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Les poisons des topo-isomérases I

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Page 1: Les poisons des topo-isomérases I

Les poisons des topo-isomerases I

F. Goldwasser

Unite de cancerologie medicale, hopital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, F-75014 Paris, France

Correspondance : [email protected]

Resume : Les enzymes topo-isome-

rases I interviennent pour resoudre

des contraintes topologiques de

l’ADN. Les topo-isomerases I cou-

pent transitoirement un seul des

deux brins d’ADN et transferent

l’autre brin au travers de la coupure

transitoire, avant de relier. Les poi-

sons de topo-isomerase I en cli-

nique sont les derives de la

camptothecine : irinotecan ou

7-ethyl-10-[4-(l-piperidino)-l-piperi-

dino]carbonyloxy-camptothecine

(Campto®), topotecanou9-(dimethy-

lamino)methyl-10-hydroxycampto-

thecine (Hycamtin®). Les principales

proprietes pharmacologiques et cli-

niquesdesderivesdecamptothecine

sont revues.

Mots cles : Topo-isomerases –

Irinotecan – Topotecan – Pharma-

cologie

Topo-isomerase I inhibitors

Abstract: Topo-isomerase I is

involved in resolving topological

constraints in DNA. It transiently

cleaves one of the two strands of

DNA, passes the other through

the transient break, and then liga-

tes the break. The topo-isomerase

I inhibitors used in clinical prac-

tice are camptothecin derivatives:

irinotecan (7-ethyl-10-[4-(l-piperi-

dino)-l-piperidino]carbonyloxy-

camptothecine [Campto®]) and

topotecan (9-(dimethylamino)

methyl-10-hydroxycamptothecine

[Hycamtin®]). We review the main

pharmacological and clinical pro-

perties of the camptothecin

derivatives.

Keywords: Topo-isomerase – Irino-

tecan – Topotecan – Pharmacology

Introduction :les topo-isomerases [39,40]

Au cours des etapes du metabo-

lisme de l’ADN (replication, trans-

cription, reparation, recombinaison)

et lors de la separation des chroma-

tides sœurs, les topo-isomerases

interviennent pour resoudre les

contraintes topologiques de la mo-

lecule d’ADN [39,40].

Lestopo-isomerasesI (Fig.1)cou-

pent transitoirement un seul des

deux brins d’ADN et transferent

l’autre brin au travers de la coupure

transitoire, avant de relier [39]. Cela

equivaut a « detorsader » la double

helice d’ADN d’un pas d’helice.

Les topo-isomerases II (Fig. 1)

coupent transitoirement les deux

brins de la double helice afin de

permettre le passage d’un autre

segment d’ADN a travers cette

coupure transitoire [40]. Elles sont

formees chez les eucaryotes de

deux sous-unites identiques de

170 kD de poids moleculaire.

Chaque sous-unite se comporte

comme un petit bras, les deux

permettant un effet de pince sur

l’ADN. En effet, chaque sous-unite

forme une liaison covalente avec

Pharmacologie

Top2

Top2

5’ OH

HO

Top1

5’ HO

Top3

5’ OH

Fig. 1.

Clivage de l’ADN par les topoisomerases humaines D’apres Pommier et al. (1,2)

Oncologie (2007) 9: 758–765© Springer 2007DOI 10.1007/s10269-007-0769-z

ON

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758

Page 2: Les poisons des topo-isomérases I

une extremite de l’ADN engendree

par la coupure de la liaison phos-

phodiester, il s’agit de l’extremite

5’ dans les cas des topo-isomerases

II et de l’extremite 3’ pour les topo-

isomerases I. La topo-isomerase I

est une proteine composee de qua-

tre domaines dont une partie

COOH-terminale contenant le site

actif pour l’activite catalytique, la

tyrosine, en position 723. La liaison

phosphodiester est mediee par la

tyrosine. Dans les conditions nor-

males de la reaction enzymatique,

ce complexe covalent a une duree

de vie tres breve et se dissocie

rapidement. La dissociation est sui-

vie immediatement du retablisse-

ment de la liaison phosphodiester

coupee (Figs. 1 et 2). Les topo-

isomerases II modifient donc par

multiples de 2 le nombre d’enlace-

ments d’une molecule d’ADN

double brin. Plusieurs composes,

doues d’activite antitumorale, exer-

cent leur activite cytotoxique en

stabilisant le complexe covalent

forme par l’ADN et les sous-unites

de la topo-isomerase II : anthracy-

clines, anthracene-diones, epipodo-

phyllotoxines, ellipticines, amino-

acridines. La decouverte de produits

qui inhibent la topo-isomerase I a ete

plus tardive : les premiers identifies,

actuellement les seuls commerciali-

ses, sont les derives de la campto-

thecine.

