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Développement du mode environnemental en microscopie électronique à balayage pour la caractérisation et l’étude de la matière organique dans des roches de schiste Nasar Nabeebaccus Tuteur entreprise : Isabelle Jolivet Tuteur ENSICAEN : Sylvain Marinel CSTJF Total Pau, lundi 22 août 2016

l’étude de la matière organique dans - scholar.harvard.edu · conseils et aide concernant les points techniques abordés dans ce rapport et tout au long de mon stage. Je tiens

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Développement du mode environnemental en

microscopie électronique à balayage pour la

caractérisation et l’étude de la matière organique dans

des roches de schiste

Nasar Nabeebaccus

Tuteur entreprise : Isabelle Jolivet

Tuteur ENSICAEN : Sylvain Marinel

CSTJF Total Pau, lundi 22 août 2016

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iii

Remerciements

Mes remerciements s’adressent en premier lieu à ma tutrice, Isabelle Jolivet, pour l’aide et

le temps qu’elle m’a consacrés. La confiance et la grande liberté qu’elle m’a accordées m’ont

permis de progresser sans cesse durant ces six mois de stage.

Je remercie vivement Claire Fialips, Jean-Michel Kluska et Bernard Labeyrie pour leurs

conseils et aide concernant les points techniques abordés dans ce rapport et tout au long de

mon stage.

Je tiens à remercier tout particulièrement et à témoigner toute ma reconnaissance aux

personnes suivantes : Laurence Jacquelin-Vallée, Régis Lasnel, James Matthews, Jean-Pierre

Girard, Jean-Paul Laurent, Valérie Mazière, Carole Bortelle et Anthony Ong ; pour

l’expérience enrichissante et pleine d’intérêt qu’ils m’ont fait vivre durant ces six mois chez

Total.

Un grand merci également à toute l’équipe de la BGM !

Finalement, j’aimerais remercier toutes les personnes qui ont contribué au succès de mon

stage et qui m'ont aidé lors de la rédaction de ce rapport.

iv

Table des matières

1. Présentation de l’entreprise ........................................................................................................... 1

2. Introduction .......................................................................................................................................... 3

3. Objectifs du stage ................................................................................................................................ 5

4. Microscopie électronique ................................................................................................................ 6

4.1. Interactions électron-matière ................................................................................................... 7

4.2. Microscopie électronique à balayage .................................................................................. 10

4.3. Mode environnemental ............................................................................................................ 14

4.4. Détecteurs du mode environnemental ............................................................................... 17

4.5. Analyse élémentaire .................................................................................................................. 21

5. Application de la microscopie électronique à l’étude de la matière organique

dans les réservoirs non conventionnels ................................................................................. 24

5.1. Présentation des systèmes conventionnels et non conventionnels ........................ 25

5.2. Les différents types de matière organique – état de l’art ............................................ 27

5.3. Méthodes de caractérisation de la matière organique ................................................. 32

5.4. Observations MEB et résultats sur la formation Vaca Muerta .................................. 34

6. Conclusion & ouverture ................................................................................................................. 39

7. Références .......................................................................................................................................... 41

8. Résumé ................................................................................................................................................. 43

9. Summary ............................................................................................................................................. 43

1

1. Présentation de l’entreprise

L’histoire du groupe Total commence en 1924 avec la création de la Compagnie française

des pétroles, CFP. À cette époque, la CFP exploite du pétrole uniquement au Moyen-Orient.

Dans les années suivantes, le groupe s’internationalise et se diversifie. En 1929, la CFP est

introduite en bourse et devient Total-CFP. Le groupe consolide sa position avec deux fusions-

acquisitions successives : la première en 1999 avec la compagnie pétrolière belge Fina pour

devenir Petrofina et la deuxième en 2000 avec Elf Aquitaine pour devenir TotalFinaElf.

Quelques années plus tard, en 2003, le groupe pétrolier retrouve sa dénomination

précédente, soit Total.

De nos jours, Total est la 4ème compagnie pétrolière et gazière mondiale après Exxon Mobil,

PetroChina et Chevron selon le classement Forbes de 2016. En terme de chiffres d’affaires,

Total est la 1ère entreprise française. Le groupe pétrolier possède également de nombreuses

filiales (plus de 900) à travers le monde et est présent dans plus de 130 pays. En France le

siège social de Total, la tour Total (Figure 1), se situe à La Défense, près de Paris. La partie

exploration & production (EP) de Total se situe principalement à Pau au centre scientifique

et technique Jean-Féger, CSTJF (Figure 2) et a comme objectif de réaliser des études

d’ingénierie pétrolière pour les filiales du groupe dans le monde entier. C’est d’ailleurs dans

ce centre de recherche que l’étude présentée dans ce rapport a été réalisée.

2

Figure 1 : Tour Total Figure 2 : CSTJF

3

Résultat financier

Chiffre d’affaires en 2014 236,1 milliards de dollars

Exploration & Production (EP)

Barils raffinés par jour 1,8 million

Gaz liquéfié vendu en 2014 12 millions de tonnes

Markéting & Service

Stations-services Plus de 15 500

Nombre de clients servis par jour 4 millions

Tableau 1 : chiffres-clés de Total (source : site web de Total)

2. Introduction

Comme mentionné précédemment, le CSTJF est le centre de recherche de Total et les filiales

du groupe font appel à l’expertise des personnes qui y travaillent afin de localiser les poches

de pétrole ou pour connaitre la rentabilité d’un puits.

Avant d’implanter des installations de forage qui sont généralement très couteuses, il faut

dans un premier temps déterminer l’endroit idéal où forer. Des informations telles que la

topographie et la formation géologique du terrain sont donc recueillies (exploration). En se

basant sur ces études géologiques et géophysiques, les experts déterminent l’emplacement

théorique d’un piège à pétrole (le prospect). Ensuite, pour confirmer la présence de pétrole,

on procède au forage. La boue qui remonte à la surface lors du forage est analysée par des

géologues, à la recherche de traces d’hydrocarbures (pétrole). Si on pense que le forage

traverse une réserve de pétrole, on démarre l’opération de carottage : l’extraction d’une

carotte (Figure 3) qui est un échantillon cylindrique de la roche. Les carottes peuvent faire 9

à 100 m et sont prélevées uniquement pour détecter la présence d’hydrocarbures ou si on

veut obtenir des informations sur la sédimentation.

4

C’est là qu’intervient le CSTJF : la carotte est envoyée au centre de recherche pour analyse

afin d’obtenir des informations cruciales sur la nature et composition de la roche,

l’inclinaison des strates (couches géologiques) et leurs structures, la perméabilité et la

porosité de la roche. On peut ainsi confirmer ou non la présence d’hydrocarbures dans la

carotte et éventuellement mesurer la maturité de la matière organique. Cette étude est très

importante car elle détermine la façon dont les projets futurs vont se poursuivre et le

potentiel du puits en question.

