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1,80 EURO. DEUXIÈME ÉDITION N O 10563 WWW.LIBERATION.FR IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCEAllemagne 2,50 €, Andorre 2,50 €, Autriche 3,00 €, Belgique 1,90 €, Canada 5,00 $, Danemark 29 Kr, DOM 2,60 €, Espagne 2,50 €, Etats-Unis 5,00 $, Finlande 2,90 €, Grande-Bretagne 2,00 £, Grèce 2,90 €, Irlande 2,60 €, Israël 23 ILS, Italie 2,50 €, Luxembourg 1,90 €, Maroc 20 Dh, Norvège 30 Kr, Pays-Bas 2,50 €, Portugal(cont.) 2,70 €, Slovénie 2,90 €, Suède 27 Kr, Suisse 3,40 FS, TOM 450 CFP, Tunisie 3,00 DT, Zone CFA 2 300CFA. THURSDAY 7 MAY 2015 NUMÉRO SPÉCIAL MADE IN BRITAIN David Cameron le 17 avril à Birmimgham. PHOTO PETER MACDIARMID . AP Elections britanniques DESUNION JACK DE LONDRES À MANCHESTER, DES SERVICES PUBLICS À LA GASTRONOMIE, 28 PAGES SPÉCIALES DE REPORTAGES ET D’ANALYSES À L’ANGLAISE Après cinq ans au pouvoir, le conservateur David Cameron affronte le travailliste Ed Miliband dans un scrutin serré qui pourrait ne pas dégager de majorité. Miroir d’une société dynamique mais fracturée. ISRAËL, MÉNARD, LIVRES… TOUTE L’ACTU EN CAHIER CENTRAL EXEMPLAIRE OFFERT. NE PEUT ÊTRE VENDU

Liberation Du Jeudi 07 Mai 2015

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  • 1,80 EURO. DEUXIME DITION NO10563 WWW.LIBERATION.FR

    IMPRIM EN FRANCE / PRINTED IN FRANCEAllemagne 2,50 , Andorre 2,50 , Autriche 3,00 , Belgique 1,90 , Canada 5,00 $, Danemark 29 Kr, DOM 2,60 , Espagne 2,50 , EtatsUnis 5,00 $, Finlande 2,90 , GrandeBretagne 2,00 , Grce 2,90 ,Irlande 2,60 , Isral 23 ILS, Italie 2,50 , Luxembourg 1,90 , Maroc 20 Dh, Norvge 30 Kr, PaysBas 2,50 , Portugal(cont.) 2,70 , Slovnie 2,90 , Sude 27 Kr, Suisse 3,40 FS, TOM 450 CFP, Tunisie 3,00 DT, Zone CFA 2 300CFA.

    THURSDAY 7 MAY 2015

    NUMRO SPCIAL MADE IN BRITAIN

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    Electionsbritanniques

    DESUNIONJACK

    DE LONDRES MANCHESTER, DESSERVICES PUBLICS LAGASTRONOMIE, 28 PAGESSPCIALES DE REPORTAGESET DANALYSES LANGLAISE

    Aprs cinq ans aupouvoir, le conservateurDavid Cameron affrontele travailliste Ed Milibanddans un scrutin serr quipourrait ne pas dgagerde majorit. Miroirdune socit dynamiquemais fracture.

    ISRAL, MNARD, LIVRES TOUTE LACTU EN CAHIER CENTRAL

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  • LIBRATION THURSDAY 7 MAY 2015MADE IN BRITAIN2 ELECTIONS

    Les tories et le Labour se sont talonns toute la campagne.Pour se dpartager, ils en appellent ce jeudi au vote tactique.

    Rglement decomptes UK corralT out a pour a. Six semaines arpen-ter les moindres recoins du Royau-me-Uni, serrer des mains, dbat-tre, visiter des coles, des maisonsde retraite, des usines, promettre, mena-cer, supplier. Tout a pour rien. A lheure,jeudi matin, de louverture des bureaux devote pour lire les 650 dputs la Chambre

    des communes et dsigner leprochain Premier ministre bri-tannique, le suspense reste en-

    tier. Jusqu lultime journe de la campagne,les sondages auront donn les conservateurset les travaillistes au coude--coude, envi-ron 34% des voix, exactement comme depuisle dbut. Un tel rsultat ne permettrait aucun des deux plus gros partis, les seuls pouvoir avoir un Premier ministre dans leursrangs, de remporter une majorit absolue au

    Parlement. Les lecteurs sont rests jusquaubout mfiants, peu convaincus par une cam-pagne juge terne, trs ngative et extrme-ment contrle. Pourtant, David Cameronpour les conservateurs et Ed Miliband pourle Labour auront tout tent pour persuader lesBritanniques de leur faire confiance.

    David Cameron est all jusqu proposerdinscrire dans la loi sa promesse lectoralede ne pas augmenter les impts pendant lescinq prochaines annes. Ed Miliband a imitMose en faisant graver dans un bloc de pierreses promesses de campagne. Mais les retom-bes de la reprise conomique, amorce sousla coalition entre conservateurs et librauxdmocrates, nauront semble-t-il pas suffipour convaincre les lecteurs doffrir Ca-meron un nouveau ticket pour le 10, Dow-ning Street. Et si Miliband a surpris positive-ment en se montrant plus convaincant et laise quattendu, il partait de si loin en termedimpopularit quon ne peut pas vraimentparler de succs.

    MORIBOND. A quelques heures de la fin de lacampagne, les candidats nont donc pas h-sit appeler au vote tactique. Les conserva-teurs ont ainsi suggr leurs partisans devoter libral dmocrate l o un candidat de

    ce parti serait au coude--coude avec les tra-vaillistes. Leffort est particulirement con-centr dans la circonscription de Nick Clegg, Sheffield-Hallam, dans le nord de lAngle-terre. Le chef des libraux dmocrates y taiten difficult face son challenger travaillisteOliver Coppard. Or, ces derniers jours,les sondages semblent avoir tourn en faveurde Nick Clegg. Le parti libral dmocrate, quiavait remport 104 siges en 2010, taitdonn moribond avec des prdictions autourde 26 siges. Sa participation la coalitionavec les conservateurs et le reniement de sapromesse de 2010 de ne pas augmenter lesfrais dinscription luniversit ont fait fuirses supporteurs. Ces derniers jours pourtant,un lger frmissement dans les intentions devote pourrait donc indiquer un rsultatmoins calamiteux quattendu. Le calcul desconservateurs est simple. Si Clegg sauve sonsige de dput, il reste la tte des LibDemet serait probablement favorable une nou-velle coalition avec les conservateurs. Silnest pas rlu, il quittera la tte de son partiet son successeur pourrait choisir de sallieravec les travaillistes.Ct Labour, des initiatives ont t lancespour changer des votes verts contre desvotes travaillistes dans certaines circonscrip-tions pour empcher la victoire dun candi-dat tory. Vendredi sera donc une journemathmatique, o les additions se ferontdans tous les sens. Constitutionnellement, lePremier ministre ne doit pas tre le chef duparti ayant remport le plus de siges, ou devoix. Il doit tre celui qui peut obtenir la con-fiance du Parlement, avec laide des partis deson choix, lors du vote sur le discours de lareine, le programme lgislatif annuel du gou-vernement, prvu le 27 mai.En dpit de ses dngations, le Labour ten-tera sans aucun doute de ngocier avec leScottish National Party, le parti indpendan-

    Par SONIA DELESALLESTOLPERCorrespondante Londres LESSENTIEL

    LE CONTEXTERoyal baby, sortie de lUE,indpendance de lEcosse etcampagne lectorale, le RoyaumeUniest au cur de lactualit.

    LENJEULes lections pourraient dsigner unnouveau Premier ministre travailliste.

    Le leader travailliste Ed Miliband, le 23 avril Leeds, et David Cameron, le Premier ministre conservateur sortant, le 25 avril dans le Surrey. PHOTOS RI VIEIRA. AP ET TOBY MELVILLE.AP

    RCIT

  • LIBRATION THURSDAY 7 MAY 2015 MADE IN BRITAIN ELECTIONS 3

    Par LAURENT JOFFRIN

    Laboratoire

    David Cameron a russi.Il a russi relancer lacroissance de lconomiede la Grande-Bretagne et rduire le chmage enproportion. Il a aussi russi rendre son pays plus duret plus ingalitaire. Peut-tre tait-ce en fait sonobjectif, mme si sonprojet de compassionateconservatism a pu faireun temps illusion.Ce conservatisme-l futsurtout compatissant pourles super-richesCest pourquoi llectionbritannique servirade laboratoire. Lesorthodoxes du libralismey verront un modle, enoubliant de prciser que larigueur dont se prvautCameron laisse le dficitbudgtaire 5% du PIB,trs au-dessus de lamoyenne europenne, etque la politique montairede la Banque dAngleterrea prcisment rompu aveclorthodoxie. La gaucheremarquera que la baissedu chmage se paie dunrecul de la justice sociale.La campagne dEdMiliband a trouv l desarguments qui ont touchles lecteurs britanniqueset rendu la reconductiondes conservateurs bienplus difficile que prvu,mme si rien nest jou.Cest le dfi des gaucheseuropennes : revenir untaux demploi acceptabletout en promouvantun modle socialementprogressiste. On en trouvequelques lments dansle programme destravaillistes, qui metlaccent sur la sant,lducation, le logement,la justice fiscale. Mais ilmanque toujours au campdu progrs le projetrformiste qui peut fairepice loffensive deslibraux en faveur dunecroissance ingalitaire.Cameron a t efficacemais injuste. Mais si, linverse, la justice freinelefficacit, la gauchea perdu davance.

    DITORIAL

    Durant le mandat du Premier ministre conservateur,le foss entre pauvres et nantis sest sensiblement largi.

    Quand Cameron est lles sur-riches dansentL es riches ont un problme. Ils sont de plus enplus riches. Avant, il ny a pas si longtemps,on les appelait simplement les riches. Puis,il y a peu, ils sont devenus les superriches. Mainte-nant, on dit les berriches (les sur-riches). Et leRoyaume-Uni est le pays au monde, part lesEtats-Unis, qui les attire le plus. Cela faitun moment que ces riches sont de toutefaon outrageusement fortuns, mais leproblme, cest quil faut tre aujourdhui de plusen plus riche pour faire partie de la liste des1000 personnes les plus riches au Royaume-Uni.Sur ce millier de personnes, 117 sont des milliar-daires, soit plus par habitant que dans nimportequel pays dvelopp. La France en accueille 43. Enfait, il faut disposer en 2015dau moins 100 millions delivres (136 millions deuros)pour entrer dans le club trsslect de la rich list pu-blie tous les ans en avril parle Sunday Times. Lan der-nier, 85 millions suffisaient.Flot. Rcession, ralentissement de lconomie,austrit, coupes dans les budgets, rien ny a fait,rien na eu le moindre impact sur les plus riches,qui ont, ces dernires annes, continu de senri-chir. Seule lanne 2009 a un peu frein le flot,avant que cela ne reprenne aussi sec en 2010. Parcontraste, le revenu moyen du Britannique moyen

    na, ces cinq dernires annes, presque ou pas dutout augment. Et les plus pauvres sont devenusencore plus pauvres. Les visites dans les banquesalimentaires ont augment de 18% en 2014-2015par rapport lanne prcdente. Trussel Trust, quigre 445 banques alimentaires dans le pays, a ainsi

    fourni cette anne de la nourriture dur-gence pour trois jours prs de 1,1 millionde personnes.

    Lconomie britannique est en croissance, le ch-mage a fortement baiss il se situe 5,6% de lapopulation et des emplois ont t crs. Mais cesderniers ne sont pas tous stables. Certains sont descontrats zro heure, qui permettent un em-ployeur de ne pas licencier un salari mais de ne

    lemployer que sil a du travail lui offrir et de nelui payer que les heures travailles. Selon lOfficenational des statistiques (ONS), un emploi sur dix-sept ne garantit aucune heure. Paralllement, lessalaires nont pas ou que trs peu augment, alorsque le cot de la vie a, lui, continu grimper. LeRoyaume-Uni est dsormais lun des

    tiste cossais (lire page 4), en passe de rem-porter entre 40 et 50 des 59 siges cossais,mme si Miliband a exclu une coalition. Etavec les cologistes du parti des Greens, quisattendent maintenir leur seul sige auParlement, celui de Brighton.