Les poisonsde topo-isomerases I

Le programme de screening de

l’Institut national du cancer ameri-

cain identifia-dans les annees 1950-

que les extraits de l’arbre chinois

Camptotheca acuminata ont un

effet cytotoxique sur des lignees

de cancer humain. En 1966, Wall

et al. identifierent le principe actif, la

camptothecine [54]. Des experien-

ces simples de pharmacologie cel-

lulaire sur lignees ont permis dans

les annees 1970 d’observer que la

camptothecine induisait des lesions

de l’ADN, une inhibition des syn-

theses d’ARN et ADN [30]. En raison

de l’insolubilite en solution aqueuse

de la camptothecine, c’est le sel de

sodium de camptothecine qui fut

teste au cours des essais de phases

I et II precoces dans les annees

1970. Quelques reponses tumorales

furent observees dans les cancers

colorectaux, gastriques et pulmo-

naires, mais la survenue de cystites

hemorragiques stoppa le develop-

pement de la molecule [7]. On ne

decouvrit que beaucoup plus tard

l’importance de l’equilibre pH-

dependant entre la forme active

lactone, douee d’action cytotoxi-

que, et la forme carboxylate, inac-

tive. L’acidite du pH urinaire

intravesical, en deplacant l’equilibre

vers la formation locale de forme

lactone, favorisait la survenue de

toxicites muqueuses vesicales

severes. Dans les annees 1980, on

s’apercut que la camptothecine est

un poison specifique de la

topo-isomerase I [31]. Le fait qu’elle

agisse sur une cible moleculaire

originale, relanca la recherche sur

les derives de camptothecine. Des

derives plus hydrosolubles et

moins toxiques furent developpes

en clinique, en particulier l’irino-

tecan et le topotecan.

Pharmacologie moleculairedes inhibiteursde topo-isomerases I

Les derives de camptothecine agis-

sent en stabilisant le complexe

covalent topo-isomerase I-ADN.

Cette stabilisation est transitoire et

ne suffit pas a induire la mort

cellulaire. Celle-ci necessite la sur-

venue d’une « catastrophe ». Il peut

s’agir de la collision d’une fourche

de replication avec le complexe

covalent, ce qui induit des coupures

double-brin beaucoup plus cyto-

toxiques [32]. Ce modele molecu-

laire de la « collision de la fourche

de replication » [32] conduisit a

tester les poisons de topo-isome-

rase I en administration continue

pour recruter les cellules lorsde leur

bref passage en phase de synthese

d’ADN [29]. Une interaction avec la

transcription peut egalement etre

en cause et pourrait expliquer

l’activite clinique observee dans

des cancers peu proliferatifs, ainsi

que la survenue de stabilites tumo-

rales de longue duree sans reponse

tumorale objective selon les criteres

internationaux [40].

Pharmacologie cliniqueet efficacite clinique

Le topotecan (Hycamtin, GSK,

Grande-Bretagne) est un derive de

camptothecine comprenant une

chaıne laterale basique en position

9 du cycle A de la 10-hydroxycamp-

tothecine : c’est la 9-(dimethyla-

mino)methyl-10-hydroxycampto-

thecine ou hycamptamine. Il fut le

5’

3’

Top1

5’

3’

Clivage

Liaison

Top1

5’

3’

Complexes clivables

Rotation

Top1

5’

3’

Religation

Top1

+

Fig. 2.

