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1 Trimestriel gratuit Numéro 1 Novembre 2002 La vie des gens au cœur de notre terroir : L’ESCOUBO Ça commence bien, moi qui croyais trouver un boulanger au centre d’un village, me voilà dans la brume, à cinq heures du matin longeant les lônes du Rhône de Pierre- REPORTAGE Jacques Granier: amour, pain et poésie Sigrun Reineking: la nature au cœur de ses créations Beaumes-de-Venise: la vendange des bouchons Entre Jacques Granier et le métier d’artisan boulanger, il est incontestable qu’il y a autre chose. Souhaitant en savoir un peu plus, je joue de malice en prétextant un reportage «très technique» et me fais inviter dans son fournil un matin de production. Maître Jacques me renseigne sur la route à prendre, car, me dit-il, «la ferme est un peu isolée dans la campagne!» Geste ancestral, le défournement offre le spectacle du travail bien fait. La genèse du journal J e vis en Provence depuis trente années et je peux vous dire que cette région, qui m’a adopté tout de suite, est devenue ma région. Après pas mal de chemin parcouru, je me suis arrêté à Caderousse. Je me suis installé dans une très vieille maison qui se situe au cœur du village. Intéressé par son histoire, je n’ai pas mis longtemps à apprendre que Caderousse avait été le fief de la fabrication du balai pendant des décennies. Et que plus de quarante artisans balettiers avaient permis à plusieurs généra- tions de vivre de cet artisanat. Rencontrer les gens du terroir, écouter leur langue, connaître leur histoire, a toujours été pour moi source de plaisir. C’est pour cela que j’ai choisi comme nom à ce journal: L’escoubo. Il relate le travail manuel, la petite entreprise, la langue des anciens, leurs souvenirs. L’escoubo est aussi, et ceci depuis fort longtemps, l’ustensile le plus utilisé malgré l’arrivée au XXe siècle des aspirateurs et de toute la kyrielle de robots qui, paraît-il, remplaceront un jour l’huile de coude. L’escoubo est donc l’exemple même de pérennité, et c’est tout ce que je souhaite au journal! Yves Furic Au 10, rue Marcel-Fabri- goule, à Villeneuve-lez-Avi- gnon, se trouve une bou- tique magique. Elle brille de toute sa vitrine même quand le soleil n’est pas là. C’est l’atelier de Sigrun Rei- neking, l’orfèvre des fleurs. Née en Allemagne, à Hil- desheim (Basse-Saxe), elle allait toute petite admirer, devant le grand mur de l’égli- se Saint-Mickael, le rosier mil- lénaire, emblème de la ville. Elle est sûre que c’est ce rosier qui lui a insufflé l’amour des fleurs. Après des études de secrétariat et après avoir travaillé pendant quel- ques années dans des bureaux hermétiques, elle décide d’apprendre la sculp- ture et le dessin. Pendant six ans, elle sculpte le bois et l’ar- doise. Mais, comme on dit en Allemagne : «Leben wie Gott in Frankreich ! » (Vivre comme Dieu en France!). Il y a 25 ans déjà, elle commence son voyage initiatique apprenant, d’artisan en artisan, divers métiers artistiques. (Suite p. 7) S i l’escoubo parle des arti- sans, des collectionneurs, des passionnés et des artistes, il se veut aussi le porte-parole des gens de cœur. Patrick Psaïla et son équipe en font partie et à la veille du Téléthon, l’escoubo se doit de donner un coup de chapeau à ces hommes et ces femmes qui se battent depuis 1991. L’association Espoir-Généro- sité, qu’ils créent en 2000, organise depuis deux ans ce grand mouvement de solida- rité faisant de Beaumes-de- Venise la ville n°1 du départe- ment en collecte de fonds avec 15092 € (99000 F) l’an- née dernière. (Suite page 2) En + dans ce numéro La rédaction vous parle, page 3. Mais qu’est-ce que c’est?, page 3. Les remèdes de bonnes femmes, page 5. Festins et ripailles au palais des papes, page 6. Les contes du maset, p. 8. Les mots croisés, page 11. :–) Gard rhodanien, Haut-Vaucluse, Drôme provençale, Ardèche méridionale latte. Sur l’autre Rive, se des- sine le village de Bourg-Saint- Andéol. Je croise bien de temps en temps une ferme, mais pas de boulangerie en vue. (Suite page 4.)

L'escoubo n°1 - novembre 2002

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La vie des gens au coeur de notre terroir : Gard rhodanien, Haut-Vaucluse, Drôme provençale, Ardèche méridionale

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Page 1: L'escoubo n°1 - novembre 2002

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Trimestriel gratuit Numéro 1 Novembre 2002

La vie des gens au cœur de notre terroir :L’ESCOUBO

Ça commence bien, moi quicroyais trouver un boulangerau centre d’un village, mevoilà dans la brume, à cinqheures du matin longeant leslônes du Rhône de Pierre-

REPORTAGEJacques Granier:amour, pain et poésie

Sigrun Reineking: la nature au cœur de ses créations

Beaumes-de-Venise: la vendange des bouchons

Entre Jacques Granier et le métier d’artisan boulanger, ilest incontestable qu’il y a autre chose. Souhaitant en savoirun peu plus, je joue de malice en prétextant un reportage«très technique» et me fais inviter dans son fournil unmatin de production. Maître Jacques me renseigne sur laroute à prendre, car, me dit-il, «la ferme est un peu isoléedans la campagne!»

Geste ancestral, le défournement offre le spectacle du travail bien fait.

