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International Orthodontics 2007 ; 5 : 163-182 163 © 2007. CEO. Édité par / Published by Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés/All rights reserved Article original Original article Les agénésies dentaires : origine, évolution et orientations thérapeutiques Dental agenesis: etiology, evolution and treatment options Marc THIERRY 1 , Jean GRANAT 2 , Laurent VERMELIN 1 . Traduction anglaise : George MORGAN 1 Faculté de Chirurgie dentaire Paris V, Département d’Orthodontie, 1 rue Maurice Arnoux, 92120 Montrouge. [email protected] 2 Musée de l’Homme, Paris Histoire naturelle de l’Homme préhistorique MNHN USM 103- CNRS UMR 5198, 57 rue Cuvier, 75005 Paris. Correspondances et tirés à part / Correspondence and reprints: M. THIERRY, Faculté de Chirurgie dentaire Paris V, Département d’Orthodontie, 1 rue Maurice Arnoux, 92120 Montrouge. [email protected] Résumé Les problèmes spécifiques posés par les agénésies dentaires dans les traitements en ODF nous ont conduits à nous interroger sur leur pré- valence réelle, les formes cliniques, leurs étiologies, leur place dans l’Evolution humaine, ainsi que sur les principales orientations théra- peutiques. La prévalence des agénésies est de 5,5 % en Europe et de 3,9 % aux Etats-Unis, dents de sagesse exclues. Les étiologies des agénésies sont multifactorielles, les facteurs généti- ques étant le plus souvent mis en cause. L’analyse des mécanismes de l’Evolution et les études en paléo- anthropologie tendent à montrer que les agénésies font partie de la variabilité de notre espèce, et ne deviennent pas plus nombreuses. Les différentes thérapeutiques chez les patients présentant des agéné- sies dentaires sont toutes des solution de compromis. Mots-clés Anodontie Etiologie Evolution Paléodontologie Summary The specific problems raised by dental agenesis in DFO treat- ment have led us to look into the actual prevalence of this condi- tion, its different clinical manifestations, etiology and place in the evolution of mankind, as well as the main available treatments. The prevalence of agenesis is 5.5% in Europe and 3.9% in the USA, wisdom teeth not included. The etiology of agenesis is multifactorial with genetic factors being most often responsible. Analysis of the mechanisms of human evolution and paleo- anthropological research tend to show that agenesis is inherent in the variability of our species and is not tending to become more frequent. The various forms of treatment provided to patients exhibiting dental agenesis are all compromise solutions. Key words Anodontia Etiology Evolution Paleodontology

Les agénésies dentaires : origine, évolution et orientations thérapeutiques

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Page 1: Les agénésies dentaires : origine, évolution et orientations thérapeutiques

International

Orthodontics

2007 ; 5 : 163-182

163

© 2007. CEO.Édité par / Published by Elsevier Masson SAS.

Tous droits réservés/All rights reserved

Article original

Original article

Les agénésies dentaires : origine, évolution et orientations thérapeutiques

Dental agenesis: etiology, evolution and treatment options

Marc THIERRY

1

, Jean GRANAT

2

, Laurent VERMELIN

1

.

Traduction anglaise : George MORGAN

1

Faculté de Chirurgie dentaire Paris V, Département d’Orthodontie, 1 rue Maurice Arnoux, 92120 [email protected]

2

Musée de l’Homme, Paris Histoire naturelle de l’Homme préhistorique MNHN USM 103- CNRS UMR 5198, 57 rue Cuvier, 75005 Paris.

Correspondances et tirés à part /

Correspondence and reprints:

M. THIERRY, Faculté de Chirurgie dentaire Paris V, Département d’Orthodontie, 1 rue Maurice Arnoux, 92120 [email protected]

Résumé

Les problèmes spécifiques posés par les agénésies dentaires dans lestraitements en ODF nous ont conduits à nous interroger sur leur pré-valence réelle, les formes cliniques, leurs étiologies, leur place dansl’Evolution humaine, ainsi que sur les principales orientations théra-peutiques.La prévalence des agénésies est de 5,5 % en Europe et de 3,9 % auxEtats-Unis, dents de sagesse exclues.Les étiologies des agénésies sont multifactorielles, les facteurs généti-ques étant le plus souvent mis en cause.L’analyse des mécanismes de l’Evolution et les études en paléo-anthropologie tendent à montrer que les agénésies font partie de lavariabilité de notre espèce, et ne deviennent pas plus nombreuses.Les différentes thérapeutiques chez les patients présentant des agéné-sies dentaires sont toutes des solution de compromis.

Mots-clés

• Anodontie• Etiologie• Evolution• Paléodontologie

Summary

The specific problems raised by dental agenesis in DFO treat-ment have led us to look into the actual prevalence of this condi-tion, its different clinical manifestations, etiology and place in theevolution of mankind, as well as the main available treatments. The prevalence of agenesis is 5.5% in Europe and 3.9% in theUSA, wisdom teeth not included. The etiology of agenesis is multifactorial with genetic factorsbeing most often responsible. Analysis of the mechanisms of human evolution and paleo-anthropological research tend to show that agenesis is inherent

in the variability of our species and is not tending to become morefrequent. The various forms of treatment provided to patients exhibitingdental agenesis are all compromise solutions.

Key words

Anodontia

Etiology

Evolution

Paleodontology

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Introduction

Les agénésies sont sans doute l’anomalie dentaire la plus fré-quente dans notre pratique courante. Elles augmentent souventla complexité du traitement et incitent à des compromis théra-peutiques. Nous avons souhaité faire le point sur les agénésies.Nous avons essayé d’abord d’estimer leur prévalence, après unerevue de la littérature, en nous appuyant sur les études limitantau maximum les biais statistiques, afin d’obtenir des chiffres fia-bles. Nous nous sommes également demandé si les agénésiesétaient des signes isolés ou étaient le plus souvent accompagnéesd’autres anomalies, et quelles étaient leurs étiologies.Enfin, il est intéressant de savoir si les agénésies vont devenirplus fréquentes chez nos patients. Leur dépistage étantaujourd’hui répandu, il est courant d’entendre qu’elles sont enaugmentation dans l’espèce humaine, et que l’Homme s’ache-mine vers une réduction de sa formule dentaire. Nous étudieronsles différentes théories pour savoir si les agénésies s’inscrivent ounon dans l’Evolution de notre espèce.

Prévalences

De très larges différences de prévalence d’agénésies sont rap-portées, variant selon les études de 0,3 % à 36,5 % de la popu-lation générale, dents de sagesse exclues. Cet écart provient dufait que de nombreuses études comportent des biais statisti-ques. Un exemple de biais courant consiste à donner des fré-quences d’agénésies pour la population générale à partird’échantillons de 30 patients seulement, ou à partir d’unéchantillon constitué exclusivement d’une patientèle d’ortho-dontie, ce qui n’est pas représentatif, ou encore de poser undiagnostic d’agénésie sans examen radiographique complet.En 2004, l’équipe de Polder et Van der Linden, passe en revueles articles de la littérature, sélectionne les plus pertinents surle plan statistique, et en produit une méta-analyse rigoureuse[1]. Rappelons que les méta-analyses ont le niveau de preuvemaximum en

evidence-based medicine

. La définition de critèresd’inclusion et d’exclusion stricts permet de limiter les biais sta-tistiques.• Critères d’inclusion :– résumé en anglais ;– utilisation d’un échantillon représentatif de la populationgénérale ;– diagnostic d’agénésie basé sur un examen radiographique ;– information sur le contexte ethnique ;– estimation de la prévalence, troisièmes molaires exclues.• Critères d’exclusion :– échantillons limités à une patientèle d’orthodontie, ou plusgénéralement lorsque la population étudiée ne semble pas repré-sentative ;– patients présentant des syndromes malformatifs ;– examen radiographique incomplet ;– démarche statistique incorrecte.

