6
Cours de microbiologie Les mycobactéries Les infections par les mycobactéries ont vu leur nombre augmenter ces dernières années : - les cas de tuberculose en raison des conditions de vie précaires dans certaines parties de la population ; - les infections par les mycobactéries non tuberculeuses chez les personnes immunodéprimées (SIDA en particulier). 1. Généralités : classification, habitat et pouvoir pathogène Domaine Bacteria Phylum Actinobacteria Sous-classe Actinobacteridae Ordre Actinomycetales Familles Mycobacteriaceae Corynebacteriaceae Micrococcaceae Genres Mycobacterium Corynebacterium Micrococcus Plus de 50 espèces ont été décrites : ces bactéries peuvent être retrouvées dans l’environnement (saprophytes) ou au contact d’un hôte animal ou humain en tant que commensales ou pathogènes (strictes ou opportunistes) : MYCOBACTERIES PATHOGENES STRICTES TUBERCULOSE Mycobactéries du « complexe Mycobacterium tuberculosis » LEPRE Mycobacterium leprae MYCOBACTERIES PATHOGENES OPPORTUNISTES Mycobactéries « atypiques » - Mycobacterium tuberculosis - Mycobacterium bovis - Mycobacterium africanum - Mycobacterium canettii - Mycobacterium microti - Mycobacterium pinnipedii La lèpre est une maladie infectieuse chronique touchant principalement la peau, les nerfs périphériques, la muqueuse des voies respiratoires supérieures ainsi que les yeux. Cette maladie est rencontrée principalement en Asie et en Afrique. Responsables d’infections pulmonaires, ganglionnaires, cutanées, de suppurations et d’infections systémiques) : - Mycobacterium avium, - M. intracellulare, - M. kansasii, - M. xenopi, - M. malmoense

Les mycobactéries - microbiamicrobia.free.fr/TS2ABM/Mycobacteries/Cours-Mycobacteries.pdf · 2. Caractères morphologiques Les mycobactéries sont des bacilles droits ou légèrement

Embed Size (px)

Citation preview

Cours de microbiologie

Les mycobactéries

Les infections par les mycobactéries ont vu leur nombre augmenter ces dernières années :

- les cas de tuberculose en raison des conditions de vie précaires dans certaines parties de la

population ;

- les infections par les mycobactéries non tuberculeuses chez les personnes immunodéprimées

(SIDA en particulier).

1. Généralités : classification, habitat et pouvoir pathogène

Domaine Bacteria

Phylum Actinobacteria

Sous-classe Actinobacteridae

Ordre Actinomycetales

Familles Mycobacteriaceae Corynebacteriaceae Micrococcaceae

Genres Mycobacterium Corynebacterium Micrococcus

Plus de 50 espèces ont été décrites : ces bactéries peuvent être retrouvées dans l’environnement

(saprophytes) ou au contact d’un hôte animal ou humain en tant que commensales ou pathogènes

(strictes ou opportunistes) :

MYCOBACTERIES PATHOGENES STRICTES

TUBERCULOSE

���� Mycobactéries du « complexe

Mycobacterium tuberculosis »

LEPRE

���� Mycobacterium leprae

MYCOBACTERIES

PATHOGENES

OPPORTUNISTES

Mycobactéries « atypiques »

- Mycobacterium tuberculosis

- Mycobacterium bovis

- Mycobacterium africanum

- Mycobacterium canettii

- Mycobacterium microti

- Mycobacterium pinnipedii

La lèpre est une maladie

infectieuse chronique

touchant principalement la

peau, les nerfs

périphériques, la muqueuse

des voies respiratoires

supérieures ainsi que les

yeux. Cette maladie est

rencontrée principalement

en Asie et en Afrique.