La genèse du journal

Je vis en Provence depuis trente années et je peux vous direque cette région, qui m’a adopté tout de suite, est devenue

ma région. Après pas mal de chemin parcouru, je me suis arrêtéà Caderousse. Je me suis installé dans une très vieille maison quise situe au cœur du village. Intéressé par son histoire, je n’ai pasmis longtemps à apprendre que Caderousse avait été le fief dela fabrication du balai pendant des décennies. Et que plus dequarante artisans balettiers avaient permis à plusieurs généra-tions de vivre de cet artisanat. Rencontrer les gens du terroir,écouter leur langue, connaître leur histoire, a toujours été pourmoi source de plaisir. C’est pour cela que j’ai choisi comme nomà ce journal : L’escoubo. Il relate le travail manuel, la petiteentreprise, la langue des anciens, leurs souvenirs. L’escoubo estaussi, et ceci depuis fort longtemps, l’ustensile le plus utilisémalgré l’arrivée au XXe siècle des aspirateurs et de toute lakyrielle de robots qui, paraît-il, remplaceront un jour l’huile decoude. L’escoubo est donc l’exemple même de pérennité, et c’esttout ce que je souhaite au journal! Yves Furic

Au 10, rue Marcel-Fabri-goule, à Villeneuve-lez-Avi-gnon, se trouve une bou-tique magique. Elle brillede toute sa vitrine mêmequand le soleil n’est pas là.C’est l’atelier de Sigrun Rei-neking, l’orfèvre des fleurs.

Née en Allemagne, à Hil-desheim (Basse-Saxe), elleallait toute petite admirer,devant le grand mur de l’égli-se Saint-Mickael, le rosier mil-lénaire, emblème de la ville.

Elle est sûre que c’est cerosier qui lui a insufflél’amour des fleurs. Après desétudes de secrétariat et après

avoir travaillé pendant quel-ques années dans desbureaux hermétiques, elledécide d’apprendre la sculp-ture et le dessin. Pendant sixans, elle sculpte le bois et l’ar-doise. Mais, comme on dit enAllemagne: «Leben wie Gottin Frankreich!» (Vivre commeDieu en France!). Il y a 25 ansdéjà, elle commence sonvoyage initiatique apprenant,d’artisan en artisan, diversmétiers artistiques. (Suite p. 7)

Si l’escoubo parle des arti-sans, des collectionneurs,

des passionnés et des artistes,il se veut aussi le porte-paroledes gens de cœur. PatrickPsaïla et son équipe en fontpartie et à la veille duTéléthon, l’escoubo se doit dedonner un coup de chapeau àces hommes et ces femmes

qui se battent depuis 1991.L’association Espoir-Généro-sité, qu’ils créent en 2000,organise depuis deux ans cegrand mouvement de solida-rité faisant de Beaumes-de-Venise la ville n°1 du départe-ment en collecte de fondsavec 15092 € (99000 F) l’an-née dernière. (Suite page 2)

En +dans ce numéro

La rédaction vous parle,page 3.Mais qu’est-ce que c’est?,page 3.

Les remèdes de bonnesfemmes, page 5.

Festins et ripailles aupalais des papes, page 6.

Les contes du maset, p. 8.

Les mots croisés, page 11.

:–)

Gard rhodanien, Haut-Vaucluse, Drôme provençale, Ardèche méridionale

latte. Sur l’autre Rive, se des-sine le village de Bourg-Saint-Andéol. Je croise bien de tempsen temps une ferme, mais pasde boulangerie en vue.

(Suite page 4.)

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ESPOIR-GÉNÉROSITÉ«Une société s’apprécie à l’énergie qu’elle

met à combattre le malheur.»

« Espoir-Générosité », prési-dée par Patrick Psaïla, a pourbut de venir en aide aux asso-ciations et ainsi de les incluredans la grande famille duTéléthon, comme dernière-ment l’association des chiensd’aveugle.« Espoir-Générosité », c’estaussi l’envie de sensibiliserles enfants aux problèmesque rencontrent les maladeset les familles qui les entou-rent.En parfaite harmonie avecl’association «Un bouchon,un sourire », parrainée parJean-Marie Bigard, Beaumes-

de-Venise sera un pôle trèsimportant du Téléthon 2002puisque le fil rouge exception-nel de cette année donnerarendez-vous tout au long desdeux journées aux com-munes environnantes, afind’amener dans un grandmouvement de solidarité leplus de bouchons alimen-taires plastiques possible etainsi de pouvoir remplir ungrand nombre de barriqueschargées d’espoir.Ce grand défi, basé sur la soli-darité, la générosité et l’es-poir, permettra d’offrir unfauteuil à un handicapé.

Patrick et son équipe sont déjà prêts et souhaitent que le mes-sage passe: «Il faut inciter les grandes villes à faire beaucoupmieux que notre modeste petit village de Beaumes-de-Venise.»

PROGRAMME DES DEUX JOURSDU TÉLÉTHON

de Beaumes-de-Venise

Pendant les deux jours,vente d’une cuvée spé-ciale vinifiée par la cavede Beaumes-de-Venise.

Vendredi 6 décembre• Début du fil rouge

la Vendange des Bouchonspendant les deux jours.

• 20h: défilé de mode à la salle des fêtes.

Samedi 7 décembreÀ partir de 10h et toute lajournée:• Animations au cœur du

village.• Activité sportive et

démonstration VTTdevant la salle des fêtes.

• 14 h : lâcher de ballons.• 17h30: loto à la salle des

fêtes.• 20h: repas à la salle des

fêtes suivi d’un spectacleavec André Chiron.

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AVIS AUX

LECTEURS

Novembre premiernuméro

de l’Escoubo

Les cris des marchands ambulants dans les rues sont lapremière forme orale de la publicité. En un temps où laculture est réservée à une classe de privilégiés et où laproportion des illettrés demeure considérable, le criagede leurs marchandises est le seul moyen dont disposentles commerçants pour informer leur clientèle.Toutefois, ces «industries nomades» ne tardent pas àcréer une sorte de marché parallèle au commerce établiet les boutiquiers regardent d’un mauvais œil ces itiné-rants qui transforment la rue en un véritable bazarambulant et permanent. Tous ces marchands criaientnaturellement à tue-tête, chacun d’eux s’efforçant decouvrir la voix de son voisin. À toutes les époques, lesmêmes mots reviennent sous la plume des auteurs, quiparlent de cacophonie, de concert monstre, d’infernalcharivari, tels les vendeurs de journaux du début duXXIe siècle qui crieront dorénavant:

«LISEZ L’ESCOUBO,ALLEZ BRAVES GENS, LISEZ L’ESCOUBO!»