Pour ce faire, le CSTJF dispose de plusieurs appareils permettant l’analyse de carottes ou de

plugs (échantillons cylindriques ayant une taille de l’ordre du centimètre, prélevés de ces

carottes). Un CT scan (computed tomography) pour faire la tomographie des carottes et

s’assurer que l’on prélève bien des plugs homogènes. Un diffractomètre de rayons X, des

spectromètres infrarouge et XRF (X-ray Fluorescence), qui permettent de connaitre les

minéraux que contient la roche. Des microscopes optiques pour l’imagerie des minéraux et

la mesure de la maturité de la matière organique. Des microscopes électroniques à balayage

(MEB) pour faire de l’analyse minéralogique quantitative, QEMSCAN (Quantitative

Evaluation of Minerals by Scanning Electron Microscopy), ainsi que de l’imagerie 3D d’un

volume représentatif de la roche par FIB-SEM (Focused Ion Beam) et de la

cathodoluminescence pour observer les propriétés de luminescence des minéraux.

Figure 3 : carotte

5

3. Objectifs du stage

Les différents constituants d'une roche (minéraux, matière organique, pores) sont de taille

très variables selon les types de roches, et peuvent, dans le cas des roches de schistes par

exemple, présenter une granulométrie très fines (submicroniques). Les minéraux et la

matière organique étudiés dans le domaine pétrolier ont des tailles de l’ordre du micron.

D’où l’intérêt d’utiliser un microscope électronique pour faire les observations. Le MEB

utilisé durant le stage était un QEMSCAN 650F (Figure 4). Ce microscope a la spécificité de

pouvoir fonctionner en mode environnemental ou ESEM (Environmental Scanning Electron

Microscopy). L’étape de préparation pour faire de l’imagerie en mode ESEM est très rapide,

voir même inexistante lorsqu’on étudie des faciès fracturés. On peut ainsi observer des

échantillons dans leurs états naturels, sans aucun de traitement de surface (polissage, ion

milling, métallisation, etc.).

Figure 4 : FEI QEMSCAN 650F

6

Étant donné que l’ESEM requiert des conditions de travail différentes du mode

conventionnel (haut vide), le MEB n’était pas utilisé dans ce mode-là auparavant. L’objectif

du stage était donc dans un premier temps de mettre en place les protocoles d'utilisation de

cet appareil en mode environnemental et d'optimiser les conditions opératoires pour son

application aux réservoirs conventionnels et non-conventionnels. Le second volet du stage

portait sur la caractérisation des roches réservoirs actuellement à l'étude au CSTJF et plus

particulièrement sur les points suivants :

Dans le cadre de l'activité de support technique du service BGM, mettre en

application les protocoles et évaluer l'apport de l'ESEM pour la caractérisation de

roches dans leur état naturel (roches brutes non lavées et/ou traitées).

Dans le cadre d'une étude R&D actuellement menée au service Géologie de Total,

caractériser par microscopie électronique la matière organique dans des roches

réservoirs de type non-conventionnel provenant d'Argentine sous atmosphère

gazeux (vapeur d’eau) et présentant différents niveaux de maturité.

À noter que l’étude présentée dans ce rapport a été faite au sein du service Bio-

stratigraphie, Géochimie & Minéralogie (BGM), support technique à la R&D et aux filiales

pour la caractérisation des roches et la géochimie minérale.

4. Microscopie électronique

Un microscope électronique utilise un faisceau d'électrons incident focalisé sur un

échantillon pour créer une image. Les microscopes électroniques permettent d’obtenir des

grossissements allant jusqu'à 5 millions de fois, alors que les meilleurs microscopes optiques

sont limités en grossissement. L’avantage des microscopes électroniques est qu’ils ont un

7

Faisceau d’électrons

Électrons Auger

Rayons X

Cathodoluminescence

Électrons secondaires

Électrons rétrodiffusés

Rayonnement continu de freinage (Bremsstrahlung)

Collisions inélastiques

Collisions élastiques incohérentes

Électrons transmis

Collisions élastiques

ÉCH

AN

TILL

ON

plus grand pouvoir de résolution que les microscopes optiques qui utilisent des

rayonnements électromagnétiques. En effet, la résolution d’un microscope est limitée par la

longueur d'onde du rayonnement utilisé. La résolution plus grande du microscope

électronique est due au fait que la longueur d'onde associée à un électron (dualité onde-

corpuscule) est beaucoup plus petite que celle d'un photon de lumière visible, utilisé en

microscopie optique.

4.1. Interactions électron-matière

Lorsqu’un faisceau d’électrons est incident sur un échantillon, on a plusieurs types

d’interactions électron-matière ou effets qui se produisent :

Figure 5 : interactions électron-matière (figure pas à l’échelle)

8

les électrons Auger, qui sont des électrons émis lors de la désexcitation d'un atome

de l’échantillon. Ces électrons permettent l’analyse élémentaire de surface

les rayons X, caractéristiques des atomes dans l’échantillon et qui résultent des

transitions électroniques dans l’échantillon dues au bombardement avec les

électrons. Les rayons X sont utilisés pour l’analyse EDX (Energy-Dispersive X-ray

spectroscopy).

la cathodoluminescence, qui est l’émission de la lumière visible suite au

bombardement par le faisceau électronique. Ce rayonnement est particulièrement

utilisé en géologie, et donne des informations sur les niveaux électroniques de

l’échantillon.

les électrons secondaires, produits par ionisation (interaction inélastique électron-

électron) et permettent d’obtenir des informations sur la topographie de la surface.

les électrons rétrodiffusés. Ils sont produits par interaction élastique, c’est-à-dire,

interaction ou collision des électrons du faisceau incident avec le noyau des atomes

de l’échantillon et permettent d'obtenir un contraste chimique de surface.

le rayonnement continu de freinage (Bremsstrahlung) qui est un rayonnement

électromagnétique créé par un ralentissement de charges électriques.

les collisions inélastiques, utilisées en EELS (Energy Electron Loss Spectroscopy) qui

est une technique d’analyse élémentaire complémentaire de l’EDX et permet

l’analyse des éléments légers.

les collisions élastiques incohérentes.

les électrons transmis. Ils sont utilisés en microscopie électronique en transmission

(MET) pour faire de l’imagerie.

les collisions élastiques qui permettent d’obtenir des informations sur la

cristallographie de l’échantillon par la diffraction des électrons.

9

Il existe deux types de microscopes électroniques :

1) le microscope électronique à balayage (MEB), qui utilise les électrons secondaires et

rétrodiffusés pour former les images. Le MEB a une résolution optimale pouvant

atteindre 0,5 à 0,7 nm selon les constructeurs et le type de microscope.

2) Le microscope électronique en transmission (MET) : les électrons transmis à travers

l’échantillon sont utilisés pour l’imagerie. Le MET a une résolution maximale de 50

pm.

Dans les deux types, les électrons sont produits par un canon à électrons qui peut être :

un filament de tungstène (figure 6). C’est une cathode chaude et les électrons sont

générés par l’effet thermoionique.

un filament d’hexaborure de lanthane LaB6 (figure 7). De même que le filament de

tungstène, les électrons sont produits par l’émission thermoionique

un FEG, Field Emission Gun (figure 8). Le FEG est soit une cathode froide, un cristal de

tungstène transformé en une pointe ayant un rayon d’environ 100 nm, soit de type

Schottky : pointe de tungstène enrobée de dioxyde de zircone (ZrO2), conçue de telle

façon à ce que la conductivité augmente à haute température. L’émission

thermoionique est favorisée par abaissement de la barrière de potentiel.