Cycle Catalytique de la Topoisomerase I D’apres Pommier et al. (1,2)

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Page 3: Les poisons des topo-isomérases I

premier poison de topo-isomerase I

commercialise aux Etats-Unis en

obtenant, en 1996, l’AMM pour le

traitement de deuxieme ligne des

cancers epitheliaux de l’ovaire

metastatiques. Cette AMM fut obte-

nue suite a une etude pivotale

comparant le paclitaxel au topote-

can, en monotherapie, apres une

premiere ligne de chimiotherapie a

base de platine [50]. Les resultats

furentassez typiquesduprofild’effet

clinique observe avec les inhibiteurs

de topo I en clinique avec, en parti-

culier, deux caracteristiques essen-

tielles aux poisons de topo I :

– le taux de reponse n’etait pas

eleve, mais le taux de progression

sous traitement etait faible, en raison

d’une proportion anormalement

elevee de stabilites tumorales de

longue duree. De sorte que le topo-

tecan sortit gagnant, non sur le taux

de reponse, mais sur les parametres

lies au temps, en particulier le temps

jusqu’a progression [50]. Un

phenomene similaire put etre

observe lors de la comparaison a la

doxorubicine intraliposomale :

faible taux de reponse, taux eleve

de stabilite et temps jusqu’a

progression plus favorable [25] ;

– la neutropenie est tres regu-

lierement profonde, brutale,

aboutissant a des toxicites souvent

inacceptables chez les patients de

PS-2. Deux deces toxiques furent

observesdans lebras topotecan lors

de l’etude d’enregistrement.

Les strategies pour positionner

le topotecan en premiere ligne en

combinaison dans le cancer de

l’ovaire ont echoue, en particulier

du fait de la difficulte d’associer

topotecan et platines (voir plus

bas), mais les schemas sequentiels

n’ont pas apporte de benefice en

survie [38]. Le topotecan obtint

ensuite l’AMM aux Etats-Unis, en

deuxieme ligne dans les cancers

bronchiques a petites cellules,

apres comparaison au protocole

CAV [53]. Il n’obtint que tres recem-

ment cette AMM en France. Une

forme orale de topotecan a ete

developpee et permet d’obtenir

des resultats cliniques equivalents

comme cela a encore ete recem-

ment montre en deuxieme ligne de

cancer bronchique a petites cellules

soit en comparaison aux soins de

support, soit en comparaison a la

forme parenterale de topotecan

[12,36]. La posologie per os est de

2,3 mg/m2par jour de j1 a j5 au lieu

de 1,5 mg/m2 par jour par voie

intraveineuse. Le topotecan oral a

egalement une activite clinique

similaire au docetaxel en deuxieme

ligne de traitement des cancers

pulmonaires non a petites cellules

[42]. Les principales caracteristi-

ques pharmacologiques du topote-

can a connaıtre pour le clinicien

sont resumees dans le Tableau 1. Il

faut surtout retenir l’importance

cruciale de l’adaptation a la fonction

renale [37]. Le role predominant de

la filtration glomerulaire a permis

une analyse pharmacocinetique de

la population [15]. Enfin, recem-

ment, le topotecan a obtenu

l’AMM en premiere ligne pour la

chimiotherapie des cancers du col

uterin, en association au cisplatine

[34], mais a la condition de reduire

le cisplatine de 50 % et de reduire la

dose et le nombre de jours de

traitement par topotecan.

– Dernier point notable, les poi-

sons de topo I n’ont pas de toxicite

cumulative limitante.

Modalites d’utilisationclinique des derivesde camptothecine :identification des patientsa haut risque de toxiciteet adaptation des doses

Il fut possible d’identifier des para-

metres simples pour selectionner

les patientes susceptibles de rece-

voir le topotecan sans risque et a

haut risque de neutropenie febrile

[3,28,47] : adaptation a la fonction

renale, exclusion des PS-2, exclu-

sion des patientes avec stigmates

biologiques de denutrition et

d’inflammation severe [3,28], pas

plus de deux lignes anterieures. Les

patientes atteintes de cancer de

l’ovaire metastatique cumulent

malheureusement souvent ces

caracteristiques, en particulier la

denutrition, favorisee par l’ascite et

la carcinose peritoneale.

