36
LES ESSAIS THÉRAPEUTIQUES « Le Don de la Vie » (Journée Nationale C.C.M.F. 1988) Bimestriel N° 1 80 Mars-Avril 1989

LES ESSAIS THÉRAPEUTIQUESAprès Chambéry, en 1981, Le Mans, en 1983, Brive, en 1985, Après le Congrès Européen à Versailles, en 1988, LE CONGRÈS NATIONAL DU C.C.M.F. aura lieu

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: LES ESSAIS THÉRAPEUTIQUESAprès Chambéry, en 1981, Le Mans, en 1983, Brive, en 1985, Après le Congrès Européen à Versailles, en 1988, LE CONGRÈS NATIONAL DU C.C.M.F. aura lieu

LES ESSAIS THÉRAPEUTIQUES

• « Le Don de la Vie »

(Journée Nationale C.C.M.F. 1988)

Bimestriel N° 1 80 Mars-Avril 1989

Page 2: LES ESSAIS THÉRAPEUTIQUESAprès Chambéry, en 1981, Le Mans, en 1983, Brive, en 1985, Après le Congrès Européen à Versailles, en 1988, LE CONGRÈS NATIONAL DU C.C.M.F. aura lieu

Après Chambéry, en 1981,

Le Mans, en 1983,

Brive, en 1985,

Après le Congrès Européen à Versailles, en 1988,

LE CONGRÈS NATIONAL DU C.C.M.F. aura lieu à MARSEILLE, les 21 et 22 octobre 1989,

sur le thème :

Techniques Médicales et Maîtrise de la Vie

Après la Conférence inaugurale le matin du samedi 21, sont prévus: quatre ateliers de réflexion et d'échange, où, après une présentation par un directeur de thème, chacun pourra partager ses ques­tions, ses hésitations ou ses convictions dans les quatre domaines suivants : - le diagnostic anté-natal, - la procréation médicalement assistée, - les soins intensifs et la réanimation, - les questions posées par le S.l.D.A.

Nous aurons la joie d'accueillir: - le Professeur Jean-François MA TTEI pour une conférence sur les Manipulations génétiques, - le Père Bernard MA TRA Y, du Centre Sèvres de Paris pour une conférence sur Conscience et

décision médicale, et d'autres intervenants dont nous attendons l'accord.

Le Congrès se déroulera dans le cadre de l'Hôtel PALM BEACH situé sur la corniche, où nous dis­poserons de vastes salles et d'un amphithéâtre nouvellement construit. D'autres activités (veillée à Saint-Victor, Messe dominicale ... ) donneront à notre Congrès toutes ses dimensions.

Notez dès maintenant les coordonnées du secrétariat du Congrès :

C.C.M.F. 205, rue Sainte-Cécile

13005 Marseille . Tél. : (16) 91. 78.64.50

Page 3: LES ESSAIS THÉRAPEUTIQUESAprès Chambéry, en 1981, Le Mans, en 1983, Brive, en 1985, Après le Congrès Européen à Versailles, en 1988, LE CONGRÈS NATIONAL DU C.C.M.F. aura lieu

WJEIDJ:m-CDJlFJJ:m <8 IDJ:m lll'W@WWJ:m Revue du Centre Catholique des Médecins Français

BIMESTRIEL

RÉDACTEUR EN CHEF

pr Claude LAROCHE

CONSEIL DE RÉDACTION

MM. les Docteurs ABIVEN (Paris). BARJHOUX (Chambéry). BLIN (Paris). BOISSEAU (Bordeaux). BOST (Paris).

BREGEON (Angers). CHARBONNEAU (Paris),

GAYET (Dijon). GERARDIN (Brive). Mme le or GONT ARD (Paris).

MM. les ors MALBOS (le Mans). MASSON (Bar-sur-Aube).

MERCAT (Château-Renault). LIEFOOGHE (Lille). NENNA (Paris).

RÉMY (Garches). SOLIGNAC (Perpignan).

COMITÉ DE RÉDACTION

M. ABIVEN - M. BOST - M. BOUREL F. GOUST - J. GUINNEPAIN

M.J. IMBAULT-HUART - J.M. JAMES P. LAMBERT - J.M. MORETTI

H. MOUROT - A. NENNA

ADMINISTRATION RÉDACTION

Centre Catholique des Médecins Français

5. avenue de !'Observatoire 75006 Paris

Tél. : 46.34.59.15

SERVICE PUBLICITÉ

158. bd Malesherbes Paris 17°

Tél.: 47.63.23.92

ABONNEMENTS

Un an: 270 F Étranger : 280 F

Le numéro franco: 60 F C.C.P. : C.C.M.F. 5635-34 T Paris

N° 180 - MARS-AVRIL 1989

SOMMAIRE • Liminaire

par le Pr Claude Laroche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2

• Respect ou protection des personnes par le Père Pierre Lambert op . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

• Le consentement éclairé du sujet dans les essais thé­rapeutiques par le M. Bernard Ducamin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

• De la valeur scientifique des essais des médicaments sur le sujet sain par le Pr Paul Lechat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12

• Vie des mouvements médico-sociaux chrétiens par le Dr Pierre Charbonneau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

• Problèmes éthiques concernant l'établissement des protocoles en cancérologie par le Pr R. Flamant ............. ; . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 6

• Les essais contrôlés : des bonnes intentions aux effets pervers par le Dr Jacques Servier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20

• Éthique de la nature 7 Éthique de la personne 7 par le Père Bernard Matray sj . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

• Réponses des médecins à la note du C.C. M.F. sur « Le don de la vie » par le Père J.M. Moretti sj . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

• Notes de lecture: «L'Église en procès» de Paul Valadier................ 28 « Condorcet » de R. et E. Badinter . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

• Une initiative originale par le Dr François Goust . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32

Page 4: LES ESSAIS THÉRAPEUTIQUESAprès Chambéry, en 1981, Le Mans, en 1983, Brive, en 1985, Après le Congrès Européen à Versailles, en 1988, LE CONGRÈS NATIONAL DU C.C.M.F. aura lieu

LIMINAIRE

par le Pr Cl. LAROCHE

Précédée en 1988 par la parution de l'ouvrage« Sciences de la vie - De l'éthique au droit», fruit de la réflexion menée par le Conseil d'État sur l'éthique de la recherche biomédicale, la loi promulguée le 22 décembre 1988 « relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales» a le mérite d'apporter enfin des bases législatives dans un domaine d'une très grande importance puisqu'il englobe à la fois les essais thérapeutiques, y compris les études menées chez les volontaires sains, et les recherches à visée purement cognitive, c'est­à-dire l'ensemble de la recherche médicale, en particulier physio-pathologique.

Malgré ses imperfections qui ont été aussitôt soulignées: création des «comités consul­tatifs de protection des personnes dans la recherche biomédicale», dont l'organisation régionale témoigne d'un jacobinisme évident et suranné, désignation par «tirage au sort » des membres de ces comités par le commissaire du gouvernement au mépris de la valeur représentative des candidats à ces comités et suppression de tous les comités d'éthique actuellement existants (hormis le Comité National); cette loi a le mérite de reconnaître deux types de recherches bio­médicales : les recherches à finalité thérapeutique, correspondant aux essais thérapeutiques appliquées chez des personnes qui en attendent un bénéfice direct (c'est-à-dire essentiellement les phases III et IV des essais actuels) et les recherches sans finalité thérapeutique directe (recherches à but cognitif et essais médicamenteux de phase 1 et Il) pour lesquelles sont prévues des directives très précises tant pour le choix, le recensement, l'indemnisation des volontaires sains, que pour le consentement des sujets obtenu par écrit, l'obligation d'une assurance sous­crite par le promoteur, le recours à l'avis des comités pour la protection des personnes ... et enfin la surveillance de ces essais par le Ministre de la Santé auquel doit être adressé tout avis défavo­rable de ces comités.

L'importance de cette loi a paru justifier la rédaction de ce numéro auquel ont bien voulu contribuer des personnalités particulièrement qualifiées. M. Ducamin, conseiller d'État, membre du comité d'éthique commun aux groupes hospitaliers Cochin, Saint-Vincent de Paul et Sainte-Anne, expose, en juriste mais surtout à partir de son expérience acquise au long des séances de ce comité, les difficultés que pose l'obtention d'un« consentement libre, éclairé et exprès», en particulier chez les sujets atteints d'affections psychiatriques et chez les mineurs.

2

Page 5: LES ESSAIS THÉRAPEUTIQUESAprès Chambéry, en 1981, Le Mans, en 1983, Brive, en 1985, Après le Congrès Européen à Versailles, en 1988, LE CONGRÈS NATIONAL DU C.C.M.F. aura lieu

Dans bien des cas, la recherche de ce consentement se heurte aux mêmes problèmes que celui du « droit à la vérité » : tout praticien a connu ces situations où le fait de dévoiler un diagnostic - et un pronostic - crée un état d'angoisse qui peut, par lui-même, ôter toute valeur à l'acte thérapeutique - et donc, ici fausser l'objectivité de l'essai.

P. Lechat, avec son autorité de professeur en pharmacologie, cerne strictement les limites des essais poursuivis chez les sujets sains : requis depuis des années par les commissions minis­térielles, poursuivis jusqu'ici en pleine illégalité, ces études de nouveaux produits qu'il faut rigoureusement distingués des essais thérapeutiques proprement dits - puisqu'ils n'ont aucune finalité thérapeutique directe - doivent être réservés à des recherches de pharmacocinétique et ne pas être déviées vers des objectifs de toxicologue ou de tolérance qui relèvent de l'expérimen­tation animale préalable.

Comment concilier la stricte application des protocoles thérapeutiques et le respect de l'in­dividu malade ? R. Flamant expose son expérience dans les affections cancéreuses où les médi­caments sont particulièrement dangereux et où des comparaisons entre divers traitements sont indispensables pour satisfaire notre souci d'efficacité.

L'ensemble des études, expérimentales puis cliniques, qui précèdent la mise sur le marché d'un nouveau produit est évidemment très lourd, très onéreux et demande beaucoup de temps: J. Servier expose les effets pervers d'une réglementation trop contraignante qui risque de ralentir le progrès médical si les impératifs de sécurité et la recherche d'une objectivité toujours aléatoire aboutissent à freiner les efforts de recherche.

Il restait au P. Matray sj. et au P. Lambert op. de guider notre réflexion sur deux grands problèmes touchant la morale médicale :

Pourquoi l'Église fait-elle si souvent référence aux concepts de nature et de loi natu­relle?

Comment l'Église a-t-elle intégré ces concepts élaborés par les philosophes grecs et les a-t-elle en quelque sorte christianisés, en modifiant leur contenu?

Un retour aux sources· et un rappel de la doctrine thomiste susciteront certainement, chez beaucoup d'entre nous, une nouvelle lecture du document Donum Vitae.

Pourquoi la loi sur la recherche biomédicale ne parle-t-elle plus d'éthique mais de pro­tection des personnes ?

Pourquoi les comités d'éthique ont-ils perdu, en même temps, leur application? S'agit-il seulement d'une modification purement sémantique ou le champ de réflexion de ces comités n'est-il pas singulièrement restreint par la nouvelle loi? Des médecins chrétiens ne peuvent pas être indifférents à l'absence de référence à l'éthique ou à la morale et à sa substitution par le seul objectif de protection de l'individu.

Protection et respect ne sont pourtant pas synonymes et n'ont pas la même valeur spiri­tuelle.

3

Page 6: LES ESSAIS THÉRAPEUTIQUESAprès Chambéry, en 1981, Le Mans, en 1983, Brive, en 1985, Après le Congrès Européen à Versailles, en 1988, LE CONGRÈS NATIONAL DU C.C.M.F. aura lieu

4

RESPECT OU PROTECTION DES PERSONNES ?

par le Père Pierre LAMBERT op. (*)

Dans le domaine des essais thérapeutiques, la loi du 13 décembre dernier nous a fait passer « de l'éthique au droit>?· Les réflexions de sagesse du Comité National d'Ethique (en particulier le document de décembre 1987) sqnt devenues les réflexions juri­diques du Conseil d'Etat (document du 21 janvier 1988 : Sciences de la vie - De léthique au droit) pour, au terme de leur évolution, constituer la Loi relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales. Mais l'homme concerné est lui aussi passé de léthique au droit. Tout en se pré­sentant comme traitant le même sujet : les essais théra­peutiques sur l'homme, il n'est pas certain qu'il s'agisse en fait de la même personne humaine. Preuve en est l'évolution du terme désignapt le rapport à cette per­sonne : le Comité National d'Ethique parle volontier~ de respect et de dignité de la personne, le Conseil d'Etat rappelle les droits fondamentaux de l'homme, la Loi se contente de définir les conditions relatives à la pro­tection de l'être humain.

Est-ce là une évolution inéluctable ?

Peut-il y avoir identité entre le Bien de la personne humaine, la Conscience qu'un individu a de lui-même et le Droit d'une société? Le fait même que nous employons des mots différents semble bien souligner des réalités distinctes. Mais s'agit-il de points de vue différents ou, plus profondément, de niveaux existen­tiels distincts? Dans la présentation de la loi à la presse, le député Bernard Charles était heureux de signaler que, désormais, grâce à cette nouvelle loi, la morale, l'éthique et le droit étaient d'accord. Est-ce possible? Certains univers culturels semblent aller dans ce sens. Ainsi, dans la langue arabe, le Droit est désigné sim­plement en mettant le mot Vérité au pluriel: le Droit est ici l'ensemble des Vérités énoncées par Dieu et par les hommes. Selon cette sémantique il n'y a aucune diffé­rence à agir selon la Vérité et à agir selon le Droit. Mais, au-delà des mots, nous sentons bien que la réalité ne peut être identique.

1. - LE BIEN DE LA PERSONNE HUMAINE

Parler de Bien de la personne humaine fait réfé­rence à une réalité liée à l'être-même, donc antérieure à l'existence de tel ou tel individu. Le Bien est au-delà de mon désir personnel. Selon la célèbre définition

(*) Conseiller ecclésiastique du C.C.M.F.

Page 7: LES ESSAIS THÉRAPEUTIQUESAprès Chambéry, en 1981, Le Mans, en 1983, Brive, en 1985, Après le Congrès Européen à Versailles, en 1988, LE CONGRÈS NATIONAL DU C.C.M.F. aura lieu

d'Aristote : le Bien est ce que tous désirent. Aussi, lors­qu'une instance se considère comme investie d'une responsabilité universelle, sa démarche aboutit dans presque tous les cas à mettre en évidence ce Bien de la personne humaine hors des aléas de l'individu et de la société.

Peu importent ici les références ultimes, il s'agit d'une démarche semblable selon l'avis même du rédacteur du document du C.N.E. de décembre 1987:

«Il n'est pas excessif de dire qu'à l'usage une conscience éthique assez largement commune s'est dégagée et propagée entre-nous, sous­tendant la concordance de nos avis finaux dans la discordance maintenue de nos références ultimes. C'est qu'à pratiquer l'osmose de nos convictions respectives, nous nous sommes progressivement rendus à l'évidence que ce que nous pouvions mettre en commun ne tendait pas vers le plus petit mais vers le plus grand : le souci passionné de l'homme. Nous tenons cette expérience pour mar­quante et souhaitons la rendre communicative.»

Ainsi notre motion première émane-t-elle d'une exi-gence diversement pensée par nous mais qui porte un nom dans chacune de nos morales, et qui valide l'incon­ditionnelle obligation du respect de l'humanité en chaque homme. » (Doc. cité 1 re partie, section 1, para­graphe 3.)

Que lon se n,omme Église, École philosophique, Comité National d'Ethique, l'objectif demeure le même: donner à l'homme une dimension qui échappe aux contingences. La personne humaine ainsi définie justifie tout naturellement une attitude de respect.

Il. - LA CONSCIENCE DE SOI

En insistant sur le consentement libre et éclairé, le Conseil d'État aborde la personne sous un autre aspect : la possibilité pour l'homme de disposer de son propre corps.

Le fondement de la démarche des Conseillers est cette fois une certaine idée juridique de l'homme:« l'in­divisibilité du corps et de l'esprit, constitutive de la per­sonne humaine et de la personnalité juridique tout à la fois, entre lesquelles existe une relation d'identité.» (Doc. cité p. 15.)

Cette relation d'identité entre le corps et lesprit correspond à ce que nous appelons habituellement la conscience de soi. Certes, la conscience de soi recouvre un domaine beaucoup plus vaste, mais c'est d'elle et d'elle seule que naît cette indivisibilité ,du corps et de l'esprit sur laquelle s'appuie le Conseil d'Etat. L'in­violabilité du corps qui en découle ne supporte qu'une seule exception : la situation où la personne est incons­ciente. Ce qui renvoit bien, quoique le texte ne le dise pas expressément, à la conscience de soi dans tous les autres cas.

Toutes les afflrmations et les propositions de loi des Conseillers d'Etat s'articulent autour des implica­tions de la conscience de soi : « A la base, existe et demeure l'acte de volonté individuelle, désintéressé et altruiste, qu'il s'agisse de donner une partie de son corps ou de se prêter à un essai.» (Doc. cité, p. 16.)

Nous sommes ici dans un tout autre registre. Il est toujours question de « respect de la dignité de la per­sonne humaine », mais les questions soulevées par les essais thérapeutiques et les autres interventions sur l'homme en vue de formuler des propositions de lois considèrent la personne humaine essentiellement dans ce rapport entre le corps et lesprit, donc dans les limites de la conscience.

Ill. - LE DROIT D'UNE SOCIÉTÉ

La Loi qui vient d'être votée par les Assemblées concernant les essais thérapeutiques est justifiée par les rédacteurs eux-mêmes par ces trois raisons : - notre système juridique est incomplet, parfois même

incohérent, il n'assure pas la protection de l'individu et place le médecin dans une situation illégale ;

- cette situation pèse gravement sur notre industrie pharmaceutique : la plupart des essais de phase 1 sont effectués hors de France et il convient d'harmo­niser les législations existantes en Europe ;

- plusieurs lnstances: Comité National d'Éthique, Conseil d'Etat, organisations professionnelles, ont appelé de leurs vœux un texte législatif qui régle­mente la pratique des essais de médicaments chez l'Homme. (Exposé des motifs de la Proposition de Loi n° 286 rectifié bis - Sénat 1988.)

