Les saigneurs des abattoirs Enquête du MONDE

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  • 7/25/2019 Les saigneurs des abattoirs Enqute du MONDE

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    Les saigneursdes abattoirs

    Dans le plus gros abattoir porcinde France, Lamballe, on tueun animal toutes les 5 secondes.Un travail peu valoris, qui casseles corps et les esprits. Et rpondpar laugmentation des cadences une concurrence accrue

    audrey garric

    lamballe (ctes-darmor) - envoye spciale

    Quarante minutes. Cest letemps quil aura fallu aucochon pour entrer vivantdans labattoir et en ressor-tir en deux moitis de car-casse parfaitement net-toyes, prtes tre rfri-

    gres. Entre-temps, la bte a t tourdie partrois lectrodes, saigne, suspendue descrochets par les pattes arrire, plonge cinqminutes dans une eau 60 C pour ramollirla peau lchaudage , pile, puis flambedans dimmenses fours qui lui brlent les

    poils restants. Viennent ensuite louverturede labdomen, lviscration, la dcoupe delanus, la sparation de la tte, le tranchagevertical, le retrait de la panne et enfin les con-trles et la pese. Une cinquantaine dopra-tions au total, pour passer du cochon au porc.

    A la Cooperl de Lamballe (Ctes-dArmor), leplus gros abattoir porcin de France, on tue unanimal toute s les cinq secondes, 700 parheure, 50 000 par semaine. Une tuerie demasse, orchestre mthodiquement pourproduire les jambons, les saucisses, les rtiset les lardons engloutis par des consomma-teurs dont la demande de viande ne cessedaugmenter dans le monde entier.

    Si une partie des tches est automatise, lamajorit reste effectue par des ouvriers. Surle site historique du groupe, ils sont 2 000 sa-laris chargs de labattage, de la dcoupe, dela salaison, de la saucisserie ou de lexpdi-tion. Un travail la chane, physiquement etmoralement prouvant. Cadences leves,horaires dcals, tches harassantes, prou-

    vantes, rptitives et parfois dangereuses, ef-fectues dans un bruit incessant, dans le froidet lhumidit, avec du sang au sol et sur les v-tements : les postes, durs et ingrats, figurentparmi les pires de lindustrie franaise.

    Pntrer dans ce monde ferm et mconnudes abattoirs est malais. Les vidos-chocs delassociation de dfense des animaux L214,dnonant des cas de maltraitance animaledans des tablissements du Gard et des Pyr-nes-Atlantiques, ont laiss des stigmates. Lesdirections y ont trouv loccasion de mainte-nir closes les portes de ces lieux que lon pr-fre cacher, afin dpargner la sensibilit delopinion. Les salaris, de leur ct, se sontsentis attaqus et mpriss, un rejet dautantplus injuste leurs yeux quils permettent tous de manger de la viande. Aujourdhui, ra-res sont ceux qui acceptent de tmoigner, etencore moins visage dcouvert.

    Soyons clairs : vous navez pas de camraou denregistreur que vous utiliseriez notre

    insu pendant la visite ? Demble, la questionclaque. Le site de Lamballe lun des troisabattoirs de la cooprative agricole a ac-cept douvrir ses portes mais les journalistesy sont accueillis avec rticence. Cest doncsans tlphone portable ni objet daucunesorte, vtu dune tenue de protection, de bot-tes et dune charlotte, que lon entreprenddarpenter une partie des 55 000 m2de bti-ments. Du propre vers le sale , comme leveulent les consignes. Soit linverse de lachane de production : de la transformation(pour confectionner les saucisses, les traversde porc ou ribs , les pts) la dcoupeprimaire (o les carcasses sont coupes enquatre parties : jambons, poitrines, paules etlonges) pour arriver labattage.

    LES ATELIERS CASSE-BONHOMMES

    De salle en salle, des kilomtres de rails et detapis convoyeurs fendent sols et plafonds. Lesmachines soufflent, crissent, claquent, gron-dent et grincent jusqu 85 dcibels tel

    point quil faut parfois crier pour sentendre.Seuls les ouvriers, bouchons aux oreilles, tra-vaillent en silence, vtus de la mme tenueblanche, concentrs sur ces gestes mcani-ques quils rptent cent, mille fois par jour.

