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L’ I M PA C T D E S N O R M E S IAS/IFRS DA N S L E
T R A I T E M E N T C O M P TA B L E D E L A S U RVA L E U R (G O O D W I L L )
DA N S U N E O P T I Q U E D E L A J U S T E VA L E U R (FA I R VA L U E )
D U B I L A N
Rédigé par : Clément Qamar MIAN et Patrick KONAN
Mémoire DESS FINANCE d’ ENTREPRISE
CNAM 2003-2004 RESPONSABLE DE LA CHAIRE FINANCE ET GESTION : Professeur Denis DUBOIS Directeur de Mémoire : Sophie de OLIVEIRA LEITE Consultant Associé de la Société COGIS et Professeur au CNAM
sujet :
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TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS 4 PREAMBULE 5 SECTION 1 : Pourquoi un référentiel commun 9
Chapitre 1 : Création d’un langage comptable International 10
I Le contexte du passage aux normes IFRS 12
II Les entreprises concernées et les principales échéances 15
III Une communication Financière tournée vers les investisseurs 17 SECTION 2 – L’impact des normes IFRS dans le traitement comptable des regroupements d’entreprises 25
Chapitre 1 : Comptabilisation de regroupement d’entreprises 26
I La méthode dite de mise en commun d’intérêt (Pooling of interest) 26
I.a DEFINITION : 26
I.b Exemple de comptabilisation : 26
I.c L’exception française : « pooling à la française » 27
I.d Les avantages de cette méthode dérogatoire : 28
I.e Les inconvénients de cette méthode : 28
II La méthode dite « acquisition » (Purchase Accounting method) 29
II.a Définition : 29
II.b Exemple de comptabilisation : 29
II.c Les conséquences de la pratique actuelle de cette méthode : 31
II.d Un exemple du groupe Pfizer illustrant cette pratique comptable : 32
II.e Un état de performance au détriment du compte de résultat actuel ? 35
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Chapitre 2 : Le concept d’écart d’acquisition 38
I Une comptabilité dite descriptive et cumulative tournée vers le passé : 38
II Une comptabilité "intégrée" en juste valeur « full fair value » : 39
III La nature de l’écart d’acquisition : 39
IV Quel traitement comptable de l’écart d’acquisition ? 42
IV.a Le maintien pur et simple de l’écart d’acquisition à l’actif : 42
IV.b l’imputation de l’écart d’acquisition sur les réserves antérieures : 43
IV.c Test de dépréciation (Impairment Test) : 45
IV.d l’amortissement de l'écart d'acquisition : 48
IV.e La détermination d'un goodwill total : 49
CONCLUSION 50
Bibliographie 54
Acronymes 55
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REMERCIEMENTS
Je tiens ici à remercier tout particulièrement Madame Sophie de OLIVEIRA LEITE,
Associée au sein de la société de conseil en progiciels COGIS, et Professeur au CNAM
dispensant les cours de consolidation des comptes en DESS Finance d’entreprise, pour nous
avoir guidés dans la réalisation de ce mémoire.
Je tiens également à remercier Denis DUBOIS, Professeur des Universités et Directeur
du DESS Finance d'entreprise de la chaire FINANCE au CNAM, dont les cours m’ont
donné une nouvelle dimension plus pérenne et solide de la finance d’entreprise.
Mes remerciements vont aussi à l’ensemble du corps professoral du DESS Finance
d’Entreprise, ainsi que tout le personnel du secrétariat de la chaire Finance notamment à
Sidonie de SAINT-OURS et Sophie BERNIER.
Je profite de cette occasion pour remercier, deux anciens diplômés du CNAM DESS
Finance d’Entreprise, Naïma BAKKAOUI et Frédéric POTELLE pour leur soutien moral
et matériel qui ne m’ont jamais été compté..
Enfin, mes remerciements vont aussi à Patrick KONAN pour sa collaboration à la
rédaction de ce mémoire et à ma famille pour son soutien.
Clément Qamar MIAN
Je tiens également à remercier Madame Sophie de OLIVEIRA LEITE pour nous avoir
guidés dans la rédaction de ce mémoire ainsi que tout le corps professoral du DESS Finance
d'Entreprise, et tout particulièrement le Professeur Denis Dubois.
En fin, merci également à Clément Qamar MIAN pour sa collaboration à ce mémoire
ainsi qu'à ma famille pour son soutien.
Patrick KONAN
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PREAMBULE
Les normes comptables nationales et les procédures de gouvernement d'entreprise
d'un pays sont le fruit de processus économiques et politiques, et pas simplement le
résultat du jeu du marché. De plus, aucun argument économique précis n'a pu être
apporté pour justifier la réglementation des normes comptables. Pourquoi les pratiques
diffèrent-elles si nettement d'un pays à l'autre en matière de gouvernement d'entreprise ?
On peut certes invoquer la culture, la tradition et l'histoire. Toutefois, les économistes
privilégient les explications reposant sur des facteurs tels que le système judiciaire et la
législation sur les droits de propriété, même si, en fin de compte, ces facteurs eux-mêmes
font intrinsèquement partie de chaque culture.
L'information financière est un élément clé des dispositifs d'information et de
contrôle conçu pour résoudre certains problèmes induits, dans les grandes entreprises,
par la séparation entre la détention du capital et la direction des affaires. En termes
économiques, la comptabilité fait partie du système du gouvernement d'entreprise, dont
l'objectif est d'amener les dirigeants à agir dans l'intérêt des actionnaires.
Les normes comptables applicables dans un pays donné doivent être appréciées au
regard des autres systèmes d'information et de contrôles employés dans ce pays. En
Europe continentale, la comptabilité a longtemps été inspirée d’une vision patrimoniale
de l’entreprise et s’est développée sous l’emprise de la fiscalité en matière d’évaluation et
de présentation des informations. Le résultat net ne servait-il pas de base d’imposition?
D’où l’utilisation des méthodes comptables visant à minimiser le résultat publié afin de
minimiser l’impôt à payer. Cette approche fiscale et juridique de la comptabilité tout en
protégeant les intérêts des créanciers avait pour objectif principal de faire apparaître les
éléments du patrimoine pour leur coût d’acquisition appelé valeur historique (biens,
créances, dettes), ainsi que le bénéfice (ou la perte) pour la période écoulée. Cette
conception de la comptabilité où l’administration fiscale joue un rôle prépondérant dans
la fixation des règles comptables, était (ou encore est pour certaines normes comptables
nationales) tournée vers le passée.
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Par contre, dans une vision anglo-saxonne, ce sont les marchés financiers qui ont
structuré la pensée en matière du référentiel comptable où la loi fiscale n’a qu’une
influence extrêmement limitée. Les comptes publiés sont donc établis non pas dans un
objectif fiscal ou juridique, mais avec le but de transcrire une image fidèle (true and fair
view) de la réalité économique, principalement à destination des actionnaires, tout en
privilégiant une approche orientée sur l’objet – à quoi cela peut-il servir - plutôt que sur la nature – quelle
en est la description – des actifs et passifs1. Ainsi la construction du bilan en comptabilité anglo-
saxonne est davantage orientée vers une optique de gestion dynamique des ressources et
moyens dont dispose l’entreprise placée dans une perspective de continuité de
l’exploitation (going concern). En outre, on résonne en terme d’effet de la valeur temps en
ayant recourt à l’actualisation (Time value of money ) et le retour sur investissement par le
calcul du TRI (IRR) lors de la comptabilisation et l’évaluation des actifs et passifs d’une
entité.
En conséquence de la mondialisation croissante de l’économie, c’est cette vision
anglo-saxonne de la comptabilité, comme mentionnée ci-dessus, qu’est retenue par les
normalisateurs comptables. En outre, elle fournit une information plus économique que
juridico-fiscale, orientée davantage vers la mesure de la performance et visant à améliorer
la fiabilité des prévisions. Par conséquent, une comptabilité plus pertinente aux attentes
des actionnaires-investisseurs-créanciers en matière d’information financière.
Au sein de cette approche retenue par le monde de la finance, nous avons en
parallèle deux référentiels en concurrence l’un avec l’autre. Outre-atlantique, on y trouve
le référentiel US GAAP (Generally Accepted Accounting Principles) édictées par le Federal
Accounting Standard Board (FASB), la SEC (Security Exchange Commission) et le AICPA
American Institute of Certified Public Accountants . Par contre, la Commission européenne s’est
clairement prononcée pour les normes internationales IAS (International Accounting
Standard) dorénavant nommées IFRS (International Financial Reporting Standard) élaborées
par le International Accounting Standard Board (IASB) et qui sont certainement amenées à
évoluer vers un jeu unique de normes mondiales.
1 La comptabilité financière et l’analyse de flux, Denis DUBOIS 2002, page II
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Suite à son élargissement et dans la perspective prochaine de l’adoption d’une
constitution commune, l’Union européenne va relever de nouveaux défis. Dans ce
contexte, la qualité de l’information financière, gage d’une nécessaire transparence, est la
réponse au bon fonctionnement des marchés financiers dont les déboires passées ou
récents n’ont fait que rappeler son besoin imminent. En réponse à ces exigences
économiques et politiques, l’adoption dès le 1er janvier 2005 d’un langage comptable
unique dans l’Union européenne constitue un enjeu essentiel de la vie des entreprises
avec des conséquences importantes sur les valorisations des sociétés cotées.
En adoptant les normes IFRS, l’Europe a souhaité se doter du grand référentiel
comptable qui lui faisait défaut. Cependant, ces nouvelles normes dont le fondement
essentiel est basé sur des grands principes comme celui de la prééminence de la réalité sur
l’apparence (en anglais : substance over form) – plutôt que sur des règles détaillées, précises et
plus faciles à détourner à l’instar des US GAAP dont certaines fragilités sont mises en
évidence par les affaires Enron et Worldcom – constituent une véritable révolution
culturelle dont l’apprentissage n’est pas aisé. Par conséquent, le passage actuel des normes
nationales hétéroclites à un modèle unifié va mobiliser sérieusement les directions
financières avec parfois des changements majeurs de leur système d’informations et
d’organisation de leurs entités concernées. De même, la communication financière et les
politiques opérationnelles des entreprises en seront fortement modifiées.
Les normes IFRS auront un impact sensible sur les bilans, notamment on aura une
grande visibilité des dettes des entreprises et une profonde modification du calcul des
fonds propres. En effet, les dettes et les capitaux propres ont une définition bien précise
au sein de ce nouveau référentiel. Les retraitements à l’origine de ces changements de
normes comptables, - par exemple d’une part, des fonds propres à la baisse du fait de
reclassement des actions à droits de dividende préférentielle (Preferred Stocks) en dettes, et
d’autre part, l’intégration des dettes des entités ad hoc, - vont affecter des ratios
habituellement utilisés par les places financières. Ainsi, des ratios comme le ROCE
(Return On Capital Employed) ou l’EBITDA (Earning Before Interest Taxes Depreciation and
Amortization), se trouveront modifiés par les changements des normes comptables ayant
une incidence sur le résultat et/ou les capitaux propres. En outre, ce mouvement
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d’ampleur se traduira par le passage de bilans privilégiant la détermination des coûts
historiques à des comptes mieux ajustés dans une optique de la juste valeur (fair value) de
l’entreprise.
Considéré par certains comme un virage comptable, le passage aux normes
internationales IAS/IFRS représente un chantier technique complexe qui mobilise des
ressources considérables. Devant la complexité et l’étendue de l’impact du référentiel
IFRS/IAS sur les comptes des entreprises côtés, nous avons opté pour une analyse
approfondie des normes dont les incidences sont les plus importantes sur la mesure de la
performance. En effet, après avoir rappelé dans la première partie de cet exposé le
contexte du passage à ce référentiel commun en Europe et ses principes fondamentaux
ainsi que ses aspects institutionnels, nous développerons l’impact de ces normes dans le
traitement comptable des regroupements d’entreprises. Ces normes qui sont IAS 22, IAS
36 et la dernière sur le sujet IFRS 3, vont écarter la méthode de la mise en commun
d’intérêt (Pooling of Interest) au profit de la méthode d’acquisition (Purchase Accounting).
