Lurgence de La Metamorphose

8/9/2019 Lurgence de La Metamorphose

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LUrgence de la Mtamorphose


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Inscrire notre conscience humaine dans lavenir de lunivers

Laurence BARANSKIJacques ROBIN

Prace de Ren Passet

Postace dEdgar Morin

InLibroVeritas


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Editions

Immeuble ACCET

4, place de la Pergola

95021 Cergy-Pontoise

Copyleft : cette uvre est libre, vous pouvez la copier, la diffuser, la redistribuer et/ou la modier

selon les termes de la Licence Art Libre.

Vous trouverez un exemplaire de cette licence sur le site Copyleft Attitude http://artlibre.org/ ainsiqu la n de cet ouvrage.

In Libro Veritas, 2007, ISBN : 978-2-35209-185-1

Dpt lgal : deuxime semestre 2008


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Jacques Robin, qui nous a quitts le 7 juillet 2007, auraitt trs heureux que son dernier ouvrage, Lurgence de lamtamorphose, soit dit par les ditions InLibroVeritas*.Je remercie ainsi Mathieu Pasquini davoir t sensible lultimemessage que Jacques souhaitait communiquer ses contemporains,et de lui donner lopportunit de toucher de nouveaux lecteurs.

Jacques tait un visionnaire, amoureux et curieux de la vie. Il aconsacr une grande partie de son nergie ce que la connaissance,le respect dautrui, et le respect de la nature, inspirent en proondeur

la politique et la gestion des activits humaines.La rapidit et le caractre systmique des bouleversements actuels(nanciers, conomiques, sociaux, culturels, inormationnels) neont que conrmer la pertinence de son analyse transdisciplinaire,une analyse qui relie les disciplines et croise les angles de vue. Lesides alternatives avances dans cet ouvrage sont plus que jamaisdactualit.

Jacques souhaitait que cette approche soit vulgarise et quellealimente utilement le dbat public et citoyen. Je partage sonsouhait tout autant que je partageais sa pense.

Laurence Baranski

* aprs une premire dition en 2007 par les Editions Des Ides etdes hommes qui depuis ont cess leur activit.

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Armand Petitjean,avec notre aection

et notre proonde reconnaissance.

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Nous nhritons pas de la terre de nos parents,nous lempruntons nos enants.

Antoine de Saint-Exupry


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Sommaire

Prace de Ren Passet

Introduction :Une situation indite qui interpelle notre conscience

Premire partie :Notre aventure, cest lUnivers

1. Lunivers, cet inconnuLa Terre et mille milliards de galaxies Se laisser inspirer par

celles et ceux qui ont tent dapprocher lunivers. Dans quel mondevivons-nous ? Pourquoi est-il tel quil est ? Est-il ait pour nous ? Leoisonnement du XXe sicle conduit la thorie du Grand Tout.Linniment petit : les neutrinos et autres questions sur la matire Lunivers nous questionne.

2. Avancer en conscienceEntre linniment grand et linniment petit : lhumain. tre soi.

Lmergence et le rle de la conscience. Sens ou non-sens ? Versune approche transhumaniste La suite de laventure humaine : lerisque inquitant de jouer aux apprentis sorciers. Les nanotechno-logies. La biologie de synthse. La biomtrie.

Deuxime partie :Regard sur la plante Terre

1. La double dgradationLa dgradation cologique : la Terre et les ormes de vivantquelle accueille sont menaces de disparition. Transormationsclimatiques, pollutions globales et intempries. Le constat auniveausanitaire. Une scheresse alarmante. La disparition prochaine de laTerre : desschement ou dsintgration ? Des regrets inutiles La

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dgradation culturelle et sociale : nos socits sont malades. Unepublicit dlirante et avilissante. La porte ouverte la corruption.Lhypermdiatisation au service de la socit de march. Les

consquences de la cration articielle de la raret : prcarit etpauvret. La monte de la violence au quotidien.

2. Pour comprendre la situation actuelle : la grille de lec-ture des trois res

Premire tape de lvolution de lHomo sapiens et des socitshumaines : lre de la survie et de ladaptation Deuxime tapede lvolution des socits humaines : lre de lnergie. La trans-

ormation ininterrompue des modes de vie. Laccaparement desbiens et les comportements de domination conduisent la struc-turation progressive de lconomisme Nous sommes dj entrsdans une troisime re : lre de linormation.

3. Les prmices de la mtamorphoseLes dernires rsistances ? Mutation inormationnelle : ce qui

a dj chang Des raisons desprer. La mobilisation des acteursde la transormation. La place grandissante des emmes dans la

gestion des socits humaines : lopportunit dune mtamorphosecivilisationnelle plus consciente.

Troisime partie :Un avenir possible pour lhumanit

1. Le pralable : oser un nouvel art de vivreUn socle culturel et conceptuel pour lavenir de lhumanit.

Cyberntique et systmique. Transversalit. Transdisciplinarit.Complexit Vers un nouvel art de vivre lchelle plantaire. Laculture de la non puissance. Limites et ragilit de ltre humain.Nouvelle culture, nouvel art de vivre : par o commencer ? Art devivre et gratuit.

2. Mettre notre curiosit en actionEntreprendre Favoriser un processus permanent de construction

de soi. La musique, le chant et la danse. Lactivit du corps et lesport. Spiritualit et subjectivit : chacun son chemin.

3. Explorer ds prsent des pistes de transormationcondes

Les pistes de transormation lies la prise de conscience de la

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situation : la volont dtre et dagir de manire dirente Lespistes qui sinscrivent dans laxe relati la nature de lcono-mie Troisime orientation : la rorme de lexercice du pouvoir

Vers une cologie humaine et politique.

4. La condition : russir la transitionLes trois acteurs de russite de la transition. La transition ne

doit pas tre impose. La transition doit sappuyer sur des tentati-ves de onctionnement alternati dj existantes. La transition nedoit pas staler sur une priode trop longue La transition : uneaventure politique qui nous concerne tous Dcider dagir com-

plexe et ne plus reculer.

En guise de conclusionVers la joie de la pense cosmique et lapproche de la sensation

de linni

Postace dEdgar Morin

Remerciements

Le courant de pense dans lequel sinscrit cet ouvrage

Rrences : bibliographie, presse, sites web

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Plus dun demi-sicle de luttes communes guides par unmme idal humain, cest lhistoire dune amiti Undemi sicle pendant lequel jai pu admirer lextraordinairecuriosit desprit de Jacques, son inlassable crativit, son intuition,sa capacit crer de la relation et des synergies (je pense notam-ment au Groupe des Dix, qui aura constitu un vnement dcisipour beaucoup dentre nous), son obsession de lavenir, car ainsique le proclamait, la n des annes 1950, la bande-annonce dupriodique Demain la cration duquel il avait contribu De-main commence aujourdhui .

Cest prcisment la proccupation de lavenir qui a guid lardaction de ce livre. Depuis quelques annes, jai vu natre chezJacques, au l de nos discussions, le besoin de livrer ce messagequil destine dabord au grand public et non au cnacle limit desspcialistes. Aprs De la croissance conomique au dveloppementhumain (1975) que javais dj eu lhonneur de pracer suivi deChanger dre (1989), cest donc le terrain de la vulgarisation qui at choisi et cest sur ce terrain quil doit tre apprci. Laurence, trs juste titre, cosigne ce travail. Car la vieille complicit qui nacess de rgner entre Jacques et moi sest enrichie de jeunes ami-tis, dont celle, extrmement chre, de Laurence. Je ncrirai pasici tout le bien que je pense delle, car je la plongerais dans uneconusion que sa modestie me pardonnerait mal. Je dirai simple-ment que sa participation nos groupes de rfexion, ses crits,tout comme les initiatives quelle a su mettre en place et conduireavec bonheur notamment Interactions Transormation Person-nelle -Transormation Sociale tmoignent de ses belles qualits

intellectuelles et, ce qui ne gte rien, humaines... Son rle, dans laorme dialogue sous laquelle se prsente le livre, dpasse large-ment, jen suis tmoin, celui de simple interlocutrice auquel elle avoulu, le plus possible, se cantonner et que dailleurs elle nauraitpu tenir sans possder une relle intelligence des questions abor-des.

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La rfexion qui nous est propose constitue laboutissementdune volution prenant sa source dans lengagement concret etne cessant de sapproondir dans le champ de la pense.

Dabord lengagement. Notre premire rencontre se situe, en1952, sur le terrain de laction. Jacques, qui avait ortement contri-bu la cration de lun des tout premiers mouvements europensde laprs-guerre le Mouvement dmocratique et socialiste pourles tats-Unis dEurope (MDSEUE), qui nallait pas tarder devenirla Gauche europenne sen tait vu coner le secrtariat gn-ral, cependant que jassurais le secrtariat national de la ormation

jeunes . LEurope, ldication de laquelle nous avons alorsactivement particip, ntait pas cette coquille vide domine parles considrations mercantiles quelle est devenue, mais une com-munaut, un authentique espace de solidarit au sein duquel lesennemis dhier dcidaient dassocier leur destin. Pendant plusieursannes nous avons connu ce sentiment exaltant de contribuer aire lhistoire dans la voie des Jean Monnet, Robert Schumann,Konrad Adenauer, Alcide de Gasperi, et aux cts des Paul- HenriSpaak, Andr Philip, Robert Buron Des hommes politiques pour

lesquels le ralisme consistait transormer le monde dans le sensdun idal et non se soumettre aux ralits du moment. Et nousavons souert ou vibr ensemble au rythme des checs ou desavances.

De 1968 1976, Le Groupe des Dix, dont il est ait tat dans lesdernires pages de ce livre, marque une volution. lorigine, laproccupation centrale reste politique. Il sagit, en eet, dans les-

prit de ses initiateurs parmi lesquels Jacques joue une ois de plusle rle principal avec Henri Laborit, Edgar Morin et lhomme degouvernement qutait notre ami Robert Buron , de rassemblerdes penseurs et des scientiques de toutes disciplines an de pro-poser au monde politique le bilan des connaissances et les grillesde lecture qui leur permettraient de saranchir du discours incan-tatoire pour mieux sinsrer dans les volutions de notre poque.Mais, part quelques rares personnages, comme Jacques Delors

ou Michel Rocard qui, aprs la mort de Robert Buron, ont rejointle groupe, le microcosme est rest peu prs totalement indi-rent aux analyses que nous lui orions sur un plateau dargent.Dommage, car tous les grands problmes qui explosent de nos

jours lui taient annoncs largement lavance...



