l’Ecole Républicaine que nous tenons pour modèle, mais je dis, quel’esprit qui a conduit les Français à intégrer ces termes dans leur devise devrait aussi nousinspirer à modeler notre Ecole sur nos exigences. Le problème que je pose est celui : si tantest que la démocratie est une valeur sûre et universelle, point n’est besoin de vouloir inventerune démocratie africaine. Cela ne résoudra aucun problème. Il s’agit, dès que nous sommesrésolument engagés sur cette voie, de faire en sorte que notre Ecole, draine des valeurs quinous sont propres et les fait graviter autour de la démocratie.

Mais l’essentiel de cet entretien traitera des problèmes relatifs à l’enseignementprimaire dans ce qu’il est l’enseignement de base c’est-à-dire celui censé structurer lapersonnalité de base du futur citoyen. C’est la fondation de la construction nationale, et entant que tel, il mérite qu’un intérêt particulier lui soit attaché et qu’il soit défendu.

Je suis d’accord avec les déclarations des différents hommes politiques qui font del’instruction scolaire un des objectifs du millénaire pour le développement. Il est précisémentnotifié dans le Premier rapport sur les Objectifs du Millénaire pour le Développement dansl’objectif 2 : Assurer une éducation primaire pour tous comme cible 3 : D’ici à 2015, assurerl’instruction primaire à tous les enfants e âge d’aller à l’école. Pour cette cible, les axesprioritaires sont ainsi définis :

1- Le renforcement du recrutement et de la formation des enseignants,2- La construction et la réfection de salles de classes dans les localités qui en ont besoin,3- La poursuite de la subvention pour la gratuité de l’inscription au primaire public et la

création d’un fonds de soutien aux écoles privées,4- Le renforcement et l’extension des cantines scolaires,

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5- Le renforcement du système éducatif non formel,6- La répartition géographique des écoles et des enseignants, et7- Le renforcement de la scolarisation des enfants notamment des filles.

Qui ne pourrait ne pas être séduit par ces intentions révélées en juillet 2003. Il n’y a pas deplace pour être pessimiste surtout que depuis 2000 les Etudes Nationales de Perspectives àLong Terme - Bénin 2025 ont fourni à la conscience nationale les raisons justifiées d’un réelespoir. Mais que peuvent ces Etudes et toutes les autres sans une réelle volonté politique ? A-t-on jamais dit autre chose à propos de l’éducation que ce que ce qui est consigné dans lesActes des Etats Généraux de l’Education de 1990. On peut se réjouir d’une inscription desintentions dans la continuité, pour une fois. Et après ?

Je résumerai mes inquiétudes comme suit :

Trois indicateurs du mal éducatif :

- La démocratisation et la massification

a) On pense par la démocratisation de l’éducation résoudre leproblème de l’inégalité des chances face au capital culturel et àla réussite scolaire, d’où une floraison d’écoles çà et là Ecolesans enseignants

b) Conséquente directe de la démocratisation la massification classes à effectifs pléthoriques

- Le morcellement du Ministère de l’Education Nationale

Que cherche-t-on à résoudre en créant trois ministères pourl’Education ?

- le nombre croissant des élèves ?- la qualité de l’enseignement ?

- Manque de valeurs cardinales qui définissent l’idéal humain recherché

Manque de valeurs cardinales qui définissent l’idéal humain recherché :si l’excellence est la valeur poursuivie, a-t-on défini les autres valeurs quila portent et participent de sa réalisation ? L’école béninoise n’est-ellepas le lieu de reproductions des tares sociales servant de manteau auxresponsables éducateurs et hommes politiques : régime érigé en systèmede l’impunité (justice bafouée), du travail mal fait (course effrénée pourl’accumulation de gains faciles, détournements, corruption), de fratricide(usages sociaux de la menace, violence verbale, rapport de force).

Education familiale

Je disais que la crise du système éducatif ou de l’instruction se trouve à l’amont et àl’aval d’une crise plus profonde, celle de l’homme. L’homme africain, l’homme béninoisinstruit et non éduqué. Car comme je l’ai montré dans un ouvrage intitulé Vivre et savoir enAfrique. Essai sur l’éducation orale yoruba, l’éducation est tridimensionnelle : c’est l’acte

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d’éduquer, d’être éduqué et de s’éduquer. Tout le monde s’accorde pour reconnaître qu’enAfrique, l’éducation en tant que processus permanent de socialisation prépare l’homme à lavie active au point où elle ne pouvait produire des chômeurs. Mais au-delà de ce ‘’pleinemploi’’, une place importante est accordée aux valeurs éducatives qui font radicalementécran à l’égoïsme et consacre au-delà des liens de consanguinité les liens de territorialitédonnant force et raison à l’idéal collectif et non aux intérêts individuels.

Ces valeurs éducatives autochtones semblent être ignorées désormais au profit del’excellence obéissant aux exigences et aux contraintes du libéralisme économique que l’oncroit être un corollaire inéluctable de la culture politique démocratique. La compétitivité et leslogiques économiques capitalistes sont productrices de la paupérisation et de l’exclusionquelle qu’ait pu être l’élévation des intentions politiques définissant les nouvelles orientationséducatives au Bénin. On ne peut penser l’excellence que dans un double contexte : celui d’unidéal national et celui d’un idéal mondial.