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Chère lectrice, cher lecteur,je vais vous donner une

recette assez simple: Vous prenez l’expérience d’unbon demi-siècle que vousmélangez aux joies passées etfutures, vous saupoudrezd’un soupçon de peines etvous obtenez le cocktail de lavie qui offre alors son goût deplaisir. Une seule chosemanque pourtant pour quetout soit parfait : en parler!C’est justement dans ce sensque l’escoubo veut agir.Après plusieurs années à ser-vir nombre de supports de lapresse écrite, j’ai eu envie deparler de ceux qui nousentourent: de vous peut-êtreou de votre voisin, d’un amiou d’un parent; en tout cas degens qui souvent n’ont pas lapossibilité, par trop d’humili-té sans doute, ou de timiditépeut-être, de parler de leurpassion, de leur art, de leurcourage ou tout simplementde leurs souvenirs. L’escoubo

devient leur ami, votre ami etvous pouvez compter sur lui.L’escoubo vous donnera desinformations brèves hors dessentiers battus, il vous racon-tera des histoires: des vraies,des moins vraies, l’escoubovous donnera la main, vousaurez la possibilité de faireconnaître vos textes, vospoèmes. Parfois, l’escoubodonnera un petit «coup debalai» au gré de l’actualité,quand la «poussière» seratrop présente.L’escoubo c’est le petit jour-nal qui ne demande qu’àgrandir!

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Roger Miales, ancien artisan balettier à Caderousse.

ÉDITORIALYves Furic

«Le parler que j’aime, c’estun parler simple et naïf, telsur le papier qu’à la bouche.[…]. Je parle au papiercomme je parle au premierque je rencontre.»

Montaigne

Mais qu’est-ce que c’est ?

La langue au chat Avant de regarder trop vite laréponse figurant en page 11,sachez que cet objet se trouveà Orange.

Cette gravure du début du XXe

siècle montre un appareil quiutilise le même procédé.

Voici l’objet qu’il s’agit denommer. Il s’agit d’un instru-ment de mesure, mais demesure de quoi ?Deux indices pour vousmettre sur la voie :

– eau– farine

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Suite de la page 1.

La brume s’épaissit et ma vision se limite alors à

une vingtaine de mètres. Moiqui voulais le surprendre en

arrivant le premier, c’estfichu! Enfin j’arrive au croise-ment tant attendu; une pan-carte indique : « Ferme deMalaubert ». Comme parenchantement, en appro-chant de la grande bâtisse, labrume se dissipe. C’est alorsque j’aperçois sur le pas de laporte, un énorme sourireaccroché aux lèvres, MaîtreJacques Granier, artisan bou-langer de son état, qui m’in-vite à prendre en sa compa-gnie un bol de café revigo-rant. Je suis arrivé trop tard etle pétrissage lent par respectpour le gluten de la farine estdéjà terminé. La pâte est entrain de se reposer avant lefaçonnage. Le chaud breu-vage est avalé rapidement etJacques entre dans le fournil.Ah! C’est sûr, il n’a pas lastature d’un danseur, maisc’est pourtant un ballet qui alieu devant moi. Tous les passont calculés, la gestuelle estprécise. La Roberval est prête.Cette balance à deux plateauxest là pour s’assurer du bonpoids, mais je peux vous direque chaque morceau de pâte,que Jacques présente sur labalance, ne demande ni unpetit morceau en plus ni unpetit morceau en moins, lesmains qui déchirent la pâteont pris la bonne quantité dupremier coup. La tourne, plusconnue sous le nom de façon-

nage, demande une certainedextérité. Les boules de pâtese transforment comme parmagie en une sculptureallongée qui n’attend plusque la chaleur du four.

Jacques précise que troisheures seront nécessairespour que le pur levain finisseson travail minutieux de l’in-térieur.Sa passion a débuté en 1983,juste après une crue duRhône. Catherine son épouseet lui-même se retrouvent

cernés par les eaux et le fourde la vieille cuisinière setransforme pour l’occasion enfour de boulanger. Ce déclicl’emmène loin puisqueJacques construit de ses pro-pres mains, sur les plansqu’un vieux boulanger de

l’Ardèche lui fournit, un pre-mier four avec une sole de 1 m2 puis un deuxième enco-re plus grand. De 1986 à 1989,Jacques fabrique son pain etCatherine le vend dans sapetite boulangerie au cœurdu village de La-Garde-Adhémar. Mais en homme dela nature, Jacques ne veutproduire que du pain biologi-que au pur levain. Il part alors

en croisade et trouve uneclientèle attirée par la qualitéde ses produits. C’est en 1992que la ferme de Malaubert, la

maison de ses ancêtres dontla clé de voûte du fournilindique 1860, le rappelle et ilentame la construction deson troisième four celui dontil se sert aujourd’hui avec,excusez du peu, une sole de11 m2.

Le four est à température etdans un geste précis muni dela grande pelle, il enfourne lesfuturs pains en les griffantavec une lame. C’est sur lasole chauffée à 220°C que lepur levain, la farine prove-nant exclusivement de l’agri-culture biologique, le sel deGuérande et l’eau vont pro-duire leur alchimie. Il utilisede la poudre de noyaux d’o-lives pour fleurer la pelle àenfourner. Cette technique defleurage lui vient d’unboulanger du Diois. Vingtminutes et déjà les pains sor-

tent du four, des gestes préciset rapides lient le jeu de lapelle et de la bouche du fourqui s’ouvre et se referme don-

nant ainsi à cette tâche unrythme avec, en fond, lecrépitement des graines desésame qui éclatent sous lachaleur du four. Chaque gesteest un poème. Pain, amour etpoésie.