Figure 7 : filament de LaB6 Figure 8 : pointe FEG

Figure 6 : filament de

tungstène

10

L’avantage avec les FEG est qu’on a un faisceau d’électrons cohérent ayant un diamètre plus

petit qu’avec des émetteurs thermoioniques conventionnels comme le filament de

tungstène et l’hexaborure de lanthane LaB6.

4.2. Microscopie électronique à balayage

Le microscope électronique à balayage utilise deux types d’électrons :

1) Électrons secondaires (Figure 6). Le faisceau d’électron incident interagit avec les

électrons dans l’atome de l’échantillon, donnant lieu à des électrons secondaires,

appelés « Secondary Electrons » (SE). Ces électrons proviennent d’une couche très

proche de la surface et sont donc utilisés pour former des images de la topographie

de la surface.

2) Électrons rétrodiffusés (Figure 7). Les « Backscattered Electrons » (BSE) sont les

électrons du faisceau primaire qui ressortent de l’échantillon après une ou plusieurs

collisions élastiques.

Figure 7 : électron rétrodiffusé Figure 6 : électron

secondaire

11

NOMBRE D’ELECTRONS

Échantillon

Faisceau primaire

Faisceau primaire

Moins d’électrons s’échappent

Plus d’électrons s’échappent

Les SE ont une énergie de 10 à 50 eV (Figure 8) et le nombre d’électrons secondaires

produits est supérieur au nombre d’électrons incident sur l’échantillon.

Le nombre d’électrons secondaires émis dépend largement de la topographie de la surface.

Lorsque l’on fait de l’imagerie en SE, le contraste est influencé par l’état de surface. Sur une

surface plane, le nombre d’électrons secondaires récupérés par le détecteur est beaucoup

plus faible que sur une surface non-plane (Figure 9). Ainsi, cette dernière apparait avec plus

de brillance, ce qui permet de reproduire une image de la topographie de la surface.

Figure 8 : spectre d’énergie des électrons

Figure 9 : topographie en SE

12

Le deuxième type d’électrons utilisés en microscopie électronique à balayage, les électrons

rétrodiffusés, sont beaucoup plus énergétiques que les électrons secondaires (Figure 8).

Contrairement aux SE, les électrons rétrodiffusés sont peu influencés par la topographie du

fait de leur forte énergie et permettent d'obtenir une image en contraste chimique (figure

13 &figure 14).

L’imagerie en électrons rétrodiffusés utilise le contraste pour donner une information

concernant la composition élémentaire de l’échantillon. Plus le numéro atomique des

éléments présents dans l’échantillon est grand, plus le nombre d’électrons produits par des

collisions élastiques est grand (Figure 10). Ces éléments apparaissent donc plus clairs sur

l’image BSE, expliquant la variation de contraste.

Figure 13 : image en électrons secondaires Figure 14 : image en électrons rétrodiffusés

13

Le MEB est composé de trois parties principales :

1) Le canon à électrons qui produit le faisceau d’électrons, décrit précédemment.

2) La colonne qui contient des lentilles électromagnétiques pour focaliser le faisceau

électronique et ainsi éviter la dispersion de ce dernier.

3) La chambre où est introduit l’échantillon à analyser et qui contient les détecteurs.

Le canon et la colonne restent en haut vide, quelque soit le mode utilisé pour l’imagerie en

microscopie électronique à balayage. En revanche, trois modes d’opération sont possibles

pour la chambre :

1) Mode haut vide ou conventionnel (HiVac). En haut vide, la pression à l’intérieur de la

chambre du MEB est de 10-5 à 10-7 mbar.

2) Mode pression variable (Variable Pressure mode, VP ou LoVac). Ce mode permet de

changer la pression à l’intérieur de la chambre.

3) Mode environnemental (ESEM) qui permet d’augmenter la pression jusqu’à 40 mbar.

Figure 10 : atomes

d’éléments lourds

Figure 11 : atomes

d’éléments légers

14

Les modes LoVac et ESEM utilise soit de la vapeur d’eau, soit un gaz introduit par l’utilisateur

(tuyau à cet effet pour introduire le gaz).

4.3. Mode environnemental

Le mode environnemental a pu être développé grâce à l’invention du GDD (Gaseous

Detection Device). C’est une méthode et appareil pour détecter les signaux dans

l’environnement gazeux à l’intérieur de la chambre du microscope en ESEM.

Avec l’ESEM, on peut faire varier la pression de 0,1 à 40 mbar, alors que dans le mode haut

vide, la pression à l’intérieur de la chambre est de l’ordre de 10-6 mbar. Ce mode permet

également d’introduire différents gaz dans la chambre du microscope et la présence d’une

source d’ions positifs provenant du gaz ionisé empêche la surface de l’échantillon de

charger. Cependant, lors de l’analyse élémentaire EDX (Energy Dispersive X-ray

spectroscopy), il est conseillé d’utiliser un cône (détecteur GAD, Figure 16) pour éviter la

dispersion du faisceau électronique dans l’environnement gazeux de la chambre.

Le mode environnemental nécessite un détecteur d’électron secondaire différent du mode

haut vide (due à la tension de claquage du détecteur) et les MEB fabriqués chez FEI, utilise

une valve appelée « Environmental Backing Valve » (EBV). L’EBV est fermée pour le mode

HiVac et ouverte pour les modes LoVac et ESEM, permettant ainsi de réguler la pression

dans la chambre. Des diaphragmes (Figure 12) situés au niveau de la colonne appelés

« Pressure Limiting Apertures » (PLA) déterminent la pression maximale autorisé dans la

chambre. À chaque fois que l’on demande le pompage en mode LoVac ou ESEM, une

fenêtre s’ouvre et demande à l’utilisateur de choisir le type de détecteur installé sur la pièce

polaire pour déterminer la gamme de pression autorisée. En revanche, si le PLA est

incorporé dans le détecteur, le système va déterminer le type de détecteur installé et ainsi

obtenir la taille du PLA et ajuster la pression en conséquence. À noter que le PLA peut être

changé seulement sous air.

15

En mode environnemental, on a quatre types d’électrons secondaires (Figure 13) :

1) Les électrons générés par l’interaction du faisceau primaire avec la surface de

l’échantillon

2) Les électrons produits par des électrons rétrodiffusés provenant de la surface de

l’échantillon ou par des collisions ionisants entre les électrons rétrodiffusés et le gaz

dans la chambre

3) Les électrons générés par la collision entre les électrons rétrodiffusés et le GSED

4) Les électrons produits par les collisions ionisants du faisceau primaire et le gaz dans

la chambre

Figure 12 : les diaphragmes PLA

16

Un des avantages de l’ESEM, autre que le fait de pouvoir travailler à température et pression

variable, est que ce dernier permet l’observation d’échantillons qui sont naturellement

humides ou huileux. Sous les conditions de vide normal, ces échantillons peuvent devenir

secs et perdre des caractéristiques importantes qu’on aimerait bien étudier. En outre, le

mode environnemental permet l’étude des processus chimiques et physiques in situ tels que

les effets des surfactants sur la mouillabilité d’une surface, les essais de contraintes

mécaniques, l’oxydation des métaux, l’hydratation et la déshydratation.

