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chasseurs de Luzow
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Anonyme. Revue des questions historiques. 1924 . Janv..
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REVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES.360
II
L'ALLEMAGNECONTRENAPOLÉON
LES CHASSEURS DE LÛTZOW <«
Au milieu des guerres de l'Epopée, parut un descendant des
farouches Branni, Louis-Adolphe-Guillaume, baron de Lûtzow,
né à Berlin le 18 mai 1782 (2). Ce fut un reitre besogneux, sans
scrupules, et cruel à la manière du Wende. Au Mittelmark, son
quartier, l'invalide Hauss assura sa première éducation militaire.
Nourri des légendes germaniques, il crut, un temps, à l'exis-
tence de Frédéric Barberousse, qu'on disait vivant dans une
caverne de Souabe. Imaginatif, le jeune Louis aurait voulu être
Mark Graf sous le règne du premier Othon même seigneur de
Trenck, celui qui conspirait contre son roi.
N'ayant pas été reçu cadet, on voulut bien l'incorporer, en
1795, dans la Garde prussienne. Rude métier de recrue qu'il eut
à mener. Cinq années d'exercices et de parades passèrent avant
qu'il n'obtînt la ceinture d'enseigne. Un longue paix le désole.
Quand la reine Louise eut fait décider la guerre de 1806, le major
Lûtzow, associé aux fanfaronnades du prince Louis, prit la tête
d'un escadron du Reizenstein-cuirassiers et le mena jusqu'aux
champs d'Auerstaedt. II y rencontra des adversaires qu'il mépri-
sait la veille. Sa troupe fondit sous les projectiles. Davout, victo-
rieux, vit fuir les légions prussiennes, à l'heure où Napoléonfaisait sabrer, devant Weimar, les régiments d'Hohenlone.
Oubliant ses devoirs dei soldat, quand la Prusse était envahie,
humiliée, Lûtzow ne songe plus qu'à assurer sa propre sécurité.
Il quitte l'uniforme, se fait voyageur, erre çà et là, loin du canon
d'Eylau et de Friedland, entretient particulièrement des haines
contre le Welche, et comme l'ancien Bructère, délogé autrefois
(1) D'après les documentsfrançais et allemands.(2) Biographiesallemandes.
L 'ALLEMAGNE CONTRE NAPOLÉON 361
de ses forêts, le major attend le moment favorable de rentrer au
service.
Blücher obtient, en 1807, qu'il soit nommé « capitaine à la
suite ». Donc, rétrogradation qui punit le déserteur. Un an plus
tard, les fonctions de major lui sont rendues. Une question,
laquelle peint le barbare, lui revient sans cesse aux lèvres
Quand recommencerons-nous la chasse à l'homme a
Schill (1), qui passe à Kolberg et qui recrute les exaltés, vou-
lant et pouvant, disait-il, couper les routes sur les derrières de
la Grande Armée, voit Lûtzow se ranger parmi ses volontaires.
L'aventurier, qui joue le Spartacus, se voit battu, traqué, pour-
suivi. Il succombe au bord de la Baltique. Son premier lieu-
tenant, blessé à Dodendorf, quitte l'habit militaire, revêt la
houppelande du paysan, se plie aux besognes rurales, afin
d'échapper aux coureurs de l'armée française.
Aux instantes prières de sa famille, un emploi lui est accordé
en 1811. Recruteur et instructeur d'une petite garnison, il va
suivre le cours des événements. Lützow assiste aux séances d'un
Tugenbund, demande vengeance à exercer contre l'envahisseur
de sa patrie, écrit à Stein, sollicite que lui soient confiées des
missions secrètes, rêve d'insurrections et de massacres. Il se
pousse. Voilà sa déclaration, faite à Scharnhorst, l'organisateurde la revanche prussienne. A d'autres généraux, il promet de
seconder, d'une audace portée jusqu'à la furie, les hommes ayant
juré, avant ou après lui, de concourir, tous moyens employés,à la libération du territoire allemand.