    SURPRISE. Quant au parti anti-europenUkip, grand vainqueur des europennes demai 2014, il semble en perte de vitesse et nedevrait pas remporter plus de un trois si-ges. Son leader, Nigel Farage, nest mme pasassur de remporter celui de South-Thanet,dans le Kent. A moins dune norme sur-prise, les Britanniques devront attendre plu-sieurs jours avant de connatre le nom de leurfutur Premier ministre et la couleur de leurgouvernement.

    Londres

    ROYAUME-UNI

    IRL

    Merdu Nord

    150 km

    IRLANDEDUNORD

    COSSE

    PAYSDEGALLES

    ANGLETERREIRLANDEIRLANDE

    Sources : Eurostat, Pnud

    habitants km2

    e sur

    en 2013

    Population en 2014SuperficiePIB par habitant en 2014Croissance du PIB en 2014Chmage en 2014Indicateur de dveloppementhumain (IDH)

    ANALYSE

    Avant, on parlait de lalle des millionnaires.Maintenant, on dit lalle des milliardaires.En fait, elles sont deux. Il y a, entre Notting Hill etKensington, la coquette Kensington Palace Gardens,borde de grands arbres et de manoirs immenses.

    Suite page 4

  • LIBRATION THURSDAY 7 MAY 2015MADE IN BRITAIN4 ELECTIONS

    pays au monde o les ingalitssont les plus prononces et ce fait devrait nous em-barrasser et nous faire honte, a ainsi estimDuncan Exley, directeur gnral de lorganisationcaritative Equality Trust. La fortune totaledes 1000 personnes les plus riches du Royaume-Uni a augment de 5,4% lan dernier, pour attein-dre un record de 547,13 milliards de livres sterling.Cette somme reprsente plus que la fortune com-bine des 40% des foyers les plus pauvres du pays,soit environ 25,6 millions de personnes. Ces pau-vres disposent, ensemble, de 452 milliards de li-vres, selon un rapport de lONS. En fait, par rap-port il y a dix ans, le top 1% de la populationbritannique sest enrichi de 100%.Manoirs. Tous ces riches ne sont pas britanniques,mais tous sont attirs par le Royaume-Uni. Un r-gime fiscal avantageux pour les grosses fortunes(notamment avec le statut de non-domicili quipermet un tranger de payer peu dimpts surplace, et que veut abolir le travailliste Ed Mili-band), la langue anglaise, un systme lgal re-nomm la City attire beaucoup de fortunestrangres.Avant, on parlait de lalle des millionnaires.Maintenant, on dit lalle des milliardaires. Enfait, elles sont deux. Il y a, entre Notting Hill etKensington, la coquette Kensington Palace Gar-dens, borde de grands arbres et de manoirs im-menses. Et, plus au nord, entre Highgate etHampstead, on trouve aussi Bishops Avenue. For-cment, la corrlation entre ces avenues et larich list du Sunday Times est forte. LAmricaindorigine ukrainienne Len Blavatnik, par exemple,numro 1 du classement avec une fortune estime 13,17 milliards de livres grce ses investisse-ments dans les mdias et la musique (il possdeentre autres Warner Music), a choisi KensingtonPalace Gardens comme home sweet home. Ily a achet une proprit pour environ 41 millionsde livres quil nen finit pas de rnover. Lamoyenne de la valeur dune maison au Royaume-Uni est de 249 000 livres. Mais attention, pas deFerrari rouge ou Lamborghini jaune dans la rue,lberriche la joue discrte. Les Ferrari sont ca-ches dans les garages. En revanche, les gardes etles vigiles pullulent devant les portails, mais lave-nue abrite aussi un grand nombre de rsidencesdambassades, dont celle de France.Il fut un temps, au cours du XXe sicle, o lentre-tien de ces manoirs, construits partir de 1840,tait devenu trop onreux pour des personnesindividuelles. Ce sont donc des Etats qui staientports acqureurs. Et puis, depuis une vingtainedannes, les fortunes personnelles ont permis certains de les acheter et de les entretenir. TamaraEcclestone, fille de Bernie Ecclestone, le magnatde la Formule 1 et 33e sur la rich list, habite lave-nue, comme loligarque russe Roman Abramovich,propritaire du club de foot de Chelsea (10e). Il ya aussi le roi de lacier indien Lakshmi Mittal (7e),qui a mme achet en tout trois rsidences, poury loger ses enfants. Et, bien entendu, des membresde la famille royale saoudienne et du Qatar. Len-droit est calme, discret souhait, et bien surveill.Logique puisque, outre les ambassades, le bas delavenue borde la rsidence royale de KensingtonPalace. Cest l que la nouvelle petite princesseCharlotte Elizabeth Diana de Cambridge a passses premires nuits. Son arrire-grand-mre, lareine Elizabeth II, vient dailleurs dtre expulse,pour la premire fois de sa vie, des 300 premiresfortunes de ses propres sujets, un vrai scandale.

    De notre correspondante LondresS.D.-S.

    Suite de la page 3

    Le sort de Miliband est entre les mains de la dirigeante du SNP.

    Nicola Sturgeon,faiseuse de roi en EcosseE lle nest pas candidate et pour-tant, elle a dj gagn. Sa moindreapparition dans les rues cossaisesprovoque un dferlement den-thousiasme, elle distribue sanscompter des High Five, destapes dans les mains, se prte tous lesselfies. Nicola Sturgeon, dirigeante duScottish National Party (SNP), le partiindpendantiste, a men, de loin, lameilleure campagne lectorale de cessix dernires semaines.Pourtant, il y a huit mois, elle tait per-dante. Aprs une campagne acharnede plus de deux ans, 55% des Ecossaisrejetaient lindpendance lors du rf-rendum du 18 septembre. En toute lo-gique, le SNP aurait d seffondrer. EtNicola Sturgeon avec. Sauf que non. Leparti a vu le nombre de ses adhrentsquadrupler ils sont aujourdhui plusde 100 000 et Nicola Sturgeon a t

    lue la tte du parti, en remplacementdAlex Salmond. Elle est devenue dumme coup la First minister au Par-

    lement semi-autonome cos-sais. A lissue du scrutin, ellepourrait permettre au leader

    travailliste Ed Miliband de franchir leseuil du 10, Downing Street, si aucunparti nobtient la majorit. Le SNPpourrait remporter de 40 50 siges enEcosse, sur 59, et empcher le Labourdobtenir une majorit absolue. Mais lesdeux partis pourraient se retrouverautour dun accord qui permettraitaux travaillistes de gouverner avec lesoutien du SNP.Rbellion. Les conservateurs lontsurnomme la femme la plus dange-reuse du Royaume-Uni, un indicesur linquitude quelle suscite dansleurs troupes. Comme pour beaucoupdEcossais, cest le rejet de Margaret

    Thatcher et de tout ce quelle reprsen-tait qui a dict son engagement en po-litique, et immdiatement au SNP, alorsquelle avait 16 ans. Cela ma motivepour sortir dans la rue, faire campagne,essayer de changer le monde en mieux.Ne en juillet 1970 Irvine, sur la cteouest de lEcosse, dans une famille ab-solument pas politise, dun pre lec-tricien et dune mre assistante den-taire, elle raconte souvent avoir t uneenfant srieuse, plonge dans ses livres.Elle aurait pu rejoindre les travaillistesdans les annes 80, lEcosse tant leterreau du Labour. Le choix du SNP estune forme de rbellion contre le fait que,parce que je venais dune famille ouvrire,je devais rejoindre le Labour, a-t-elleconfi dans ses interviews.Elle est la premire de sa famille aller luniversit, o elle tudie le droit.Depuis lge de 7 ans, je voulais devenir

    Nicola Sturgeon est, par sa matrise des dbats et son apparente franchise, plus populaire que ses rivaux. ANDY BUCHANAN.AFP

    PROFIL

    En direct de Londres suivez le scrutinet les rsultats des lections gnralesbritanniques ce jeudi et toute la nuit.

    SUR LIBRATION.FR

  • LIBRATION THURSDAY 7 MAY 2015 MADE IN BRITAIN ELECTIONS 5

    Certains commentateurs laffirment, Charlotte pourrait peser sur le rsultat.

    Le royal baby dans la balanceL e monde est soulag. La princesseCharlotte Elizabeth Diana, cinq jours,est bien arrive dans son manoir dedix pices, Anmer Hall, dans le Norfolk. Pasfolle, le bb-princesse a dcamp mer-credi du palais de Kensington Londres,sitt expdie la visite oblige de Granny,son arrire-grand-mre la reineElizabeth II. Une vingtaine de mi-nutes dextase devant la finesse destraits du nouvel enfant royal et lasouveraine repartait dans sa Rollsrejoindre ses corgis. Quant Char-lotte, comme lappellent dj fami-lirement les Britanniques, elle fuyait dansla campagne du nord-est de lAngleterreavec son grand frre, le prince George, etses parents, William et Kate.Feel good factor. Tout cela parce quecertains mauvais esprits ont jug malin desuggrer que sa naissance, samedi 2 mai 8h34, pourrait bien profiter un des partisen lice pour les lections gnrales de cejeudi. Que nenni ! sest exclam NickClegg, indign, alors quune journalistedITV linterrogeait sur le sujet. Quelle vi-laine manire de salir ainsi un vnement siheureux, a poursuivi le chef du parti lib-ral dmocrate, avant dclater de rire en

    balanant la journaliste dconfite: Geta life ! (Va faire ta vie!)Nempche, lheure o nul ne peut prdirele rsultat de llection la plus incertainedes cinquante dernires annes, ni les con-servateurs, ni les travaillistes ne diraientnon un petit point, un ou deux votes

    grappills a et l grce au feel good factorde la naissance royale. Les tories sont lesplus optimistes: aprs tout, en principe, unroyal se veut tout sauf un rvolutionnaire.Il devrait pencher vers les conservateurs.En mme temps, Kate tait une roturireavant de devenir princesse et, avecWilliam, ils ont dj construit limagedun couple jeune, moderne, beau, dyna-mique (William est tout de mme pilotedhlicoptres-ambulances), prt rfor-mer la royaut en annonant la naissancede sa fille sur Twitter par exemple. Onne sait jamais : les travaillistes pourraientbien profiter dune manne inespre.

    Sachant que la famille royale est constitu-tionnellement neutre politiquement et nevote pas. Ce qui est certain, cest que lanaissance profitera lconomie britanni-que. Les retombes commerciales autourde la petite princesse pourraient atteindreles 150 millions de livres (203 millionsdeuros) par an. Les premires tasses sagloire sont dj disponibles et les ventes dechle blanc similaire celui dans lequeltait envelopp le bb sa sortie de lhpi-tal ont dj explos.Audace ultime. Ni David Cameron pourles conservateurs ni Ed Miliband pour lestravaillistes nont pourtant eu laudace ul-time qui leur aurait peut-tre permis degagner les voix manquantes. Samedi, lap-parition surnaturelle sur le seuil de la ma-ternit de la princesse Kate, immacule,dix heures peine aprs son accouchement,a secou les foules. Talons aiguilles, robevaporeuse, brushing et maquillage impec-cables, mains manucures, la jeune femmea plac la barre trs haut pour les futuresmres. En promettant coiffeur et manucurepour tous la sortie de la salle daccouche-ment, Cameron et Miliband auraient sansdoute pu faire basculer le vote.