D’autre part, cette nouvelle réglementation prévoit que l’écart d’acquisition découlant de
ces acquisitions sera considéré en tant qu’actif à durée de vie indéfinie nécessitant des
tests annuels pour dépréciation de valeur et interdisant son amortissent. Ce dernier point
concernant le traitement comptable du « goodwill » dans une optique de juste valeur,
constitue l’intérêt principal de notre sujet de mémoire et dont l’analyse sera détaillée par
rapport au référentiel français dans la seconde partie de cette étude. Nous nous
attacherons ainsi d’appréhender au mieux les concepts de juste valeur et de valeur
historique.
Afin de mettre à l’aise les lecteurs qui n’auraient pas de formation comptable et
financière poussée, un glossaire des termes financiers techniques utilisés dans ce mémoire
a été ajouté juste avant la bibliographie.
***
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SECTION 1 : Pourquoi un référentiel commun
Le développement des marchés financiers et des transactions transnationales et la
nécessité de faciliter l’accès des investisseurs à des données fiables, compréhensibles,
interprétables et surtout homogènes et comparables ont contribué à la mise en place de
normes comptables internationales IAS (International Accounting Standards).
L’harmonisation de l’organisation des marchés européens a conduit l’Union
Européenne à prendre un certain nombre de décisions dont le choix d’un référentiel
comptable unique qui devrait progressivement permettre à toutes les entreprises
européennes de parler le même langage en matière d’information financière afin de
pouvoir permettre des comparaisons de sociétés européennes entre elles.
Le texte fondateur de cette révolution comptable est un règlement européen du 19
juillet 2002. Celui-ci stipule que toutes les sociétés cotées régies par le droit national d’un
état européen devront appliquer le référentiel IFRS (International Financial Reporting
Standards) dans leurs comptes consolidés des exercices ouverts à compter du 1er janvier
2005. De ce fait, un langage comptable commun, cohérent et unique satisfaisant aux
besoins des grandes entreprises et permettant de conserver une identité comptable
nationale s'impose : les IAS sont disposés à répondre à cet objectif de référentiel
international commun.
Pour les sociétés européennes cotées, ces nouvelles normes devraient faciliter la levée
des capitaux sur le marché financier mondial à armes égales avec leurs concurrents.
L’adoption par l’Europe du référentiel IFRS résulte d’un choix stratégique répondant
à des objectifs nombreux (convergence, notoriété, compétence, efficacité) intégrant
cependant des contraintes de temps et de moyens. Ainsi, le référentiel IFRS s’est imposé
comme étant la meilleure alternative.
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Chapitre 1 : Création d’un langage comptable International
Devant les disparités des référentiels comptables nationaux, les professionnels
comptables d'une dizaine de pays ont créé, en 1973, l'IASC (International Accounting
Standards Committee) pour contribuer à l'amélioration et à l'harmonisation des états
financiers, essentiellement en publiant des normes comptables internationales.
Vingt-cinq ans après, l'IASC est sur le point de compléter un ensemble cohérent de
normes qui vont être utilisées pour les opérations financières transfrontières et il semble
donc important de faire le point sur ce qui a été fait, sur la situation actuelle et sur les
problèmes à régler pour continuer de progresser dans l'élaboration d'un véritable langage
comptable mondial.
A son origine, l'IASC travaillait sur un programme d'harmonisation des pratiques
comptables mondiales. Il analysait les pratiques existantes et retenait les meilleures
comme normes internationales, remplissant ainsi son rôle d'harmonisateur. Mais l'IASC a
changé de nature avec la signature, en 1995 des accords avec l'IOSCO (organisme
regroupant les Commissions de Bourse) par lesquels il devait développer, au plus tard
pour 1999, un package complet de normes permettant aux entreprises de se faire coter à
l'étranger sans présenter deux jeux d'états financiers (en fait, permettant aux entreprises
non anglo-saxonnes de se faire coter aux Etats-Unis sans appliquer ou sans se rapprocher
complètement des normes américaines).
Ce nouvel objectif a conduit l'IASC à sortir de son rôle d'harmonisateur pour
devenir un innovateur : il ne construit plus seulement ses normes à partir des meilleures
pratiques existantes, mais crée des normes novatrices ne correspondant à la pratique
actuelle d'aucun pays. Pour ce faire, l'IASC s'est rapproché des organismes normalisateurs
des grands pays anglo-saxons pour mettre en commun les moyens et réfléchir à des
normes traitant de problèmes non résolus à ce jour.
Au regard des progrès accomplis à ce jour, on constate que :
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• Le premier résultat majeur est que nul ne conteste plus que l'IASC soit le seul
normalisateur comptable international. En effet, les autres organismes
internationaux ou multinationaux qui avaient entrepris de jouer un rôle dans la
normalisation comptable internationale se sont progressivement retirés (ONU,
OCDE) ou collaborent maintenant directement aux travaux de l'IASC (IOSCO,
Commission Européenne, Fédérations d’analystes…).
• L'accord de 1995 qui devrait aboutir à un corps de normes complet en 1998 et à
son acceptation par l'IOSCO en 1999 devrait faire des normes de l'IASC le
langage unique reconnu pour les cotations transfrontières.
• Plusieurs centaines d'entreprises, originaires de pays où les normes ne sont pas
reconnues internationalement, présentent leurs comptes consolidés
conformément aux normes de l'IASC (en particulier en Europe continentale et en
Extrême-Orient).
• Certains pays, en retard dans le développement de leurs propres normes
comptables ont (Moyen-Orient, Extrême-Orient) ou vont (Europe de l'Est)
adopter en bloc le référentiel de l'IASC comme leur propre référentiel ; d’autres
comme l’Australie, se sont engagés à rendre leur référentiel national conforme
aux normes IASC.
• Certains autres pays enfin envisagent de se servir de l'IASC comme référentiel
pour leurs sociétés nationales ayant des activités internationales (France,
Allemagne) et ce en dérogation de leur propre référentiel.
Ce bilan traduit bien l'importance des efforts accomplis. L’IASC se trouve aujourd'hui
à la croisée des chemins car il est engagé au même moment sur plusieurs fronts, sans
avoir nécessairement l'organisation et les moyens d'y faire face.
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L'IASC se trouve impliqué dans le développement d'un référentiel susceptible d'être
adopté comme référentiel national par les pays en voie de développement ou par d'autres
pays qui connaissent de profondes mutations économiques et ne disposent d'un
référentiel reconnu.
Ce référentiel est aussi destiné aux entreprises qui souhaitent utiliser un référentiel
connu pour la préparation de leurs états financiers ou encore aux entreprises qui souhaitent
obtenir une cotation de leurs titres ou faire appel public à l’épargne à l’étranger.
I. Le contexte du passage aux normes IFRS
Le référentiel IFRS est aujourd’hui constitué de 37 normes lAS et IFRS. Il est
également doté d’une préface et d’un cadre conceptuel général qui rappellent le contexte
et les objectifs, établissent des principes généraux applicables, et définissent certains
éléments des états financiers ou des concepts utilisés dans le développement de certaines
normes.
Récemment, ont été adjoints au texte des normes, des guides d’application qui ont
pour objectif d’illustrer, l’application des normes en question.
Les normes sont destinées aux entreprises à but lucratif, elles excluent en principe de
leur champ d’application toutes les entités non lucratives et publiques.
Les normes IAS (numérotées de 1 à 41), IFRS (de 1 à 5) et les interprétations SIC
(de 1 à 35) peuvent être déclinées selon plusieurs logiques.
Dans un premier temps, les normes publiées comportaient de nombreuses options
laissant une large part au jugement des professionnels. La mondialisation croissante et la
pression des marchés financiers ont conduit l’IASB, en 1997, à réviser ses normes en
limitant les choix possibles et en désignant presque systématiquement un traitement
préférentiel.
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Pour témoigner de l’ampleur des réformes en cours, l’IASB a rebaptisé ses futures
normes, qui portent désormais le nom de « IFRS » élargissant ainsi son champ d’action
de la normalisation comptable à l’information financière.
Fin juillet 2001, l’IASB a défini un programme de travail donnant la priorité à 9
thèmes techniques prioritaires complétés de 16 autres thèmes susceptibles d’y être
progressivement intégrés.
Ces thèmes prioritaires, qui poursuivaient trois objectifs distincts : convergence,
amélioration et facilité d’utilisation des normes ont abouti, depuis décembre 2003, aux
publications suivantes :
• Refonte de la préface aux normes : les principales modifications contenues dans
ce texte sont le changement de dénomination des futures normes IFRS en lieu et
place des IAS ainsi que les évolutions dans le processus en vigueur pour
l’élaboration d’une norme ou d’une interprétation liées aux modifications
statutaires de l’IASC.
• Amélioration des normes existantes : le projet d’amélioration des normes a
conduit l’IASB à éliminer certaines options, clarifier ou préciser la rédaction de
certaines normes.
• Première application des normes (IFRS 1) : création d’une norme spécifique qui
définit les règles applicables aux entreprises qui adoptent ce référentiel pour la
première fois, l’objectif affiché étant notamment de simplifier les règles
existantes en instaurant par exemple des dispositions transitoires. Cette norme
est particulièrement importante dans le cadre de la future adoption européenne.
• Paiements en actions (IFRS 2) : l’objectif clairement affiché par l’IASB était de
doter son référentiel d’une norme sur ce sujet qui soit directement inspirée des
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réflexions américaines. Ce texte concerne principalement les stock-options, leur
comptabilisation en charges, leur évaluation et la date à retenir en la matière.
• Regroupements d’entreprises (IFRS 3) : ce thème avait pour principal objectif de
faire converger les règles IFRS avec les normes américaines FAS 141 et 142 sur
le thème des regroupements d’entreprises. Ces nouveaux textes ont intégré une
nouvelle définition des regroupements d’entreprises, la suppression de la
méthode du « pooling ». La fin de l’amortissement systématique des écarts
d’acquisition et des incorporels à durée de vie indéfinie auxquels viendront se
substituer des tests de dépréciation. La définition des actifs incorporels dans les
opérations de regroupements d’entreprises, y compris les frais de recherche et
développement, a également été assouplie.
• Contrats d’assurance (IFRS 4) : Il a pour objectif de développer une norme
spécifique aux activités d’assurance à la fois sur les aspects de comptabilisation et
d’information financière. Elle autorise les entreprises à poursuivre la
comptabilisation des contrats d’assurance selon leurs méthodes antérieures mais
fige certains principes et définitions. Ainsi, certaines provisions ne seront plus
admises par ce référentiel : provisions d’égalisation.
• Cessions d’actifs non courants et abandons d’activités (IFRS 5) : cette norme, en
ligne avec les règles américaines, remplace et complète l‘lAS 35.
• Information sur la performance financière. Il vise à définir des règles en matière
d’information sur la performance financière et devrait préciser les informations à
fournir au titre des variations d’actifs et de passifs avec leur incidence sur les
différents états financiers.
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Les acteurs européens doivent prendre toute la mesure de la nouvelle organisation
du normalisateur et participer activement et conjointement au processus d’élaboration
des normes et interprétations au travers des différents comités mais également en se
structurant pour répondre aux appels à commentaires sur les projets publiés par ces
instances.
Compte tenu de l’échéance maintenant prochaine de l’obligation européenne, on
peut espérer que les futurs textes publiés par l’IASB ne seront pas d’application
obligatoire avant 2006.