On le voit se montrer ostensiblement à Breslau quand, aux pre-miers mois de i8i3, Frédéric-Guillaume III y tient sa cour. Il
qualifie d'York, qui a traité avec les Russes « un grand
patriote ». Il demande un poste à l'avant-garde des coalisés. Il
obsède, tantôt de ses demandes, tantôt de ses plaintes, le roi qui
fait enquêter sur son compte. Scharnhost avait déjà informé le'
prince royal « C'est une espèce de fou qui peut faire de grandes
choses ». Encouragé, Lützow reçoit, mais secrètement, la mis-
(1) Ferdinand de Schill, né à Sotthof, en Silésie, l'an 1773.Colonel,ilquitte Berlin le 10juin 1809(et non en 1806,ainsi que l'indique la Biogra-phie portativeuniverselle)avec 400cavaliersdu régiment des hussardsdeBrandebourg,se dirige vers l'Elbe pour forcer les garnisonsfranco-westpha-liennes.Poursuivipar le généralGratien, il est tué à Stralsund. Ses soldatsfurent envoyésau bagne de Brest.
362 REVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES.
sion de lever en Silésie un corps de volontaires (î). On le qua-
lifie « Monsieur le baron. »
Lûtzow veut réunir les anciens auxiliaires de Schill et les
anciens cavaliers du-fameux Brunswick-Oels (2). Ces contingents
rassemblés, on pourra les grossir d'étudiants affiliés aux Frères
de la vertu. Projet dont l'exécution ne peut se réaliser entière-
ment. Le major ne peut embaucher que 56 hommes en trois
semaines. « Donnez-moi des cosaques, les plus hardis », écrit-il
au général russe Wittgenstein. Un dédaigneux silence le porte à
colérer. Homme d'expédients, il prend la résolution d'enrôler
les rôdeurs, de ramasser les prisonniers évadés. L'uniforme (3)
va- couvrir ces reîtres dignes des anciennes bandes féodales.
Kotzebue aurait pu écrire ce dialogue Le sergent de la légion
Lützow, à son subordonné. De quel pays es-tu? Je n'ai pasde patrie. Que sont devenus tes proches? Ils sont morts
au bagne. Quel fut ton dernier domicile? La chaumière
isolée du paysan homme que j'ai tué, pour le dépouiller.
Que viens-tu chercher dans nos rangs? Un vêtement, le pil-
tage, la fête du ventre. As-tu lu la proclamation de notre
roi (4) P Je ne sais pas lire.
Se plaisant à suivre les chemins tracés, Lûtzow, à qui le géné-ral Bülow, chef militaire de Berlin, vient de fournir un batail-
lon d'infanterie, reprend l'ancienne route que tenait Schill. Le
bas Elbe passé le i3 mai, sous Domitz (5), la nuit, entre des postes
français, le major de Petersdorf et le capitaine de Heilmenstratt,
premiers auxiliaires du baron, passent en revue 1.400 hommes
d'infanterie et 34o cavaliers. Dans le Hartz, au pied du Blaksberg,et dans le Spessart, braconniers et contrebandiers se joignent aux
(1) 17 mars 1813.
(2) Chef de partisans, en 1809, il avait marché sur Dresde, pour forcer
les Saxons à abandonner l'alliance de Napoléon.
(3) Ces volontaires recevaient un uniforme vert foncé, dont la coupe
était analogue à celle du corps auquel ils étaient rattachés et dont ils tou-
chaient la solde. (Avant-propos du Carnet de campagne du capitaine von
Colomb).
(4) Cette proclamation commençait ainsi « A mon armée. Vous avez
témoigné bien souvent le désir de combattre pour la iiberté et l'indépen-
dance de la patrie. Le moment est venu. Il n'existe pas un Prussien qui
ne soit pénétré de ces sentiments. La jeunesse accourt de tous côtés, ainsi
que des hommes faits, pour prendre volontairement les armes. Leur action
généreuse trace votre devoir. La patrie demande que vous réalisiez ce que
vos frères s'offrent de faire. » (Arch. nlM, A. F., IV, 1690).