    S.D.-S. ( Londres)

    avocate. Elle le deviendra, brivement,avant de tomber dans la marmite politi-que. Elle est candidate pour sa premirelection 21 ans, dans une circonscrip-tion de Glasgow. Elle perd, et perd en-core, plusieurs reprises. Elle nest fi-nalement lue dpute au Parlementcossais quen 1999. Et grimpe peu peu tous les chelons du parti.En 2004, elle se prsente la tte duSNP, quand Alex Salmond annonce sacandidature surprise et la convainc dedevenir son adjointe. A lpoque, Sal-mond est plus connu; son style abrasifet sa repartie en font loutil idal pourpromouvoir la cause du SNP. Salmonda t celui qui a conduit lEcosse jusqula ligne des 45% en faveur de lindpen-dance, Nicola Sturgeon est celle qui pour-suivra lhistoire, juge Gerry Hassan,historien et fin analyste de la politiquecossaise. Aujourdhui, elle est sansconteste le patron. Si Salmond estcandidat un poste de dput au Parle-ment de Westminster, cest elle qui m-nera les ventuelles ngociations, a-t-elle clairement indiqu.Franchise. Elle fut un temps surnom-me Nippy Sweetie, un qualificatifsexiste que lon pourrait traduire parchrie piquante pour son srieux et lafranchise, parfois brute, de ses rpon-ses. Elle a en horreur ce surnom con-descendant, surtout quand il sapplique dautres femmes; moi, jai la peau duredsormais, a glisse. Sa matrise lorsdes dbats lectoraux, son sens du com-promis, son apparente franchise elleest la mme en priv quen public, af-firme Gerry Hassan lui assurent unepopularit bien suprieure celle detous les autres leaders politiques du mo-ment. Un nouveau rfrendum sur lin-dpendance nest plus, pour le mo-ment, sa priorit: Lors du rfrendum,les Ecossais ont choisi de rester, et len-semble de ma campagne a respect cettedcision. Si, vendredi matin, je me re-trouve assise la table des ngociationsavec Ed Miliband, je ne vais pas lui rcla-mer un nouveau rfrendum.Elle est marie depuis 2010 avec PeterMurrell, directeur gnral du SNP. Ducoup, cest parfois un peu dur de dcrocherde la politique la maison. Le couple napas denfants. Elle est vhmente sur lefait quun vote pour le SNP nest pas unvote contre lAngleterre: Je nai abso-lument aucun dsir ou intention de faire dumal lAngleterre []. Je suis la petite-fille dune Anglaise, il ny a pas une oncedanti-anglais dans mes os. Anti-con-servateurs en revanche, sans aucundoute. Lors dun dbat tlvis, elle avivement interpell Ed Miliband: Vousavez une chance unique de mettre DavidCameron la porte de Downing Street. Nela laissez pas passer, les gens ne vous lepardonneraient jamais.

    Envoye spciale GlasgowSONIA DELESALLE-STOLPER

    L'IL DE WILLEM

    Marc Semo vous en dit plusau micro de Florent Chatain

    www.liberation.fr

    RADIO

    Ce qui est sr, cest que la naissanceprofitera lconomie. Les retombescommerciales pourraient atteindreles 150 millions de livres par an.

  • MADE IN BRITAIN

    Margaret Thatcher, leader de loppostion en 1975, qui militait pour ladhsion du RoyaumeUni la CEE.

    De mme, la crise en Ukraine a redonn dulustre aux partisans dune Europe puissance,dune Europe de la dfense: La Grande-Bre-tagne est dans une position bizarre entre lesEtats-Unis qui se retirent des affaires du mondeet lUnion qui saffirme de plus en plus sur lascne internationale, regrette un haut fonc-tionnaire britannique.Cette volution institutionnelle du cur delEurope sest accompagne dune automar-ginalisation politique des conservateurs bri-tanniques qui, en juin 2009, ont quitt leParti populaire europen (PPE, conserva-

    ABruxelles,leseffetsdeManchedesBritanniques

    puisquil sest auto-exclu de la monnaie uni-que. Dsormais, le lieu du pouvoir danslUnion, cest la zone euro. Au Conseil desministres (linstance lgislative qui repr-sente les Etats), cest lEurogroupe qui dictela marche sur des dossiers comme la fiscalit,

    la rglementation bancaire, les ques-tions budgtaires souligne uneurocrate. Dsormais, Londres vit

    dans la hantise que les Etats de la zone eurose mettent dabord daccord entre eux,mme dans des dossiers relevant des Vingt-Huit, afin densuite lui imposer leur volont

    Londres a longtemps infiltr la machineeuropenne, avant de se tenirconstamment en retrait, notammentdepuis la crise financire de 2008 etllargissement de la zone euro.Par JEAN QUATREMERCorrespondant Bruxelles

    C est un paradoxe : le Royaume-Uni se mfie de plus en plusdune Union europenne qui najamais t aussi en ligne avecses ides, sexclame un haut fonctionnairede la Commission de nationalit britannique.Du libre-change langlais, devenu languequasiment unique des institutions commu-nautaires, en passant par llargissement, lemarch unique, le moins lgifrer, labaisse du budget communautaire, lEurope gomtrie variable, bref tout ce dont rvaitdepuis toujours Albion. Aujourdhui, cestla France qui souffre : lEurope puissance, ladfense europenne ou encore la politiqueindustrielle, autant de choses qui effrayaientla Grande-Bretagne et qui ne sont plus dactua-

    lit, samuse ce haut fonctionnaire. Or,plus lEurope devient britannique, plusLondres sy sent mal laise au point devouloir la quitter.Si le Royaume-Uni a su gagner la bataille desides (lire ci-contre), cest aussi grce seshommes et femmes envoys Bruxelles.Mme si les Britanniques ont toujours tinfrieurs en nombre (4,3% parmi les fonc-tionnaires de la Commission, par exemple,contre 9,8% de Franais, 10,5% dItaliens ou8,3% dAllemands), leur qualit a plus quecompens ce handicap, Londres y veille.Ainsi, dans lexcutif prsid par Jean-Claude Juncker, on compte 6 chefs de cabi-net (et adjoints) britanniques contre 3 Fran-ais. Parmi les directeurs gnraux (chefs

    dadministration centrale), il ny a certesque 5 Britanniques (sur 68 postes), contre6 Franais et 10 Allemands, mais l aussi des postes importants. Il faut rajouter latoute-puissante secrtaire gnrale de laCommission, Catherine Day, certes irlan-daise, mais trs proche des Britanniques.

    CHUTE LIBRE. Il ne sagit pas de placer desgens qui prennent leurs ordres de Londres, pr-cise un haut fonctionnaire britannique, maisdavoir des gens qui ont une culture anglo-saxonne et qui influent donc directement sur lalgislation europenne. La reprsentationpermanente (RP, sorte dambassade) britan-nique auprs de lUE sait entretenir des rela-tions rgulires avec ses fonctionnaires, ladiffrence de son homologue franaise qui nesintresse pas aux petits grades. Mme lesstagiaires sont reus par la RP britannique,

    alors que les Franais ignorentquon existe, tmoigne unFranais.Mais le vent a tourn : de-puis 2010, le nombre de can-didats britanniques aux con-cours europens est en chutelibre. Les jeunes ne parlent

    plus autre chose que langlais, ce qui leur barrela route de la fonction publique europenne,lEurope ne les fait plus rver et les diplmssont bien mieux pays dans le priv, analyseun responsable europen. Lexplication de cetloignement de lEurope, analyse-t-on Bruxelles, tient la crise financire, qui aport un coup fatal au laisser-faire conomi-que, et surtout la crise de la zone euro. Aveclapprofondissement de cette dernire qui asuivi la crise des dettes publiques de2010-2012 (Mcanisme europen destabilit, gouvernance conomiqueet budgtaire, union budgtaire, Union ban-caire, etc.), le Royaume-Uni a vu se raliserson pire cauchemar : une fdralisation delEurope dont il ne peut ralentir la marche

    RCIT

    LIBRATION THURSDAY 7 MAY 2015

    Limage de la Grande-Bretagne est enplein dclin Bruxelles. Surtout, ellenest plus linitiative, elle est en blocage,ce qui lempche de peser sur les textes.Un diplomate franais

    6 EUROPE

  • teurs) pour crer un groupe sans influenceau Parlement europen. Autrement dit, lestories ont dcid de ne plus rien peser aumoment o cette Assemble a vu ses pou-voirs saccrotre considrablement aveclentre en vigueur du trait de Lisbonnefin 2009. Un exemple ? Les Britanniquesnont pas pu participer la dsignation ducandidat du PPE la prsidence de la Com-mission, en loccurrence Jean-Claude Junc-ker, qui leur fait horreur. Et en dpit du votengatif de David Cameron, Juncker a tconfirm par le Conseil europen des chefs

    dEtat et de gouvernement en juin 2014, cequi ntait jamais arriv jusque-l. Autrefaute diplomatique : la campagne contre lalibre-circulation des travailleurs dEuropede lEst qui lui a fait perdre ses soutiens tra-ditionnels.

    INACCEPTABLE. A la diffrence dun TonyBlair qui voulait placer son pays au cur delEurope afin de contrler au plus prs sondveloppement, David Cameron a fait unchoix inverse qui se paye comptant.Limage de la Grande-Bretagne est en pleindclin Bruxelles. Surtout, elle nest plus linitiative, elle est en blocage, ce qui lempchede peser sur les textes en discussion en partici-pant un compromis, analyse un diplomatefranais. Pour autant, nul ne se rsout, Bruxelles, au dpart de la Grande-Bretagne,car cela ouvrirait une nouvelle re, celle dela dconstruction communautaire. SilUnion est prte faire des efforts en lgif-rant moins, elle nira pas beaucoup plus loin,notamment parce que personne ne veutsamuser ngocier un nouveau trait.Dautant quen ralit, David Cameron veutparticiper aux institutions communautaires,mais pas aux politiques europennes. Et, a,cest inacceptable, mme pour les plus anglo-philes des Europens. Chacun prie donc Bruxelles pour que Cameron morde la pous-sire

    Depuis quarante ans, les Britanniques ont imposleurs visions lEurope. Toujours eurosceptiques,ils poussent lingratitude envisager den sortir.

    Le Royaume-Uniprt filer de lUE langlaiseL es Britanniques naiment pas lEu-rope, ou plus prcisment le projetcommunautaire. Il y a ceux quipensent que cest un mal ncessaire, etles autres pour qui ce mariage de raisonest insupportable par ce quil impliquedabandon partiel de souverainet. Lvi-dence est l, martele sondage aprssondage, mme si dsormais les partisansdu statu quo rester dans lUnion euro-penne, autour de 45% des personnesinterroges, seraient lgrement plusnombreux que ceux prfrant la quitter.Ctait linverse il y a encore deux ans.Lissue du rfrendum promis pour 2017par David Cameron, sil est rlu, nenreste pas moins trs incertaine. Les cou-rants hostiles lEurope dans le monde poli-tique, les mdias, les affaires, la culture sonttrs puissants et, en outre, le dbat surlimmigration, virus toxique pour la dmo-cratie, a fusionn avec la question de lap-partenance europenne, sinquite DenisMacShane, travailliste et ancien ministredes Affaires europennes de Tony Blair,qui vient de sortir un livre, Brexit ; HowBritain Will Leave Europe.Europe la carte. Leuroscepticismebritannique est paradoxal. En 1975, quel-que 67% des Britanniques avaient con-firm par rfrendum le premier et leseul de lhistoire du pays lintgrationdu Royaume-Uni dans ce qui tait alorsla Communaut conomique europenne(CEE) obtenue de haute lutte en 1973 parle Premier ministre tory EdwardHeath. Une certaine Margaret Thatchermenait campagne en faveur du yes,arborant des pulls orns des drapeaux desautres Etats membres. A lpoque, les ad-versaires de lEurope taient surtout dansles rangs du Parti travailliste, notammentdans son aile gauche. Quarante ans plustard, les fronts se sont renverss mais,mme au sein du Labour, lEurope gneet son leader, Ed Miliband, prfre faireprofil bas sur largument. Ce rejet estpourtant tonnant, voire clairement mar-qu dingratitude, car le Royaume-Uni alargement profit, et tous les gards, desa participation la communaut.Mieux encore : lUnion telle quelle estaujourdhui est peu ou prou comme lavoulue Londres, avec un largissementcontinu sans approfondissement, uneCommission affaiblie, un grand marchtoujours plus oprationnel et une politi-que commerciale ouverte au monde. Lesefforts laborieux des 19 Etats membres dela zone euro pour une intgration majeurene concernent gure Londres, qui a gardsa livre sterling et profite de fait duneEurope la carte, grce aux nombreuses

