14è colloque international de l’IEPF et du SIFEE Niamey du 26 au 29 mai 2009

Les ressources en eau (zones humides) face à l'urbanisation: quelles adaptations aux changements climatiques

S. Jacques-Marie BOKOIng. Environnementaliste & Spécialiste en Conservation et

Utilisation Durable des Zones Humides(Cabinet ECOPLAN)

Définition de concepts

Urbanisation

Zone urbaine: notion à géométrie variable. Si en Ouganda on considère par exemple comme urbain un centre de 100 habitants, en Maurice et au Nigeria, une zone est qualifiée d’urbaine lorsque sa population atteint au moins 20000 habitants.Notion de ville: difficile à cerner. Elle se définit non seulement en fonction de la taille de sa population mais aussi et surtout par rapport à ces fonctions administratives, économiques et sociales.Retenons toutefois que les grandes villes sont celles qui comptent plus d’un million d’habitants et que les mégalopoles ont une population qui atteint au moins 10 millions d’habitants.

Définition de concepts (suite)

Zones Humides

Utilisation durable

La Convention de Ramsar définit les zones humides comme « des étendues de marais, de fagnes, de tourbières, d’eaux naturelles ou artificielles; permanentes ou temporaires; où l’eau est stagnante ou courante; douce, saumâtre ou salée, y compris des étendues d’eau marine dont la profondeur à marée basse n’excède pas six mètres ».

«l’utilisation durable»: l’utilisation par l’homme d’une zone humide de manière que les générations présentes en tirent le maximum d’avantages durables tout en maintenant sa capacité à satisfaire les besoins et les aspirations des générations futures. »

Evolution des centres urbains dans le monde et en Afrique

• La population urbaine des pays en développement est passée de sept cents (700) millions en 1970 à 1,4 milliard en 1990 et 2 milliards en l’an 2000.

• Elle atteindra 3,2 milliards en 2020. Il faut remarquer que la plupart des mégapoles seront dans les pays du tiers monde, en particulier en Asie. Notre siècle sera non seulement celui de l’achèvement de la transition démographique mais aussi celui de la conclusion de la transition urbaine. Le 21ème siècle sera le siècle des villes pour le meilleur et pour le pire (BIAU, 2002).

• En Afrique, 38% de la population, soit 290 millions de personnes vivent dans les zones urbaines. D’ici 2030, cette proportion devrait atteindre environ 54% pour une population urbaine africaine que les projections situent autour de 1 milliard 450 millions (CAMAE et PNUE, 2002).

Evolution (suite)• Le taux d’urbanisation africain est équivalent au taux

asiatique et est inférieur au taux mondial qui est de 45%.• L’Afrique compte actuellement 40 villes de plus d’un

million d’habitants et ce nombre devrait passer à 70 d’ici 2015. Lagos qui compte actuellement 13,4 millions d’habitants est la plus grande ville d’Afrique et la 6ème ville du monde.

• L’Afrique du Nord est la sous-région la plus urbanisée du continent. 64% de sa population en moyenne vivent dans les centres urbains. La Libye est le pays le plus urbaniséavec 87,6% de sa population vivant en zones urbaines. Par contre, la sous-région la moins urbanisée est l’Afrique Orientale (26%) et le Rwanda est le pays le moins urbanisé avec une population urbaine ne dépassant pas 6,2 % (CAMAE et PNUE, 2002). C’est pourtant en Afrique Orientale que l’on observe le plus fort taux moyen de croissance urbaine soit 4,5%.

Des centres urbains se créentEn général, l’installation des centres urbains ne se fait pas au hasard ; elle est fondée par un intérêt, une raison donnée. Des centres urbains / des grandes villes sont créées surtout pour des raisons économiques : la plupart des capitales administratives ou économiques des pays côtiers, du fait de l’influence coloniale sur le développement sont installées sur le littoral et s’ouvrent sur l’océan ou sur la mer. On note des échanges inter-Etats et inter-continentaux qui sont rendus possibles par l’avènement des navires qui sont de grands moyens de transport. Cette activité est renforcée par la réalisation des infrastructures portières. cas par exemple de la ville de Lomé, capitale administrative et économique de la République togolaise ; de la ville de Cotonou, capitale économique de la République du Bénin.

Autre raisonDans plusieurs pays africains, certains centres urbains ont eu leur origine de la pratique de la traite négrière. Ces localités servaient de lieux de regroupement provisoire ou transitoire voire définitifs des esclaves.

La ville historique de Ouidah au Bénin, de Goré au Sénégal sont des exemples de lieu de regroupement définitif des esclaves avant leur embarquement dans les bateaux ;produit touristique: la route de l’esclave avec son monument final de « la porte du non retour » à Ouidah au Bénin.

Autre raison

Des centres urbains se sont créés suite àla découverte et à l’exploitation de ressource minière ;Alors les infrastructures routières, les établissements humains sont réalisés en fonction de l’importance de la ressource.