Introduction

Agenesis no doubt constitutes the most frequently encountereddental anomaly in our everyday practice. It often increases thecomplexity of the treatment given and requires therapeutic compro-mises. We have attempted to perform an overview of the variousforms of agenesis. We began by calculating their prevalencethrough a review of the literature using studies which limit as faras possible any statistical bias in order to obtain reliable numbers. We also inquired into whether agenesis was an isolated sign orwhether it was accompanied most often by other anomalies, ofwhatever origin. Finally, we were interested to discover whether agenesis is likelyto be encountered more frequently among our patients. Agenesisscreening is now performed on a large scale and it is frequentlysaid that this condition is increasing in the human species andthat mankind is evolving towards a smaller dental formula. We willinvestigate the different theories in order to determine whetheragenesis is written into the evolution of our species.

Prevalence

Very large differences in agenesis prevalence have beenreported, varying, according to the study, from 0.3% to 36.5% ofthe general population, excluding wisdom teeth. This discrepancystems from the statistical biases inherent in many studies. Oneexample of a commonly recurring bias is when agenesis fre-quency is given for the general population on the basis of only30 patients, or is based on a sample group consisting entirely oforthodontic patients, not all of whom are representative. Anotherconsists of making a diagnosis of agenesis without a full radio-graphic examination. In 2004, the team of Polder and Van der Linden reviewed the arti-cles in the literature selecting the most relevant from the statisti-cal point of view and producing a rigorous meta-analysis [1]. Itshould be noted that meta-analyses provide the maximum prooflevel in evidence-based medicine. Strict definitions for inclusionand exclusion criteria limit the statistical biases.

• Inclusion criteria: – a summary in English;– use of a sample representative of the general population;

– a diagnosis of agenesis based on a radiographic examination;– information regarding the ethnic context; – estimation of prevalence, excluding third molars; • Exclusion criteria: – samples limited to orthodontic patients, or more generally whenthe study population does not appear to be representative;

– patients exhibiting malformation-related syndromes; – incomplete radiographic investigation; – incorrect statistical method.

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Les agénésies dentaires : origine, évolution et orientations thérapeutiques

Dental agenesis: etiology, evolution and treatment options

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Au total, 28 études, comprenant 120 000 patients et concernantles europoïdes d’Amérique du Nord, d’Australie, et d’Europe,sont jugées significatives et incorporées dans la méta-analyse.Cinq études valides portant sur des populations afro-américaine,saoudienne et chinoise, ne donnent qu’une prévalence d’agénésiespour la population, et ne sont pas incluses dans la méta-analyse.Les résultats mettent en évidence les points suivants :• La prévalence des agénésies dentaires est plus faible chezles Américains que chez les Européens et les Australiens

(p < 0,0007)

(Tableau I)

, et les agénésies concernent plussouvent les femmes que les hommes, avec un risque relatifRR = 1,37.• Le maxillaire et la mandibule sont concernés autant l’un quel’autre par les agénésies, avec toutefois une différence marquéedans la répartition des dents absentes

(Tableau II)

.• Les agénésies de dents dites de « fin de série » sont les plusfréquentes, sauf pour l’incisive centrale mandibulaire qui estplus souvent absente que la latérale

(Tableau II)

.• Les agénésies sont le plus souvent asymétriques, sauf pourles incisives latérales supérieures

(Tableau III)

.• Chez les patients présentant des agénésies, il ne manquequ’une ou deux dents dans 83 % des cas. Les anodonties par-tielles de six dents permanentes ou plus représentent 2,6 %, etles anodonties totales 0,14 % des patients présentant des agé-nésies

(Tableau IV)

.On dispose dans la littérature de peu d’informations sur les agé-nésies des dents de sagesse. Les âges de minéralisation étant trèsvariables, leur dépistage radiologique demande davantage desuivi et est plus difficile à mettre en œuvre. On estime qu’il man-que au moins une dent de sagesse pour environ 20 % de la popu-lation [2, 3].

Tableau IPrévalence des agénésies parmi la population générale enpourcentage, par continent, avec un intervalle de confiance de95 % [2].

Table IPrevalence of agenesis in the general population in percentages and by continent with a 95% confidence interval [2].

HommesMen

FemmesWomen

Total

Europe (leucodermes) 4,6 (4,5-4,8) 6,3 (6,1-6,5) 5,5 (5,3-5,6)

USA (leucodermes) 3,2 (2,9-3,5) 4,6 (4,2-4,9) 3,9 (3,7-4,1)

USA (Afro-Américains) 3,2 (2,2-4,1) 4,6 (3,5-5,8) 3,9 (3,1-4,6)

Australie (leucodermes) 5,5 (4,4-6,6) 7,6 (6,0-9,2) 6,3 (5,4-7,2)

Arabie saoudite (leucodermes) 2,7 (2,0-3,4) 2,2 (1,2-3,1) 2,5 (1,9-3,1)

Chinois (mongoloïdes) 6,1 (4,0-8,1) 7,7 (5,4-10,0) 6,9 (5,3-8,4)

In all, 28 studies comprising 120,000 patients and involvingeuropoids from North America, Australia and Europe were judgedsignificant and were integrated into the meta-analysis. Five validstudies dealing with Afro-American, Saudi and Chinese popula-tions provided no agenesis prevalence for the population andwere not included in the meta-analysis. The results highlight the following points:• The prevalence of dental agenesis is lower among Americansthan in Europeans and Australians (p<0.0007)

(Table I)

, andmore women are affected than men, with a relative risk ofRR=1.37.

• Maxilla and mandible are affected equally by agenesis but thereexists a marked difference in the location of the missing teeth

(Table II)

. • Agenesis of the most distal tooth within each morphological seg-ment is the most frequent, with the exception of the lower centralincisor which is more often missing than the lateral

(Table II)

.• Agenesis is most often asymmetrical, except for the upperlateral incisors

(Table III)

.• In patients displaying agenesis, only one or two teeth are mis-sing in 83% of cases. Partial anodontia of six or more permanentteeth represented 2.6% and total anodontia 0.14% of the patientspresenting with agenesis

(Table IV)

.

The literature provides little data regarding agenesis of the thirdmolars. As the age at which mineralization occurs varies consid-erably, radiological screening of wisdom teeth requires a longerfollow-up and is more complicated to implement. It is calculatedthat roughly 20% of the population lack at least one wisdom tooth[2,3].

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Tableau IIPrévalence d’agénésies par type de dent parmi la population,calculée à partir de 10 études, soit 48 274 personnes, avec unintervalle de confiance de 95 %.I1 = incisive centrale, I2 = incisive latérale, C = canine, etc.