II. Les entreprises concernées et les principales échéances
Les entreprises concernées :
Les entreprises directement concernées par l’application du référentiel IFRS, au plus
tard à compter de 2005, sont les entreprises cotées établies au sein de l’Union
Européenne.
Il faut ainsi entendre les entreprises cotées sur un marché réglementé européen ou
qui préparent leur admission à la cote d’un marché réglementé, et dont le siège est établi
dans un des Etats membres. A contrario, les entreprises hors de l’Union Européenne ne
seront pas tenues de s’y soumettre. La notion d’entreprise doit être retenue dans son
acception est plus large, elle comprend les sociétés commerciales, les établissements
financiers et les entreprises d’assurance.
En France, seront concernées par l’obligation du 1er janvier 2005, les sociétés cotées
sur le premier, le second et le nouveau marché. Aux termes des dispositions transitoires
prévues par le règlement européen et par dérogation à ce principe général, les Etats
membres peuvent accorder un délai de grâce de deux ans aux sociétés :
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• dont seuls des titres de dette font l’objet d’une cotation sur un marché
réglementé dans l’un des Etats membres ;
• dont les actions sont admises à la cote dans un état situé hors de l’Union
Européenne et qui, à cet effet, utilisent déjà des normes comptables
internationales reconnues depuis un exercice comptable antérieur à la publication
de ce règlement au journal Officiel de la Communauté Européenne.
La première dérogation concerne les sociétés qui n’émettent que des bons ou
obligations, la seconde n’est valable que pour les entreprises allemandes également
cotées aux Etats-Unis et qui publient leurs comptes primaires en US GAAP sur les deux
marchés.
Ces dérogations doivent néanmoins faire l’objet d’une transcription droit national
d’ici au 1er janvier 2005, faute de quoi le délai de grâce de deux ans ne pourrait être
utilisé.
Les principales échéances :
Selon le règlement européen, la date d’application prévue est au plus tard pour « les
comptes consolidés relatifs à l’exercice commençant le 1er janvier 2005 ou après cette
date » avec une possibilité d’application anticipée laissée à l’appréciation des Etats
membres, mais qui dans les faits ne sera pas utilisable pour des questions de retard pris
dans le calendrier d’approbation des dites normes.
Ainsi, EURONEXT qui s’était déterminé pour une application anticipée et
volontariste de ce référentiel dès le 1er janvier 2004 pour les sociétés choisissant
d’intégrer les indices qualité « Next Economy et Next Prime » a dû revoir son dispositif.
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Cependant, si l’échéance générale de 2005 est bien celle prévue par les textes, elle
devra s’appliquer dès 2004 (bilan d’ouverture au 1er janvier 2004 en cas d’exercice
coïncidant avec l’année civile) pour la présentation d’une information comparative
historique, obligatoire en IFRS et systématiquement prévue dans les documents de
référence.
On distingue ainsi l’exercice de première application des normes qui sera l’exercice
2004, de l’exercice de première publication qui est l’exercice 2005.
En principe, tous les états financiers publiés sur la période de première publication
seraient concernés par l’obligation. En conséquence, ce seront les comptes semestriels
ou les comptes trimestriels, pour les groupes qui ont fait le choix d’en établir et d’en
publier, qui seront affectés les premiers par le changement de normes.
III. Une communication Financière tournée vers les investisseurs
La comptabilité a pour mission de fournir une information financière fidèle, fiable et
transparente pour renseigner les utilisateurs. Ces principes fondamentaux sont plus que
jamais d’actualités, comme nous le rappellent certains scandales financiers.
Le passage aux normes internationales constitue un grand changement dans la mesure
ou il s’agit d’une conception réellement nouvelle de l’information financière. On passe
d’une comptabilité juridique et fiscale à un langage pour investisseurs.
La comptabilité française ne privilégie aucun lecteur particulier mais une multitude
d’utilisateurs. Elle met l’accent sur l’aspect fiscal des états financiers établis dans le but de
déterminer l’impôt à payer.
Selon la conception des IAS les états financiers sont destinés en priorité aux
investisseurs et aux créanciers de l’entreprise.
Les normes comptables comportent trois volets :
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• Les opérations comptabilisées et que l’on reconnaît dans le bilan et le compte de
résultat,
• La manière dont on évalue ou mesure les actifs et passifs,
• Les informations complémentaires qui sont données pour expliquer les comptes.
Les normes IAS, dont toute application partielle est interdite, introduisent de nouveaux
concepts fondamentaux :
o L’information comptable doit être « intelligible », elle doit permettre de
se forger une opinion éclairée sur l’entreprise, ses activités et ses
comptes. Ainsi les états financiers doivent utiliser des termes ou des
ratios connus ou reconnus par tous. Rien ne doit brouiller le message
comptable.
o L’information doit être pertinente afin de permettre à l’utilisateur de
corriger ou confirmer ses prévisions et de prendre éventuellement toute
décision économique qui s’imposerait. Omettre d’indiquer qu’une
entreprise est sur le point de céder une activité ôte toute pertinence aux
états financiers.
o La notion d’importance relative (une information ne doit être divulguée
que si elle apporte des éléments utiles à la prise de décision).
o L’information comptable doit être fiable et permettre d’être utilisée sans
risque d’erreur.
En résumé, l’information est plus économique, orientée vers la mesure de la
performance et elle vise à améliorer la fiabilité des prévisions.
Chapitre 2 Les principes fondamentaux des normes comptables internationales
IFRS/IAS
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L’IASB a élaboré un document intitulé « Framework » qui sert de cadre conceptuel à
l’élaboration des normes comptables internationales. Il constitue un véritable fil
conducteur en statuant dès l’origine sur les objectifs assignés aux états financiers, les
principes fondamentaux communs à l’ensemble du référentiel et en proposant des
définitions de portée générale.
A cet égard sont définies les notions suivantes : Actif / Passif / capitaux propres /
performance financière / revenus et charges. Y sont également développées les
conditions de leur comptabilisation et les principales conventions d’évaluation retenues
par le référentiel IFRS.
Ce cadre conceptuel, complété en ce sens par la norme lAS 1 relative à la
présentation des états financiers, fige les grands principes de présentation ou
d’élaboration des comptes. Ces principes sont les suivants :
Conventions de base :
• Comptabilité d’engagement
• Continuité d’exploitation
Caractéristiques des états financiers :
• Intelligibilité
• Pertinence (importance relative)
• Fiabilité (image fidèle, prééminence de la substance sur l’apparence,
neutralité, prudence, exhaustivité, non compensation)
• Comparabilité (permanence des méthodes).
Introduisant les critères de pertinence et de neutralité dans ses fondamentaux, le
référentiel IFRS se tourne en priorité vers les destinataires de l’information financière
pour répondre à leurs attentes.
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L’adoption d’un référentiel comptable unique va favoriser l’homogénéité des
informations financières produites. Il permettra ainsi, en limitant les options offertes, de
comparer plus objectivement les données financières de plusieurs entreprises
européennes.
Selon ce principe, les traitements comptables doivent refléter la substance des
opérations, c’est à dire traduire le plus fidèlement possible les opérations en tirant toutes
les conséquences des droits et obligations issus des accords ou des contrats, sans
s’attacher à la forme juridique apparente. De même, les liens entre différentes
transactions apparemment dissociées doivent être analysés dans leur ensemble et au
niveau consolidé.
Résolument tourné vers les investisseurs, ce corps de normes privilégie également
des évaluations en juste valeur permettant de mieux appréhender le patrimoine du
groupe à la date d’arrêté des comptes. L’exercice reste cependant aujourd’hui très partiel
dans la mesure où ces évaluations en juste valeur ne s’appliquent pas à tous les actifs ou
passifs de l’entreprise et restent, dans certains cas, optionnelles.
Le principe de juste valeur peut être source de volatilité et d’accentuation des effets
des variations des marchés. Mais existe-t-il un meilleur moyen de mesurer les actifs et les
passifs d’une entreprise en toute transparence et avec objectivité? Le débat est complexe
et sans doute loin d’être clos.
La comptabilité en coût historique a également montré ses limites totalement non
pertinente pour refléter la valeur d’un actif après son enregistrement initial, elle peut
permettre également de retarder, lisser, voire dissimuler les mauvaises nouvelles, qui
parfois peuvent être à l’origine d’actions correctrices salutaires.
21/56
L’actualisation est également une technique à laquelle le référentiel IFRS recourt de
façon constante, sauf en matière d’impôts différés. Celle-ci consiste simplement à
reconnaître dès l’origine les effets de la valeur temps sur l’évaluation des actifs et des
passifs d’une entité.
La primauté du bilan sur le compte de résultat constitue également un changement
majeur. En effet, le cadre conceptuel des IFRS définit les actifs et les passifs d’une entité.
Ainsi, les résultats traduisent les accroissements ou réductions de valeurs de ceux-ci, sans
en restituer d’ailleurs l’intégralité car de plus en plus de variations d’actifs ou de passifs
sont constatées directement dans les capitaux propres, réévaluation d’immobilisations,
variation de valeur de certains instruments financiers, écarts de conversion.
En matière de résultats et avec toujours le même souci d’information des
investisseurs et des marchés financiers, le référentiel IFRS oriente leur analyse en
fonction des performances financières des différentes activités exercées par le groupe.
Ainsi, les exigences en matière d’information dite « sectorielle » ou « segmentée », qui
consistent à désagréger les résultats ainsi qu’une partie du bilan en autant d’activités que
nécessaire.
Chapitre 3 Les aspects institutionnels du référentiel IFRS
Une fois que l’Union Européenne a, dans l’objectif de parvenir à un marché des
services financiers pleinement intégré dès 2005, opté pour le référentiel IFRS, il n’était
pas envisageable qu’elle laisse, à un organisme totalement indépendant, le pouvoir de
définir les obligations financières applicables au sein de l’Union.
Ainsi, les normes applicables devront être intégrées au cadre législatif existant de
l’Union Européenne en terme d’information financière.
22/56
Pour ce faire, un mécanisme d’approbation communautaire à deux niveaux a été mis
en place, dont la fonction est de superviser l’adoption de nouvelles normes et
interprétations (conformité avec les directives).
Le premier niveau est politique et réglementaire. Présidé par la Commission, le
Comité de Réglementation Comptable européen (Accounting Regulation Committee)
associe des représentants de tous les Etats membres et rend des avis sur l’adoption des
normes par l’Union et leur date d’entrée en vigueur.
Il s’est prononcé le 19 juillet 2003 en faveur de toutes les normes et interprétations
lAS existantes au 14 septembre 2002, à l’exception des normes lAS 32 et 39. Ce qui a
conduit à un nouveau règlement européen du 29 septembre 2003 rendant les dites
normes applicables au sein de l’Union. Début 2004, il a également adopté la norme de
première application IFRS 1, ce qui a fait l’objet d’un nouveau règlement européen en
date du 6 avril 2004.
Ce comité doit également statuer sur toutes les dernières normes, révisions récentes
et interprétations publiées par l’IASB d’ici au 1er janvier 2005, faute de quoi l’Europe
adopterait un référentiel périmé, non conforme au principe fixé par la norme lAS 1.
Le deuxième niveau est constitué d’un comité technique comptable, qui doit fournir
à l’Union Européenne l’assistance et les compétences requises pour évaluer les normes. Il
est chargé de contribuer au nom de l’Europe à tous les stades du processus d’élaboration
des normes IFRS. Celui-ci est constitué d’un groupe d’experts hautement qualifiés issus
de la profession comptable, des organismes de normalisation comptable, des utilisateurs
ou préparateurs de comptes ainsi que des organismes de surveillance et de régulation des
marchés.
Ce comité intitulé EFRAG (European Financial Reporting Advisory Croup) est
d’ores et déjà constitué lui-même sous forme de deux structures, l’une politique, l’autre
technique.