La présence de zone humide

Zone humide

• Comme bouclier (historique)• Moteur d’activités

économiques (agriculture, élevage, pêche, transport,…)

• Raison d’installation des villes et centres urbains

• Grenier de la biodiversité• Source d’approvisionnement

d’eau-boisson: eau source de vie

L’Urbanisation et les zones humides

La concentration des habitats permet de réaliser des économies d’échelle concernant les coûts de transport, la production et la consommation et dans la fourniture par exemple de l’eau salubre et d’un assainissement efficace. Mais cette concentration peut constituer des fardeaux et exige des technologies parfois coûteuses pour protéger de manière efficace et durable tant les humains que leur environnement en général et les zones humides en particulier.

ConstatPartout dans le monde, les zones humides ont disparu ou ont été dégradées du fait de la perturbation de leurs fonctions essentielles, par l’urbanisation et ses corollaires : pollution, comblement, assèchement, perte des terres cultivables, modification du système hydrologique, perte de la biodiversité, …

La pollutionUne croissance industrielle rapide et la concentration des populations urbaines se conjuguent pour contaminer l’air et l’eau. Les eaux usées sont rejetées sans épuration préalable dans les cours d’eau du voisinage en même temps que les déchets industriels et domestiques. Les produits chimiques utilisés dans l’agriculture pratiquée dans le bassin versant de cours d’eau, les déversements accidentels de produits dits dangereux (radio activité), d’hydrocarbures sont des polluants qui affectent la qualité de la ressource en eau et les ressources biologiques associées. La plupart des pays en développement n’ont pas les ressources nécessaires pour traiter les déchets humains et les polluants chimiques.

Où allons-nous?

• Au fur et à mesure que la pollution urbaine continue à augmenter, davantage de personnes doivent partager l’eau disponible quelqu’en soit sa qualité et sa quantité. Or, l’utilisation incontrôlée d’eau usée induit les risques de propagation de nombreuses maladies

Jamal ALIBOU, 2002

Jamal ALIBOU, 2002

(1) Femme rurale lavant ses légumes dans les eaux de l’Oued Sebou après sa confluence avec l’Oued Fès, qui collecte tous les déchets de la ville de Fès.

(2) Lavage de véhicules, y compris ceux réservés au transport des ordures ménagères, dans l’Oued Ouislam à Meknès.

Modification du système hydrologique

Plusieurs décisions sont prises volontairement pour modifier le système hydrologique des zones humides.

• Des aménagements et ouvrages contre nature sont réalisés

• Des occupations anarchiques sont observées àdes endroits stratégiques et critiques pour le bon fonctionnement d’une zone humide

Les systèmes hydrologiques sont fréquemment perturbés.

Comblement et assèchement des zones humides

• Le dépôt direct ou indirect des déchets solides d’origine urbaine• les comblements pour les construction des routes • les comblements par les construction des routes et ouvrages

d’assainissement Tout caniveau, Tout collecteur se dirige toujours vers un endroit plus bas de point de vu topographique et la plupart de ces zonesbasses sont les zones humides.

Les quartiers de Pikine, Guinaw Rail, Médina Gounass, Yeumbeul, Malika, Thiaroye à Dakar font partie des endroits où les zones humides sont agressées par l’avancée des habitats.A Cotonou, plusieurs quartiers se sont développés dans les zones humides

La place de l’eau est vachement occupée

Perte des terres de culture

L’extension des habitats dans les bassins versants et les lits majeurs des zones humides affectent aussi la production vivrière ; ce, en soustrayant les terres de culture à mesure que les villes s’installent et en diminuant la superficie d’exploitation familiale.

Les exemples qui illustrent les cas d’occupation des zones humides propices à l’agriculture:les Niayes de Dakar au Sénégalla presqu’île de Kaloum à Conakry en Guinéeles lagunes de Lomé au Togo

Perte de la Biodiversité• Parmi les dangers qui menacent les habitats naturels des zones

humides figurent l’accroissement rapide de la population avec les besoins en espaces et ressources qui en découlent, l’extension urbaine, la pauvreté et une exploitation non durable du biote. L’épuisement des ressources en eau souterraine en Afrique du Nord -problème commun à de nombreux pays- a entraîné la dégradation et la disparition d’habitats spécifiques aux zones humides uniques ainsi que du biote qui leur est assuré.

• Dans les îles de l’ouest de l’océan Indien, l’accroissement démographique et la croissance urbaine ont contribué à la disparition d’espèces d’amphibiens, de reptiles, d’oiseaux, de mammifères et de végétaux endémiques faisant peser une menace sérieuse sur la biodiversité de ces zones. Ces dernières abritent des espèces d’oiseaux importantes notamment les Séchelles dont quatre des îles constituent des réservoirs avicoles naturels. La principale menace qui pèse sur la biodiversité de ces zones est la destruction des habitats qui résultent de l’extension des établissements humains (CAMAE et PNUE, 2002).