Table IIPrevalence of agenesis per type of tooth in the population,calculated from 10 studies involving 48274 individuals, with a95% confidence interval. I1=cental incisor, I2=lateral incisor, C=canine, etc.

Maxillaire Mandibule

Prévalence (I.C.* 95%) Prévalence (I.C. 95%)

I1 0,00-0,01 0,25-0,35

I2 1,55-1,78 0,17-0,25

C 0,07-0,13 0,01-0,03

P1 0,17-0,25 0,10-0,17

P2 1,39-1,61 2,91-3,22

M1 0,02-0,05 0,00-0,02

M2 0,03-0,06 0,07-0,13

Tableau IIINombre d’agénésies unilatérales et bilatérales pour les quatre dents les plus atteintes, calculé sur 10 études (4 626 patients affectés).

Table IIINumber of unilateral and bilateral ageneses for the four most fre-

quently affected teeth calculated from 10 studies (4626 affected

patients).

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Dental agenesis: etiology, evolution and treatment options

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Anomalies associées

Les agénésies dentaires, lorsqu’elles surviennent, sont le plussouvent isolées. Cependant, nous trouvons fréquemment d’autresanomalies dentaires associées, qui vont le plus souvent compli-quer le traitement orthodontique.

Anomalies de position

Les inclusions de canines en position vestibulaire ou palatinesont plus fréquentes parmi les groupes présentant des agénésiesque dans les populations témoins [4]. Nous retrouvons égalementdes rotations de dents non adjacentes à la dent absente [5].

Retard de développement et d’éruption

Les agénésies sont fréquemment associées à des retards de denti-tion. Lorsqu’il manque 6 ou 7 dents, dents de sagesse comprises,on constate un retard de développement moyen de 2 ans concernantles autres dents. Lorsqu’il manque une dent dans un quadrant, ilest fréquent d’observer un retard de formation et d’éruption de lacontrolatérale [6].

Réduction de la taille et de la forme coronaire

Une réduction des dimensions mésiodistales des couronnes den-taires est fréquente chez les patients présentant des agénésies.Ainsi, plus le nombre de dents manquantes augmente, plus les

dimensions des couronnes des dents restantes se trouvent réduites.L’exemple classique est l’agénésie d’une incisive latérale maxil-laire, tandis que sa controlatérale est conique

(fig. 1)

. Il existe

Tableau IVRépartition en poucentage des personnes présentant des agénésies selon le nombre de dents manquantes.

Table IVPercentile distribution of individuals exhibiting ageneses accor-

ding to the number of missing teeth.

Associated anomalies

Dental ageneses most often occur in isolation. However, oneoften finds other associated dental anomalies which generallycomplicate orthodontic treatment.

Position-related anomalies

Buccally or palatally impacted canines are more frequent in thegroups displaying agenesis than in control populations [4]. Onealso encounters rotated teeth non-adjacent to the missing tooth[5].

Late development and eruption

Agenesis is often associated with delayed dental development.When 6 or 7 teeth are missing, the wisdom teeth included, oneobserves an average growth delay of 2 years for the other teeth.When one tooth is missing in a quadrant, delayed formation anderuption of the contralateral tooth is frequently observed [6].

Smaller crown shape and size

Smaller mesiodistal dimensions of the tooth crowns are fre-quently encountered in patients exhibiting agenesis. In thesecases, the larger the number of missing teeth, the smaller will bethe coronal dimensions of the remaining teeth. The classic exam-ple concerns agenesis of the upper lateral incisor which has aconical contralateral

(fig. 1)

. There is also a connection between

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également une association entre agénésie et morphologie coro-naire : les agénésies de troisièmes molaires sont fréquemmentassociées à une diminution du nombre de cuspides des premièreset deuxièmes molaires. Quant aux racines, celles des prémolaireset des incisives sont plus souvent courtes. Signalons enfin uneprévalence significativement plus forte de taurodontisme (aug-mentation du volume de la chambre pulpaire) chez les patientsatteints d’agénésies.

Anomalies de structure

Enfin, les hypoplasies de l’émail, les amélogenèses et les dentino-genèses imparfaites sont statistiquement plus fréquentes dans lescas d’agénésies que dans une population témoin.

Ces différents tableaux cliniques montrent que les facteurs étio-logiques responsables des agénésies sont aussi impliqués dans laposition, la minéralisation et l’éruption de la dent. Il faut replacerles agénésies dans un contexte global.

Les étiologies

De nombreux gènes sont impliqués dans la morphogenèse den-taire [7]. Il suffirait en théorie qu’un seul d’entre eux soit invalidépour provoquer un échec du développement de la dent, et doncune agénésie. Les chercheurs se sont donc mis à la recherche demutations de gènes du développement dentaire chez les famillesprésentant des agénésies.En 1996, une équipe découvre une mutation du gène MSX1 chezles individus d’une famille à qui il manque toutes les dents desagesse et les secondes prémolaires [8]. Depuis, au moins unedizaine de mutations différentes du gène MSX1 ont été découver-tes. Elles provoquent toutes des agénésies sévères des secondesprémolaires et des dents de sagesse, sans que l’on explique bienpourquoi ce sont ces dents qui sont particulièrement touchées.En 2000, une équipe trouve une mutation sur le gène PAX9 chezles individus d’une famille présentant une agénésie sévère des

Fig. 1 : Agénésie de 22 et 12 naine.Fig. 1: Agenesis of 22 and dwarf tooth at 12.

agenesis and coronal morphology: agenesis of the third molars isoften associated with fewer cusps on the first and second molars.Regarding roots, these are most often short in the premolars andincisors. Finally, there exists a significantly greater prevalencetowards taurodontism (increased volume of the pulp cavity) inpatients with agenesis.

Structural anomalies

Lastly, hypoplasia of the enamel and imperfect amelogenesis anddentinogenesis are statistically more common in patients withagenesis than in a control population.

These various clinical pictures show that the etiological factorsresponsible for agenesis are also involved in the position, mineraliza-tion and eruption of the tooth. Agenesis needs to be reconsideredin a global setting.

Etiology

Numerous genes are involved in dental morphogenesis [7]. Inprinciple, it would require only one to be invalidated to triggertooth development failure, and thus agenesis. Researchers havetherefore been tracking down mutations of the genes responsiblefor tooth development in families exhibiting ageneses.

In 1996, a research team uncovered a mutation of gene MSX1 inmembers of a family lacking all their wisdom teeth and secondpremolars [8]. Since then, at least 10 different mutations of theMSX1 gene have been discovered. All trigger severe agenesis ofthe second premolars and wisdom teeth, although no explanationhas been forwarded as to why these particular teeth are affected.