Il était nécessaire en ce domaine de légiférer. Mais, dans la présentation de la Loi désormais votée, le sénateur Serusclat a donné à la Presse une autre justifi­cation: il convenait que dans ce domaine, comme en tout ce qui concerne la vie des Français, les décisions soient prises par ceux qui sont, par le biais du suffrage universel, responsables devant les Français. C'était mettre les essais thérapeutiques et leurs conséquences sur la personne humaine sous la dépendance du pro­cessus démocratique. Ce qui est, somme toute, un peu plus honorable que les intérêts économiques de l'in­dustrie pharmaceutique 1

Dans une telle perspective, il n'est plus du tout question de respect de la personne humaine, ni même de règles éthiques. La référence au cadre démocratique donne à la Société un plein pouvoir sur l'individu qui devient un «protégé». Et si certaines personnes sont encore réunies pour formuler un avis : elles sont dési­gnées par le j'lasard (tirage au sort) et par le repré­sentant de l'Etat. Nous sommes loin d'une vue de Sagesse sur le Bien de la personne humaine 1

Les comités ainsi constitués n ·ont plus à statuer en référence à une quelconque éthique, ils deviennent des « comités consultatifs de protection des personnes dans la recherche biomédicale». Cette nouvelle déno­mination est volontaire, c'est lAssemblée nationale qui l'a modifiée volontairemetit pour «bien distinguer le rôle du Comité National d'Ethique de celui qui sera joué par ces futurs comités. En particulier, aucune hiérarchie jurisprudentielle ne devra s'établir.» (Exposé général lors du retour de la proposition de Loi de I' Ass1Jmblée nationale au Sénat, p. 11.) Le Comité National d'Ethique abordant la personne humaine selon sa valeur propre, c'est dire clairement que tel n'est pas le point de vue de ces nouveaux comités régionaux.

Cette évolution était-elle inéluctable ? •

5

Page 8: LES ESSAIS THÉRAPEUTIQUESAprès Chambéry, en 1981, Le Mans, en 1983, Brive, en 1985, Après le Congrès Européen à Versailles, en 1988, LE CONGRÈS NATIONAL DU C.C.M.F. aura lieu

STATIONS THERMALES FRANCAISES

St-Brieuc•

•Lille • St-Amand-les-Eaux

Cherbourg •Amiens

) ( .Le Havre • Charlevi lle-Mézières

•Caen

Bagnoles-de-l'Orne

•Rennes

•Le Mans

.Nantes Tours•

La Roche-Posay•

Poitiers •

•La Rochelle •Rochefort-sur-Mer

•Rouen

Enghien-les-Bains

• • Paris

Amnevill11e •Reims

Chalons-sur-Marne •

Nancy•

. eVittel

• Pechelbronn

• Stras~ourg

•Orléans Contrexéville• Bains-les-Bains

• •Plombières-les-Bains Bourbonne-les-Bains •

Maiziè~es • Dijon

Santenay-les-Bains•

•Luxeuil-les-Bains

•Mulhouse

•Besançon

St-Honoré-les-Bains• Chalon-sur-Saône •Salins-les-Bains • Bourbon-1' Archambault • •Bourbon-Lancy • Lons-le-Saunier

•Néris-les-Bains Evaux-les-Bains• Vichy

Chateauneuf-les-Bains• • •Sail-les-Bains

Divonne-les-Bains •

•Saujon

•Jonzac

• /Evian-les-Bains

Thonon-les-Bains Limoges • Cl F •Chatel-Guyon ermont- errand• Charbonnières-les-Bains

Royat• ••Lyon • S -Gervais

I Bordeaux•

!

La Bourboule •• •St-Nectaire • Le Mt Dore Montrond

•Aix-les-Bains/Aix Marlioz

St-Etienne• Challes-les-Eaux • • La Léchère-les-Bains •

Allevard-les-Bains • Brides/Salins-les-Th

Chaudes-Aigues •

Cransac • St -Laurent·les-Bai~s • • Vals-les-Bains Nayrac-les-Bains

Bagnols-les-Bains •

•Grenoble • Uriage-les-Bain

Préchacq-lis-Bains Barbotan-les-Thermes St-Paul-le

1-Dax • • E é · • Les Fumades•

Propia~ •Montbrun-les-Bains

Digne-les-Bains •

. . •Dax ug nie Tercis-les Baons •• •les-Bains

Bayonne• Saubusse Cambo-les-Bains• Salles-de-Béarn

•Castéra Verduzan •Aurensan

•Toulouse Lamalou~es-Bains :vène-les·Bains

•Montpellier

• Gréoux-les-Bains

Pau• St-Christau • B B ·

Les Eaox-Chaudes • • Sal ies-du-Salat alaruc-les· aons •

Les Eaux-Bo~~s • •Barbazan eAlet-les-Bains

Argelès-Gazost 11] j ~uchonUssa:-l:s~B::~~s~T~:~~::·les-Bains Aulus-

Beaucens les.;Bains • Perpignan Cauterets 1

St-Sauveur-les-Bains Saint-Lary ' • •Le Boulou Capvern-les-Bains Amélie-les-Bains

Bagnères-de-Bigorre

.-------------------. Barèges-Sers (Barzun) La Preste-les-Bains

Guadeloupe : St-Claude Matoubapapaye

La Réunion : Ci laos

Vernet-les-Bains Molitg-les-Bains

•Aix-en-Provence

Marseille • •Camoins-les-Bains

•Guagno-les-Bains

Pietrapola •

•Zigliara

•Toulon

FÉDÉRATION THERMALE ET CLIMATIQUE FRANCAISE 16, rue de !'Estrapade, 75005 Paris, Tél. : (1) 43.25.11.85

Berthemont-les-Bains •

.Nice

Page 9: LES ESSAIS THÉRAPEUTIQUESAprès Chambéry, en 1981, Le Mans, en 1983, Brive, en 1985, Après le Congrès Européen à Versailles, en 1988, LE CONGRÈS NATIONAL DU C.C.M.F. aura lieu

LE CONSENTEMENT ÉCLAIRE DU SUJET DANS LES ESSAIS THÉRAPEUTIQUES

par Bernard DU CAM 1 N (*)

Les problèmes que pose le « consentement éclairé » de celui qui est soumis à un essai thérapeu­tique sont à examiner maintenant en France dans des termes nouveaux puisque, pour la première fois dans ce domaine, le législateur est intervenu. La loi n° 88.1138 du 20 décembre 1988 « relative à la protection des per­sonnes qui se prêtent à des recherches biomédi­cales» (1), est - semble-t-il - immédiatement entrée en vigueur sur ce point avec les sanctions pénales que sa méconnaissance implique ; elle régit désormais la matière dans des conditions précises avec tous les avantages - et peut-être aussi les inconvénients - qui découlent de l'existence de dispositions formelles du droit positif.

En attendant que se forge, au fil des ans, une juris­prudence au sein des « comités consultatifs de pro­tection des personnes dans la recherche biomédicale » dont la loi a prévu la création à l'échelon des régions, l'expérience acquise depuis quelques années par les divers comités d'éthique qui se sont mis en place dans les principaux groupes hospitaliers, notamment en région parisienne, permet de se faire une idée sur les difficultés d'application que le nouveau texte va susciter comme sur les hésitations qu'il devrait lever.

Appelé à siéger au comité d'éthique commun aux groupes hospitaliers Cochin, Saint-Vincent-de-Paul et Sainte-Anne à Paris, c'est à la lumière de cette expé­rience comme de celle que j'ai acquise depuis neuf ans comme membre nommé du Conseil National de l'Ordre des Médecins que je livre ici quelques réflexions.

La loi du 20 décembre 1988 est intervenue dans des conditions de célérité remarquable puisqu'elle procède d'une proposition parlementaire enregistrée à la présidence du Sénat le 2 juin 1988 ; adoptée par cette assemblée le 12 octobre, elle lest le 12 dé­cembre par l'Assemblée Nationale et le lendemain à nouveau par le Sénat.

Cette rapidité ne s'explique pas seulement par la nécessité de combler un vide juridique souvent dénoncé par les expérimentateurs eux-mêmes mais aussi par le fait que la lente préparation des esprits, essentiellement depuis la Libération, s'était accélérée avec la recommandation du «Comité National

(*) Conseiller d'État. ( 1) Journal officiel du 22 décembre 1988, p. 16032 avec

la liste de ses travaux préparatoires.

7

Page 10: LES ESSAIS THÉRAPEUTIQUESAprès Chambéry, en 1981, Le Mans, en 1983, Brive, en 1985, Après le Congrès Européen à Versailles, en 1988, LE CONGRÈS NATIONAL DU C.C.M.F. aura lieu

Le consentement éclairé du sujet

d'Éthique »du 9 octobre 1984 (2) et la pubJication par le gouvernement de l'étude du Conseil d'Etat (3) sur «Sciences de la Vie - de l'éthique au droit», Section du rapport et des études ; délibération du 21 janvier 1988, qui comporte un chapitre relatif aux essais sur l'homme et une proposition de texte précisant en partic~lier le~ règles relatives au consentement. Ce dernier point était lui-même développé avec précision dans les « recom­mandations concernant les essais thérapeutiques sur les volontaires sains » que le directeur général de I' As­sistance Publique à Paris avait formulées dans sa « lettre d'information » du 26 aoOt 1985 ; ce document, sous la forme de «conseils», comporte en fait une réglementation détaillée définissant de manière relati­vement précise les procédures à suivre pour informer les volontaires sains et recueillir leur « consentement explicite».

Le chemin parcouru était donc largement balisé et, dans une large mesure, la loi va donc s'appliquer sur un terrain préparé. Néanmoins, on va le voir, elle tranche dans un sens précis et formaliste certaines questions que, en l'absence de texte, les comités d'éthique déjà mis en place pouvaient régler avec plus de sou­plesse.

LES OBLIGATIONS LÉGALES NOUVELLES

La loi (art. L. 209-1 du Code de la santé) distingue, d'une part, les «recherches à finalité thérapeutique directe», c'est-à-dire celles «dont on attend un bénéfice thérapeutique direct pour la personne qui s'y prête», et, d'autre part, toutes les autres recherches, qui sont dites« sans finalité thérapeutique directe». En vertu de l'article L. 209-9 nouveau du code, la recherche biomédicale sur une personne, que cette recherche soit de l'un ou de l'autre type, exige, au préa­lable, le « consentement libre, éclairé et exprès » de cette personne.

Dès ce premier point, on voit que la loi nouvelle est plus exigeante que létat de droit actuel qui ne se trouvait formellement précisé, et encore seulement en ce qui concerne les essais présentant un intérêt direct

(2) Avis du Comité National d'Éthique du 9 octobre 1984 sur les « problèmes d'éthique posés par les essais de nou­veaux traitements chez l'homme ». Voir notamment, page 4, le paragraphe 4 : « Un consentement libre et éclairé».

(3) La documentation française. Notes et études docu­mentaires n° 4855 - 1988 - 50 F.

8

pour le malade, que par le Code de déontologie médicale.

A l'article 19 du Code de déontologie, il est précisé que:« L'emploi sur un malade d'une thérapeutique ~ou­velle ne peut être envisagé qu'après les études biolo­giques adéquates, sous une surveillance stricte et seu­lement si cette thérapeutique peut présenter pour la personne un intérêt direct » ; cette règle est à rap­procher de celle que p~se l'article 18, l~quel i.n~erd.it. au médecin « de faire courir au malade un risque lnJUSt1f1é » et surtout de l'article 7 qui précise que:« La volonté du malade doit toujours être respectée dans toute la mesure du possible. Lorsque le malade est hors d'état d'exprimer sa volonté ses proches doi.vent, sauf urgence ou impossibilité, être prévenus et informés».

La règle législative nouvelle fait prime, évi­demment, sur le Code de déontologie, qui a une simple valeur réglementaire ; lorsque le médecin emploiera sur un malade une thérapeutique nouvelle dans l'exercice de son droit de libre prescription - lequel a valeur légis­lative et est un « principe déontologique fondamen­tal (4) » - il sera soumis aux exigences de la nouvelle loi dans la mesure du moins où son intervention pourra être regardée comme constituant une « recherche bio­médicale», c'est-à-dire, selon la définition qu'en donne la loi, un essai, une étude, une expérimentation orga­nisés « en vue du développement des connaissances biologiques et médicales». Un problèm~ de fron.tière, on le voit, pourra se poser entre ce qui est le s.1mple exercice, dans les limites du Code de déontologie, du droit de libre prescription et la recherche biomédicale, laquelle est désormais étroitement réglementée.

Il faut espérer que le partage se fera sans trop de difficulté dans la pratique entre les situations où le médecin prend le risque, pour traiter tel malade, d'ap­pliquer telle solution non encore éprouvée et celle ~ù, tout en faisant jouer à l'égard d'un malade et dans l'in­térêt de celui-ci, son droit de libre prescription, il a essentiellement en vue une recherche médicale « orga­nisée» et où, de ce fait, son intervention nécessite le consentement exprès du malade, puisque son inter­vention entre alors dans le champ d'application de la nouvelle loi.

Si j'en juge par les cas dont a eu à connaître le comité d'éthique dont je suis membre, les hypothèses ne sont pas exceptionnelles, du moins en milieu hospi­talier, où lon peut se demander si on est dans le cadre de l'exercice normal de la responsabilité du médecin ou dans celui de la recherche médicale. Il m'a toujours semblé, cependant, que, face aux situations concrètes, la délimitation entre les deux domaines pouvait se faire avec un minimum d'effort de réflexion.

Une fois délimitée cette frontière, il faut souligner ce qu'apporte la nouvelle loi en matière de consen­tement de la personne qui est le sujet d'une recherche biomédicale.

La loi y consacre un titre Il, intitulé «du consen­tement », qui comprend deux articles détaillés et elle reprend partiellement la question dans le titre 111, où

(4) Article L. 257 du Code de la Sécurité ~ociale; dans le nouveau code l'art. L. 162.2. Cf. Conseil d'Etat n° 82321. Conseil National de l'Ordre des Médecins, 20 avril 1988.

Page 11: LES ESSAIS THÉRAPEUTIQUESAprès Chambéry, en 1981, Le Mans, en 1983, Brive, en 1985, Après le Congrès Européen à Versailles, en 1988, LE CONGRÈS NATIONAL DU C.C.M.F. aura lieu

l'article L. 200-12 précise que le« Comité consultatif de protection des personnes dans la recherche biomé­dicale » a notamment compétence pour donner son avis sur « la protection des participants (à la recherche), leur information et les modalités de recueil de leur consen­tement». Enfin, l'article L. 209-19 prévoit qu'est« puni d'une peine d'emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende de 12 000 F à 200 000 F ou de l'une de ces deux peines seulement quiconque aura pratiqué ou fait pratiquer sur lêtre humain une recherche biomé­dicale sans avoir recueilli le consentement prévu par les articles L. 209-9 et L. 209-10 du présent code, ou alors qu'il aura été retiré».

La loi, en ce domaine, élargit et précise les exi­gences que la pratique des comités d'éthique avait consacrées. A la lumière de l'expérience déjà acquise, on peut d'ores et déjà discerner les points où des diffi­cultés se feront jour.

UN CONSENTEMENT LIBRE

La loi précise que le consentement doit être « libre », ce dont elle déduit le principe que le consen­tement peut être révoqué à tout moment sans qu'il puisse en résulter d'inconvénient pour le sujet.

Sur le plan des principes, cette règle ne souffre évi­demment d'aucune difficulté. Pour les juristes, il va de soi qu'aucun consentement n'a de sens et de validité que s'il est donné librement, c'est-à-dire sans contrainte, physique ou morale. On notera que, pour ce qui est des prisonniers (définis comme les « personnes privées de liberté par une décision judiciaire ou adminis­trative») la loi n'exclut pas complètement la recherche biomédicale, s'écartant sur ,ce point de la position plus restrictive du Conseil d'Etat, mais elle pose une condition particulière : il doit en être attendu « un bénéfice majeur et direct pour leur santé». Le pluriel « leur » laisse planer une incertitude sur la portée de lexception ; en tout cas, si le bénéfice doit être direct et majeur pour la personne elle-même, jl s'agit seulement d'un renforcement des cas de recherche« à finalité thé­rapeutique directe». Cependant, on peut admettre que le législateur, conscient de ce que le consentement d'une personne« privée de liberté» est a priori suspect, n'a pas voulu pour autant refuser toute possibilité à un prisonnier de s'associer à la recherche, ce qui peut avoir une certaine valeur sur le plan moral et notamment comme signe d'une volonté de réinsertion.

Dans le cas où les personnes qui se soumettent à lexpérimentation sont des sujets sains qui viennent de l'extérieur (5) et agissent de propos délibéré, le risque d'une contrainte est très faible. Il n'en est pas tout à fait de même pour les malades hospitalisés qui, placés dans une situation très particulière sur le plan pratique et psy-

(5) Dans les hôpitaux où existe, comme c'est le cas au Centre Hospitalier Cochin, un service spécialisé dans la recherche médicale, il semble que les personnes qui se prêtent à l'expérimentation sont des sujets jeunes, souvent proches du milieu médical, qui se présentent par suite d'une infor­mation qui circule de bouche à oreille et qui sont motivés par un certain altruisme, un intérêt pour le développement des connaissances et, probablement aussi, par l'indemnité - non négligeable - qui est versée en compensation des pertes de temps.

chologique, peuvent subir, volontairement ou non, une certaine pression morale. J'ai le souvenir d'un pro­tocole d'expérimentation qui posait le problème du consentement de femmes enceintes à une intervention, tout à fait bénigne d'ailleurs, destinée à tester l'effet d'un produit pendant l'accouchement. Notre comité s'était évidemment interrogé sur le degré de liberté qu'une femme, dans de telles circonstances, peut avoir au moment où on lui demande si elle accepte qu'on lui administre un produit nouveau.

Mais un consentement libre suppose évidemment une capacité de discernement ce qui, immédiatement, pose le problème des enfants et des personnes atteintes de troubles psychiques, permanents ou non.

La loi consacre l'art. L. 209-10 à cette question après avoir, dans ses articles L. 209-5 et L. 209-6, défini les cas - assortis de conditions restrictives - où les personnes privées de liberté, les mineurs, les majeurs sous tutelle, les « malades séjournant dans un établissement sanitaire et social » peuvent être solli­cités pour une recherche biomédicale.

Pour les mineurs non émancipés, le consentement doit émaner des « titulaires de lexercice de lautorité parentale». Pour les mineurs ou les majeurs sous tutelle, par le tuteur « ppur les recherches à finalité thé­rapeutique directe ne présentant pas un risque prévi­sible sérieux » ; dans les autres cas, « par le Conseil de famille ou le juge des tutelles». Mais, très sagement, la loi prévoit que le refus (ou la révocation) du consen­tement par le mineur ou par le majeur sous tutelle fait prime sur toute décision des personnes autorisées à prendre position en son nom. Elle indique, en outre, que le consentement du mineur ou du majeur sous tutelle «doit» être recherché, lorsqu'il est apte à exprimer sa volonté. La règle est sage mais posera sans doute quelques problèmes d'appréciation aux médecins.