Mortalité massive des poissons au niveau de la retenue du barrage de Garde consécutive à undéficit en oxygène dissous suite à une importante pollution du Bas-Sebou

(23 Août 1993).

Jamal ALIBOU, 2002

Intoxication de la chaîne trophique

Un polluant se retrouvant dans une zone humide pourrait se retrouver très facilement chez l’homme en passant par d’autres êtres vivants intermédiaires: un certain nombre d’organismes vivants concentrent ce polluant qui pourrait se retrouver chez l’homme au bout de la chaîne alimentaire

« Quand nous introduisons allègrement des polluants dans les zones humides, nous allons en retour les consommer allègrement »

Appel à la communauté internationaleLa Déclaration ministérielle d’Istanbul adoptée appelle la communauté

internationale à :• intensifier les efforts pour atteindre les OMD ;• mettre en oeuvre la gouvernance intégrée des ressources en eau (GIRE) dans les

basins fluviaux ;• améliorer la gestion de la demande en eau ;• préserver les flux environnementaux, accroître la résilience et restaurer les

écosystèmes ;• prévenir et répondre aux catastrophes liées à l’eau ;• reconnaître l’eau comme un besoin essentiel ;• reconnaître le travail accompli par le système des Nations unies sur le droit

humain et l’accès à l’eau ;• accorder la priorité à l’eau et à l’assainissement dans la planification du

développement ;• promouvoir la coopération de l’utilisation durable et de la protection des

ressources en eau transfrontalières ; et• respecter le droit international de la protection des ressources en eau pendant les

conflits.

Pacte d’Istanbul sur les eaux urbaines(Istanbul Water Consensus)

Le 5e Forum mondial de l’eau: occasion pour les maires et les élus de collectivités locales, de formuler un pacte sur les eaux urbaines.

Le Pacte d’Istanbul: un engagement commun pour démontrer l’importance de la gestion de l’eau en milieu urbain à la lumière des changements mondiaux.

Le Pacte comprend une déclaration résumée en 7 principes et un engagement (en 5 points) spécifique qui s’adaptera aux circonstances de chaque ville ou autorité locale. (Objectif Terre 307, Mars 2009)

Principes de mise en œuvre• la bonne qualité de l’approvisionnement en eau

et l’assainissement de base sont un droit humain ;

• l’eau est un bien public qui doit être soumis strictement au contrôle public ;

• une approche cohérente à l’échelle locale, régionale et nationale est nécessaire pour s’adapter aux changements mondiaux et atteindre une gestion durable des ressources en eau de manière équitable et optimale ;

• le remboursement des coûts devrait être réaliséd’une manière équitable pour assurer la prestation de services aux personnes les plus vulnérables dans la société ;

• la sécurité de l’eau devrait être basée sur le principe d’une allocation équilibrée et raisonnable ;

• le renforcement des capacités, les mécanismes de financement créatifs et les cadres réglementaires devraient faciliter l’accès àl’eau et l’assainissement

• les collectivités locales et les décideurs régionaux devraient être intégrés aux processus politiques à des niveaux plus élevés de la gouvernance.

Engagement des autorités locales:

• évaluer la pression sur les ressources en eau et la biodiversité aquatique ;

• établir des inventaires des politiques locales et régionales, et planifier afin de répondre aux défis qui menacent les ressources en eau à moyen et àlong termes ;

• initier un dialogue avec les parties prenantes locales et définir des priorités et des plans d’action ;

• définir des objectifs et des cibles mesurables liés aux objectifs du Pacte d’Istanbul sur les eaux urbaines ;

• mettre en œuvre le plan d’action pour améliorer la prestation de services et accroître la résilience locale.

Quelques solutions• Arrêter les lotissements anarchiques ;• Elaborer les plans locaux d’urbanisme quand le besoin se fait vraiment

sentir; • Procéder au verdissement des plans directeurs d’urbanisme existants et

corriger les points ignorant le concept du développement durable;• Aménager des ouvrage de piégeage de tous solides nuisibles aux zones

humides aux exutoires des différents caniveaux et collecteurs existants;• Améliorer l’architecture du réseau d’assainissement de façon à réduire le

nombre de caniveaux débouchant dans les cours d’eau et les zones humides en général;

• Elaborer les plan locaux d’assainissement en complément des plans locaux d’urbanisme;

• Gérer convenablement l’espace en évitant les habitats dispersés dans les centres urbains;

• Observer toujours une zone de sécurité et «la bande environnementale » vis-à-vis des zones humides dans les processus d’occupation de l’espace au voisinage des écosystèmes humides.

Conclusion

« L’eau est ’’têtue’’ dans son milieu naturel; veuillons ne pas occuper sa place »

S. Jacques-Marie BOKO

MERCI DE VOTRE AIMABLE ATTENTION