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En revanche, la conrontation transdisciplinaire des analyses deplusieurs grands chercheurs de notre temps membres ou invitsdu groupe ouvrait chacun de nous une vision proondment

renouvele du monde, accompagne de perspectives bouleversan-tes concernant sa propre discipline. Sans que les proccupationsconcrtes initiales aient eu en sourir, il me semble quun bascu-lement soprait alors, du politique vers lapproondissement desapproches et des questions scientiques. Et cette volution sestpoursuivie aprs la dispersion du groupe laquelle na pas marqula n des changes entre ses membres travers les nombreusesquipes de rfexion comme le GRI, le GRIT ou Transversales, dont

Jacques ut linitiateur et dont toutes ont dbouch sur des cra-tions tournes vers lavenir : Journes de Parthenay, Europe 99, Ve-cam, Centre Pierre Mends-France Symtriquement, la mise enplace du CESTA, organisme daction sil en est, que le gouverne-ment Pierre Mauroy conait Jacques, ne devait pas se ralisersans aboutir, sous limpulsion de ce dernier, louverture de nou-veaux lieux de rfexion relis par le groupe Science Culture. Et si,plus tard, sur le conseil de Sacha Goldman, le prsident de SlovnieMilan Kucan aisait priodiquement appel quelques-uns dentre

nous, ctait phnomne trop exceptionnel dans lunivers politi-que non point pour nous demander des conseils dordre politi-que, mais essentiellement pour approondir, dans tous les domai-nes, lanalyse du monde dans lequel se situait son action.

Parti du politique pour rencontrer successivement grce unerfexion permanente sur les mthodes dinvestigation scientique(du cartsianisme la pense complexe) le vivant, lhumain et

lunivers, on retrouve donc le politique, sous un jour proond-ment renouvel par ce dtour de production .

Le temps des bilans et des interrogations ondamentales sur lacondition et lavenir de lhumanit se situe dans la droite ligne decette volution. Si nous avons appris quelque chose de la rfexiontransdisciplinaire des Dix, cest bien linterdpendance et lindisso-ciabilit de toutes choses. Il ny a pas, dune part, la crature hu-

maine qui observerait lunivers et, dautre part, lunivers qui seraitobserv, mais une crature qui est le produit de lvolution com-plexe caractrisant cet univers. Lhumain nest donc que luniverslui-mme, envisag dans la pointe la plus avance de son volu-tion. De la matire et de lnergie disperses par le big-bang sontnes par complexication progressive des cratures vivantes,

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pensantes, conscientes et, pour lune delles, consciente de sa pro-pre conscience. Jacques et Laurence nous proposent donc d ins-crire notre conscience humaine dans laventure de lunivers .

Nous prenons alors la mesure de la situation dramatique danslaquelle se trouve lhumanit. Ses moyens daction stendent d-sormais de linniment grand du cosmos linniment petit desnanotechnologies o se rencontrent le matriel et limmatriel, levivant et linanim, le dterminisme et lalatoire. La voici donc enmesure de prendre le relais de cette volution qui la produite etdont mme si elle en dcrypte les mcanismes elle continue

ignorer si elle a un sens et ce que pourrait tre celui-ci : qui sommes-nous ? Do venons-nous ? O sommes nous ? Quy aisons-nous ?O allons-nous ? Les grands problmes mtaphysiques restententiers et pourtant nous voil de plus en plus aptes prendre latte du mouvement dont nous sommes issus. Aussi longtemps quela capacit de transormation du monde par les hommes restaitlimite, la situation avait quelque chose de rassurant. On appelait nature limmense domaine qui chappait au champ de linter-vention humaine et dont le respect des lois ournissait les critres du

Bien et du Mal. Lorsque tout devient manipulable, le mouvementmme qui accrot le pouvoir de transormation de lhumanit aitdisparatre les critres qui pourraient la guider. Comme le disentnos deux amis, notre aventure, cest lUnivers cet inconnu .

Situation dautant plus vertigineuse que les puissances cono-miques menant lvolution sociale obissent des logiques mat-rialistes, instrumentales et de court terme, qui se situent loppos

des exigences de reproduction de la biosphre. Il audrait beau-coup de sagesse aux hommes pour continuer obir aux rythmesde la nature alors que, en puisant ses rserves, en lcrasant sousleurs dchets, en dtruisant les mcanismes assurant sa reproduc-tion dans le temps, on peut se donner lillusion dune prospritphmre au bout de laquelle se trouve la catastrophe. Nos deuxamis passent longuement en revue les dsastres cologiques et so-ciaux qui prludent cette dernire.

Alors simpose LUrgence de la Mtamorphose , car, si lhu-manit se rapproche dangereusement de ce point de non-retour partir duquel son autodestruction deviendra invitable, toutnest pas encore perdu. Lmergence dune re de linormation qui dplace les moteurs de lvolution sociale, de la matire et de



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lnergie vers limmatriel et le qualitati, laisse entrevoir la pers-pective objective de surmonter les dicults au prix de proon-des transormations subjectives et politiques. Cest pourquoi la

troisime et dernire partie du livre est consacre explorer despistes de transormation condes permettant lhumanit enpasse de sautodtruire de prserver son avenir. En dpit de sescraintes, la vigie inatigable se veut optimiste jusquau bout : lors-que, avec Laurence, Jacques voque la joie de la pense cosmiqueet lapproche de la sensation de linni , ce nest que pour conclu-re sur lenvie et la orce de continuer de smerveiller, de poursui-vre toujours plus consciemment laventure humaine, et peut-tre

mme de se laisser aller au dsir de renchanter le monde .Tous dmons librs, la bote de Pandore abrite encore

lesprance

Ren Passet26 aot 2006.

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Introduction

Une situation inditequi interpelle notre conscience

Lhomme ravage la plante au point quelle se rvolteavec le vent, les inondations, le eu.

Si lhumanit ne sachve pas dans toutes ses guerres,la nature fnira le boulot.

Thomas Sanchez

Introduction - Une situation indite qui interpelle notre conscience


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Ce livre a pour ambition dinterpeller sur lurgente nces-sit laquelle est conronte aujourdhui lhumanit :celle de prendre conscience quelle est une mergence delaventure de lunivers. Ce nest que par cette prise de conscienceet de recul quelle pourra aire ace au d majeur qui est le sien :sa survie. Si nous ne remportons pas ce d, le rsultat sera radical :les quilibres cologiques tant rompus, du ait de lactivit incon-squente des humains sur la plante Terre, cest lexistence mmede notre espce qui sera remise en question, certainement aussicelle des autres ormes de vivant, et peut-tre celle de la planteelle-mme.

Nous restons optimistes. Car nous estimons que nous nous si-tuons linstant prcis o il est possible denvisager une exception-nelle bonne nouvelle : celle dagir et dimaginer le utur de lHommeen inscrivant son aventure et celle, indissociable, de la consciencedans celle de lunivers (ou peut-tre mme des univers). La priseen compte des liens troits qui existent entre ces aventures, et quenous devons nous appliquer mettre toujours davantage en lu-mire, associe aux connaissances et aux savoirs contemporains (encologie, culture, conomie, social, psychologie, science), mne une rfexion-action de nature nous permettre deectuer unvritable saut civilisationnel. Nous le constatons cependant, cetteinvitation largir nos cadres de rrence, danalyse et de percep-tion, jusqu approcher la sensation de linni, rencontre encore denombreux obstacles et reus.

Pour lheure, si la crise est bel et bien l, prenant la orme de

catastrophes cologiques, mais aussi de drames sociaux et dalina-tions culturelles, il sagit avant tout de nous demander commentlutiliser et la dpasser. Les humains disposent des moyens dy par-venir. La question est de savoir si nous oserons les utiliser. La r-ponse que nous apporterons, collectivement et individuellement,devient chaque jour plus urgente.

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En guise de contribution, nous avanons dans cet ouvrage despropositions. Elles reposent sur trois convictions qui mettent en

vidence le caractre indit de la situation actuelle : Grce aux perces scientiques actuelles qui conduisent ma-nipuler et transormer le vivant (les nanotechnologies, la biologiede synthse, la biomtrie), lhumain vient de prendre le relais delvolution dont il est issu. La situation actuelle est stupante carcette rtroaction de lunivers sur lui-mme, par lintermdiaire delhumain, seectue dans la plus totale inconscience et mconnais-sance de qui nous sommes et de ce quest la vie.

La logique de lactuel ondamentalisme marchand, qui necesse darmer son hgmonie sur lensemble de la plante, estquantitative et court-termiste . La logique de lvolution du vi-vant et des quilibres naturels sinscrit dans le long terme. Ces deuxlogiques sont incompatibles. Les dsastres cologiques en cours ensont le signe.

Les alternatives existent : lre de linormation, dans laquellenous venons dentrer, nous permet de rconcilier la gestion desactivits humaines sur Terre avec la logique du vivant. Mais tout se

passe comme si nous avions peur de nous aventurer vers les nouvel-les voies qui peuvent nous aider aire merger une conomie dela gratuit et un nouvel art de vivre. Cest pourtant possible, pourpeu que lon se situe dans la perspective dune cologie humaineet politique, dans lacception la plus large du terme, cest--dire la ois dans nos rapports avec lenvironnement, avec les autres etavec nous-mmes.

Certains lecteurs pourront stonner de la diversit des thmesque nous abordons, tout comme des options que nous avons prisespour leur traitement et leur articulation. Larchitecture retenue estle rsultat dun parti pris : nous avons voulu dresser un panoramale plus complet possible de la situation actuelle telle que nous lob-servons, tout en aisant apparatre, directement ou en ligrane,les interdpendances et les interactions qui existent entre les di-rents sujets dactualit traits. Nous avons opt pour une orme

dialogue dans le but de rendre ce texte plus vivant, et lesliens que nous tentons dclairer plus perceptibles. Le lecteur sauraconronter, complter et enrichir les constats et propositions quenous avanons en onction de ses propres analyses, connaissanceset rrences.