23/56
Le Conseil de Surveillance (Supervisory Board) est actuellement composé de 23
membres, choisis pour leur compétence ou désignés comme représentants des différents
acteurs de l’information financière. Quatre français sont membres de ce conseil. La
Commission Européenne y siège également à titre d’observateur.
Son rôle est de définir le programme de travail du Comité technique et de s’assurer
que ses travaux sont conformes à l’intérêt européen.
Les principales fonctions de ce comité :
o Coordonner les organismes de normalisation, les professions comptables,
les utilisateurs et les préparateurs d’états financiers pour contribuer au
processus d’élaboration des normes IFRS en émettant des commentaires
sur les normes et interprétations en préparation ou en publiant des
positions techniques qui seront portées à l’attention de l’IASB ;
o Assister la Commission Européenne dans son processus de mise en
conformité des directives avec le référentiel IFRS en élaborant des
propositions ;
o Emettre des avis techniques sur les normes et les interprétations publiées
pour les adopter ou les rejeter dans le cadre de l’Union Européenne ;
o Identifier les insuffisances du référentiel IFRS et les faire inscrire au
programme de l’IASB ou élaborer des instructions spécifiques à l’usage
des sociétés cotées européennes en concertation avec les autorités de
régulation de la Communauté Européenne.
La composition des deux comités de I’EFRAG est en cours d’évolution, de façon à
renforcer l’efficacité de l’action européenne dans ses interventions auprès de I’IASB.
24/56
La crise récente rencontrée à l’occasion de la question de l’adoption des normes lAS
32 et 39, portant sur les instruments financiers, a montré les difficultés de l’Union
Européenne à faire valoir efficacement son point de vue dans le système de normalisation
comptable complexe dans lequel elle s’est engagée.
En effet, en adoptant un référentiel international indépendant, l’Union Européenne
ne dispose pas de la maîtrise de l’intégralité de son contenu et de ses évolutions.
Dans ce contexte, pour éviter d’enfermer l’Union Européenne dans des situations et
des choix politiques difficiles, les actions de lobbying réalisées en amont des décisions et
destinées à influencer l’IASB dans le processus d’évolution de son référentiel doivent être
largement développées et privilégiées.
Sous ce dernier aspect, soulignons les efforts entrepris par les groupes européens,
relayés par la Commission pour obtenir une révision du fonctionnement et de la
composition des instances de l’IASC. Ces démarches ont abouti à un appel à
commentaires de I’IASB de novembre 2003 portant sur sa constitution.
25/56
SECTION 2 – L’impact des normes IFRS dans le traitement comptable des regroupements d’entreprises
Après une euphorie des opérations de rapprochement d’entreprises sous forme de
fusion acquisition à la fin des années 90, ce phénomène de concentration d’entreprises est
loin d’être terminé aujourd’hui à l’aube du 21ème siècle. Souvent on a préféré privilégier la
croissance externe au détriment de la croissance interne organique, car la première est plus
rapide dans sa mise en place et peut-être nécessite moins d’énergie de la part des dirigeants.
En outre, personne n’ignore que la croissance externe nécessite l’apport de moyens
financiers importants. Ces appels de capitaux sont souvent justifiés par le fait que ce
rapprochement va générer des économies d’échelles en mettant en place des synergies dans
des délais raisonnables. Au regard des opérations d’acquisition dont certaines ont été
réalisées à des prix élevés durant la période ante bulle boursière i.e. de 1998 à 2001, nous
remarquons que la plupart de ces acquisitions ont remis en cause la stratégie des entreprises,
et particulièrement leur situation financière après le retournement de la conjoncture. D’où
l’importance donnée au traitement comptable de ces acquisitions qui peuvent faire varier les
résultats des entreprises nouvellement consolidées. Dans cette orientation, les textes
américains (SFAS 141 et 142), la nouvelle norme IFRS 3 sur les regroupements d’entreprises
combinée aux normes IAS 36 (dépréciation des actifs) et IAS 38 (actifs incorporels)
nouvellement révisées, introduit des modifications substantielles dans les règles de
comptabilisation des regroupements d’entreprises et du traitement du goodwill. Les
principaux bouleversements apportés par celle-ci concernent l’abandon de :
- la méthode mise en commun d’intérêts (en anglais : pooling of interests) au profit de la
seule méthode d’acquisition (en anglais : purchase accounting method).
- l’amortissement systématique de l’écart d’acquisition et des actifs incorporels ayant
une durée de vie indéfinie, celui-ci étant remplacé par un test de dépréciation au
minimum annuel.
Bien que la méthode « pooling » est amenée à disparaître aussi dans le référentiel
français dont les autorités régulatrices ont manifesté leur détermination à se rapprocher des
normes IFRS, nous détaillerons dans le chapitre suivant les avantages et les inconvénients
des deux méthodes de comptabilisation à savoir la méthode dite de l’acquisition et la
méthode du mise en commun d’intérêts.
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Chapitre 1 : Comptabilisation de regroupement d’entreprises
I. LA METHODE DITE DE MISE EN COMMUN D’INTERET (POOLING OF INTEREST)
I.a. DEFINITION :
Lors d’un rapprochement d’entreprises, la méthode de mise en commun d’intérêt
permet à l’entreprise acquéreuse, de reprendre les éléments d’actifs et passifs de
l’entreprise cible à leur valeur comptable et ce, sans avoir à constater de survaleur
« goodwill » et les charges d’amortissement correspondantes. Par opposition à la méthode
de l’acquisition, qui est pour le moment la seule méthode retenue dans le nouveau
référentiel IFRS à l’instar du FASB, le pooling permet de minimiser l’impact comptable
d’une opération d’acquisition ou de fusion sur les résultats nets consolidés du nouvel
ensemble. La suppression définitive par le FASB au début de l’année 2001 de cette
méthode dérogatoire avait pour objectif d’harmoniser les règles comptables applicables
aux Etats-Unis et peut-être aussi de se rapprocher des normes internationales IAS.
I.b. Exemple de comptabilisation :
L’exemple suivant est extrait d’un des cours de consolidation des comptes de
Madame Sophie de Oliveira Leite qui nous a été dispensé au CNAM.
La société M prend le contrôle de 100% de F par voie d’échange de titres. Les anciens actionnaires de F apportent la totalité de leurs titres F à M qui procède à une émission de titres à leur intention.
BILAN M (en K€) BILAN F (en K€)
ACTIF PASSIF ACTIF PASSIF
Immobilisations 100 Capital1 100 Immobilisations 400 Capital 50
Réserves 50 Réserves 130
Actif circulant 100 Résultat
Trésorerie 400 Dettes 450 Actif circulant 300 Dettes2 520
Total actif 600 Total Passif 600 Total actif 700 Total passif 700
1 dont 100 actions de 1 dont la juste valeur est estimée à 2,5
M évalue la valeur économique de F à 400 compte tenu :
- d’une plus-value de 50 sur un terrain détenu par F
- d’une marque chez F estimée à 100
- et d’une prime de contrôle de 70
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Pour rémunérer les actionnaires de F, M émet 400 / 2,5 = 160 actions
Titres F = 180 Augmentation de Capital = 160 Prime d’émission = 20
B ILAN de M (en K €) après augm entation de capita l
AC TIF P AS SIF
Im m obilisations 100 C apita l1 260
T itres F 180 P rim e d 'ém ission 20
Actif c irculant 100 R éserves 50
Trésorerie 400 D ettes 450
To ta l actif 780 Tota l P assif 780
ACTIF PASSIF
Immobilisations 500 Capital 260
Prime d'émission 20
Actif circulant 400 Réserves 50
Trésorerie 400 Dettes 970
Total Actif 1 300 Total Passif 1 300
Bilan M et F Consolidé (en K€)
I.c. L’exception française : « pooling à la française »
Le « pooling à la française » qui sera beaucoup pleuré, vit ses derniers jours. Cette
méthode de comptabilisation des regroupements d’entreprises pratiquée par les
entreprises en outre atlantique jusqu’au début de l’année 2001, est toujours pratiquée
dans la réglementation française après quelques dérogations. En effet, le règlement 99-02
(§ 215) a introduit, en contrepartie de la suppression de la possibilité d’imputer des écarts
d’acquisition sur les capitaux propres, une méthode dérogatoire à ce principe de la juste
valeur. Elle a été utilisée sous diverses formes juridiques par de nombreux groupes : notamment par
28/56
BNP pour acheter PARIBAS, par AXA pour s’offrir l’UAP, par Total pour reprendre Petrofina
comme Elf, ou encore dans la plus des grandes opérations du secteur pharmaceutique2.
Objectif simple : aider les groupes français dans leur croissance externe.
L’objectif principal de la méthode dérogatoire est de permettre aux groupes français de poursuivre leur croissance externe en vue d’atteindre une taille internationale sans que leurs résultats futurs ne soient affectés de manière significative par la charge d’amortissement des écarts d’acquisition et des écarts d’évaluation3.
I.d. Les avantages de cette méthode dérogatoire :
• de maintenir les actifs et passifs acquis à leur valeur comptable à la date de
l’opération, après retraitement aux normes comptables du groupe. Cette
mesure permet ainsi de rapprocher deux entreprises en très peu de temps,
puisqu’il n’y a pas de mise en œuvre d’un processus complexe d’identification
et d'évaluation des actifs et passifs de l’entreprise acquise.
• L'écart résultant de l'application de cette méthode dérogatoire est ajouté ou
retranché des capitaux propres consolidés, ainsi aucun goodwill n'est
comptabilisé lors du regroupement.
• L’imputation est définitive : les plus-values à venir ne seront pas minorées
sauf éléments hors exploitation pendant deux ans
I.e. Les inconvénients de cette méthode :
• Obligation pour la société acquéreuse de racheter en une seule opération les
90% du capital de la cible,
• Le paiement est effectué par l’émission d’actions ou de parts d’une entreprise
comprise dans la consolidation
• Paiement en liquide plafonné à la limite des 10% du montant de l’émission. 2 Les Echos n° 19158 du 13 mai 2004. page 120.
3 Source Ed. Francis Lefebvre, chapitre Prise contrôle par émission de titres, no 5242, 2001.
29/56
• Les frais d’acquisitions sont enregistrés en résultat.
II. La méthode dite « acquisition » (Purchase Accounting method)
II.a. Définition :
Par opposition à la méthode pooling décrit ci-dessus, la méthode du « purchase
accounting » consiste à entrer dans le bilan de l’acquéreur les actifs et les passifs exigible
de la société acquise, non sur la base de leurs montants comptables, mais comptabilisés
et évalués à leur juste valeur (Fair value) à la date du regroupement (valeur de marché
dans la plupart des cas). Le solde éventuel acquitté par la société acquéreuse au profit des
anciens propriétaires de la société cible acquise lors de l’opération d’acquisition, est
appelé écart d’acquisition actif dans les comptes consolidés ou fond de commerce dans
les comptes sociaux (Goodwill). En effet, il est très rare qu’une société fasse l’acquisition
d’une autre société en payant cette dernière pour le montant exact de la quote-part de ses
capitaux propres lui revenant. Ainsi ce solde correspond à la différence entre le prix payé
pour le contrôle d’une entité et la juste valeur des actifs et passifs acquis. Dans le
chapitre suivant nous développerons en détail cette notion de « survaleur » ou plus
communément appelé en franglais « Goodwill » comme prime payé aux anciens
propriétaires de l’entité cible pour son acquisition. En normes IAS/IFRS, toutes les
opérations devront donc être comptabilisées selon cette méthode retenue mondialement.