Le but du stage était de développer le mode environnemental, qui n’a jamais été testé, pour

caractériser les roches brutes dans leurs états naturels. Dans ce contexte, plusieurs essais

ont été réalisés avec les différents détecteurs à disposition au CSTJF afin de déterminer les

conditions optimales pour l’imagerie en ESEM.

Figure 13 : types d’électrons secondaires en ESEM

17

4.4. Détecteurs du mode environnemental

Le FEG-SEM Quanta 650F dispose de différents détecteurs permettant de travailler en mode

environnemental :

● CBS (Concentric Backscattered). Le CBS est un détecteur d’électrons rétrodiffusés qui

fonctionne également en mode haut vide et donne une image en contraste chimique

● Le GAD (Gaseous Analytical Detector) est un détecteur d'électrons rétrodiffusés

disposant d'un cône permettant simultanément de faire de l'imagerie et de l'analyse

EDS dans des environnements gazeux sans avoir trop de dispersion du faisceau

électronique. Pour ce faire, il possède un cône de 8,5 mm et donc la distance

parcourue par les électrons est de 1,5 mm si on est à une distance de travail de 10

mm. Le diaphragme d’ouverture du GAD est de 500 µm.

Figure 14 : détecteur CBS

Figure 15 : image avec le CBS

18

● GSED (Gaseous Secondary Electron Detector). Comme son nom l’indique, le GSED est

un détecteur d’électrons secondaires. Avec un diaphragme de 500 μm, on peut

travailler à une pression pouvant atteindre 26 mbar à l’intérieur de la chambre.

Figure 16 : détecteur GAD

Figure 17 : image avec le GAD

Figure 18 : détecteur GSED

Figure 19 : image avec le GSED

19

● Le LFD (Large Field Detector) qui est un détecteur d’électrons secondaires. Il est situé

sur un côté de l’échantillon à un angle et permet de travailler à des pressions allant

jusqu’à 2 mbar. Il est idéal pour faire parallèlement l’imagerie en électrons

secondaires et rétrodiffusés.

Le mode ESEM nécessite une bonne combinaison des paramètres suivant :

La valeur de la haute tension. Généralement, le fait d’augmenter la valeur de la haute

tension se traduit par un signal beaucoup plus élevé et en conséquence, un niveau de

bruit plus faible dans l’image. Cependant il existe quelques inconvénients de

travailler à très haute tension. On peut avoir moins de détails structurels de la

surface de l’échantillon en mode électrons secondaires, accumulation de charges à la

surface qui peut engendrer des artefacts, chauffage excessive de l’échantillon qui

pourrait endommager ce dernier. De plus, avec une tension d'accélération plus

élevée, la pénétration du faisceau électronique est plus importante et de ce fait le

volume d'interaction est plus important. On aura une image avec plus de brillance vu

Figure 20 : détecteur LFD

Figure 21 : image avec le LFD

20

que le nombre d'électrons rétrodiffusés augmentera, mais la résolution spatiale sera

réduite.

La distance de travail, WD pour « Working Distance », correspond à la distance entre

le bas de la colonne et l'échantillon. Plus la distance de travail est courte, plus le

diamètre du faisceau électronique à la surface de l’échantillon est petit. Pour

l’imagerie à haute résolution, il faut donc utiliser une distance de travail faible. Le

seul inconvénient est que la profondeur de champ est considérablement réduite dans

ce cas. La résolution maximale en mode ESEM est limitée à 1,4 nm.

La pression à l’intérieur de la chambre, régulée par l’introduction d’un gaz à

l’intérieur de la chambre du MEB. Le faisceau primaire est suffisamment énergétique

pour arriver sur l’échantillon sans trop de dispersion. Cependant, après interaction

du faisceau électronique avec l’échantillon, les électrons secondaires ainsi produits

vont entrer en collision avec les molécules de gaz présents dans la chambre et ioniser

ce dernier. Ces collisions produisent des ions positifs et d’autres électrons

secondaires, qui à leurs tours interagissent de nouveau avec les molécules de gaz et

ainsi de suite (effet cascade). Dans cette étude, le gaz utilisé est la vapeur d’eau. Il

est bon à savoir que la présence de vapeur d’eau dans la chambre n’affecte pas

l’analyse des éléments par EDX. Cependant, afin d’éviter tout risque de dispersion du

faisceau électronique, il est préférable de faire l’analyse EDX à la plus faible pression

possible et d’utiliser le GAD.

La taille de sonde, qui dépend également de la valeur de la haute tension utilisée.

Plus le courant de sonde est petit, plus la taille de sonde est petite. Il est

recommandé d’avoir une taille de sonde (« spot size ») la plus petite possible à haute

résolution. Contrairement à l’imagerie haute résolution, pour l’analyse EDX, il faut

une grande taille de sonde pour obtenir un taux de comptage de photons X suffisant.

Si on utilise une taille de sonde trop faible, on risque d’avoir très peu de signal avec

du bruit.

De préférence, il faut travailler sur un échantillon où la surface non-conductrice n’est pas

trop grande. La qualité de l’image dépend également de la vitesse de balayage. Si on utilise

21

une vitesse de balayage trop faible, les effets de charges à la surface de l’échantillon

risquent de brouiller l’image. À noter que les électrons rétrodiffusés sont moins sensibles

aux effets de charge que les électrons secondaires.

Autre point important lorsqu’on travaille sur des échantillons qui contiennent beaucoup de

carbone (matière organique) c’est de faire régulièrement une purge. Cela consiste à remplir

la chambre plusieurs fois avec un gaz sélectionné pour éliminer tout le gaz précédent. Cette

fonction peut être définie au préalable et est appliquée par défaut sur le FEI QEMSCAN

quand le mode LoVac ou ESEM est sélectionné alors que la chambre est sous air ou quand le

système est dans le mode LoVac ou ESEM et qu’on change de détecteur.

Après avoir réalisé plusieurs essais avec les différents détecteurs en tenant compte des

paramètres mentionnés précédemment, les conditions optimales pour l’imagerie en

environnemental sur des roches brutes ou polies ont été déterminées. Le tableau 2 indique

les conditions de travail recommandées en ESEM, avec les avantages et inconvénients de

chaque détecteur disponible au CSTJF.

4.5. Analyse élémentaire

Dans le cadre du stage, il était également nécessaire de trouver un moyen pour identifier les

minéraux observés en imagerie. L’analyse élémentaire, EDX est employé à cet effet, tout en

tenant compte des conditions de travail en environnemental et également de l’état de

surface de l’échantillon.