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travers ce livre, notre objecti est de contribuer ce que cha-cun, quelle que soit sa capacit daction dans la socit, trouve desraisons et lenvie dexercer toujours plus pleinement et consciem-

ment ses responsabilits dhumain et de citoyen.



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Premire partie

Une situation inditequi interpelle notre conscience

Premire partie - Une situation indite qui interpelle notre conscience


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Lunivers, par complexications successives, a produit di-rentes ormes de vivant, dont lhumain et le cerveau hu-main. En nous produisant, il a produit quelque chose, nous,qui est encore lui. En ce sens, nous pouvons dire que nous sommeslunivers. Que savons-nous de cette matrice originelle dont noussommes issus ? Beaucoup et trs peu. Nous sommes la ois desdcouvreurs abuleux et des enants inconscients qui jouent avecle eu sans en connatre les risques. Prenons garde ne pas r-duire nant le travail accompli au cours de milliards dannesdvolution : en jouant aux apprentis sorciers comme nous le ai-sons aujourdhui, nous sommes deux doigts dtre les premiresvictimes de notre intelligence.

1. Lunivers, cet inconnu

Selon la thoriedu mme nom, lebig-bang marquelinstant zro delunivers. Ctaitil y a 15 milliardsdannes. Quyavait-il avant ? Yavait-il quelque chose ? Les questions restent poses Les rpon-ses scientiques que lon apporte ne nous renseignent pour lins-tant que sur ltat de lunivers 10-43 seconde aprs le big-bang. ce moment-l, lunivers est de la taille de la pointe dune pingle etsa temprature est excessivement leve. Des premiers nuages de

gaz qui se rpandent et se condensent naissent les toiles et les ga-laxies. La ntre , la Voie lacte, serait compose de 400 milliardsdtoiles. Notre toile, le Soleil, orme avec ses neu plantes Mer-cure, Vnus, la Terre, Mars, Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune etPluton le systme solaire. Notre plante, la Terre, est ge de 4,5milliards dannes. Celle qui deviendra la plante bleue est dans un

Linstant zro ne commence pas vritablement zromais 10-43 seconde. Avant ce Mur de Plank (du nomdu physicien ayant mis en vidence une constante quijoue un rle central dans la physique quantique), leslois physiques actuelles ne sont pas valables. En ltat

actuel des connaissances, les scientiques ne peuventdonc parler ni du temps 0 , ni de ce quil y avaitavant le big-bang.



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premier temps lethtre de puis-sants phnomnes

sismiques et vulca-nologiques. Puis,les interactionsentre les premierslments et mo-lcules chimiques,associations de poussires dtoiles, conduisent lapparition despremires ormes de vivant. Ctait il y a 3,8 4 milliards dannes,

ge des plus anciennes traces de molcules organiques dceles. Etnous voil, nous, lhumain rsultat dun processus aux multiplesinconnues.

La Terre et mille milliards de galaxiesLa Terre est une

petite plante si-tue la priph-rie dune galaxiedans un universqui compte plusde mille milliardsdautres galaxies.Chacune de ces ga-laxies comprend certainement des centaines de milliards dtoiles,et un nombre encore plus grand de plantes.

Jacques Robin : Cest dans cette immensit dynamique queles humains sont apparus et voluent quotidiennement. Cetteralit est la ois majestueuse, impressionnante et parois mmeangoissante. Peut-tre est-ce pour cela que nous avons tendance loublier, occulter son caractre tonnant, en privilgiant desproccupations matrielles et mercantiles. Limmensit qui nousentoure est dicile apprhender pour lesprit humain, telle-

ment elle dpasse notre chelle de reprsentations. Cette ralitest surprenante. Tout comme le sont les perspectives qui mergentdes nouvelles dcouvertes relatives aux direntes galaxies quicomposent lunivers, lvolution des plantes du systme solaire,aux plantes extra-solaires Les dcouvertes dans ces domainesne cessent actuellement de nous submerger. Plus de 150 plantes

Je ne sais qui ma mis au monde, ni ce que cest que

le monde, ni que moi-mme ; je suis dans une igno-rance terrible de toutes choses ; je ne sais ce que cestque mon corps, que mes sens, que mon me et cettepartie mme de moi qui pense ce que je dis, qui aitrfexion sur tout et sur elle-mme, et ne se connatnon plus que le reste. Pascal, Les penses.

Une nouvelle dnition du mot plante, laborepar lUnion astronomique internationale (UAI) enaot 2006, retire Pluton ses caractristiques deplante. Le Soleil nen compterait plus que huit.

Dautres scientiques souhaitent au contraire largircette dnition, et ajouter des plantes aux neu pla-ntes que nous reconnaissons actuellement. Au-delde nos catgorisations, le paysage interstellaire estce quil est



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extra-solaires ont t mises en vidence. Chacune rvle ses pro-pres paysages, relies, couleurs, mouvements Grce aux premi-res inormations recueillies, on sait dj que leau et la vie taient

vraisemblablement prsentes sur Mars avant quun processus dedshydratation nait eu raison des ormes de vivant qui sinstall-rent sans doute l.

Laurence Baranski: Le vivant prsent sur Terre pourrait-il su-bir le mme sort ?

JR: Sans aucun doute, particulirement du ait des consquencesde lactivit humaine et des pollutions quelle gnre. Maisdj le pourrait-il pour des raisons naturelles. Ainsi, on dtecte

aujourdhui, en nombre considrable, des plantes extra-solairesou des astrodes qui peuvent tre composs de gaz, de liquide oude solide. Ces astrodes ont jou, et pourraient jouer lavenir unrle important sur lvolution de la vie sur Terre. Lorsque ces anciens bouts de plante , en provenance de notre galaxie, ou dautresgalaxies plus loignes, se rapprochent de la Terre, ils subissentla loi de la gravitation et scrasent sur le sol terrestre. Tous lesours, que ce soit dans les dserts aricains, dans les grands espacesamricains, russes, sibriens et chinois, ou, souvent, dans les mers,

ces lments extraterrestres dune masse parois trs importanteatterrissent sur notre plante. Lun deux est tomb sur la Terreil y a 65 000 millions dannes. La violence du choc a ragilis lesplaques tectoniques ; elle a provoqu un immense cratre assortidune ume paisse et durable, une nue ardente, mlange degaz et de poussire.

LB: Cest ce phnomne qui explique, pour certains thoriciens,la n des dinosaures

JR: Ces prdateurs, qui taient hauts et grands, ont disparu paramine et asphyxie. Leur taille ne leur a permis ni de manger, ni derespirer. Une orme de vivant, petite et plaque au sol, a pu en re-vanche survivre : lanctre des lmuriens. Limmense poussiredgage sest peu peu disperse dans lunivers. Les lmuriens ontdonn naissance des lignes qui ont conduit aux primates, auxgrands singes et au type dhumain que nous connaissons. Le dan-ger que reprsentent les astrodes est toujours dactualit. Nous

pourrions, si nous dgagions vritablement les moyens matriels,techniques et humains ncessaires, lanticiper et le dvier.LB : Une autre cause de disparition du vivant sur la Terre est

la mort de notre soleil. On sait quil devient lentement, maisinexorablement, de plus en plus chaud, ce qui rendra impossible ledveloppement de la vie sur la Terre. Celle-ci disparatra alors.



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JR: Certes, cet vnement ne surviendra pas avant plusieurs mil-liards dannes. Mais la question qui se pose est trs srieuse : ovivront nos descendants, sil y en a, ce moment-l ? Seront-ils eux

aussi menacs de disparition ? Certains scientiques considrentque lhumain, aprs avoir colonis la Terre, pourrait trouver reugesur dautres plantes capables de laccueillir. Des chercheurs, no-tamment de la NASA, rfchissent ainsi aux possibilits de roxy-gnation de certaines dentre elles comme Mars, par implantationsur le sol de microalgues pouvant gnrer loxygne ncessaire audveloppement de ormes de vivant.

LB: Pour linstant, notre connaissance de lunivers et nos capa-

cits sy aventurer sont encore balbutiantesJR: Les grains dtoiles et de comtes, ainsi que les images ra-menes sur Terre grce aux prouesses que constituent les satelliteset les sondes spatiales, pourront certainement nous en dire plusCes abuleuses avances technologiques nous donnent les moyensdobserver lunivers tel quil est et non tel que nous pourrions pen-ser quil est. En eet, lorsque nous regardons le Soleil depuis laTerre, nous le voyons tel quil a t il y a 8 minutes. Nous voyonsles toiles telles quelles taient il y a plusieurs annes. Nous ob-servons les galaxies telles quelles ont t il y a des millions et desmilliards dannes1

LB : Un terrienne voit pas luni-vers tel quil est,mais tel quil at

JR : Lunivers

observable nestquune mmoirede lunivers. Queverrions nous sinous pouvionslobserver tel quilest linstant t terrestre ?...

La sonde amricaine Voyager 1, lance en 1977, estcelle qui sest aventure le plus loin dans lespace,audel de la sphre dinfuence du Soleil, appelelhliosphre. Aprs nous avoir communiqu desinormations sur les plantes croises (commeJupiter, Saturne, Uranus et Neptune) lors de son

priple de plus de 25 ans, cette sonde devientpionnire dans la dcouverte de cette immensit quinous entoure, encore non observe par les humains.(C. Jrme Fenoglio, Voyager 1 saventure au-deldu systme solaire , Le Monde du 28 septembre2005.)

En matire de voyages dans lespace, lun desproblmes qui se pose aux scientiques est le tempsmis par les diverses sondes pour eectuer leurspriples.