En outre, cette méthode impose les mêmes modes de comptabilisation et d'évaluation
pour tous les actifs et les passifs acquis, quelle que soit la nature de la rémunération
versée en contrepartie du regroupement (trésorerie, autres actifs ou titres de capitaux
propres de l'acquéreur remis aux anciens propriétaires de l'entité acquise) et quelle que
soit la forme juridique dans laquelle l’opération est menée (fusion, achat, apport partiel
d’actifs,…).
II.b. Exemple de comptabilisation :
Le même exemple cité dans la méthode pooling est repris dans la méthode acquisition.
La société M prend le contrôle de 100% de F par voie d’échange de titres. Les anciens actionnaires de F apportent la totalité de leurs titres F à M qui procède à une émission de titres à leur intention.
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BILAN M (en K€) BILAN F (en K€)ACTIF PASSIF ACTIF PASSIF
Immobilisations 100 Capital1 100 Immobilisations 400 Capital 50
Réserves 50 Réserves 130
Actif circulant 100 Résultat
Trésorerie 400 Dettes 450 Actif circulant 300 Dettes2 520
Total actif 600 Total Passif 600 Total actif 700 Total passif 7001 dont 100 actions de 1 dont la juste valeur est estimée à 2,5
M évalue la valeur économique de F à 400 compte tenu :
- d’une plus-value de 50 sur un terrain détenu par F
- d’une marque chez F estimée à 100
- et d’une prime de contrôle de 70
Pour rémunérer les actionnaires de F, M émet 400 / 2,5 = 160 actions
Titres F = 400 Augmentation de Capital = 160 Prime d’émission = 240
BILAN de M (en K €) après augm entation de capita lAC TIF PASSIF
Im m obilisations 100 C apita l1 260 T itres F 400 P rim e d'ém ission 240 Actif c irculant 100 R éserves 50 Trésorerie 400 D ettes 450 Total actif 1 000 Total Passif 1 000
Tableau ( I ) de calcul de l’écart d’acquisition selon la méthode « acquisition »
31/56
Remarques sur le tableau (I) :
La société M acquiert le contrôle d'une société F qu'elle intègre dans son
périmètre de consolidation, un « écart de première consolidation », constitué par la
différence entre le prix d'achat et la quote-part des capitaux propres de F qui revient
à M, est dégagé. Cet écart doit être ensuite décomposé en « écarts d'évaluation »
afférents à la revalorisation un par un des actifs et passifs identifiables du bilan de F
(pour les amener de leurs valeurs comptables à leurs valeurs recouvrables à la date
d'acquisition de F) et en un solde résiduel appelé « écart d'acquisition » ou survaleur.
En schématisant, la survaleur est donc la différence entre le prix payé et la valeur
comptable de ce qu'on acquiert, compte tenu des revalorisations de certains éléments
identifiables du bilan. Comment interpréter économiquement cette différence ? C'est
ce que nous développerons plus loin dans un chapitre spécifique. D'autre part, on
peut noter que quelle que soit la méthode utilisée du regroupement, la valeur du
capital dans le bilan consolidé reste idem.
II.c. Les conséquences de la pratique actuelle de cette méthode :
Depuis l’entrée en vigueur de la « purchase accounting » comme la seule
méthode de comptabilisation des rapprochements d’entreprises aux Etats-Unis et à
partir de 1er janvier 2005 au sein de l’Union Européenne, des pratiques nouvelles de
publication de résultat d’entreprises, neutralisé des effets de la purchase accounting
sont apparues. En effet, certains groupes américains, à l’instar de Pfizer qui a acquis
son rival Pharmacia en 2003, font apparaître dans leurs publications trimestrielles
auditées en sus de leur compte de résultat consolidé, un tableau de passage du
résultat « adjusted » au résultat établit selon les normes applicables. Le résultat
« adjusted » est neutralisé de tous les effets de la méthode acquisition qui sont
d’ailleurs dû au principe de la juste valeur lors de la valorisation des actifs et passifs
exigibles de la société acquise. En d’autre terme, la technique de calcul de ce nouveau
résultat consiste en quelque sorte à affecter la totalité du montant de l’écart de
première consolidation au poste « Goodwill » sans calculer l’écart d’évaluation.
32/56
II.d. Un exemple du groupe Pfizer illustrant cette pratique comptable :
Le coût de la transaction est évalué à 56 Md$ par Pfizer pour un montant de
capitaux propres de Pharmacia s’élevant à 7 Md$. Ainsi l’écart de première
consolidation ressort à 49 Md$ sur lequel l’écart d’acquisition (goodwill) a été
comptabilisé pour 21 Md$. Le solde a été affecté entre les actifs incorporels dont
recherche & développement pour un montant 5,1 Md$ et à une réévaluation des
stocks à leur valeur de vente pour 1,6 Md$.
De ce fait, les incidences des retraitements de la méthode « purchase
accounting » sur le compte de résultat consolidé sont :
• Les frais de recherche & développement sont intégralement passés en charge
de l’exercice 2003 en vertu du référentiel USGAAP d’où un impact négatif
du résultat consolidé de 5.1 Md$.
• Dans le processus normal de l’exploitation, l’écoulement des stocks réévalués
conformément à la valeur de marché i.e. au prix de vente, ne vont générer
aucune marge à l’acquéreur jusqu’à leur épuisement.
• Les amortissements de certains actifs incorporels identifiés acquis (25 Md$
affectés au poste brevet) amortis sur des durées de 3 à 10 ans, vont générer
des charges supplémentaires non négligeables chaque année dans le compte
de résultat.
En conséquence de quoi les dirigeants du groupe Pfizer ont décidé de publier
avec le compte de résultat consolidé établit conformément aux normes USGAAP,
un tableau de réconciliation du résultat ajusté (adjusted income) au résultat consolidé
selon les normes du groupe. Ce tableau est d’ailleurs attesté par les commissaires aux
comptes (Certified Professional Accountant).
Voici ci-dessous le tableau (A) de réconciliation publié sur leur site internet dont l’adresse est :
http://www.pfizer.com/download/news/2003Q3_earnfin2.pdf
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Voici un autre exemple du tableau de passage(B) publié par le groupe Pfizer sur leur site Internet
dont l’adresse est la suivante :
http://www.pfizer.com/are/investors_releases/mn_2003_0903.cfm
Tableau (B) de passage du résultat réajusté au résultat établit selon les normes
USGAAP.
APPENDIX I
Reconciliation of Adjusted Earnings to GAAP Earnings ($ Billions, Except EPS)
Estimated 2003
Estimated 2004
Income/(Expense) Net Income
Diluted EPS
Net Income
Diluted EPS
Adjusted Earnings* 12.6 $1.73 $16.4 $2.13 In-Process R&D (5.1) (.70) -- -- Work down of Inventory Write-up, After Tax
(2.1) (.29) -- --
Incremental Purchase Accounting-related Intangible Amortization/ Fixed Asset Depreciation, After Tax
(1.5) (.20) (2.1) (.27)
Merger-Related Costs, After Tax
(0.8) (.11) (0.7) (.09)
Significant Items, After Tax±
2.0 .27 -- --
GAAP Earnings $5.1 $.70 $13.6 $1.77 * Adjusted Earnings = GAAP Net Income Excluding Cumulative Effect of a Change in Accounting Principle, Certain Significant Items, Merger-Related Costs, and Purchase Accounting-Related Impacts ± Significant Items Consist of Gains on Sales of Discontinued Businesses/Products, Gains on Sales of Product Lines, and Co-Promotion Charges and Intellectual Property Rights Payments
Le résultat net consolidé des neuf premiers mois mentionné dans le premier
tableau est de 3,3 Md$ en baisse de 47% comparé à la même période de 2002
(6.2Md$). Après ajustement le résultat net ressort à 8.8 Md$ en augmentation de
26% sachant que l’impact seul de la « purchase accounting » est de 7,1 Md$4. En
effet, ces différences proviennent majoritairement des ajustements suivants :
• l’extourne de l’intégralité de l’amortissement des frais R&D acquis (5,1 Md$),
mentionné dans le tableau (B) à la rubrique « In process R&D »
• l’extourne de la réévaluation des stocks de Pharmacia net d’impôt. 4 Pour se repérer veuillez voir au niveau des flèches mentionnées sur le tableau.
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• l’extourne du surplus d’amortissements des actifs corporels et incorporels de
Pharmacia réévalué lors de l’acquisition pour un montant de 1,5 Md$.
Par la communication de ces publications, les dirigeants du groupe Pfizer
démontrent que la performance de leur groupe en terme de résultat est bien
meilleure que ne laisse présager le compte de résultat établit en normes USGAAP du
groupe. De plus, ces pratiques sont approuvées par la plupart des analystes qui
surveillent les comptes de Pfizer en suivant non pas les données comptables mais les
données ajustées. Dans ce cas, quelle pertinence économique est à accorder au
compte de résultat (P&L) consolidé établi dans les normes lors de la première année
après l’acquisition ?
II.e. Un état de performance au détriment du compte de résultat actuel ?
Peut-être que l’introduction d’un nouvel « état de performance » encore dans
une phase embryonnaire chez le normalisateur, en remplacement du compte de
résultat, répondrait à la question précédemment posée. Jusqu'alors la prépondérance
revenait au compte de résultat, mais les référentiels IAS/IFRS et USGAAP donnent
la primauté du bilan sur le compte de résultat. A présent dans l'optique
"Investisseur", le bilan devient un élément essentiel avec le développement des
marchés financiers. En effet, si le compte de résultat représente l'exploitation, le
bilan lui, représente le potentiel de l'entreprise. L’objectif est de mesurer la
performance en tant que variation entre deux bilans.
Ce nouvel état, qui n’est pas encore défini de façon précise et qui suscite encore
des débats, se présenterait sous la forme d’un tableau avec trois colonnes au lieu
d’une. La troisième colonne reporterait les variations de valeur des actifs et passifs
financiers du bilan d’un exercice à l’autre. Ces variations découlant souvent du
respect du principe de juste valeur, sont affectées aux capitaux propres bien que, à
proprement parler ce ne sont pas des résultats. Voici à titre d’exemple, ces éléments
de variation de valeurs des postes du bilan, cependant très hétérogènes par leur
nature :
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• des dotations aux provisions et aux amortissements correspondant à une usure
ou à une obsolescence subie,
• des plus ou moins values résultant de cessions d’actifs,
• des variations de valeur des actifs incorporels à durée de vie indéfinie, par
exemple la valeur du goodwill dépréciée suite à un de test dépréciation,
• et l’impact des fluctuations des cours cotés d’actifs ou de passifs.
Voici à titre d’exemple le projet de document « Performance Statement » qui pourrait
avoir vocation à remplacer le compte de résultat si les actuelles réflexions de l’IASB
finissent par aboutir5 :
5 Le tableau « performance statement » a été extrait de la lettre Vernimmen n°26 du février 2004 du site internet www.vernimmen.com
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Performance Statement
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Chapitre 2 : Le concept d’écart d’acquisition (goodwill)
En France, le terme "écart d’acquisition" appelé aussi survaleur, est utilisé pour
les comptes consolidés, tandis que celui de "fonds commercial" est préféré pour les
comptes sociaux. Mais en théorie il s’agit du même concept. Dans les pays anglo-
saxons on le dénomme goodwill. Cependant, pour comprendre le concept d’écart
d’acquisition, il serait d’abord judicieux de rappeler les deux approches
fondamentales entre le référentiel comptable français des comptes individuels et les
normes comptables IAS/IFRS, en matière de l’évaluation de la valeur d’une
entreprise. Sachant que de ces deux approches ont un lien direct avec le concept du
goodwill. Enfin, dans la dernière partie de ce chapitre nous analyserons le traitement
comptable du goodwill.