Sur des roches brutes, non-polies et donc avec une surface irrégulière, l’analyse EDX doit

être faite pour plusieurs inclinaisons de l’échantillon pour diminuer les effets d’ombrage.

Sinon, on peut également utiliser le GAD pour avoir un faisceau électronique focalisé sur la

zone à analyser.

22

22

Détecteurs Électrons détectés

Mode Paramètres d'opération

recommandés pour l'ESEM

Pression maximale

(mbar) Avantages

Inconvénients

CBS (Concentric Backscattered)

BSE + SE HiVac, LoVac, ESEM

Tension de 10–15 kV Distance de travail de 5–10

mm Pression de 1–2 mbar

2

Large champ de vue

(10 fois supérieur qu'avec le GAD)

Imagerie en BSE et donc peu de relief

GAD (Gaseaous Analytical Detector)

BSE + SE (en mode

topographie)

HiVac, LoVac, ESEM

Tension de 5–15 kV Distance de travail de 9–10

mm Pression de 1–2 mbar

26 Cône pour l'analyse

EDX

Champ de vue réduit de 10 fois comparé au CBS

& Distance de travail

limitée

LFD (Large Field Detector)

SE + BSE LoVac, ESEM

Tension de 10–15 kV Distance de travail de 9–10

mm Pression de 1–2 mbar

2

Large champ de vue &

Possibilité de faire parallèlement

l’imagerie en BSE

Pas adapté pour l'imagerie à haute

résolution

GSED (Gaseous Secondary Electron

Detector)

SE (signal pur)

LoVac, ESEM

Tension de 5–15 kV Distance de travail de 4–10

mm Pression de 5–6 mbar

26 Imagerie à haute

résolution

Champ de vue réduit &

Impossibilité de faire parallèlement

l’imagerie en BSE

Tableau 2 : détecteurs avec les paramètres recommandés pour le mode ESEM

23

Pour quantifier les éléments présents dans l’échantillon lors de l’analyse EDX, il existe

plusieurs méthodes de calcul des corrections :

● PBZAF

: ratio signal/bruit

Z : numéro atomique

A : absorption

F : fluorescence

Le PBZAF est une méthode qui ne nécessite pas de témoin (intégration du pic après retrait

du fond continu).

Avec,

Z : le numéro atomique

E0 : la tension

Ec : l’énergie d’ionisation critique (énergie du faisceau nécessaire pour ionisation toujours un

peu plus grand que la ligne d’émission)

n : constante qui dépend de l’élément et de la couche électronique (varie de 1,5 à 2)

Cette méthode de quantification convient aux échantillons rugueux ou inclinés (le ratio

est

constant).

● phi(rhoZ)

La méthode phi(rhoZ) fonctionne sur les k–ratio ; le pourcentage massique est déterminé en

tenant compte du k–ratio pondéré par les corrections ZAF :

24

Avec,

Z : le numéro atomique

A : absorption

F : fluorescence

Elle est à utiliser sur des échantillons plans avec témoins. À partir des k–ratio des éléments

identifiés, les pourcentages massiques sont calculés selon la stœchiométrie de molécules

simples de type : Na2O, MgO, Al2O3, SiO2, CaO, Fe2O3. Cette méthode ne convient pas aux

molécules complexes.

5. Application de la microscopie électronique à l’étude de la

matière organique dans les réservoirs non conventionnels

Au cours de ces dernières années, l’exploitation des ressources non conventionnelles s’est

rapidement développée. Les roches de schiste (non conventionnelles) sont devenues une

source importante de gaz naturel et d’huile à travers le monde. À titre d’exemple, en 2000,

les gaz de schistes représentaient seulement 1% de la production de gaz aux États-Unis alors

qu’en 2010, la part était au-delà de 20% et la tendance montre qu’en 2035 elle pourrait

atteindre 46% (U.S. Energy Information Administration). À noter que la Chine possède la plus

grande réserve avec 130 milliards de mètres cubes (World Oil). L’avantage d’exploiter les gaz

de schiste est que cela pourrait réduire l’émission de dioxyde de carbone, en particulier pour

les pays qui utilisent du charbon comme source d’énergie.

25

5.1. Présentation des systèmes conventionnels et non

conventionnels

La distinction entre les sources conventionnelles et non conventionnelles provient d’une

part de la nature même des roches à exploiter et d’autre part des conditions d’extraction. Le

pétrole non conventionnel est produit ou extrait en utilisant des techniques autres que les

méthodes classiques, ou impliquant un cout et une technologie supplémentaire dus aux

conditions d’exploitation plus difficiles. Il s’agit en effet dans les deux cas du même type de

pétrole, soit de l’huile et du gaz provenant de la maturation de la matière organique

contenue dans une roche sédimentaire, appelée roche mère en géologie (Figure 22). Cette

maturation, ou transformation de la matière organique en hydrocarbures, a lieu suite à

l’augmentation de la pression et de la température lors de l’enfouissement de la matière

organique au cours des temps géologiques (des millions d’années !).

Les hydrocarbures ainsi formés peuvent migrer vers la surface (migration représentée par

des flèches sur la Figure 22). Sur leur passage, il peut y avoir des roches imperméables,

appelées roches couvertures, qui peuvent bloquer la migration de ces hydrocarbures. Ils

vont donc s’accumuler sous ces roches couvertures dans les interstices (pores) des roches

poreuses et perméables (roches réservoirs).

En général, les roches réservoirs les plus perméables sont exploitées : on fore des puits pour

faire remonter les hydrocarbures à la surface. Ces méthodes sont des techniques

« conventionnelles » et de ce fait les hydrocarbures extraits façon sont appelés «

hydrocarbures conventionnels ».

Dans le cas contraire, si les hydrocarbures restent piégés dans la roche mère qui est une

roche moins perméable que la roche réservoir, l’extraction nécessite des techniques plus

complexes dites « non conventionnelles » telles que la fracturation hydraulique, et en

conséquence les hydrocarbures extraits sont appelés « hydrocarbures non conventionnels ».

26

Les gaz de schiste, mentionnés précédemment, font partie du pétrole non conventionnel.

C’est tout simplement du gaz naturel emprisonné dans des roches de schiste qui sont des

roches sédimentaires (roches mères) à grains fins. Ce sont des roches argileuses riches en

matière organique, avec d’autres minéraux tels que le quartz (SiO2) et la calcite (CaCO3).

Dans le cadre du stage, la raison de vouloir développer le mode environnemental était de

pouvoir étudier les roches provenant de la formation Vaca Muerta (figure 28). C’est un des

gisements non-conventionnels les plus importants d’Amérique du Sud. Elle qui se situe dans

le bassin de Neuquén, au nord-ouest de la région patagonique en Argentine. En 2009, Total a

signé un accord avec les autorités argentines pour l’extension de 10 ans (de 2017 à 2022)

des concessions Aguada Pichana et San Roqué (figure 29Figure ) situées dans cette

formation.

Figure 22 : système pétrolier (conventionnel)

27

La mise en place du mode environnemental en microscopie électronique, ESEM

(Environmental Scanning Electron Microscopy) était important afin de pouvoir caractériser

et étudier la matière organique et les différents minéraux qui l’entourent dans ces roches.