In 2000, a team found a mutation on the PAX9 gene in membersof a family with severe agenesis of the posterior teeth [9]. Like-

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dents postérieures [9]. De même, on a découvert depuis unedemi-douzaine de mutations de PAX9 à l’origine d’agénésiessévères des dents postérieures. On n’explique pas non plus cegradient postérieur.Dans ces cas précis, l’étiologie est simple et clairement identi-fiée, il s’agit de la mutation d’un unique gène. Cependant, pourl’immense majorité des agénésies légères (une ou deux dents), onne retrouve aucune étiologie.En effet, la plupart des caractéristiques et anomalies humainessont déterminées par plusieurs facteurs [10]. Le dogme du toutgénétique, ou « un gène, une maladie » est révolu. L’expressiond’un gène peut en effet être modulée selon le réseau génétique oul’environnement dans lequel il est exprimé. Chaque facteur, qu’ilsoit génétique ou environnemental, n’est pas suffisant à lui seulpour provoquer l’anomalie, mais peut donner une prédisposition.C’est plus probablement l’interaction de plusieurs facteurs pré-disposants qui sont à l’origine d’une agénésie.L’étiologie des agénésies est donc plurifactorielle, et l’ensembledes mécanismes les provoquant reste encore à découvrir.

L’origine de notre formule dentaire

Pour comprendre l’origine de notre formule dentaire, il convientde se reporter à l’arbre phylétique des reptiles et des mammifères

(fig. 2)

. Résumons le cours de l’Evolution le long de notre lignée :• Les reptiles primitifs, il y a environ 320 millions d’années, sontau stade haplodonte

(fig. 3)

: leurs dents sont en nombre élevé,elles sont coniques et toutes identiques entre elles [11]. Ellessont remplacées de façon illimitée.• Chez les reptiles mammaliens, vers 260 millions d’années, unedent commence à se développer. Elle devient la canine

(fig. 4)

.Chez les reptiles mammaliens les plus évolués, tel le cynodonte,la canine est maintenant bien différenciée

(fig. 5)

[12]. Les dentsantécanines deviennent les incisives. Les dents postcanines ontdésormais trois tubercules alignés, c’est le stade triconodonte.

• Chez les premiers mammifères, aux alentours de 225 millionsd’années, les trois tubercules des dents postcanines ne sont plusalignés. C’est le stade trigonodonte.• Aux alentours de 225 millions d’années, les molaires devien-nent tribosphéniques

(fig. 6)

. La molaire maxillaire a toujoursune disposition avec trois tubercules principaux non alignés. Lamolaire mandibulaire se complique avec l’adjonction de troistubercules situés plus bas par rapport aux tubercules principaux.• Parallèlement, le nombre de dents se réduit. Chez nos ancêtresplacentaires, il y a à peu près 110 millions d’années, la formuledentaire est à 52 dents, avec 4 incisives, 1 canine, 5 prémolaireset 3 molaires par hémiarcade. La présence de trois molaires parhémiarcade est donc très ancienne, elle date de 110 millionsd’années. Le nombre de dentitions n’est plus que de deux : ladentition temporaire et la dentition permanente.• Rapidement, on assiste à la perte d’une incisive et d’uneprémolaire par hémiarcade. La formule dentaire est alors à44 dents.

wise, since then, half a dozen mutations of PAX9 have beenshown to be responsible for severe agenesis of the posteriorteeth. And similarly, no explanation has been found for this poste-rior morphological field. In these specific cases, the etiology is straightforward and hasbeen clearly identified as the mutation of a single gene. However,no etiology has been found for the vast majority of mild ageneses(one or two teeth). It is a fact that most human characteristics and anomalies aredetermined by several factors [10]. The ”all-genetic” doctrine, likethe “one gene, one disease”, dogma now belongs to the past.Expression of a gene can in fact be modulated according to thegenetic network of the environment in which it is expressed. Nosingle factor, whether genetic or environmental, is sufficient totrigger the anomaly but can give rise to a predisposition. It isprobably the interaction of several predisposing factors whichproduces agenesis. The etiology of ageneses is thus multifactorial and the mesh ofmechanisms which trigger them has yet to be unravelled.

The origin of our dental formula

In order to understand how our dental formula developed, one

needs to refer to the phyletic tree of reptiles and mammals

(fig. 2)

.The following is a summary of the evolution of our species: • Roughly 320 million years ago, primitive reptiles were at thehaplodontic stage

(fig. 3)

: they had numerous conical teeth whichwere all identical [11]. These were replaced endlessly.

• About 260 million years ago, among mammalian reptiles, a newkind of tooth began to develop which finally evolved into a canine

(fig. 4)

. In the more evolved mammalian reptiles, such as the cyno-donts, the canines were by now quite well differentiated

(fig. 5)

[12]. The ante-canine teeth evolved into incisors. The post-canines now had three aligned tubercles, thus giving the triconodontstage its name. • Some 225 million years ago, among the first mammals, thethree tubercles on the post-canine teeth were no longer aligned.This is known as the trigondont stage. • About 225 million years ago, the molars became tribosphenic

(fig. 6)

. The upper molars still had an arrangement of three non-aligned main tubercles. The lower molars were complicated bythe addition of three tubercles located lower than the three maintubercles. • At the same time, the number of teeth diminished. The dentalformula of our placental ancestors some 110 million years agocomprised 52 teeth, with 4 incisors, 1 canine, 5 premolars and3 molars per quadrant Thus, the presence of three molars perquadrant dates back a long way. By this stage, there were nowonly two sets of dentition, the temporary and the permanent.

• Very soon, one incisor and one premolar were lost in eachquadrant. The dental formula was now composed of 44 teeth.

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Fig. 2 : Schéma phylétique des Reptiles et des Mammifères (d’après J. Granat).Fig. 2: Phyletic pattern of Reptiles and Mammals (from J. Granat).

Fig. 4 : Denture de reptile primitif avec début de différenciation de lacanine (d’après D. Sigogneau-Russel modifié [12]).Fig. 4: Dentition of primitive reptile with incipient canine differentiation(modified from D.Sigogneau-Russel [12]).

Fig. 3 : Schémas de mandibules de 2 reptiles primitifs. Dents haplo-dontes (d’après J. Piveteau modifié [11]).Fig. 3: Schematic representation of mandibles of two primitive reptiles.Haplodont teeth (modified from J. Piveteau [11].)

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Les agénésies dentaires : origine, évolution et orientations thérapeutiques

Dental agenesis: etiology, evolution and treatment options

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Fig. 6 : Reconstitution par moulage en plâtre de molaires tribosphéni-ques (collection J. Granat).Fig. 6: Molded plaster reconstitution of tribosphenic molars (J. Granatcollection).

Fig. 5 : Denture de Cynodonte (d’après D. Sigogneau-Russel modifié[12]).Fig. 5: Cynodont dentition (modified from D. Sigogneau-Russel [12]).

Fig. 8 : Passage de la molaire mandibulaire du type tribosphénique(en haut) au type actuel (en bas) d’après E Genet-Varcin modifié [13].Fig. 8: Evolution of the tribosphenic-type mandibular molar (above) to thecurrent type (below), according to E Genet-Varcin, modified [13].

Fig. 7 : Passage de la molaire maxillaire du type tribosphénique (gau-che) au type actuel (droite), d’après J. Granat.Fig. 7: Evolution of the tribosphenic-type maxillary molar (left) to the cur-rent type (right), according to J. Granat).