L'expérience paraît montrer que le problème réel­lement difficile est celui des malades en milieu psychia­trique pour lesquels la notion de consentement n ·a souvent aucun sens et où, pourtant, une recherche médicale active est absolument indispensable. On peut se demander si les règles posées par la loi, en raison de leur formalisme, ne risquent pas de se heurter à des impossibilités pratiques. On va le voir davantage avec la règle du consentement «exprès».

UN CONSENTEMENT ÉCRIT

Il est dit à l'article L. 209-9 que le consentement est « donné par écrit» ou, « en cas d'impossibilité, attesté par un tiers», lequel doit être« totalement indé­pendant de l'investigateur et du promoteur».

La loi fait réserve des situations d'urgence qui dis­pensent du consentement personnel de l'intéressé mais y substitue celui des« proches». A vrai dire, on imagine assez mal dans quelles hypothèses il y a des recherches biomédicales à mener en urgence tout en établissant un protocole soumis à un comité d'éthique, lequel n'est guère à même de statuer en urgence.

Dans le cas normal, où la recherche n'est pas menée en urgence, le principe du consentement écrit devient donc la règle.

9

Page 12: LES ESSAIS THÉRAPEUTIQUESAprès Chambéry, en 1981, Le Mans, en 1983, Brive, en 1985, Après le Congrès Européen à Versailles, en 1988, LE CONGRÈS NATIONAL DU C.C.M.F. aura lieu

Le consentement éclairé du sujet

La forme de cet écrit n'est pas précisée davantage puisqu'il reviendra aux comités consultatifs selon l'ar­ticle 209-12, de rendre un avis sur les « modalités de recueil » du consentement. Dans bien des cas, si on en juge par la pratique actuelle, ce pourra être sur un imprimé pré-établi que le patient signera ou encore sur un formulaire qui résumera par écrit des informations données au sujet. Cela ne fera guère de difficultés pour les volontaires sains qui font la démarche de se sou­mettre à une expérimentation ; pour les incapables majeurs, qui ne pourront signer eux-mêmes, il sera moins facile, on le devine, de mettre la main sur le conseil de famille ou sur le juge des tutelles alors que cela sera la règle s'il s'agit d'une expérimentation sur des personnes atteintes de troubles mentaux lorsque, on le rappelle, la recherche n'aura pas de finalité théra­peutique directe pour l'intéressé; et sauf à jouer sur les mots, c'est le cas dans un assez grand nombre d'hypo­thèses.

Quant aux volontaires atteints d'une déficience quelconque non mentale, c'est-à-dire en général des malades hospitalisés ou, du moins, suivis régulièrement en service hospitalier, on risque de se trouver, assez souvent, en ce qui les concerne, dans un certain embarras pour leur faire signer un document écrit. Tou­tefois, la règle est déjà très largement entrée dans la pratique, celle-ci étant inspirée, en fait, par l'influence des grands laboratoires pharmaceutiques, lesquels, en vertu des concepti9ns de grand formalisme juridique qui prévalent aux Etats-Unis, exigent le plus souvent des expérimentateurs de nouveaux produits la preuve matérielle, donc recueillie par écrit, du consentement de ceux qui ont subi l'expérimentation.

On peut donc penser que, sauf dans certains cas, la nouvelle règle de notre droit pourra généralement s'ap­pliquer sans constituer un frein sérieux à la recherche. Je note cependant que, dans plusieurs cas, le comité d'éthique de Cochin avait été d'avis que, vu les circons­tances, l'exigence d'un consentement écrit, chez cer­tains malades hospitalisés, n'était pas souhaitable, dans la mesure où elle pourrait engendrer un trouble sans commune mesure avec l'intérêt de cette démarche, et qu'il fallait se contenter de l'assurance d'une information préalable suffisante et du témoignage écrit, par lexpérimentateur, du consentement verba­lement donné. Sur ce point, la loi nouvelle est plus exi­geante puisqu'il faudra désormais, s'il n'y a pas consen­tement écrit du sujet, une attestation donnée par un tiers « totalement indépendant de l'investigateur et du promoteur», ce qui, dans un hôpital, ne sera pas facile à trouver sur place.

10

UN CONSENTEMENT ÉCLAIRÉ

La dernière question importante est celle de l'infor­mation préalable du sujet. Le consentement doit être «éclairé», dit le nouvel article 209-9, et l'information correcte de la personne sur laquelle portera l'essai est un des points sur lesquels - consacrant, là encore, une pratique - les comités devront, d'après l'article 209-12, donner un avis.

Les comités actuellement en place ont toujours veillé, si j'en juge par lexpérience acquise à Cochin, à prendre connaissance, lorsqu'il existe, du texte qui sera lu ou commenté aux sujets qui se prêteront à une expé­rimentation. Il s'agit souvent d'un texte détaillé, tra­duisant un effort, - parfois très méritoire - pour tra­duire en langage courant des notions scientifiques très délicates, telles que l'objet même de lexpérimentation, l'état des études déjà faites sur l'animal ou sur l'homme, les risques connus ou supposés, le dérou­lement de l'expérimentation, la notion de placebo, etc. Le catalogue des textes soumis au comité de Cochin, que j'ai tenu à relire avant d'écrire le présent article, montre que la difficulté est considérable sauf lorsqu'on s'adresse à un public déjà formé au langage scienti­fique. Là encore, on constate que, pour le volontaire sain, souvent recruté, dans le milieu qui fréquente l'uni­versité, la difficulté n'est pas insurmontable. Pour le malade hospitalisé, qui s'en remet, en général, avec une grande confiance, à ceux qui le soignent, le risque est de faire naître, à cause de l'impénétrabilité du langage scientifique, des inquiétudes qui, le plus souvent, n'ont pas de raison d'être, ce qui peut perturber le cours du traitement : lire et commenter à un malade un document compliqué, où on lui explique avec précaution qu'on va faire sur lui quelque chose qui n ·est pas tout à fait courant et pour lequel on a besoin de son consen­tement écrit, cela n'est pas une démarche très agréable; c'est en tout cas une démarche qui, dans cer­taines circonstances, est franchement inopportune ; sans parler des cas où lobstacle de la langue, fréquent dans les hôpitaux des grandes villes, ajoute aux diffi­cultés de la communication.

Il ne faut cependant pas faire preuve de pessi­misme sur ce point puisque, dans les faits, il semble que la période où des expérimentations, scientifi­quement légitimes, étaient faites à l'insu du malade et même parfois du personnel soignant est révolue sans que lon ait rencontré de freins réellement sérieux à la conduite des recherches. Cela tend à prouver que l'on peut expliquer à des malades que l'on a besoin d'eux pour le progrès de la science médicale et que, avec un peu de cœur et d'intelligence, on peut franchir le barrage que constitue la communication à une personne non formée des données scientifiques qu'elle doit connaître pour pouvoir accepter librement ce qu'on lui propose.

. . En ce qui concerne le consentement des personnes

qui se prêtent à une expérimentation, la nouvelle loi met en forme des exigences dont nul ne peut contester la légitimité. Dans la mesure où elle prend très largement en compte des leçons de la pratique, elle devrait pouvoir être mise en œuvre sans trop de difficultés. La

Page 13: LES ESSAIS THÉRAPEUTIQUESAprès Chambéry, en 1981, Le Mans, en 1983, Brive, en 1985, Après le Congrès Européen à Versailles, en 1988, LE CONGRÈS NATIONAL DU C.C.M.F. aura lieu

recherche dans le domaine médical est une nécessité évidente et il existe probablement dans notre pays une sorte d'unanimité pour son développement. La nécessité du passage par l'expérimentation sur l'être humain, qui n'est que très vaguement perçue par l'opinion publique, est elle-même, vraisemblablement acceptée dans la mesure où elle conserve un caractère flou et hypothétique ; à ce niveau, le consensus existe. Il est moins sûr que, dans le concret des situations, le formalisme du recueil du consentement, que la nouvelle loi a rigidifié par rapport aux pratiques suivies, ne crée pas certains obstacles au travail des expérimentateurs. Une certaine éducation des personnes sera sans doute à conduire dans ce domaine si l'on veut éviter, à terme, que le dispositif dont notre pays vient de se doter, ne se retourne contre les bonnes intentions qui I' ani­ment. •

OUVRAGES CONSUL TÉS

- COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

LA RÉGLEMENTATION DES MÉDICAMENTS DANS LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE - JUILLET 1984

- L'HOMME BIO-ÉTHIQUE Pour une déontologie de la recherche sur le vivant. Anne Fagot-Largeault, Psychiatre attaché à l'hôpital Henri­Mondor, Maître assistant de philosophie à l'Université de Paris XII ; Collection Recherches Interdisciplinaires dirigée par Pierre Delattre. • Maloine, 27, rue de l'Ecole-de-Médecine, 75006 Paris.

- ACTES JUIN 1985

- Le corps objet (d'essais thérapeutiques) par F. Locher . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 10

notamment: - A propos de la mise en place des comités d'éthique

par C. Ambroselli . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 14

- Dossier (( BIOETHIQUE )) - Directives internationales

(Nuremberg, Helsinki, Manille) . . . . . . . . . . . . . page 75

Association « Actes », 1, rue des Fossés-Saint-Jacques, 75005 Paris.

- MANUEL DE L'INVESTIGATEUR Un essai thérapeutique ? oui, mais ... Maxime Dougados, Médecin investigateur, Clinique de rhu­matologie (Pr. B. Amor) Hôpital Cochin, Paris.

- LA DOCUMENTATION FRANÇAISE Étude du Conseil d'État: Sciences de la Vie - De l'éthique au droit n° 4855 - 1988 - 5.

- COMITÉ NATIONAL D'ÉTHIQUE - Avis du 9 octobre 1984 « Les problèmes d'éthique posés par les essais de nouveaux traitements chez l'homme. »

A noter

COTISATION 1989

à partir de 150 F

ABONNEMENT à Médecine de l'Homme

National .

Étranger.

270 F

280 F

• Demandez-nous les reçus pour déduction aux impôts.

• • Dans les départements où les trésoriers locaux

perçoivent les cotisations et les abonnements, nous les remercions d'être ainsi le trait d'union de chacun de vous avec le Secrétariat National.

• Nous remercions ceux qui nous les ont déjà fait parvenir.

11

Page 14: LES ESSAIS THÉRAPEUTIQUESAprès Chambéry, en 1981, Le Mans, en 1983, Brive, en 1985, Après le Congrès Européen à Versailles, en 1988, LE CONGRÈS NATIONAL DU C.C.M.F. aura lieu

12

DE LA VALEUR SCIENTIFIQUE DES ESSAIS DES MÉDICAMENTS SUR LE SUJET SAIN

par le Pr Paul LECHAT (*)

Après des années d'attente et de tergiversations, une loi française existe enfin réglementant les essais des médicaments chez l'Homme (1). Un vide qui était jugé regrettable vient donc d'être comblé, mais le bien fondé juridique ou éthique des dispositions prises ne sera pas examiné ici, ayant fait l'objet d'une prise de position antérieure de l'Académie nationale de Médecine (2). Le propos de cet article se bornera à dresser un bilan des renseignements scientifiquement valables que permettent de recueillir les essais effectués chez l'Homme sain.

Les investigations chez lêtre humain ne sauraient être entreprises que si les données expérimentales sur la toxicité et les propriétés pharmacologiques d'une nouvelle molécule se trouvent acquises. Dès 1975, !'Organisation Mondiale de la Santé avait déclaré que les études initiales sur l'Homme doivent nécessai­rement s'appuyer sur les épreuves effectuées chez l'animal (3). Le texte de la loi française est non moins formel à ce sujet : « aucune recherche biomédicale ne peut être effectuée sur l'être humain si elle ne se fonde pas ... sur une expérimentation préclinique suffisante». Mais le terme « être humain » concerne-t-il le sujet sain ou le malade, et que peut-on attendre des recherches initiales effectuées chez le sujet sain ? En ce cas, il faut utiliser le terme «expérience», état donné que de tels essais ne sont en rien bénéfiques pour la personne considérée, celle-ci n'ayant nul besoin par définition de recevoir un traitement médicamenteux.

Afin d'évaluer ce que de telles expériences réa­lisées chez un sujet sain peuvent apporter de scientifi­quement valable, il semble logique d'envisager les ren­seignements qu'elles peuvent fournir sur la toxicité, les effets et le sort dans l'organisme d'une molécule sus­ceptible de devenir un nouveau médicament.

1. - TOXICITÉ

Le dossier expérimental relatif à la toxicité d'une nouvelle molécule est aujourd'hui extrêmement lourd. Théoriquement, rien n ·échappe à la sagacité des toxico­logues des effets dangereux chez lanimal. Aucun produit qui se révèle cancérigène, mutagène ou téra­togène par exemple ne sort de leurs laboratoires. Pour des substances n'ayant rien montré de tel, mais qui ont

(*) (Institut de Pharmacologie, 15, rue de l'École-de­Médecine, 7500 Paris.)

Page 15: LES ESSAIS THÉRAPEUTIQUESAprès Chambéry, en 1981, Le Mans, en 1983, Brive, en 1985, Après le Congrès Européen à Versailles, en 1988, LE CONGRÈS NATIONAL DU C.C.M.F. aura lieu

cependant provoqué chez certains animaux des troubles fonctionnels plus ou moins graves, en quoi leur administration à des hommes sains va-t-elle nous ren­seigner sur leur degré d'innocuité ?

Il faut distinguer ici deux ordres de dangers : ceux qui sont inhérents aux effets pharmacologiques et sont donc prévisibles, et ceux qui paraissent sans relation avec eux a priori et sont par là même imprévisibles.

Les premiers sont de mieux en mieux précisés et on peut dire que la toxicité d'un médicament est d'autant mieux connue que son étude pharmacologique a été plus poussée. Vis-à-vis de l'effet principal d'un produit donné, l'Homme sain a toutes chances de se comporter au moins comme les animaux sains de l'une des espèces animales sur lesquelles les études expéri­mentales ont été réalisées. Cependant, rechercher les effets de doses de plus en plus fortes, comme on le fait chez l'animal, jusqu'à obtenir des signes d'intoxication ne serait utile que pour rechercher le meilleur traitement à mettre en œuvre chez l'Homme en cas d'intoxication aiguë, volontaire ou accidentelle. Ce genre d'intoxi­cation sur des sujets sains est peut-être scientifi­quement logique, mais semble inutilement dangereuse, car il est possible de procéder à des investigations chez l'animal.

Mettre en évidence chez le sujet sain les effets pharmacologiques accessoires, gênants, de certains médicaments parfaitement établis chez l'animal, n'offre pas non plus beaucoup d'intérêt. Il en va ainsi de l'action anticholinergique de certains psychotropes, que les malades subiront de toute façon.

Quant aux effets indésirables que je qualifie de véri­tables car ils sont imprévisibles, un bien petit nombre peuvent être décelés à coup sûr chez le sujet sain. Il s'agit de réactions impossibles à mettre en évidence chez l'animal, qui vont des hallucinations aux pares­thésies et aux sensations désagréables (fourmille­ments, prurit), dont l'Homme est seul capable de faire part.

Quant aux accidents graves, non prévisibles par l'expérimentation animale, tels que pancytopénie, syn­drome de Lyell, hépatites, etc ... , un essai sur quelques sujets sains ne saurait les prévoir. En effet ils appa­raissent chez des malades avec une incidence souvent très faible (1 sujet sur 10 000 ou 100 000), quelquefois après une longue durée d'administration de doses répétées. Toutes ces conditions sont exactement opposées à celles de l'expérimentation préclinique: petit nombre de sujets réputés sains, administration de quelques doses pendant un temps limité l Ni les acci­dents d'ordre immune allergique, ni ceux qui dépendent d'un équipement enzymatique déficient d'origine géné­tique ne seront prévus non plus par des essais chez quelques sujets a priori normaux.

( 1) Loi n° 88-1138 du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales. Journal Officiel de la République française, 22 décembre 1988, pp. 16032-16035.

(2) J.-L. Lortat-Jacob, Rapport. Expérimentation sur l'Homme, Bull. Acad. Ntle. Méd., 1988, 172, 487-493.

(3) Guide pour lévaluation des médicaments à usage médical. Rapport d'un groupe scientifique de l'OMS, n° 563, 1975.

Il. - PHARMACODYNAMIE

Il s'agit de l'ensemble des effets (principaux et accessoires) exercés dans lorganisme par un médi­cament donné. Or, l'immense majorité des substances actives ne peuvent manifester leur action bénéfique que dans la mesure où elles corrigent un trouble patholo­gique. Chez l'individu sain, il leur sera impossible a priori de produire des effets autres que toxiques. Toute la classe des anti-infectieux se trouve déjà dans ce cas : il est évident que l'activité d'un antibiotique ou d'un anti­parasitaire ne sera pas démontrée chez un sujet non porteur de l'agent pathogène. Il en va de même pour les antinéoplasiques, qui ne peuvent que s'attaquer aux cellules normales du sujet sain. Mais de nombreuses classes de médicaments dits symptomatiques se trouvent dans le même cas : il est impossible d'évaluer lactivité des antidépresseurs, des neuroleptiques ou des antiparkinsoniens chez le sujet normal, des anti­hypertenseurs chez le sujet normotendu, des antipyré­tiques chez le sujet afébrile, des antiangoreux chez le sujet aux coronaires saines, des anti-inflammatoires chez le sujet indemne de toute atteinte inflammatoire, des antitussifs ou des bronchodilatateurs chez le sujet à l'appareil respiratoire indemne, etc ...

Les seules exceptions sont représentées par des médicaments qui modifient les constantes biologiques normales et dont leffet proportionnel à la dose sera mesurable chez le sujet sain, dont l'équilibre se trouvera perturbé artificiellement. Il en va ainsi des modifications de la crase sanguine (anticoagulants coumariniques, héparines), des hypoglycémiants (insuline, sulfamides hypoglycémiants). Toutefois certains médicaments ne corrigent que des perturbations pathologiques et leur activité ne peut être évaluée que chez des malades. Dans cette catégorie, on peut ranger les antithyroï­diens, les normolipidémiants, les antigouteux, les cor­recteurs des troubles de l'équilibre phosphocalcique. Les effets de ces médicaments chez le sujet sain n'ap­portent pas de renseignements valables et en outre ils peuvent être inutilement dangereux.