Responsables d’infections

pulmonaires, ganglionnaires,

cutanées, de suppurations et

d’infections systémiques) :

- Mycobacterium avium,

- M. intracellulare,

- M. kansasii,

- M. xenopi,

- M. malmoense…

2. Caractères morphologiques

Les mycobactéries sont des bacilles droits ou légèrement incurvés, de 0,2 à 0,6 µm de diamètre

sur 1,0 à 10,0 µm de longueur, présentant parfois des renflements ou des ramifications, formant

occasionnellement des filaments qui se fragmentent très facilement en éléments bacillaires. Elles sont

immobiles et non sporulées.

Ces bactéries sont difficilement colorées par la coloration de Gram mais sont considérées comme

à Gram positif. En fait, la paroi des mycobactéries possède une structure plus complexe que la paroi

des bactéries à Gram positif et, sur un frottis coloré par la technique de Gram, les mycobactéries

apparaissent souvent comme non colorées.

Leur mise en évidence repose sur leur propriété particulière d’acido-alcoolo-résistance, ce pourquoi

on les appelle des B.A.A.R. (Bacilles Acido-Alcoolo Résistants).

Deux colorations sont utilisées : la coloration de Ziehl-Neelsen (et ses variantes) et la coloration à

l'auramine (Dugommier).

Dans la technique de Ziehl-Neelsen, la fuchsine

colore en rouge les bacilles qui conservent cette

coloration après traitement par l'acide nitrique (ou

sulfurique) dilué et par l'alcool. Le fond de la

préparation est ensuite coloré au bleu de

méthylène. Les bacilles Acido-Alcoolo-

Résistants (B.A.A.R.) apparaissent rouges sur

fond bleu. La lecture se fait à l'objectif à immersion

(x100). Elle est longue car le champ observé est

petit.

M. tuberculosis (coloration de Ziehl-Neelsen)

L'auramine se fixe sur le bacille et le rend

fluorescent, après traitement à l'acide-alcool et contre-

coloration du fond de la préparation. Celle-ci est

examinée au microscope en fluorescence (x25). La lame

est explorée plus rapidement, le champ observé étant

plus grand qu'à l'immersion. Les B.A.A.R. apparaissent

fluorescents, brillants sur fond noir de la préparation.

Ils sont dénombrés par champ microscopique (diagnostic

positif si au moins un B.A.A.R. pour 10 champs

observés).

M. tuberculosis (coloration de Dugommier)

Sur le plan structural, les mycobactéries se caractérisent par une paroi riche en lipides (60 % des

constituants) et dont la constitution explique, au moins partiellement, les propriétés tinctoriales, la

pathogénicité et la résistance à divers antibiotiques.

La paroi est constituée de trois couches : la plus interne est formée d'un peptidoglycane sur lequel est fixé

un polymère de molécules d'arabinose et de galactose (arabino-galactane) qui s'attachent par des liaisons

esters à des acides mycoliques situés dans la couche intermédiaire (apparaissant comme un espace clair en

microscopie électronique). La partie externe de la paroi, est formée d'une matrice de phospholipides, de

molécules amphiphiles, de protéines dont certaines sont sans doute des porines et de mycosides. Les

mycosides sont des peptidoglycolipides dont la structure antigénique permet, pour certaines espèces, de décrire

des sérovars. Chez certaines souches, la couche externe de mycosides peut être très épaisse et forme une

pseudocapsule. La paroi est traversée de part en part par des molécules de lipo-arabinomananne qui sont

ancrées par leur partie lipidique dans la membrane cytoplasmique et dont la partie polysaccharidique gagne la

surface cellulaire. Ces molécules joueraient un rôle dans la cohésion de la paroi.

Schémas des enveloppes cellulaires des mycobactéries

3. Culture des mycobactéries (Cf. AT)

Selon les espèces, les exigences et le temps de génération des mycobactéries sont variables : les

colonies ne sont visibles qu'après un temps d'incubation compris entre 2 jours et 10 semaines à

37°C en aérobiose (les mycobactéries sont aérobies strictes). En fonction de leur vitesse de

croissance et de leurs exigences, les espèces du genre Mycobacterium sont divisées en 2 groupes :

- les mycobactéries à croissance lente (incluant les mycobactéries responsables de la

tuberculose), ne formant des colonies qu'après au moins 7 jours de culture sur milieu enrichi à

l’œuf coagulé (Löwenstein-Jensen) et incapables de cultiver sur des milieux standards ;

- les mycobactéries à croissance rapide, formant des colonies en moins de 5 jours et aptes à se

développer sur gélose trypticase soja.