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• Chez les Primates, qui est l’ordre auquel nous appartenons, laforme des molaires évolue. La molaire maxillaire se dote d’unquatrième tubercule (fig. 7). Il s’agit là de la disposition actuelle.Sur la molaire mandibulaire, les six tubercules atteignent lemême niveau, puis l’un d’entre eux disparaît (fig. 8) [13]. Nousavons alors la disposition à 5 cuspides, avec un gabarit en « Y5 »tel que nous le connaissons actuellement.Continuons avec l’arbre phylétique des Primates (fig. 9) :• Les Catarhiniens, Primates ayant vécu aux alentours de 50 à35 millions d’années, perdent une incisive et une prémolaire. Ilsont une formule dentaire à 36 dents avec encore 3 prémolaires parhémiarcade. Ils sont à l’origine d’une partie des Primates actuels.• Une partie des Catarhiniens évolue, et perd une prémolaire parhémiarcade. Elle est à l’origine des grands singes anthropoïdes etdes hominidés. Nous nous situons alors vers 35 millionsd’années, c’est l’origine de notre formule dentaire à 32 dents.

Les agénésies s’inscrivent-elles dans l’évolution ?

Cette question se heurte d’emblée à des limites. Tout d’abord, lenombre de fossiles de nos ancêtres est relativement limité. Il est

Fig. 9 : Schéma phylétique de l’Ordre des Primates, d’après J. Granat.Fig. 9: Schematic representation of the Primates order, according to J. Granat.

• Among the Primates, the order to which we belong, the shape ofthe molars began to evolve with the upper molars developing afourth tubercle (fig. 7). This is the current situation. On the lowermolars, the six tubercles came to the same level, then one ofthem disappeared (fig. 8). Thus, the arrangement now comprised5 cusps in the Y5 formation we have today.

To continue with the phyletic tree of the Primates (fig. 9):• The Catarrhinians, Primates which lived between 50 and 35 millionyears ago, lost an incisor and a premolar. Their formula comprised36 teeth with three premolars still per quadrant. They are the ances-tors of some of the present-day Primates. • Some of the Catarrhinians evolved and lost another premolarper quadrant. These gave rise to the large anthropoid monkeysand hominidae. We have now reached 35 million years ago andour present-day 32 tooth dental formula.

Is agenesia written into our evolution?

This question immediately runs up against various limitations.Firstly, there are relatively few fossilized remains of our ances-

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Les agénésies dentaires : origine, évolution et orientations thérapeutiquesDental agenesis: etiology, evolution and treatment options

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difficile d’obtenir des prévalences d’agénésies statistiquementsignificatives. Par ailleurs, les études s’intéressant aux agénésieschez nos ancêtres sont relativement rares. Il faut savoir que parmitous les fossiles retrouvés à ce jour, seul un petit nombre a faitl’objet d’un recensement des agénésies. Pour ces raisons, il sem-ble bien qu’aucune étude ne peut affirmer actuellement que lesagénésies sont aujourd’hui aussi nombreuses ou plus nombreusesque par le passé.A partir de l’étude de populations de fossiles de nos ancêtres,plusieurs auteurs ont émis des théories sur la place des agénésiesdans l’Evolution.Trois grandes théories avancent que les agénésies s’inscriventdans l’Evolution. Elles sont relativement anciennes (années1960-1970), mais connaissent toujours une certaine popularité.Nous allons confronter ces théories avec les mécanismes del’Evolution tels que nous les connaissons actuellement.

La théorie de la réduction du système dentaire

De nombreux auteurs pensent que nos dents sont moins utilesaujourd’hui que chez nos ancêtres. En effet, notre alimentationest probablement plus molle, et nos dents ne nous servent plusd’arme ni d’outil. Les dents étant moins utiles, il y aurait moinsde pression de sélection pour maintenir un système dentaire sta-ble, et la taille et le nombre des dents pourraient réduire, pouvantexpliquer les cas d’agénésie plus nombreux [14]. Ces auteursappuient leur théorie sur le fait que nos prémolaires et molairessont approximativement 50 % moins volumineuses que chezl’australopithèque (fig. 10).Cependant, rien ne permet d’affirmer que le système dentaire del’Homme soit en voie de réduction. D’une part, comparer lesdimensions actuelles de nos dents avec celles de l’Australopi-thèque n’est pas pertinent, puisque nous n’en descendonspas (fig. 11); les australopithèques sont des cousins qui ontconnu une évolution différente de la nôtre. Ils se sont dotés deprémolaires et de molaires volumineuses pour s’adapter à unrégime alimentaire différent. D’autre part, si l’on compare lesdimensions dentaires moyennes de l’Homme moderne avec cel-les des dents mandibulaires de son ancêtre le plus ancien décou-vert à ce jour, l’Homme de Dmanisi, appartenant au genre Homohabilis, ces dernières sont environ 15 % plus volumineuses, cequi peut tout à fait s’inscrire dans la variabilité de notre espèce[15]. Cependant, on ne peut pas tirer de conclusion à partir del’étude d’un seul fossile. Il est difficile de dire si nos ancêtresavaient des dents plus volumineuses, ou si cela relève juste de lavariabilité humaine.On ne peut pas affirmer non plus que la taille de nos dents adiminué récemment du fait des modifications de notre mode devie moderne, puisque l’on observe des dents de dimensionréduite tout au long de l’évolution des Hominidés (fig. 12).

La théorie de la diminution de la taille des bases osseuses

Pour certains, la taille des maxillaires, et principalement la man-dibule, a beaucoup réduit au cours de notre évolution. Les

tors, thus making it difficult to establish statistically significantagenesis prevalences. Moreover, there are relatively few studieswhich deal with agenesis among our ancestors. Of all the fossilsunearthed up to the present, only a few have been investigated interms of the number of ageneses they carried. For all these rea-sons, it would appear that no study can currently assert thatagenesis is more or less common today than in the past.

Several authors have undertaken studies of fossilized remains ofour ancestors and have advanced theories relative to the place ofagenesis in evolution. Three leading theories maintain that agenesis is related to evolu-tion. All three are relatively old, dating from the 1960-70s, but stillretain a fair following. We intend to compare these theories withthe workings of evolution as we understand it today.

The theory relative to the reduction of our dental system

Many authors hold that our teeth are less useful today than theywere to our ancestors. It is a fact that our food is probably softer,and our teeth are no longer used as weapons or tools. If our teethwere used less, there would probably be less pressure by selec-tion processes to maintain a stable dental system and the sizeand number of teeth could diminish, thus explaining the largernumber of cases of agenesis [14]. These authors base their the-ory on the fact that our premolars and molars are approximately50% smaller than those of Australopithecus man (fig. 10).

However, nothing supports the claim that man’s dental system isdiminishing. On the one hand, comparisons between the size ofour teeth today and those of Australopithecus are irrelevant sincewe are not descended from him (fig. 11). The Australopitheci arecousins and have undergone a different evolutionary process toourselves. They are equipped with large premolars and molars todeal with a very different diet. Furthermore, if one compares theaverage size of the teeth of modern man with the size of the man-dibular teeth of our oldest ancestor to be discovered to date,Dmanisi man, belonging to Homo habilis, the latter’s teeth areroughly 15% bigger, which could quite easily be accounted for bythe variability of our species [15]. However, one can draw noconclusion from the study of a single fossil. It is difficult to decidewhether our ancestors had bigger teeth or whether this phenome-non was simply due to variations within the human species.