Sans casque refrigerant, le topo-

tecan est alopeciant des 0,75 mg/m2

par jour. En revanche, il n’est pas

responsable de toxicite neurolo-

gique ou renale. Au long cours, les

toxicites les plus communes sont

l’asthenie, l’anemie, beaucoup de

patients ayant besoin de recourir

a des transfusions de culots globu-

laires. La toxicite hematologique a

une cinetique previsible avec un

nadir des polynucleaires neutrophi-

les vers j8 (parfois des j5, en parti-

culier en casd’insuffisance renale ou

reserves medullaires reduites) et un

nadir des plaquettes a j15. L’interne

en oncologie peut donc retenir que

le topotecan est « le cytotoxique du

lundi » (premier lundi : j1 topote-

can, jusqu’au vendredi ; deuxieme

lundi : nadir des PNN, troisieme

lundi : nadir des plaquettes, qua-

Tableau 1. Pharmacologie clinique comparee du topotecan et de l’irinotecan.

Topotecan Irinotecan

– Hydrolyse non enzymatique du cycle lactone – Clivage enzymatique de la chaıne laterale en C10 par une

carboxyesterase pour produire du SN38, metabolite actif– Metabolisme N-demethyle dans urines, et feces – Hydrolyse non enzymatique du cycle lactone de l’irinotecan

et du SN38– Elimination urinaire sous forme intacte pour 25 a 40 %,

fortes concentrations dans la bile

– Oxydation hepatique de la chaıne bispiperidino en

metabolite inactif, APC, et actif, NPC, via le cytochrome 3A4– Elimination mixte : urinaire, metabolisme hepatique, biliaire

– Le SN38 est glucuroconjugue

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Page 4: Les poisons des topo-isomérases I

trieme lundi : j1, deuxieme cycle,

etc.). Lorsque la toxicite hematolo-

gique est anormalement prolongee,

il s’agit soit d’une dose mal adaptee

a la fonction renale, soit d’une sur-

estimation des reserves medullai-

res. Il est souvent souhaitable de

debuter le topotecan a une posolo-

gie tres en dessous de la dose de

l’AMM et d’augmenter aux cycles

ulterieurs en fonction de la tolerance

[47] (Tableaux 2,3).

Il en resulte que le medicament

peut presenter un interet en deu-

xieme ligne de cancer de l’ovaire,

mais devient demaniement difficile

chez les patientes lourdement pre-

traitees et dont l’etat clinique est

altere.

L’irinotecan (Campto®, Pfizer)

est le 7-ethyl-10-[4-(l-piperidino)-l-

piperidino]carbonyloxy-camptothe-

cine. C’est un inhibiteur de topo-

isomerase I, mais c’est surtout la

prodrogue d’un inhibiteur de topo-

isomerase I plus puissant, le SN38

ou 7-ethyl-10-hydroxycamptothe-

cine obtenu apres action d’une

enzyme carboxylesterase en C10,

conduisant a la perte du radical

bispiperidino. Le SN38 est le plus

puissant des poisons de topo I in

vitro [49]. L’irinotecan fut le premier

derive hydrosoluble de camptothe-

cine a entrer en essai clinique, au

Japon, dans les annees 1980. Il fut

commercialise au Japon pour le

traitement des cancers pulmonaires

non a petites et a petites cellules,

des cancers du col de l’uterus, et

des cancers de l’ovaire des 1994. Il

fut, par la suite, commercialise pour

le traitement des cancers colorec-

taux metastatiques resistants au 5-

FU, suite a deux essais cliniques en

deuxieme ligne, l’un comparant

irinotecan versus soins de support

[8] et l’autre comparant irinotecan

versus une seconde modalite

d’administration du 5-FU [45]. Le

point remarquable de ces deux

essais randomises publies dans le

meme numero du Lancet etait

d’obtenir un taux de reponse tres

faible, mais associe a un gain en

survie significatif [8,45]. Comme

pour le topotecan dans le cancer

de l’ovaire, l’irinotecan dans le

cancer colorectal induisait un

impact plus evident sur les parame-

tres lies au temps que lies au

volume tumoral. Contrairement au

topotecan dans le cancer de

l’ovaire, l’irinotecan a pu atteindre

la premiere ligne dans le traitement

des cancers colorectaux metastati-

ques, en association avec le 5-FU

[10,20,51], puis avec le 5-FU et le

bevacizumab [33].

Les points importants a retenir

dumetabolisme de l’irinotecan sont

(Tableau 1) :

– une e limination urinaire

(16 % de l’irinotecan est elimine

inchange) ;

– un metabolisme hepatique ;

– une elimination biliaire : le

SN38 est glucuronide et les formes

conjuguees et non conjuguees sont

eliminees dans la bile.