Je me permettrai de citer Abdou Moumouni pour montrer la pertinence de la réflexionsur l’éducation orale (familiale). Pour l’auteur : «En dehors de toute nostalgie du passé, de toutregret romantique et de toute lamentation sentimentale, l’éducation africaine «traditionnelle»est une source féconde d’enseignement et un sujet de réflexion qui s’imposent à quiconqueveut envisager avec tant soit peu de sérieux les problèmes de l’éducation et de l’enseignementdans l’Afrique Noire contemporaine»11. Revisiter cette éducation familiale orale, c’est aller à larencontre des valeurs éducatives qui font la fierté de toute cette masse de Béninois qui n’ontjamais mis pied à l’école. Est-il besoin de rappeler qu’au Bénin, 6 personnes de 15 ans et plussur 10 n’ont jamais été à l’école ? Ce qui ne signifie pas, n’ont jamais été éduquées !

5 QUEL PROJET DE SOCIETE SUR QUELLES VALEURS EDUCATIVES ?

Il est évident que tous les discours sur la question éducative au Bénin sont l’expressiond’un réel malaise : la crise de la société, c’est-à-dire celle des valeurs et partant de l’homme entant qu’acteur social, en tant qu’acteur de développement. Nul doute, que des efforts sont faitspour panser le mal, il ne faut pas cependant se bercer d’illusions et faire miroiter des chimères.

Je ne peux concevoir une société sans un idéal, sans un projet de société, sans undevenir de développement. Comme il ne peut être question d’éduquer sans poursuivre unobjectif. Les sociétés africaines comme toutes les sociétés sont animées par ce souci. Lapermanence de cet idéal de société chez ces populations est liée à la constance de leurs valeurséducatives, lesquelles participent du développement des individus en tant que membres actifsde la société. Il ne s’agit pas non plus dans cette affirmation de feindre en apologiste, les taresde certaines de ces valeurs. Mais, ayons le courage de nous reposer la question de la GrandeRoyale de L’aventure ambiguë : ce que nous allons gagner vaut-elle ce que nous allonsperdre ?

S’il est vrai comme je le fais remarquer souvent que chaque société à travers sonéducation poursuit un idéal humain, lequel poursuit-on au Bénin dans un contexte decontingences politiques auxquelles sont soumis les différents systèmes éducatifs expérimentésselon les aires du temps ? Le développement d’une société passe nécessairement par unestabilité de son système de valeurs éducatives et de la régularité des moyens de leur réalisation.Or, le Bénin apparaît comme un éternel chantier inachevé d’expériences éducatives. On a pu

11 Abdou MOUMOUNI, L’éducation en Afrique, Préface de J. KI-ZERBO, Paris, Présence Africaine, 1998, p.16.

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relever que l’instabilité politique est préjudiciable au développement. Moi je dis que sacrifierl’éducation à l’autel des batailles politiques partisanes c’est tuer la nation. Je me demande quelau juste l’idéal humain béninois si tant est que nous sommes les acteurs d’une nation. Quelleconscience avons-nous de l’homme que nous voulons réaliser à travers l’école ? Quel typed’homme veut-on offrir à la Nation ? Quel est le but de nos efforts éducatifs s’ils ne sont pasfaits pour identifier un produit spécifique, acteur et sujet de développement ?Un enseignementde qualité, une éducation à l’excellence à quelle fin ? Pour quel développement ? Quelles sontles valeurs morales qui sous-tendent nos actions ?

Mes inquiétudes sont d’autant plus fondées que j’ai cherché vainement ces valeursmorales fondatrices dans la plupart des documents officiels. Dans la Déclaration de politiqueéducative et de stratégie sectorielle dont la toile de fond reste les Actes des Etats Généraux del’Education, on peut lire :

«De manière générale, l’Ecole Béninoise devra désormais :- Former un homme techniquement compétent et humainement

équilibré ;- Former des hommes sans cesse performants, dotés d’esprit d’initiative,

ayant le goût de la recherche, capable de s’auto-employer, de créer desemplois et de contribuer efficacement au développement du Bénin.

Il suit que l’élève à la fin du cycle primaire doit être perçu, au niveau qui est le sien, enterme de gestionnaire :

- gestion de soi-même et de l’environnement (familial, social,scientifique, technologique, démographique, culturel) ;

- gestion des situations de vie nationale et internationale ;- gestion du formel et du non formel.

On a l’impression qu’il s’agit de former des acteurs économiques et non des hommes.On sacrifie à l’économique le but même de l’éducation : rendre humain.

Je me permettrai de lancer quelques piste de réflexion sous forme télégraphique.