Nor can one assert that our teeth have grown smaller in recenttimes as a result of changes in our modern life style, since onecan find examples of small-sized teeth throughout the evolution ofhominids (fig. 12).

The theory of the diminution of the bony bases

According to some researchers, the size of the maxillae, andnotably the mandible, has reduced considerably in the course of

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auteurs invoquent encore une fois l’alimentation plus molle, quisollicite moins les muscles masticateurs, diminuant ainsi la sti-mulation de la croissance mandibulaire. De plus, nos ancêtresétaient en labidodontie, c’est-à-dire avec une occlusion anté-rieure sans recouvrement ni surplomb (fig. 13). On sait que lepassage en psalidodontie, avec un recouvrement et un surplomb,est permis grâce à un recul du bloc alvéolo-dentaire inférieur, cequi réduit la place en distal pour l’éruption de la dent de sagesse.Nous aboutissons alors à une situation où les bases osseusesdeviennent progressivement trop petites par rapport aux dents.Dans un espace osseux en réduction, certains auteurs avancentque la morphogenèse de certaines dents peut échouer, provo-quant de plus en plus d’agénésies [16].Pourtant, les travaux effectués jusqu’à présent ne semblent pasindiquer une modification de la taille de la mandibule au coursde l’Evolution. Il semblerait que les maxillaires de nos ancêtreséloignés tels Homo habilis s’inscrivent dans les mêmes marges devariabilité que celles que nous connaissons actuellement.Par ailleurs, il n’y a pas de lien prouvé entre la taille des basesosseuses et la prévalence d’agénésies [17]. Si, comme l’avancentles auteurs cités plus haut, il y avait des agénésies dès lors quel’espace osseux était réduit, alors il y aurait beaucoup moinsd’encombrements dentaires, et les besoins d’orthodontie neseraient probablement pas aussi importants.

Fig. 11 : Homme d’Amud : vue occlusale dumaxillaire du crâne fossile néandertalienAmud 7 (Israël). Coll. Musée de l’Homme, cli-ché J. Granat.Fig. 11: Amud man: occlusal view of the maxillaof a fossilized Neanderthal skull, Amud 7 (Israel).Musée de de l’Homme collection, photography J.Granat.

Fig. 10 : Mandibule d’Australopithecus Afri-canus (Afrique du Sud), cliché J.-L. Heim.Fig. 10: Mandible of Australopithecus Africanus(South Africa), photograph J.-L. Heim.

human evolution. These authors once again cite our softer food-stuffs which place less strain on the masticatory muscles, thusreducing stimulation of mandibular growth. In addition, our ances-tors had an edge-to-edge bite, that is to say an anterior occlusionwith neither overjet nor overbite (fig. 13). It is known that the shifttowards psalidodontia, with both overjet and overbite, was madepossible by the retraction of the lower dentoalveolar segment,thus reducing the distal space available for eruption of the wis-dom teeth. We then reach a stage in which the basal bone gradu-ally reduces in relation to the teeth. Some authors claim that,given the smaller available bone space, the morphogenesis ofcertain teeth can fail, giving rise to more and more ageneses [16].

And yet, the research conducted so far does not point to anychange in the size of the mandible in the course of evolution. Itwould appear that the maxillae of our distant ancestors such asHomo habilis fall within the same range of variability that weexperience today. Moreover, there is no proven connection between the size of thebasal bones and the prevalence of agenesis [17]. If, as claimedby the above-mentioned authors, ageneses occurred when thebone space diminished, there would be many fewer cases ofcrowding and the need for orthodontic treatment would probablybe less pressing.

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Les agénésies dentaires : origine, évolution et orientations thérapeutiquesDental agenesis: etiology, evolution and treatment options

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La théorie de l’avantage adaptatif

Enfin, le dernier argument en faveur de l’inscription des agéné-sies dans l’Evolution est que les agénésies, en particulier desdents de sagesse, sont un avantage adaptatif. Chez nos ancêtres,qui vivaient dans des conditions difficiles, un accident d’éruptionde dent de sagesse pouvait provoquer une infection sévère etconduire au décès. La sélection naturelle aurait alors davantageretenu les individus présentant des agénésies [18]. Cette théorie ne semble pas valable, car si les agénésies avaientété un réel avantage adaptatif, les individus à 28 dents, mieuxadaptés à leur environnement, auraient progressivement sup-planté les individus à 32 dents. Tel n’est pas le cas.

Fig. 12 a-d : Types d’occlusion. En haut : profil occlusion en labidodontie (NéandertalienAmud, Israël) et occlusion de face en labidodontie (Homo ergaster WT 15 000, NariokotomeKenya). En bas : occlusion en psalidodontie de profil et de face (Hommes modernes. Coll.Musée de l’Homme, cliché J. Granat)Fig. 12 a-d: Types of occlusion. Above:occlusal profile in edge-to-edge bite (Amud Neanderthal,Israel) and frontal occlusion in edge to edge bite (Homo ergaster WT 15 000, Nariokotome Kenya).Below: occlusion in psalidontia viewed laterally and frontally (Hommes modernes. Coll.Musée del'Homme, photography: J.Granat)

a

c

b

d

The theory of adaptive advantage

Finally, the last argument in favor of agenesis as an integral fea-ture of evolution is that agenesis, particularly of wisdom teeth,offers an adaptive advantage. Our ancestors lived in difficult cir-cumstances and any complication involving the eruption of a wis-dom tooth could trigger a severe, and even fatal, infection.Natural selection would then have played more in favor of individ-uals carrying ageneses [18]. This theory does not appear to hold up since, if ageneses hadoffered a genuine adaptive advantage, individuals with 28 teethwould be better adapted to their environment and would havegradually supplanted people with 32. This is not the case.

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Les arguments selon lesquels les agénésies ne s’inscrivent pas dans l’Evolution

Il est admis depuis une trentaine d’années qu’au cours de l’Evo-lution, ce sont les dents de début de série qui disparaissent [20].Or, aujourd’hui, ce sont principalement les dents de fin de sériequi sont absentes.

Ensuite, les observations zoologiques montrent qu’au cours del’Evolution, la disparition de dents est toujours symétrique [21].Or, comme nous l’avons vu, les agénésies sont préférentiellementasymétriques.De plus, les agénésies ne sont pas d’apparition récente au coursde l’évolution du genre Homo. La première agénésie découvertedate d’il y a 500 000 ans, chez l’Homme de Lantian appartenantau genre Homo erectus (fig. 14). On retrouve des agénésies toutau long de notre Evolution (fig. 15-17).

Enfin, la formule dentaire à 32 dents semble stable, puisqu’elledate d’il y a 35 millions d’années [22]. Tous les grands singesanthropoïdes (orang-outan, chimpanzé, gorille, gibbon) ontconservé cette formule dentaire à 32 dents. La présence de troismolaires par hémiarcade est encore plus stable : la quasi-totalitédes espèces appartenant à l’Ordre des Primates encore représen-tées aujourd’hui partagent une formule dentaire à 3 molaires parhémiarcade. Seuls les Hapalidés ont perdu une molaire, sans que l’onsache s’il s’agit de la première, de la deuxième, ou de la troisième.

