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Erétrie Guide de la cité antique Erétrie est l’une de ces cités qui ont fait la grandeur de la Grèce antique. Son territoire est occupé depuis le début du III e millénaire av. J.-C. De ce long passé, la ville a conservé d’importants vestiges: le Théâtre, le Sanctuaire d’Apollon, plusieurs autres temples et sanctuaires, le Gymnase Nord, des quartiers d’habitation, quelques chefs-d’œuvre artistiques (sculptures, vases), de nombreuses inscriptions sur pierre, des monnaies. Le musée et les sols de la Maison aux mosaïques offrent un reflet de ces splendeurs passées. L’ancienne Erétrie a connu une nouvelle vie depuis le XIX e siècle. L’exploration des vestiges du passé a commencé voici environ 125 ans et elle se poursuit. Le présent volume, richement illustré de photographies, de plans et de dessins, retrace l’histoire de la ville et de ses habitants et présente une description détaillée de ses monuments. Erétrie Guide de la cité antique

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Erétrie

Guide

de la cité

antique

Erétrie est l’une de ces cités qui ont fait la grandeur de la Grèce antique. Son territoire est occupé depuis le début du IIIe millénaire av. J.-C. De ce long passé, la ville a conservé d’importants vestiges: le Théâtre, le Sanctuaire d’Apollon, plusieurs autres temples et sanctuaires, le Gymnase Nord, des quartiers d’habitation, quelques chefs-d’œuvre artistiques (sculptures, vases), de nombreuses inscriptions sur pierre, des monnaies. Le musée et les sols de la Maison aux mosaïques offrent un re�et de ces splendeurs passées. L’ancienne Erétrie a connu une nouvelle vie depuis le XIXe siècle. L’exploration des vestiges du passé a commencé voici environ 125 ans et elle se poursuit. Le présent volume, richement illustré de photographies, de plans et de dessins, retrace l’histoire de la ville et de ses habitants et présente une description détaillée de ses monuments.

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Comment utiliser ce guide

* Voir glossaire

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++ Visite très intéressante

+ Visite intéressante Monument non visible

Renseignements utiles

Horaire du Musée d’Erétrie ()Tous les jours de h à h Fermé les lundisTéléphone +

E U B É E

Chalcis

Erétrie

Athènes

Skala Oropou

0 10km

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Plan d’Erétrie

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Chronologie d’Erétrie

Avant Jésus-Christ

3000–1100 (époque helladique)Habitats sur l'acropole et dans la plaine

VIIIe siècle (époque géométrique)Naissance de la cité. Premier temple dans le Sanctuaire d’Apollon.Participation à la colonisation du bassin méditerranéen

VIIe siècleL’Hérôon à la Porte de l’Ouest. Temple ionique d’Apollon

Vers 600 (?)Guerre lélantine

550–525Construction de l’enceinte, de l’agora et du Temple dorique d’Apollon

499Les Erétriens apportent leur appui au soulèvement de Milet

490Prise d’Erétrie par les Perses

446Soumission de l’Eubée par les Athéniens

411Bataille d’Erétrie et soulèvement de l’Eubée contre les Athéniens

Vers 400–350L’enceinte et l’agora sont rénovées. Construction des maisons du Quartier de l’Ouest et de la Maison aux mosaïques

377 Adhésion d’Erétrie à la deuxième Confédération athénienne

341Rétablissement de la démocratie après quelque années de tyrannie

Vers 340–300Construction du Théâtre, du Temple de Dionysos et du Gymnase Nord, de l’Iseion et de la Palestre Sud

295–268Carrière politique du philosophe Ménédème d’Erétrie

267Prise d’Erétrie par le roi des Macédoniens Antigone Gonatas

198Prise d’Erétrie par les Romains

146Les Erétriens restent �dèles à Rome lors de la Guerre d’Achaïe

86Prise d’Erétrie par les Romains (Guerre de Mithridate)

Vers 20Construction du Sébasteion (temple du culte impérial)

