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Uent6roscopie non chirurgicale : 6tat actuel et perspectives G. GAY *, J.S. DELMOTTE ** * UnitO de MOdecine Interne et ThOrapeutique, CHU, 54035 Nancy Cedex (France) ** Clinique des Maladies de l'Appareil Digestif, CHU, 59000 Lille (France) Non-surgical enteroscopy: current status and perspectives - L'exploration endoscopique non chirurgicale de l'intestin gr~le arrive maintenant ~ maturit6. Elle rdpond/a une n6cessit6 essentiellement dans deux domaines : la recherche 6tiologique des saignements diges- tifs dans la mesure ota 5 % des patients admis pour h6morragie digestive ont une cause non identifide par les investigations isotopiques, radiologiques et endo- scopiques classiques [1]. Les 6tiologies les plus sou- vent retenues, non m6dicamenteuses, sont par ordre d6croissant: les malformations art6rio-veineuses (M.AN.), les h6mangiomes puis les diverticules de Meckel et les tumeurs de l'intestin gr61e [2]. D'autre part, le r61e des AINS appara~t d6terminant dans les causes mddicamenteuses [3]. la mise en 6vidence d'une pathologie intdressant l'intestin gr~le, devant des signes cliniques, biolo- giques et/ou radiologiques (malabsorption, tableau de st6nose digestive intermittent) [4, 5]. - Que propose l'endoscopie pour r6pondre ~ ces deux interrogations ? Le passd rdcent (1980-1990) est marqu6 par le d6veloppement d'entdroscopes sondes [6]. Appareils de 2,50 m ~ 4 m de long (~ Spaghettiscopes '0, 5 mm de diam~tre, ils progressent grfice au pdristaltisme intestinal. Leur raise en place s'effectue par voie nasale, le positionnement dans le duod6num facilit6 par un endoscope tuteur (m6thode du Piggy Back) [7]. La floraison des solutions techniques proposdes pour les mettre en place, favoriser leur progression, prouve leur efficacitd r6duite d'autant que m~me totale, cette ent6roscopie sonde n6cessite une 6quipe mddicale et paramddicale importante, et reste un matdriel fragile. Les performances sont limit6es : b6quillage insuffi- sant quand il est pr6sent, pas de biopsie, pas de possi- bilit6 th6rapeutique, vision incomplete de la muqueuse (50 %), enfin utilisation restreinte en pra- tique quotidienne. Ceci explique que la m6thode soit restde cantonnde ~ quelques 6quipes, nord-am6ri- caines, essentiellement. Le renouveau est venu du d6veloppement de l'en- t6roscopie pouss6e dans les anndes 1990. L'explora- tion du j6junum est possible avec un coloscope [8] mais reste limit6e h la premi6re anse intestinale. La mise au point d'ent6roscopes semi-longs (2,40 m 2,60 m) par les filiales europ6ennes d'Olympus et Pentax a renouvel6 le concept d'ent6roscopie pous- s6e par voie haute puisque le jdjunum proximal et moyen peuvent 6tre examin6s. Les anses il6ales le sont 6galement dans le m6me temps ou lors d'une deuxi~me investigation, grSce ~ la m6thode de l'ent6- roscopie pouss6e par double voie que nous avons proposde [9]. Dans ces conditions, une exploration totale est possible dans 30 % des cas. Compl6te ou non la r6solution du problbme clinique pos6 l'est dans 70 % des cas [4, 5, 10]. De plus, outre les possibilit6s diagnostiques grfice fi la biopsie, ces appareils autori- sent la mise en eeuvre de thdrapeutique endoscopique (61ectrocoagulation). Les insuffisances sont encore patentes : longueur de l'examen (1 h 30 pour les deux voies), ndcessitd d'une dquipe mddicale compl6te (anesth6siste et endoscopiste), la partie moyenne de l'intestin reste le ,~trou aveugle ,, le plus souvent non explor6, m~me si les 16sions sont le plus souvent situ6es sur le jdjunum proximal et les derni6res anses il6ales. Des am61iorations sont encore possibles: mise au point de raidisseurs ~ flexibilit6 diff6renci6e moins primitifs que ceux utilisds actuellement -- les d6ve- loppements sont en cours -- 61aboration de mat6riel th6rapeutique adapt6 aux ent6roscopes semi-longs mais surtout rdalisation d'ent6roscopes ~ compromis rigiditd/flexibilit6 variable. Ces progr6s seront condi- tionn6s en grande partie par l'importance du march6 potentiel de vente de ces mat6riels. I1 reste dtroit m~me si l'ent6roscopie pouss6e s'est d6jh diffusde en Europe sur la plupart des grands centres endosco- piques universitaires et d'exercice lib6ral. Dans Fat- tente de ces d6veloppements, nous devons : am61iorer nos performances avec les endoscopes classiques, puisque prbs de 50 % des ldsions retrou- vdes en ent6roscopie, quelles que soient les 6quipes, sont accessibles aux eesogastroduod6nopes et aux coloscopes [4, 5, 10, 11]. 6valuer l'impact sur la qualit6 de vie du patient et les ressources de la collectivit6 du recours fi l'ent6ro- scopie dans les situations cliniques oil elle est mise en Tir6s ~ part : G. GAY, Unit6 de Mddecine Interne et Thdrapeutique, CHU, 54035 Nancy Cedex France. Acta Endoscopica Volume 26 - N ~ 4 - 1996 235