Fig. 13 : Mandibule de Lantian, Chenjiawo, vue occlusale. © Cliché Daniel Ponsard, Musée de l’Homme, MNHN, aimablement communiqué à J. Granat.Fig. 13: Mandible of Lantian, Chenjiawo, occlusal view. © Photography Daniel Ponsard, Musée de l'Homme, MNHN, kindly forwarded to J. Granat.

Fig. 14 : Radiographie de l’Homme de Chancelade, Néandertalien de 70 000 ans [19].Fig. 14: Radiography of Chancelade Neanderthal man, dating back 70000 years [19].

Arguments against agenesis as an integral feature of evolution

It has been recognized for about the past thirty years that, in thecourse of evolution, it is the most distal teeth erupting within agiven morphological segment which disappear [20]. And yet,today, it is mainly the most distal teeth in the morphological seg-ment which are missing. Next, zoological observations have shown that, in the course ofevolution, teeth have always disappeared in symmetrical fashion[21]. However, as we have just pointed out, ageneses are gener-ally asymmetrical. In addition, agenesis did not make its first appearance during therecent evolution of the Homo species. The first case of agenesisto be discovered dates back 500,000 years to Lantian man whobelonged to the Homo erectus genus (fig. 14). Ageneses havebeen found throughout the entire course of our evolution (fig. 15-17). Finally, the 32 tooth dental formula appears to be stable since itoriginated 35 million years ago [22]. All the large anthropoid mon-keys (Orangutan, Chimpanzee, Gorilla, Gibbon) have preservedthis 32-tooth formula. The presence of 3 molars per quadrant iseven more stable. Almost all the extant species belonging to thePrimate order have the same dental formula comprising threemolars per quadrant. Only the Hapalids have lost a molar,although it is not clear whether it was the first, second or third.

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Les agénésies dentaires : origine, évolution et orientations thérapeutiquesDental agenesis: etiology, evolution and treatment options

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Fig. 16 : Scanner de la mandibule de l’Homme de Malarnaud confir-mant le diagnostic d’agénésie, Photo J. Granat.Fig. 16: CT-scan of the mandible of Malarnaud man confirming the age-nesis diagnosis. Photography: J. Granat.

Fig. 15 : Agénésie des deux incisives centrales mandibulaires chezl’Homme de Malarnaud, Néandertalien de 60 000 ans, Photo J. Granat.Fig. 15: Agenesis of two lower central incisors in Malarnaud man, a Nean-derthal dating back 60000 years. Photography: J. Granat.

a b

Fig. 17 a-e : Photos intra-orales avant traitement de Benjamin.

Fig. 17 a-e: Pretreatment intraoral views of Benjamin.

c d e

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Ces arguments laissent penser que les agénésies ont toujours étéprésentes dans l’espèce humaine, et qu’une certaine prévalenced’agénésies fait partie de la variabilité de notre espèce.

L’Homme de demain aura-t-il moins de 32 dents ?

Pour cela, il faudrait que la présence de 32 dents soit un incon-vénient pour la survie de l’Homme, et qu’inversement, un indi-vidu avec par exemple 28 dents soit mieux adapté à sonenvironnement. Avec les antibiotiques et les soins chirurgicaux,tel n’est pas le cas, tout du moins dans les pays développés.Ensuite, il faut savoir que le nombre de dents est une caractéris-tique d’espèce [11]. Au vu des mécanismes de l’Evolution telsque nous les connaissons à ce jour, si l’Homme de demain avait28 dents, il s’agirait nécessairement d’une nouvelle espèce. Ceciimplique que cette nouvelle espèce ne serait plus interfécondeavec la nôtre. Pour que cette espèce se crée, il faudrait qu’ellepuisse s’isoler géographiquement un temps suffisamment longpour évoluer. Ces conditions ne sont bien sûr pas envisageablesdans un avenir proche.

Orientations thérapeutiques dans un cas d’agénésies

Nous nous attarderons sur le cas des agénésies d’incisives latéra-les supérieures, car elles posent à la fois un problème esthétiqueet fonctionnel.La décision thérapeutique est un compromis raisonnable entrel‘exigence esthétique, les contraintes fonctionnelles, le schémasquelettique et dentaire, et l’attente de notre patient.Plusieurs thérapeutiques sont envisageables, mais toutes sontdes compromis.

Ouverture de l’espace et solution prothétique

Cette solution consiste à rouvrir l’espace, et à rétablir le nombred’unités dentaires par une prothèse. Nous sommes incités àouvrir l’espace dans les cas de profil rétrusif, de supraclusion, deClasse I sans DDM, de Classe II division 2, dans les Classes IIIet dans les cas de dysfonction des articulations temporo-mandi-bulaires. Les avantages sont la conservation du nombre de dents,et l’obtention d’une Classe I molaire et canine. L’inconvénient estque la thérapeutique se trouve considérablement rallongée. Eneffet, une fois le traitement orthodontique terminé commence unephase de prothèse transitoire de plusieurs années, jusqu’à la finde la croissance, délicate à gérer. Elle nécessite la collaborationde plusieurs spécialistes, et demande une prothèse de grandequalité. Les implants sont souvent contre-indiqués, en raison dela faiblesse du volume osseux, aggravée par l’ouverture del’espace, et le bridge collé est la solution le plus souvent indiquée[23]. Enfin, la question du coût de cette solution et de sa longé-vité doit être posée.

These various arguments lead to the conclusion that agenesishas always affected mankind and that a certain prevalence ofagenesis is part and parcel of the variability of our species.

Will the humans of the future have fewer than 32 teeth?

For this to come about, it would require 32 teeth to represent adrawback for the survival of the species and, conversely, for28 teeth to allow better adaptation to the environment. With anti-biotics and surgical care, this is not the case, at least not indeveloped nations. It should also be noted that the number of teeth represents acharacteristic of a given species [11]. Given the mechanismsinvolved in evolution as we understand them today, if the humansof the future were to have 28 teeth, they would necessarily consti-tute a different species. This means that the new species wouldnot be able to cross-fertilize with our own. For the new species todevelop, it would need to be geographically isolated for a suffi-cient time to allow it to evolve. These conditions are scarcely liketo exist, of course, in the near future.

Therapeutic options in case of agenesis

We will focus on the case of agenesis of the upper lateral incisorsas they raise a problem involving both function and esthetics.

The treatment chosen represents a reasonable compromisebetween the need for an esthetic result, functional constraints,the skeletal and dental pattern, and the patient’s expectations. Several forms of treatment are available but all represent acompromise.

Space opening and prostheses

This solution consists of reopening the space and restoring thenumber of dental units by means of a prosthesis. We areprompted to open up space in cases involving a retrusive profile,excess overbite, Class I with no TSALD, Class II, division 2, ClassIII and in cases of TMJ disorder. The advantages are that thenumber of teeth is maintained and a molar and canine Class I isachieved. The drawback is that treatment time is often consider-ably lengthened since, once the orthodontic treatment has beenwound up, there then begins a transitory prosthetic phase whichis difficult to manage and which lasts several years until such timeas growth is completed. This stage requires the cooperation ofseveral specialists and a top-quality prosthesis. Implants areoften contraindicated on account of the lack of bone volumewhich is accentuated by the space opening. A bridge is the solu-tion most frequently indicated [23]. Finally, one must bear in mindthe cost of this solution and its life-span.