Après Jésus-Christ

211–217Erétrie honore l’empereur Caracalla

VIe siècleAbandon du site

5 avril 1436Visite de Cyriaque d’Ancône

1834Nouvelle fondation d’Erétrie: Néa Psara

1885Premières fouilles archéologiques

Amarynthos

Chalcis avenue Isidos

rue Archaiou Theatrou

rue Elpinikos Nikomachou

rue

Philo

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Musée

Oropos

0 200m

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Le panthéon érétrien

Erétrie célébrait de nombreux cultes, la plupart en l’honneur des dieuxolympiens, mais aussi de quelques héros locaux; s’y ajoutèrent, à l’époquehellénistique, des cultes en l’honneur de divinités égyptiennes ou orien-tales. Parallèlement s’instaurait le culte de certains rois ou reines, et plustard celui de la famille impériale romaine. Les sources à disposition pourétablir la liste des divinités vénérées par les Erétriens sont multiples: textesd’auteurs antiques, documents épigraphiques, objets et monuments dédi-catoires, vestiges archéologiques.

ApollonLe dieu poliade* de la cité est Apollon, vénéré à Erétrie sous l’épithète de Daphnéphoros («porteur de laurier») (>). Son sanctuaire est attestépar de nombreuses inscriptions, dont certaines ont été retrouvées in situdans son sanctuaire au centre de la cité.

ArtémisLa sœur d’Apollon, Artémis, règne sur les ports du golfe Euboïque: à Aulis et à Délion sur la rive béotienne, au cap Artémision et à Amarynthosen Eubée. Sa présence dans tout le golfe Euboïque montre qu’elle joue unrôle important dans les navigations entreprises dès le VIIIe siècle av. J.-C.Plusieurs objets attestent la faveur que connaissait la déesse à Erétrie:notamment une stèle à en-tête sculpté qui était exposée dans le Sanctuaired’Apollon Daphnéphoros et représente la déesse avec Apollon de part etd’autre d’un omphalos, un fragment de statue, enfin un médaillon en étaindatant des environs de av. J.-C., représentant Artémis devant un autel,avec une biche et un chien.

La religion et la mort

Partie supérieure d’unestèle honorifique de la findu IVe siècle av. J.-C.Artémis et Apollon y sontreprésentés de part etd’autre d’un omphalos. Erétrie, Musée

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Le sanctuaire d’Asclépios, dont on ignore l’emplacement dans la cité,devait donc être à l’abandon lors de la réoccupation de la Maison auxmosaïques au Ier siècle av. J.-C. Le dieu de la médecine aurait aussi étéadoré extra muros, comme en témoigne un décret remontant au début duIIIe siècle, découvert dans les ruines de l’église d’Hosios Loukas au nordd’Aliveri, à environ km au sud-est d’Erétrie, et qui fixe le déroulementde la procession et des sacrifices en l’honneur du dieu.

AthénaUn sanctuaire d’Athéna est attesté par l’inscription dédicatoire d’une prêtresse de la déesse, trouvée en remploi dans un édifice tardif devant le Temple d’Apollon Daphnéphoros, et par plusieurs figures en terre cuite,dont certaines conservent l’égide* décorée d’un gorgoneion* caractéris-tique de la déesse. Athéna occupait également une place centrale dans lefronton du même temple, comme un reflet des contacts étroits qui lièrentdès le VIe siècle Athènes et Erétrie. L’espace sacré mis au jour sur le pla-teau sommital de l’acropole pourrait lui être consacré.

HéraL’existence d’un culte rendu à Héra dès l’époque géométrique est très probable: la déesse, en effet, occupe une place importante, aux côtésd’Apollon, dans l’histoire de la colonisation eubéenne, en tant qu’archégètedes fondations et protectrice des navigations au long cours. On supposel’existence d’un sanctuaire extra muros d’Héra, la grande déesse deChalcis, près du rivage de Lefkandi. Elle y aurait été adorée en tant que«maîtresse de la plaine lélantine», aux frontières des territoires de Chalciset d’Erétrie. Son culte est également attesté à Erétrie par l’existence d’unmois Héraiôn dans le calendrier.