On peut admettre théoriquement que les anesthé­siques généraux et les anesthésiques locaux bloquent de façon identique lactivité du système nerveux chez les sujets sains et chez les malades, et que les résultats obtenus chez les premiers vont être strictement trans­posables aux seconds. Ceci n'est vrai que partiel­lement, car on sait que la diffusion et l'inactivation de ces agents varient en fonction de l'âge, du morphotype, mais aussi des conditions pathologiques. Chez les malades âgés, ou obèses; ou insuffisants hépatiques, un produit donné pourra induire une durée d'anesthésie différente de la durée moyenne obtenue chez un groupe de sujets sains, adultes, de poids normal homogène. On connaît également la moindre activité des anesthé­siques locaux injectés dans un tissu œdématié compa­rativement à un tissu sain.

Le seul cas où l'étude de l'activité pharmacologique est réalisée en toute logique chez des sujets sains est celui des contraceptifs. Ici les utilisateurs ne sont pas des malades (dans la grande majorité des cas) et I 'effi­cacité doit être démontrée chez un organisme dont le fonctionnement normal va être pertubé artificiellement. A cette fin les essais des estroprogestatifs administrés per os ont été et sont toujours effectués chez des

13

Page 16: LES ESSAIS THÉRAPEUTIQUESAprès Chambéry, en 1981, Le Mans, en 1983, Brive, en 1985, Après le Congrès Européen à Versailles, en 1988, LE CONGRÈS NATIONAL DU C.C.M.F. aura lieu

Les essais sur le sujet sain

groupes importants de femmes en état de procréer, seule méthode valable pour obtenir des résultats statis­tiquement significatifs.

Ill. - PHARMACOCINÉTIQUE

La résorption, la diffusion, les biotransformations et l'élimination des médicaments, c'est-à-dire leur phar­macocinétique, présentent des différences marquées entre espèces animales. C'est peut-être là que les sur­prises sont le plus à craindre lors du passage à l'espèce humaine, et où les contrôles chez le sujet sain semblent les mieux justifiés.

Pour y parvenir, on procède à deux opérations essentielles : la mesure des taux sanguins obtenus après ladministration par une voie donnée et la recherche qualitative puis quantitative des métabolites excrétés. Le principe en est simple, mais la réalisation et l'interprétation des résultats sont beaucoup moins aisées.

La concentration sanguine d'un médicament doit être dosée après prise unique de doses différentes, à plusieurs reprises au cours des 24 heures suivantes. Ceci permet de calculer la demi-vie du produit.

Les résultats permettent de choisir la voie correcte par laquelle le médicament pourra être administré, orale ou parentérale. Cependant, si pour les antibiotiques par exemple, l'activité est assez bien corrélée en général avec les concentrations dans le sang, il est évident que seules comptent les concentrations atteintes au niveau du foyer infectieux ou de l'organe cible ; or nombreux sont les médicaments qui disparaissent rapidement du sang et pour lequel la relation entre taux sanguins et activité n'existe pas. Les méthodes nouvelles de détection de molécules marquées (spectrométrie de résonance magnétique nucléaire in vivo, tomographie d'émission de positons) permettront de repérer les sites de fixation d'une molécule marquée dans le corps humain mais elles posent des problèmes pratiques qui sont loin d'être résolus.

Il faut également mesurer les taux sanguins après administration répétée d'une même dose (une ou plu­sieurs fois par 24 heures), afin de savoir s'il y a accumu­lation du produit ; cette donnée est importante car elle va fixer le rythme des administrations à respecter chez les malades. Tout xénobiotique introduit chez un Mam­mifère y subit des transformations plus ou moins pro

14

fondes, qui vont en général l'inactiver et permettre son élimination. Il est utile de connaître ces processus chez l'Homme sain, et les progrès réalisés au cours des 20 dernières années par la chimie analytique (HPLC couplée ou non à la spectrométrie de masse, utilisation de molé­cules marquées avec des isotopes non radioactifs), per­mettent aujourd'hui de connaître beaucoup mieux les métabolites formés à partir des médicaments. A cette fin, les quantités administrées peuvent être faibles, ce qui évite le risque d'intoxication. Les données obtenues sont à coup sûr scientifiquement valables, car elles per­mettent de prévoir dans quelle mesure par exemple les systèmes enzymatiques du foie humain sont impliqués dans les biotransformations d'un nouveau produit. Ceci a un double intérêt : se méfier de la toxicité du produit chez les insuffisants hépatiques, et surtout éviter les associations avec d'autres médicaments susceptibles de stimuler ou d'inhiber les enzymes des microsomes hépatiques, et ainsi d'abaisser ou d'augmenter les quantités de médicament actif. Les conséquences peuvent en être dramatiques : inefficacité thérapeutique (inactivation des contraceptifs oraux par la rifampicine), accidents par excès d'activité (potentialisation de l'effet des anticoagulants coumariniques par administration concomitante de phénylbutazone, multiplication par 10 des taux sanguins de la ciclosporine par association au kétoconazole, etc ... ).

Les processus d'élimination d'un nouveau médi­cament peuvent être recherchés eux aussi chez le sujet sain : par quelle voie principale (urinaire, fécale) sous quelle forme (substance active, métabolites inactifs), et dans quel délai. Le médecin saura ainsi si, par exemple un anti-infectieux peut agir au niveau des voies uri­naires, et s'il faut ou non réduire sa posologie chez les insuffisants rénaux.

Il serait scientifiquement intéressant enfin d'explorer le passage d'un nouveau médicament à travers le placenta et son élimination dans le lait. A ce sujet, larticle L-209-4 de la loi indique que les recherches sans finalité thérapeutique directe sur les femmes enceintes ou qui allaitent ne sont admises que si elles ne présentent aucun risque prévisible pour la santé de la femme ou de lenfant, et si elles sont utiles à la connaissance des phénomènes liés à la grossesse ou à lallaitement.

DISCUSSION

A quoi servent les données toxicologiques et phar­macologiques obtenues chez le sujet sain, autrement dit quelle justification scientifique peut-on trouver à leur établissement 7

- Précisent-elles le domaine des applications thérapeutiques d'un nouveau médicament? certai­nement pas. Celles qui sont attendues découlent logi­quement des propriétés pharmacologiques de la nou­velle molécule déjà établies expérimentalement ; les autres seront découvertes plus tard, au cours de l'utili­sation du médicament chez un grand nombre et une grande diversité de malades de façon fortuite la plupart du temps et parfois des dizaines d'années après la pre­mière utilisation d'un produit: que l'on songe aux effets de l'aspirine sur la crase sanguine, ignorés pendant si longtemps ...

Page 17: LES ESSAIS THÉRAPEUTIQUESAprès Chambéry, en 1981, Le Mans, en 1983, Brive, en 1985, Après le Congrès Européen à Versailles, en 1988, LE CONGRÈS NATIONAL DU C.C.M.F. aura lieu

- Permettent-elles d'établir les modalités d' ad­ministration d'un nouveau médicament ? Oui, dans une certaine mesure. Les modes de résorption, les vitesses respectives de diffusion et d'élimination d'une molécule exogène introduite dans le corps humain sont capables d'indiquer au futur prescripteur les meilleures modalités de son administration (voies, rythme).

ceux-ci ne sont connus qu'au terme d'une longue utili­sation par de nombreux malades de toutes conditions. Les exemples sont classiques, mais l'un des plus récents sans doute concerne la ciclosporine, dont l'effet néphrotoxique chronique n'a été découvert qu'après 5 ans d'utilisation chez des transplantés car­diaques.

CONCLUSION

Il ne faut cependant pas oublier que les concentra­tions sanguines mesurées peuvent ne pas correspondre aux concentrations obtenues au niveau des éléments cibles (organe, tissu, molécules réceptrices), et qu'une accumulation dans telle partie de l'organisme peut fort bien passer inaperçue. Il faut surtout tenir compte des différences dans la pharmacocinétique d'un même dérivé selon l'âge, le morphotype, les conditions patho­logiques (insuffisance rénale ou hépatique en parti­culier), et les médicaments associés, ce qui minimise la valeur des chiffres obtenus chez un groupe d'adultes sains, de poids normal, jeunes en général et ne recevant qu'un seul produit à la fois. La transposition des résultats aux malades très jeunes ou très âgés ne peut être faite qu'avec la plus grande prudence.

- Permettent-elles de prévoir les effets indé­sirables d'un nouveau médicament ? Non, car

Il est permis de conclure de ce bilan critique que les essais d'un nouveau médicament chez le sujet sain apportent des données de valeur scientifique limitée, et qu'il est souvent inutile sinon dangereux de les déve­lopper outre mesure avant de passer à l'évaluation chez les malades. A l'heure où les expérimentateurs ont réussi à limiter le nombre des animaux utilisés pour établir la toxicité et les propriétés des molécules nou­velles, il serait paradoxal de multiplier, pour de fausses raisons scientifiques ou pour satisfaire des exigences bureaucratiques, le nombre des sujets sains soumis à des contrôles préalables aux essais thérapeutiques, ces derniers étant les seuls capables en définitive de juger de l'intérêt d'un médicament. •

VIE DES MOUVEMENTS MÉDICO-SOCIAUX CHRÉTIENS

par le Dr Pierre CHARBONNEAU

RENCONTRE - Année 1988 - N° 68 -Revue publiée par le Mouvement Chrétien de Professions Sociales

Le sujet de ce numéro est d'une grande actualité et d'un grand intérêt, car il a trait à I' « interrogation éthique du travailleur social». Cette interrogation éthique est de plus en plus d'actualité, car, comme le met en évidence l'article de Pierre Moitai, ils nous font faire face chaque jour aux défis pro­voqués par la crise, la modernité et la durée - chaque jour les travailleurs sociaux ont à affronter des situations nouvelles et répondre à des personnes qui les subissent et en font les frais. A cet article, fait suite une série de témoi­gnages qui mettent bien en évidence les problèmes éthiques auxquels ont à faire face les conseillers en économie sociale et familiale, les assistantes sociales chargées des prisons, et celles de secteur, les psychologues. Au milieu de ces témoignages, on lira avec intérêt l'ar­ticle de notre aumônier, le frère Pierre Lambert op, qui s'efforce de donner une réponse à une question bien délicate : le

travail social est-il au service de l'homme ou de la société ? Enfin le premier et le dernier article consti­tuent en quelque sorte les piliers de ce numéro très important. Jean Gélamur, au début, nous fait part de son expérience au sein du« Comité d'éthique», sur le travail réalisé sur lévolution générale de ce travail : au départ. il portait sur des pro­blèmes très opératoires à finalité sani­taire ; peu à peu, il a abouti à une réflexion philosophique sur la personne. Très inté­ressant aussi sont les réponses données aux questions concernant les différences existantes entre l'interrogation morale et l'interrogation éthique. Daniel Laurent, à la fin traite de la permanence et de la fra­gilité des valeurs. Après avoir essayé de donner une définition de la «valeur», il nous donne la façon dont celle-ci est perçue dans le monde antique, au temps de la philosophie des lumières, puis dans la période actuelle. Les pages qui suivent sur la permanence, puis la fragilité et la mouvance des valeurs sont d'un grand intérêt. Un numéro très passionnant qui incite à la réflexion.

A.H. - AUMÔNERIE DES HÔPITAUX, CLINIQUES, MAISONS DE RETRAITE ET DE CURE - N° 121 - Janvier 1989

Le numéro est intitulé : partenaires pour l'unique mission. Il contient tout d'abord un historique sur la mise en place des équipes d'aumônerie des hôpitaux. Il est suivi d'un article de Pierre Tn"pier qui situe /'aumônerie ho~italière au sein des diverses institutions d'Etat et tout particulièrement l'hôpital, et d'un autre article de Guy Charles, délégué diocésain à la Pastorale de la Santé de Montpellier, précisant le champ de la mission. car elle n'est pas seulement celle des malades. Le rôle des femmes en aumô­nerie est ensuite décrit par une religieuse et une infirmière qui s'est engagée comme responsable. Tous ces articles ne pouvant qu'intéresser les médecins catholiques qui sont incités à participer à l'action de ces aumôneries. Signalons enfin le premier article du Car­dinal Decourtray qui est une réflexion sur la situation actuelle de l'Église en France. Au terme de celle-ci, P.eut-être voyons-nous dans quel sens l'Ëglise de France est appelée. •

15

Page 18: LES ESSAIS THÉRAPEUTIQUESAprès Chambéry, en 1981, Le Mans, en 1983, Brive, en 1985, Après le Congrès Européen à Versailles, en 1988, LE CONGRÈS NATIONAL DU C.C.M.F. aura lieu

16

PROBLÈMES ÉTHIQUES CONCERNANT L'ÉTABLISSEMENT DES PROTOCOLES EN CANCÉROLOGIE

par le Pr R. FLAMANT(*)

Nous envisagerons dans cet article l'aspect éthique que soulève létablissement de protocoles concernant le diagnostic et le traitement des malades en pratique courante, et les essais thérapeutiques en cancérologie. Nous n'aborderons pas les problèmes que pose la recherche sur l'homme à des fins non thérapeutiques.

PROTOCOLES EN PRATIQUE COURANTE

Il existe en cancérologie une batterie de plus en plus nombreuse de tests à visée diagnostique dans des domaines variés : imagerie médicale, anatomie patholo­gique, biologie clinique... Il existe des traitements relevant de disciplines différentes: chirurgie, radiothé­rapie, chimiothérapie, hormonothérapie, bientôt immu­nothérapie, dont les combinaisons pour le traitement d'une localisation cancéreuse donnée, à un stade d'évolution donné, sont très nombreuses.

C'est dire qu'en présence d'un patient atteint d'un cancer, tout médecin doit adopter une attitude rationna­lisée selon une réflexion a priori. Celle-ci est consignée dans un protocole, qu'il revête la forme d'un document écrit, comme c'est la règle actuellement, ou de sys­tèmes informatisés d'aide au diagnostic et à la théra­peutique, tels les systèmes experts qui se dévelop­peront de plus en plus. Ces documents doivent être révisés régulièrement, en fonction des progrès des connaissances.

Contrairement à une opinion souvent répandue, de tels protocoles ne sont pas une contrainte aveugle pour le praticien, qui garde la responsabilité de les interpréter devant un cas particulier. Par contre, ils représentent une véritable garantie pour tout patient se confiant au médecin. Ils sont la règle dans les Centres de lutte contre le cancer ou les services spécialisés. Ils devraient être utilisés dans tout service traitant des malades atteints de cancer, y compris des services monodisciplinaires (chirurgie, médecine générale, radio­thérapie ... ).

Il arrive que les protocoles de traitement ne soient pas semblables dans des services différents pour un cancer de même localisation et de même stade. Cette divergence s'explique par le fait qu'il n'y a pas appa-

(•) Directeur de l'Institut Gustave-Roussy (Villejuif). Professeur à la Faculté de Médecine Paris-Sud.

Page 19: LES ESSAIS THÉRAPEUTIQUESAprès Chambéry, en 1981, Le Mans, en 1983, Brive, en 1985, Après le Congrès Européen à Versailles, en 1988, LE CONGRÈS NATIONAL DU C.C.M.F. aura lieu

remment de démonstration qu'un des traitements soit supérieur à l'autre. Cette diversité heurte à juste titre les patients qui ne la comprennent pas, surtout s'il s'agit de 2 services d'égale renommée. Il y a là à mon avis un problème d'éthique collective qui doit être pris en compte par les responsables de la communauté médicale et scientifique.

Des discussions prolongées d'un groupe pluridisci­plinaire, type conférence de consensus, peuvent parfois arriver à dégager une ligne de conduite homogène reconnue par l'ensemble. S'il n'en est pas ainsi, force est de constater qu'il y a insuffisance de connais­sances. Dans ces cas, l'éthique exige de recourir à des essais thérapeutiques rigoureusement conduits pour progresser dans lévaluation comparée des traite­ments.

PROTOCOLES D'ESSAIS THÉRAPEUTIQUES EN CANCÉROLOGIE

Les règles d'éthique

Les règles d'éthique dans les essais thérapeutiques se sont progressivement dégagées au cours de discus­sions sur un plan international : Nuremberg ( 194 7), Hel­sinki (1964), Tokyo (1975), Manille (1981). Une syn­thèse ainsi qu'une adaptation à l'esprit français ont été faites par le Comité National de Bioéthique dans un document, publié en 1984, qui reste une référence sur ce sujet [ 1 ]. Une loi récente est venue apporter des pré­cisions, dont certaines sont très contraignantes ( 1).

Ces règles sont applicables à tout essai en cancé­rologie, avec un certain nombre de particularités. Nous les envisagerons successivement selon les phases clas­siques d'évaluation de tout nouveau traitement.

Phase 1

C'est celle qui s'individualise le plus en cancéro­logie [2].

Alors que pour la plupart des essais de nouveau médicament, on a recours à des volontaires sains, les essais de phase 1 d'un nouveau anticancéreux se font sur des patients atteints d'un cancer évolué devenu insensible à tout traitement connu. Ils se font dans un seul Centre, en procédant par paliers de dose, comme il est décrit dans les ouvrages spécialisés [3]. Le pro­blème éthique majeur est posé par la posologie utilisée en début d'essai; les doses sont choisies faibles pour contrôler la toxicité mais, de ce fait, elles ont peu de chance d'être actives. Il faut s'efforcer de raccourcir cette période et choisir les localisations cancéreuses comme pour une phase Il, c'est-à-dire celles ayant a priori le plus de chances de réagir au traitement. Il faut être en mesure, dès cette phase 1, de déceler le plus vite possible des réponses au traitement.

Phase Il Comme on la vu précédemment, il faut faire en

cancérologie des phases 1-11. Dès le seuil de tolérance établi, on peut continuer l'essai sur le même type de malades, de façon à étudier le taux de réponses posi-

( 1) Loi n° 88-1138 du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches bio­médicales. J.O. du 22-12-1988.

tives, appréciées en pourcentage de régressions tumo­rales complètes et partielles. Il est nécessaire de bien distinguer les régressions tumorales complètes des partielles, les premières ayant évidemment une plus grande valeur.

Phase Ill

C'est la phase où lon compare 2 attitudes théra­peutiques avec attribution au hasard pour un malade entrant dans l'essai de l'un ou l'autre traitement. Si l'on admet que l'on compare le meilleur traitement connu à un nouveau traitement, éventuellement supérieur en efficacité mais éventuellement aussi plus dangereux, on peut considérer que sur le plan éthique le bilan avanta­ges-inconvénients est équilibré pour l'ensemble des malades de l'essai. Il n'y a donc pas préjudice au niveau d'un individu et il y a bénéfice au niveau de la collec­tivité. Seule une telle méthode est susceptible d'ap­porter un résultat interprétable. Un essai non rigoureux sur le plan méthodologique n'est donc pas éthique.