    Pour rduire la pnibilit de leurs tches, ladirection a multipli les amnagements. Ici,une filmeuse automatique de palettes, unelaveuse de bacs et une ficeleuse de rtis. L,une machine affter les couteaux. Debons outils permettent aux oprateurs demoins forcer pour couper les morceaux deviande , confirme Arnaud Cyt, responsablede la scurit du site. Plus loin, une plate-forme lvatrice vite aux salaris de trop sepencher et des quilibreurs limitent le portdoutils lourds.

    Regardez cette installation, indique fire-ment Jean-Michel Mauboussin, directeur delindustrie des viandes de la Cooperl. Elleprend des bacs de poitrines, quelle transportesur des tapis jusqu des barattes [des sortesdimmenses btonnires] o la viande estmlange de la saumure, pour tre ensuitetransforme. Avant ctait un poste difficile,entre le port de charges, le froid et le sel. Cotde linvestissement : 800 000 euros, ralis ily a douze ans. On ne peut pas tout mcani-

    ser, car on travaille avec une matire vivante,explique-t-il. Mais on progresse : on a n ouun partenariat avec le Commissariat lner-gie atomique pour tester des harnais de pos-ture et des exosquelettes qui limiteront les ef-forts fournir.

    Au-del des outils, les salaris portent ga-lement des quipements de protection indi-viduelle, tels que des tabliers et des gants encotte de mailles afin dviter de se blesser aucouteau. Et 70 % des ouvriers tournent sur un quatre postes pour limiter les gestes rpti-tifs ou trop physiques , ajoute le directeur.

    Pourtant, au dtour dun couloir, deux hom-mes portent bout de bras une grille de jam-bons, 120 kg en tout. Ils ne devraient pas fairea , indique, gn, Arnaud Cyt. a arrive

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    tout le temps quand on charge des chariots deviande frache , rtorque Frdrick Rakotofi-ringa. Le jeune homme de 32 ans revient dedeux mois darrt de travail. Jai fait un fauxmouvement sur un poste que je ne connaissaispas. Sur la moelleuse : on est face au porc coupen deux et on aspire la moelle pinire, racon-te-t-il.Jai eu une lombalgie aigu. Javais djsubi une tendinite aigu lpaule. L ouvrier,maintenant affect lemballage des traversde porc, vient dtre nomm reprsentant

    syndical CFDT au comit dentreprise pour faire changer les choses .

    Il est 13 heures. Sur le parking, les quipesdu matin et du soir se relaient. Selon les se-maines, on commence la journe 5 heuresou on la finit 21 heures sans compter lesheures supplmentaires. Trois femmes vo-quent les conditions de travail qui se dgra-dent mesure que les cadences augmen-tent . Il y a dix ans, on faisait 3 000 cochonsdans la matine, maintenant cest 5 000. Onnous en demande toujours plus. Certains ma-triels sont vieux : il faut forcer et on perd dutemps , tmoigne lune. Lautre jour, jai de-mand aller aux toilettes, le chef a refus ,renchrit une autre. A labattoir, le temps depause non rmunr est trs rglement :

    deux arrts de quinze minutes chacun pourhuit heures de travail. Le temps de rejoindrela salle de pause, denlever la tenue de protec-tion et de repartir, on a peine le temps degriller une cigarette , se plaignent-elles. Quand je veux me moucher, je mets la viandeque jai en retard dans un bac ct de moi, etje la rattrape aprs.

    En France, 80 000 salaris dont un tiers enBretagne voluent dans les industries de laviande, au sein des 263 abattoirs de bouche-rie et des 700 abattoirs de volaille, mais aussides nombreux ateliers de dcoupe et detransformation. Leur situation diffre selonla taille des tablissements familiaux ouusines , leur caractre public ou priv, l gedes quipements et le type de viande qui y esttraite abattoirs spcialiss ou multi-esp-

    ces. Reste en commun la pnibilit du travail.En moyenne, dans les grands abattoirs, lestrois quarts des nouveaux arrivants partentavant la fin de leur priode dessai. Trois ate-liers en particulier sont des casse-bonhom-mes : la tuerie, la triperie et le dsossage. On seretrouve avec des gens quon licencie, car ils nepeuvent plus travailler nulle part , assureJean-Pierre Delalande, dlgu syndical cen-tral CFDT la Socit vitrenne dabattage(SVA) Jean Roz, Vitr (Ille-et-Vilaine).