NB : Mycobaterium leprae n’est pas cultivable sur milieu de culture.

4. La tuberculose

4.1. Contamination

La tuberculose se transmet principalement de manière directe par voie aérienne : Mycobacterium

tuberculosis (bacille de Koch) est une espèce strictement humaine pénétrant dans les voies

respiratoires lors de l’inhalation d’aérosols chargés en bactéries (émis par les malades ).

Cependant, la résistance des mycobactéries au froid et à la dessication leur permet de persister sur

des poussières.

La tuberculose à Mycobacterium bovis peut être contractée par des personnes vivant au contact

d’animaux malades mais aussi par consommation de lait contaminé et non pasteurisé (cas très rares).

4.2. Primo-infection

Une fois parvenus au niveau des alvéoles pulmonaires, les bacilles déclenchent une réaction

inflammatoire et sont phagocytés par les macrophages alvéolaires. Au lieu d’être éliminées, les

bactéries se multiplient à l’intérieur des phagocytes (inhibition de la fusion phago-lysosomiale),

qui finissent par être lysés. Le foyer infectieux se développe et forme ainsi des follicules

tuberculeux détectables par radiographie pulmonaire. A ce stade, les symptômes sont d’intensité

variable et la maladie évolue généralement vers la latence, mais elle peut aussi se compliquer

directement en méningite (ou autres atteintes).

Les follicules contenant des macrophages géants plurinucléés et des bactéries peuvent se nécroser et

se transformer en « caséum » (masse solide). Celui ci peut régresser (évolution vers une guérison) ou

persister plusieurs années.

4.3. Réactivation : tuberculose secondaire

Chez certains malades, au niveau pulmonaire, le caséum du follicule se ramollit, sous l'action de

facteurs inconnus provoquant une réaction d’hypersensibilité exagérée, créant une « caverne » par

évacuation du contenu dans le poumon. Les bacilles, jusqu’alors quiescents, retrouvent une bonne

oxygénation se multiplient activement. La guérison est rare à ce stade et le malade est extrêmement

contagieux. Les bacilles peuvent ensuite coloniser de nombreux sites de l’organisme.

4.4. Test à la tuberculine

4.5. Traitement et prévention

La lutte contre la tuberculose s'appuie sur le dépistage des cas, la prise en charge et le traitement des malades,

en particulier des malades contagieux, et la vaccination par le BCG. Celle-ci a pour but principal de protéger les

jeunes enfants des formes graves de la tuberculose précoce, notamment les méningites tuberculeuses.

La liste des personnes concernées par la vaccination obligatoire est fixée dans le code de la santé publique. Y

sont soumis notamment, sauf contre-indication attestée par un certificat médical : les étudiants en médecine, en

chirurgie dentaire et en pharmacie, ainsi que les étudiants sages-femmes et les étudiants inscrits dans des

écoles préparant aux professions à caractère sanitaire ou social ; les personnes qui exercent une activité dans

les laboratoires d'analyse de biologie médicale ; les personnels des établissements pénitentiaires ; le personnel

soignant des établissements et des services de santé ; les professionnels du secteur social ;les assistantes

maternelles ; les sapeurs-pompiers des services d'incendie et de secours.

Depuis juillet 2007, l'obligation vaccinale par le BCG est suspendue et remplacée par une recommandation forte

de vaccination pour : les enfants de moins de 6 ans accueillis en collectivité (par exemple : en crèche, à l'école

maternelle, en centre de loisirs, chez une assistante maternelle) ; les mineurs et les jeunes adultes jusqu'à 21

ans qui fréquentent des établissements d'enseignement, ou accueillis en centres spécialisés (établissements de

prévention, établissements médico-sociaux).