La mission assignée à l’Education dans le Rapport NLTPS Bénin 2025 montre à quelpoint «le résolument engagé dans la démocratie pour le développement» n’a et ne peut avoirde sens que par l’Education. Le pont jeté entre le développement et la démocratie ouinversement, reste l’EDUCATION. Or, il semble que c’est la chose la moins bien lotie dansles préoccupations nationales du moins au regard des intérêts de l’Etat. A se demander s’ilsuffisait de crier le «résolument engagé dans la démocratie» pour se développer à moins quece soit une stratégie d’écho à la Conférence de la Baule !

Education et démocratie

Or, il faut l’admettre

«L’éducation est à coup sûr sinon la, du moins une «clé pour la démocratie», à condition bienentendu de n’être point le privilège d’un nombre plus ou moins limité, mais d’être égalementofferte à tous – selon la règle d’une démocratie véritable. Tant et si bien que, si l’éducationcomprise comme il faut est une clé pour la démocratie, il serait plus juste encore de rappeler

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que la démocratie est une clé pour l’éducation». FAURE Edgar, Introduction à TISSOT Henri, (sousla direction de) L’explosion de l’éducation, Lausanne-Barcelone, Editions Grammont et Salvat Editores, 1975,p.18.

Il suit que

«Vanter la démocratie sans organiser l’éducation, c’est une duperie (…). La société globalene nourrira véritablement la volonté politique d’éducation à la démocratie que dans lamesure où ses membres eux-mêmes auront été formés aux valeurs de celle-ci. Mais commentle seraient-ils si cette volonté politique a fait défaut à leur éducation ?» MOUGNIOTTE Alain,La démocratie : idéal ou chimère… quelle place pour l’éducation, Paris, L’Harmattan, 2002, p. 89 et pp. 99-100.

La problématique de la scolarisation des filles : vrai ou faux débat ?

Loin de moi l’idée selon laquelle, la scolarisation des filles ne requiert pas uneattention particulière, mais suite à des déclarations des femmes des groupements fémininsrencontrées récemment dans le nord de notre pays, il semble que l’on ne résoudra pas leproblème de la non scolarisation et de la déperdition scolaire des filles si les mesures ne sontpas prises globalement, c’est-à-dire favoriser autant la scolarisation des filles que celle desgarçons.

L’Education comme révélation d’une inculture politique au Bénin

«Le pouvoir messied à un ignorant» Ce proverbe yoruba, montre la relation intrinsèqueet nécessaire voire obligatoire entre savoir te pouvoir. On ne peut pas confier la gestion de laCité à un ignorant. Si l’on part de ce principe, et en faisant un clin d’œil au livre de MaxWeber Le Savant et le Politique on se rend à l’évidence que l’édification d’une Nation qui sedonne pour objectif le développement passe par l’éducation de ses membres. Ignorer ceprincipe élémentaire, c’est tuer la Cité. On a l’impression que l’Education n’est pas unepriorité pour nos dirigeants, je dirai plutôt n’est pas une priorité nationale. Est-ce parce quenous n’avons pas conscience d’appartenir à une Nation ou est-ce parce que celle-ci est uneréalité évanescente dans notre contexte ? Peut-on penser le développement sans cetteconscience de faire partir d’une Nation ? Et je viens à ceci que la méconnaissance de l’espacenational est un handicap pour fonder une réelle politique de développement, car cela revient àignorer une bonne partie des populations et instaurer une indifférence des différences. On nepeut prendre la mesure des choses à leur juste valeur.

POUR CONCLURE

LES LIEUX DU RIDICULE : ETATISATION DE LA CULTURE DE LA PAUVRETE ETPAUPERISATION DE L’EDUCATION

Le développement sous le couvert de Stratégie de Réduction de la Pauvreté doit-ilconsister à produire et à vendre la pauvreté ? La tendance actuelle frise l’institutionnalisation,l’étatisation d’une culture de la pauvreté. L’Etat se met à la pauvreté pour attirer les bailleursde fonds et brade son système éducatif comme pour sacrifier à la tradition de l’assistanat. Uneéducation sous perfusion ne peut insuffler le développement. Ne tombe-t-on pas dans leridicule à vouloir rivaliser en tant qu’Etat avec des ONGs ? Si les cantines scolairesconstituent entre autres des formes particulières de stratégies compensatrices pour réduire lesécarts entre enfants de milieux aisés et de milieux défavorisés quelle logique fonde la

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cohabitation des cantines étatiques et des cantines des ONGs ? L’Etat n’a-t-il pas mieux àfaire ? N’existe-t-il pas des problèmes qui ne peuvent que relever de son domaines ? A-t-onrevaloriser la fonction enseignante ? A-t-on former les formateurs ? A-t-on assurer lesconditions infrastructurelles de formation ? Encourage-t-on les productions nationales enfournissant aux cantines des produits alimentaires importés alors que des ONGs valorisentdans leurs cantines les produits locaux ?

L’Etat semble favoriser lui-même à travers ses choix prioritaires, la paupérisation del’éducation et, par conséquent, travaille au non-développement. Il faut le répéter ledéveloppement exige que l’on tienne grand compte de la transversalité de l’éducation : iln’existe aucun domaine d’activité humaine où ne se pose la question de l’éducation.L’éducation est la clef de tout processus de développement.

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REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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