Yves Furic

REPORTAGEJacques Granier: amour, pain et poésie

Le volet du four est relevé afin de vérifier la vigueur de la flamme.

Résultat d’une matinée de travail, l’œuvre est une réussite.

Dans un alignement parfait, les futurs pains sont méticuleusement pesés.

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Naguère, la vie des paysansétait dure à gagner et l’on

n’avait pas toujours un bonmorceau à se mettre sous ladent. En témoignent les nom-breuses locutions qui se rap-portent à ce sujet et qu’on uti-lisait à propos des pauvresgens: A souvent soun ventre àl’espagnolo! (Il a souvent sonventre à l’espagnole!) Mettepas erand caouvo dins sounfanau! (Il ne met pas grand-chose dans son fanal !)Mangeo de bauquo! (Il mangede la paille de litière!) Fa leisdents longuos! (Il fait les dentslongues !) Rascloun leisnaveous ! (Ils raclent lesnavets !) Il fallait travaillersans relâche pour gagner sonpain.Si, aujourd’hui, le pain estresté le symbole du travail,c’est bien que jadis, il corres-pondait à une réalité

matérielle. Il constituait labase de l’alimentation pay-sanne et se préparait danschaque foyer. Au milieu duXIXe siècle encore, on pétris-sait dans les familles et l’on serendait au four banal pour lacuisson du pain. Le four étaitchauffé avec des fascines deramée de pin ou de chêne àkermès, avec des sarments oudu marc d’olive. Les ména-gères ajoutaient souvent desgraines de fenouil dans lepain, pour l’empêcher demoisir.

Dans les années 1930, voilàce que l’on préconisait

pour traiter les piqûres de fre-lons, taons, araignées etmouches charbonneuses…Bzzzzz!

« Faire jaillir le dard oul’aiguillon de la plaie commeun noyau de cerise presséentre les doigts en tordant lapeau que l’on saisit de touteson épaisseur. Puis, pratiquerune forte succion si possible.Couper une tête de poireauen deux, frotter vivement surla partie piquée pendant uneminute. L’acide du poireaudécompose le venin qui ainsiest absorbé et ne peut pas semélanger au sang. Ainsi il nese produit pas d’enflure et ladouleur cesse au bout de

deux minutes. D’autres secontentent de prendre ungros morceau de sel de cui-sine, de le mouiller avec de lasalive et de l’appliquer sur lapiqûre. Si la piqûre est dans labouche, on se gargarise avecde l’eau fortement salée. Enpeu de temps, le gonflementdiminue et tout danger cesse.La guérison est radicale enquelques heures. Dans cer-taines régions, on se sertuniquement d’une tête d’ailou d’oignon pour frotter surla piqûre et la guérir.»

Ceci est peut-être efficacemais pour ma part, je préfèrece qui suit :«Nos ancêtres employaientavec beaucoup de succès soit

Les remèdesde bonne femme

Le pain, naguère

Illustration pour la fable de la FontaineLes frelons et les mouches à miel.

des feuilles de bardane, soitdes feuilles de grand plan-tain. Avec ces feuilles vertes,ils frottaient vivement sur lapiqûre et en cinq minutes, laguérison était complète.Malheureusement, on a ou-blié la légende qui raconteque les feuilles de plantain etde bardane sortent de la terreau même moment que lesvipères et les insectes dan-gereux. Le crapaud et lavipère se battant en duel,recommencent leur combataprès s’être frottés sur lesfeuilles de bardane ou deplantain.»

LES PETITS TRUCS DE CES ANNÉES-LÀ:

«Le jus de tomates mûresenlève l’encre et les taches derouille du linge et desmains.» Mais il n’est pas précisé ce quienlève le jus de tomatesmûres!

Heures d’ouverture:Tous les jours : de 8h à 12h et de 14h à 18h

Juillet et août : jusqu’à 19hDimanche et jours fériés : de 9h à 12h et de 15h à 18h

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Quand on pense que lechien était utilisé comme

premier goûteur au palais despapes en Avignon auXIVe siècle, on imagine que laS.P.A. de l’époque devait êtreexcédée!C’est le pape Benoît XII quidécide de construire le palaisvieux et d’y installer unegrande cuisine. Au couron-nement de Clément VI, desécrits nous expliquent que600 personnes font partie dufestin.Au Moyen-Âge, les banquetssont gratinés, mais pas seule-ment pour le goût car rienque la présentation vaut ledéplacement. On assiste alorsà un vrai spectacle. Bien sûr, iln’y a festin que lors de visitesde grands personnages com-me le roi de France ou encoreJean-le-Bon, mais aussi pen-dant les grandes fêtes reli-gieuses comme Pâques oul’Ascension.Tout se passe à la grandetinel. Les tables y sontdressées et disposées en U,avec des listels de nappesbrodées ou des longères afinde s’essuyer les doigts. Unpoint noir pourtant dans l’or-ganisation de ces festins: laloi actuelle sur la parité entreles hommes et les femmesn’était pas respectée puisque,seuls les hommes y sont con-viés et ont donc le droit de serepaître. Même les reines oules impératrices n’ont pasl’autorisation de se mêler aufestin.

PLUS QU’UN FESTIN,UN BANQUET

Tout ceci est gargantuesquecar un banquet est divisé enservices et dans un service, ily a plusieurs plats. On mangedes paons comme aujour-d’hui du caviar! Le paon est, àcette époque, un met quiapporte l’immortalité et cettecroyance durera dix siècles.Par contre, on mange trèsproprement: il est interdit decracher, de se sucer les doigtset de se moucher dans lanappe! On ne doit pas boiresans y être convié et, avant deporter son verre à la bouche,on se doit de l’essuyer, car, àtable il n’y a qu’un verre pourdeux. Grosse déception enoutre pour nos vignerons, onne boit pas de Châteauneuf-du-Pape mais du bourgogneet pour comble de honte, oncoupe le vin avec de l’eau. Lesfruits, les légumes, les œufs etla volaille viennent de larégion. On chasse le cerf dansla forêt de Domazan, de Tavelet de Monfrin. On mangeénormément de poissond’eau douce que l’on vachercher dans des viviers. Lerepas dure quatre heures encommençant par les hors-d’œuvre, suivis des lapins etdes chaperons pour finir surles oublis sucrés. Eh oui! Àcette époque, les dessertsn’existent pas, car le mot«dessert» signifie alors trèslogiquement «desservir».Bon appétit!