I. Une comptabilité dite descriptive et cumulative tournée vers le passé :
Comme évoqué brièvement tout en début de cet exposé, une comptabilité
réglementé sous l’emprise de la fiscalité et inspiré d’une vision patrimoniale de
l’entreprise (biens, créances, dettes), s’est développé en Europe continentale, en
matière d’évaluation et de présentation des informations. En France appelée,
comptabilité générale, obligatoire pour les comptes individuels, elle est descriptive
des opérations de l’entreprise avec les tiers, et mesure l’accumulation des
investissements d’une entreprise depuis sa création ainsi que ses résultats réalisés au
moment de l’arrêté des comptes annuels. Elle ne prend pas en compte les résultats
ultérieurs i.e. au-delà de la période d’établissement du bilan en vertu du sacro-saint
principe de prudence. En effet, le principe de prudence est, qu’il soit tenu compte
systématiquement des diminutions de valeurs probables ou même éventuelles,
susceptibles d’amputer le patrimoine et le résultat de l’entreprise, tandis que les
augmentations de valeur ne sont enregistrées que lorsqu’elles sont réalisées. En
outre, cette approche de la comptabilité qui est essentiellement tournée vers le passé
sous l’influence du principe du nominalisme, – qui est d’ailleurs assez strictement
appliqué dans les comptes sociaux – ne répond pas aux exigences de gestion
prévisionnelle des résultats futurs. En effet, ce principe du nominalisme stipule que
les actifs et les dettes acquis par l’entreprise soient inscrits à son bilan pour leurs
39/56
coûts d’acquisition appelé valeur historique et qu’ils soient maintenus à ce prix au
cours du temps, sauf amortis ou provisionnés.
II. Une comptabilité "intégrée" en juste valeur « full fair value » :
Au sein des normes comptables IAS/IFRS le principe du nominalisme et le
principe de prudence chers aux principes fondamentaux de la comptabilité française,
sont remis en cause sous l’emprise du développement des marchés financiers, où les
actionnaires-investisseurs exigent une estimation de la valeur des actifs et passifs
d’une entreprise non au coût historique mais à leur juste valeur qui est le plus
souvent la valeur du marché. Résolument tourné vers les investisseurs, les normes
comptables IAS/IFRS, avec le concept de « fair value », placent l’évaluation au cœur
du processus d’élaboration des comptes, ce qui en fait un enjeu majeur de contrôle
interne et de communication financière. Ainsi, les actifs et passifs évalués à leur juste
valeur, permet de mieux appréhender le patrimoine du groupe à la date d’arrêté des
comptes.
L’actualisation est également une technique à laquelle le référentiel IFRS recourt
de façon constante, sauf en matière d’impôts différés. Celle-ci consiste simplement à
reconnaître dès l’origine les effets de la valeur temps sur l’évaluation des actifs et des
passifs d’une entité.
Par conséquent, cette vision de la comptabilité « intégrée » dans une optique de
« full fair value » que je dénommerai « Comprehensive Accounting » en anglais
donne une évaluation de la valeur de revente (en bloc) d’une entreprise à un
moment donné. En principe, cette valeur de revente qui peut être la capitalisation
boursière dans le cas d’une entreprise côté au sein d’un marché efficient, inclus non
seulement les résultats cumulés mis en réserves au moment donné, mais aussi le
potentiel des résultats futurs au cours de la totalité de la vie d’une entreprise.
III. La nature de l’écart d’acquisition :
Après l’analyse ci-dessus de la comptabilité générale française des comptes
sociaux que j’ai qualifiée de « comptabilité descriptive et cumulative » par rapport à la
comptabilité émanant du référentiel anglo-saxon que j’ai appelée « comptabilité
40/56
intégrée en juste valeur », leur étude comparative nous révèle qu’elles divergent sur le
point de l’évaluation de la valeur d’une entreprise. La première est née d’une conception
patrimoniale et sociale de l’entreprise alors que la seconde s’est forgée dans une approche économique
selon la quelle l’objectif essentiel de l’entreprise est d’engendrer des profits6. En effet, en théorie,
la différence observée à un moment donné, découlant de ces deux types de visions
hétérogènes de l’évaluation de l’entreprise, est appelée « écart d’acquisition » ou
goodwill en franglais. Autrement dit, en schématisant, l’écart d’acquisition est le
résultat découlant d’une différence de conception de la prise en compte des résultats
inhérents aux deux comptabilités concernées. Sachant qu’il n’y a évidemment pas
d’écart d’acquisition au début (avant tout investissement) et à la fin de la vie d’une
entreprise.
Ecart d’acquisition =
+Valeur « intégrée » des capitaux propres
– Valeur « comptable » des capitaux propres
Cependant, dans la pratique, lors de la comptabilisation d’une fusion-acquisition
par la méthode d’acquisition, la valeur du goodwill calculée est imprégnée par
d’autres facteurs stratégiques et économiques liées à cette opération d’acquisition.
Ces éléments qui affectent le calcul du goodwill sont :
• l’acquisition va générer des synergies, soit sous forme de réduction de coûts ou
d’augmentation de revenus que l’acquéreur est prêt à payer pour partie aux
vendeurs.
• l’acquisition en empêchant l’entrée d’un nouvel acteur sur le marché protège le
niveau actuel de rentabilité de l’acquéreur qui, sans cela, risquerait d’être mis à
mal.
Enfin, s'il existe toujours un solde à part les éléments mentionnés ci-dessus, c'est tout
simplement le fait que l’acquéreur a payé au-delà du raisonnable.
6 Réflexion extraite du « Cours d’évaluation de l’entreprise », finance B5 - CNAM, Denis DUBOIS 2003, page I
41/56
Ainsi, à partir de ces éléments on peut reformuler le calcul précédent :
Ecart d’acquisition =
+ Valeur « intégrée » des capitaux propres
– Valeur « comptable » des capitaux propres
+ Juste valeur des synergies résultant du rapprochement
+ Juste valeur des avantages découlant des parts de marchés acquis
En outre, il est intéressant de rappeler la définition du goodwill donnée dans le
manuel "Accounting The Basis for Business Decisions de Meigs & Meigs7" :
« Le goodwill représente la valeur actualisé des profits futures en excès de la rentabilité normale des actifs nets identifiables ».
L’auteur précise que les actifs nets identifiables qui sont égales au capitaux
propres, résultent de la différence de la valeur totale des actifs retranchée des dettes
(liabilities). En d’autres termes, le goodwill représente la valeur actualisé estimée
de l’espérance des revenues futurs en excès de la rentabilité normale des
actifs économiques du même secteur retranché de leur coût du capital.
Comme nous l'avons indiqué dans les chapitres précédents, la méthode
d'acquisition est la seule méthode autorisée pour comptabiliser les regroupements
d'entreprises. Même si elle fait déjà largement appel aux justes valeurs pour affecter
le coût de l'acquisition aux actifs et aux passifs acquis, cette méthode, telle qu'elle est
appliquée actuellement, s'inscrit toujours dans le modèle du coût historique. En effet,
l’application du principe de « full fair value » reste aujourd’hui très partiel au sein du
référentiel comptable IAS/IFRS dans la mesure où ces évaluations en juste valeur ne
s’appliquent pas à tous les actifs ou passifs de l’entreprise et restent, dans certains
cas, optionnelles. L’IASB semble, au moins pour l’instant, avoir renoncé à l’objectif
de généraliser « full fair value » qui était à l’ordre du jour encore il y a quelque temps.
Cependant ,dans ce sens, le FASB américain et l'IASB avaient entrepris un projet
commun sur le thème des regroupements d’entreprises dont le principal objectif est
7 Accounting The Basis for Business Decisions de Meigs & Meigs, ninth edition Mac Graw Hill, page 474.
42/56
de faire converger les règles IFRS avec les normes américaines FAS 141 et 142. Cela
a conduit à la publication de la norme IFRS 3 qui annule les précédentes dispositions
de l’IAS 22 ainsi qu'à des révisions parallèles des normes IAS 38 "immobilisations
incorporelles" et IAS 36. La révision de cette dernière, qui concerne la dépréciation
d’actifs et l’évaluation des pertes de valeur du goodwill dans le cas de regroupements
d’entreprises, précise particulièrement les cas pour lesquels la réalisation de tests de
dépréciation est obligatoire. D'autre part, la norme IFRS 3 stipule très précisément
dans les regroupements d'entreprises, la définition et la façon de comptabiliser des
éléments incorporels de manière distincte du goodwill. Contrairement aux normes
françaises, les parts de marché et les fonds de commerce "génériques" seront
dorénavant reclassés en goodwill en normes IAS/IFRS. En outre, l'impact de ces
nouvelles normes a pour conséquence de rétablir une définition plus saine et précise
du goodwill en le limitant aux seuls synergies et autres avantages attendus du
regroupement. Pour ce faire, les normalisateurs ont décidé de "purifier" le goodwill
de ses autres composants. Ils ont en particulier décidé qu'il fallait comptabiliser
séparément les actifs et passifs éventuels à leur juste valeur comme les autres actifs et
passifs, alors que jusqu'à maintenant ceux-ci étaient en fait laissés dans le goodwill.
IV. Quel traitement comptable de l’écart d’acquisition ?
Une des grandes questions qui agite le monde de la comptabilité depuis plus de cent
ans est de savoir si le l’écart d’acquisition acquis qui apparaît à l’actif du bilan doit être ou
non amorti. Bien que le normalisateur européen IASB ait tranché sur la question en
interdisant son amortissement systématique à l'instar du FASB américain, en le
remplaçant par un test de dépréciation (Impairment test), nous allons lui consacrer cette
partie en analysant les différentes possibilités proposées généralement dans la théorie et la
pratique.
IV.a. Le maintien pur et simple de l’écart d’acquisition à l’actif :
L'exemple du regroupement par la méthode de l'acquisition est repris intégralement.
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HYPTHESES :
Supposons que l'écart d'acquisition de 70KE porté au bilan consolidé en début de la
période "1", représente les avantages en juste valeur des synergies découlant de
l'acquisition des périodes 1 et 2.
A la fin de la période 1 , le groupe a dégagé un résultat de 100 K€
A la fin de la période 2 , le groupe a dégagé un résultat de 60 K€
BILAN de M et F Consolidé (en K€) début période 1ACTIF PASSIF
Ecart d 'acquisition 70 Capital 260 M arque 100 Prim e d 'ém ission 240 Im m obilisations 550 Réserves 50 Actif c irculant 400 Trésorerie 400 Dettes 970 Tota l actif 1 520 Total Passif 1 520
Conclusion de cette méthode :
Le maintien pur et simple du goodwill (70k€) sans amortissement et provisions au
bilan durant les deux périodes suivantes n'est pas "tenable", dans la mesure où, il ne va
plus générer des avantages économiques à la société après la fin de la période 2. D'autre
part, le maintien à l'actif du goodwill jusqu'à la fin de la période 2 fausserait la lecture du
bilan. En effet, la masse d'actif réel serait surévalué de 70K€ par un actif fictif qui
fausserait d'autant le calcul de la situation nette et du résultat.