Un problème difficile se pose en cancérologie à cette phase: c'est celui du consentement libre et éclairé des malades. Dans les discussions en Comité d'éthique, les membres non médecins sont très en faveur d'une information la plus complète possible sur les modalités d'essai, ce qui implique une totale vérité sur le diagnostic et le degré d'évolution du cancer. On peut comprendre ce point de vue, surtout quand il est exprimé par des personnes non malades. On peut aussi comprendre le point de vue de cancérologues expéri­mentés qui, tout en s'efforçant d'approcher le plus pos­sible la vérité, estiment en leur âme et conscience qu'on ne peut tout dire brutalement, au moment du diag­nostic, avant le début du traitement, en phase d'anxiété maximum du malade.

La phase Ill pour un nouveau produit, se conclut en général par la demande d'autorisation de mise sur le marché (AMM). Il est à noter que la Commission d' AMM accepte souvent, pour des raisons d'éthique, de commercialiser tôt des produits anticancéreux, fin phase Il, début phase Ill. En effet, le souci est de ne pas priver la communauté médicale de médicaments qui ont une chance d'être actifs, laissant à la pratique cancéro­logique, limitée le plus souvent à des services spécia­lisés, le soin de faire la place exacte d'un nouveau trai­tement parmi ceux existant déjà.

Phase IV

La phase IV n'a pas en cancérologie la même signi­fication que dans les autres domaines pathologiques. Il s'agit essentiellement de la recherche de la meilleure combinaison de chimiothérapies ou d'associations entre les diverses formes de traitement: chirurgie, radiations et antimitotiques.

c· est aussi r évaluation des complications et séquelles des différents traitements (occlusions post­radiques, stérilité, seconds cancers .... ). Il importe sur le plan éthique de faire un bilan coût-efficacité : doit-on effectuer une chimiothérapie prolongée, difficile à sup­porter, pour prolonger de quelques mois une survie avec le risque de complications parfois sévères ? C'est là une question dont la réponse n'est pas facile.

17

Page 20: LES ESSAIS THÉRAPEUTIQUESAprès Chambéry, en 1981, Le Mans, en 1983, Brive, en 1985, Après le Congrès Européen à Versailles, en 1988, LE CONGRÈS NATIONAL DU C.C.M.F. aura lieu

Les protocoles en cancérologie

RÉSUMÉ

L'établissement de protocoles pour traiter des malades atteints de cancer est une nécessité, quelque soit l'endroit où les patients sont pris en charge.

Les protocoles d'essai thérapeutique en cancéro­logie posent les mêmes problèmes que dans I~~ ~utres maladies, avec en plus des aspects spec1f1ques, notamment en phases 1. •

BIBLIOGRAPHIE

En conclusion, on peut dire que les problèmes éthiques dans lapplication des protocoles thérapeu­tiques en cancérologie posent les mêmes difficultés que dans les autres maladies, avec en plus des aspects bien particuliers liés à la nature de la maladie cancé­reuse et à lagressivité des thérapeutiques utilisées jusqu'à maintenant. Les Comités d'éthique qui ont à se prononcer sur les protocoles d'essais en cancérologie éprouvent souvent de sérieuses difficultés avant de donner un avis car ils sont confrontés à des impératifs souvent contradictoires.

[ 1) Comité Consultatif National d'Éthique pour les Sciences de la Vie et de la Santé. Problèmes d'éthique posée par les essais de nouveaux traitements chez l'homme. INSERM, 1984.

[2] R. Flamant. - Questions éthiques particulières aux.essais de phase 1 réalisés chez les malades cancéreux. Ethique Hospitalière, Suppl. 32, Concours Médical, 1987.

[3) R. Flamant, H. Sancho-Garnier. - Essais thérapeutiques. ln: Thérapeutique des Cancers, 410-426, Edit. M. Tubiana. Encyclopédie des Cancers, Flammarion Méde­cine-Sciences, 1986.

COMMUNIQUÉS QUATRE SESSIONS AUTOUR DES QUESTIONS SOCIALES ET DE SANTÉ

Le Centre Thomas More propose au prin­temps 1989:

• les 18-19 mars : « La maladie dans le champs des malheurs ou Pourquoi est-ce à moi que cela arrive?», avec A. JUL­LIARD, O. GROS, Y LEQUIN ...

• les 29-30 avril et 10-11 juin : deux rencontres sur « Le travail social et l'État», avec J.-M. GOURVIL et M. TALEGHANI.

• les 20-21 mai:« L'expérimentation sur l'homme et la biologie», avec F.-A. ISAMBERT, sociologue, O. FICHOT, Institut Pasteur, A. LANGLOIS, Comité d'Éthique, Nicole LERY, Laboratoire de Médecine Légale ...

• les 20-21 mai: une Table Ronde sur « Socialisation des jeunes issus de l'im­migration » présentera les recherches et travaux de plusieurs sociologues et formateurs du C.R.E.S.A.L., et de divers organismes sociaux de Saint­Étienne.

Centre Thomas More, La Tourette, B.P. 105, 69210 L' Arbresle, Tél.: 74.01.01.03. •

18

CENTRE DOCUMENTATION RECHERCHE

Le C.D.R. propose des stages visant à fournir des clefs d'analyse pour la for­mation personn~lle, sociale, culturelle. En voici la liste : Evaluation dans le travail socio-éducatif pour un apprentissage d'une auto-formation permanente, 12 au 16 juin - Analyse Transactionnelle : une ressource dans les situations d'aide, 22 au 24 juin - Personnalisme et individua­lisme, hier et aujourd'hui, 5 au 9 juillet -Expression orale et communication, 1 au 3 juillet - Conduite de réunion et travail en équipe, 11 au 13 juillet.

Nous signalons en particulier trois stages qui peuvent constituer éventuellement un cycle de formation: formation à l'en­tretien dans la relation soignant-soigné, dans l'accompagnement en fin de vie, dans la relation de détresse, du 16 au 19 mai - Le travail en deuil : rupture, sépa­ration, mort, du 1 au 4 juin - Accompa­gnement des mourants, soins palliatifs: que faire quand il n'y a plus rien à faire?, du 5 au 9 juin.

Renseignements: C.D.R., 104, rue de Vaugirard, 75006 Paris, en joignant timbres. Tél.: (1) 42.22.07.48. •

AIDE À L'AMÉRIQUE LATINE

Le Comité National Français de Liaison pour la Réadaptation des Handicapés (C.N.F.L.R.H.) (Association Loi 1901) développe depuis 1986 des actions d'aide aux personnes handicapées de lAmérique Latine.

Ce travail est assuré par un groupe fran­co-latino américain constitué par 10 per­sonnes bénévoles.

Cette aide consiste à la récupération, la 'réparation et l'envoi dans les pays de lAmérique Latine de fauteuils roulants, orthèses, prothèses et matériels médicaux divers. C'est ainsi qu'ont déjà été envoyés 1 010 fauteuils roulants, 10 000 paires de lunettes, 2 500 orthèses, 500 prothèses, 600 lits, des équipements odontologiques et chirur­gicaux divers.

Les donations et le transport des maté­riels sont entièrement gratuits pour les institutions bénéficiaires.

Le C.N.F.L.R.H. fait appel à nous pour les aider dans la collecte de matériels en diffusant leur œuvre auprès de nos adhérents et, si possible auprès des Organismes qui vous sembleraient inté­ressants pour cette tâche.

Ceux qui désirent participer à cette aide peuvent prendre contact directement avec le : Comité National Français de Liaison pour la Réadaptation des Han­dicapés, 38, bd Raspail, 75007 Paris. Tél.: (1) 45.48.90.13. •

Page 21: LES ESSAIS THÉRAPEUTIQUESAprès Chambéry, en 1981, Le Mans, en 1983, Brive, en 1985, Après le Congrès Européen à Versailles, en 1988, LE CONGRÈS NATIONAL DU C.C.M.F. aura lieu

Calcul du rein La réponse est à Vittel

Vous souffrez de coliques néphrétiques? La cure à Vittel peut vous éviter l'intervention chirurgicale. Et si l'intervention chirurgicale s'avère indispensable, la cure reste certaine­ment la meilleure préparation à l'opération.

La cure de boisson à la source favorise une augmentation du débit urinaire et procède ainsi à un véritable lavage des cavités rénales.

Par leur richesse en magnésium aux propriétés anticristallisantes bien connues, les Eaux de Vittel évitent la reconstitution des calculs. Grâce à leurs qualités sédatives et antispasmo­diques, les Eaux de Vittel calment les douleurs.

L'hydrothérapie et les massages donnés dans

un complexe thermal ultra-moderne par un personnel qualifié (tous nos kinésithérapeutes sont diplômés d'Etat) complètent et renfor­cent les effets de la cure de boisson.

Enfin, les bienfaits du climat, un environne­ment naturel exceptionnel (600 hectares d'es­paces verts aménagés!) et des installations sportives et de loisirs les plus variées font de Vittel un lieu idéal pour votre repos et la remise à neuf de votre organisme.

Vittel est ouvert toute l'année. Parlez-en à votre médecin.

Pour tous renseignements pratiques, télépho­nez à Vittel au 29.08.00.00.

Page 22: LES ESSAIS THÉRAPEUTIQUESAprès Chambéry, en 1981, Le Mans, en 1983, Brive, en 1985, Après le Congrès Européen à Versailles, en 1988, LE CONGRÈS NATIONAL DU C.C.M.F. aura lieu

LES ESSAIS CONTRÔLÉS: DES BONNES INTENTIONS AUX EFFETS PERVERS

par le Dr Jacques SERVIER

Comment des essais institués pour faire triompher la vérité peuvent-ils conduire au mensonge ? Comment des études destinées à assurer la sécurité peuvent-elles pousser à /'accident?

Pourquoi la médecine scientifique prend-elle parfois les médecins pour des faibles d'esprit?

Trois questions en forme de paradoxe auxquelles répond ici Jacques Servier, fondateur et patron d'un grand laboratoire qui gère chaque année

un capital de près de 1 000 études pré-cliniques et cliniques.

1. - POURQUOI LES ESSAIS CONTRÔLÉS 7

L'extrême complexité des phénomènes médicaux rend un jugement exact souvent difficile. C'est pourquoi l'on s'est efforcé d'établir des tests précis sans illusion et sans complaisance.

Le principe était excellent. Les résultats vont souvent à /'encontre du but poursuivi tant il est vrai que l'enfer est pavé de bonnes intentions.

Il. - LES EFFETS PERVERS

Au cours des trente dernières années, les exi­gences n'ont fait que s'accroitre. Et les effets pervers sont là : essais ruineux qui stérilisent la recherche, essais interminables qui découragent la recherche, obligation de ne créer que des médicaments d'une activité explosive et trop fortement dosés, danger trop certain pour le malade, inutilité fréquente, pro­blèmes posés à la conscience du médecin, négation du jugement humain, résultats faux par définition.

Ill. - DES ESSAIS RUINEUX QUI STÉRILISENT LA RECHERCHE

C'est largement le coat très élevé des essais contrôlés qui explique /'énormité des dépenses de développement qui atteignent souvent 300, 500, 600 millions de francs.

Il faut le dire, ces budgets énormes aboutissent à la spoliation des moyens dont devrait disposer la recherche créative, celle qui aboutit à /'invention et assure le progrès. Il n'est pas douteux que sans cette énorme dissipation de fonds, des réponses auraient été trouvées contre des maladies qui restent un cau­chemar pour /'humanité.

20

IV. - DES ESSAIS INTERMINABLES QUI DÉCOURAGENT LES CHERCHEURS

Les budgets ne sont pas tout, il faut considérer le temps. L'on est heureux si l'on peut développer en dix ans un dossier moderne, ces dix ans s'entendant après la date de /'invention.

Il n'est pas rare qu'un chercheur attende pendant vingt ans avant de voir son invention se transformer en médicament.

Comment pourrait-on, dans ces conditions, maintenir /'enthousiasme et la motivation néces­saires?

V. - DES ESSAIS QUI DÉTRUISENT LA SÉCURITÉ

Pour les responsables d'un nouveau produit, le devoir le plus sacré est de ne pas mettre en danger le malade. Or, de plus en plus, l'accent n'est pas mis sur la sécurité mais sur la preuve à tout prix d'une activité incontestable. C'est une rupture d'équilibre dont on n'a pas fini de voir les conséquences aussi bien pour le progrès scientifique que pour la pratique médicale.

VI. - DES ESSAIS QUI POUSSENT A L 'ACTI­VITÉ À TOUT PRIX

Certains gouvernements dans le monde ont créé des systèmes si complexes que les décideurs ne peuvent pas connaitre le produit mais seulement le dossier.

Pour passer le mur de /'incrédulité, il est néces­saire de présenter des médicaments d'activité explosive. Or, de tels produits sont nécessairement dangereux. Et c'est pourquoi dans les dernières

Page 23: LES ESSAIS THÉRAPEUTIQUESAprès Chambéry, en 1981, Le Mans, en 1983, Brive, en 1985, Après le Congrès Européen à Versailles, en 1988, LE CONGRÈS NATIONAL DU C.C.M.F. aura lieu

années /'on a dû retirer de nombreuses thérapeu­tiques bien qu'elles aient- ou plus exactement parce qu'elles avaient - satisfait à des expérimentations très longues et très lourdes.

VII. - DES ESSAIS QUI POUSSENT À L 'ESCA­LADE DANS LE DOSAGE

C'est la même nécessité de la preuve à tout prix qui impose aux laboratoires de doser souvent beaucoup trop fortement leurs médicaments. Cette exigence est une autre grande raison des récentes catastrophes thérapeutiques.

VIII. - DES ESSAIS SOUVENT DANGEREUX

les méthodes actuelles d'expérimentation exposent parfois le malade à de réels dangers.

Il est simplement évident que les sujets sous placebo sont laissés à leur malheureux sort. C'est ainsi que, dans certains pays, des enfants sont morts qui avaient une chance d'être sauvés.

Il faut remarquer aussi que le caractère rigide du traitement ne permet pas de l'adapter à /'évolution de la maladie. l'exemple le plus typique est celui du diabète, la preuve en a été faite par la trop fameuse étude de /'U.G.D.P. (*).

IX. - DES ESSAIS SOUVENT INUTILES

Il est un fait certain, c'est que l'activité d'un médicament est souvent évidente.

Remarquons seulement que /'insuline, la digi­taline, la pénicilline, les neuroleptiques ont été créés à une époque où les essais restaient des plus som­maires.

X. - UN PROBLÈME POUR LA CONSCIENCE DU MÉDECIN

Il ne faut pas sous-estimer le problème moral posé. la médecine est dominée par /'obligation de moyens et comment pourrait-elle y prétendre chez un malade sous placebo ?

l'on peut aussi être quelque peu mal à l'aise devant des méthodes qui reposent sur/' usage systé­matique du mensonge. le consentement éclairé du malade peut difficilement être un consentement réel­lement éclairé.

l'on est frappé aussi par une étonnante négation du jugement humain. Les deux bases des essais contrôlés sont :

a) que le malade est incapable de juger son état,

(•) U.G.D.P.: University Group Diabetes Program.

b) que le médecin perdu dans ses illusions ne peut pas apprécier objectivement les symp­tômes.

Mais alors que penser de toutes les mesures qui se pratiquent dans le monde entier, qu'il s'agisse de biologie, de chimie, d'astronomie ou de physique ?

Et puis, dans tous les cas, si le médecin est un faible d'esprit, rêveur et illusionniste, incapable d'ap­précier un symptôme, comment serait-il capable de prescrire une thérapeutique ? Ou même de poser un diagnostic ?

XI. - DES ESSAIS FAUX PAR DÉFINITION

Institués pour faire triompher la vérité, les essais contrôlés sont faux par définition. Ils reposent, en réalité, sur /'isolement d'un tout petit nombre de pro­priétés du médicament, toutes les autres étant laissées de côté.

Lors de la conclusion des études les plus soi­gnées, il est donc très difficile de savoir ce que seront les propriétés globales du médicament.

XII. - UNE SYNTHÈSE DANS LA SAGESSE

Il faudra bien un jour revoir de fond en comble les essais thérapeutiques. Sinon, tout sera ruiné: la recherche, /'invention, le progrès, la lutte contre la maladie, la sécurité du malade.

Certes, il faudra conserver des moyens d'appré­ciation objectifs pour constituer un garde-fou néces­saire.

Mais il est tout à fait impératif d'élaborer une conception de la recherche et du développement thé­rapeutique qui fasse moins de place aux dossiers lourds, ruineux, interminables et inutiles, et qui mette bien davantage l'accent sur la recherche créative et sur /'observation intelligente du malade.

Ceux qui auront réussi cette œuvre auront répondu à l'un des plus grands besoins de la lutte contre la maladie. •

Liste des annonceurs FÉDÉRATION THERMALE ET CLIMATIQUE FRANÇAISE 6

VITTEL ............................. 19

EUROTHERMES . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . Ill

SERVIER ............................ IV

21

Page 24: LES ESSAIS THÉRAPEUTIQUESAprès Chambéry, en 1981, Le Mans, en 1983, Brive, en 1985, Après le Congrès Européen à Versailles, en 1988, LE CONGRÈS NATIONAL DU C.C.M.F. aura lieu

22

ÉTHIQUE DE LA NATURE ? ÉTHIQUE DE LA PERSONNE ?

par Bernard MATRA Y s.j. (*)

Un tel titre, d'entrée de jeu, découragera le lecteur, à cause de l'ampleur du sujet. Il invite donc à délimiter aussi rapidement que possible le champ de la recherche. Dans le cadre d'une réflexion sur les pro­créations médicalement assistées, ce sont surtout les concepts de nature, loi naturelle, auxquels l'Église se réfère si souvent dans son enseignement officiel, qui nous font difficulté.

Tout se passe comme si la philosophie de la per­sonne, en consonance immédiate avec la sensibilité contemporaine, faisait partie de I' «esprit du temps», alors que la philosophie de la nature, à l'inverse, suscite une réticence instinctive. Tenue pour désuète, tournée parfois en dérision, l'heure serait venue pour elle de céder la place.

Est-il possible de tenter une conciliation qui ne soit pas décevante mais aide, au contraire, à fonder des choix éthiques ?

NATURE ET DROIT NATUREL

Mettre de lordre dans un débat aussi complexe -et parfois aussi passionné - demande que soit précisé d'abord le sens de trois notions philosophiques qui sont, pourrait-on dire, cousines germaines : nature, droit naturel, loi naturelle.