Recette de l’époque par Viandier de Taillevent:

Brouet de daintiers de cerf et cervoisons ou plus dans notre vocabulaire d’aujourd’hui: Ragoût de testicules de cerfs et de daguets

Premièrement, fault très bien eschauder etlaver en eau boullante les daintiers decerf et bien cuits puis reffroidis et après taillez par morceaux quarrez ni trop

gros ni trop menuz et les frire en sain de lard etmettre en la poelle mêsme du bouillon de bœuf ety mettre du persil effeuillé et de la poudre finecompetement qu’il ne soit pas trop fort d’espices.Et pour leur donner liqueur, fault avoir ung petitde cameline ou prendre ung foie ou deux depoulaille et ung petit pain blanc et les couller etmettre en son pot, en lieu de cameline et y gecterung pou de vinaigre et deffaire ses espices de vinde vertjus les deux partz vertjus et le tiers vin ouen lieu de verjus groiselles et le saller compete-ment.

Au XIVe siècle, festins et ripailles au palais des papes

Recette écrite en let-tres gothiques com-me on écrivait àl’époque! Après toutça, je vous souhaitede bien la réussir et,le moins évident, detrouver les ingrédi-ents sur votre mar-ché!En tout cas, ceci vautbien trois tiares papa-les à l’escoubo.

Gravure sur bois extraite du livre de cuisinede C. di Messisburgo, Ferrare, 1549.

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De fait, Sigrun n’enferme pasla nature dans la résine, elle lafait découvrir et la montre àla lumière de mille soleils.

YF

Un pilulier.

(Suite de la première page.)

La rencontre avec Pierre fut pour elle le commence-

ment d’une autre vie. Il tra-vaillait le cuir et fabriquaitdes bijoux en fil tourné. L’idéelui vint alors de s’installer auxAngles, près du vieux village,et pendant dix ans ils bâtirentune petite industrie debijouterie avec cinquanteemployés. Ils exposaient dansdes salons professionnelsdans toute l’Europe et mêmeau Japon. Malheureusement,la conjoncture s’en est mêlée

et la petite industrie s’estarrêtée. Mais Sigrun Reine-king ne baissa pas les bras.Ayant acquis depuis quelquesannées un petit maset dans laplaine de l’Abbaye, elle luidonne le nom de Pampali-gousto, l’habite et se remet autravail. Très vite, elle fit pous-ser toutes sortes de fleurs:des alysses, de minusculespensées, des myrtes, desfleurs des champs et tout unmélange de couleurs. Ellevoulait les utiliser dans la fa-brication de ses bijoux. Toutesles conditions étaient réu-nies: la Provence, les fleurs, lesavoir-faire sans oublier lapoésie que Sigrun a dans soncœur. Très rapidement lamachine s’est remise enroute. En septembre 1992, elles’installe dans un atelier à larésidence de l’Oratoire.L’amour de la sculpture nel’avait pas quittée et elle crée

des modèles de bijouxempruntés au monde animal.Ceci lui permit d’étoffer sacollection. D’où vient soninspiration?«À vrai dire, au début était lechat. Je l’avais suivi pour m’ins-taller dans l’ombre du saulepleureur. C’est un endroit par-fait pour travailler. Là, je suisau milieu des couleurs du lisjaune, de l’iris bleu, du géra-nium rouge et le fenouil noirn’est pas loin. Toutes cescouleurs se diluent dans l’eaudu bassin des grenouilles et des

libellules au milieu de l’écranvert des herbes et des feuillesbruissantes. Les oiseaux que j’aivus l’hiver, ne quittent plus lejardin. Les arbres, les herbes, lesfleurs sont ponctués par le volsilencieux des papillons dont lacouleur à l’intérieur de leursailes me surprend toujours.C’est le temps des cigales. J’enprends plein les yeux de cesagissements autour de moipour saisir le moment précisdans un mouvement, dans uneattitude. Vers le soir, quand l’airdevient plus humide, je devraissurveiller les escargots dans lesalysses au milieu d’un fouillisd’herbes: Et une fois le soleilcouché, viendra l’heure desbelles de nuit qui ouvrirontleurs pétales jaunes, tachés derouge, afin de mieux envoûterles insectes de la nuit. Parfois,le chat ne semble plus dormiret à l’instant même, je découvreune panthère entre les bam-

bous. Et pourquoi ne trou-verais-je pas un jour unéléphant dans mon jardin?»

En juillet 1999, Sigrun ouvraitson atelier boutique du cen-tre ville. Elle rappela sa pre-mière main, Michèle, et unetrès jeune artiste, Vanessa.Les objets sont réalisés enfonte de laiton ou d’étaindorés ou argentés sans nickel.Les décors colorés sontobtenus grâce à une couched’émail appliquée au pinceauet complétés à l’aide de finespinces par des fleurs, despétales, des feuilles et desbrins d’herbe préparés préala-blement. Une résine claire ettrès résistante recouvre letout. Actuellement, une com-mande pour John Gallianoest en cours de finition. Lenom de la société de SigrunReineking, Milion Solis, vientdu nom d’une minusculefleur des champs et veut direen provençal «mille soleils».

Sigrun Reineking: la nature au cœur de ses créations

Collections «fleurons». De bellesfleurs sont enrobées de résine,certaines sont posées sur unfilet de mailles de laiton, l’éclatd’or vient des pâtes de verre deVenise.

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C’est une rubrique quiraconte des histoires pres-que vraies des gens d’ici.