Lemetabolismedel’irinotecanest

complexe et fait intervenir plusieurs

etapes enzymatiques. Ce processus

enzymatique, multi-etapes, peut

expliquer la variabilite inter-indivi-

duelle dans l’exposition plasmatique

et latoxiciteaigueobserveeapresune

administration. L’irinotecan est

converti par une enzyme carboxy-

peptidase en SN-38. Une autre partie

de l’irinotecan estmetabolisee via les

cytochromes3Aenmetabolites inac-

tifs ou beaucoup moins actifs que le

SN38. Celui-ci est conjugue dans le

foie par l’UGT1A1 en forme inactive

beta-glucuronidee (SN38-G). L’iso-

forme d’UGT impliquee, l’UGT1A1

est egalement impliquee dans la

conjugaison de la bilirubine. Une

deficience de cet enzyme est respon-

sable de l’anomalie souvent appelee

« maladie » de Gilbert qui se mani-

feste par une hyperbilirubinemie

libre. Elle concerne environ 10 % de

la population caucasienne. Le poly-

morphisme genetique en cause est

lie, le plus souvent, a la presence

d’unesequenceTArepeteeauniveau

du site promoteur du gene UGT1A1

[5]. Les personnes heterozygotes ou

homozygotesporteusesdugenotype

UGT1A1*28 ont un risque accru de

toxicite aigue apres administration

d’irinotecan [5]. Cela a conduit cer-

tains auteurs a proposer un test

genetique pretherapeutique pour

identifier les malades a haut risque.

Cependant, il n’a jamais ete montre

que le test etait plus performant que

de definir une limite superieure de

bilirubinemie libre plasmatique.

La toxicite immediate de l’irino-

tecan est tres particuliere : a l’emesis

lie a la Cmax du medicament

s’associeunsyndromecholinergique

clinique frequent et souvent mal

tolere avec vomissements, crampes

abdominales, diarrhee, hypersaliva-

tion, troubles de l’accommodation. Il

peut etre prevenu par atropine sous-

cutaneeet l’injectionpeut etrerepetee

si besoin. Au-dela de 24heures apres

laperfusion, lesmanifestionsdigesti-

ves ne sont plus imputables au

syndrome cholinergique.

Le developpement clinique de

l’irinotecan fut remarquable et

marque par une toxicite aigue limi-

tante inhabituelle : la diarrhee

aigue tardive. Celle-ci pouvait

Tableau 3. Facteurs de risque de toxicite hematologique du topotecan [3,28,47].

Risque de neutropenie severe : insuffisance renale moderee, nombre de lignes de

chimiotherapies anterieures � 2 et tout facteur de reduction des reservesmedullaires (radiotherapie...).

Risque de neutropenie febrile : PS-2 ; PINI > 1, lymphopenie, denutrition.

Risque de thrombopenie de grade 4 : l’ensemble des facteurs de neutropenie severeet de neutropenie febrile, en particulier PS-2 et insuffisance renale. Chimiotherapie

anterieure par carboplatine.

Tableau 2. Caracteristiques du topotecan.

Perfusion courte, sans effet toxique immediat severe, compatible avecl’administration au domicile.

Absence de toxicite extrahematologique limitante.Cinetique de la toxicite hematologique previsible, absence d’effet cumulatif [19].

Arrivee d’une forme orale.

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Page 5: Les poisons des topo-isomérases I

atteindre une telle intensite qu’elle

conduisait a des rehospitalisations

pour hydratation parenterale.

L’equipe de l’IGR, en particulier le

Dr Abigerges, sous la conduite du

Dr Armand, mit en evidence l’effi-

cacite du traitement par loperamide

a fortes doses a condition de le

prendre des le debut des sympto-

mes et de maniere rapprochee et

rigoureuse [1]. Il existait une rela-

tion entre la dose administree d’iri-

notecan et l’effet therapeutique, les

doses les plus fortes, des la phase I,

etaient associees a une proportion

de reponses objectives, remarqua-

bles, en particulier dans les cancers

colorectaux [2,27,35]. L’escalade de

dose put atteindre 700mg/m2 [2,26]

sous la reserve d’un suivi clinique

tres rapproche et de mesures de

prise en charge de la diarrhee

draconiennes. Cependant, une fois

l’irinotecan commercialise, des

deces toxiques survinrent au debut

de l’utilisation clinique du medica-

ment, les cliniciens etaient surpris

par l’intensite de la diarrhee qui

survenait entre j5 et j10, tandis que

le patient etait au domicile. La

seconde toxicite limitante etait la

neutropenie. Comme pour le topo-

tecan, elle peut etre tres rapidement

profonde et generalement courte.