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1 Sylvie Vauclair, Quand la cosmologie reconstruit le temps et lespace, confrence donneau Grep-Mp en 2003, publie dans Parcours n 27-28, disponible ladresse http://www.grep-mp.org/confrences/CosmoVauclair.htm



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Se laisser inspirer par celles et ceux qui ont ten-t dapprocher lunivers

De nombreux penseurs occidentaux, philosophes, physiciens,

scientiques, artistes, ont peru lextraordinaire importance delunivers. Ils ont cherch le comprendre et concevoir le rap-port que nous pourrions entretenir avec lui . Sicle aprs si-cle, ils ont cherch et invent en esprant trouver, si ce nest unsens, tout au moins une harmonie densemble laquelle il seraitpossible daccder. Ils ont ait progresser les cadres de rrencede leurs poques successives. Leurs rfexions, dcouvertes et cra-tions montrent quil est possible de penser lunivers et den dve-

lopper une connaissance permettant lhumanit de poursuivretoujours plus consciemment son volution. Loin dtre purementintellectuelles, leurs dmarches sappuient sur lintuition et sur destentatives didentication cet espace inconnu an de percevoirce que pourrait y tre notre participation, et la manire dont laconscience des humains pourrait y tre rattache Nous souhai-tons que lesquisse que nous proposons prsent soit considrecomme une sorte de voyage au coeur de la pense et des question-

nements humains, tels quils ont merg en Europe particulire-ment, et plus largement en Occident. Les approches voques nesont encore pour certaines que des hypothses.

Dans quel monde vivons-nous ?Pourquoi est-il tel quil est ? Est-il ait pour nous ?JR: Le Tout, quest-ce que cest ? Cest rien. Et rien,

quest-ce que cest ? Je ne sais pas. Et nulle part, quest-ceque cela veut dire ? Je ne sais pas. Cest sans doute un lieu sansendroit. Ce dialogue, dont on attribue les rponses Einstein,tmoigne bien de la curiosit des humains lgard de lunivers quiles entoure, tout comme il souligne notre dicult lapprhen-der2. Au l du temps, les humains nont cess daner leurs outilsde comprhension. Ainsi, trs tt, la physique gomtrique a tentde mettre en vidence lquilibre du monde.

LB: Que nul nentre ici sil nest gomtre. On attribue Pla-ton cette injonction, crite au ronton de lAcadmie athnienne

environ 350 ans avant J.-C.

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2 Voir notamment Rda Benkirane, La complexit, vertiges et promesses, Le Pommier,2002 ; Jean-Claude Carrire, Einstein, sil vous plat, Odile Jacob, 2005 ; Jean Adouze,Michel Cass, Jean-Claude Carrire, Conversation sur linvisible, Michel Lafon, 1998.



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JR: Sa vision de lunivers est onde sur des sphres et des cer-cles. Elle rejoint celle dAristote. Tous deux partagent la mme in-tuition : le monde est harmonie, et cest cette harmonie quil aut

chercher.LB: Euclide labore de son ct une gomtrie trois dimen-sions : la largeur, la longueur et la proondeur

JR: Alors que, dans le mme temps, picure sintresse uneautre ralit terrestre, le temps : une question qui mobilisera nom-bre de philosophes et de physiciens au l des sicles. Aristote metquant lui lide selon laquelle le temps est la mesure du mou-vement . Prs de mille ans plus tard, Crescas, grand philosophe es-

pagnol jui du XIIe sicle, sappuyant sur le ait que nul ne sait queltype dhumanit sortira de lexpansion des connaissances scienti-ques une explosion qui vient sajouter lunit de la naturevoguant vers lunivers , suggre comme orientation prioritairede rfchir la signication de lexistence de lunivers, en diu-sant le plus largement possible les savoirs. Dans cette perspective,sintresser laventure de lunivers, tenter de le concevoir, cestnous comprendre nous-mmes.

LB: Cest bien cette curiosit que nous devons toujours davan-tage dvelopper

JR: Je suis rapp par le ait que ces questions ne nous interpel-lent pas davantage, ne assent pas partie de notre quotidien, denotre grille de lecture du monde. On se situe l aux croisements dela physique, de la mtaphysique et de la philosophie. Se question-ner dans ces domaines me semble tre de nature nous permettrede recentrer le dbat sur la question de lhumanit et de son ave-nir dans un cadre beaucoup plus large que celui qui est le ntre

actuellementLB:Un moyen de nous dsgocentrer, de nous dplantari-

ser, deectuer une prise de recul radicale en vue de se donner lesmoyens de penser autrement

JR: Au XVI sicle, Copernic indique que lunivers est consid-rer comme un ensemble de sphres clestes centres sur le Soleil.Ralli au systme hliocentrique de Copernic et grce lemploide la lunette en astronomie, Galile rvolutionne lobservation de

lunivers. Il dcouvre en particulier le relie de la Lune, les princi-paux satellites de Jupiter, les phases de Vnus et la prsence dtoi-les dans la Voie lacte.

LB: Le tribunal de lInquisition lobligea se rtracter, une rac-tion qui signe lobstination des humains reuser de remettre enquestion leurs certitudes, particulirement lorsque le maintien de



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ces certitudes leur permet dasseoir leur pouvoir. lpoque, lepouvoir religieux voulait continuer de diuser lide selon laquellela Terre tait xe et tait le centre du monde.

JR: Comme le dit si bien Edgar Morin, lesprit humain rsiste lintelligence de la pense complexe . Quoi quil en soit, au XVIIesicle, toujours dans les suites de la pense copernicienne, Keplermet bien en vidence la nature elliptique des orbites et les lois dumouvement des plantes.

Newton, aprs la Renaissance, contribue introduire la gomtriealgbrique dans la physique, lastronomie et la cosmologie. Il meten vidence la loi de la gravitation, quil pense universelle.

LB: Est-elle si universelle que cela ?JR: Un saut est ranchi quand, au XIXe sicle, nous parvenons la dcouverte des gomtries non euclidiennes, qui dpassent lestrois premires dimensions, ce qui permettra lintroduction de les-pace-temps. Albert Einstein, en 1905, avec lnonc de la relativitrestreinte

LB:E = mc2JR:montre la possibilit dun univers ni mais sans rontire

ni bordure. Albert

Einstein avait trapp ds sonplus jeune ge parlexistence de loisde la nature jusquedans les phnomnes les plus anodins de la vie courante. Son dsirde connatre lunivers na jamais cess de se renorcer. Il se repr-sente lui aussi un univers harmonieux, qui pourrait jouer le rle du

grand unicateur de la nature et dans lequel les diverses ormationssuccessives du vivant, jusquaux socits humaines, pourraient seretrouver . En 1919, il pose le principe de la relativit gnrale :les deux matriaux en sont toujours lnergie et la matire,mais elles sont lies lespace-temps, lui-mme courb. Selon lui, lagravitation nest plus une orce centripte comme larmait la loiuniverselle de la gravitation de Newton ; elle est la consquence dedormations gomtriques de lespace-temps lies la prsence

de masse et dnergie.LB: Le cosmos pourrait-il ressembler un mille-euilles , untissu ayant de multiples dimensions

JR: Il apparat ds lors que la cosmologie rpond aux lois dela gomtrie relativiste. On pressentait que lharmonie recherchetait lie au concept et la ralit de la symtrie. Celle-ci volue

E = mc2 : lnergie (E) = la masse (M) multiplie parla vitesse de la lumire (C) leve au carr (soit 300000 km/s au carr). quation qui nous dit que lamatire nest autre que la masse conde parlnergie .



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prsent en une su-per-symtrie

Le oisonnement du XXe sicle conduit la thorie duGrand Tout

JR: Au cours du XXe sicle, plusieurs thmes nouveaux appa-raissent. La radioactivit est rvle par les travaux de Pierre et Ma-rie Curie. Cette orce active dans la matire vient sajouter cellesqui avaient dj t mises en vidence : la gravitation et les orceslectromagntiques. La connaissance de ces orces est dcisive pour

une meilleure comprhension de lunivers dont nous sommes issus.La notion que nous avons du temps connat pour sa part un ren-versement, lorsqueIlya Prigogine pro-pose la notion dela fche du temps.Il invite consid-rer deux temps :celui de la physi-

que et celui perupar le vivant, quise caractrise parune orientation etune ralit irrver-sibles.

LB : Se pourrait-il ainsi que lespace et le temps fuctuent, lchelle microscopique comme lchelle macroscopique ? Y a-

t-il dirents temps ? Cela signierait-il que toutes les particulesnvoluent pas dans le mme temps ?

JR : La thorie quantique propose lide dune ralit voile,selon lexpression du physicien Bernard dEspagnat3. Elle introduitde nouveaux types despaces dans lunivers tout en proposant leprincipe de non-sparabilit.

LB: Rien nest isol. Ce principe de non-sparabilit, ramen lchelle humaine, nous invite penser en termes dinterdpen-

dance et de coresponsabilit, entre humains, mais galement aveclenvironnementJR : Aujourdhui, la physique thorique aboutit des

La cosmologie est ltude scientique de laormation de lunivers et de son volution.La cosmogonie est la thorie mythique expliquant laormation de lunivers et de certains objets clestes.

Lunivers est le terrain dexpression de quatreorces bien distinctes : linteraction nuclaire aible (radioactive). Elle agitdans linniment petit et elle permet des changementset des transmutations de particules ; linteraction nuclaire orte. Elle tend avoriser lastabilit des assemblages nuclaires ;

la gravitation. Elle attire les corps les uns vers lesautres et dtermine larchitecture de lunivers ; la orce lectromagntique (lectricit, lumire,ondes radio). Tous les phnomnes lectriques,magntiques, mais aussi chimiques, sy rattachent.

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3 Bernard dEspagnat, Le rel voil, Fayard, 1994.



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propositions trs direntes quant ce quest lunivers et lamanire dont il onctionne . Les divergences sont nombreuses.Certains voient dans la thorie du Grand Tout, qui propose un

univers onze dimensions, la possibilit dune rconciliation.Cette thorie rencontre aussi de nouvelles orientations, dont cellede la thorie des cordes qui explore lexistence de sortes dobjetsmultidimensionnels, les branes, qui volueraient comme desmduses entre plusieurs eaux, des niveaux que notre perceptionne peut atteindre. Deux de ces branes se seraient rencontres,heurtes, lune matrielle, lautre immatrielle, donnant naissance lunivers

LB: Cette vision, que daucuns qualient dailleurs dabsurde,nest pas loin, tout au moins dans sa reprsentation symbolique,du Yin et du Yang de la pense taoste chinoise du minin et dumasculin Deux dynamiques direntes et complmentaires qui,selon certaines approches mystiques, sont la base de la crationde lunivers

JR : Certains thoriciens des cordes parlent aujourdhui dununivers 26 dimensions ; des astrophysiciens comme A. Lindeaboutissent la conception dune infation chaotique de lunivers ;

dautres voquent une nergie dite noire qui, agissant telle uneorce antigravitationnelle, acclrerait lexpansion de lunivers.Elle conduirait lenvol lemporter sur la chute4

LB: Elle permettrait la pomme de Newton deectuer un mou-vement non pasvers le bas, maisvers le haut !Lunivers serait-il

un terrain de jeuen mouvement otout et son contrai-re se rencontrent ?