(5) Poursuivi par les troupes de Vandamme.
L'ALLEMAGNE CONTRE NAPOLÉON 363
volontaires (i). Les défaites de Lützen et de Bautzen ne sont pas
communiquées à ces hommes, et tard l'armistice de Plesswitz.
On en forme 3 bataillons et 4 escadrons, lesquels s'accordent des
titres pompeux Chasseurs de Lutzow Volontaires de la Ven-
geance Frères guerriers. Même des sous-titres Bergknappen de
Rottenburg Volontaires de l'Altmark Tirailleurs de Mecklen.
burg Loups saxons. Leur drapeau, jaune et noir, portait en
lettres rouges Pour la délivrance de l'Allemagne. A ces gens
d'aventures, le poète Koerner avait donné un chant de guerre (a)
I. Notre grande armée a disparu dans la tourmente du com-
bat. Pour défendre l'approche des foyers allemands, le paysana saisi le mousquet ou la fourche. L'ennemi a nommé bri-
gands et aventuriers les pauvres Germains qui osent lui résister.
Mais l'habitant sorti des forêts s'est promis la vengeance.Des compagnies se sont formées. Et l'on voit sortir des forêts
des rangs noirs et sombres. Et le cor résonne dans les vallées.
Habitants des bourgs, vous demandez quels sont ces noirs
compagnons qui volent au combat? C'est la chasse sauvage,la chasse guerrière de Lùtzow.
II. Qu'est-ce qui court dans le feuillage des bois
Qu'est-ce qui s'élance de montagne en montagne ? Silence
c'est l'embuscade nocturne. J'entends un cri de hourrah, et
la fusillade éclate. Ils tombent, les soldats mercenaires de la
France. Et quand vous demandez quels sont ces noirs chas-
seurs. C'est la chasse sauvage, la chasse guerrière de Lützow.
III. Des bras noirs et robustes fendent le fleuve et sai-
sissent la rame ennemie. Et quand vous demandez quels sont
ces noirs nageurs. C'est la chasse sauvage, la chasse guer-rière de Lützow.
IY. Qu'est-ce qui meurt, à la lumière du soleil, couché surun lit d'ennemis palpitantsP La mort s'empreint dans les
convulsions de sa figure et menace ses compagnons. Mais les
braves n'ont pas peur de la grimace de la mort. Ils n'ont pat»
peur, la patrie est sauvée. Et quand vous demandez quels sont
ces noirs mourants. C'est la chasse sauvage, la chasse guer-rière de Lützow.
(1) Papiers de Jean Bon Saint-André,préfet de Mayence.Communiquéspar M. Bockenheimer.
(2) Supplémentde l'Observateur autrichien, du 10 septembre 1813.
REVUE DES questions HISTORIQUES.364
V. C'est la chasse sauvage, la chasse allemande aux bour-
reaux et aux tyrans.- Ne pleurez donc pas nos morts. 0 vous
qui nous aimez, ne pleurez pas. La patrie est libre et l'aurore
de la liberté touche à son midi. Qu'importe que' nous ayons
payé cela de notre sang. On dira de siècle en siècle C'était
la chasse sauvage C'était la chasse guerrière de Lützow.
Le Tyrtée allemand, un illuminé, s'était engagé parmi les
chasseurs.
Des forêts qui ont couvert, pendant quelques jours, leur sécu-
rité, ils vont sortir, afin d'aller prendre une position militaire
sur la Saale. D'une grande mobilité, leurs compagnies passent,
la nuit, du canton d'Halberstadt vers le Sud. Leurs coureurs
coupent les chemins d'Erfurt, pillent Oelnitz, près de Bayreuth,et peuvent frayer au gros la route de Plauen. Rôdeurs nocturnes,
qui évitent le combat loyal avec une troupe rangée. Prétexte
avoué « Nous avons reçu la mission de surprendre les convois,
de faire en tous lieux la guerre de guérillas. » Dans ces affaires,
leurs risques étaient réduits et leurs profits certains.