La dangerosite de la neutropenie et

de la diarrhee est liee, pour une

grande part, a leur simultaneite,

rendant le risque de choc septique

plus eleve qu’au cours d’autres

chimiotherapies neutropeniantes

ou diarrheogenes.

L’intensite de la toxicite aigue

de l’irinotecan, selon le schema

d’AMM initial, de 350 mg/m2 toutes

les trois semaines, conduisit beau-

coup de cliniciens a se detourner du

produit jusqu’a ce qu’il soit propose

selon un schema toutes les deux

semaines, beaucoup mieux tolere.

La dose recommandee toutes les

deux semaines est de 180 mg/m2. Il

faut cependant garder a l’esprit que,

en raison des toxicites gravissimes

initiales et des deces toxiques qui

ont accompagne la premiere annee

de commercialisation, les doses

ulterieures recommandees, en par-

ticulier toutes les deux semaines,

etaient plus prudentes que d’habi-

tude : la dose recommandee etait

deux niveaux de dose sous la DMT

et non un. Une consequence pra-

tique est, qu’aujourd’hui, les sche-

mas de type FOLFIRI sont associes a

moins de toxicite aigue que le

FOLFOX, un comble [51]. Surtout,

cela signifie que 25 a 30 % des

patients traites a la dose initiale du

FOLFIRI sont sous-exposes et il est

donc souhaitable d’augmenter la

dose d’irinotecan aux cycles ulte-

rieurs en l’absence de diarrhee de

grade 3 ou 4. Les cliniciens doivent

garder present a l’esprit que l’expo-

sition a l’irinotecan et au SN38

impliquant de nombreuses enzy-

mes fait l’objet a une dose donnee,

d’une grande variabilite inter-indivi-

duelle et il faut toujours s’interroger

sur l’interet d’augmenter la dose

aux cycles ulterieurs en fonction de

la toxicite clinique observee

(Tableaux 4,5).

L’association avec les platineset la radiotherapie

Les poisons de topo-isomerases

sont synergiques avec les platines,

les alkylants et les radiations ioni-

santes. La synergie avec les platines

paraıt liee au blocage de la topo I sur

un ADN presentant des lesions de

platination [52] et egalement par le

ralentissement de la reversion des

ponts intra- et inter-brin induits par

les platines [18,24,57]. De nombreu-

ses etudes de phase I ont tente

d’associer topotecan et un derive du

platine dans le but de developper

l’association dans les cancers de

l’ovaire et les cancers bronchiques

a petites cellules [13,28]. Mal-

heureusement, la synergie precli-

nique reelle se traduit par une

augmentation nette de la toxicite

hematologique, en particulier des

thrombopenies de grade 4, ce qui a

longtemps bloque le developpe-

ment de l’association topotecan-cis-

platine et de l’association topotecan-

carboplatine. Recemment, dans le

cancer du col uterin, il a ete possible

d’obtenir des resultats cliniques en

Tableau 5. Toxicite et adaptation posologique du topotecan et de l’irinotecan.

Topotecan Irinotecan

Principales toxicites :– immediates : nausees, vomissements ;

– aigues retardees : neutropenie, anemie,thrombopenie, asthenie. Alopecie. Plus rarement :

diarrhee tardive.

Principales toxicites :– immediates : syndrome cholinergique, nausees,

vomissements ;– aigues retardees : surtout neutropenie et diarrhee

tardive, anemie, asthenie. Alopecie.

Adaptation posologique :– adaptation des doses a la clairance de la creatinine :

la dose initiale peut etre de 0,75 mg/m2par jour, voire0,5 mg/m2 par jour si plusieurs facteurs de risque ;

– reduire par palier de 0,25 mg/m2 en cas de toxiciteaigue severe hematologique.