JR: On dbouche de ait sur des caractristiques nouvelles delunivers. Et, alors que la vision dEinstein prsentait un univers sta-ble, sans dilatation, il semblerait bien que ce soit un autre phno-mne qui se produise. Les nouveaux modles que propose la re-

cherche scientique inversent radicalement nos visions du mondeet de lespace. Ils interpellent notre imaginaire, notre conscience etnotre intelligence.

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4 Michel Cass, Lunivers envol, Odile Jacob, 2004 ; Michel Cass et Jacques Paul, LeRoman de la matire noire, Odile Jacob, 2006.

Lnergie noire composerait 70 % de lunivers. Un jeu permanent dattraction et de rpulsion se joueentre cette nergie noire et la matire qui, elle,constituerait 30 % de lunivers, ce qui contribuerait lexpansion de lunivers. Cette nergie est-elledu vide ? Du aux vide empli de particules nonencore connues ?



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Linfniment petit : les neutrinos et autres questions surla matire

JR: Le monde de linniment petit interroge les chercheurs toutautant que celui de linniment grand. Ils peroivent aujourdhuiles liens entre la matire et lantimatire, ses changements dtats.Il est ainsi possible, dsormais, de aire jaillir, grce un laser degrande intensit, de la matire partir du vide. Alors, quest-ceque la matire ? Les champs de dcouvertes dans linniment petitdeviennent immenses , et les perspectives oertes par les tra-vaux dans ces domaines sont dores et dj prodigieuses. Prenons

lexemple du neutrino : il semblerait que le neutrino puisse sex-primer la ois dans la matire et dans le vide, lune pouvant setransormer en lautre, et rciproquement. Certes, les neutrinos nesont pas les seules particules se crer partir du vide

LB: Plus concrtement, quest-ce quun neutrino ?JR : Les neu-

trinos sont desparticules lmen-taires, singulires

et invisibles. Leursignication, ainsique celle dautresparticules lmen-taires, est encoremal connue. Leneutrino ait par-tie des direntes

particules qui com-posent la matire.Il a allu, avant dele dcouvrir, ima-giner de toutespices son exis-tence pour justiercertains rsultats

thoriques de laphysique.LB : Comme

cela avait prc-demment t le caspour des lments

En juin 2004, linitiative du Collge de France, sesttenue une conrence internationale sur la physiqueet lastrophysique du neutrino. Les journalistes Jean-

Franois Augereau et Stphane Foucard se sont aitlcho de cet vnement dans Le Mondedu 16 juin2004.Cinq sources de production des neutrinos sontactuellement envisages.On distingue : les neutrinos qui viennent des toiles, et enparticulier du Soleil, produits en quantit par lesractions de usion nuclaire qui entretiennent leureu ; les neutrinos terrestres, issus de la radioactivitnaturelle de notre plante ; les neutrinos des humains, ruits de lactivitindustrielle (centrales nuclaires) et de lorganisationhumaine elle-mme (puisque le corps humainconstitue une source de radioactivit bta, lepotassium 40) ; les neutrinos atmosphriques, qui naissent delinteraction des rayons cosmiques avec les atomes delatmosphre ; quant aux neutrinos issus du big-bang, leur existence

est prvue en thorie mais leur nergie est si aiblequils nont pour lheure jamais t aperus.Un neutrino est produit quand un neutron setransorme en proton avec mission dun lectron.Lastronomie neutrino permet de voir des phnomnesextrmement violents qui ne sont accessibles ni autlescope optique, ni aux inrarouges.



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chimiques dont on pouvait prvoir quils sintgreraient dans laclassication priodique des lments tablie par Mendleev

JR: Lexistence des neutrinos a t mise en vidence en 1956,

leur oscillation en 1998. Leur nombre dans lunivers est si grandque celui des grains de sable du dsert du Sahara ne surait pas en donner une image. Chaque seconde, des dizaines de milliardsde neutrinos rappent le moindre centimtre carr de la Terre et,par voie de consquence, traversent nos corps sans que nous ensoyons apparemment aects. Quel rle jouent-ils dans lvolutionde lunivers ? Quel impact ont-ils sur notre orme de vivant ? Quelleinfuence ont-ils, eux ou dautres particules lmentaires cousi-

nes , sur nos quilibres biologiques et notre sant ? Quoi quil ensoit, ces lments sinsrent dans lunivers, ils sy meuvent. Ils ontpartie de son aventure et de la ntre.

Lunivers nous questionneEt cest ainsi que plus la connaissance avance, plus les questions

se posent. Cest un dpassement perptuel de la raison par elle-mme , selon lexpression de Gaston Bachelard, que nous sommesconvis.

LB: Toutes ces avances scientiques, thories et hypothses,aussi rjouissantes ou tonnantes soient-elles, nous rappellent quenous ne savons pas grand-chose : ni de lorigine du vivant sur laTerre

JR: On sait prsent comment sont apparues les premiresmolcules organiques. Il est possible de les reproduire en laboratoi-

re. Mais de nombreuses questions restent eectivement poses.LB:Ni de lespace qui nous entoureJR: et dont nous sommes issus. On sait par exemple peu de

choses sur les trous noirs, sorte de puits sans ondLB: Un dbat anim a lieu sur la possibilit que ces trous noirs

disposent de leur antithse : les trous blancs ou ontaines blanches.Pour les denseurs de cette hypothse, gure plus saugrenue quecelle des trous noirs lorsquon navait pas encore admis leur exis-

tence, le passage allant de lun lautre permettrait de voyagerdans un mme univers, ou de passer dun univers lautre. Cer-tains conoivent ainsi la possibilit dutiliser des trous de ver, sortesde portes vers les toiles permettant de se propulser, presqueinstantanment, dune dimension lautre de lunivers, commelavaient imagin en leur temps les auteurs de science-ction. Peut-



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tre rencontrerons-nous au cours de uturs voyages interstellairesdautres ormes de vivant intelligent

JR: Lhypothse de telles dcouvertes est trs srieusement po-

se par lexobiologie, un champ de recherche transdisciplinaire quitudie les possibilits dexistence de ormes de vivant dans luni-vers. Rien nest exclure

Cependant, comme le souligne le philosophe Hans Jonas, quoiquil puisse y avoir lextrieur, cest bien ici que se dcide notredestin, [] et avec lui tout ce qui se trouve li ce lieu, arrive entrenos mains, et peut tre trait ou trahi par nous. Ayons-en le sou-ci, comme si nous

tions eective-ment seuls danslunivers5. Laquestion qui sepose est celle denotre responsa-bilit au regardde laventure duvivant laquelle

nous participons.Nous ne devonspas reiner notreimagination, no-tre intuition, maisen mme temps ilsagit de raisongarder .

LB : Alorsque savons-nousaujourdhui rai-sonnab lementde linormation ?Certains armentquelle disparatdans les trous noirs.

Dautres quelle est conserve. Quel rle joue-t-elle dans lunivers,aux cts de la matire et de lnergie ?JR : Ce dbat a notamment mobilis Stephen Hawking. Le

Lunivers et ses lois ne cessent de stimuler linlassable

curiosit des scientiques. Ainsi en est-il des loisqui rgissent le rapport entre la matire etlantimatire, ou encore entre les ondes et lesparticules.Aprs avoir montr que les particules se maniestentsoit en interactions localises, soit comme des ondesen mouvement, il a t possible de vrier que lamatire se comporte, dans certaines conditions,comme une onde. Plus la matire est lourde, plus salongueur donde est petite. Cest ainsi que llectron,

plus lger que le noyau de latome, prend plus de place car sa longueur donde est plus grande.Considrant que la physique quantique est cellequi sintresse au caractre ondulatoire desparticules, il en rsulte que nous entrons avec elledans lunivers des champs quantiques : dans cetunivers, il ny a pas despacesqui soient vides dechamps. Le champ est une sorte dther, un substratmatriel qui transmet des tensions et des vibrations, limage des vagues de la mer ou dune corde enmouvement. Les champs quantiques sont rgispar les caractristiques des ondes, croiss desprobabilits qui les rendent trs diciles saisir :cest le principe dincertitude .Une des grandes questions qui se posent aujourdhui la physique quantique est la mise en videncedes liens qui la relient la gravitation. Peut-tretrouvera-t-on, dans cette voie de recherche, desexplications sur les mystrieux trous noirs

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5 Hans Jonas, volution et libert, Bibliothque Rivages, 2000.



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physicien David Bohm parlait quant lui de lin-ormation, signiantpar l quelle joue globalement un rle dans la mise en orme dela matire. Elle est certainement signiante et agissante dans

lunivers. L encore, un vaste de champ de recherche est ouvertIl croisera peut-tre celui de la thorie quantique des champs6.Lexprience permet aujourdhui de vrier cette thorie. Ce nestdonc pas tant sa vrication qui peut prsent poser problme,que son interprtation. Les espaces de recherche qui souvrent sontsi grands que, si nous ny prenons garde, la porte sera ouverte toutes les propositions, des plus srieuses aux plus divagantes. Necessons pas de nous merveiller et de questionner le rel, mais tout

en intgrant ces questionnements un projet lucide au service dudveloppement de la orme de vivant que nous sommes.LB: En dautres termes, sortons hardiment des sentiers battus,

tout en nous mant des illusions

2. Avancer en conscience

Lunivers est bien lespace o stendent les nouveaux territoires explorer. Il est le terrain de dcouverte des nouveaux pionniersde linconnu que nous pouvons devenir. Son volution dynamiquenous a dots au l des millnaires des outils dont nous avions be-soin pour toujours mieux le comprendre et nous comprendre : lamobilit, la main, le langage, la sexualit, la raison, la sensibilitAujourdhui, cest la conscience, cet outil encore mystrieux austade actuel de nos connaissances et ace auquel nous ne sommesencore que des apprentis humains, que nous devons apprendre toujours et mieux utiliser. Il en va de la survie de lhumanit.