De leur incursion au bord de l'Elster, en vieille Misnie, chez le
prince de Reuss, alors général au service français, le premier
administrateur de Gera rendait compte, le 16 juin (i)
« Dimanche passé, le 13 de ce mois (2), à sept heures et demie
du matin, il parut devant notre ville un officier prussien (3),
avec un détachement du corps franc de Lûtzow il surprit les
trois soldats du contingent de Reuss qui étaient de garde à la
barrière, les désarma et se rendit au grand galop jusqu'au bureau
de la place. Informé qu'il y avait là des gendarmes français, il
occupa tout de suite l'auberge du Cheval d'or où ils étaient
logés, en prit trois avec deux chevaux, leur équipage et celui
d'un autre gendarme qui était en sauvegarde à la poste. Après
cela, l'officier demanda du fourrage pour 4oo chevaux quidevaient arriver tout de suite pour bivouaquer hors de la ville,
et deux voitures transportèrent le fourrage du magasin au
bivouac. Dès qu'il eut reçu ces deux voitures, il y mit les pri-
prisonniers et leurs hardes et s'éloigna au plus vite.
« Aussitôt prévenu, je me rendis auprès de l'officier pourl'avertir de l'armistice qui avait été conclu le 4 du courant à
(1) Arch. Guerre. Correspondancedé l'armée d'Allemagne.(2) Juin 1813.(3) M.de Schmidt.
L'ALLEMAGNE CONTRE NAPOLÉON 368
Pksswitz(i) entre les puissances belligérantes, et je lui demandai
la restitution des trois gendarmes, des chevaux et des équipages
enlevés. L'officier soutint que son corps n'en était pas encore
averti officiellement et qu'on devait faire plutôt ces représen-
tations au major de Lûtzow qui devait arriver incessamment.
Quelque temps passé, sans que vînt ni le major ni son corps, le
commissaire des guerres Weissenborn alla sur-le-champ à Weida,
où les partisans s'étaient retirés. Il apprit que le major de Lützow
devait être à Plauen. II y partit et n'obtint qu'avec peine la
libération des prisonniers. »
Weissenborn a rapporté que les volontaires bleus, refusant
d'observer la trêve, lacéraient les affiches qui annonçaient l'ar-
mistice. Leur conduite était partout brutale et odieuse. Au
village de Dobia, une jeune femme, égorgée entre ses deux
enfants, avait subi les derniers outrages. Trois jeunes filles
sorties de Geritz, en promenade, avaient rencontré les hommes
qui escortaient le capitaine Petersdorf. Liées à des arbres, leurs
vêtements arrachés, ces vierges eurent à subir la lubricité des
cavaliers. Un vieillard qui, à Moderwitz, ne pouvait donner de
l'argent aux volontaires, était décapité et on brûlait le cadavre
avec la maison.
Dans la nuit du 4 au 5 juin, les volontaires de Lützow, cachés
au plus profond fourré du bois de Schwabhausen, avaient priscontact avec les coureurs du capitaine Colomb. Celui-ci avait,
le 29 mai, pris un convoi d'artillerie devant Zwickau. Pareil-
lement présomptueux, également hardi au risque-tout, les
deux condottieri allaient décider de marcher vers la Bohême,
afin de surprendre et capturer un corps saxon comptant 2.000
hommes (3). Ils passaient la Saale à Kahla, lei 5. Mais dans la
soirée du 6, une dispute amenait leur séparation. Von Colomb
marchait sur Ebmat.
Lützow se décidait à occuper Leipzig. Un négociant de cette
ville était son guide. Il croyait pouvoir facilement insurger les
habitants. Une fois maître de la ville, les Russes de Czernitcheff
devaient accourir. Avec leur aide, on chasserait les Français de
la Saxe on les mettrait entre le feu des partisans et celui de
l'armée russo-prussienne. Ses projets, imprudemment publiés,
(1) Non, mais le 5, à la demandedu roi de Prusse.