Adaptation posologique :– reduction de la dose initiale et surveillance accrue

si maladie de Gilbert ou cholestase ;– prudence si syndrome occlusif ou ralentissement

(morphiniques) : prolongation du cycle enterohepatiquedu SN38.

Tableau 4. Facteurs de risque de toxicite de l’irinotecan.

Maladie de Gilbert (deficit de l’UGT1A1 aboutissant a une surexposition en SN38)[5,56] : a detecter sur le taux de bilirubine totale et non conjuguee pretherapeutique.

Cholestase (bilirubinemie > 1,5 N) [43].

Risque de neutropenie febrile : PS-2 ; PINI > 1, lymphopenie, denutrition.

Radiotherapie pelvienne et/ou abdominale : accentuation de la toxicite digestive,risque lethal.

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762

Page 6: Les poisons des topo-isomérases I

associant cisplatine et topotecan, et

la reduction de dose des deuxmedi-

caments rend compte de la syner-

gie : cisplatine 50 mg/m2 a j1 plus

topotecan0,75mg/m2des jours1 a3.

Ladosedecisplatineestdoncreduite

de33 a 50 %selon laposologieprise

en reference, et le topotecan a une

dose reduitede50 %etunedureede

traitement reduite a trois au lieu de

cinq jours par rapport au traitement

en monotherapie. La mediane de

survie globale est de 9,4 mois en

bitherapie versus 6,5 mois pour le

cisplatine seul (p = 0,017), la survie

mediane sansprogression est de 4,6

vs 2,9mois (p = 0,014), et les taux de

reponses doublent (27 vs 13 %).

L’association a l’oxaliplatine est un

peu moins thrombocytopeniante a

condition de restreindre les indica-

tions (patientes PS 0-1, absence

d’insuffisance renale, deuxieme

ligne, absence de stigmate clinique

ou biologique de denutrition et

d’inflammation) [4,28]. L’association

irinotecan-cisplatine a ete develop-

pee dans les cancers gastriques et

pulmonaires non a petites cellules,

en particulier au Japon. Le surcroıt

de toxicite, en particulier de neutro-

penie severe, rend l’association de

maniement delicat. La encore, l’oxa-

liplatine paraıt plus facile a associer,

mais en ayant aussi une selection

des profils de patients (PS inferieur a

2 en particulier) [21,55].

Perspectives :nouveaux poisonsde topo I en developpement

De nombreux poisons de topo I sont

en essai clinique. Citons la 9-nitro-

camptothecine (rubitecan) qui

comporte un groupe nitro en posi-

tion 9 et est tres insolubledans l’eau,

elle se transforme en 9-aminocamp-

tothecine prise oralement. Il a ete

propose dans le cancer du pancreas

[48]. L’exatecan (DX-8951F) est un

analogue hexacyclique de campto-

thecine, plus hydrosoluble, ne

necessitantpasd’activationenzyma-

tique, actuellement en phases I et II

[44]. Le lurtotecan (GG211) semble

se comporter en cliniquedemaniere

assez similaire au topotecan [14]. Le

gimatecan (ST1481) est de prise

orale et de longue duree de vie [9].

Les homocamptothecines compren-

nent le diflomotecan (BN80915) qui

est une homocamptothecine fluoree

[46]. Elle differe des campothecines

par le ralentissement et l’irreversi-

bilite de l’ouverturedu cycle lactone.

Silatecans et homosilatecans visent

a augmenter la stabilite du cycle E

lactone des camptothecines [6].

Mecanismes de resistance auxpoisons de topo-isomerases I

Ces mecanismes peuvent etre divi-

ses entre trois categories selon

l’etapeconcernee : precible, interac-

tion avec la cible, postcibles [39,40].

Ils peuvent egalement etre regrou-

pes en deux grandes familles :

– resistances par reduction du

nombre de complexes covalents

stabilises [17,23,41] : mutation du

gene de la topo-isomerase I, en

particulier concernant les exons

impliques dans le domaine cataly-

tique de l’enzyme, reduction de

l’activite catalytique de l’enzyme,

reduction de l’entree du cytotoxique

dans la cellule ;

– resistancesparnon-conversionde ces complexes en lesions lethales[11,16,22,23] : integrite des points

de controle du cycle cellulaire,

mutations de genes impliques

dans l’apoptose, alterations de la

reparation de l’ADN...

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