Entre linniment grand et linniment petit :lhumain

Plac entre linniment grand et linniment petit, le type devivant que nous sommes na cess dvoluer dans son rapport lenvironnement. Cette volution est aible lchelle dune vie,ou mme dune gnration. Elle est observable sur un temps bienplus long. Tout se passe comme si les poussires dtoiles dont noussommes issus se rorganisaient progressivement, proposant par l-mme de continuer donner des ormes nouvelles au vivant, plusconscientes delles-mmes

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6 Ervin Laszlo, Science et champ akashique, Ariane, 2005



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tresoiJR: En matire dvolution de lhumain, il me semble essentiel

dvoquer notre systme immunologique. Son rle est de dendrelorganisme vivant contre les agents trangers. Exprim duneautre manire, ce rle est de reconnatre le soi du non-soi, delaccepter, de le reuser ou encore de le temprer. Il nous individualiseet nous permet de nous dissocier des autres organismes vivants.

LB: Est-ce lui qui donne la acult de dire je , de se sentirexister en tant que personne dirente de lautre ?

JR: Il y contribue ortement au niveau biologique. Ce systme

poursuit continuellement son volution, une volution qui conduit la modication, au l de lhistoire, des relations que nous entre-tenons avec notre environnement, avec les autres et avec nous-mmes. Ce qui me semble important de comprendre l, traverscet exemple, cest quau-del de nos querelles pour ou contre danstous les domaines de la vie en socit, nous sommes le produit delaventure du vivant, qui dpasse bien des gards notre intelli-gence limite du moment.

LB: Lappropriation de ce constat permettrait de modrer nos

croyances et de dvelopper notre humilit. Il invite prendre durecul par rapport nos quotidiens terre terre . Mais commentsest droule, travers le temps, lvolution humaine ? Commentsest-elle opre ?Quest-ce que laconscience ?

Lmergence

et le rle de laconscience

JR : Nous som-mes nombreux ne pas tre dac-cord avec toutesles consquencesde la thorie de la

slection naturelleque propose Char-les Darwin, notam-ment avec le prin-cipe selon lequellespce qui survit, et qui pourrait tre qualie de meilleure ,

En attribuant un rle ondamental au phnomnede fexion de los sphnode, la thorie dAnneDambricourt-Malass ouvre de nouvelles perspectivesen matire dvolution humaine. Lhominisation

travers les ges ne serait plus seulement due lancessit de sadapter au milieu externe, notammentau climat, mais galement, et peut-tre surtout, unedynamique interne propre aux tissus embryonnaires.Ds les premires publications scientiques de cettethorie, certains nodarwinistes se sont levs contreelle, tandis que les nocrationnistes y voyaientl, au corps dendant de la paloanthropologue,un argument en aveur dun dessein intelligentprogramm. Entre scientisme et idologies religieuses,

il est de la responsabilit thique des scientiques depoursuivre leurs recherches en veillant chapper toute infuence ou rcupration dogmatique...(Pour en savoir plus : http://carpediemcom. ree.r/dambricourt.htm)



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est celle qui est la plus adapte lenvironnement. Une lecturerapide de lvolution vue sous cet angle pourrait justier entreautres lesprit de comptition, les comportements guerriers. Mais

nous devons reconnatre que ce grand naturaliste du XIXme siclea ait avancer de manire exceptionnelle la rfexion sur lvolu-tion humaine. En posant les bases de la possibilit dune volutiongnralise, de latome la matire, de la matire la vie et lhomme, et de lhomme la socit, il nous a obligs nous ques-tionner davantage. Dautres chercheurs nont cess et ne cessentde poursuivre les recherches en ce domaine.

LB : Notamment la paloanthropologue Anne Dambricourt-

MalassJR : Selon ses travaux rcents7, un processus (tudi sur deuxou trois mille ans) dinfexion progressive de la ceinture cervicalesphnode, cet os situ en haut de la colonne vertbrale, auraitavoris le processus dhominisation et louverture progressive dela conscience. Ce type de thorie est clairant. Mais en dduire,comme le ont notamment les partisans du dessein intelligent ,un quelconque dterminisme quant lvolution de la consciencehumaine serait un raccourci bien trop rapide et une extrapolation

sans ondement. De manire gnrale, en matire de comprhen-sion du vivant, il me semble vident que nous devons viter tou-te approche tant scientiste, que rductrice et univoque, et opteren permanence pour une lecture complexe et multicausale. Nousavons encore dcouvrir dautres lments qui entrent en jeu dansce processus de conscience dont lveil progressi, au l des mill-naires, a, cest incontestable, de quoi nous tonner, si ce nest nousblouir.

LB : Nest-ce pas le dbat du rapport entre la science et laconscience qui samorce l ?

JR : Le questionnement scientique, qui remet en cause lescroyances, me parat salutaire pour le dveloppement de la connais-sance.

Particulirement lheure o certains, notamment aux tats-Unis, ocialisent lenseignement du nocrationnisme, prsentcomme lexplication de lapparition et du dveloppement de la

vie sur Terre. Heureusement, dans le mme temps, lenseignementdun dessein intelligent pilotant le destin de lhumanit et rsultantdune intelligence suprieure, a t jug anticonstitutionnel dans

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7 Anne Dambricourt, La lgende maudite du vingtime sicle : lerreur darwinienne,Dernires Nouvelles dAlsace, 2000.



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ltat amricain dePennsylvanie endcembre 2005.

Ce qui a conduitle journaliste AlainSalles titrer un ar-ticle dans Le Mon-de : Darwin batles nocrationnis-tes8. En matire dapprhension de la conscience, nous devons lencore raison garder .

LB: Et donc nous appuyer sur lesprit scientiqueJR : Le biologiste amricain Antonio-R. Damasio9 montre quele processus de conscience est moins marqu par le raisonnementet les connaissances que par les motions, qui elles-mmes orma-tent les sentiments et conditionnent alors ce que nous nommonsla raison

LB: Raison que nous pensons trop souvent inaillible et quinous conduit porter des jugements sur tout ce qui relve des ac-tivits et des choix humains, de la culture la politique, en passant

par lconomiqueJR: motions, sentiments et raison sous-tendent nos compor-

tements, quils paraissent rationnels ou irrationnels. Ces trois dy-namiques sont troitement mles. Il semble bien quon ne puisseles dissocier. Dans un registre proche, Derek Denton10, qui a ondses travaux sur la comparaison entre les ormes de conscience chezlanimal et chez lhumain, montre combien lveil de la consciencese retrouve depuis les toutes premires ormes du vivant. Ce pro-

cessus de conscience joue un rle considrable dans lvolution decette mme conscience.

LB: Comme si, dune certaine manire, le vivant conscient setransormait lui-mme, dans un processus rfexi Do lexpres-sion de conscience rfexive.

JR: Ce chercheur met en vidence que les motions primordia-les, tels la aim, la soi, le besoin dair, le besoin sexuel, jouent unrle considrable dans les tats de conscience. Elles se mlent aux

Le nocrationnismeest une doctrine dinspirationreligieuse, selon laquelle les animaux et les plantes ontt crs isolment par espces xes et immuables.

Le nocrationnisme soppose lvolutionnisme,un terme scientique qui regroupe lensemble desthories transormistes expliquant lvolution desespces au cours des ges par des variations, oupar des mutations alatoires, soumises la pressionslective du milieu.

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8Le Monde, 22 dcembre 2005.9 Antonio-R. Damasio, Spinoza avait raison, traduit de lespagnol par Jean-Luc Fidel,Odile Jacob, 2005..10 Derek Denton, Les motions primordiales et lveil de la conscience, Flammarion,2005.



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sentiments, la cognition, la volont et au jugement de aonextraordinairement complexe. Dans la perspective dj voquepar Henri Laborit11

LB: Ce biologiste prcurseur et parois iconoclaste a largementcontribu enri-chir nos connais-sances relatives auonctionnementdu cerveau et auxcomportementshumains en situa-

tion sociale. Il amis en lumire lesdterminismes etautomatismes aux-quels nous sommessoumis

JR:et que lesrecherches actuel-les permettent de

conrmer. Dans laperspective djvoque par HenriLaborit, donc, De-rek Denton sug-gre que lespritqui, au l de lhis-toire a t si long-

temps tenu pour lesujet incorporel detoutes les acultspsychiques, et sisouvent spar ducorps qui labrite,ne saurait tre uneentit part enti-

re. Alors, en dni-tive, lesprit est tout simplement ce que ait le cerveau . Ou plus

Mystres et complexit de la conscience humaine :comment se crent ses lments constitutis et quelest son mode daction ?Si les termes conscient, prconscient etsubconscient sont de plus en plus courants, bien malin qui pourrait dire ce quils renermentexactement et o se situent leurs rontires etzones dinteraction. Freud et ses successeurs ont

considrablement clair lOccident, mme sil estregrettable que les propositions avances par lapsychanalyse aient t trop souvent analyses souslangle rducteur des pulsions. C. G. Jung a largicette approche en proposant les notions dinconscientcollecti et darchtypes.Mais dautres lments, nombreux, participentcertainement lmergence et lvolution de laconscience et sont prendre en compte dans sacomprhension :

donnes scientiques, dune science qui doittre toujours anime de lesprit du doute et dutemporaire ; donnes lies la pression de lenvironnement et linfuence de la matire qui nous entoure ; donnes lies notre histoire ontogntique ; lempreinte des motions vcues ; linfuence de la culture et, spciquement, lescritiques philosophiques ormules depuis desmillnaires sur ce quest ou nest pas la conscience,ainsi que les attitudes et les rfexions des autres .La conjugaison de ces dirents lments conditionnenos images mentales, notre langage, nos rves, nosreprsentations, qui leur tour rtroagissent surnotre conscience, dans un processus rfexi. Pourcoordonner ces multiples lments, lapprochedexploration la plus conde doit conjuguer latransversalit, la transdisciplinarit, la complexit,ainsi quune vision en arborescence, et non linaire,des processus dvolution.

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11 Parmi les nombreux ouvrages dHenri Laborit, citons : La nouvelle grille, Gallimard,1986 ; Lloge de la fuite, Gallimard, 1985.