    exemptions obtenues de Bruxelles. La trsardente partisane du yes Margaret Tat-cher avait, la premire, donn lexemple.Peu aprs son arrive au 10 DowningStreet en 1979, elle entama un bras de feravec Bruxelles au nom dun I want mymoney back pour obtenir le rembourse-ment des deux tiers de la contributionbritannique au budget communautaire,arguant du fait que Londres ne profitaitgure de la politique agricole. Et cinq ansplus tard, elle obtint satisfaction.Leuroscepticisme na cess depuis de sedvelopper outre-Manche. Quand nousavons rejoint le march commun, nous nousconsidrions comme un pays en dclin ;ctait un sauvetage en quelque sorte.Aujourdhui, cest le contraire, nous avonslimpression que lEurope nous freine, no-tait rcemment lhistorien Robert Tombsde lUniversit de Cambridge. Tout a bas-cul en effet la fin des annes 80. Les ef-fets des rformes de Thatcher, le dbut dela globalisation et les succs dune cono-mie amricaine en plein boom libral ontredonn aux Britanniques le got dugrand large. Ce, dautant quau mmemoment, lEurope marquait le pas. LAl-lemagne tait englue dans la runifica-tion aprs la chute du mur. Linstaurationde la monnaie unique, ds le dbut regar-de avec la plus extrme suspicion laCity, renforait encore ce rejet.La crisede la zone euro fait que lEurope est associe un chmage lev, des partis populistesdsagrables, des checs conomiques et un mauvais leadership, analyse CharlesGrant du Centre for European Reform.Prosprit. Mme si elle tait et restefavorable un march commun, la popu-lation britannique sirrite de tout ce quipeut ressembler un projet communau-taire. Nous sommes une nation de com-merants, comme le disaient Napolon etdes pragmatiques avant tout. Le Royaume-Uni a adhr lEurope avec un objectif :celui de la prosprit conomique et non ce-lui de lintgration politique. Il ny a jamaiseu de dbat sur une Constitution et le seulmot de fdralisme nous fait frissonner,explique Denis MacShane. LEmpire bri-tannique du XIXe sicle, lapoge de sapuissance, thorisait son splendide iso-lement. Nous navons pas dallis per-ptuels ni dennemis perptuels. Seuls nosintrts sont perptuels, et il est de notre de-voir de les suivre, aimait rpter lordPalmerston, un des Premiers ministres delpoque. Leuroscepticisme actuel estleur bien ple cho dans un pays rtro-grad au rang de puissance moyenne sansvraiment vouloir ladmettre.

    MARC SEMO

    LIBRATION THURSDAY 7 MAY 2015

    Le RoyaumeUni a adhr en 1973 ce qui tait alors la Communaut conomique europenne.Le pays avait dj propos sa candidature en 1961 et en 1967, maiscellesci furent rejetes par leveto du prsident franais, Charles de Gaulle. Les pourparlersreprirent en 1970, un an aprsle dpart de De Gaulle. Les lecteurs entrinrent par rfrendumladhsion en 1975, avec 67%de yes.

    REPRES

    Elle a dans tout son travaildes habitudes et destraditions trs marques,trs originales. Bref, lanature, la structure quisont propres lAngleterrediffrent profondment decelles des continentaux.Charles de Gaulle en 1963,expliquant la position de la Francesur lentre du RoyaumeUnidans la Communaut conomiqueeuropenne, anctre de lUE

    73Cest le nombre de siges attribusaux Britanniques au Parlementeuropen. Il sagit du troisimeplus gros contingent derrire lAllemagne (96), la France (74) et galitavec lItalie.

    PHOTO PETER KEMP. AP

    EUROPE 7

  • 8 NATIONALLIBRATION THURSDAY 7 MAY 2015MADE IN BRITAIN

    VousdevrieztrefiersdemepermettredevivreiciLa tradition multiculturaliste britanniquepermet aux immigrs de se sentir intgrs,malgr un regain dhostilit en priodelectorale. Reportage Manchester.

    N e parlez plus de la France GulwaliPassarlay, 20 ans : Jy serais bienrest, mais la police me harcelait tousles jours. Aprs trois mois Calais,en 2007, et 100 tentatives rates chaquesoir, il montait dans un camion, chaque soir,il tait dcouvert, le jeune Afghan, alors gde 12 ans, a travers le Channel dans un char-gement de bananes. Personne nevoulait y monter, car ctait un ca-mion rfrigrant. Puis la policefranaise a ouvert la porte mais ne nous a pasvus. Ou na pas voulu voir? Ils nous encou-rageaient, en sous-main, partir.A 12 ans, il a pass un an sur les routes,envoy par sa mre qui craignait pour sa vieen Afghanistan son pre, mdecin, avait ttu par les forces occidentales. Il a vcu tousles cauchemars, a fait un bout de Mditerra-ne en bateau Et la fin de ce priple, atrouv sa place Manchester. Ici, si tu bos-ses, tu y arrives, assure-t-il. En deux ans, jaiavanc comme dautres en sept.Aujourdhui tudiant, impliqu dans quantitdorganisations, le natif de la province deNangarhar porte le costard, intervient sou-vent la tl et rve de rentrer en Afghanis-tan pour y devenir diplomate, voire prsi-dent. Je suis arriv sans rien et, maintenant,je rencontre des ministres. Et jai dj voyagdans 11 pays europens. Jadore a ! Et laFrance? Jy suis revenu lan dernier pour re-prsenter les tudiants britanniques. Mainte-nant, vous me traitez bien, rigole-t-il.Brillant lcole, il a obtenu une bourse etport la flamme olympique en 2012. On ver-rait bien Hollywood tirer un film de son pri-ple, du style le Rfugi Afghan qui veut devenir

    ve de Hambourg en 2000. Elle se sentmoins trangre quen Allemagne: Pour-tant, jai la nationalit, je parle allemand. Maisil y a une vraie frontire. Tu fais partie desautres, mme la troisime gnration,comme mes neveux qui me disent que, quandils font du baby-sitting, les parents stonnent:Oh, mais vous parlez bien allemand ! EnGrande-Bretagne, ces questions ne se posentpas. La tradition multiculturaliste britanni-que, qui fait quon accepte lautre avec sesdiffrences, y est pour beaucoup. Ici, je mesens plus europenne. En Allemagne, on merenvoie ltrangre, rsume Necla Acik.Et, en tant que musulman, on est beaucoupmoins victime de discriminations que dansdautres pays europens, ajoute Gulwali, encitant la France o la loi restreignant le portdu voile envoie forcment un message nga-tif. Reste quen Grande-Bretagne, on peutaussi tre stigmatis, mais de faon plussournoise. Je le lis dans les yeux de certainsinterlocuteurs, rapporte le jeune Afghan :Quest-ce que tu fais ici? Mais ils ne le disentpas et restent trs gentils. Sinon, il leur r-pond vertement: Ton gouvernement est venunous bombarder, alors jai le droit dtre ici.La Grande-Bretagne reste un pays rv. Ici,on btit une vie pour ses enfants, rsume Ne-

    cla Acik. Plus de libert et de dmocratie, unevie plus sre, un systme ducatif perfor-mant, et la possibilit de monter un petitbusiness ou de trouver un job, mme prcaireou exploit. Tu as moins de paperasserie, quece soit pour tudier ou travailler. En France,cest trop compliqu, raconte Cristo Sala,42 ans, Manchester depuis dix ans.

    CHANCE. Fils dun ancien ministre de Mo-butu, Dominique Sakombi, galement am-bassadeur Paris (Chirac venait la mai-son), Cristo le Congolais reconnat que, avecllargissement de lEurope en 2004 et larri-ve sans contrainte des ressortissants dEu-rope centrale, a a commenc peser, puiscest devenu un sujet politique. Lui-mmetrouve quil y a trop de gypsies : On nepeut pas laisser la porte ouverte. a commence dranger le march des boulots les moins qua-lifis, dans le nettoyage ou le gardiennage.Cristo plaide pour des limites : Il faut venirpour tudier ou monter une entreprise. Sinon,comme aventurier, ce nest pas bon. Dailleurs,les Congolais restent au pays: vous nen avez vuaucun parmi les rcents morts en Mditerrane.Le Congolais a peur de la mer et de la mort.Les migrants qui volent des boulots? GulwaliPassarlay rectifie: Ce nest pas nous qui pre-

    Par MICHEL HENRYEnvoy spcial ManchesterPhoto CLMENTINE SCHNEIDERMANN

    prsident. Ce nest pas un mirage: il vient designer avec Atlantic Books pour un livre sursa vie, promis un gros lancement cetautomne, avec traduction en franais. Il y tra-vaille avec un ghost writer et son agent litt-raire, une triplette laquelle lditeur anglaisaurait sign un chque six chiffres.Je ne lai pas fait pour largent, affirme-t-il.Mais je veux duquer le public pour quilaccueille mieux les rfugis comme moi. Avecsa success story, il compte changer limagede limmigration: Vous devriez tre fiers de

    me permettre de vivre ici, pas hon-teux. Vous accueillez des gens quirisquent tout pour venir ! Mais

    jaimerais que les Afghans arrivent de faon ci-vilise. En recevant des visas, pas en se noyantdans la Mditerrane.

    LIBERT. Il y a du boulot: en Grande-Breta-gne comme ailleurs, les immigrs restentmontrs du doigt, encore plus pendant lacampagne lectorale. Les mots migrants etimmigration sont devenus des insultes,regrette Kamel Mashjari, 42 ans, de parentsymnites. Il est n Liverpool, en a laccent,y habite, a le passeport national, mais pourbeaucoup, je ne suis pas considr commecitoyen britannique. Selon lui, les immigrssont devenus des boucs missaires commo-des aprs la crise financire de 2008. Lesmdias et les politiciens narrtent pas de rp-ter que, si les chmeurs nont pas de boulot,cest cause des migrants. A force, les gens sedisent : Ils ont raison. Sinon, ils raconteraientle contraire.En dpit de cette hostilit, les immigrs quiont trouv leur place louent une socit plusaccueillante que dautres. Ne en Allemagnede parents kurdes de Turquie, Necla Acik,42 ans, chercheuse, sur les migrants notam-ment, luniversit de Manchester, est arri-

    REPORTAGE

    Gulwali Passarlay, 20 ans, n en Afghanistan, Manchester, vendredi.

  • NATIONAL 9

    nons les jobs des Britanniques. Ce sont eux quine veulent pas les faire. Cela dit, depuis lacrise de 2008, beaucoup dEuropens, sou-vent des hommes seuls, tentent leur chance Manchester, constate la coordonnatrice delassociation Migrants Supporting Migrants,Sandra Penazola-Rice: Chez eux, il ny a pasde travail, donc ils ont deux choix, lAllemagne

    ou lAngleterre. Et comme ils ont entendu destrucs fabuleux sur la Grande-Bretagne, ils vien-nent ici, o tout pour eux repose sur les rseaux:98% ont un frre, un ami, un voisinTous ne trouvent pas de boulot et, bien sr,certains abusent du systme des aides so-ciales, mais ce sont des cas monts en pinglepar les mdias et les politiques, soutient MartaAhmed. Arrive il y a cinq ans Manchester,cette Polonaise de 29 ans a commenc par desjobs dt dans la restauration et, aprs destudes de sociologie, travaille maintenant luniversit. Pour ma communaut, mme

    avec un cot de la vie ici beaucoup plus lev, lerapport reste trs favorable, explique-t-elleen citant une enseignante slovaque quigagnait chez elle un quart de ce quelle fait icicomme emballeuse dans une usine. Mais pourMarta Ahmed, lattrait nest pas quconomi-que: Il y a un sens de la dignit quils acqui-rent ici et quils navaient pas chez eux. Ils

    avaient des rves mais ne pou-vaient pas les raliser.Etre montre du doigtlaiguillonne: Pour nous,Polonais, le travail est unefiert, et vivre des allocations,une honte. On passe pour desvoleurs, alors quon a juste pris

    les jobs qui soffraient nous. Les migrants sontdes gens courageux et on nous colle une imagengative ! Quand Nigel Farage, leader duparti xnophobe Ukip, affirme quils abusentdu NHS, le systme de sant public et gratuit(lire page 14), ses yeux bleus roulent de colre:Mais ce sont les migrants qui le font marcher!Enlevez tous ceux qui y travaillent, et le NHSnexiste plus.