5.2. Les différents types de matière organique – état de

l’art

Dans le monde pétrolier, la matière organique est définie comme tout liquide ou solide

composé de matériels organiques. Les pétrologues utilisent la classification macéral

(kérogène et bitume) pour différencier les types de matière organique et le pouvoir

réflecteur de la vitrinite (PRV ou R0) pour indiquer la maturité de celle-ci (cf. Méthodes de

caractérisation de la matière organique).

Figure 28 : Formation Vaca Muerta Figure 29 : Aguada Pichana et San Roqué

28

Un macéral est un élément microscopique composant le charbon, c'est un composant,

d'origine organique, de charbon ou de l'huile de schiste. Le terme « macéral » est en

référence au charbon, par analogie à l'utilisation du terme « minéral » en référence aux

roche ignées ou roches métamorphiques. Des exemples de macéraux sont l'inertinite, la

vitrinite et la liptinite.

Le premier type de matière organique fréquemment rencontré dans cette étude est le

kérogène (C12 – C15). Il est défini comme étant de la matière organique insoluble qui peut

donner du pétrole après maturation. Due à sa ductilité, le kérogène va se compacter et se

comprimer pour remplir les espaces intergranulaires, entre les grains (Loucks R.G. and Reed).

Il est donc disséminé à travers les roches sédimentaires. C’est le cas des échantillons

immatures avec un R0 faible (0,51 %). Due à la compaction du kérogène, on n’a pas

d’espaces dans les pores minéraux et la matière organique est directement en contact avec

les grains.

Les particules du kérogène formées sur place vont remplir les pores minéraux

intergranulaires – on trouvera très rarement du kérogène intragranulaire. L’absence de

cristaux authigènes (cristal qui a pris naissance dans la roche où il se trouve) le long des murs

d’un minéral ou de la matière organique indique que cette dernière est encore sous forme

de kérogène (Loucks R.G. and Reed). On arrive à le distinguer d’autres formes de matière

organique comme le kérogène est insoluble dans les solvants organiques.

Le kérogène est classifié en quatre catégories :

1) Type I : alginite, forme amorphe. On le retrouve dans des environnements

aquatiques, avec le kérogène formé à partir d’algues et possédant un potentiel à

générer de l’huile.

2) Type II : exinite, forme amorphe également, présent dans des environnements

marins ou terrestres. Dans ce cas, le kérogène est produit à partir d’organismes

marins et a également un potentiel à générer de l’huile.

29

Indices oxygène

Ind

ices

hyd

rogè

ne

Aucun potentiel

Maturité croissante

Gaz sec

Gaz

Huile

CO2, H2O

Produits de la maturation

3) Type III : vitrinite, retrouvé dans des environnements terrestres uniquement. Le

kérogène est formé à partir de plantes et possède un potentiel à générer

majoritairement du gaz, mais peut également produire de l’huile.

4) Type IV : inertite. De même, on le retrouve que dans des environnements terrestres.

Ici, le kérogène est formé à partir de débris de bois oxydé et n’a aucun potentiel

hydrocarbure.

Le diagramme Van Krevelen illustre ces différents types de kérogènes avec les indices

hydrogènes et oxygènes :

Figure 23 : diagramme Van Krevelen

30

Un autre type de matière organique est le bitume. Le bitume est un terme générique pour

désigner une gamme d’hydrocarbures, avec différentes viscosités comme le pétrole, les

asphaltites (roches imprégnées de bitume) et également des composés sans hydrocarbures.

En géologie, le bitume résulte de la déposition et de la maturation de la matière organique

(> C20).

Quand le bitume est produit du kérogène, il peut migrer dans le réseau de pores minéraux et

ensuite se transformer en bitume solide ou pyrobitume (Loucks R.G. and Reed R.M.). C’est le

cas quand les pores intragranulaires contiennent de la matière organique, en particulier

quand le pore est totalement rempli. Le R0 du bitume est de l’ordre de 0,8.

La matière organique migrée a généralement une texture éponge due aux pores présents.

Quand du bitume ou de l’huile qui ont migré se transforme en bitume solide ou pyrobitume,

le gaz ou l’huile emprisonné dans le pore peur produire de grandes bulles.

On reconnaît la matière organique migrée quand cette dernière recouvre les zones de

surcroissance, indiquant que dans un premier temps, les cristaux ont précipités dans ces

pores et qu’ensuite du bitume ou de l’huile ont migré dans ces pores. De plus, si les pores

dans la matière organique ont une forme aléatoire, cela implique de la matière organique

qui a migré. Dans le cas contraire, des pores alignés et allongés sont observés dans la

matière organique formée sur place.

Le bitume solide est un bitume très visqueux pouvant préserver les pores. Le bitume peut

être classé en deux catégories (Mastalerz M. and Glikson M) : bitume pré-huile et bitume

post-huile. Le bitume pré-huile est généré à faible maturité et migre seulement sur de

faibles distances jusqu’aux pores adjacents. Le bitume post-huile, généralement appelé

pyrobitume, se forme plus tard dans l’étape de maturation et représente le résidu de l’huile

(cf. page 32).

À noter que les fissures de dévolatilisation, produites lors de la maturation de la matière

organique, sont caractéristiques de bitumes ou pyrobitumes et sont absentes dans du

kérogène (Loucks R.G. and Reed R.M.).

31

Une autre forme sous laquelle on retrouve la matière organique dans le domaine pétrolier

est le pyrobitume. Il est défini comme étant une substance dure, non-volatile composée

d’hydrocarbures. En étant exposé à de hautes températures, le bitume se transforme en

pyrobitume par l’intermédiaire de réactions thermiquement activées qui éliminent les huiles

légères et laissent derrière un résidu insoluble riche en carbone. C’est donc du bitume

thermiquement altéré.

L’évolution de la matière organique avec l’enfouissement directement est reliée aux

augmentations de températures et la formation du pétrole nécessite une température

précise. Le procédé de craquage qui résulte dans la conversion des kérogènes en bitumes est

appelé la catagenèse. Avec la catagenèse du kérogène, des petites molécules se dissocient

de la matrice. Ces petites molécules sont beaucoup plus mobiles que les molécules de

kérogène et sont les précurseurs du pétrole et du gaz. Par convention, la catagenèse

correspond à l’étape de la décomposition durant laquelle de l’huile et du gaz (mouillé) sont

produits. Puis, on a les réactions de décomposition thermique, qui laissent derrière un

résidu kérogène plus résistant. Cette étape appelée la métagenèse se passe après la

catagenèse et représente la génération de gaz sec.

Le craquage des molécules organiques nécessite de l’hydrogène. Plus un kérogène contient

de l’hydrogène, plus il peut produire des hydrocarbures pendant le craquage. La plupart des

petites molécules d’hydrocarbures sont riches en hydrogène et donc le kérogène résiduel

devient plus aromatique et dépourvu en hydrogène. C’est cette propriété qui est utilisée

dans les analyses XANES ou fluorescence X pour déterminer la maturité du kérogène dans

les échantillons analysés (Jacobsen et al., 2000).