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largement dirais-je : la pense est ce que ait le cerveau.LB : Nest-ce pas l une vision trs appauvrissante de la pen-

se, de lesprit et de ltre humain ? Jai du mal accepter dtre

rduite mon seul cerveau et aux processus qui sy droulent. Jeme sens plus proche de la proposition du biologiste et neurologueFrancisco Varela, selon lequel la notion de dualit entre le corpset lesprit na vraiment, la longue, plus de sens. Lesprit nest pasautre chose que le corps en mouvement. Parmi les scientiques,nous sommes presque tous daccord pour armer lunit de lmeet du corps. La grande question prsent est de savoir commentcette unit se ait12. Ce chercheur poursuit en rappelant que la

mthode scientique exige que la recherche scientique soit ren-due publique, ouverte vrication. Or lexprience subjective est,par dnition, prive et nest donc accessible qu lanalyse per-sonnelle. [] Les scientiques devraient donc crer une nouvellescience de la conscience o la subjectivit nest ni rduite, ni occul-te, mais centrale13 .

JR: Il est vident que la subjectivit joue un rle central dans lesprocessus que nous voquons. Le philosophe et psychanalyste FlixGuattari, reusant le dualisme conscient-inconscient de lapproche

reudienne et toutes les oppositions manichistes qui sensuivent,a tout particulirement insist sur ce point. Dans la perspective quitait la sienne, qui consistait aire transiter les sciences et lessciences sociales des paradigmes scientistes vers des paradigmesthico-esthtiques, [il armait que] la question nest plus de sa-voir si linconscient reudien ou linconscient lacanien apporte unerponse scientique aux modles de la psych. [] De aon plusgnrale, on devra admettre que chaque individu, chaque groupe

social vhicule son propre systme de production de subjectivit in-consciente, cest--dire une certaine cartographie aite de represcognitis mais aussi mythiques, rituels, symptomatologiques, par-tir de laquelle il se positionne par rapport ses aects, ses angois-ses, et tente de grer ses inhibitions et ses pulsions de toute sorte.Ainsi notre question aujourdhui nest pas seulement dordre sp-culati, mais se pose sous des angles trs pratiques : est-ce que lesmodles de linconscient, qui nous sont proposs sur les marchs

de la psychanalyse conviennent aux conditions actuelles de produc-tion de subjectivit? Est-ce quil aut les transormer,en inventer de

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12 Francisco Varela, Quel savoir pour lthique ? Action, sagesse et cognition, LaDcouverte, 1993.13 Rda Benkirane, La complexit, vertiges et promesses, op. cit.



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nouveaux? [] Comment soprent les modications dun modede pense, dune aptitude apprhender le monde, environne-ment en pleine mutation?14 Avec Gilles Deleuze, Flix Guattari

a opt pour un inconscient superposant de multiples strates desubjectivation Nous pouvons prsent aller encore plus loinen intgrant lide que la connaissance de lhumain et celle de saconscience ne peuvent tre spares de celle de lunivers.

LB: Notre inconscient et notre subjectivit seraient limage delunivers, multidimensionnels Nous serions donc bien des treshologrammatiques, comme nous le suggre la pense complexepropose par Edgar Morin. Lunivers nous contient et nous en som-

mes une partie, partie qui contient le tout, tout en tant distinctspar la orme, la culture, la conscience... Il peut paratre dicile des esprits cartsiens de parvenir se percevoir la ois en tant que partie dun tout contenant elle-mme le tout .

JR : Le physicien danois Niels Bohr, prix Nobel en 1922, sin-terrogeant sur le lien entre, dune part, la conscience, et, dautrepart, ce que nous nommons le rel , tudi par la physique etla chimie, pose ainsi la question : Comment, avec une part deralit qui commence avec la conscience, celle ci peut-elle sajuster

cette autre partie qui est dcrite par la physique et la chimie ? Jean Piaget, de son ct, invite percevoir le lien, selon lui vi-dent, entre notre conscience rfexive et lunivers dans son ensem-ble : Lunivers nest connu de lhomme quau travers de la logi-que et des mathmatiques, produits de son esprit. Mais il ne peutcomprendre comment il construit la logique et les mathmatiquesquen studiant lui-mme psychologiquement et biologiquement,cest--dire en onction de lunivers entier15.

LB: La connaissance de lunivers nourrit la connaissance de soi,et rciproquement

JR: Je me sens trs en accord avec lapproche dHenri Atlan16,biologiste et philosophe. Il y a pour ce chercheur une continuitindiscutable entre le monde physique et le monde du vivant. Laspcicit de ce dernier tient la complexit de son organisation. La vie nexiste pas , arme Henri Atlan en reprenant la phrase

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14 Flix Guattari, fondateur de lcosophie, extrait de larticle Des subjectivits, pour lemeilleur et pour le pire, revue Chimres. Lintgralit du texte est disponible sur le sitehttp://www.revue-chimeres.org/pdf/15 Cits dans Jacques Robin, Changer dre, Le Seuil, 1989, p. 22116 Voir notamment Henri Atlan, Les tincelles de hasard, tome 1 : Connaissancespermatique, Le Seuil, 2003.



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clbre du grand biologiste hongrois Szent-Gyrgy. Autrement dit,elle nest pas plus ici, sur Terre, quailleurs, dans lunivers lui-mme.Pour lui, un dterminisme est bien loeuvre et ne laisse aucune

place au libre arbitre individuel, ce dernier ne devenant quunconcept intellectuel vide de sensLB: Ne serions-nous alors que des robots obissant des lois

naturelles que nous subirions en toute ignorance ?JR : Des lois quil est possible de dpasser, tout comme notre

connaissance de la gravitation na rien chang lexistence de cetteorce, mais elle nous a permis daller sur la Lune. Henri Atlan pro-pose dadopter, linstar de Spinoza, lthique de la libre ncessit,

qui conjugue au quotidien une thique de la responsabilit et dela libert. Atlan rejoint Spinoza quant une possible connaissanceintuitive dite du troisime genre, laquelle il est possible daccderau prix dun eort intellectuel et dune discipline de vie inhabituels notre poque contemporaine.

LB: Cette proposition se rapproche des approches mditativeset mystiques qui visent accrotre la conscience de soi, en lien aveclunivers

Sens ou non-sens ? Vers une approche transhumanisteLB: Plus il y a de rponses, plus les questions se posent. Lune

delles demeure constante : quel est le sens de tout cela ?JR: Carl Gustav Jung nous propose une rponse : Ce monde est

plein de bruit et de ureur et en mme temps dune beaut divine.Croire que lun ou lautre est vrai, du sens et du non-sens, cestlaaire de chacun. Si le monde devait ntre nalement que non-sens, nous perdrions de plus en plus, en progressant dans notre vie,

le sens mme de la vie. Tel nest pas le cas, du moins je ne le pensepas. Le plus probable est que, comme toujours en mtaphysique,lun et lautre sont vrais. La vie est sens et non-sens la ois. Ouencore : elle a du sens et du non-sens. Dans mon angoisse, je gardeespoir, en n de compte, cest le sens qui lemportera17.

LB: Loptimisme de Jung, que je partage, nest pas une attitu-de vidente a priori. Lhumain, perdu dans cette immensit questlunivers, est constamment conront labsence de rponse la

question de Leibniz : Pourquoi y a-t-il quelque chose plutt querien ? JR : Interrogation que lon retrouve chez le peintre Gauguin,

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17 C. G. Jung, Ma vie, Gallimard, 1982.



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qui intitule ainsi lune de ses plus importantes toiles : Do ve-nons-nous ? Que sommes-nous ? O allons-nous ? . Et lon a puajouter avec une pointe dhumour : Do vient ltoile ? O va le

chien ? .LB: Nous, les humains, qui nous considrons comme la orme devivant la plus labore sur Terre, pouvons ainsi nous sentir envahispar la ameuse angoisse dite existentielle

JR : Cette angoisse na cess dalimenter lternel dilemmeentre immanence et transcendance : sommes-nous le produit duneaventure exclusivement terrestre, qui a la particularit de senrichirdelle-mme ? Ou sommes-nous le produit dune nature autre ,

extrieure ce monde matriel, la perception immdiate quenous en avons ?LB : Lmergence de ce questionnement et nos tentatives de

rponse individuelle ne devraient pas constituer un problme. Cha-cun a en eet le choix et le droit de rpondre sa manire, partirde sa propre rfexion et de son exprience.

JR : Ce serait compter sans les systmes de croyances qui, aucours de ces derniers sicles et millnaires, se sont empresss dap-porter aux oules une rponse collective ce qui ne peut tre

quune conviction personnelle. Ils ont enerm nos esprits dans undogmatisme strile allant jusqu un extrmisme aveugle et rava-geur. La science sest prise trop souvent au pige du scientisme,alors que, dans le mme temps, la spiritualit sest enerre dansles systmes religieux.

LB: Dans les deux cas, lhumain senerme dans les croyances. Ilen dcoule le rejet de lautre et lagressivit

JR: Entre dogmatisme et ondamentalisme, nous en constatons

aujourdhui les eets sur toute la plante. Michel Cazenave18, rejoi-gnant les thses des philosophes mdivaux, propose une positionintermdiaire et non binaire, de nature sortir de limpasse. Il nousinvite penser lunit comme principe, et la dirence comme ex-prience concrte. Il dveloppe ainsi le concept de la transcendan-ce immanente, dans laquelle la recherche de sens suit deux voies :celles des maniestations perues par la science et celles peruespar le spirituel, sans quil y ait obligatoirement dquivalents en-

tre elles. En ce qui me concerne, jai prcdemment propos desorienter vers limmanence lucide et active19LB:Quelque chose de plus, de dirent, ne peut merger que

sil y a simultanment lucidit et action_________________________

18 Michel Cazenave, La science et lme du monde, Imago, 1983.19 Jacques Robin, Changer dre, op. cit.



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JR : Limmanence lucide et active permet douvrir en perma-nence la rfexion des connaissances nouvelles tout en vitant ladrive vers des orientations qui ne seraient plus envisages que de

manire hermtique, piges par les certitudes, sans ondementset orcment phagocytes par les motionsLB:Comme le besoin dtre reconnu, le dsir de contrle, la

peur daccder sa propre autonomie, la croyance en son incapa-cit dy parvenir

JR: Limmanence lucide et active correspond une posture quise situe au-del des deux extrmes que sont la transcendance ac-tive, dveloppe en Occident, et limmanence passive, propre

lOrient. Bien que ce dcoupage soit par trop caricatural, je propo-se de poser lide selon laquelle la transcendance active a alimentla croyance que, au nom dune nature suprieure, il tait possible lhomme de matriser, de soumettre ce qui serait sa nature in-rieure, matrielle et physique. Croise avec la notion dlu parDieu, cette croyance, entretenue par les religions monothistes, aconduit lordre moral occidental, aux hirarchies de pouvoir etau sentiment de toute-puissance qui anime ceux qui en occupent lesommet. Limmanence passive, quant elle, dveloppe vis--vis dela nature une attitude tout autre : il sagit de ne pas la provoquer,de ne pas la der. Pour ce aire, composons avec elle, laissons-l en paix . Des milliards dhommes, de emmes et denants ontpay et payent encore cette manire de penser : aim, maladies,mort prcoce Mais cest surtout, in ne, vers la proposition dAr-mand Petitjean que je pense utile dorienter la rfexion.