    COMME UN SACRILGE

    Cet abattoir immense et moderne, qui dbite600 bufs par jour, est au centre du docu-mentaire Saigneurs, dont une version courtea t diffuse sur Arte fin mai, avant sa sortieen salles lautomne. Les deux ralisateurs,Raphal Girardot et Vincent Gaullier, ontfilm pendant un an le quotidien desouvriers. Le rouge sang, omniprsent, sur lesblouses blanches, mais aussi sur les visages.Les odeurs enttantes des peaux arraches ou

    des graisses coupes. La fatigue, les cadences. Dans la tuerie, il faut sans cesse forcer avec

    son poignet dans de mauvaises postures ; por-ter, transfrer, accrocher des charges parfoistrs lourdes, en se tordant souvent le dos. Et enplus le faire en restant debout sur un sol glis-sant , tmoigneStphane Geffroy, ouvrier la tuerie de la SVA de Liffr, lun des deuxautres sites dabattage du groupe, dans son li-vre-tmoignage A labattoir, paru en avril(Seuil, 96 pages, 7,90 euros). A 46 ans,lhomme est dj cass : en cong mala dieaprs une opration de lpaule, il a endurplusieurs lombalgies, deux hernies et delarthrose. Comme tous les ouvriers de ce sec-teur, il connat sur le bout des doigts lven-tail des troubles musculo-squelettiques : syn-drome du canal carpien, tendinopathie, pi-condylite, etc.

    La chane, cest peut-tre une amliorationmcanique, mais cest aussi une destructionhumaine , dnonce un ancien contrematre

    face la camra de Manuela Frsil, dans sontrs touchant documentaire Entre du per-sonnel(2011). Cest la nuit quon a mal, quandle corps est froid. On narrive plus dormir ,renchrit un autre ouvrier.

    Si laccidentologie a fortement diminu cesdernires annes dans les abattoirs, elle restetoujours plus leve que dans la majorit desautres secteurs industriels. En 2014, on enre-gistrait 4 194 accidents du travail dans lesbranches viande de boucherie et de volaille(26 % par rapport 2009) et 1 516 maladiesprofessionnelles (14 % sur la mme priode),soit 245 000 journes perdues. L indice defrquence des accidents de travail en bouche-rie (soit 80 accidents pour 1 000 salaris) con-tre 47 pour les commerces et lindustrieagroalimentaire dans son ensemble. Lesprincipales blessures sont des plaies, des chocs,des luxations, des entorses ou des foulures, d-taille Sverine Demasy, experte en machineset en agroalimentaire lInstitut national derecherche et de scurit.Elles sont principale-

    ment causes par les chutes et les glissades, lamanutention, le port de charge et bien srlutilisation des couteaux.

    Non loin de lentre de la Cooperl, Lam-balle, un ouvrier tente dappeler un proche.Sa main est panse, son visage blme. Jeviens de me couper. Pas trs profond, mais il ya eu beaucoup de sang. Ils voulaient que jecontinue travailler, mais jai trop mal , t-moigne cet intrimaire. Il repartira seul, envoiture, faire une dclaration daccident dutravail dans son agence dintrim.

    Mais bien sr, dans les abattoirs, la duretdu travail nest pas seulement physique, elleest psychologique. Cest la plonge dans ununivers qui a quelque chose de primitif, critStphane Geffroy, qui a mis des annes avant

    de pouvoir dormir sans somnifre. On estconfronts directement ce qui nest jamaismontr, ce qui est interdit,comme si on com-mettait un sacrilge.

    Un poste en particulier rvulse autant quilfascine : le saigneur, celui qui donne la mort lanimal. A Vitr, les deux ralisateurs du do-cumentaire Saigneursont pu filmer en toutelibert, condition de ne pas montrer la mise mort des bovins. A Lamballe, il faudra lour-dement insister pour russir pntrer danscette pice spare du hall dabattage, la seulequi sent le cochon et non pas la viande.

    A lintrieur, un ouvrier se tient debout faceaux animaux qui dfilent, tourdis et allon-gs sur un large tapis. Toutes les cinq secon-des, il administre le geste fatal : un coup decouteau la gorge, ou un trocart plant dans

    laorte, sorte de tige cylindrique qui recueillele sang dans une poche de 5 litres. Moi je nesuis pas un mec sensible. Mon grand-pretuait le cochon la ferme, jen ai vu dautres,raconte un ouvrier qui tourne sur la saigne.Mais l, ce qui est insupportable, cest de fairea la chane. Jai limpression dtre dans uncamp dextermination.