(2) Arch. Guerre. Dresde Opérationsde 1813.Kap. 11La. A.(3) Carnet de Colomb.Page 78.'
REVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES366
un espion bavarois, nommé. Frôhlich, allait les communiquer à
Napoléon qui fit prendre aussitôt des mesures de sûreté.
A Erfurt, le 16 juin, un ordre fut publié « Sa Majesté ordonne
qu'il soit de suite dirigé plusieurs colonnes d'infanterie et de
cavalerie sur les différents points où des corps de troupes
ennemies peuvent encore se trouver, afin de les traiter en
brigands s'ils persistaient à méconnaître les obligations qui
doivent leur avoir été imposées par l'armistice (i) ».
Même jour, le général baron Bertrand, commandant supérieurdu cercle de Leipzig, écrivait au major général Berthier
« D'après le rapport qui vient de me parvenir de Scbleitz, le
capitaine Colomb, partisan prussien, était encore le i5 du
courant à Neustadt. A la même époque, le major de Lützow était
à Plauen avec 800 chevaux. Ce dernier a dû se mettre en route
ce matin pour Gera, d'où on croit qu'il continuera sa route pourse rendre sur la rive droite de l'Elbe (2) ».
Le baron Castex, commandant à Chemnitz, renseigne aussi
Berthier « Lützow a cinq officiers, 28 cosaques allemands,
86 hussards prussiens, 64 hulans de la même nation et 408 déser-
teurs ou paysans, depuis un mois (3). Ces derniers sont habillés
aux frais du pays, en veste de chasse noire, avec une bordure de
laine, et portée en capote. Total 5gi, plus environ cent jeunes
gens de Berlin, sous les ordres de M. Colomb. Cet officier, faisant
son métier avec plus de loyauté que M. de Lützow, s'en est
séparé. Il était le i3 à Schleitz il marche sur Weimar (4). »
Refusant la prudence que conseillait Schmidt, Lûtzow,' mis en
fuite par la garnison bavaroise de Hof, prend la route de Zeitz
quand Arrighi, duc de Padoue, informé de ses mouvements,vient de former une expédition. Trois pièces d'artillerie légère,dont un obusier, vont appuyer ses opérations. Elle est aux ordres
du général Fournier, qui a pris pour second 1©général wurtem.-
bergeoisNormann-Ehrenfels(5).LeiducdePadouesait que Lützow
(1) Arch. Guerre. Corr. Gera était déjà occupépar 500hommes.,(2) Arch. Guerre.(3) « Presque toute l'infanterie de Lûtzowa déserté depuisqu'a été affi-
ché l'armistice. Ces hommesont peur d'être pendus. Ils désertent enbandes, chargés de leurs pillages, et ravagent partout. » (Arch. Guerre,Dresde).
(4) Arch. Guerre. Corr.(5) Le comte François Fournier-Sarlovèzecommandait la division de
cavalerie du 3ecorps. Normanncommandaitdeux régiments d'infanteriesaxonne.
L'ALLEMAGNE CONTRE NAPOLÉON 367
s'est placé dans la soirée du i5 devant Zeitz et qu'il se prépare
à surprendre, devant Leipzig, la porte de Weissenfels. Il entraîne
un millier d'hommes, après avoir enrôlé des déserteurs. En effet,
le 16, à deux heures du matin, son avant-garde veut passer
l'Elster pour se diriger sur Lûtzen. Un poste français arrête les
chasseurs. L'officier qui les conduit, se faisant parlementaire,
vient réclamer les bénéfices de l'armistice, afin que sa troupe
puisse cheminer librement et rejoindre l'armée prussienne.
Nous sommes des troupes égarées, dit-il, et non belligé-rantes.
Le chef de poste lui répondit
D'ordre du général Arrighi, demeurez dans votre camp,en attendant des instructions. Autrement, il en pourrait résulter
pour le major et pour ses troupes des suites fâcheuses.