L’entéroscopie non chirurgicale: état actuel et perspectives

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Page 1: L’entéroscopie non chirurgicale: état actuel et perspectives

Uent6roscop ie non chi rurg ica le : 6 ta t actuel et perspect ives

G. GAY *, J.S. DELMOTTE **

* UnitO de MOdecine Interne et ThOrapeutique, CHU, 54035 Nancy Cedex (France) ** Clinique des Maladies de l'Appareil Digestif, CHU, 59000 Lille (France)

Non-surgical enteroscopy: current status and perspectives

- L'exploration endoscopique non chirurgicale de l'intestin gr~le arrive maintenant ~ maturit6. Elle rdpond/a une n6cessit6 essentiellement dans deux domaines :

�9 la recherche 6tiologique des saignements diges- tifs dans la mesure ota 5 % des patients admis pour h6morragie digestive ont une cause non identifide par les investigations isotopiques, radiologiques et endo- scopiques classiques [1]. Les 6tiologies les plus sou- vent retenues, non m6dicamenteuses, sont par ordre d6croissant: les malformations art6rio-veineuses (M.AN.), les h6mangiomes puis les diverticules de Meckel et les tumeurs de l'intestin gr61e [2]. D'autre part, le r61e des AINS appara~t d6terminant dans les causes mddicamenteuses [3].

�9 la mise en 6vidence d'une pathologie intdressant l'intestin gr~le, devant des signes cliniques, biolo- giques et/ou radiologiques (malabsorption, tableau de st6nose digestive intermittent) [4, 5].

- Que propose l'endoscopie pour r6pondre ~ ces deux interrogations ?

Le passd rdcent (1980-1990) est marqu6 par le d6veloppement d'entdroscopes sondes [6]. Appareils de 2,50 m ~ 4 m de long (~ Spaghettiscopes '0, 5 mm de diam~tre, ils progressent grfice au pdristaltisme intestinal. Leur raise en place s 'effectue par voie nasale, le positionnement dans le duod6num facilit6 par un endoscope tuteur (m6thode du Piggy Back) [7]. La floraison des solutions techniques proposdes pour les mettre en place, favoriser leur progression, prouve leur efficacitd r6duite d'autant que m~me totale, cette ent6roscopie sonde n6cessite une 6quipe mddicale et paramddicale importante, et reste un matdriel fragile. Les performances sont limit6es : b6quillage insuffi- sant quand il est pr6sent, pas de biopsie, pas de possi- bilit6 th6rapeutique, vision incomplete de la muqueuse (50 %), enfin utilisation restreinte en pra- tique quotidienne. Ceci explique que la m6thode soit restde cantonnde ~ quelques 6quipes, nord-am6ri- caines, essentiellement.

Le renouveau est venu du d6veloppement de l'en- t6roscopie pouss6e dans les anndes 1990. L'explora- tion du j6junum est possible avec un coloscope [8]

mais reste limit6e h la premi6re anse intestinale. La mise au point d'ent6roscopes semi-longs (2,40 m 2,60 m) par les filiales europ6ennes d'Olympus et Pentax a renouvel6 le concept d'ent6roscopie pous- s6e par voie haute puisque le jdjunum proximal et moyen peuvent 6tre examin6s. Les anses il6ales le sont 6galement dans le m6me temps ou lors d'une deuxi~me investigation, grSce ~ la m6thode de l'ent6- roscopie pouss6e par double voie que nous avons proposde [9]. Dans ces conditions, une exploration totale est possible dans 30 % des cas. Compl6te ou non la r6solution du problbme clinique pos6 l'est dans 70 % des cas [4, 5, 10]. De plus, outre les possibilit6s diagnostiques grfice fi la biopsie, ces appareils autori- sent la mise en eeuvre de thdrapeutique endoscopique (61ectrocoagulation). Les insuffisances sont encore patentes : longueur de l'examen (1 h 30 pour les deux voies), ndcessitd d'une dquipe mddicale compl6te (anesth6siste et endoscopiste), la partie moyenne de l'intestin reste le ,~ trou aveugle ,, le plus souvent non explor6, m~me si les 16sions sont le plus souvent situ6es sur le jdjunum proximal et les derni6res anses il6ales.