La déesse est vénérée à Erétrie sous diverses épithètes: Amarysia en rela-tion avec son sanctuaire extra muros à Amarynthos, Ilithyie, Kolainis,Olympia. On la vénérait sur l’Aire sacrificielle au nord du Sanctuaired’Apollon en qualité de patronne des activités féminines, de régulatricedes eaux qui inondaient l’habitat aux saisons pluvieuses et de déesse mari-time protectrice des navigateurs qui sillonnaient la mer Méditerranée.L’Aire sacrificielle, sanctuaire intra muros, dans laquelle Artémis étaitnotamment adorée aux époques géométrique et archaïque par les femmesde la cité, qui lui offraient des objets en rapport avec le travail de la laine,formait peut-être avec le sanctuaire d’Amarynthos, sanctuaire extra murosdans le territoire érétrien et lieu de culte pour l’ensemble du territoireeubéen, les deux pôles d’un seul et même culte, à l’image du Brauroniond’Athènes, annexe urbaine du sanctuaire d’Artémis à Brauron.

En outre, plusieurs documents épigraphiques attestent à Erétrie unculte rendu à la triade apollinienne, Apollon, Artémis et leur mère Léto.

DionysosVers av. J.-C., mais sans doute dès le IVe siècle d’après la loi d’Erétriecontre la tyrannie, les fêtes de Dionysos — les Dionysies — sont aveccelles d’Artémis les plus importantes de la cité, comme en témoignent cer-taines inscriptions (>Dionysos au cœur de la cité, ).

AsclépiosLe culte d’Asclépios, dieu de la médecine, attesté sur des documents épi-graphiques et par une statue trouvée sur le site, serait apparu au IVe siècleav. J.-C. lors de la reprise des relations d’Erétrie avec Athènes. Datée dumilieu du IIe siècle av. J.-C., la base inscrite d’une statue dédiée àAsclépios et à Hygie par l’association des Amphiastes en l’honneurd’Amphias a été découverte en remploi dans un bâtiment tardif à l’est de la Maison aux mosaïques.

Statuette d’Asclépios.Epoque hellénistique.Erétrie, Musée

Relief votif représen-tant Athéna en traind’accomplir une liba-tion. Vers av. J.-C.Erétrie, Musée

Artémis sur un médaillonen étain. Ve-IVe siècles av. J.-C. Erétrie, Musée

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Ilithyie et IsisOn localise au sud-est de la cité une concentration d’espaces sacrés nonloin de l’enceinte, dont un Sanctuaire d’Ilithyie, déesse des enfantements,protectrice des enfants de la naissance à l’adolescence, et un Iseion.

Le culte étranger le plus important de la cité était en effet celui de ladéesse égyptienne Isis, adorée dans ce site du littoral comme déesse de lamer. Ce sanctuaire égyptien est l’un des mieux connus et des plus anciensde Grèce avec Délos. Très tôt, plusieurs divinités étrangères lui ont étéassociées: Sarapis, Anubis, Osiris et Harpocrate, ainsi que Cybèle. Le cultea vraisemblablement été fondé vers av. J.-C. par des Egyptiens attirés àErétrie par le commerce et rejoints rapidement par des citoyens d’Erétrie,puis, dès le Ier siècle, par des Italiens (en majorité des affranchis et desesclaves).

Héros érétriensParmi les héros qui faisaient également l’objet d’un culte, le plus connu estNaustolos, fils d’Apollon et protecteur de la flotte érétrienne, dont le sanc-tuaire est attesté par une borne inscrite trouvée au sud-est de la cité, prèsde l’enceinte orientale. Evoquons également Cothos et Aiklos, héros fonda-teurs l’un de Chalcis et l’autre d’Erétrie, peut-être vénérés séparément, sil’on en croit une stèle portant le nom de Cothos et qui pouvait marquerl’emplacement d’un temenos* consacré au héros. On retrouverait les deuxpersonnages, barbus, flanquant la personnification de la ville sur une émis-sion monétaire de la cité à l’époque de Commode. Narkittos, filsd’Amarynthos, héros érétrien selon Strabon, était également honoré àOropos, et l’une des six tribus de la cité portait le nom de Narkittis.

S. H.

Déméter et CorèLes autres cultes importants de la cité étaient ceux de Déméter et Corè,dont le flanc méridional de l’acropole abritait peut-être un double sanc-tuaire, l’un à l’est, l’autre à l’ouest (>Les Thesmophoreia et ,–).

Zeus, Poséidon et AmphitriteD’autres dieux devaient être vénérés à Erétrie: Zeus Homoloïos, dont une borne de sanctuaire atteste l’existence d’un lieu de culte, ZeusHerkeios, dieu du foyer dans les habitations et Poséidon, peut-être adoréen compagnie de son épouse Amphitrite.