IV.b. l’imputation de l’écart d’acquisition sur les réserves antérieures :
C'est le cas de la méthode du pooling vu plus haut. Ainsi le même bilan consolidé par
cette méthode ne fait pas apparaître de goodwill :
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ACTIF PASSIFImmobilisations 500 Capital 260
Prime d'émission 20 Actif circulant 400 Réserves 50 Trésorerie 400 Dettes 970 Total Actif 1 300 Total Passif 1 300
Bilan M et F Consolidé (en K€)
Quelque soit la méthode de regroupement utilisé, les résultats dégagés sont les mêmes :
C'est à dire à la fin de la période 1 , le groupe a dégagé un résultat de 100 K€
Ainsi, par la méthode du pooling, on fait croire aux investisseurs que la rentabilité
financière du groupe M et F en fin de période 1 est de plus de 30% . (i.e. : Capitaux
propres = 260+20+50=330 ; donc 100/330 =30.30%. Alors qu'on sait qu'en réalité elle
est de 11.82% dont le calcul est :
Bénéfice avant amortissement du goodwill = 100 ;
Amortissement du goodwill de moitié (35) étant donné les avantages tirés de celui-ci
durent 2 ans. D'où le bénéfice réel est de (100 – 35) =65
La vrai valeur des capitaux propres se trouve dans le bilan établit selon la méthode
d'acquisition où on a : (260+240+50)=550
Ainsi, la rentabilité réelle est de : 65/550 = 11.82%
Conclusion de cette méthode :
Les normalisateurs ont eu bien raison de supprimer la méthode du pooling car :
• L'imputation sur les capitaux propres, en les diminuant, permet de doper le taux
de rentabilité financière mais peut aboutir à des situations nette négatives et à des
ratios d'endettement dégradés.
• Les entreprises ayant pratiqué cette méthode de comptabilisation des
rapprochement, ne donnent pas une vision transparente et/ou à la juste valeur de
leur bilan.
45/56
• Elle a aussi comme inconvénient de voiler le montant investi et de faire
apparaître toute mauvaise affaire rendant ainsi plus difficile l'appréciation de la
performance après l'acquisition.
IV.c. Test de dépréciation (Impairment Test) :
La forte concentration et restructuration des entreprises à la fin du XXème siècle, et
par la suite la chute de leurs cours de bourse observée durant et après la bulle boursière
de ces dernières années, ajoutées aux nouvelles exigences de la réglementation comptable,
donnent aux tests de dépréciation (impairment tests) une importance nouvelle. En effet, les
incidences les plus importantes sur les comptes ou plus précisément sur le compte de
résultat, découlent de l'évolution des textes américains (SFAS 141 et 142) et européens
(IFRS, notamment IAS 36). Ils imposent de remplacer l'amortissement du goodwill
jusqu'alors en vigueur, par un test de dépréciation annuel systématique. Effectivement,
l'étude réalisé par le Bureau d’analyse de CDC IXIS Securities8 sur les impacts des normes
IAS/IFRS sur les comptes des entreprises cotées, nous révèle une hausse sensible des
résultats nets publiés (+25%), essentiellement en raison de la disparition d’une partie du
goodwill à amortir. Toutefois, il faut souligner que la hausse du résultat net avant
goodwill serait plutôt de 5 à 6%, pour l’essentiel en raison de l’activation des dépenses de
développement. (voir les graphiques suivantes extraits du même étude).
Le graphique 1 nous révèle que l'impact le plus favorable sur le compte de résultat
est à l'origine de la baisse des charges de dotations aux amortissements de 55% notamment par la suppression de l'amortissement des survaleur.
8 Etude Sectorielle sur les normes IFRS/IAS par le Bureau d’analyse de CDC IXIS Securities, page 5
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Cependant, revenons à la poursuite de notre analyse sur les différentes méthodes du
traitement de la survaleur et leur impact comptable sur les comptes.
Supposons que dans le même exemple précédemment cité du bilan consolidé du
groupe M et F par la méthode de l'acquisition, les responsables du groupe décident de ne
pas réaliser de test de dépréciation et garde intact le goodwill (70K€) à la fin de la
première période. Ils raisonneraient ainsi, en partant du principe que le groupe génère des
bénéfices (100K€) et donc le goodwill ne doit pas faire l'objet de test de dépréciation.
Ainsi, le groupe affiche une rentabilité financière de : 100/550 = 18.18%. Alors qu'en
réalité elle n'est que de 11.82% après la dépréciation du goodwill de 50%. Sachant que le
goodwill apportera des avantages économiques pendant seulement 2 périodes dans notre
exemple (bénéfice réel=> 100 – 35 = 65 ; 65/550 = 11.82%)
Conclusion de cette méthode :
Pour notre exemple, cette solution est aussi intenable, car elle fait l'objet de
subjectivisme dans l'évaluation en juste valeur des actifs incorporels dont le goodwill. La
solution que nous préconisons dans cette méthode serait de déprécier le goodwill
au prorata des bénéfices réalisés.
Par conséquent, la pratique des tests de dépréciation est, d'une part, une source de
volatilité des résultats et, d'autre part, la réévaluation du goodwill demeure en partie
subjective, notamment en fonction des attentes du management des sociétés.
On observe ainsi que différentes entreprises adoptent vis-à-vis de goodwills similaires des approches totalement différentes : à titre d'illustration, en 2002, mm02 a déprécié sa licence 3G de 8,3 milliards de livres en raison d'une baisse des prix et d'un retard dans le déploiement du réseau, tandis que dans le même temps Vodaphone n'opérait aucune dépréciation sur sa licence UMTS9.
9 Impairment testing dans le secteur des telecoms, Earnst & Young , Par Alexis Karklins-Marchay, (01/04/2004)
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Cependant, les normes IFRS par l'intermédiaire de la nouvelle norme IAS 36 publié
en mars 2004 qui concerne toutes les immobilisations incorporelles y compris les
goodwills, précisent toutes les modalités de la mise en place des tests de dépréciations.
En outre, le référentiel IAS/IFRS précise que :
le goodwill (dont l'amortissement systématique a été supprimé par la norme IFRS 3), est désormais affecté, à la date d'acquisition, à une ou plusieurs unités génératrices de trésorerie (UGT) et l'ensemble, ainsi formé est soumis chaque année à un test de dépréciation "impairment test" visant à s'assurer que sa "valeur recouvrable" (le plus élevé des montants entre sa juste valeur diminuée des frais de cession estimés et valeur d'usage) n'est pas inférieure à sa valeur nette comptable10.
Dans la pratique, la réalisation de ce test de valeur ne sera pas une tâche aisée, car il
pose de véritables difficultés opérationnelles, surtout pour des entreprises qui ont hérité
d'un grand nombre d'actifs immatériels des acquisitions passées. Dès l'instant que le
périmètre des UGC (unité génératrice de trésorerie) est défini, on devra déterminer la
valeur de l'actif économique de chaque UGC après ventilation du goodwill sur l'ensemble
des UGC. Néanmoins, toute la problématique dans cette méthode réside dans la
réévaluation du goodwill à la valeur recouvrable qui est la juste valeur diminuée des frais
de cessions ou la valeur d'usage. Cette dernière est définie :
comme la valeur actualisée de la somme des cash-flows futurs avant impôt et éléments financiers, provenant de l'utilisation continue d'un actif (ou d'une UGC) et des cash-flows dégagés lors de la sortie de l'actif11.
Par conséquent, les tests de dépréciations vont nécessiter une refonte des systèmes
d'informations existant. Pour pouvoir traiter les données avec plusieurs axes d'analyses
(information sectorielle et géographique des UGC), cela obligera les entreprises à investir
dans des systèmes d'informations intégrés à l'instar des ERP de l'éditeur SAP. Performant
et capable de mesurer la performance par UGC, ces systèmes d'information devront aussi
permettre de suivre des budgets prévisionnels actualisés régulièrement et élaborés sur des
bases raisonnables et documentées. D'autre part, dans le processus des tests de
10 Option Finance supplément n°789 du 14 juin 2004, "Maîtriser l'essentiel des IFRS" RSM Salustro Reydel, page 37.
11 Option Finance supplément n°789 du 14 juin 2004, "Maîtriser l'essentiel des IFRS" RSM Salustro Reydel, page 48.
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dépréciations, le normalisateur exige que le business plan ne doit pas être établi sur un
horizon explicite supérieure à 5 ans (sauf justification). Ce business plan diffère des
business plan habituels qu'on peut trouver dans les entreprises, dans la mesure ou :
• l'actif économique inhérent à une UGC doit être évalué dans son état actuel du
marché, et non dans une vision de développement de nouveaux marchés,
• le business plan doit être exempt de tout nouvel investissement (excepté les
investissements de maintenance),
• les flux de trésorerie des restructurations éventuels à venir sont exclus aussi.
IV.d. l’amortissement de l'écart d'acquisition :
En général, sur une période correspondant à l’utilisation des actifs achetés ou
consolidés lors de l’acquisition de l’entreprise concernée.
Enfin, toujours dans le même exemple du groupe M et F consolidé selon la méthode
de l'acquisition plus haut, nous pensons que c'est la méthode la plus rationnelle dans la
mesure ou :
• à chaque fin de période l'actif du bilan reflète bien la masse d'actif réel valant
dans l'entreprise. En effet, dans notre exemple à la fin de la période 1, le goodwill
est amorti de 50%, car cet actif incorporel procure un avantage économique total
sur 2 ans dans notre exemple donné.
• L'amortissement permet de bien respecter le principe de rattachement des coûts
aux revenus (acquisitions principle).
• On retrouve bien une rentabilité financière de 11.82% avec un résultat de 65
rapporté à la valeur des capitaux propres de 550.
• Les avantages économiques que procurent un goodwill ne durent pas
éternellement, dans notre cas ils durent 2 périodes.
Jusqu'à présent, le référentiel français des comptes consolidés qui est actuellement
en phase de convergence avec les normes IAS/IFRS, imposait un amortissement
49/56
systématique des écarts d'acquisition sur une durée devant "refléter, aussi raisonnablement que
possible, les hypothèses retenues et les objectifs fixés et documentés lors de l'acquisition". De plus,
aucune durée limite n'est imposée par le Règlement 99-02. Cependant, comme évoqué
plus haut, la norme IFRS 3 a entériné la suppression de l'amortissement
systématique du goodwill.
IV.e. La détermination d'un goodwill total :
Le FASB et l'IASB ont également décidé, dans le cadre de leur projet commun, que
les intérêts minoritaires feraient dorénavant partie des capitaux propres consolidés. En
conséquence, le goodwill à comptabiliser par les acquéreurs ne sera plus la seule part des
synergies qui revient à la maison mère, mais un goodwill total représentant l'ensemble des
synergies ou autres avantages attendus du regroupement (part du groupe et des
minoritaires). Il en résulte une augmentation des intérêts minoritaires figurant au passif
du bilan. (Source IAS 22.
En conséquence, si un test de dépréciation aboutit à la nécessité d'enregistrer une
dépréciation, il convient d'attribuer aux minoritaires, une partie de cette dépréciation.
Par contre, dans le référentiel français, l'écart d'acquisition ne correspond qu'à la
quote-part de l'acquéreur. En outre, les parts de marché et les fichiers clients peuvent,
contrairement aux normes IFRS, être inscrites à l'actif en ce qui concerne les filiales
consolidées en intégration globale ou proportionnelle (source règlement 99-02 § 211).
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CONCLUSION
Suite à son élargissement et dans la perspective d'une meilleure intégration
économique des pays adhérents, l'Union Européenne se dote du référentiel comptable
international IAS/IFRS. Ces normes vont obliger les entreprises européennes à repenser
toute leur stratégie surtout en matière de communication financière et de croissance
externe. En effet, avec une harmonisation des pratiques comptables notamment la
comptabilisation des regroupements d'entreprises par la seule méthode de l'acquisition ou
la suppression des amortissements du goodwill, qui ont des conséquences très important
sur la physionomie des comptes (dépréciations en dizaines de milliards de dollars ou
d'euros des goodwills ou des actifs incorporels comptabilisés à l'occasion de ces
regroupements), l'Union Européenne se veut plus proche du référentiel US GAAP. A
terme, nous allons vers une convergence totale des normes mondiales dont l'objectif
principal est de rendre plus transparente la communication financière des sociétés cotées.
La présentation des comptes sera harmonisée de manière à en permettre l'analyse à
l'échelle internationale : on pourra enfin comparer des comptes comparables.