Lûtzow croit que la garnison de Géra, formée le i4, va bientôt
paraître derrière son camp. Pour conserver sa liberté et entre-
prendre, malgré la trêve, quelques opérations militaires, il
consulte ses officiers qui, ensuite, vont haranguer leurs hommes.Il
décampe dans l'obscurité, passe l'Elster à Pegau et se dirige vers
Halle. Mais, à Kitzen, les troupes de Fournier, renforcés du
bataillon de la Marine, vont le joindre et arrêter. Le 18, de
Schonau, Fournier écrivait au duc de Padoue
« J'ai l'honneur d'adresser à V. E. le rapport détaillé qu'elle
m'a demandé sur l'affaire de Kitzen. Je partis hier matin à
dix heures de Leipzig avec i.ioo hommes d'infanterie, kio che-
vaux et 3 pièces d'artillerie. Je me dirigeai sur Pegau. Les
renseignemens qui me parvinrent sur la marche du corps de
Lfltzow me déterminèrent à changer de direction à une lieue de
Zuckau. Je fis reconnaître les gués praticables (i) et me portaisur Lützen avec rapidité. A Lützen, ni les magistrats, ni les
principaux habitants ne voulurent me parler de l'apparition de
l'ennemi dans le voisinage de cette ville (2). Il n'en était
cepeindant qu'à une lieue et demie et avait passé presque en
vue. Deux femmes (3), amenées par le maréchal des logis de la
gendarmerie, me firent un rapport, d'après lequel je jugeai que
(1) Du ruisseaude Markanstradt,au bord duquel Gustave-Adolphelivrala batailleoù il fut tué.
(2) Bourg plutôt, de 1.100habitants.
(3) De GrossGôrschen,devant lequel se livra, le 2 mai 1813,la batailledite de Liitzen.
REVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES.368
le corps de Lûtzow devait se trouver sur le point de Kitzen.
D'autres rapports, qui me parvinrent en même tems, du lieu-
tenant-colonel wurtembergeois commandant à Zeitz (i), quiavait suivi les mouvemens de l'ennemi, confirmèrent mes pre-mières conjectures. Alors, je marchai sur Kitzen, village à une
lieue et demie de Lützen et qui touche à ses plaines. Le général
wurtembergeoisNormann formait ma tête de colonne avec ma
cavalerie. Je lui prescrivis de s'avancer sur Kitzen et de le
dépasser.Je lui prescrivisaussi de répondre à tout parlementaire
qu'il ne commettrait aucune hostilité, mais que ses ordres étaient
d'entrer dans Kitzen et qu'il devait les exécuter. Il était huit
heures et demie du soir.
« Le major Lützow se présenta lui-même, se fit connaître,
demanda si on voulait reconnaître ou rompre l'armistice,
répéta cette question et ajouta qu'il avait déjà passé sans diffi-
cultés devant des troupes et des généraux français. Je répondis
que mes ordres étaient de reconnaître, respecter et faire respecterl'armistice conclu entre l'empereur Napoléon, mon souverain,
l'empereur Alexandre et le roi de Prusse, mais que ces mêmes
ordres, que je ne devais ni juger ni commenter, me prescrivaient,relativement au corps de Lûtzow, de « m'assurer de sa marche »
et de lui proposer de me suivre avec sa colonne jusqu'à Leipzigoù toute explication aurait lieu avec M. le duc de Padoue.
« Le major Lützow répondit qu'il prétendait passer où il
voudrait qu'il était libre sur ce point que si je mettais obstacle
à sa marche, il me combattrait. Je fis sentir à M. de Lûtzow let?
inconvéniens d'une telle détermination. Il se retira au galop
sur sa troupe rangée en ordre de bataille, en arrière de Kitzen,
et je marchai sur elle immédiatement sans faire feu.