Des am61iorations sont encore possibles: mise au point de raidisseurs ~ flexibilit6 diff6renci6e moins primitifs que ceux utilisds actuellement - - les d6ve- loppements sont en cours - - 61aboration de mat6riel th6rapeutique adapt6 aux ent6roscopes semi-longs mais surtout rdalisation d'ent6roscopes ~ compromis rigiditd/flexibilit6 variable. Ces progr6s seront condi- tionn6s en grande partie par l'importance du march6 potentiel de vente de ces mat6riels. I1 reste dtroit m~me si l'ent6roscopie pouss6e s'est d6jh diffusde en Europe sur la plupart des grands centres endosco- piques universitaires et d'exercice lib6ral. Dans Fat- tente de ces d6veloppements, nous devons :

�9 am61iorer nos performances avec les endoscopes classiques, puisque prbs de 50 % des ldsions retrou- vdes en ent6roscopie, quelles que soient les 6quipes, sont accessibles aux eesogastroduod6nopes et aux coloscopes [4, 5, 10, 11].

�9 6valuer l'impact sur la qualit6 de vie du patient et les ressources de la collectivit6 du recours fi l'ent6ro- scopie dans les situations cliniques oil elle est mise en

Tir6s ~ part : G. GAY, Unit6 de Mddecine Interne et Thdrapeutique, CHU, 54035 Nancy Cedex France.

A c t a E n d o s c o p i c a V o l u m e 26 - N ~ 4 - 1996 235

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~euvre. Le b6n6fice pour le malade est d6montr6 court terme dans le diagnostic des h6morragies occultes [11]. Ce travail doit 6tre r6alis6 encore darts trois autres secteurs de la pathologie : tumeurs, syn-

drome de malabsorption, anomalies radiologiques. Ce n'est qu'h ces conditions, pour reprendre l'expres- sion de B. Lewis, que la <, derni6re fronti6re ~ de l'en- doscopie aura 6t6 atteinte [12].

Rt~Ft~RENCES

1. DABEZIES M.A., FISHER R.S., KREVSKY B. - - Video- small bowel enteroscopy: early experience with a prototype instrument. Gastrointest Endosc, 1991, 37, 60-2.

2. SPECHLER S., SCHMIMMEL E. - - Gastrointestinal tract bleeding of unknown origin. Arch lntern Med, 1982, 142, 236- 40.

3. ALLISON M.C., HOWATSON A.G., TORRANCE C.J., LEE F.D., RUSSEL R.J. - - Gastrointestinal damage associa- ted with the use of non steroidal anti-inflammatory drugs. N EnglJ Med, 1992, 327, 749-54.

4. DELMOTTE J.S., GAY G., KLEIN O., PARIS J.C., COLOMBEL J.F. - - Apport diagnostique d'une nouvelle technique : l'entdroscopie poussde par double voie. Gastroen- terol Clin Biol, 1993, 17, 130.

5. DELMOTTE J.S., GAY G., PARIS J.C. - - A new endoscopic technic : pushed enteroscopy double way (P.E.). Gastroentero- logy, 1994, 106, A7.

6. TADA M., SHIMUZU S., KAWAI K. - - A new transnasal sonde type fiberscope (SSIF type VI) as a Panenteroscope. Endoscopy, 1986, 18, 121-4.

7. LEWIS B.S., WAYE J.D. - - Total small bowel enteroscopy. Gastrointest Endosc, 1987, 33~ 435-8.

8. PARKER W., AGAYOFF J.D. - - Endoscopy and small bowel biopsy utilizing a per oral colonoscope. Gastrointest Endosc, 1983, 29, 139-140.

9. DELMOTTE J.S., GAY G. - - L'ent6roscopie pouss6e par double voie : nouvelle technique de l'exploration de l'intestin gr61e utilisable en pratique quotidienne. Hepato-gastro, 1994, 4, 317-24.