L’orage vient de cesser. Sur la petite route goudron-

née, quelques flaques se sontformées laissant apparaître àla surface de l’eau les rondsgrandissants des dernièresgouttes de l’averse. Je fermemon parapluie et marche endirection de la petite maisonqui, quelques jours aupara-vant, m’a émerveillé par sabeauté. Cette fin de moisd’août, pluvieuse et caniculai-re à la fois, a permis à la végé-tation, comme dans les forêtstropicales, de grandir, des’étoffer et de verdir à unerapidité telle que je ne recon-nais pas tout de suite l’en-droit. Je sors mon appareilphoto de son étui et mitraillela maisonnette sous tous lesangles.L’orage vient de cesser.Sur la petite route goudron-née, quelques flaques sesont formées laissant appa-raître à la surface de l’eaules ronds grandissants desdernières gouttes de l’aver-se. Je ferme mon parapluieet marche en direction de lapetite maison qui, quelquesjours auparavant, m’a émer-veillé par sa beauté. Cettefin de mois d’août, pluvieu-se et caniculaire à la fois, apermis à la végétation,comme dans les forêts tropi-cales, de grandir, de s’étofferet de verdir à une rapiditételle que je ne reconnais pastout de suite l’endroit. Jesors mon appareil photogra-phique de son étui etmitraille la maisonnettesous tous les angles.

Elle se trouve dans la plainede l’abbaye de Villeneuve-lez-Avignon, entre le Rhôneet le fort Saint-André.Derrière elle, au nord, unepommeraie dont les arbrescroulent sous le poids desfruits. Plus loin, une haie decyprès la protège descolères du mistral. Devant,une prairie comme on envoit en Normandie : uneherbe grasse et des fleurs deluzerne mélangées à desfleurs de pissenlits lui fontun tapis vert, bleu et jaune.Sur les pentes du toit, destuiles rondes descendentpour ne s’arrêter qu’à seule-ment un mètre du sol. Untuyau de poêle rouillé ensort et défie les lois de laverticalité. Les murs en pier-res grises abritent desfamilles de lézards et d’es-cargots. Au-dessus de la por-te en planches, rongées parle temps, prennent appuides cornières qui se prolon-gent et débordent des limi-tes du mur pour former unetonnelle où s’étend et s’a-grippe une vigne dont lesgrappes noires offrent auxoiseaux des grains craquantset juteux; jamais je n’en aigoûté d’aussi bons. Le murde l’est est caché par unvieux figuier dont lesbranches tortueuses for-ment une main gigantesquequi protège les pierres desrayons du soleil. Bon sang!Qu’elle est belle cette mai-sonnette! Si je connaissaisle propriétaire et bien sûr, sielle ne lui servait plus à

rien, je lui demanderais l’au-torisation de m’y installer etainsi je pourrais goûter à laquiétude du lieu qui m’ins-pire déjà. Je décide derechercher le précieux pro-priétaire.

C’est étrange ce que jeressens à ce moment, j’ail’impression d’y habiterdepuis toujours et la soif deconnaître toutes les his-toires qui tournent autourde ce petit paradis, me rendeuphorique. Le parapluiesur l’avant-bras, la sangle del’appareil photographiquesur l’épaule, je continue maroute dans l’espoir de ren-contrer une âme qui vou-drait bien me renseigner.Tête basse, faisant attentionà ne pas marcher dans unede ces flaques d’eau quiaurait vite fait de memouiller les chaussuresjusqu’aux chaussettes, jem’arrête un instant devantune procession de fourmisqui, profitant d’une accal-mie, transportent des grai-nes glanées sur le champ deblé déjà moissonné à cetteépoque de l’année. Au croi-sement de la route et d’unchemin de terre, j’entendsdes voix et décide d’avancerdans leur direction.

Passée une haie de cannis-ses, j’aperçois, à une bonnevingtaine de mètres, deuxhommes accoudés au capotd’un tracteur que l’on utilisepour passer dans lesrangées de vignes. Ilsdétournent leur regard ets’arrêtent instantanémentde parler en s’écartant del’engin comme si leur pa-tron venait d’arriver et lesprenait en flagrant délit dene rien faire:– Bonjour messieurs!– Adieu!–Connaissez-vous le proprié-taire de la petite maison quise trouve devant le champ depommiers? Là-bas après lecroisement.

Les deux hommes s’inter-rogent. Au bout de quelquessecondes le départ estdonné et plus rien ne les

arrête. La discussion démar-re d’abord sur le fait que cen’est pas une petite maisonmais un maset. C’est là oùles agriculteurs rangentleurs outils et où au tempsdes chevaux et des mules, ilsprenaient un peu de repos,pour eux et pour la bête.Ceci dit, ils me disent qu’àleur connaissance, person-ne n’y a habité; sauf peut-être, il y a de cela deux outrois ans, un clochard yaurait séjourné sans mêmel’accord du propriétaire. Ah!nous y voilà; je vais enfinapprendre le nom de celui-ci.Mais c’est mal connaître lesdeux hommes. Deux agricul-teurs nés dans le villagedont les familles y viventdepuis moultes générations.L’un s’appelle Pilou etl’autre Gagnac, je pense quepour le premier, c’est unsobriquet et pour le secondtout simplement son nomde famille. Pilou, né dans laferme de son père qui luiaussi est né dans la fermede son père qui lui… et ainside suite jusque bien avantles papes d’Avignon, me citele nom de tous les proprié-taires terriens de la régioncomme s’il lisait le cadastre.Gagnac, qui ne travaille laterre que depuis qu’il est àla retraite de l’administra-tion des douanes, est néaussi dans la région et mon-tre son désaccord aux diresde Pilou quant à l’apparte-nance des terres et de celuiqui les travaille. Finalement,au bout d’une bonne heurede discussion et de palabres,ils arrivent à me citer unnom. Un nom que j’inscrisrapidement sur une feuillede papier: «le père Boutin».