Le concept de nature est un concept de la philo­sophie classique, présent déjà chez Aristote (IV8 siècle av. J.-C.) et donc dès les origines de la pensée occi­dentale. La fonction d'un tel concept est de reconnaître - et d'instaurer dans lordre du langage - lexistence d'une spécificité de chaque être qui lui confère une identité et le définit à partir de caractéristiques qui lui sont propres. Pour Aristote, la nature est l'anti-hasard. La nature autorise une mise en ordre rationnel du réel ; elle manifeste l'intelligibilité du monde. Chaque être existe, se développe et se maintient en conformité avec les lois de sa nature: le rocher, par nature, garde consistance et immobilité ; tel arbre, par nature, perd ses feuilles durant l'hiver et tel autre non ; tel animal court et échappe ainsi à son agresseur, tel autre vole et sauve ainsi sa vie. Dans cette ligne de pensée, dire qu'il y a une nature humaine signifie une tentative de désigner l'homme dans sa spécificité d'homme. Ten­tative positive, éminemment constructive dans son

(*) Département d'Éthique bic-médicale du Centre Sèvres.

Page 25: LES ESSAIS THÉRAPEUTIQUESAprès Chambéry, en 1981, Le Mans, en 1983, Brive, en 1985, Après le Congrès Européen à Versailles, en 1988, LE CONGRÈS NATIONAL DU C.C.M.F. aura lieu

projet. Qu'est-ce qui constitue la nature de l'homme ? La finitude (qu'il partage avec tous les animaux et les végétaux qui, eux aussi, sont destinés à mourir) mais aussi, et peut-être surtout, la parole et le langage (qui le différencient de tout autre vivant).

La détermination d'une nature humaine peut alors s'expliciter en terme de similitude et, davantage encore, en termes de spécificité et de différence. L'homme est ainsi situé dans sa relation au réel mais sans y perdre son originalité.

Dès que, de la notion de nature, nous passons à celle de droit naturel, nous restreignons notre champ de recherche au monde humain proprement dit pour dire que, s'il y a une nature humaine, celle-ci inspire un certain droit. Ce droit s'enracine dans la nécessité d'une reconnaissance réciproque entre les hommes dont la nature est unique. Les rapports sociaux doivent exprimer cette reconnaissance (d'où, dans les repro­ductions assistées, les problèmes relatifs au respect de l'embryon humain).

De là aussi l'idée d'une loi naturelle qui explicite la même intuition d'une communauté de nature qui inclut une normativité. La loi oblige et, si elle est naturelle, elle oblige tout homme en raison même de sa nature d'homme. Par là, la nature devient maîtresse des cons­ciences ; elle désigne un bien à accomplir ; elle fonçie une morale. D'où l'importance de bien savoir ce que l'on met sous le mot nature.

Cette nature qui oblige pose des repères et des limites qui ne sont pas imposés de façon arbitraire aux individus mais qui s'appuient sur la nécessité où chacun se trouve de se respecter lui-même. Chacun, à l'inté­rieur de lui-même, en fidélité à lui-même, se doit de vivre en homme et de faire que les autres le puissent aussi. Bien des arbitraires peuvent dès lors être récusés et bien des illusions aussi (tel le fameux « tout ce qui est possible est permis»). Comprise ainsi, la notion de nature désigne une certaine dynamique des êtres : chaque homme est en voie de réalisation selon la nature commune à tous et il contribue, dans le même temps, à la croissance de tous, en solidarité.

Dans leur acception classique primitive, ces notions ne sont donc pas aussi figées que nous ne le pensons spontanément aujourd'hui: elles disent un devenir qui n'est ni passivité ni soumission à un modèle pré-fabriqué, elles disent la présence, en chaque individu, d'un universel qui fonde la société.

Pourtant notre époque ne se rallie pas volontiers à de telles perspectives : depuis le x1x0 siècle surtout (le marxisme fait de l'homme la simple résultante des déterminismes économiques), la philosophie de la nature fait figure de pure abstraction idéaliste : y-a-t-il une nature et une anthropologie capable de la dire ? Devant tant de discours émanant des sciences posi­tives et des sciences humaines - et inconciliables les uns avec les autres - quelle place peut-on reconnaître à une normativité ?

Dans cette crise d'identité, le langage de l'Église -si obstinément ancré sur une philosophie 1ie la nature -ne perd-il pas toute crédibilité ?

Un détour par l'histoire de la pensée chrétienne peut nous éclairer.

UN HÉRITAGE CULTUREL

Le concept de loi naturelle n'est pas né chrétien, il a été adopté et, si l'on peut dire, baptisé, mais ce baptême a eu lieu très tôt dans l'histoire du christia­nisme primitif. Deux racines de ce qui deviendra le concept chrétien de nature sont identifiables dans la culture ambiante : la tradition philosophique du stoï­cisme et le «jus gentium » des juristes romains.

Le stoïcisme est la doctrine d'une très vieille école philosophique fondée dans le courant du me siècle av. J.-C. (Zénon) et très vivante dans, la période de pre­mière croissance du christianisme (Epictète est mort en 130 ap. J.-C. et Marc Aurèle, l'empereur stoïcien, en 180).

Le stoïcisme établit la problématique d'un ordre nécessaire pour que les choses soient telles que nous les percevons, c'est-à-dire tout ensemble multiples, dif­férentes et pourtant non contradictoires. L'approche philosophique se veut ici universaliste : le cosmos est structuré et l'homme y a sa place. La retombée éthique d'une telle conception est que la survie de l'homme, comme son bonheur, ne sont réalisables pour chacun qu'à la place qui lui est ainsi dévolue. Découvrir cette place constitue lobjectif de stoïcisme : il faut rejoindre et épouser la loi de nature.

Mais comme la pensée stoïcienne est panthéiste, comme elle assimile dieu et le monde, il s'ensuit que ce dernier est immuable et ne peut qu'être accepté tel qu'il est : on ne change pas le monde puisque on ne change pas dieu. Le stoïcisme moral est donc d'abord accep­tation, soumission et endurance dans l'adversité. En l'absence de toute perspective de changement, il ne reste à l'homme qu'à se fondre dans la nécessité du monde jusqu'à l'héroïsme (notamment devant la souf­france). Par là, il accède à un universel qui le sauve de la précarité de sa condition individuelle.

Selon notre manière de voir, une telle acceptation ne peut se faire qu'au prix d'une dépersonnalisation, celle dont nous ne voulons à aucun prix, convaincus que nous sommes de notre aptitude à vivre en sujets libres... (sans interroger l'ouvrier qui travaille à la chaîne, ni l'usager des autoroutes du dimanche soir, ni le consommateur de télévision aux heures des repas de famille ... ).

Il reste que l'idée de nature gardera de cette origine la fragilité constitutionnelle de n'être jamais totalement lavée de tout soupçon de stoïcisme : elle prendra dès lors souvent les traits d'une loi abstraite, préfabriquée quelque part, dominatrice et « obscurantiste » puisque extérieure à l'homme.

La seconde racine qui, dans le monde culturel du christianisme naissant, a nourri de sa substance la notion de droit naturel est le « jus gentium », ou droit des nations, des juristes romains. Il s'agit d'un droit que la cité romaine reconnaît à tout homme au titre de son humanité même. Droit de nature et non de culture, c'est-à-dire fondé hors de toute référence à une histoire ou à des valeurs qui sont le bien propre d'une société historiquement vivante.

Dans une visée universaliste, ce droit tente de structurer les rapports entre Rome - société particulière - et les nations - société potentiellement universelle. Il

23

Page 26: LES ESSAIS THÉRAPEUTIQUESAprès Chambéry, en 1981, Le Mans, en 1983, Brive, en 1985, Après le Congrès Européen à Versailles, en 1988, LE CONGRÈS NATIONAL DU C.C.M.F. aura lieu

Nature et Personne

ébauche une démarche de reconnaissance réciproque qui, malgré ses imperfections (il n'exclut pas l'es­clavage 1), limite l'arbitraire et gère la violence dans la société internationale.

Dans le droit fil de cette tradition universaliste, l'usage que fera l'Église du concept de loi naturelle cor­respondra toujours à un désir de se faire entendre non pas d'abord comme société particulière mais comme société potentiellement universelle, utilisant un langage acceptable pour tout homme doué de raison. Le langage de la !oi naturelle contient, implicite, un certain rapport de l'Eglise au monde qui n'est pas rapport d'extériorité mais au contraire d'intériorité réciproque. On mesure les enjeux d'un tel débat (1).

UN BAPTÊME NÉCESSAIRE

Comment le christianisme s'est-il approprié cette philosophie de la nature ? En la transformant, plus préci­sément, en la baptisant. Cela n'a pas constitué pour lui une démarche absolument nouvelle et il ne faut pas ignorer les racines vétéro-testamentaires d'une telle conception des choses. Le livre de la Sagesse ( 1,8) reconnaît déjà le principe d'un ordre naturel cosmique, à la fois humain et divin. Cela manifeste une certaine per­méabilité à la pensée grecque. Mais le christianisme précisera peu à peu sa propre conception.

Dès le milieu du ue siècle, dans les APOLOGIES de Justin, se trouve l'affirmation que l'homme, comme créature de Dieu, peut connaître un ordre du monde par sa raison et y adhérer par sa volonté, puisque Dieu est le créateur et de l'homme et de l'ordre du monde. Il n'y a ni antinomie ni contradiction possible. Tout homme -et pas seulement le chrétien - peut penser rationnel­lement et choisir le bien. Reste cependant à expliquer les obscurités de l'histoire individuelle et collective : la conscience pécheresse, la conscience déformée par

( 1) o· où la difficulté d'interpréter la déclaration de Mgr Decourtray au sujet de l'instruction du Cardinal Ratzinger « Donum vitae»:« L'autorité doctrinale et morale de cette ins­truction ne se tire pas de l'argumentation rationnelle pro­posée ... » (cf. La Croix, ~-11-88). Faut-il en conclure que l'Eglise n'a pas encore fondé rationnel­lement son discours? ou que, dans le cas concerné, elle renonce de fait - et contrairement aux apparences - au langage de la loi naturelle ?

24

des traditions fausses, la conscience contrainte par cer­taines puissances illégitimes est, pour Justin, à lorigine de nos errements. Réalisme qui n'oblige pas à renoncer à la notion de nature humaine mais qui laisse entrevoir la difficulté de sa mise en œuvre : qui va percevoir le vrai ? qui dira la loi de nature si la raison humaine ne peut en être l'interprète authentique? (2).

De cette tentative si précoce du christianisme pri­mitif, il faut sans doute retenir l'idée qu'à ses yeux, la notion de nature est conciliable avec la foi au Dieu créateur, qu'elle constitue une arme contre tous les arbitraires et le passionnel des religions païennes ambiantes, qu'elle manifeste surtout que l'accès à la foi ne demande de renoncer à rien d'humain. La foi permet au contraire d'accomplir la nature humaine dans saper­fection.

Chez Tertullien (début du 1118 siècle), chez Augustin (début du ve siècle), la raison est créditée du même pouvoir de connaître lordre du monde et de pro­mouvoir la paix - c'est-à-dire la juste mise en ordre des choses.

L'essentiel du chemin est dès lors accompli: en déplaçant le concept stoïcien d'une nature imperson­nelle source de l'ordre du monde vers la reconnais­sance d'une volonté de Dieu exprimée dans la création, le christianisme a conservé l'universalité de la visée stoïcienne mais la délivrée de sa composante panthéiste, impersonnelle, et donc de sa figure de destin implacable pour l'homme. Créé être relationnel, l'homme est, par nature, orienté vers l'autre: il est en vocation. On trouve, chez Augustin, une formulation de la loi naturelle qui manifeste cette mutation : « En tout corps, en toute âme, il y a un poids qui le tire cons­tamment à son lieu naturel de repos. Ce poids est l'amour.»

Si lamour est le ressort de cette éthique de la nature ainsi baptisée, il devient difficile d'opposer une telle éthique à une autre (plus moderne) qui serait éthique de la personne.

Un passage par saint Thomas, dans un tel débat, est une nécessité méthodologique et historique.

Or, pour saint Thomas, la «nature» inclut la des­tinée spirituelle de l'homme et ne peut par conséquent se comprendre sans référence à une perspective de relation interpersonnelle. Il y a chez l'homme une ordi­nation naturelle à connaître cette nature et à s'y accomplir en faisant œuvre de liberté (3). Par sa raison et sa liberté, l'homme a donc le pouvoir de discerner la volonté de Dieu et d'y conformer ses actions. Cette conception très positive de la nature s'explicite, dans le registre théologique, par la notion d'image. Dans la seconde partie de la Somme Théologique, saint Thomas pose, comme fondement de tout ordre dans la création, une loi éternelle qui est, en Dieu, le fon­dement transcendant de tout le créé, la «pensée créa­trice» en Dieu. Mais pour ne pas nier la différence radicale entre créateur et créatures - pour maintenir, en d'autres termes, la transcendance de Dieu - il distingue

(2) Cf. pour ces développements: John Mationey, The Making of Moral Theology, Clarendon Press - Oxford 1987.

(3) Cf. P. Antoine, Conscience et loi naturelle, Études, mai 1963, p. 173.

Page 27: LES ESSAIS THÉRAPEUTIQUESAprès Chambéry, en 1981, Le Mans, en 1983, Brive, en 1985, Après le Congrès Européen à Versailles, en 1988, LE CONGRÈS NATIONAL DU C.C.M.F. aura lieu

une loi naturelle qui n'est pas en contradiction avec cette loi éternelle mais n'en est que le reflet en l'homme. La vie morale consiste, pour l'homme, à se soumettre à la loi éternelle en en percevant en lui le reflet et en le respectant. Ce qui définit I' œuvre de la raison. Par sa raison et sa liberté, l'homme joue un rôle actif non seulement dans la reconnaissance mais aussi dans l'élaboration pour lui de cette loi naturelle. Il agit de façon responsable et non comme simple imitateur passif d'un modèle pré-fabriqué quelque part. Il y a donc une historicité de la loi naturelle qui doit inspirer les hommes de toute race et de toute culture : dans leur diversité, ils disent, chacun, quelque chose de l'hu­maine nature. Tout homme est ainsi convoqué à la tâche de construirè un monde humain qui soit le lieu de la manifestation de l'image qu'il est. La loi naturelle assume, dès lors, le rôle d'une instance critique, au sein de chaque culture, vis-à-vis des mœurs, des coutumes et de la loi positive (4).

Nous nous sentons loin aujourd'hui d'une telle conception de la loi naturelle qui invite surtout à parti­ciper, confiants èlans le pouvoir de la raison, au projet de Dieu créateur.

UNE DISTANCE INSURMONTABLE 7

Depuis saint Thomas, depuis l'époque des sommes théologiques et des cathédrales, la notion de loi naturelle a son histoire: dans le cours du xvue siècle, elle a été associée aux philosophies rationalistes et, au xvme siècle, aux principes de la Révolution française (qui substituait au culte chrétien celui de la déesse Raison). Elle a pu devenir ainsi une sorte d'arme contre la religion, utilisée pour asseoir solidement lautonomie de l'homme face à la loi divine dès lors rejetée. Elle ali­mente ainsi ce qui deviendra, de nos jours, le courant de la sécularisation fondée sur l'indépendance absolue de la raison humaine.

Dans un tel contexte, l'Église s'est, pour un temps, détournée de sa référence traditionnelle à la loi natu­relle. Le renouveau thomiste de la fin du x1xe siècle a inversé cette tendance (depuis Léon XIII - mort en 1903 - jusqu'à Pie XII, Jean XXIII et Paul VI).

Si l'Église se réfère aujourd'hui à la notion de nature, la question lui sera posée du contenu qu'elle donne à cette notion. Dans le domaine de la sexualité et de la reproduction humaine, il faut se demander pourquoi son langage - qui se veut langage de la raison - est si difficilement reçu dans la société contempo­raine: peut-être à cause d'une soumission trop directe, trop immédiate, à l'ordre biologique (5). La position de

(4) La conception thomiste de la loi naturelle fait lobjet d'un débat au sein de diverses écoles qui se réclament du même maître. Cf. P. Ladrière, L'appel à la loi naturelle, in Le Retour des Certitudes, Centurion, 1987, ou : G. Belmans, L'im­mutabilité de la Loi naturelle selon saint Thomas d'Aquin, Revue thomiste, janvier-mars 1987, p. 23 et s.

(5) Cf. Ch. Duquoc, Réflexions Morales sur une Encyclique (Humanae Vitae), lumière et Vie, novembre-décembre 1859, p. 17 et S.

l'Église est fréquemment qualifiée de « naturaliste » ou «biologiste» ... ce qui n'est que l'un des avatars pos­sibles de l'acception traditionnelle de la notion de nature, en réalité beaucoup plus riche. Freinée par sa méfianqe spontanée vis-à-vis de tout ce qui est arti­ficiel, l'Eglise avance à reculons. C'est, du moins, laper­ception qu'en peuvent avoir certains de nos contempo­rains: «On peut s'étonner de voir des esprits religieux, par ailleurs convaincus de la destinée spirituelle de l'homme, s'accrocher à un critère biologique de la per­sonne ... ( ... ) Derrière la rigidité des principes posés, il y a donc une vision tragique de la vie morale : quand l'homme substitue ses décisions à celles de la nature, il ne peut que faire le mal» (6).

Cette citatioh manifeste qu'il y a malentendu et divorce. Il n'y aura rapprochement et réconciliation avec les « hommes de bonne volonté » que le jour où l'Église, puisant dans sa tradition ce qui permet de mettre l'homme en position de responsabilité, pourra soutenir une parole plus explicite sur ce que sont en vérité la génération humaine, la paternité, la maternité et la filiation. Il n'est pas suffisant de poser des interdits, peu ou mal justifiés aux yeux de la raison : le langage de la loi naturelle ne peut tenir sans fonde­ments rationnels ... ou alors il ne s'agit plus de loi naturelle.

Une parole vraie sur la génération humaine, ce lieu relationnel priviligié où l'homme et la femme jouent leur humanité, doit pouvoir être reçu'} par tout homme:« En reconnaissant la loi naturelle, l'Eglise reconnaît qu'une exigence s'impose à elle de rendre (le) dialogue avec l'homme effectif, en prenant au sérieux la conscience de celui à qui elle s'adresse. Il est clair qu'il n'y aurait plus de dialogue si l'on donnait au chrétien, en quelque sorte, le monopole de la conscience ... L~ référence à la loi naturelle est essentielle pour que l'Eglise soit pré­sente au monde et y accomplisse effectivement sa tâche d'évangélisation» (7).

• Voici donc l'Église devant une tâche à accomplir:

il lui faut élaborer un langage recevable. Elle a choisi le bon terrain, celui de la loi naturelle où, selon la tra­dition la plus authentique, cohabitent la morale sécu­lière et la morale chrétienne, la lumière de l'intelli­gence et la lumière de la révélation, la responsabilité de l'homme et sa reconnaissance de Dieu. Mais il reste beaucoup à faire: à donner la parole et à s'as­surer de la sienne.