HéraclèsLe culte d’Héraclès est attesté dès l’époque archaïque à Erétrie par plu-sieurs dédicaces dont l’une, inscrite sur un vase en bronze daté du débutdu Ve siècle, évoque un prix gagné lors d’un concours en l’honneur duhéros à Erétrie. Remontant sans doute au IIe siècle, une inscription men-tionne encore l’organisation, à Erétrie, de jeux en l’honneur d’Héraclès,preuve d’une vénération durable de la part des habitants de la cité. Lecycle du héros est en effet étroitement lié à l’Eubée, car il a pour décors les endroits de la Méditerranée où les Eubéens sont en contact avec lesPhéniciens: au détroit de Gibraltar, appelé autrefois les Colonnesd’Héraclès, dans la région de Cumes en Campanie et dans la colonie chalcidienne d’Himère en Sicile.

Héraclès combattant les Centaures. Amphore funéraire découverte dans la Nécropole du bord de mer. Vers av. J.-C. Erétrie, Musée

Base de statue inscritetrouvée dans l’Iseion.Erétrie, Musée

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Les DaphnéphoriesLe culte du dieu poliade* Apollon n’a pas laissé de traces dans les sourcesécrites. Son épithète de «porteur de laurier» (Daphnéphoros) évoque les Daphnéphories, une fête qui était également célébrée en Béotie voisinetous les huit ans — intervalle qui correspond au cycle complet de la lune etdu soleil — en l’honneur d’Apollon Hisménios ou Galaxios. Des proces-sions s’y déroulaient au cours desquelles on portait des branches de laurierdans les sanctuaires du dieu, et des chœurs de jeunes filles chantaient deshymnes en l’honneur de la divinité. On rapproche ce type de rituel de la fête de l’arbre de mai, célébrée au printemps en plusieurs endroits deGrèce (à Athènes durant les Thargélies en l’honneur d’Apollon, à Samosaussi pour Apollon, et à Sparte en l’honneur d’Artémis Corythalia).

De cette fête que l’on imagine animée, les vestiges archéologiques neportent guère témoignage. La majorité du mobilier découvert dans le sanc-tuaire se rapporte à la consommation du vin: des cratères*, dontquelques-uns aux dimensions monumentales, ainsi que plusieurs centainesde vases à boire, évoquent la pratique communautaire du banquet.

L’Aire sacrificielleL’Aire sacrificielle mise au jour au nord du Sanctuaire d’Apollon constitueune source essentielle pour la connaissance des cultes de la cité d’Erétrie et même, au-delà, de l’ensemble des rituels des époques géométrique etarchaïque du monde grec. Le grand nombre d’hydries* de taille réduiterecueillies dans l’Aire atteste qu’on y pratiquait des libations, sans douteavec de l’eau.

Les gestes de la piété

Les pratiques cultuelles des Erétriens ne nous sont connues que par derares documents épigraphiques ou littéraires, ainsi que par les trouvaillesfaites dans certains sanctuaires de la cité.

Les ArtémisiaLe culte le plus célèbre rendu par les Erétriens était sans conteste celuid’Artémis Amarysia dans son sanctuaire paneubéen, près du villagemoderne d’Amarynthos dans le territoire d’Erétrie (>L’Artémisiond’Amarynthos, ). Chaque année y avaient lieu des fêtes appeléesArtémisia, auxquelles prenaient part les Erétriens en compagnie des Chalcidiens et des Carystiens. Strabon cite une inscription décrivant la procession qui se rendait à l’Artémision, composée de soixante chars,six cents cavaliers et trois mille hoplites (X I, ). Les chiffres donnés parStrabon prouvent l’importance de la fête. Si la participation des citoyens en armes donne à la procession son caractère à la fois civique et militaire, la présence de chars et de chevaux témoigne du lointain passé aristocra-tique de la cité. Une loi d’Erétrie, datant des environs de av. J.-C., traitait de l’organisation des Artémisia. Ce texte évoque des concoursmusicaux et précise que des victimes de choix, fournies par les cinq chôroi(districts) du territoire, devaient être sacrifiées à la déesse; une autre ins-cription y atteste la pratique d’une danse guerrière, la pyrrhique. Eliendécrit aussi les sacrifices qui y étaient accomplis et fait mention d’of-frandes d’animaux à membre tronqué, c’est-à-dire vraisemblablement àqueue coupée (Nat. Anim. XII , ). L’emplacement exact du sanctuairen’a pas été établi à ce jour. Toutefois, un dépôt mis au jour fortuitementdans la région présumée du sanctuaire a livré un riche mobilier votif, dont une majorité de statuettes en terre cuite, sans doute offertes à la déessepar les fidèles.