– Merci beaucoup, messieurs!Je vous dois quelques explica-tions concernant ma question.– Oh ! vous savez, me ditPilou, ce sont vos affaires!Mais, voyant bien dans leursyeux la petite flamme de lacuriosité qui brille, je meprésente:– J’habite à Villeneuve de-puis peu…

Les contes du masetpar Paul-Alice Clément

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Et je continue ainsi leurexpliquant que, lors d’uneballade, ce maset m’avaitémerveillé et que, moyen-nant un peu d’entretien,j’en ferais bien mon petithavre de tranquillité et deréflexion, afin d’y écrirequelques histoires:– Vous écrivez l’histoire de Ville-neuve? demande Gagnac.– Non, surtout pas ! Etd’ailleurs, c’est peut-être déjàfait ! Non, non, je collecte par-ci par-là des souvenirs, desanecdotes qui appartiennentà tout le monde.– Eh bé, vé! dit Gagnac, vousen voulez une d’histoire?– Avec joie! À condition queje ne prenne pas trop de votretemps et que je ne vousempêche pas de travailler.– Oh! le travail vous savez,quand on sera tous là-haut,les arbres pousseront quandmême, alors, on a bien letemps de discuter un peu!

Et ainsi, à l’ombre d’unerangée de cyprès, nous nousasseyons sur la murette dupetit pont qui enjambe leruisseau d’irrigation.

Gagnac regarde vers lachartreuse et commenceson histoire.

LE DERNIER VOYAGEDES CHARTREUX

Pendant très longtemps,la chartreuse de Ville-

neuve abrita des moines quivivaient le plus simplementdu monde en suivant lesrègles de saint Bruno. Dansle monastère, au centre ducloître, il y avait uncimetière. C’était une gran-de pelouse telle qu’on la voitencore aujourd’hui. Seule-ment, ce cimetière n’avaitqu’une croix. Eh oui! mesamis, une seule croix, car àcette époque, lorsqu’unmoine mourrait, on l’en-sevelissait enveloppé dansun simple drap, et aprèsavoir enlevé la croix de l’em-placement où avait eu lieula dernière inhumation, onla replaçait sur le dernierdéfunt. De ce fait, une seulecroix suffisait dans lecimetière de ces bravesmoines. Mais bien sûr, il y afort longtemps de cela.

Depuis cette époque, au fildu temps, la croix reçut desmilliers d’averses, des mil-liers de coups de vent etpeut-être même des milliersde coups d’incisives dequelques taupes qui l’au-raient trouvée sur leurchemin. En tout cas, la croixdisparut, avalée par lanature.

Or, il y a de cela deux ans,les monuments historiquesvinrent pour redonner unsemblant de vie à ce grandmonastère. Vous pensezbien que pour les maçons,les terrassiers, enfin tous lescorps de métiers qui travail-laient à la restauration de lachartreuse et surtout ducloître, il était très difficiled’imaginer que là, en des-sous, dormait toute unecompagnie de moines. Seuls

les historiens, les conserva-teurs, les chercheurs et je nesais qui encore, savaientqu’il y avait un cimetière.

Mais, et vous le savez aussibien que moi, ici dans notrerégion, quand le mistralnous taquine avec la pous-sière, quand le soleil tapefort, ce n’est pas trèsagréable. Eh bien ! Nesouhaitant pas supporterles petits caprices de notreProvence, tous ces cerveauxqui venaient de la ville,habitués à leur bureau cli-matisé, s’en sont allés.

Ils laissèrent donc lesbraves ouvriers sans recom-mandation précise et sur-tout sans surveiller l’avance-ment des travaux. Le va etvient incessant des camionsqui allaient vider les gravats

dans la décharge dura dessemaines à tel point que lesvieux du village se deman-daient si, plutôt que de larestaurer, on n’enlevait pasla chartreuse. Un jour, alorsque le chantier arrivait à safin, le vieux Simon:– Tu le connais, Pilou, ce petitterrain, au bord du canal?Eh bien! Le vieux Simonarrêta les camions etdemanda aux chauffeurs s’ilétait possible de venir viderla belle terre sans cailloudans un gros trou qui setrouve dans ce fameux petitterrain.– Et ils ont accepté?– Tu parles qu’ils ont accepté!Ils étaient trop contents deraccourcir les trajets et c’estune dizaine de camions quivinrent vider leur benne.

Ci-dessus : au Moyen Âge,comme à la chartreuse deVilleneuve, les moines exer-çaient une importante pro-duction de livres manus-crits. Ici, cette belle sculptu-re sur ivoire (vers 960)représente saint Grégoireécrivant sous la dictée duSaint-Esprit qui, sous laforme d’une colombe, luimurmure à l’oreille la paro-le divine. En-dessous, troisscribes du monastère écri-vent avec des plumes d’oie,celui du centre tenant unecorne contenant l’encre.

CAVE LES COTEAUX DE VISAN

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samedi 23 novembre à 18 heures.

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– Mais dites-moi ! dis-je àGagnac, comment ce fait-ilque les camions avaient de labonne terre alors qu’aupara-vant ils transportaient desgravats?– Ah! je l’attendais celle-là.Moi aussi je me suis posé laquestion et me suis renseigné.

Une après-midi, alors quela chaleur avait inondé lesrues et que les Villeneuvoisse reposaient bien au fraisdans leur maison, je pris lechemin de la chartreuse.L’air de rien, je pénétrai surle chantier où travaillaientencore des jardiniers quifinissaient de planter quel-ques fleurs et arbustes pourpeaufiner le travail de res-tauration qui, ma foi, étaitfort bien réussi. L’un d’euxratissait autour de la nou-velle pelouse du cloître.– Quelle belle pelouse ! luidis-je, mais comment, en

cette saison sèche, arrivez-vous à faire pousser le gazonaussi vite et aussi vert?Appuyé sur le râteau, le jar-dinier, apparemment fatiguépar une longue digestion,me donna la réponse:

– Oh ! vous savez, aujour-d’hui, avec de la bonne terreet un engrais approprié… çapousse vite!– Ah! ça pousse vite. Et il fautcreuser profond pour avoir labonne terre… pour que çapousse… très vite?– Oh ! vous savez, aujour-d’hui, avec le tracto-pelle çava vite. On a enlevé cinquantecentimètres de gravats en-suite on a retiré un bon mètrede terre caillouteuse et à la fincinquante centimètres debonne terre, mais… (le jar-dinier se gratte la tête)bizarrement grise.– Tu parles ! Bizarrementgrise… Je sais moi pourquoila terre était… bizarrementgrise!– Non! dit Pilou, ne me dispas que…– Eh si ! mon vieux Pilou, je tele dis. Ce sont bien les pauvresmoines qui ont voyagé dansles derniers camions… Vousvous rendez compte?