32

Δ Bitume + pétrole (liquide) + gaz Kérogène

Δ

pyrobitume + pétrole + gaz

Pour résumer, la maturation de la matière organique et la production de pétrole :

La maturation du kérogène est un procédé irréversible et ne s’arrête pas complètement

même s’il y a une diminution drastique de la température. Une fraction considérable de

pyrobitume est formée à partir du pétrole (liquide).

5.3. Méthodes de caractérisation de la matière organique

La méthode la plus basique pour déterminer la quantité de carbone présent dans un

composé organique est la mesure du TOC (Total organic carbon). Cette méthode consiste à

mesurer la quantité de CO2 libéré quand le composé est complètement oxydé.

L’indice hydrogène (HI) permet également de déterminer la maturité. Celle-ci est calculée

comme suit :

Avec,

S2 : quantité d’hydrocarbures produite par le craquage (en mg g-1 de roche)

Le TOC en %

33

Autre méthode de caractérisation, le pouvoir réflecteur de la vitrinite (PRV ou R0) ; c’est une

mesure du pourcentage de la lumière incidente réfléchie par des particules de vitrinite dans

le kérogène. Par exemple une valeur de R0 de 0,6–0,78 % indique un potentiel à former du

pétrole alors qu’une valeur supérieur à 0,78 % indique un potentiel à former du gaz. Les

échantillons immatures ont des PRV de 0,2 à 0,6 % et les matures de l’ordre de 1 %.

Les mesures de porosité peuvent également donner une indication de la maturité de la

matière organique. En effet, les pores sont absents dans la matière organique immature

(0,9% R0), alors que les échantillons matures (1,67% R0, fenêtre à gaz sec) sont eux poreux

(Curtis et al., 2012). Cela impliquerait un développement de la porosité secondaire lors de la

maturation du shale de la fenêtre à huile à la fenêtre à gaz. Ceci est en accord avec d’autres

recherches sur les shales organiques (Bernard et al., 2012 ; Curtis et al., 2011a ; Heath et al.,

2011 ; Schieber, 2010).

Les différences de porosité dans la matière organique peuvent être expliquées par le fait que

cette dernière proviendrait de différentes origines. La cinétique pourrait également

expliquer cette différence ; en effet la vitesse de pyrolyse varie en fonction des différents

types de kérogène. La porosité associée au kérogène augmente avec la maturité thermique,

résultant de la conversion de la matière organique solide en hydrocarbures fluides

(McCarthy et al., 2011). Les particules de kérogène noircissent pendant la catagenèse et la

métagenèse.

Cependant, en se basant uniquement sur la porosité, il n’est pas possible de différencier les

trois types de matière organique puisque les pores ne se forment pas seulement dans le

kérogène mais également dans le bitume solide et le pyrobitume (Loucks R.G. and Reed

R.M., 2014). En revanche, des pores alignés dans la matière organique sont caractéristiques

du kérogène alors que des grosses bulles sont associées au développement de deux phases

d’hydrocarbures (Loucks R.G. and Reed R.M., 2014).

34

La pyrolyse, définie comme étant la décomposition thermique de la matière organique à de

hautes températures (Yen T.F., 1976), modifie les caractéristiques de la matière organique.

La pyrolyse en présence d’eau diminue le TOC (Total Organic Carbon) et produit plus de

déformations dans l’échantillon que la pyrolyse anhydre et le développement du bitume est

plus prononcé, c’est-à-dire, qu’on produit plus d’hydrocarbures (Gayer J.L., 2015). De plus, la

pyrolyse en milieux aqueux produit une couche de coulée de bitume qui recouvre la surface

de l’échantillon. On a des fissurations dues à un refroidissement rapide. La pyrolyse anhydre

a comme effet d’ouvrir les pores et produit moins de fissures et on a également moins de

conversion du kérogène en bitume. Autre point important, la taille des pores augmente

après pyrolyse (Gayer J.L., 2015).

Il est bon de noter que les bitumes solides ont des composants solubles (bitumes) et

insolubles (pyrobitumes). La solubilité dans les solvants organiques permet de différencier le

bitume du pyrobitume.

5.4. Observations MEB et résultats sur la formation Vaca

Muerta

Les échantillons étudiés durant le stage proviennent de la formation Vaca Muerta. Il y en a

quatre au total : 1 immature et 3 matures. Pour des raisons de confidentialité, le nom des

puits et leurs cotes ne seront pas mentionnés dans ce rapport. Dans ce qui suivra après, I1

fera référence à l’échantillon immature et M1, M2 & M3 représenteront les échantillons

matures en ordre d’enfouissement croissant (du moins profond au plus profond).

La matière organique présente toutes sortes de formes : concave, convexe, anguleuse ; la

forme convexe étant souvent due à la compaction de celle-ci par des grains rigides.

35

Kérogène compact Grains de pyrite

Grains de quartz

Le kérogène est généralement composé de particules organiques micrométriques. Dans

l’illustration, le kérogène est comprimé et se retrouve autour des grains qui eux sont rigides.

Due à cette compaction, le kérogène est bien non-poreux (cf. images ci-dessous).

On retrouve systématiquement ce type de matière organique dans l’échantillon immature

I1. Cela s’explique par le fait qu’étant immature, la matière organique est principalement

sous forme de kérogène. En revanche, cette forme est quasi-inexistante dans les

échantillons matures M1, M2 & M3.

Figure 24 : images MEB en ESEM de l’échantillon I1

36

Autre type de matière organique rencontré durant cette étude : le bitume compact. En

contraste avec le kérogène compact, le bitume compact se trouve principalement dans les

échantillons matures. C’est en accord avec le fait qu’avec une maturité croissante, le

kérogène se transforme en bitume. Ce type de matière organique est quasi-inexistant dans

l’échantillon immature.

Figure 27 : images MEB de l’échantillon M2

Figure 25 : image MEB en ESEM de

l’échantillon M1

Figure 26 : image MEB de l’échantillon M1

Figure 28 : image MEB de l’échantillon M2

37

Bitume compact

Le bitume compact peut également se retrouver piégé entre de petits cristaux, tels que des

cristaux de kaolinite :

Figure 29 : image MEB en ESEM sur l’échantillon I1

38

Autre caractéristique qui permet de différencier le bitume du kérogène est le présence de

fissures de dévolatilisation. Elles sont produites lorsque les gaz s’échappent de la matière

organique pendant l’étape de maturation (Loucks R.G. and Reed R.M.) :

Cependant, le bitume fissuré est présent uniquement dans l’échantillon M1 (mature).