Lécythe à figuresnoires. Seconde moitié duVIe siècle av. J.-C.Erétrie, Musée

Scène figurée sur un col d’amphore. Fin duVIIIe siècle av. J.-C.Erétrie, Musée

Plusieurs centainesd’hydries et de cruchesaprès leur découvertedans l’Aire sacrificielleNord

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exposaient les viandes à la chaleur du soleil au lieu de les griller sur unbûcher. Plutarque fait remonter l’origine de ce rituel à un sacrifice accom-pli par les captives troyennes emmenées par Agamemnon et qui, célébrantles Thesmophories, auraient dû abandonner le bûcher sans achever lesacrifice pour profiter d’un vent favorable à la navigation.

Ploiaphésies et oniromancieOn ignore tout des cérémonies qui devaient être accomplies dans l’Iseion,exception faite des sacrifices, puisqu’au moins un autel y est conservé,outre les vestiges d’une possible statue de culte. On y suppose la célébra-tion des Ploiaphésies, fêtes se déroulant dans les autres sanctuaires d’Isisdu monde grec à l’occasion desquelles on lançait un bateau à la mer. On ypratiquait sans doute aussi l’oniromancie (oracle à partir des rêves), formehabituelle de la mantique attribuée à Sarapis.

S. H.

La boucherie sacrificielle et les offrandes animalesL’archéozoologie est la science étudiant les vestiges animauxdécouverts dans les sites archéologiques, afin de déterminerles relations entre les hommes et les animaux dans le passé.Ainsi, grâce principalement aux fragments osseux d’animauxprélevés au moment des fouilles, l’archéozoologue peutreconstituer l’histoire de leur exploitation, pour la consom-mation de leur chair, l’utilisation de leur peau, os, bois oucornes, ou encore pour leur emploi dans des contextes derituels, de sacrifices et d’offrandes.

Dans le cas de l’Aire sacrificielle mise au jour au nord duTemple d’Apollon Daphnéphoros, plusieurs centaines defragments osseux ont été découverts en relation avec un auteld’époque géométrique. Ils consistent presque exclusivementen vestiges brûlés de fémurs de mouton ou de chèvre.L’uniformité de cet assemblage et de l’état des os témoigne,de toute évidence, d’une activité spécifique liée aux rituels desacrifice. Les prêtres découpaient ainsi minutieusement unou même deux fémurs qu’ils prélevaient sur les animauxsacrifiés pour les offrir à la divinité, peut-être Artémis, en lesbrûlant sur l’autel. Le reste des animaux sacrifiés étaitconsommé par les participants au sacrifice à l’extérieur del’Aire sacrée.

Ce rituel, que l’analyse archéozoologique a pu mettre enlumière, trouve de proches parallèles dans les sources icono-graphiques et littéraires qui en confirment la pratique et per-mettent d’en préciser le déroulement: on apprend, parexemple, que les fémurs offerts à la divinité étaient enrobésdans la graisse de l’animal avant d’être brûlés.

I. C.-V.

Des cruches à haut col, dont la forme est caractéristique d’un atelier depotier érétrien, sont ornées de scènes en rapport avec leur emploi rituel; il s’agit de tableaux, peints le plus souvent de manière hâtive ou allusive,qui représentent des femmes effectuant divers gestes: sur l’un, deuxfemmes se font face et tendent leurs mains au-dessus d’un motif géomé-trique — peut-être un métier à tisser; sur l’autre, deux femmes, accompa-gnées d’une troisième brandissant un rameau, présentent au spectateur un panneau retenu de part et d’autre par deux montants — peut-être une pièce de tissu offerte à la divinité, comme c’est souvent l’usage dans les sanctuaires grecs.