Gagnac indique alors lepetit bois du vieux Simon etprend un ton mélancolique:Ils sont là! Oh, je ne sais pass’ils y sont tous! Mais en toutcas, je sais que c’est là, car àcet endroit… (Gagnac se metalors à chuchoter) j’ai déjàentendu des choses.

Pilou sourit ironiquement:– T’as entendu des choses, t’asentendu des choses. Maisquelles choses?

– Si je te dis que j’ai entendu,c’est que j’ai entendu, main-tenant si tu ne me crois pas…Viens à la tombée de la nuitsur le chemin!

Sur ce, Gagnac s’en va unpeu fâché en marmonnantlui aussi des choses bizarres.

Je n’aurai jamais dû lui par-ler ainsi, dit Pilou. Finale-ment il a peut-être raison. Entout cas, ce n’est pas moi quiviendrais la nuit pour vérifier.Alors se tournant vers moi:– Pourquoi ne venez-vouspas? Ça vous ferait une his-toire de plus à raconter. Allez!

Je vous taquine, à bientôtquand vous viendrez dansvotre maset!Pilou monte sur sontracteur, tire plusieurs foissur le démarreur ets’éloigne sur la petite route.

La chaleur a repris de lavigueur. Dans le pré, en facede moi, les grillons s’en don-nent à cœur joie. Lesabeilles, les guêpes bour-donnent à mes oreilles. Unecompagnie de fourmis tireun coléoptère qu’elles vien-nent de trouver. Je me sensbien, seul avec la nature,seul ? … Hum ! … Sauf sij’entends des choses. Maisça, une nuit peut-être si j’aiun peu plus de courage.

(Dans le prochain numéro,un autre conte du Maset.)

Une seule croix suffisait dans le cimetière de ces braves moines.

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• TrimestrielNuméro 1, novembre 2002

• Directeur de la publication,rédacteur en chef,publicités: Yves Furice-mail : [email protected]éléphone : 04 90 51 98 66Fax : 04 90 11 98 84

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Dépôt légal :novembre 2002

ISSN: en cours

Tirage: 5000 exemplaires

Remerciements particuliers àYvan Schwartz et Jacques Granierpour leur encouragement.

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Le caractère typographique utilisé pour le corps de texte et les titres de ce journal est Le Monde Courrier, créé en 1999par Jean-François Porchez.

Le parler que j’aime,c’est un parler simple et naïf,

tel sur le papier qu’à la bouche.

Je parle au papiercomme je parle

au premier que je rencontre.

Michel de Montaigne(1533 - 1592)

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L’ESCOUBOLa vie des gens au cœur de notre terroir

Les mots croisés de Jeannine Poirier

La poulie supérieure étaitentraînée par une courroie enliaison directe avec l’arbre prin-cipal de la roue à aubes. L’axeen tournant créait une forcecentrifuge qui entraînait lesmasselottes. Celles-ci en s’écar-tant déplaçaient une bague lelong d’un axe vertical qui mon-tait avec la vitesse. Par un jeud’engrenages, l’aiguille tour-

Horizontalement1 Règle la mesure.2 Jolie teinte d’été. Pronom.3 Dans l’œil ou dans un vase.

Enfile.4 Refusa. Note à améliorer.

Patrie d’Abraham.5 Corps simple solide. Ennui.6 Cèdes.7 Clair. À éliminer.8 Troussées.9 Petites ruses. Appris.10 Dépravée.

VerticalementA Grand nombre.

Initiales sacrées.B Soûlographie. Sous fa.C Sport motorisé.

L’artiste le craint.D Met recherché. Phase de

lune toute retournée.À l’envers les pieds dans l’eau.

E Langue du midi.Prénom féminin.

F Unité. Monnaie.G Retire. Il y fait chaud.H Deuxième personne.

Longtemps.I Einsteinium. Gouttelettes.J Féminin ou masculin.

Dieu guerrier.

Réponse :Mais qu’est-ce que c’est ?La photographie représente un compte-tours de moulin à eau.

nait sur un cadran et indiquaitainsi la vitesse de la roue.Certains compte-tours étaientéquipés d’une cloche réglablefixée sur l’axe des masselottesafin prévenir le meunier dèsque la vitesse était trop impor-tante.

Cet objet se trouve au Moulin de l’Espérance,

Ets Giral, à Orange.

Toutes vos suggestionssont les bienvenues.

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CharadeMon premier retient le chien.Mon deuxième maintient latête.Mon troisième n’est pas laid.Et mon tout est entre vosmains.

Réponse :

Deuxièmeou second ?On emploie « deuxième »quand l’énumération peutaller au-delà de deux:la deuxième République, ledeuxième quart d’heure.On emploie «second» quandl’énumération s’arrête à deux:La seconde mi-temps, leSecond Empire.On ose espérer que la secondeguerre mondiale restera bien laseconde!

Yves Perrousseaux

Laisse – Cou – Beau.L’Escoubo

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L’Atelier Perrousseauxc’est d’abord la réalisation de brochures,de livres, d’annonces-presse, etc.En adéquation avec les sujets à traiter, la mise en pages se caractérise par sa lisibilité et la maîtrise de la typographie.

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