Avec le kérogène compact et le bitume compact, le bitume ayant une texture éponge est

une des formes de matière organique la plus fréquemment rencontrée. En revanche, cette

forme est présente uniquement dans les échantillons M1, M2 & M3. Cela s’explique par le

fait que ce sont des échantillons matures et que les pores sont dus aux bulles de gaz formées

durant l’étape de maturation :

Figure 31 : fissure de dévolatilisation Figure 30 : image MEB en ESEM de

l’échantillon M1

39

6. Conclusion & ouverture

Ce stage a permis de démontrer l’importance du mode environnemental lorsque l‘on

travaille sur des échantillons géologiques contenant de du carbone. Très souvent, pendant le

forage ou l’exploitation d’un puits, les filiales de Total font appel aux experts du CSTJF pour

connaitre la structure et les caractéristiques des roches qui contiennent de la matière

organique ou qui remontent à la surface. Dans ce cas, il est impératif de donner une réponse

dans les plus brefs délais car chaque jour où l’exploitation ou le forage est arrêté coûte des

milliers d’euros à la compagnie pétrolière. Le mode ESEM est essentiel car il permet de faire

des observations sans avoir à passer par l’étape de préparation d’échantillons. De plus, on

travaille sous des conditions moins drastiques qu’avec le haut vide conventionnel, ce qui

impacte peu les caractéristiques de la matière organique. Sous des conditions de vide

normal, cette dernière peut fluer et migrer dans l’échantillon (Figure 34) :

Figure 32 : image MEB en ESEM de

l’échantillon M1

Figure 33 : image MEB en ESEM de

l’échantillon M1

40

Pour améliorer les capacités d’identification de la matière organique, il faudrait coupler

d’autres techniques d’analyse telles que la fluorescence X ou la spectroscopie Raman à la

microscopie électronique. L’identification en se basant uniquement sur l’imagerie reste très

difficile, pour ne pas dire impossible. L’autre possibilité serait de l’analyser en microscopie

optique en lumière réfléchie, où le bitume apparaîtra en clair dû à ses propriétés optiques.

Le seul inconvénient avec cette méthode d’analyse est que seulement des zones ayant des

tailles supérieures à 1 μm peuvent être analysées.

Figure 34 : changement de forme de la matière organique

après passage en haut vide

41

7. Références

American Geosciences Institute (AGI), 2016, Glossary of geology, Fifth edition, revised.

Bernard S., Horsfield B., Schulz H.M., Wirth R., Schreiber A., Sherwood N., 2012. Geochemical evolution of organic-rich shales with increasing maturity: a STXM and TEM study of the Posidonia Shale (Lower Toarcian, northern Germany). Marine and Petroleum Geology 2012, 70–89.

Bernard S., Wirth R., Schreiberb A., Schulzb H.M., Horsfield B., 2012. Formation of nanoporous pyrobitumen residues during maturation of the Barnett Shale (Fort Worth Basin). Internation Journal of Coal Geology 103 (2012) 3–11.

Curtis M.E., Ambrose R.J., Sondergeld C.H., Rai C.S., 2011a. Investigation of the relationship between kerogen porosity and thermalmaturity in the Marcellus Shale. SPE-144370, SPE Unconventional Gas Conference and Exhibition. June12–16, 2011, TheWoodlands, Texas.

Curtis M.E., Cardott B.J., Sondereld C.H., Rai C.S., 2012. Development of organic porosity in the Woodford Shale with increasing thermal maturity. International Journal of Coal Geology 103 (2012) 26–31.

Gayer J.L., 2015. Artificial Maturation of oil shale: The Irati Formation from the Paraná Basin, Brasil. Colorado School of Mines.

Heath J.E., Dewers T.A., McPherson B.J.O.L., Petrusak R., Chidsey T.C., Rinehart A.J., Mozley P.S., 2011. Pore networks in continental and marine mudstones: characteristics and controls on sealing behavior. Geosphere 7, 429–454.

Jacobsen C., Wirick S., Flynn G., Zimba C., 2000. Soft X-ray spectroscopy from image sequences with sub-100 nm spatial resolution. Journal of Microscopy, Vol. 197, Pt 2, February 2000, pp. 173-184.

Loucks R.G., Reed R.M., 2014. Scanning-Electron-Microscope Petrographic evidence for distinguishing organic-matter pores associated with depositional organic matter versus migrated organic matter in mudrocks. Gulf Coast Association of Geological Societies Journal, v. 3 (2014), p. 51–60.

Mastalerz M. and Glikson M., 2000. In-situ analysis of solid bitumen in coal: Examples from the Bowen Basin and the Illinois Basin. International Journal of Coal Geology, v. 42, p. 201–220.

McCarthy K., Rojas K., Niemann M., Palmowski D., Peters K., Stankiewicz A., 2011. Basic Petroleum Geochemistry for Source Rock Evaluation. Oilfield Review, Volume 23, Issue 2.

42

Schieber J., 2010. Common themes in the formation and preservation of intrinsic porosity in shales and mudstones–illustrated with examples across the Phanerozoic. SPE132370, SPE Unconventional Gas Conference. February 23–25, 2010, Pittsburgh, PA.

U.S. Energy Information Administration.

World Oil Magazine.

Yen T.F., 1976. Science and Technology of Oil Shale. Ann Arbor Science Publishers, Inc., 1976. ISBN 0-250-40242-4.

43

8. Résumé

L’objectif de ce stage était de mettre en place le mode environnemental en microscopie

électronique à balayage, mode qui n’avait jamais été utilisé auparavant. Dans cette optique,

plusieurs essais ont été réalisés avec les détecteurs à disposition afin de déterminer les

conditions optimales pour faire de l’imagerie sur des roches (échantillon non conducteur). Le

but de vouloir travailler en ESEM est d’une part d’arriver à observer des roches brutes sans

aucun traitement de surface, et d’autre part d’imager et de caractériser la matière

organique dans des roches provenant des réservoirs non conventionnels. Il était également

question de pouvoir analyser les minéraux présents dans ces roches et la technique

employée est l’analyse élémentaire EDX (Energy Dispersive X-ray spectroscopy). En dépit des

prouesses de l’ESEM, l’identification de la matière organique reste difficile. La solution est de

coupler la microscopie électronique avec d’autres techniques d’analyse telles que la

fluorescence X, la spectroscopie Raman ou la microscopie optique.

Mots clés : Microscopie électronique à balayage en mode environnemental (ESEM)

Schistes, pétrole non-conventionnel

Matière organique, kérogène, bitume

9. Summary

The objective of this internship was to set up the ideal conditions for working in

environmental mode in scanning electron microscopy, a technique that had never been used

before. In this context, several tryouts were performed with the detectors at hand in order

to determine the optimum conditions for imaging rock samples, which are nonconductive.

The advantage of imaging in environmental mode is, firstly to be able to observe rock

specimens without any surface treatment, and secondly to image and characterize organic

44

matter in rocks from unconventional reservoirs. It was also necessary to analyze the

minerals present in the rocks and EDX (Energy Dispersive X-ray spectroscopy) analysis was

used for this purpose. In spite of all the upsides of ESEM, the identification of organic matter

remains quite difficult, if not impossible. One solution would be to carry out electron

microscopy observations together with other analytical techniques such as X-ray

fluorescence, Raman spectroscopy or optical microscopy.

Keywords: Environmental Scanning Electron Microscope

Shale, unconventional oil

Organic Matter, kerogen, bitumen