    La phrase est forte. Trop, sans doute. Maiselle dit la charge mentale qui pse sur les sala-ris affects cette tche. Quatre heures du-rant, sans la moindre interruption, ils sai-gnent des cochons, 2 500 fois par jour. Ils doi-vent galement endurer la vision de lanimalanesthsi qui ferme les yeux avant de tom-ber sur le tapis. Ou encore ces soubresautsqui continuent dagiter les btes aprs leurmort. Cest pas une vie. On est des humains,pas des sauvages, dit encore le salari, quisouhaite rester anonyme.Je cache mes pro-ches quand je suis la saigne. Mme mafemme le sait pas.

    Une tche taboue et rebutante, y compris

    au sein de labattoir. La saigne, cest trs durpsychologiquement. Il faut tre solide. Beau-coup de gars ont fait demi-tour. Moi je nepourrais pas y travailler, je prfre tre dans lapartie froide que chaude, reconnat ChristianBois, 59 ans, employ la dcoupe de JosselinPorc Abattage (JPA), dans le Morbihan, unautre mastodonte des abattoirs avec 27 000porcs tus par semaine.Mais je me refuse porter un jugement sur les autres. On ne doitpas nous culpabiliser.

    Cette image dgrade et dgradante de leurtravail, les salaris en souffrent. On attend denous quon soit dans lempathie avec les ani-maux, mais aussi quon leur donne la mort, cestcontradictoire , relve Sverine Thomas,50 ans, affecte aux postes de finition chez JPA. Le travail en abattoir est le symbole du saleboulot. Il nest pas valoris, contrairement dautres postes en usine, comme dans laro-nautique ou lautomobile , note Sverin Mul-ler, sociologue du travail luniversit Lille-I,

    qui a pass six mois sur la chane dabattageavant dcrire un livre lui aussi titrA labattoir(Quae-Maison des sciences de lhomme,2008). La plupart des ouvriers viennent de mi-lieux ruraux, o tuer des animaux nest ni exoti-que ni spectaculaire, poursuit-il. Ils estimentque ce quils font est de lordre de lacceptable,mais ils cherchent donner un sens leur tra-vail. Lafonction sociale est toute trouve : ilfaut tuer pour nourrir la socit. Les grillades,faut bien les travailler partir dun animal. Jenai pas honte de mon travail , rsume Chris-tian Bois.

    1 400 EUROS NET, AVEC LES PRIMES

    Reste que nombre dentre eux ont besoin dese protger. Au sein de labattoir, le regard setransforme : lanimal devient un produit in-dustriel comme un autre. Je me dis quunette de vache, cest une grosse caisse en car-ton, histoire de ne pas cogiter, de ne pas pen-ser que je fais quelque chose qui tait vivant ily a cinq minutes , raconte Yvonnick Aubre,

    en corchant une tte de bovin, dans le filmSaigneurs.

    Pour dautres, la prservation passe par larhtorique du combat. Cest une espce decorps--corps avec la bte dpece , crit St-phane Geffroy. Tuer un ennemi est plus ac-ceptable que de tuer un tre innocent et sensi-ble , analyse Sverin Muller. Le vocabulairepropre labattage en tmoigne : le pistoletpour tourdir les bovins est surnomm lematador , le hall dabattage larne et lesouvriers qui y travaillent les tueurs .

    Un recul qui leur permet galement, pour lamajorit, de continuer manger de la viande.Certains ont malgr tout arrt. Lucie, qui tra-vaille la dcoupe la Cooperl, nachte plusde porc, lexception du jambon. a ma d-

    gote. Je vois des viandes qui tombent parterre, quon ramasse et quon remet sur lachane sans enlever les salets

    A quoi pensent-ils pendant quils spuisent la tche, ces Charlots des temps modernes ?A leur conjoint, leurs enfants, aux travauxdans leur maison, tout ce qui leur permet desvader, tout ce qui justifie quils travaillentencore labattoir. Car tous ont suivi la mmetrajectoire : sans diplme ou presque, ils ontdcroch un emploi dt ou un intrim sur lachane,un boulot alimentaire en attendantde trouver mieux. Des annes plus tard, ilsnont pas boug.