Cependant, on voit apparaître de nombreux critiques très controversées à l'encontre
de ce nouveau référentiel commun. Par exemple le bureau d'analyse CDC IXIS souligne
que :
Si l’harmonisation comptable et les exigences en termes de quantité d’informations que les sociétés devront communiquer représentent indéniablement des progrès pour l’investisseur, nous ne pensons pas que les normes IAS/IFRS soient particulièrement bien adaptées à l’analyse externe. L’investisseur est plus préoccupé par les flux que par les stocks, c’est à dire par le compte de résultat que par le bilan.12
Effectivement, l'IASB ne définit d’ailleurs pas précisément ce qu’est le résultat, si ce
n’est l’écart entre la valeur des fonds propres à deux dates de clôture différentes, ce qui
constitue une approche « bilancielle » du résultat. Le normalisateur pourrait le remplacer
par un état de performance répondant plus aux attentes des utilisateurs investisseurs.
12 Etude Sectorielle sur les normes IFRS/IAS par le Bureau d’analyse de CDC IXIS Securities, page 6
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D'autre part, une seule méthode de comptabilisation des rapprochements
d'entreprises a fait aussi couler beaucoup d'encre. Du fait de l'abandon du principe du
coût historique par l'application du concept de la juste valeur lors de l'évaluation des
bilans des sociétés acquises, le suivi historique des performances de l'entreprise est effacé.
D'autre part, des pratiques comptables parallèles s'émergent dans la publication légale des
comptes destinée aux besoins de ses utilisateurs (réf. : Cas Pfizer). En effet, si les comptes
sont justes et sont établit selon les normes en vigueur, alors pourquoi les utilisateurs
notamment les analystes financiers font-ils des redressements? Par entêtement doctrinaire du
concept de la juste valeur, les normalisateurs IASB et FASB jettent sans le vouloir, le discrédit sur les
comptes et la comptabilité souligne les auteurs du manuel Vernimmen13. Dans ce cas, faudrait-il
revenir à une comptabilité au coût historique sous l'emprise du principe de prudence et
du nominalisme ? Nous ne le pensons pas.
Le débat entre deux attributs de mesure des actifs et passifs (le coût historique et la juste valeur) n'est ni simple ni prés d'être clos. La juste valeur, dès lors que l'on s'éloigne de valeurs sur un marché liquide et profond, peut légitimement susciter des craintes. Mais cela n'est rien au regard du fait que le coût historique est totalement non pertinent en matière d'évaluation d'un actif, dès le lendemain du jour où cet actif a été acquis. Le principe de prudence, qui stipule que le résultat ne peut être enregistré que lorsqu'un actif a été cédé, ne sert, hélas, souvent qu'à lisser les résultats, dégager des les plus-values quand on en a besoin, au détriment d'une gestion rationnelle, voir à dissimuler des situations fondamentalement catastrophiques souligne Gilbert GELARD, membre permanent de l'IASB 14.
Toutefois, avec les normes IFRS, il faudra chaque année vérifier la valeur du
"goodwill", selon les mêmes critères que lors de l'acquisition ("impairment test"). Nous
nous interrogeons sur la pertinence de la pratique généralisée des impairment tests et sur
la possibilité de réévaluer des actifs. D'ailleurs dans notre analyse au chapitre précédent
sur "la comptabilisation du goodwill", nous avons bien démontré que ces tests de
dépréciation étaient sujets à caution du fait de leur subjectivité dans la réévaluation des
goodwill. En théorie, si tous les actifs et les passifs étaient valorisés correctement au prix
du marché, les fonds propres devraient correspondre à la capitalisation boursière. Or ce
13 Vernimmen, lettre n°24 décembre 2003
14 Débat comptable, Forum des lecteurs, Gilbert GELARD, Les Echos n°19107 du 03 mars 2004, page 17
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n’est pas à une entreprise de fixer elle-même sa propre valeur. Il y a un mélange des
genres discutable dans le fait de donner aux comptables une grande marge de manoeuvre
dans la fixation de la valeur des actifs : la comptabilité nous semble devoir servir en
premier lieu à apporter des éléments permettant à des tiers de fixer une valorisation.
Ainsi, tout comme le chef d’entreprise, l’auditeur est incapable de voir au-delà de 3 mois ;
il n’a pas à valider la stratégie de l’entreprise en groupe or on lui demande de certifier les
résultats futurs. Cette tâche sera extrêmement difficile pour les auditeurs légaux chargés
de garantir aux tiers la qualité des états financiers consolidés dans la mesure ou les
survaleurs ainsi payées posent de véritables difficultés de contrôle. En effet, l’appréciation
des dites survaleurs est un véritable défi pour les auditeurs qui, compte tenu du caractère
immatériel de cet actif, peuvent difficilement utiliser les techniques habituelles d’audit.
L'adoption du référentiel IFRS est un changement culturel considérable qui ne
concerne pas seulement le champ de la comptabilité, mais qui a aussi des impacts majeurs
sur les systèmes d’information, sur la communication financière et les compétences à
l’intérieur de l’entreprise. Les entreprises devront s’adapter à un processus différent avec
projets, documents, commentaires dans un contexte de coordination européenne. Cela
occasionnera un fort besoin en formation.
Si les grandes entreprises européennes ont massivement et réellement conscience des
enjeux soulevés par le passage aux normes IAS/IFRS, leur niveau de préparation et
d’anticipation est plutôt insuffisant, selon une enquête de Pricewaterhouse Coopers. Pour
les entreprises qui s’y sont mises, les difficultés pratiques sont déjà apparues, car ce projet
s’avère long et présente des difficultés techniques.
D'autre part, dans un souci permanent de transparence, les normes IAS/IFRS
donnent la priorité sur l'apparence, au fond sur la forme ("substance over form"), à la juste
valeur (qui est souvent la valeur du marché) sur l'exigence fiscale et juridique. Ainsi la
meilleure lisibilité des comptes va pousser les entreprises à renforcer leur compétitivité
internationale : un effet attendu de ces normes sera d'orienter la gouvernance des
entreprises vers une vraie culture de mesure de performances.
Pour enfin terminer notre conclusion, il est intéressant de rappeler que le référentiel
IAS/IFRS comporte quatre grandes différences d'approche par rapport aux normes
françaises :
• la primauté du bilan sur le compte de résultat
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• la généralisation de la notion de juste valeur (full fair value)
• La mesure de la perte de valeur et la dépréciation des actifs (test de dépréciation)
• L'introduction d'un état des performances à la place du compte de résultat.
Il s’agit bel et bien d’une révolution comptable. En apportant une transparence et une
harmonisation aux comptes de sociétés cotées européennes dans un marché en voie de
globalisation, l'Union Européenne se trouvera renforcée face aux Etats-Unis.
***
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BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages « Finance d’entreprise, Pierre Vernimmen », 5e Ed. Dalloz, 2002. Pascal Quiry et Yann Le Fur « Accounting The basis for Business Decisions, Meigs & Meigs » 9th Ed. Mc GRAW HILL « Comprendre les IFRS », Ed. Maxima , 2004. Laurent Bailly « La comptabilité financière et l’analyse des flux, Denis Dubois» Conservatoire National des Arts et Métiers, Chaire de Gestion Financière des Entreprises. Ed. 2002 « Stratégie et Expertise Financières, Denis Dubois » Conservatoire National des Arts et Métiers, Chaire de Gestion Financière des Entreprises. Ed. Année 2003-2004 Dossiers de presse « Etude Sectorielle sur les normes IFRS/IAS par le Bureau d’analyse de CDC IXIS Securities » du 4 mai 2004. « Le mensuel des dirigeants finances gestion » Echanges n° 211, juin 2004, page 58. « Cahiers Spécial IFRS, Fusions-Acquisions » Les Echos no 19158 du 13 mai 2004, page 120. « IDEES, L’analyse de la comptabilité en partie trouble » Les Echos no 19105 du 01 mars 2004, page 14. « IDEES, Forum des lecteurs, Débat Comptable » Les Echos no 19107 du 03 mars 2004, page 17 « MARCHES, Normes Comptables. » Les Echos n°19024 du 04 Novembre 2003 • page 38 « Les rouages de l’entreprise, » Alternatives Economiques Hors série n°57 Bis septembre 2003, page 38 à 41. « RECHERCHE : Les réactions aux dépréciations du goodwill » LA LETTRE VERNIMMEN.NET N° 30 - Juillet - Août 2004, Par P. Quiry et Y. le Fur « ACTUALITE : Quelques réflexions sur les évolutions actuelles de la comptabilité et les projets de l'IASB » LA LETTRE VERNIMMEN.NET N° 26 - Février, Par P. Quiry et Y. le Fur « ACTUALITE : La pratique du purchase accounting aux Etats-Unis » N° 24 - Décembre 2003 Par Pascal Quiry et Yann Le Fur
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ACRONYMES
Normes américaines
FASB Financial Accounting Standards Board Organisme chargé d’édicter les normes comptables américaines
GAAP Generally Accepted Accounting Principes Principes comptables généralement admis (U.S.)
AICPA American Institute of Certified Public Accountants Institut des experts-comptables américains
SEC Securities and Exchange Commission Commission des valeurs mobilières et des bourses de valeurs américaines
Normes internationales
EFRAG European Financial Reporting Advisory Group Structure privée apportant une contribution aux travaux de l’IASB
IFRIC International Financial Reporting Interpretations Committee Comité d’interprétation des normes d’information financière internationales
IFRS International Financial Reporting Standards Normes d’information financière internationales
IAS International Accounting Standards Normes comptables internationales
IASC International Accounting Standards Committee Comité des normes comptables internationales
IASB International Accounting Standards Board Conseil des normes comptables internationales
SIC Standing Interpretations Committee Comité permanent d’interprétation
SAC Standards Advisory Council Conseil consultatif de normalisation
PANORAMA DES NORMES IAS1 Présentation des états financiers
IAS2 Stocks
IAS7 Tableau des flux de trésorerie
IAS8 Résultat net de l’exercice, erreurs fondamentales et changements de méthodes comptables
IAS10 Evènements postérieurs à la date de clôture
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IAS11 Contrats de construction
IAS12 Impôts sur le résultat
IAS14 Information sectorielle
IAS15 Information reflétant les effets de variations de prix
IAS16 Immobilisations corporelles
IAS17 Contrats de location
IAS18 Produits des activités ordinaires
IAS19 Avantages du personnel
IAS20 Comptabilisation des subventions publiques et informations à fournir sur l’aide
Publiques
IAS21 Effets des variations des cours des monnaies étrangères
IAS22 Regroupements d’entreprises
IAS23 Coûts d’emprunts
IAS24 Information relative aux parties liées
IAS26 Comptabilité et rapports financiers des régimes de retraite
IAS27 Etats financiers consolidés et comptabilisation des participations dans les Filiales
IAS28 Comptabilisation des participations dans des entreprises associées
IAS29 Information financière des les économies hyper inflationnistes
IAS30 Informations à fournir dans les états financiers des banques et des institutions financières
assimilées
IAS31 Information financière relative aux participations dans des coentreprises
IAS32 Instruments financiers : informations à fournir et présentation
IAS33 Résultat par action
IAS34 Information financière intermédiaire
IAS35 Abandon d’activités
IAS36 Dépréciation d’actifs
IAS37 Provisions, passifs éventuels et actifs éventuels
IAS38 Immobilisations incorporelles
IAS39 Instruments financiers : comptabilisation et évaluation
IAS40 Immeubles de placement
IAS41 Agriculture
Adresses Internet utiles : www.europa.eu.int www.iasc.org.uk www.infocert.org www.expert-comptable.fr www.apdc-france.com www.salustro-reydel.fr
http://solutions.journaldunet.com www.mazars.com www.kpmgconsulti www.iasb.org.uk www.fasb.org www.finances.gouv.fr/CN_compta : le site du conseil national de la comptabilité.