    VOYAGE. Il y a aussi ceux qui se font exploi-ter. Comme ces clandestins venus de laprovince chinoise du Fujian que Lisa Mok, ar-

    rive de Hongkong en 1993, voit dbarquerdans son centre daide pour la communautchinoise: Pour eux, ce nest pas de lexploita-tion. Comme ils ont une grosse dette en Chinevis--vis de leurs passeurs, ils sont contentsde travailler tous les jours, douze heures parjour, dans la restauration, pendant deux ou troisans, le temps de rembourser leur dette. Cest unsystme trs difficile combattre.Gulwali lAfghan cite aussi ses compatriotesqui vivent sans papiers, travaillant au noirpour gagner 500 livres par mois (675 euros):Une somme norme en Afghanistan! Ils peu-vent soutenir leurs familles l-bas. Lui-mmefait beaucoup dinterviews dans les mdiasafghans pour dissuader ses compatriotes dese lancer dans un voyage trop dangereux,mais le message nest pas toujours bien reu:Certains croient que si on dit a, cest quonveut profiter de la vie ici en les laissant l-bas.Ce nest pas son cas, jure-t-il. Le jeuneAfghan parle de la Grande-Bretagne commede sa deuxime maison, mais il ne se sentpas 100% britannique, et ne compte pasrclamer la nationalit : a ne me serviraitpas pour faire de la politique au pays. Et on aplus besoin de moi en Afghanistan quici. Enlentendant, Necla Acik rigole : Mais il estdevenu totalement british !

    LIBRATION THURSDAY 7 MAY 2015 MADE IN BRITAIN

    Marta Ahmed, 29 ans, ne en Pologne et arrive en 2010 Manchester. Necla Acik, 42 ans, ne en Allemagne de parents kurdes de Turquie, arrive Manchester en 2000.

    On passe pour des voleurs, alors quona juste pris les jobs qui soffraient nous.Les migrants sont des gens courageuxet on nous colle une image ngative!Marta Ahmed Polonaise, employe luniversit Les conservateurs proposent de limiter

    les arrives nettes de migrants (diffrence entre ceux qui entrent sur le territoire et ceux qui en partent) quelquesdizaines de milliers par an (contre300000 actuellement), et de restreindre leur accs diverses aides sociales.Les travaillistes veulent aussi rduirelimmigration et imposer un dlai dedeux ans pour laccs aux aides sociales.Les librauxdmocrates plaident, eux,pour un pays ouvert et sopposent auxdrives xnophobes dUkip qui cible lesmigrants comme sources de tous lesmaux et prne une politique restrictive.

    REPRES

    Londres

    Manchester

    ROYAUME-UNI

    IRLANDE

    100 km

    Merdu Nord

  • 10 NATIONAL LIBRATION THURSDAY 7 MAY 2015MADE IN BRITAIN

    Clacton-on-Sea,lamerpourseulhorizonLes habitants de cette station balnaire populaire la drive devraient reconduireleur dput Ukip, sur fond de dsesprance et de ressentiment contre Londres.

    Par MATTHIEU COIFFIEREnvoy spcial ClactononSeaPhotos MANUEL VASQUEZ

    S a pinte, Eric lapprcie dans un verrecintr, pas vas. Tu me la donnescomme a, ondule-t-il de la main, enavisant la serveuse. Ici, on aime leslongues, on est exigeant. La jeune femme, enchemise raye, ignore le sous-entendu etsexcute. Ce dernier jeudi davril, le Moonand Starfish, le pub local, grouille de mondealors que laprs-midi est peine entame.Clacton est une ville du bord de mer. Ils nousenvoient ici tous les dchets de Londres, lesvieux sans un sou, les drogus au chmage, tousles paums, ils les dmnagent sur la cte, parcequils ne peuvent pas aller plus loin. Mais celane nous fait aucun bien, assure Eric, 42 ans.

    Et lui, do vient-il ?De Londres, il y a troisans, rpond-il. Son

    job? Jardinier, lche-t-il, aprs un instantdhsitation alcoolique. Dave, 25 ans, boxeuramateur la gueule dange casse, a une idepour son avenir: Vendre de la drogue, cestdfiscalis, balance-t-il en soulevant sonbras tatou dun Mum.

    POUSSETTE. Clacton-on-Sea, dernirestation avant la mer. O lon choue quandon a chou ailleurs. Au mieux, on y passeune journe en touriste pour admirer saplage et sa jete, large comme un boulevardet couverte dattractions foraines, ou joueraux machines sous qui clignotent dans deseffluves de fish and chips. Au loin, unecinquantaine doliennes, plantes dans lesflots, hachent lhorizon en cadence. Cestle charme simple de lAngleterre populaire,pour Christine, la patronne du Sandrock, uncharmant bed and breakfast. Et puis danslEssex le temps est plus sec. Les Anglais disentque les filles y sont faciles, et que ses habitantsportent des tracksuits. Dans la rue prin-cipale, le survtement informe est, effec-tivement, de mise, habillant des corps pourla plupart dforms par lalcool et la mal-nutrition.On remarque aussi un grand nombre de trsjeunes mres avec chignon et nez pointu,moules dans des bodies et poussant desbbs replets dans leur poussette. Ici onprocre, on procre. A 16 ans, quand on veutpartir de chez ses parents, cest le seul moyenpour toucher les allocs et avoir un logementsocial, poursuit Christine. Il y a une concen-tration de familles au chmage depuis troisgnrations. Do le surnom de Clacton-on-Po-verty. Avec Blackpool et Bournemouth,Clacton tait le lieu de villgiature de la wor-

    king class dans les annes 60. Mais lge dorest depuis longtemps rvolu.En 1983, on a perdu beaucoup demplois avecla fermeture du village vacances de Butlins. Etpuis, il y a eu les sjours en Espagne ou au Por-tugal pour 150 livres [200 euros] avec Ryanairet Easyjet, rsume Jacky Steers, qui gre le

    centre social de Jaywick, ce faubourg spardu centre par une lande, qui a t officielle-ment dclar le plus pauvre du Royaume-Uni. Clacton est une ville glorieuse, sen-flamme pourtant Douglas Carswell, 44 ans,grand dgingand au menton en galoche etau regard perant. Elu premier dput Ukipdu parlement, il y a peine cinq mois, lors desa dfection du parti conservateur, il devrait

    retrouver son sige ce jeudi. La premirechose dire aux lecteurs intellos de gauche deLibration, cest que nous ne sommes pas despoujadistes, martle-t-il propos du partixnophobe et europhobe de Nigel Farage.Sans convaincre ni se convaincre lui-mme,ses tracts mentionnant peine lUkip. Pas

    une contradiction prs, Carswellse dit pour le laisser-faire, maisattend de lEtat quil investisseplusieur milliards pour moder-niser la ligne de chemin de fer quidessert sa ville. Dans les an-nes 50, le train de Londres tait

    plus rapide que celui daujourdhui, qui met plusdune heure trente pour faire 100 kilomtres.Cest une explication, pas une excuse. Clactondoit se rinventer, dit-il.Qui voudrait habiter ici, sinon ceux qui y sontns et nont pas lambition, lducation oules moyens den partir? Ceux qui nont plusles subsides pour subsister ailleurs, les lais-ss-pour-compte de la mondialisation

    triomphante de la mgapole londonienne?Ou ceux qui viennent y passer leur retraite,parce quon peut sy loger prix modique?Certaines des maisons victoriennes ont tconverties en units de six appartements pardes proprios qui les louent 50 livres la semaine,a attire beaucoup, explique Terry, le taxi.

    SAUCISSES. Dans le centre, on croise unefoule de personnes ges branlantes sur leurcanne, assises sur des bancs. Ou dvalant 8 miles/h (13 km/h) les trottoirs sur leursdrles de scooters lectriques, aussi dange-reux que silencieux. Cest vrai quil y en a desdizaines. A Clacton, 42% de la population a plusde 65 ans, explique Tim Young, le candidatdu Labour. Dans cet ex-fief de gauche, il nedevrait arriver quen troisime position.97% des gens sont issus de la classe ouvrireblanche et britannique, il ny a aucun problmedimmigration ici. Cest ironique et frustrant,mais beaucoup votent Ukip au lieu de socialiste!sexclame ce quinquagnaire, aussi dbon-naire que dsol. Ils sont tellement dsillusion-ns par les partis traditionnels, quils trouventdu rconfort dans cette propagande populiste.Si limmigration est un sujet pour eux, cestparce quils ne reconnaissent plus dans le Lon-dres cosmopolite et multiculturel, la ville danslaquelle ils ont grandi.Cest le cas de Brian, le jardinier, toujours ac-coud au bar du Moon and Starfish. Je suisUkip fond. Farage dit la vrit, sans foutaises.Bruxelles veut grer notre pays. Et il y a beau-coup trop dtrangers, lche-t-il. Ici, la seulediversit ethnique apparente se trouve pour-tant dans le menu de ce pub, rachet par unechane nationale, o les saucisses du Lincol-nshire, 5,99 livres, ctoient le chickentikka masala 6,99. Derrire son bar, Char-lotte, 25 ans, la serveuse, explose: Oh, jaienvie de les trangler. Beaucoup de gens ici sontstupides et ignorants. Ils ont le QI dun sand-wich au jambon. Farage est un bigot raciste. Cenest pas les immigrs qui sont blmer pourla crise, mais les banquiers. La crise ici estdure, et dure. A Clacton, un enfant sur cinqvit dans la pauvret, et le chmage, lev,navait toujours pas recul la fin de lannedernire, comme cest le cas ailleurs.Beaucoup dhabitants sont convaincus quilexiste un plan des autorits pour leur en-voyer les dmunis de la capitale. Comme sila misre ne pouvait quattirer la misre.Cest ce quon appelle limmigration locale,venue de Londres. La population de Clactonaugmente, tandis que les structures ducativessanitaires et les aides sociales diminuent, a nepeut pas marcher, se dsole Jeff, 45 ans, in-gnieur lectronicien, au comptoir de sonmagasin. Paul Price, le directeur du conseil

    REPORTAGE

    10 NATIONAL

    LondresClacton-on-Sea

    ROYAUME-UNI

    IRL

    100 km

    Merdu Nord

    REPRES

    Beaucoup de gens ici sont stupideset ignorants. Ils ont le QI dun sandwichau jambon. Farage est un bigot raciste.Charlotte serveuse dans un bar ClactononSea

    Les attractions foraines et les machines sous sur la jete de ClactononSea.

    Fish and chips et attractions foraines font face la mer.

    53000Cest le nombre dhabitants de ClactononSea. Dans larrondissement de Tendring, dont dpend la ville, il y a 5% depersonnes dorigine trangre. Contre14% en moyenne en GrandeBretagne.

  • LIBRATION THURSDAY 7 MAY 2015 MADE IN BRITAIN NATIONAL 11

    de larrondissement de Tendring (dont d-pend la ville), est encore plus prcis : Lesconseils darrondissement de Londres ont uneobligation lgale de loger leurs demandeurs.Mais comme ces derniers ne peuvent payer2 000 livres de loyer mensuel, ils prennent encharge la caution, deux mois de loyer et le cotdu dmnagement Clacton, explique-t-il. Dj aprs la Seconde Guerre, des Lon-doniens, qui avaient eu leur logement bom-bard, et des attaches familiales ou estivalesdans le coin, taient venus sinstaller ici. TimYoung, le candidat du Labour, nie pourtant

    toute politique organise de dmnagement.Il ny a pas de dluge, puisque la populationde la ville est stable. Ce dont nous avons besoin,cest dinvestissements pour attirer des emploiset former nos jeunes, argue-t-il. Indign quele gouvernement conservateur ait, pourcause de coupes budgtaires, rien trouv demieux que de fermer les classes denseigne-ment technique dans les deux lyces profes-sionnels du cru.