10. CROGUENEC B., CAWARD J.M., HOUCKE P.H., GAY G., LAPUELLE J., MARCHETTI B. et al. - - Videoenteroscopie pouss~e (VEP). Premier bilan (269 observations). Gastroente- rol Clin Biol, 1995, 19, 17.

11. ADRAIN A.L., DABEZIES M.A., KREVSKY B . - Entero- scopy improves outcome in patients with obscure gastrointes- tinal bleeding. Gastrointest Endosc, 1995, 41, 257.

12. LEWIS B.S., WAYE J.D. - - Small bowel enteroscopy in 1988, pro and cons. Am J Gastroenterol, 1988, 33, 799-802.

- The non-surgical endoscopic exploration of the small bowel has now come of age. It provides an essen- tial solution in two fields:

The etiology of digestive bleedings since the cause in 5 % of the patients hospitalized for digestive hemor- rhage has not been identified by classical isotopic, radiological and endoscopic investigations [1]. The most frequent etiologies, besides drugs, are in descen- ding order: arterio-venous malformations (A VM), hemangiomas, then Meckel's diverticules and small bowel tumors [2]. In addition, the role of NSAI drugs appears to be preeminent in cases associated with drug uptake [3].

The discovery of a pathology located in the small bowel, in the light of clinical, biological and~or radio- logical signs (malabsorption, intermittent digestive ste- nosis pattern) [4, 5].

- What has endoscopy to propose in order to address these two issues ?

The recent past (1980-1990) has been characterized by the development of sonde-type enteroscopes [6]. They are 2.5 to 4 meter-long tubes (~spaghet- tiscopes ,,), 5 mm in diameter; they progress thanks to the intestinal peristalsis. They require a transnasal introduction and their set up in the duodenum is eased by the use of an endoscope (Piggy Back method) [7]. The abundance of technical solutions proposed to set them up or to improve their progression is a proof o f their poor efficiency even more so in that, even in case

of a total examination, this sonde enteroscopy requires a large medical and paramedical staff and remains a fragile apparatus. Their possibilities are limited: insuf- ficient bending ability even when it is present, no biop- sies, no therapeutic capacities, a partial view o f the mucosa (50 %), and finally a restricted usage in daily practice. That explains why this method has been res- tricted to a few teams, most o f them from North Ame- rica.

A renewal came with the development of push-type enteroscopy in the 90s. The exploration of the jejunum is possible with a colonoscope [8], but is limited to the first intestinal loop. The design of semi-long (2.4 to 2.6) enteroscopes by the European branches of Olym- pus and Pentax has renewed the upper way push ente- roscopy concept, since both the proximal and medium jejunum can be explored. The ileal loops are also concerned at the same time or during a second investi- gation, thanks to the double way push enteroscopy method that we have proposed [9]. In these conditions, a complete exploration is possible in 30 % o f cases. Even if the exploration is incomplete, the clinical pro- blem is solved in 70 % of cases [4, 5, 10]. In addition, besides the diagnostic possibilities resulting from the ability to obtain biopsies, these devices allow us to undertake therapeutic endoscopy (electrocoagula- tion). The caveats are still obvious: the duration of the examination (lh 30 if double way), the required pre- sence of a complete medical team (anesthetist and endoscopist), the medium part o f the bowel remains the ~ blind hole ~ most often unexplored, although

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lesions are most often located in the proximal jejunum and the last ileal loops.

Improvements are still possible: adaptation of less primitive differential flexibility stiffeners than those currently used - - developments are in progress- design of therapeutic materials that would fit semi-long ente- roscopes, but above all the design of enteroscopes with a better compromise of varying rigidity~flexibility. These improvements will mostly rely on their potential share of sales on the market. This share remains small, even if push enteroscopy has already begun to spread in Europe in most of the big universitary and liberal endoscopic centers. While awaitting these improve- ments we must:

�9 improve our results with classical endoscopes, since almost 50 % of the lesions observed with entero- scopy, independently of the team, can be accessed with esogastroduodenopes or colonoscopes [4, 5, 10, 11].

�9 estimate the impact on the patient's quality of life and on the community's resources of the use of entero- scopy in clinical cases when it is chosen. The benefit for the patient is demonstrated in the short term through the diagnosis o f obscure gastrointestinal blee- ding [11]. A similar work has still to be done in three other pathological fields: tumors, malabsorption syn- drome, radiological anomalies. Only then, to quote B. Lewis, will the ~ last frontier ~ of endoscopy be rea- ched.

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