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Fermeture de l’espace et mise en place de la canine en place de latérale

Cette solution est indiquée dans les cas de Classe I DDM avecbiproalvéolie (l’extraction des incisives mandibulaires est à envi-sager), et dans les cas de Classe II.L’avantage principal est que le traitement se termine réellementà la fin de la période orthodontique. C’est un traitement pluscourt, en un seul temps, et pour laquelle nous sommes lesseuls intervenants.La mise en place d’une canine en incisive latérale pose cependantplusieurs types de problèmes.Les compromis sur le plan fonctionnel sont :• L’obtention d’un point de contact correct avec la prémolaire etl’incisive centrale est difficile, et nécessite un réglage délicat del’angulation de la canine.• La canine n’assurant plus la diduction, on se retrouve en situa-tion de fonction de groupe.• Il faut augmenter le torque corono-lingual de la première pré-molaire pour éviter que la cuspide linguale ne crée une interfé-rence du côté non travaillant.

a b

Fig. 18 a-e : Photos intraorales après traitement orthodontique de fermeture des espaces.

Fig. 18 a-e: Intraoral views following orthodontic space closure treatment.

c d e

Space closure and replacement of a lateral by a canine

This solution is indicated in cases of Class I with TSALD andbimaxillary protrusion (extraction of the mandibular incisorsshould be envisaged) and in Class II cases. The main benefit is that treatment is fully completed at the end ofthe orthodontic therapy. Treatment is shorter, requires only onestage, and the orthodontist is the only specialist involved.

However, the replacement of a lateral incisor with a canine raisesseveral types of problem. From the functional angle, the compromises are as follows:• Achieving a correct contact point with the premolar and centralincisor is tricky and requires sensitive adjustment of canine angu-lation. • As the canine no longer ensures diduction, a group function situ-ation is created. • The crown-lingual torque of the first premolar needs to beincreased in order to avoid the lingual cusp causing interferenceon the non-working side.

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• Il est souvent nécessaire de meuler le cingulum de la caninepour la propulsion, et la pointe canine pour éviter une interférencenon travaillante en diduction avec les incisives mandibulaires.• On obtient une Classe II thérapeutique.Pour ces raisons, un set-up avant traitement peut permettred’anticiper les possibilités du traitement et les réglages quiseront nécessaires. Une équilibration occlusale post-thérapeutiqueest souhaitable.Les compromis sur le plan esthétique sont les suivants :• Cette solution thérapeutique rétracte le secteur antérieur etcreuse le profil.• On engendre souvent une dysharmonie dento-parodontale,avec une dysharmonie de la ligne des collets.• La bosse canine et la fosse prémolaire se déplacent mésiale-ment, avec pour conséquence une diminution du soutien dusillon naso-génien.• L’avantage de l’absence de prothèse n’est pas toujours concré-tisé : il est souvent nécessaire de réaliser une coronoplastie de lacanine pour la maquiller en latérale, et de la prémolaire pouroptimiser la fonction.Rappelons que selon Robertsson et al. [24], 93 % des patientsayant bénéficié d’une fermeture d’espace sont satisfaits du résul-tat esthétique, contre 65 % pour la solution prothétique.

Abstention

Lorsque les espaces sont régulièrement répartis et qu’il n’y a pasde doléance esthétique, ou que la motivation semble insuffisante,l’abstention thérapeutique peut être justifiée.

Cas clinique

Benjamin se présente à la consultation pour motif esthétique(fig. 18). Il présente une agénésie de 22, 31, 41, et 12 est naine.Plusieurs éléments dans ce cas nous incitent à fermer les espa-ces. D’une part, la fermeture des espaces va dans le sens de lacorrection de la Classe II. D’autre part, la morphologie de 12n’est pas favorable et nécessiterait de toute façon une reconstruc-tion prothétique. De plus, il manque le même nombre de dents enhaut et en bas, et il s’agit du même type de dents. Le traitement adonc consisté en l’extraction de 12 et la fermeture des espaces(fig. 19). Cette solution est bien sûr un compromis, notammentau niveau de la concordance interarcade et de la correction de laClasse II. Nous espérons apporter dans ce cas la moins mauvaisesolution, en conciliant au mieux nos objectifs et la satisfaction denotre patient.

Conclusion

Les agénésies dentaires sont une anomalie fréquente chezl’Homme, mais leur pathogénie reste encore largement à éclair-cir. Dans l’état actuel de nos connaissances sur les mécanismesde l’Evolution, il est probable que les agénésies ne s’inscrivent

• It is often necessary to grind the canine cingulum for propulsionand the canine tip to avoid non-working interference with thelower incisors during diduction. • The result is a therapeutic Class II. For all these reasons, a pretreatment setup can help foresee thetreatment options and the necessary adjustments. Post-treatmentocclusal balancing should be performed.

The following are the esthetic compromises: • This treatment solution retracts the anterior segment and hol-lows the profile. • Frequently, dento-periodontal dysharmony is created, accompa-nied by an uneven tooth neck line. • The canine eminence and the premolar fossa are mesializedresulting in reduced support for the nasogenial fold.

• The advantage of having no prosthesis is not always possible toachieve and it is often necessary to perform a coronoplasty onthe canine to disguise it as a lateral incisor, and of the premolar inorder to optimize its functionality. It should be noted that, according to Robertsson et al. [24], 93%of patients who have received space closure are satisfied with theesthetic outcome, as opposed to 65% for the prosthetic solution.

When not to treat

When the spaces are evenly distributed and the patient has noesthetic complaint, or when he/she appears to lack motivation, adecision to refrain from treatment can be justified.

Clinical study

Benjamin consulted with an esthetic complaint (figure 18). Heexhibited agenesis of 22, 31, 41 and 12 was a dwarf tooth. Sev-eral features of this case prompted us to undertake space clo-sure. On the one hand, space closure would help correct theClass II. On the other, the morphology of 12 posed a problem andwould require prosthetic reconstruction. In addition, there was thesame number of missing teeth in both upper and lower arch, andof the same type of teeth. Treatment therefore consisted ofextraction of 12 and space closure (figure 19). This was obviouslya compromise solution, notably regarding interarch concordanceand correction of the Class II. We trust we have provided thispatient with the least undesirable solution by reconciling, as far aspossible, our objectives with patient satisfaction.

Conclusion

Dental agenesis is a frequently encountered anomaly in humans,although the pathology still requires further investigation. In ourcurrent state of knowledge regarding the workings of evolution, itis likely that agenesis is not written into the evolutionary process

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pas dans l’Evolution, mais font partie de la variabilité de notreespèce. Le plan de traitement chez les patients présentant desagénésies doit choisir le meilleur compromis, en tenant comptede la motivation, de l’hygiène, des exigences esthétiques, descontraintes fonctionnelles, et des exigences du schéma squeletti-que et dentaire.

Certaines des images de cet article ont été publiées dans la revue « Le Chirurgien-Dentiste deFrance ».

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