    RUELLES. Lors de llection de Douglas Car-swell, toute la presse nationale a fondu sur la

    ville. Jaywick, avec ses allures de bidonvillede bord de mer, a fait la une des mdias quise sont rus sur ses ruelles en terre, ses mai-sonnettes de vacances dsormais habites lanne. Rachetes 40000 livres par des mar-chands de sommeil qui les louent 475 livres parmois, prcise un de ses habitants. Les jour-nalistes de Londres taient choqus parce quonna pas la 4G, mais ils sont dans une bulle. AJaywick, les gens ne vivent pas dans une pau-vret crasse. Cest une communaut, ils ne sontpas malheureux, dfend Chris Wilkin, re-porter la Clacton Gazette. Au 63, Brookland

    avenue, vit Chick, vieux jeune homme quifut matre nageur. Quand je suis arriv, il ya vingt-trois ans, il y avait un pub, des com-merces, des emplois. Ils ont tout laiss pricliteret fermer. Ensuite, ils disent quon est lendroitle plus pourri dAngleterre, mais est-ce quonpeut appeler a un quartier quand il ny arien ?,sindigne-t-il. Un vaste chantier derhabilitation doit, enfin, dbuter cet t,supervis par le conseil de Tendring. Enattendant, Chick promne son bull-terriersur la plage, comme un terrain vague, devantla mer du Nord.

    Une jeune mre de famille et ses enfants, dans une rue de ClactononSea. A ClactononSea, 42% de la population a plus de 65 ans.

    Fish and chips et attractions foraines font face la mer.

  • 12 NATIONALLIBRATION THURSDAY 7 MAY 2015 MADE IN BRITAIN

    C est le quotidien TheIndependent qui vo-quait avec effroi lachose dimanche: il pourraity avoir 2,5 culs anoblis parsige la Chambre des lordsaprs ces lections. Com-ment sy caseront-ils? Il nya pour linstant que 400 pla-ces dans cette Chambrehaute aux pouvoirs limits,alors que les heureux lussont dj 840 (contre 708 il ya dix ans). Mais ils pour-raient monter 1000, selonun porte-parole du Labour.Car si le travailliste Ed Mili-band devient Premier minis-tre, il voudra rquilibrer sacomposition. Et en Grande-Bretagne, cest trs simple :pas dlection, mme au suf-frage indirect comme pour leSnat franais, mais de sim-ples nominations.Drive. Les Premiers minis-tres sont les seuls habilits les effectuer, et ils les multi-plient. David Cameron, leconservateur sortant, anomm 40 lords en moyennechaque anne depuis 2010:un record depuis le dbut dusystme en 1958. GordonBrown (travailliste) en taitplus modestement 12, JohnMajor (conservateur) 25,Margaret Thatcher (tories) 18, Tony Blair (travailliste) 37 dans son second mandat.Et cette anne ? Aprs leslections de ce jeudi, leffec-tif total pourrait augmenterde 10%, selon The Indepen-dent, pour qui le bureaupolitique chinois est la seuleassemble lgislative plus

    peuple. Au rythme actuel,il y aura 2200 lords en 2025,selon une tude du thinktank Constitution Unit deUCL (University CollegeLondon), publie en fvrier.La pratique finit par excder:Un trs grand nombre delords est daccord pour recon-natre que nous sommes tropnombreux, a dclar lordGus ODonnell. En 2013, labaronne Frances DSouza,Lord speaker (prsidente) dela Chambre, expliquait que,faute de rforme, linstitu-tion allait seffondrer sousson propre poids.

    Le prochain Premier minis-tre peut, sil le dcide, met-tre fin cette drive. Mais enaura-t-il le courage ? Lesconservateurs nont an-nonc aucune rforme. Lestravaillistes ont plac dansleur programme un vagueprojet pour transformer laChambre haute en un Snatdmocratiquement lu desnations et des rgions, touten supprimant les chargeshrditaires. Le nouveaumodle assurerait une plusjuste reprsentation territo-riale. Mais le feront-ils ? Lamme promesse avait tavance par le Labour en1997, puis aussi vite oublie.Aprs le scrutin de 2010, leslibraux-dmocrates ontpouss pour une rforme

    profonde, imposant dlire80% des lords et de limiterleur nombre 450. Mais de-vant lopposition de certainsallis conservateurs, elle at abandonne en 2012,comme toutes celles propo-ses depuis 1911.Poubelle. Chaque projetde rforme de la Chambre deslords pendant les cent derni-res annes a chou, gnrale-ment en raison de linflexibilitde ses membres qui dfendentleurs propres intrts, notentdeux chercheurs, RichardReid et Patrick Dunleavy, surle blog Democraticaudit.

    Mme la r-forme de 1999,qui a supprimla plupart despostes hrdi-taires (il en

    reste 92) na pas arrt lin-flation : depuis, la Chambrea enfl dun tiers.Nanmoins, la pression estforte pour changer ce sys-tme corrompu, selon leGuardian (centre gauche) quiappelait, en fvrier, lemettre la poubelle, ajou-tant: Ce serait un scandale siM.Cameron, M.Milliband outout autre futur Premier minis-tre continuaient sur cettevoie. Sachant que touterforme prendra du temps,les chercheurs de UCL pro-posaient une solution m-diane : quavant les lec-tions, les principaux partissentendent sur un nombremaximal de 550 lords. a napas t fait.

    MICHEL HENRY

    CrisedesperruqueslaChambredeslordsSURPOPULATION Chaque nouveau Premier ministreajoutant ses lords aux prcdents, lassemble dborde.

    A la Chambre des lords, en 2009. Ils sont aujourdhui 840, pour 400 places. R. POHLE. REUTERS

    Par SONIA DELESALLESTOLPER

    Abby, 17 ans et mmepas peur du grandmchant Murdoch

    O n oublie le scrutin dece jour. On vacueDavid Cameron ou EdMiliband. Et on se concentresur les lections de mai 2030.A en croire Twitter, leRoyaume-Uni lira ce jour-lla seconde femme Premierministre de son histoire :Abby. On ne connat pas en-core son nom de famille. Uneseule photo delle est dispo-nible sur son compte Twitter,elle est blonde et a les che-veux longs. Elle a aussi 17 anset, depuis le 22 avril, elle esten passe de devenir une h-rone. Elle a commenc parlancer sur Twitter le hashtag#Milifandom (Mili pourMiliband, fan pour fanet dom comme dans Kin-gdom) pour contrer les criti-q u e s d e l a p re s s econservatrice, majoritaire auRoyaume-Uni, qui a prispour tte de Turc le candidattravailliste Ed Miliband.

    En quelques heures, le nom-bre dabonns au compte dela jeune fille, @twcuddles-ton, explosait. Elle en aaujourdhui 26 500 et cenest pas fini. Dautantquaprs avoir pris la dfensedu dirigeant travailliste etlavoir transform presqueen sex-symbol, elle sest at-taque la presse tablod dumagnat des mdias RupertMurdoch. Abby trouve EdMiliband authentique, drle,gentil, terre terre, atten-tionn et, en gnral, justevraiment sympa.Elle le sait et le fait savoirparce que le candidat du La-bour a pris la peine de lap-peler pour la remercier deson soutien. Son sens de larepartie, son humour et lafracheur de son enthou-siasme ont ravi Twitter.Une des choses les plus ex-traordinaires qui soient sortiesde cette lection est bien @tw-

    cuddleston, a ainsi jug unadmirateur. Abby est tropjeune pour voter. En fait, ellepasse son bac et, explique-t-elle, pas question de donnerdes interviews, je rvise et jaimes examens passerdabord. Mais elle na pasapprci du tout que desjournalistes du Sun se poin-tent devant son domicile etcelui de sa grand-mre. Ellesest adresse directement Rupert Murdoch, propri-taire du Sun, en tweetant :Rupert Murdoch pourriez-vous mexpliquer comment24 heures aprs #milifandomjavais des journalistes quifrappaient ma porte et cellede ma grand-mre ? Sansgrande surprise, RupertMurdoch na pas rpondu.

    En revanche, un journalistedu Sun a expliqu queladresse de la jeune filleavait t rcupre lgale-ment sur le registre lectoral,ouvert au public. Ce quinest pas possible puisque jesuis mineure et donc pas ins-crite sur le registre et, en plus,je nai donn personne monnom de famille ou monadresse, a immdiatementrpliqu Abby, applaudie parune lgion de fans pour osersen prendre lempireMurdoch.Lorsquune ancienne dpu-te du camp conservateur,Louise Mensch, a jugquAbby cherchait la publi-cit, la jeune fille lui a voldans les plumes en rappelantquelle avait indiqu trsclairement ne donner aucuneinterview. Juste un messagepublic Louise Mensch. Je mefiche de ce que vous pensez.Merci. Un fan a eu le mot dela fin : Je commence medire quelle est la seule adultedans cette lection. En plus, jeparie quelle va assurer sesexamens.

    VU DE LONDRES

    36%des hommes et 33% des femmes britanniques serontobses en 2030 contre 26% pour les deux sexes en2010, selon lOrganisation mondiale de la sant, qui parlemercredi de crise immense dans toute lEurope, maissurtout en Irlande: 89% des hommes devraient treen surpoids (indice de masse corporelle suprieur 25)vers 2030, dont 48% dobses (indice de masse corporelle suprieur 30). Chez les Irlandaises, la proportionen surpoids passerait de 57% 85% (dont 57% dobsesen 2030).

    David Cameron a nomm40 lords en moyenne chaqueanne depuis 2010. Un record.

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    Le CarnetEmilie Rigaudias

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    DcS

    La familleKOLPA

    a l'immense tristesse de vousannoncer la disparition de

    RmyKOLPAKOPOUL

    survenue le 3mai 2015, l'gede 66 ans

    La crmonie aura lieule samedi 9mai 2015 10h auCrmatorium

    duPre LachaiseSalle de la CoupoleRue desRondeaux

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  • 14 FINANCIALLIBRATION THURSDAY 7 MAY 2015MADE IN BRITAIN

    LasantentatdalerteLe Dr Irvine, candidate face au ministrede la Sant, alerte sur le dmantlementrampant du service public.

    F ace lurgence, certainsBritanniques savent oublierleur rserve naturelle.Peuple de Farnham, votezpour moi ! Je suis le docteur Louise Ir-vine et votre candidate dans le SouthWest Surrey hurle cette quinqua-gnaire distingue dansson mgaphone. Lg-rement surprise parlcho de sa voix, mais dtermine se faire entendre dans cette cam-pagne. Samedi 2 mai, une ambu-lance jaune fluo aux couleurs duNational Health Service (NHS) (enfait loue un infirmier reconvertien accessoiriste) sillonne le centrede cette petite ville victorienne touten briques rouges et jolis jardins. Ason bord, Louise Irvine donc.Comme une douzaine de profes-sionnels du soin, dont un cancro-logue, une infirmire et un experten sant mentale, cette gnralistede 57 ans se prsente aux lectionsgnrales sous les couleurs de sonparti, le NHA, reprenant habile-ment le logo du NHS. Ses 6 500membres et 60 000 followers surTwitter alertent les Britanniquessur ltat rel de leur systme desant public et gratuit que le gou-vernement conservateur sous-fi-

    nance et fragmente pour mieux le pri-vatiser, morceau par morceausindigne la candidate.Si elle a choisi cette circonscriptiondu sud-ouest du Surrey, uneheure de Londres, cest parce que lesortant nest autre que JeremyHunt, le ministre de la Sant de Ja-mes Cameron. Je lai confront de-vant la justice et lai battu deux fois,

    maintenant je le dfie dansles urnes, l o a fait malaux politiciens, balance-

    t-elle. Avant dtre candidate, ellea prsid lassociation de sauve-garde de lhpital de Lewisham. Etla cour a confirm en appel son re-cours jugeant que le ministre de laSant avait abus de ses pouvoirs enannonant la rduction des servicesde maternit et durgence de cettablissement de la banlieue deLondres, o le Dr Irvine a son cabi-net depuis vingt-cinq ans.