LB : Armand, que certains nommaient le sage des Cven-nes

JR: Interroger la nature pour la dpasser sans la dtruire, vi-vre non seulement en symbiose mais en progression volutive avecelle. La nature ne connat pas elle-mme son propre : on pourraitdire, en gardant lesprit le risque de la personnier et de lui pr-ter des intentions qui nous conviennent, quelle cherche son sens travers lHomme. Cette conception se prterait la ondation dunnouvel humanisme, voire dune religion nouvelle, o lHomme neserait plus prsent comme un tre programm, mais comme une

tte chercheuse de lunivers, sujet dun double processus : celui dela cration et celui de la conscience la limite, bien que ce nesoit pas sans risque dincomprhension, il y a un terme que je pr-rerais celui dhumanisme qui serait transhumanisme. Il nousaut toujours regarder au-del de notre culture pour dcouvrir la



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nature et en chercher le sens20. LB: lheure o la Terre est devenue un village plantaire, ces

propos nous invitent regarder au-del de notre culture. regar-

der vers et partir de lunivers. En acceptant dtre surpris par lesdcouvertes que nous eronsJR : Prenons cependant des prcautions dans lemploi du mot

transhumanisme. Car, depuis lmergence rcente des nano-tech-nologies, ce terme dsigne prsent pour certains la capacit delhumanit voluer en se saisissant des prouesses technologi-ques

LB: Le transhumain deviendrait ainsi un homme bionique, na-

no-gre Rien ne dit quil en acquerra davantage de conscien-ce.

La suite de laventure humaine : le risque in-quitant de jouer aux apprentis sorciers

Hier, notre rapport la Nature tait un repre solide pour lac-tion humaine. Nous tions tacitement daccord pour prserver uncertain ordre naturel. Nous avions un respect inaltrable pour la

Nature, comme lillustrent les propos de Francis Bacon : On necommande la Nature quen lui obissant. Aujourdhui, en mmetemps que lhomme tend sa capacit daction grce aux percesscientiques, il eace les anciens repres, sans que de nouveauxsoient proposs. Il en est ainsi des manipulations sur le vivant, per-mises notamment par les nanotechnologies, la biologie de synth-se et la biomtrie. Leurs applications ne sont pas sans voquer lemonde de Big Brother. Elles nous placent aux conns de la ma-tire et de limmatriel, de lanim et de linanim, de lnergieet de linormation, du naturel et de larticiel. On sait que cesmanipulations ne sinscrivent pas dans une logique dterministe,o la cause produit un eet, mais dans une dynamique alatoire.La situation actuelle est earante : nous manipulons le vivant danslignorance de ce que nous aisons et de ce qui va en rsulter. Lesapprentis sorciers que nous sommes devenus agissent sans mmesavoir ce quils sont eux-mmes, ce quest la vie, quel en est le sens,et sil y a un sens. Cette rtroaction de lunivers sur lui-mme, par

lintermdiaire de lhomme, seectue dans la plus totale incons-

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20 Pour un humanisme clair , extrait dune interview dArmand Petitjean ralise parArmen Tarpinian pour la Revue de psychologie de la motivation, no 15, 1er semestre1995, et reprise pour partie dans le no 40, 2006.



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cience et mconnaissance.

Les nanotechnologies

LB: Nombreux stonnent de notre manque de recul vis--vis delimpact que les nanotechnologies pourraient avoir sur laventuredu vivant. Selon eux, les questions de ond sont vites : est-ce queces innovations et promesses associes rendront la vie meilleure ?Pour qui ? Qui contrlera lutilisation des nanotechnologies ? Dansquel but21 ?

JR: Comme leur nom lindique, les nanotechnologies, en pleineexplosion actuel-

lement, se dve-loppent lchellenano, cest--dire celle du milliardi-me de mtre, troismille ois moinsque le diamtredun cheveu. Il se-rait plus judicieux

dailleurs dvo-quer lensembleNBIS, qui ouvre lavoie un conti-nuum entre na-nosciences - bio-logie de synthse- inormatique

neurosciencescognitives. La na-no-ingnirie, quiconsiste incorpo-rer dans les corps ordinaires (y compris les tres vivants) des na-no-objets leurs conrant de nouvelles onctionnalits, conduisentdj la abrication de nano-machines. Dans les suites de la pensedu cybernticien Norbert Wiener, certains imaginent quil est envi-

sageable de abriquer des nano-robots intelligents qui donneraientainsi naissance une vie articielle dote des deux onctions ma-jeures du vivant : voluer et se reproduire. Selon le spcialiste de

Lensemble NBIS ore des perspectives immensesavec la mise notre disposition de produits couvrantde nombreux champs des activits humaines, dutransport llectronique en passant par le textile,la sant ou les cosmtiques. Cest au Canada quecet ensemble a t particulirement explor. LeCentre de biothique de lUniversit de Torontoa ainsi ralis en 2005 une tude sur lapportpotentiel des nanotechnologies dans les paysen voie de dveloppement. Les applications les

plus prometteuses portent sur les dix domainessuivants : production, stockage et transormationdnergie ; amlioration de la productivit agricole ;traitement de leau ; diagnostic mdical ; systmes dedistribution de mdicaments ; production et stockagede la nourriture ; traitement de la pollution de lair ;construction ; suivi mdical ; dsinsectisation. (Source:Futura Sciences.)Citons galement les travaux de Pat Roy Mooneyraliss en lien avec des organisations de la socitcivile. En Europe, ces tudes ont t actives

notamment par Vronique Kleck, Dorothe Benoit-Browaeys et bien dautres.

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21 Le n 47 des Cahiers du MURS, intitul Nano, promesses et dbats , dresse sur cethme un tableau complet de la situation et des questions qui se posent.



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lintelligence articielle Ray Kurzweil22, nous devrons alors inven-ter pour les humains un systme immunitaire contre les nanotech-nologies . En dautres termes, il sagira dinventer de gentils

nanorobots qui sauraient nous dendre contre les mchants .LB: Ces technologies pourraient-elles un jour tre en mesure deprendre le dessus sur lhumanit, de la diriger ?

JR: Avant denvisager cette possibilit qui nest pas carter, ily a l, selon moi, un premier risque norme : celui de la pntrationdun contrle permanent des vies prives, contrle rendu possiblepar un suivi autonome de nos aits et gestes. En tout tat de cause,cette pntration va sacclrer dans les annes qui viennent une

trs grande vitesse

23

.LB: Sans compter, par ailleurs, que ces avances technologiquesdmultiplient les possibilits oertes par les dcouvertes biologi-ques

JR: Avances technologiques et biologiques se condent. Ainsien est-il de la rcente localisation, dans des tissus humains, de cel-lules souches totipotentes issues de la priode embryonnaire

LB: Totipotentes ?JR: Cest--dire des cellules capables de ormer les tissus es plus

divers selon linduction quelles subissent. La culture de ces cellu-les a dj permis de produire des tissus musculaires et cardiaques.Depuis peu, il est galement possible de recrer du tissu crbral.Associe une meilleure comprhension du onctionnement denos penses par le dveloppement de limagerie crbrale et lesscanners mission de positrons, lintroduction de ces tissus danslorganisme ouvre des perspectives tonnantes daction sur le cer-veau lui-mme

LB: Les grandes nations dveloppes telles la Chine, le Japon,les tats-Unis, le Canada, lAngleterre, la France, lAllemagne, lAus-tralie se saisissent de ces dcouvertes nanotechnologiques.

JR: Elles y consacrent chacune des budgets de plusieurs milliardsde dollars par an. Lintrt vident du complexe militaro-industrielpour ces dcouvertes soulve dj linquitude. Globalement, cestravaux sont en droit de nous alarmer24Tout comme devraient

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22 Ray Kurzweil, The Singularity is Near, Viking Books, 2005. Citations extraites delinterview ralise par Michel Ktitareff, Les chos, 25-26 novembre 2005.23 Voir le rapport de Jean-Pierre Dupuy et Franoise Roure, Les nanotechnologies :thique et perspective industrielle , Conseil gnral des Mines, Conseil gnral destechnologies de linformation, section Innovation et entreprise, novembre 2004 etHoward Rheingold, Les foules intelligentes, Odile Jacob, 2005.



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nous alerter les avances dans le domaine de la biologie de syn-thse

La biologie de synthseJR: La biologie de synthse radicalise ce qui se aisait dj avec latransgnse et/ou avec la recombinaison de gnes : elle prpare lacration dorganismes vivants entiers et celle de onctions biologi-ques nouvelles. Lesapplications lies ces recherches semultiplient.

LB : Plus prci-sment ?JR: La biologie

de synthse propo-se ni plus ni moinsque la conceptionde systmes bio-logiques de novo,cest--dire de

neu, pour crer detoutes pices du vi-vant caractris,nous lavons djsoulign, par deuxprocessus majeurs :voluer et se re-produire partir

de molcules chimiques. En utilisant des programmes complexes,que les processus vivants excutent comme autant de onctions na-turelles

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Lurgence de La Metamorphose