    Au dbut, ctait une solution de dpan-nage. Cela fait bientt huit ans , raconte Fr-drick Rakotofiringa, lun des rares ouvriersdiplms de lentreprise (bac + 2 en com-

    merce et gestion). Entre-temps, le jeunehomme, pre de trois enfants, a fait cons-truire sa maison Lamballe. Je chercheailleurs, mais a reste difficile avec les horaires.Et il faut payer les factures. Je voulais resterdans la rgion. Quand on na pas de diplme,lusine cest la seule possibilit et, en Bretagne,cest beaucoup lagroalimentaire , abondeYann Bret, 38 ans, entr en 2007 chez JPA.

    De fait, dans cette priode de chmage demasse, labattoir ouvre ses portes tous. Cest un endroit o on ne demande rien auxgens : il y a du boulot aprs quelques heures deformation , justifie Jean-Pierre Delalande, ledlgu CFDT de la SVA de Vitr. A Lamballe,la Cooperl est, de loin, le premier employeurde cette ville de 12 000 habitants quon sur-nomme la capitale du cochon. Cest une en-treprise indispensable au territoire, tant pourles ouvriers que les leveurs, mais aussi les res-taurateurs ou les hteliers , assure le maire(PS) Loc Cauret.

    En 2015, rien que sur son site historique, la

    cooprative a titularis 250 intrimaires. Mal-gr tout, le groupe peine recruter. Nousavons trs peu de demandes, notamment pourla partie abattoir, explique Jean-Michel Mau-boussin.Do lintrt de fminiser le travail. Aujourdhui, le site emploie 41 % de femmesparmi les ouvriers, essentiellement affectes la fin de dcoupe, la boyauderie, aux con-trles ou la mise en barquettes.

    Pour compenser le fort turnover, lentre-prise fait galement appel lintrim 500 personnes, en plus des 2 000 salaris ,dont une grande partie dtrangers. La Coo-perl, cest 600 mtiers diffrents, et tous nesont pas physiques. Nous avons 40 personnesqui travaillent en recherche et dveloppement,vante Franois Thbault, le directeur des res-sources humaines. Mais mme pour ladmi-nistratif, nous souffrons dun problmedimage et les mdias y sont pour beaucoup.

    Si la motivation des ouvriers diminue, cestaussi que les salaires chutent. Autrefois, le

    boulot tait dur mais bien pay : on pouvait ar-river 2 000 ou 2 500 euros net la fin de sacarrire, raconte Jean-Pierre Delalande.Aujourdhui, on a un mal de chien pour fairevoluer la rmunration de base et il y a trspeu de progression.

    A la Cooperl, la direction revendique un sa-laire moyen de 1 800 euros net pour le souvriers, en incluant les indemnits de repas,de transport, la mutuelle, ainsi que le treizimemois et li ntressement , prcise FranoisThbault. Les salaris, eux, montrent des fi-ches de paye qui aff ichent 1 400 euros netaprs une dizaine dannes danciennet, encomptant les nombreuses primes de salis-sure, dhabillage, de couteau, de parage, etc. Je gagnais plus quand jtais en intrim, tran-che Lucie.Je vais chercher autre chose, la payene suit pas.

    En mars, la direction adclench un mouve-ment social en annonant une baisse de laprime danciennet, du treizime mois et legel des salaires. Motif invoqu : la crise du porc

    et la concurrence des pays trangers, alors que35 % de la production de la Cooperl est desti-ne lexport. Les salaris ont tenu quatorzejours de grve, le plus long conflit depuis lacration de la cooprative en 1966. Des ngo-ciations sont en cours, sur les primes et les con-ditions de travail, mais on ny croit pas trop, in-dique Marie-Jeanne Meunier, dlgue syndi-cale CFDT Lamballe.La seule chose positive,cest que la grve a cr des liens.

    Malgr cette camaraderie qui permet de te-nir , pour les ouvriers, le compte ny est pas. Jen ai ras-le-bol, confie Lucie, la petite ving-taine. Si je reste l-dedans, je me dis qu40 ans, soit je naurai plus de bras, soit jenaurai plus de jambes. Je ne sais pas lesquelsvont lcher en premier. p

    ANNE-GALLE AMIOT

    TROIS FEMMESVOQUENT

    LES CONDITIONSDE TRAVAIL QUI

    SE DGRADENT : IL Y A DIX ANS,

    ON FAISAIT3 000 COCHONSDANS LA MATINE,

    MAINTENANTCEST 5 000