    SERVICES CENDRILLON. Avecson visage ple et son manteaurose, Louise Irvine a le profil pourne pas rebuter la population locale :blanche issue de la classe moyenneaise mais en voie de vieillisse-ment. Que le ministre de la Santnait pas boug le petit doigt poursopposer la fermeture de sixmaisons de retraite publiques danssa propre circonscription pourraitlui coter des voix. Lannonce cejour-l de la suspension du candi-dat centriste du Libdem pour falsi-fication de documents lectorauxpermet Louise dapparatrecomme lalternative. Il y a quinzejours, les parieurs la donnaient djen deuxime position, se fliciteSean Ellis, son reprsentant local.Si je gagne, je nexerce plus et jeminstalle ici. Dpute est un job temps plein. Bravo pour votrecampagne, lui lance Karen,49 ans qui enseigne le designtechnology et se dit panique parlavenir des services publics.Ce samedi, ils sont une quinzainede militants tracter pour Louisedevant la vitrine du Farnham He-rald, le journal local. Dont CaroleJones, une de ses copines, gnra-liste Hackney une banlieue dfa-vorise de Londres : Vous tes deLibration? Cest plus gauche quele Guardian jespre, car la pressepro-Labour ne nous aide pas. Cou-verte dun bibi rigolo et dun man-

    teau tachet, cette femme de gau-che rappelle que cest le Labourqui a cr le Foundation Trust lorigine de la fragmentation

    du NHS et que ses dirigeants ontpeur de dire stop aux coupes dans lepublic car ils sont soumis aux pres-sions des grandes compagnies desant prives, comme KPMG et CareUK. Mais que cest la droite aupouvoir qui a remplac lobligationde donner un service de soinsgratuit chaque Britannique par laseule ncessit de le promouvoirdans la loi sant de 2012. Les coupesaffectent pour linstant les servi-ces Cendrillon comme on lesnomme ici : soins domicile pourpersonnes ges ou souffrant de

    troubles mentaux. Des personnesfragiles qui souvent ne votentpas, rappelle Carole. La sous-traitance au priv des actes de soin

    les plus rentablesrisque terme demoins bien passer.En cas de compli-cation, cest nousqui devons reprendreen charge les ma-lades, sinsurge

    Alex, vingt-huit ans, interne enchirurgie lhpital de Bristol.

    PHYSIOTHRAPIE. En experteLouise Irvine dcortique les toursde passe-passe de son rival : Huntnous traite dalarmistes. Quand il af-firme que le taux de privatisation duNHS na augment que de 1%, il neprend en compte que les chiffres de2013. En 2014, cest 9 milliards de li-vres qui ont chapp au service pu-blic. Cinq fois plus que lanne pr-cdente. En sous-finanant lebudget de la sant (0,9% daug-

    mentation quand il faudrait 4%pour tre au niveau de linflation etdes besoins dune populationvieillissante), les conservateurs sa-pent le systme doucement maissrement. Passe Julia, quarante-huit ans : Aprs la privatisation durail et des tlcoms sous Thatcher, lesconservateurs sattaquent au NHS defaon furtive, explique cette con-seillre dducation lUniver-sit. Mon hpital local est gr parVirgin Care, une socit prive. Et jaid attendre six mois cet hiver pourma physiothrapie. Pour tre reueplus vite, il me suffisait de payer. Iam a woman with a chance, con-clut Louise, consciente que le r-sultat sera serr. Son combat d-passe lenjeu lectoral. Le coin estsolidement conservateur Hunt avaitfait 59% la dernire fois. Je ne croispas que je vais lemporter. Mais obte-nir un bon score me permettra de nepas les lcher, sourit-elle. Sansquon en doute un instant. (1) NHA: National Health Action Party

    Par MATTHIEU COIFFIEREnvoy spcial Farnham

    Quand il [Hunt] affirme que le tauxde privatisation du NHS naaugment que de 1%, il ne prenden compte que les chiffres de 2013Louise Irving

    REPORTAGE

    Le docteur Louise Irvine, candidate du parti NHA pour sauver le systme de sant. PHOTO MANUEL VASQUEZ

    REPRES

    Cela a t untravail de gurison.Le National HealthService esten meilleure formequil y a cinq ans.David Cameronjeudi 30 avril sur la BBC1

    1,6Cest, en million, le nombre de salaris du NHS(cr en 1948) rtribuspar limpt. Son budget:130 milliards de livres.

  • FINANCIAL 15LIBRATION THURSDAY 7 MAY 2015 MADE IN BRITAIN

    MER Edimbourg veut diversifier ses ressources en lectricit. Les partisansde lunion argumentent, eux, sur limportance de la manne ptrolire.

    EnEcosse,lindpendancenergtiquepasseparlevert

    J eudi dernier, lEglisedAngleterre, qui bour-sicote pieusement maissrement, sest fenduedun communiqu annon-ant sa dcision de vendrepour 12 millions de livres(16,1 millions deuros) deplacements dans des compa-gnies exploitant le charbonet les sables bitumineux. Uneffet de la chute des cours duptrole ? Non, une dcisionthique prise au vu du d-rglement climatique, pouramorcer une transition versune conomie bas carbone.Pour ses besoins en nergie,Le Royaume-Uni est toute-fois loin davoir excommuniles hydrocarbures. Il est lundes seuls pays europens olon explore le gaz de schiste,o la houille reste trs sollici-te, et o lon pompe encoredu ptrole et du gaz conven-tionnel. En loccurrence,dans les eaux cossaises de lamer du Nord.Toasts. Cest l une caract-ristique forte du paysagenergtique britannique. Silon excepte le nuclaire, queLondres a relanc en com-mandant deux racteurs EPR Areva pour la centraledHinkley Point, lessentielde ce quun Anglais ou unGallois brle pour se chauf-

    fer, rouler et dorer ses toastsvient dEcosse. Le ptrole etle gaz, donc, mais aussiparmi les plus prometteusesdes renouvelables: les ner-gies marines. La question decette dpendance nergti-que lEcosse tait dj unenjeu lors du rfrendum du18 septembre, qui a douchles espoirs des indpendan-tistes dsireux de garder Edimbourg les royalties p-trolires. Car pour leurs op-posants, le maintien au sein

    de la Couronne est un moyende partager les frais pour d-ployer un parc de centralespropres en mer et le rseaulectrique qui va avec.Eolien, hydrolien et houlo-motricit constituent la Sain-te-Trinit des nergies mari-nes renouvelables, et toutesont comme terrain de jeuxles eaux cossaises. Pour uneraison simple: cest au nordde lle que lAtlantique et lamer du Nord se rencontrent,crant vents, vagues et cou-rants. Hors olien, le gise-

    ment hydrolien et houlomoteurest de nature couvrir 20% dela consommation lectriquenationale, dont la puissancereprsenterait 18 30 rac-teurs EPR, martle Londresdans sa feuille de routepour 2050. tape importantesur cette trajectoire : 2020,avec 15% de renouvelablesdans le mix nergtique to-tal, trois fois plus quen 2012.Un dtail en dit long : l oLondres dcrte 15%, Edim-bourg dcrte 30%. De plus,

    100% du mixlectrique cos-sais devra trevert, en 2020,contre un peumoins de la moitia u j o u r d h u i .LEcosse en a donc

    sous le kilt! Nous sommes lanation la mieux dote en ner-gie par tte en Europe, aimedire Fergus Ewing, le minis-tre cossais de lEnergie, quivient doctroyer une enve-loppe de 14,3 millions de li-vres la filire houlomotrice.Il faut aussi compter aveclIrlande, le Pays de Galles etles Cornouailles, nuanceJrme Cuny, un Frenchy ex-pert des tudes mto oca-niques, qui a fond lastart-up Open Ocean. Et lesEcossais commencent jalou-

    ser les Franais, qui rachtentla technologie (Alstom, DCNS)et fdrent leffort de R&D der-rire les mastodontes EDF etGDF, alors quoutre-Manche,les acteurs sont plus mietts.Mais cest bien en eaux cos-saises que tout ce beaumonde teste ses machines.Spot. En loccurrence, dansun centre appel Emec, auxles Orcades (Libration du21 octobre 2013). A limagedu britannique Atlantis, quia repris lactivit hydro-lienne de Siemens, les fabri-cants qui sy battent con-naissent des fortunesdiverses, mais la rputationdu spot est faite. Seul hic :comme les machines ga-gnent en puissance, le cblevacuant le courant vers laGrande-Bretagne devienttrop petit. Un nouveau rac-cordement est en projet, et ilfaut dj prparer ltapesuivante: la production avecstockage tampon, sur batte-ries ou sous forme dhydro-gne, afin de nexporter ducourant sur le rseau quenpriode de forte demande.Enfin, un ventuel Yes auBrexit ne ferait pas les af-faires de lEmec. Car Bruxel-les compte parmi sesbailleurs de fonds.

    GUILLAUME MAINCENT

    Eolien, hydrolienet houlomotricit, toutesces nergies renouvelablesmarines ont comme terrainde jeux les eaux cossaises.

    Par RICHARD POIROT

    Au Royaume-Uni,on se loge prix indcents

    S il est un sujet qui d-prime vraiment lesBritanniques, cest lecot du logement. Une tudede KPMG, publie lundi, r-vle que pour esprer acqu-rir un appartement Lon-dres, un candidat avec 10%dapport initial doit afficherun salaire brut annuel deprs de 77 000 livres sterling.Soit plus de 103 000 euros aucours du change de mer-credi. Le cabinet daudit rap-pelle que le salaire moyenbrut dun Londonien, justeen-dessous des 28000 livres(37 660 euros), signifie quemme un couple dont lesdeux revenus se situeraientdans la moyenne ne peuventpas acheter dans la capitalebritannique.

    Un constat effrayant, avoueun responsable de KPMG :Cela montre que laccessionau logement nest plus seule-ment un problme pour les bassalaires. Maintenant, moinsde recevoir un salaire bien su-prieur la moyenne ou dh-riter, il est peu probable quevous soyez en mesure de vouspermettre dacheter, peu im-porte o dans le Royaume-Uni. Au niveau national, le

    minium requis pour espreremprunter est de 40 553 li-vres, alors que le salaire an-nuel moyen culmine 22 044 livres.

    Les chiffres varient consid-rablement dune rgion lautre. En dehors de Lon-dres, cest dans le Sud-Estque lcart entre le salaireannuel ncessaire pour em-prunter et la moyenne desrevenus est le plus impor-tant. En revanche, cest enEcosse et en Irlande du Nordquil est plus facile daccder la proprit.

    Comme en France, le coursde limmobilier a explos auRoyaume-Uni. Entre 1971 et2012, linflation dans ce sec-teur a atteint 4268%. Pourbien en saisir laspect verti-gineux, ltude rapportecette hausse celle de biensde consommation courante.Si le prix dun poulet, parexemple, avait connu lamme inflation, un Britan-nique devrait dbourser68 euros pour sen offrir unaujourdhui. Et 11,40 eurospour six bananes, ou encore14 euros pour deux litres delait.

    AU RAPPORT

    Des oliennes vers le chteau de Stirling, au nord de Glasgow, en dcembre. PHOTO RUSSELL CHEYNE. REUTERS

    Nous aurions du faire ce travailet dire exactement comment nous allonsarriver ces conomies. Ds quon le saura,nous le dirons.

    Iain Duncan Smith secrtaire dEtat aux Retraites et auTravail du gouvernement Cameron, oblig de reconnatremardi que les conservateurs ne savaient toujours pas quellesseraient les coupes budgtaires permettant datteindrelobjectif de 16 milliards deuros de rduction des dpensessociales dici 20172018. Une franchise qui trahit un certainamateurisme: ce chiffre a t annonc il y a presquedeux ans par David Cameron!

    59,5Cest le niveau atteint mercredi par lindice Markit,mesurant lactivit dans les services outreManche. Unbon rsultat, tout chiffre suprieur 50 signalant unecroissance et marquant une progression constante de cesecteur depuis 28 mois, la plus durable depuis sept ans.Le Premier ministre David Cameron y voit la preuve quesa politique de long terme porte ses fruits. Le secteurdes services reprsente environ 75% de lconomie britannique. En revanche, lactivit dans les secteurs manufacturier et de la construction a moins progressquattendu. La progression globale de ces indices en avrilcorrespond une croissance de 0,8% du PIB au dbutdu deuxime trimestre, selon un conomiste de Markit.

  • 16 LIFESTYLELIBRATION THURSDAY 7 MAY 2015

    Ilssontfood,cesBritish!Eternelle cible de jugements lemporte-pice et autres idesprmches, la gastronomieanglaise recle quelques menusplaisirs. Tour de table.