L'heure ne serait-elle pas venue de .baptiser à nouveau la loi de nature? Ce serait, dans l'Eglise, faire acte de fidélité à sa tradition la plus créative, pour un meilleur service de l'homme, créateur de sens à l'image de son Créateur. •

(6) A. Fagot et G. Delaisi, Les droits de l'embryon humain et la notion de personne humaine potentielle, Revue de Méta­physique et de Morale, 92, 3, juillet-septembre 1987.

(7) P. Antoine, op. cit., p. 183.

25

Page 28: LES ESSAIS THÉRAPEUTIQUESAprès Chambéry, en 1981, Le Mans, en 1983, Brive, en 1985, Après le Congrès Européen à Versailles, en 1988, LE CONGRÈS NATIONAL DU C.C.M.F. aura lieu

A PROPOS DE L'INSTRUCTION ROMAINE :

'' Le Don de la Vie '' RÉPONSES DES MÉDECINS À LA NOTE DU C.C.M.F.

Dans le numéro 175 de Médecine de l'Homme (mai-juin 1988), le Comité de Rédaction s'interrogeait sur les arguments de I' Instruction avancés pour interdire la FIVETE, et invitait les membres du C.C.M.F. à exprimer leur opinion sur ce sujet. Le texte de la Note n'était pas parfait, il contenait deux ou trois expressions ambiguës et trois ou quatre phrases insuffisamment précises (au sujet de la Nature, de la Conscience, des rapports entre la fin et les moyens). Ces défauts n'ont pas échappé à quelques correspondants.

Le C.C.M.F. a reçu 20 réponses de médecins écrivant à titre personnel et 11 réponses de groupes comprenant de 10 à 22 personnes. On peut estimer qu'elles représentent les opinions de plus de 180 médecins, de diverses spécialités et de toutes les régions de France. C'est dire l'importance et l'intérêt de cet ensemble de témoignages, dont le dépouillement n'a pas été facile: sur tel ou tel point précis, les réponses vont du Oui au Non les plus catégoriques, en passant par toutes les opinions nuancées intermé­diaires, du type «oui mais» ou «non mais».

Après lecture et maintes relectures, j'ai réparti les réponses en trois catégories : 1. réponses contre la FIVETE (et pour Donum Vitae) :

6 réponses individuelles sur 20 1 groupe sur 11

2. réponses favorables à la FIVETE (et hostiles à D.V.): 11 réponses individuelles 7 groupes

3. réponses nuancées, avec des réserves : 3 réponses individuelles 3 groupes. Si lon estime à 15 le nombre moyen de médecins

constituant un groupe, les 185 réponses se répar­tissent ainsi : 12 % contre la FIVETE, 62 % pour, 26 % nuancées, partagées, réservées.

Ces chiffres n'ont évidemment qu'une valeur indi­cative.

Lors de la Journée Nationale du 24 septembre 1988, j'ai été chargé d'exposer une synthèse des réponses envoyées au C.C.M.F. Je tenterai ici de les résumer et de tenir compte du débat qui a suivi.

* *

26

par M. J. MORETTI, s.j.

Concernant la FORME du texte de D.V., plusieurs déplorent une «certaine maladresse dans l'expression», son caractère absolu, péremptoire,« fort peu évangélique». «On passe d'un constat d'imper­fection à l'affirmation d'une faute».

L'appel final à porter sa croix, approuvé par les uns, a déplu fortement à beaucoup d'autres.

Enfin, de nombreux médecins, généralistes mais aussi gynécologues et pédiatres, affrontés chaque jour à la souffrance des couples stériles, estiment que les auteurs de D. V. parlent de ,ce qu'ils ne connaissent pas. Si plusieurs pensent que l'Eglise a bien fait de mettre en garde contre certaines techniques, d'autres n'hésitent pas à écrire que, dans ce domaine si complexe, elle aurait dO davantage consulter ou même se taire 1

*

Concernant le FOND du débat, j'exposerai succes­sivement les thèses des trois catégories de réponses. Tâche rendue difficile par la diversité des arguments uti­lisés qui, la plupart du temps, sont affirmés sans démonstration.

1. - EN FAVEUR DE D.V. ET CONTRE LA FIVETE

Quatre lettres vont nettement dans ce sens, deux autres sont plus réservées. - Un pédiatre « approuve D. V. sans aucune res­

triction » parce que ce texte « aborde le problème du côté de l'enfant à naître». Il rejette la FIVETE, car son but premier «est d'assouvir le désir d'enfant d'un couple stérile, à n'importe quel prix, par n'importe quel moyen». Dans ce cas,« le don de la vie n'est-il pas faussé ? »

- Un médecin argumente à partir des deux récits de la création dans la Genèse. L'homme est créé à l'image de Dieu, homme et femme il les créa. C'est l'union conjugale qui doit rendre les époux images du Dieu Trinité, qui est Amour et Vie. On ne peut donc dis­socier amour et fécondité. « La FIVETE va donc à lencontre de la véritable nature de la sexualité humaine».

- Un autre s'interroge: Dieu a-t-il donné au médecin un tel pouvoir sur la vie ? Dans les techniques comme la FIVETE, «le médecin outrepasse son rôle. Il n'est pas de notre ressort de tenter de créer la vie pas plus

Page 29: LES ESSAIS THÉRAPEUTIQUESAprès Chambéry, en 1981, Le Mans, en 1983, Brive, en 1985, Après le Congrès Européen à Versailles, en 1988, LE CONGRÈS NATIONAL DU C.C.M.F. aura lieu

que de la supprimer. Le Créateur nous a-t-il réel­lement donné ce droit 7 »

- Un groupe enfin, reprend à son compte et à sa manière l'argumentation de D. V., y compris l'appel à porter sa croix. Mis à part ce dernier texte, les autres réactions sont souvent plus impulsives que rai­sonnées, plus sentimentales que rationnelles.

Il. - POSITIONS NUANCÉES

Elles sont surtout le fait de trois groupes dont les rapporteurs ont tenu à montrer les dissentiments internes, en exposant des opinions parfois contradic­toires sur certains points. On accepte la FIVETE, mais on reconnaît ses risques, ses dangers, ses défauts. - Par exemple, dans un groupe de 20 médecins de la

région parisienne, la moitié déclare que D.V. les éclaire, mais tous estiment que recourir à la FIVETE « est une affaire de conscience individuelle » et ils ne voient pas pourquoi la refuser à un couple qui la demande.

- Un groupe de la Côte-d'Or accepte le« simple case», mais refuse qu'on donne la vie à des embryons sur­numéraires.

- Pour un groupe de Perpignan, la FIVETE paraît licite, mais elle présente de réels dangers : elle est chère, elle va dans le sens de l'enfant-objet-de-désir, elle rend possible les manipulations génétiques sur I' em­bryon, etc.

- Enfin un médecin (Touloyse) lance un appel à la pru­dence.« Il est bon que l'Eglise émette un message de prudence, car la FIV est susceptible d'une telle dérive qu'il est impératif de la réglementer».

C'est ce à quoi s'appliquent les Comités d'Éthique et le Conseil d'Etat.

Ill. - POUR LA FIVETE OU CONTRE D.V.

La Note du Comité de Rédaction du C.C.M.F. résumait l'argumentation de D.V. qui aboutit au refus de la FIVETE: 1. Elle dissocie union et procréation. 2. Elle est privée des valeurs qui s'expriment dans le langage de corps. 3. L'enfant n'est plus le fruit d'une donation, mais le résultat d'une intervention technique.

Cette Note s'interrogeait sur le poids de ces argu­ments.

Dans les réponses qu'il nous reste à examiner et qui représentent les deux tiers de l'ensemble, ces 3 arguments sont rarement étudiés et réfutés comme tels. Seuls deux ou trois médecins attaquent successi­vement ces 3 points, mais sans se placer sur le plan théologique de la Note.

Les lettres reçues sont parfois longues, pas tou­jours clairement argumentées ; certaines trahissent par leur véhémence lagacement de leurs auteurs devant le texte romain. Résumons ces réactions, en les classant point par point, sans les dénaturer.

1 . Bien sOr, dans la FIV, la procréation est dis­sociée d'une union physique des époux. ·Mais, répondent deux groupes, la refuser pour ce motif, «c'est donner trop d'importance au biologique», c'est réduire la dimension spirituelle et humaine de lappel au don de la vie, vécu par le couple, jusqu'à la naissance de lenfant. « C'est lensemble de la vie sexuelle qui a une importance pour le couple, plus que tel rapport sexuel».

2. Concernant le langage des corps, on reconnaît évidemment la différence entre FIV et acte conjugal. « Mais la personne est responsable de ses actes ; il faut prendre en compte les conditions dans lesquelles ces actes sont posés, et les intentions qui leur donnent sens. Cela va bien au-delà de la «nature» de ces actes.» Et un autre: «Le langage des personnes à la fois spirituelles et biologiques, a-t-il oui ou non primauté sur le langage des corps?» «Il n'est pas vrai de dire que cette fécondation est privée de signification et de valeur » affirme un Professeur de Paris, sans répondre davantage à l'argumentation de D.V.

3. L'enfant, résultat d'une technique, non d'une donation.

- Un groupe du Mans écrit : « Si l'intention des parents est une intention d'amour orientée vers la vie, tournée vers la naissance d'un enfant qui ne sera pas un objet, mais un sujet, la donation, même assistée, existe pleinement».

- Plusieurs correspondants insistent sur la valeur de l'intention.

- Concernant l'intervention de la technique, un spécia­liste en néonatalogie écrit : « Dans la plupart des nais­sances à risque, la technique intervient (réanimation, césarienne, etc.). La FIV n'est qu'une de ces tech­niques, pas plus anti-naturelle que la couveuse pour un prématuré de 800 grammes». Plus péremptoire, un groupe (Chambéry) écrit: «La phrase de D.V. relative à la technique n'a aucun sens, aucun lien avec la réalité ».

- D'autres font appel à l'amour des époux pour sup­pléer à l'absence d'union charnelle dans la pro­création par FIVETE. Par exemple, un groupe de Melun écrit: «C'est une preuve d'amour que d'ac­cepter une FIV ». Et «dans ce cas, les parents conçoivent plus dans la souffrance que dans le plaisir». «La FIVETE homologue nous est apparue comme une solution humainement et moralement valable. La dépendance d'une technique n'est conce­vable que dans un amour mutuel véritable, qui permet au couple d'affronter des démarches et des tech­niques contraignantes, sans garantie de succès. Les épreuves affrontées ensemble ne sont-elles pas signe d'amour? Et l'enfant ne sera-t-il pas accueilli comme un don? (Melun).

- Un autre thème abordé par trois groupes est celui de la co-création. L'homme a été créé co-créateur avec Dieu. Par la science, il achève l'œuvre créatrice de Dieu. Une création réalisée à partir d'une intention de vie et d'amour ne peut être que parfaitement licite (Le Mans, et d'autres).

- Enfin, dernier point, soutenu par la moitié de nos cor­respondants : concernant le recours à la FIVETE,

27

Page 30: LES ESSAIS THÉRAPEUTIQUESAprès Chambéry, en 1981, Le Mans, en 1983, Brive, en 1985, Après le Congrès Européen à Versailles, en 1988, LE CONGRÈS NATIONAL DU C.C.M.F. aura lieu

Réponses des médecins à la note du C.C.M.F.

«c'est au couple de décider», «c'est une affaire de conscience individuelle».

NOTES DE LECTURE

Voici donc, très brièvement résumé, l'inventaire des réponses reçues. Pour conserver à ce compte­rendu toute son objectivité, on s'est abstenu de signaler au passage un certain nombre d'erreurs d' ap­préciation ; il y en a dans les trois catégories de réponses.

- Pour beaucoup, la fin justifie les moyens, ce qui est inexact.

La FIVETE n'est pas une intervention comme les autres, qui peuvent se placer soit avant la fécon­dation (chirurgie tubaire, stimulation hormonale), soit après la conception et même après la naissance (césarienne, couveuse). Sa spécificité est d'être impliquée dans la fécondation elle-même.

- Quant à la conscience, elle doit être éclairée, c'est le rôle de l'Église d'y contribuer, comme le rappellent plusieurs médecins. •

Jean MORETTI

«L'ÉGLISE EN PROCÈS» RÉFLEXIONS SUR LE LIVRE DE PAUL VALADIER

La religion chrétienne est-elle inadaptée au monde actuel et en contradiction avec beaucoup des aspects d'une modernité pourtant par ailleurs légitime ?

La question n'est pas nouvelle et, il y a quelques années, j'avais trouvé dans un ouvrage de la Collection « Ce que je Crois » sous la plume de Claude Imbert, Directeur du Journal Le Point, un jugement confirmant formellement cette inadap­tation. La formulation littéraire, heureusement imagée, en accentuait encore son caractère péremptoire. « Le bateau de la Chrétienté, disait-il, sur lequel était embarqué le monde occidental dans une navigation millénaire et qui avait porté nos pères et les pères de nos pères, ce bateau donne de la gîte et il faut sans trop d'illusions prendre le temps de le voir sombrer».

J'ai pensé, à l'énoncé du titre donné à son livre par P. Valadier, pouvoir trouver les éléments d'une défense parti­culièrement argumentée et autorisée à une aussi catégorique condamnation. Je reconnais ne pas avoir été déçu.

Sur le constat du « procureur » à ce procès, tout le monde est d'accord. Toutes les analyses sociologiques en rendent compte journellement : nombre de plus en plus restreint des pratiquants (mieux vaudrait dire: des chrétiens engagés); diminution très sensible des vocations sacerdotales et reli­gieuses; perte d'un certain nombre de valeurs au premier rang desquelles celle de la famille (union libre,

28

par le Dr V. PASQUIER

divorces, avortements); surestimation des perspectives du progrès scientifique et technique dont les avancées prodi­gieuses de ces dernières décennies peuvent laisser croire qu'il sera sans limites [même si on ne sous-estime pas les risques qu'il comporte (nucléaire) et les problèmes qu'il pose (géné­tique par exemple)); insatisfaction ou échec des propositions philosophiques ou idéologiques incapables de donner un sens à l'aventure humaine.

Une des conséquences majeures de ce constat est bien l'apparition d'une indifférence totale et très répandue au « fait religieux ». Il caractérise notre époque en place de l'anticléri­calisme militant du début du siècle. Pour ceux que tracasse encore une petite inquiétude métaphysique on décèle un recours à un vague « déisme » résultant de la fabrication indi­viduelle d'un petit cocktail religieux empruntant un « zeste » de chacune des différentes religions ou philosophies pour se constituer ce qu'on pense être une spiritualité rassurante •.• et confortable.

Rien ne sert de se culpabiliser et de se lamenter sur le passif très lourd de ce bilan et encore moins de se soustraire à son évidence par un repli frileux sur une tradition figée, car si les chrétiens veulent répondre à la vocation évangélique qui est l'essentiel de leur mission, ils ne doivent pas vivre en marge de leur temps mais au contraire « accordés au monde qui est le leur».

Page 31: LES ESSAIS THÉRAPEUTIQUESAprès Chambéry, en 1981, Le Mans, en 1983, Brive, en 1985, Après le Congrès Européen à Versailles, en 1988, LE CONGRÈS NATIONAL DU C.C.M.F. aura lieu

L'important est de reconnaître le caractère inéluctable de ce changement de climat du fait du passage d'une société tra­ditionnelle cléricalisée, qui a été longtemps celle de notre pays, à une société sécularisée qui est la conséquence obliga­toire d'une société démocratique. Le type même de cette société implique la participation de tous les groupes et même de tous les individus à la Délibération sur les recherches de sa finalité. Il n'y a évidemment aucune raison pour que les chré­tiens ne soient pas partie prenante à ce débat dont la perma­nence est une des caractéristiques de la société démocratique. Leur participation est d'autant plus justifiée qu'ils pensent que ce qu'ils ont à dire est très important et sur le fond et sur la forme, ce dernier point n'ayant malheureusement pas tou­jours été respecté.

Il faut d'abord remettre en évidence l'extrême singularité du Christianisme par rapport aux autres religions qui, elles, recouvrent tout le domaine social et culturel (islamisme et hindouisme en sont des exemples frappants), alors que lui-même n'a pas, ou du moins n'a plus cette prétention hégé­monique qui a caractérisé la société cléricalisée des siècles derniers. Le Christianisme doit continuer à s'affirmer comme le dépositaire d'une Révélation qui a communiqué aux hommes le dessein de Dieu dans un processus historique inscrit dans un peuple choisi. La reconnaissance de cet héritage fera litière d'un antisémitisme plus ou moins larvé trop longtemps maintenu. Ce dessein de Dieu se résume dans la réalisation d'une alliance avec toute la communauté humaine, récapitulée dans le Christ ressuscité pour l'édifi­cation d'un royaume éternel dont chacun de nous est appelé à être participant. Mais la présentation de ce message doit tou­jours être faite comme une proposition (à l'exemple de Jésus qui dit toujours « si tu veux ») qui renvoie constamment les hommes à leur responsabilité c'est-à-dire à leur liberté de conscience, tout en reconnaissant que la technicité de certains problèmes laisse à la société civile une part importante au choix de certaines solutions.

RAPPEL

Enfin ce message doit être constamment adapté aux conditions sociales et culturelles d'un monde qui n'est plus celui du xv1e siècle et du Concile de Trente, mais est éclairé par les données no'1velles de l'exégèse et de la critique histo­rique. En ce qui concerne la tradition je trou,·e admirable la concision lumineuse de la définition qu'en fait P. Valadier. «Toutes les traditions (PASSÉ) n'ont de sens que si elles ouvrent (PRÉSENT) à une intelligence profonde du Christ en vue de l'avènement du Royaume (A VENIR). »

C'était bien là d'ailleurs constamment le rôle des Conciles successifs de toute la vie de l'Église. Même si l'on peut regretter qu'il ait été trop tardif, l'apport de Vatican II par ses déclarations sur la liberté religieuse et le déni formel de toute contrainte en cette matière apporte un élément subs­tantiel de réponse aux problèmes de notre temps.

Pour sa part, P. Valadier suggère que l'Église atténue son dogmatisme en certains domaines en le limitant « au noyau dur » du message dont j'ai cru interpréter ci-dessus l'essentiel.

J'ai été content de retrouver une confirmation de cer­taines de ces perspectives dans un passage du livre interview du Cardinal Lustiger : Le choix de Dieu. « L'adaptation de l'Église au monde moderne ne consiste pas dans un ajustage à des modes, mais à un renouvellement de notre identité chré­tienne.»