L’étude des ossements d’animaux brûlés qui ont été recueillis dansl’Aire au nord du Sanctuaire d’Apollon a révélé des pratiques sacrificiellesencore rarement attestées archéologiquement dans le monde grec (>Laboucherie sacrificielle et les offrandes animales, ).

On aurait accompli des rites semblables dans l’espace sacré juché ausommet de l’acropole, peut-être consacré à Athéna, qui a livré un certainnombre d’hydries et de cruches à haut col similaires à celles qu’on a trou-vées dans l’Aire sacrificielle au nord du Sanctuaire d’Apollon.

ThesmophoriesPar Plutarque (Quest. Gr. XXXI), nous connaissons une pratiquesacrificielle originale accomplie par les Erétriennes au cours desThesmophories, les fêtes en l’honneur de Déméter et Corè: les femmes y

Deux femmes autour d’un métier à tisser (?).Cruche à haut col provenant de l’Aire sacrificielle au norddu Sanctuaire d’ApollonDaphnéphoros. Fin du VIIe siècle. av. J.-C.Erétrie, Musée

Capridés sur un canthare.Sanctuaire d’ApollonDaphnéphoros. Fin du VIIIe siècle av. J.-C.Erétrie, Musée

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La céramique archaïqueUn petit nombre de vases produits à Erétrie à l’époque archaïque avaitdéjà été mis au jour par les fouilles conduites à la fin du XIXe et au débutdu XXe siècle. Mais c’est surtout la découverte, dans la zone de l’Hérôon(>), de plusieurs fosses remplies de fragments de vases qui permet dese faire une image plus complète de la poterie locale. Celle-ci se révèled’une étonnante hétérogénéité. Les potiers et peintres érétriens n’hésitentpas à emprunter tant les formes de leurs vases que les motifs dont ils lesdécorent à la plupart des grands centres de production grecs. Il est vraique les éléments corinthiens prédominent jusqu’au milieu du VIe siècle tandis que, plus tard, ce sont les vases athéniens qui servent de modèles(au point qu’il est parfois difficile de distinguer les vases à figures noiresd’Erétrie de ceux d’Athènes). Mais on perçoit aussi dans la céramique éré-trienne l’influence des Cyclades, de la Grèce de l’Est, de la Laconie et de laBéotie proche. La poterie archaïque d’Erétrie confirme ainsi que la citéconservait à cette époque l’esprit d’ouverture sur le monde extérieur dontelle avait fait preuve à l’époque géométrique.

J.-P. D.

La céramique orientalisanteUn groupe de vases de style orientalisant, produits par un atelier érétrienspécialisé dans la fabrication de récipients de cérémonie, se distingue parsa qualité et son originalité. Cet atelier local a été en activité au VIIe siècleet au début du VIe siècle. On admirera au Musée d’Erétrie une grandeamphore funéraire qui a servi de sarcophage à un nouveau-né ou à unenfant en bas âge. Son col et sa panse sont ornés d’un décor peint repré-sentant des animaux en rapport avec le monde funéraire: la tête d’un lion,un oiseau, ainsi que les volutes du corps d’un serpent. D’autres vases de cemême atelier, aujourd’hui conservés au Musée national d’Athènes, présen-tent des processions de femmes, des sphinges et des griffons.

Des cruches à haut col, recueillies dans divers sanctuaires de la cité,mais surtout dans l’Aire sacrificielle dégagée au nord du Sanctuaired’Apollon Daphnéphoros, servaient aux libations (>Les gestes de la piété,). Les scènes originales qui ornent leur col d’une hauteur démesuréereflètent une phase expérimentale de la peinture sur vase, tout en livrantun aperçu des rituels en vigueur.

S. H.

Deux lécythes à figures noires: à gauche, une production attique, à droite, sans doute une imitationérétrienne. Seconde moitié du VIe siècle av. J.-C. Erétrie, Musée

Héraclès combattant lesCentaures. Amphore funérairedécouverte dans la Nécropoledu bord de mer. Vers av. J.-C. Erétrie, MuséeCruche à haut col provenant

de l’Aire sacrificielle Nord. Ce vase annonce la techniquede la figure noire. Fin du VIIe

siècle av. J.-C. Erétrie, Musée

Amphore orientalisante.Milieu du VIIe siècle av. J.-C. Erétrie, Musée