    Par JACKYDURANDet CATHERINEMALLAVALPhoto MANUELVASQUEZ

    I l parat quil pleut tout le temps enAngleterre et, pourtant, cest lepays dEurope qui compterait leplus de voitures dcapotables parrapport sa population. En matire degastronomie, nos voisins doutre-Man-che ont aussi le bon got de cultiver leparadoxe: voil un pays qui jouit de lasinistre rputation de faire bouillir le gi-got dagneau et de faire trembler la jellyalors que, dans le mme temps, sespourfendeurs lui envient son plantu-reux breakfast avec ufs-bacon et lesincomparables baked beans ; que lasauce barbecue HP a t beaucoup co-pie mais jamais gale et que lon ven-drait pre, mre et mme notre mugLady Diana pour cette tuerie quest lelemon curd.Dans Ma petite picerie anglaise (1),Trish Deseine, qui lon doit dj res-pect et fidlit pour sa recette dirishstew, nous dcrit cette drle de plantebritish qui compte un nombre invrai-semblable de sortes de crmes (single,double, whipping creams) et grignotedes petits sandwichs au concombre lheure du th. A son tour, Librationsinvite dans le garde-manger anglaispour affirmer ses choix gourmands etforcment subjectifs.

    Le stiltonUn jour, Dieu nous a emmen, sansnous le dire, sur lun des plus beauxmarchs de Londres: Borough Market.Et la rvlation eut lieu l, sous les arca-des du chemin de fer arien, deux pasde la station de mtro London Bridge:on veut vous parler du stilton bleu, fa-buleux fromage produit dans les comtsde Derbyshire, Leicestershire, Nottin-

  • MADE IN BRITAIN LIFESTYLE 17THURSDAY 7 MAY 2015

    ghamshire et qui bnfice dune appel-lation dorigine protge (AOP). Soncousin au lait cru, le Stichelton, est ar-demment soutenu par le prince Charles.On en connat qui devraient se faire dusouci parmi ses nombreux cousins pte persille continentaux si jamais leblue stilton cheese saventurait plussouvent au pays des 365 fromages. Caril a de llgance et du caractre, ce fro-mage texture beurr, de forme cylin-drique et pourvu dune belle croteorange. Gotez-le avec un vieux portoou un vin doux Mas Amiel. Et des crac-kers anglais, videmment

    La sauce HPNen dplaise la concurrence quiagrandit sans cesse son linaire, il nya quune seule sauce barbecue digne dece nom: cest la sauce HP, pour Houseof Parliament. Selon Heinz, qui la fabri-que et lexporte dans 70 pays, cest lesecond produit le plus consomm enGrande-Bretagne. Sa saveur si particu-lire est due au tamarin, aux dattes et auxtomates qui entrent dans sa composition,explique Trish Deseine dans sonouvrage. Cest vrai quen matire deboosteur de got, on ne connat pasmieux pour faire chanter la grillade.Mais aussi pour rattraper nos piresgalops dessai culinaire: il suffit dunepetite claque sur le cul de la bouteille etcest fou tout ce qui peut devenir man-geable avec cette sauce. Alors, ne voustonnez pas quon farfouille dans lesbazars les plus htroclites quand on esten manque dHP.

    Les digestive biscuitsCest sr, avec lui, on pourrait tenir unsige digne de la guerre de Cent Ans.Qui ? Le digestive biscuit, of course ! Ildoit son drle de nom la prsence debicarbonate de soude, substance re-commande, parat-il, en cas de GDB[gueule de bois, ndlr] et autres traite-ments post-mufles et digestions diffi-ciles de banquets rpublicains. Mais onpeut tout aussi bien lassocier avec unepoigne de pintes de stout pour un re-pas complet, debout sur le plancher dupub. Les buveurs deau chaude estimentque les digestive biscuits ont un petitgot malt qui se marie merveille avecle th. Ils font aussi le bonheur desbecs sucrs qui en tapissent le fond deleurs moules quand ils confectionnentun cheesecake. Bref, il ny a pas plushumble et tout faire que le digestivebiscuit. A part, peut-tre, le casse-crote BN, cocorico !

    Les crumpetsLe nom est joli comme celui dune fa-meuse marionnette ou dun groupe popdes annes 60. Mais ne vous y fiez pas:les crumpets sont la forme la plus abou-tie de la sournoiserie gastronomique.Voil des crpes de farine et de levuretruffes de petits trous afin dy planquerla luxure que sont le beurre fondu, le si-rop drable ou le golden syrup lequel

    est conditionn dans des botes collec-tor outre-Manche. Pour en arriver untel degr de perfidie, les crumpets sontmartyrises dans un cercle qui les em-pche de staler dans la pole lors dela cuisson. Il faut souffrir pour tre bellemais cest ainsi quelles restent moel-leuses et paisses dans votre bec en-dormi. Notez que la dgustation decrumpets est un remde efficace contrela sinistrose matinale.

    Les baked beansCest vrai, leur aspect est un tantinetdsaronnant lorsquau petit-djeuneron vous les sert bien tals sur un toastgrill. Mais quimporte lapparence, lesbaked beans sont au full british break-fast ce que le pudding est Christmas:un must de choix. Traditionnellement,ces haricots blancs cuits dans une saucetomate aromatise sont cuisins au four(do leur nom), mais ils sont le plussouvent mijots la casserole. Importsdes Etats-Unis la fin du XIXe siclesous une forme industrielle, ils furentdabord vendus chez Fortnum & Mason, Londres, avant de se rpandre danstoute la Grande-Bretagne et de prendreune couleur locale. En version britanni-que, les baked beans de la marqueHeinz sont moins sucrs et plus fermesque leurs confrres amricains, shootsau sucre brun. A noter que les bakedbeans sautent parfois le petit-djeunerpour sinviter dautres heures sur despommes de terre au four.

    Le lemon curdAu royaume des pchs mignons, il y aun pch citron: le jouissif lemon curd.Soit une crme acidule confectionneavec des jaunes dufs, du beurre etbeaucoup de citron (jus et zestes) cuitsensemble, doucement, longuement,jusqu former une pte lisse, douce,onctueuse, trs parfume. Jusquaudbut du XXe sicle, ce dlice tait fait-maison, servi avec du pain ou desscones avec le th du goter en guise deconfiture ou en garniture de gteaux etsurtout de tartes. A lpoque, ce douxmlange tait fait en petites quantits,car difficile conserver. Depuis larri-ve du frigo et des agents conserva-teurs, on peut sen tartiner tous lesjours. Ce dont les Britanniques ne seprivent pas.

    LAfter EightLa premire fois, la chose surprendpresque autant que la clbre mintsauce servie avec une pice dagneau.Mais, bien affal devant un feuilletonfaon Coronation Street, la chose a vitefait de prendre un got de revenons-y.Cest ainsi, lAfter Eight (normalement consommer after dinner, mais amarche aussi dans la journe), finefeuille de chocolat noir fourre lacrme de menthe, est une gourmandiseaddictive invente en 1962 par la firmebritannique Rowntree and CompanyLimited dont le conglomrat suisse

    Nestl na fait quune bouche en 1988.Quant aux Franais, ils leur a fallu at-tendre 1971 pour pouvoir suoter tran-quille leur After Eight tellement an-glais, mais tellement bon.

    Le baconIl est vendu crispy, dj cuit et hypercroustillant, ou bien cru avec sa bonnecouche de graisse. Il est fum, ou pas.Fin ou bien dodu. Mais surtout, il estbon, le bacon anglo-saxon. Aucun rap-port avec ses homologues hexagonauxsous vide et sans got, qui, les jours defte et de brunch, vous poussent fairecocu ce bon vieux Super U pour un raidchez Marks & Spencer qui a su faire decet ingrdient un art de vivre. Belle iro-nie, car le terme bacon vient duvieux franais et signifiait alors (au d-but du XIIe sicle ) flche de lard sal.

    La recetteDans sa Petite picerie anglaise, TrishDeseine nous rgale de riche beef stewand mashed potatoes with HP sauce,autrement dit buf brais et pure la sauce HP. Pour quatre personnes,

    il vous faut: 2 cuillres soupe dhuiledolive; 2 carottes pluches et coupesen rondelles ; 1 branche de cleri ha-che ; 2 oignons pluchs et hachs ;2 gousses dail crases ; 1 bouquetgarni; 500g de buf pour bourguignoncoup en morceaux; 3 cuillres soupede farine ; 50 cl de bire brune ; de lasauce HP; sel et poivre. Pour la pure:500g de pommes de terre pure; 10clde crme frache; 50g de beurre; sel etpoivre.Faites chauffer lhuile dans une casse-role en fonte et mettez-y les lgumes,lail et le bouquet garni. Faites revenirpendant cinq six minutes pour dorerle tout. Retirez les lgumes de la cocotteet mettez-y la viande en ajoutant unpeu dhuile si ncessaire. Poudrez defarine et faites dorer de tous les cts.Versez la bire et grattez bien le fond dela casserole avant de remettre les lgu-mes. Ajoutez de leau si ncessaire hauteur de la viande; assaisonnez lg-rement, portez bullition, couvrez etlaissez mijoter feu doux (ou four 150 degrs, thermostat 5) pendant deuxheures.Une demi-heure avant de servir, faitescuire les pommes de terre pluches.Ecrasez-les avec la crme et le beurre,assaisonnez. Rectifiez lassaisonnementde la viande si ncessaire et rpartis-sez-la dans des assiettes creuses ou desbols bien larges. Posez la pure par-dessus et servez avec la sauce HP. (1) Ma petite picerie anglaise,de Trish Deseine, ditions Hachette cuisine,150pp., 14,95.

    Fin ou bien dodu, il est bon,le bacon anglo-saxon. Aucunrapport avec ses homologueshexagonaux sous vide et sans got.

    Sauce barbecue ultime,la HP de Heinz tientses initiales de Houseof Parliament.

  • LIBRATION THURSDAY 7 MAY 2015

    Boules,Britannia!Au championnat du monde de snooker, on a vrifi le culte quevouent les Britanniques cette variante du billard.

    Par MICHEL HENRYEnvoy spcial Sheffield

    D ans sa grande sagesse, lechampionnat du monde desnooker a sacr tard lundisoir un homme venu pres-que de nulle part, donn vainqueurseulement 50 contre 1 audpart. Stuart Bingham, untype charmant de 38 ans quipleure ds quil gagne, a su en beautbattre des adversaires plus cots que lui,jusquen finale, o il a pourtant dout:A 15 manches partout, jai cru quema chance avait fil, a comment lAn-glais. Javais limpression que mon brastait celui dun autre et que mes nerfs l-chaient.Il y a de quoi: ce sport adapt du billardpar des officiers de Sa Majest aux Indesen 1875 stale sur des parties aussi in-terminables que passionnantes, la finalese jouant au meilleur des trente-cinq manches, rparties en quatre ses-sions sur deux jours. On ne peut pas as-surer comme une bte pendant desheures: mme les plus grands connais-sent des passages vide, mais StewartBall-run Bingham les a parfaitementgrs tout au long des deux semaines dutournoi.Avant la finale, il a sorti deux fois deshommes plus forts que lui, dont JuddTrump, un jeune gaillard (25 ans) auteint ple de ceux qui ne voient jamaisdautre lumire que celle des salles desnooker et qui joue dans dimmondeschaussons de mm picots (gloups, onapprendra ensuite quil sagit de Lou-boutin). Puis en finale, Bingham, jus-qualors modeste numro 10 mondial,a cart le grand favori, Shaun TheMagician Murphy, 32 ans et numro 8.Adepte des gilets sans manche bicoloresflashy (avec du pourpre ou du bronzededans) et des godasses galement double parfum, Murphy, champion en2005, est ce type poli jusqu lextrmequi avait gliss, avant cette finale cris-pante: Si je ny tais pas, cest lui [Bin-gham] que jaimerais voir gagner. Levoil combl? Aprs la dfaite, Murphyde Nottingham a sportivement com-

    ment: Stuart Bingham a t inspirEt parfois, cest juste que votre nom estinscrit sur le trophe. Les 300 000 livres(408 000 euros) ramasses par le vain-queur laideront dcompresser de tantde tension. Murphy, lui, est reparti avec125 000 livres (170 000 euros), qui paie-ront quelques Kleenex. Cette anne, le

    dernier carr ne comportaitque des Anglais, sorte de Rule,Britannia ! qui colle parfaite-

    ment avec leur conception dun cham-pionnat du monde : eux seuls devant, lesautres regardant face leurs crans cesport fait pour et par la tl, surtout