5. Les mycobactéries « atypiques » opportunistes

Les mycobactéries atypiques sont les bacilles acido-alcoolo-résistants autres que M. tuberculosis, M.

bovis, M. africanum, M. leprae (qui sont des parasites stricts et ont un pouvoir pathogène spécifique).

Responsables d'infections humaines opportunistes, elles se caractérisent par une forte activité

catalasique thermostable, une absence de pouvoir pathogène pour le cobaye et une résistance à la

plupart des antibiotiques antituberculeux. Bien que plus de 40 espèces mycobactériennes “atypiques”

aient été identifiées, les principales espèces isolées en bactériologie clinique se réduisent à 12

potentiellement pathogènes pour l'homme. Leur identification repose toujours sur la classification en 4

groupes proposée en 1959 par Runyon. Depuis l'épidémie de SIDA, le rôle pathogène de M. avium-

intracellulare a considérablement augmenté.

CAS PARTICULIER : En 1997, éclatait le scandale de la clinique du sport (Le Figaro du 12/09/1997)

Entre janvier 1988 et mai 1993, les interventions chirurgicales réalisées dans cet établissement parisien auraient

été effectuées avec des instruments d'endoscopie mal stérilisés. Plus de 800 malades ont été invités à passer

des examens de santé.

L'affaire était restée confidentielle pendant plusieurs années. Il a fallu la création d'une association de malades

et leur désir d'informer le public pour qu'elle sorte de l'ombre. A ce jour, 31 personnes ayant subi une opération

pour hernie discale à la Clinique du sport, à Paris, dans le 5e arrondissement, souffrent d'une infection osseuse

majeure, parfois avec des séquelles très importantes, due à une bactérie, Mycobacterium xenopi. Un défaut de

stérilisation du matériel chirurgical serait à l'origine de la contamination. Cette infection hospitalière soulève une

fois de plus la question du respect très strict des règles de stérilisation du matériel chirurgical.

En 1993, la clinique du Sport alerte la Direction générale de la santé au ministère de la Santé : les premiers cas

d'infection à M. xenopi viennent d'être identifiés chez des patients opérés d'une hernie discale. Après une

enquête très longue, menée par la Direction des affaires sanitaires et sociales et le laboratoire d'hygiène de la

Ville de Paris, la bactérie M. xenopi est mise en évidence dans le réseau d'eau de la clinique utilisé pour la

stérilisation à froid de certains instruments.

Les patients auraient été contaminés lors d'une intervention pour soigner une hernie discale. Ce sont les

instruments, introduits à travers les disques vertébraux, qui ont été insuffisamment stérilisés. Ils auraient été

d'abord trempés pendant un temps trop court dans le liquide désinfectant. Puis, rincés non pas à l'eau stérile

comme il se doit, mais avec de l'eau du robinet, contenant cette fameuse M. xenopi. Dans tous les cas, les

procédures de désinfection à froid pour les arthroscopes, non stérilisables en autoclaves, n'ont pas été

respectées.

Mycobacterium xenopi est un germe de l'environnement que l'on retrouve de façon fréquente dans l'air et dans

l'eau propre à la consommation. Cette bactérie, identifiée en 1958 chez un crapaud, est donc connue depuis fort

longtemps. « Elle n'est en général pas pathogène pour l'homme, mais peut être à l'origine d'une authentique

maladie respiratoire chez des individus fragilisés par des antécédents de tuberculose pulmonaire, explique le

docteur Véronique Vincent (laboratoire des mycobactéries, Institut Pasteur de Paris). Le grand problème, c'est

que l'infection est résistante aux antibiotiques usuels.

Quand la porte d'entrée se fait non plus par voie aérienne, mais par voie chirurgicale, orthopédique, avec du

matériel contaminé, la maladie s'apparente à une tuberculose osseuse, avec des inflammations, des abcès. Le

diagnostic est difficile et le traitement chirurgical consiste à nettoyer les lésions et éliminer les abcès. Avec un

traitement antibiotique dont les résultats sont incertains.