Je crois que dans cette optique le livre de P. Valadier apporte avec un optimisme tranquille la meilleure réponse aux défis de la modernité. ·

Pour reprendre l'image utilisée par CI. Imbert, loin d'as­sister au naufrage du bateau Chrétienté, nous sommes au contraire en droit d'espérer que ce bateau « radoubé » par ce renouvellement d'identité poursuivra une croisière finalement triomphale en dépit des «grains» qui n'ont jamais manqué de parsemer sa route.

Dans le précédent numéro de Médecine de J'Homme, nous avons publié, page 32, les propositions de la Commission d'Ethique du C.C.M.F. pour une réflexion sur les questions éthiques posées par le SIDA.

Il est important que, surchargés de travail ou à la retraite, nous partagions cette recherche en répondant à cette enquête et en envoyant nos propres réflexions.

Nous attendons vos réponses avant le 15 mai, de façon à préparer une syn­thèse qui sera présentée lors de notre Congrès National d'octobre 1989 à Marseille (cf. page Il de couverture).

29

Page 32: LES ESSAIS THÉRAPEUTIQUESAprès Chambéry, en 1981, Le Mans, en 1983, Brive, en 1985, Après le Congrès Européen à Versailles, en 1988, LE CONGRÈS NATIONAL DU C.C.M.F. aura lieu

Une lecture de François GOUST

CONDORCET

par Elisabeth et Robert BADINTER (*)

La passionnante biographie que les Badinter ont consacré récemment à Condorcet nous fait mieux com­prendre cet homme exceptionnel. Son influence dépasse la Révolution française dont nous fêtons bientôt le Bicentenaire.

Né le 22 Octobre 17 49, Jean Antoine Nicolas de Condorcet appartenait à une famille de soldats, annoblis vers 980 et dont le nom d'origine était « Caritat ». Un mois après sa venue au monde, son père, officier, fut tué à Neu Brisach. Sa mère, veuve pour la deuxième fois, était« peu intelligente, supersti­tieuse autant que pieuse, timorée et passive» (p. 15). Elle éleva, seule, son fils unique jusqu'à neuf ans, et en robe, d'une façon efféminée. Ce serait l'origine de la gaucherie et de la timidité dont il ne se départit jamais. Mère et fils s'aimaient profondément.

De onze à quinze ans, il est interne au Collège des Jésuites à Reims. Il porte sur ses éducateurs un jugement très sévère. Leurs procédés seraient inhu­mains, leur enseignement inadapté. Leur Dieu est exclu­sivement tyrannique et justicier, soumettant l'humanité pécheresse à la peur, à la culpabilité et au châtiment.

L'éveil de la sexualité s'opère dans un climat de répression hypocrite. La brutale mutation entre la ten­dresse d'une mère et la rigueur de l'internat l'a certai­nement très perturbé dans son évolution affective. Elle explique pour une part son rejet de l'Église et son anti­cléricalisme. Mais ce milieu ne devait pas être aussi médiocre qu'il le prétend. Il y connaît en effet un épa­nouissement intellectuel précoce. A la veille de ses 14 ans, il y obtient le prix de Seconde. Deux ans plus tard, il est admis au Collège de Navarre, l'un des meilleurs établissements pour la formation scientifique. Il y excelle en tout, surtout en Mathématiques et en Phy­sique. A 16 ans, il est bachelier. La même année, il sou­tient sa thèse publique. Son premier travail pour I' Aca­démie des Sciences sur « les équations différentielles à deux variables » date de 1761 . Ses études sur le calcul intégral et !'Équation d'Euler le placent rapidement au rang des grands mathématiciens. A 26 ans, il est élu à lAcadémie des Sciences. Il collabore à !'Encyclopédie. Il partage, avec ses plus illustres contemporains, le culte de la Raison. Elle est considérée alors comme une entité rassemblant l'esprit critique, l'observation rigou­reuse, lexpérimentation, la logique mathématique. Elle permet de connaître les lois de la nature et celles des sociétés. Elle opère le tri, grâce à ses critères propres, entre le vrai et le faux, l'illusion, les superstitions.

L'homme étant né bon (Condorcet a adopté le

30

dogme de Rousseau) ce sont les conditions sociales qui le pervertissent au plan de la raison et de la morale. Il suffit d'améliorer les structures sociales pour rendre l'homme plus raisonnable et meilleur. Pour lui, un homme raisonnable ne peut être que bon.

Servi par ses rencontres (sa mère aimante, ses amitiés d'adulte : d'Alembert, Turgot, Voltaire, Julie de Lespinasse, Madame Suhard et Sophie de Grouchy qu'il épousa d'amour à 43 ans) Condorcet devint en homme exemplaire réunissant raison et amour d'autrui.

Il s'engage précocément dans le combat pour une société plus juste, donnant à tous les mêmes droits et contribuant à l'éducation pour tous à tous les âges. Il lutte contre le despotisme, la superstition, le fanatisme, l'intolérance, contre toutes les formes d'oppression. Il refuse les discriminiations raciales, de sexe, de religion. Il rejette la peine de mort.

Servant l'État sous Turgot, il tente déjà d'améliorer le sort des humbles en s'attaquant aux «corvées». Il s'aperçoit qu'il n'y a rien à espérer sans changement politique profond; Il met tous ses espoirs dans l'ère qui s'ouvre avec les Etat,s Généraux. Il assume des respon­sabilités politiques. Elu aux assemblées successives, il est présent partout par ses discours, ses activités jour­nalistiques et celles d'écrivain.

Certes, cette Révolution française bouleversa des structures caduques, déclencha des réformes ration­nelles généreuses. Mais la Raison ne fut pas seule pré­sente. Des conflits sanglants déchirèrent non seu­lement contre-révolutionnaires et révolutionnaires, mais aussi les révolutionnaires entre eux au nom de la raison et de la fraternité 1 La guerre civile, et bientôt la Terreur, la guerre étrangère qui, au dire de Condorcet, ouvrait la porte «à la liberté universelle de l'espèce humaine, firent, on le sait, d'innombrables victimes. Condorcet fut lui-même victime de sa Foi en la Raison et la bonté humaine. Nous ne nous attarderons pas sur la genèse de la haine entre lui et Robespierre. Après Valmy, après le procès de Louis XVI, le désordre ne fait qu'empirer. Les montagnards se déchaînent et prennent le contrôle de l'Assemblée. Condorcet s'oppose à l'épreuve de force. Il rédige un projet de Constitution rigoureu­sement démocratique qui est refusé. Le Comité de Salut Public fait adopter une Constitution baclée émanant de Robespierre et de Marat. Concorcet y répond par un long réquisitoire. C'en est fait de lui. La Convention le

(*) Éd. Fayard, 659 p. 140 F.

Page 33: LES ESSAIS THÉRAPEUTIQUESAprès Chambéry, en 1981, Le Mans, en 1983, Brive, en 1985, Après le Congrès Européen à Versailles, en 1988, LE CONGRÈS NATIONAL DU C.C.M.F. aura lieu

met en état d'arrestation. Il se réfugie chez une femme discrète et dévouée: Madame Vernet. C'est là qu'il trouve encore le courage d'écrire I'« Esquisse d'un tableau historique des progrès, de l'esprit humain». « La Raison répandue par l'instruction mettra fin sur tous les continents à l'insupportable servitude de l'homme.» Viendra «le temps où le soleil n'éclairera plus que des hommes libres». Quelle Foi 1 Quelle Espé­rance 1 anime encore « Caritat » dans son ultime épreuve. Ses ennemis finissent par découvrir son refuge. Il fuit. Il erre. Il est arrêté et identifié le 27 Mars 1794. Deux jours après, il est trouvé mort dans sa cellule.

CONCLUSION

Mais il est toujours parmi nous. Et pour nous, chré­tiens du XX0 siècle, sa conception de la Raison qui exclut toute spiritualité, comme sa Foi en la bonté natu­relle de l'homme, méritent discussion.

Nous savons certes l'importance majeure de la raison et la nécessité (qui est possibilité) d'aider à son épanouissement par des structures sociales plus justes et une éducation permanente.

Condorcet cependant limite lapproche rationnelle à la connaissance scientifique objective y incluant les sciences sociales et humaines alors à leur début. De ce fait, il met à nu bien des erreurs, des illusions et des superstitions. Et comme il en découvre dans le monde religieux, il refuse toute spiritualité et se déclare maté­rialiste, donc athée.

Dire d'autre part que l'homme est né bon, que la société l'a perverti et qu'il suffit de changer la structure sociale pour le rendre plus humain, est aussi affirmation discutable.

Esquissons une approche un peu différente de la raison et de l'humain.

L'homme naît ni bon ni mauvais. Il vient au monde, immature, conditionné évidemment par son hérédité et ses milieux successifs.

A mesure qu'il grandit, apparaît progressivement chez lui un élément unique dans le cosmos et qu'on nomme la conscience. C'est cette facilité qu'il possède de se poser des questions sur ce qu'il est, sur la signifi­cation de sa vie, de sa mort. Il peut se connaître, et connaître autrui et son environnement objectif. La cons­cience lui donne aussi une certaine liberté de choix pour ses décisions. La raison, au sens rigoureusement scien­tifique de Condorcet y a certes sa place. Mais ne va-t­elle pas plus loin que celle de Condorcet puisqu'elle constate en outre que si l'homme était exclusivement matière, il ne se poserait pas de questions sur lui­même. la matière, disait Pascal, ne se connait pas elle­même. Donc la raison de Pascal va plus loin que celle de Condorcet. Elle constate que l'homme est plus que la matière, qu'il est animé par une « substance » immaté­rielle, l'Esprit. La raison rejoint la mystique dans la reconnaissance d'un au-delà du monde matériel, du monde des apparences. La raison, qui va au-delà, permet aussi d'envisager un sens aux existences humaines et au cosmos en entier. Si on limite la raison à une connaissance du monde objectif, dont certes

l'homme fait partie, la vie apparaît comme le fruit du « hasard et de la nécessité », « accident sombre entre deux sommeils infinis». La vie est insignifiante, déter­minée. Alors pourquoi l'effort de connaissance, de maî­trise, d'amour, qu'implique la marche vers la maturité humaine 7 Raisonnablement notre monde a un sens qui n'a de sens que s'il y a un SENS, un Absolu qui se nomme DIEU. On peut dire qu'il EST, mais non ce qu'll est.

Cependant l'anthropologie moderne montre que l'homme n'atteint la maturité que dans la relation. Relation au monde. Relation à autrui. La théologie y ajoute la clé de tout: le message du Christ: «Tu aimeras ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toutes tes forces, et tu aimeras ton prochain comme toi-même».

Disons trop brièvement que le sens spirituel de la vie humaine est l'amour, qui conduit, en s'accom­plissant, vers Dieu qui est Amour.

L'Église a maintenant vingt siècles d'existence. En son sein, les hommes aussi naissent immatures et, générations après générations, le même effort de matu­ration spirituelle est à recommencer. Il ne suffit pas de faire partie de la communauté chrétienne pour vivre selon le Christ. Sa hiérarchie en particulier, a été souvent tentée par le pouvoir temporel se compro­mettant avec lui jusqu'à renier ou défigurer le message évangélique. Elle a souvent cul\ivé la peur et la super­stition plus que la vraie Foi. L'Eglise aussi, écrivait un théologien, est corps de péchés. Nous en donnons acte à Condorcet, mais il oublie seulement deux faits essen­tiels:

1 . La valeur fondamentale humano-spirituelle du témoignage du Christ dont il ne parle jamais.

2. L'existence dans l'Église, à chaque génération, de saints authentiques, dans le monde laïque ou dans les communautés religieuses.

Même dans les critiques de notre Foi qui nous paraissent outrancières, nous pouvons extraire des élé­ments qui nous aident à la purifier.

~ Des mesures comme la Séparation de l'Église et de l'Etat nous ont permis d'éviter bien des promiscuités dangereuses entre le temporel et le spirituel.

Tout bien pesé, l'Église actuelle nous paraît beaucoup plus près du Christ qu'à certaines époques de la chrétienté.

Certes lathéisme de Condorcet est un mal. Il ne nous paraît pas raisonnable et il freine la maturation humaine. Nous avons brièvement exposé nos raisons sur ce point. Mais beaucoup de ses idées sociales sont inspirées par un authentique amour du prochain et se sont concrétisées. En cela, nous le reconnaissons comme notre frère. •

31

Page 34: LES ESSAIS THÉRAPEUTIQUESAprès Chambéry, en 1981, Le Mans, en 1983, Brive, en 1985, Après le Congrès Européen à Versailles, en 1988, LE CONGRÈS NATIONAL DU C.C.M.F. aura lieu

UNE INITIATIVE ORIGINALE

par le Dr Fr. GOUST

Le texte suivant était placardé il y a plus de vingt ans dans la salle d'attente d'un généraliste: «Un patient rompt avec son médecin. Est-il utile, qu'il en communique les motifs à celui qu'il quitte. Et comment ? En attendant votre point de vue, je vous expose le mien. »

D'abord, je remercie vivement ceux d'entre vous qui m'ont accordé leur confiance. Je souhaite qu'elle dure parce qu'une relation solide permet de mieux nous connaître et pour moi de mieux vous aider.

Mais nous avons tous cons­cience qu'aucune relation n'est à l'abri d'une rupture. Un événement sans rapport avec la médecine peut survenir, briser des liens solides. Certains patients quittent leur médecin parce que ce dernier aurait commis une erreur sur leur cas, ou bien les aurait blessés par son com­portement ou bien parce qu'ils sont en désaccord à propos d'un éventuel engagement politique, religieux ou autre de leur praticien.

En tout état de cause, chaque médecin sait qu'il n'est pas parfait et considère que chaque patient est libre de son choix. Justifiée ou non, la décision de rompre avec son médecin est le droit indiscutable de chacun.

Néanmoins le fait d'en ignorer la cause provoque chez son praticien une inquiétude que l'on doit com­prendre.

«Qu'ai-je fait pour qu'il me quitte ? Des erreurs ? Ai-je assez pesé mes mots et assez écouté ?

Directeur de la Publication or Claude LAROCHE

34. rue de Bassano, Paris-se

32

L'ai-je blessé, sans m'en rendre compte, dans ses convictions?», etc.

Il aimerait savoir pour ne pas renouveler ses fautes, mais comment?

Pour le moment, je n'entrevois qu'une solution qui peut vous sur­prendre. Elle est en votre pos­session. Par qui les médecins pour­raient être informés des motifs qui entraînent leur rejet par certains patients, si ce n'est par les patients eux-mêmes ? Cela pourrait se faire par une lettre brève et franche ou bien par la réponse (oui ou non) à un questionnaire énumérant les causes principales qui ont fait la relation et qui entraînent la rupture. Ce serait une enquête intéressante mais dif­ficile. Elle ne peut malheureusement pas être utile si elle respecte I' ano­nymat. C'est tel médecin qui est concerné par les motifs de rupture de tel malade.

Le pourcentage de ces différents motifs est statistiquement inté­ressant à connaître. Il ne peut satis­faire le praticien qui se sent électi­vement intéressé par chaque cas concret.

J'insiste sur ce fait: la révélation au médecin par le patient qui rompt avec lui des causes de cette décision est facteur de maturation humaine. On ne le voit guère, blessé certes un peu dans son amour-propre, polé­miquer avec son patient d'hier même si les motifs avancés par ce dernier sont contestables. A tout choisir, beaucoup de praticiens préfèrent une révélation difficile à digérer au silence gardé par ceux qui partent et ne veulent pas blesser ceux qu'ils quittent. Ce silence ne rend en défi­nitive service ni au praticien frustré d'une possibilité de s'améliorer, et, par voie de conséquence, ni aux patients actuels de ce praticien. Cette solution proposée n'est pas un moyen donné aux médecins pour tenter de récupérer les patients qui les abandonnent. Il s'agit de clore une relation d'une façon utile et très humaine.

Si, après d'autres expériences, le malade qui ayant quitté tel

médecin « sur un coup de tête », lui donne à nouveau sa confiance, le médecin, informé, dès l'origine, des motifs du départ, sera, selon toute vraisemblance, plus bienveillant».

Je voudrais ajouter un bref com­mentaire à ce texte que j'approuve. Cette proposition n'a jamais reçu aucune réponse. Après le silence, le silence encore, et chaque partie semble repousser la question, donc, évidemment, pas de solution au pro­blème.

Essayons d'aller plus loin. Ne serait-il pas possible de s'efforcer de réaliser prudemment des structures moins ponctuelles de lexercice de la médecine? C'est une expérience scientifique et humaine qui demande réflexion et expérience. Actuel­lement, notre profession est « en miettes».

Dans la perspective du texte cité, on découvre que l'existence d'un dossier synthétique pour chaque patient s'impose.

Dans létat actuel de la médecine, il devrait être confié au généraliste choisi par le patient. En cas de rupture, l'ancien médecin transmet le dossier au nouveau.

A l'occasion de cet échange, l'information des causes de la rupture pourrait circuler directement entre les deux confrères. Organi­sation adaptée et médecine relation­nelle vont ensemble. Je dis « rela­tionnelle » et non fonctionnelle. Ce qui n'empêcherait pas qu'un résumé du dossier, écrit en termes non trau­matisants· et compréhensible pour lui soit confié au patient.

En 1989, on peut encore rêver à des progrès, dans notre vie profes­sionnelle plus particulièrement. Que le médecin soit attentif aux motifs de rupture de ceux qui le quittent, peut paraître insignifiant à certains. Il soulève des problèmes très com­plexes. Je voudrais conclure en citant encore Pascal : « Je tiens impossible de connaître les parties sans connaître le tout, non plus que connaître le tout sans connaître parti­culièrement les parties.» •

IMPRIMERIE tl ALENÇONNAISE Rue Édouard-Belin, 61002 Alençon Commission Paritaire

N° 54216 Dépôt légal : 1er trimestre 1989 - N° d'ordre : 10869

Page 35: LES ESSAIS THÉRAPEUTIQUESAprès Chambéry, en 1981, Le Mans, en 1983, Brive, en 1985, Après le Congrès Européen à Versailles, en 1988, LE CONGRÈS NATIONAL DU C.C.M.F. aura lieu

R€.\t'S - f O\€. \J és\cu\e p\\\a\i:e

t'ütr\t\Ot\ . Rnurnato\og\e

oRL . \Jo\es i:esp\i:ato\i:es

Rhüff\aüsff\es EJa!JliSsefl'lents neufs

Page 36: LES ESSAIS THÉRAPEUTIQUESAprès Chambéry, en 1981, Le Mans, en 1983, Brive, en 1985, Après le Congrès Européen à Versailles, en 1988, LE CONGRÈS NATIONAL DU C.C.M.F. aura lieu

INSllTlJr DE RECHERCHES SERVI ER L UN DES TOlJr PREMIERS CENrRES ~NOllS DE RECHERCHES lHER4PElJrtQUES