« Au moment où le général Normann reçut l'ordre de se
porter sur le flanc gauche de la colonne de Lûtzow et d'atteindre
sa tête sans la charger, le major de Lützow fit faire feu sur le
général Normann qui, sans répondre à cette mousquetterie, se
jetta sur l'ennemi à coups de sabre. La mêlée fut sanglante,
opiniâtre, lorsque la vue du bataillon de la Marine qui s'avançait
au pas de charge, aux cris de « Vive l'Empereur », détermina
la fuite de l'ennemi qui partit au galop dans diverses directions.
Je poursuivis la plus forte colonne et j'entrai à minuit dans
(1) Sur la route de Pegau à Gera.
L 'ALLEMAGNE CONTRE NAPOLÉON 369
T. C, 1er AVRIL1924. 24
Knautnauendorf où -je fis bivouaquer ma troupe. Elle était
excédée de fatigue. Le bataillon de la Marine avait fait 14 lieues.
« Lûtzow fuit vers Mersebourg. Il a traversé la route de Leipzig
à Lûtzen à une heure du matin. Il a perdu 12 officiers et
70 cavaliers faits prisonniers 3o hommes tués le nombre des
blessés est considérable. Plus de cent chevaux sont tombés au
pouvoir de notre cavalerie (r). »
Dans ce combat livré la nuit, Wurtembergeois contre Prus-
siens, les premiers eurent cinq hommes tués et vingt-cinq blessés.
Lûtzow, qui avait juré de vaincre ou de mourir, put se dérober
aux coups, à la faveur des ténèbres. Son escorte, formant un
escadron, allait rencontrer, près de Mersebourg, les piquetsalertés du 2° lanciers. Nouvel engagement et nouvelle perte des
chasseurs. Ce qui a pu échapper prend le chemin de Dessau,
un paysan saxon lui servant de guide.Le 21, une estafette prévient Fournier que Lûtzow s'est caché
chez des laboureurs, près d'Orianenbaum. Il n'a plus que
i5o hommes de son corps. Cette troupe apeurée doit traverser
Maslau le 20, à trois heures du matin, et franchir l'Elbe à la
nage, vers six heures du soir, non loin de Worlitz. Deux barques
chargèrent les bagages des officiers qui se rendirent à Zerbst, y
purent rallier 7o cosaques et autant de hussards, tous découragés
et demandant à être licenciés. D'autres pelotons, isolés, vendirent
leurs chevaux, quittèrent l'uniforme et gagnèrent le refuge des
bois.
On avait conduit à Leipzig, le ig, neuf officiers, 318 sous-
officiers et soldats « qui ne chantaient plus La chasse sauvage »,
a écrit Pelet (2). On les faisait suivre d'une centaine de blessés
parmi eux se trouvait le poète Kœrner (3).La mauvaise foi prussienne devait verser des mensonges sur
l'affaire de Kitzen et la coalition, multipliant les pires exci-
tations contre Napoléon, devait vitupérer. Aussi La Gazette de
Berlin allait publier (4) l'information (?) d'un rédacteur
« Le i5 juin, le corps de cavalerie des volontaires de Lützow
se trouvait dans les environs de Plauen et de Hoff. On y apprend
(1) Arch. Guerre. Corresp.(2) Mémoires(Arch. Guerre).(3) A la prière de son père, employédu roi de Saxe, à Dresde, Arrighi
lui rendit la liberté.
(4) N° 75, du 24 juin 1813.
REVUE DES QUESTIONSHISTORIQUES.370
la nouvelle de l'armistice du 4 (i). Leur chef, le major de
Lùtzow, décida sur-le-champ de se retirer au delà de l'Elbe et
fit indiquer sa marche aux autorités militaires qui se trouvaient
à proximité de ses cantonnements, lesquelles voulurent bien
l'assurer qu'il n'avait pas besoin d"une escorte, qu'un commis-
saire de marche suffirait à conduire son corps (a). Il prit sa
roule avec ooo hommes et 100 cosaques par Géra (3),Zeitz et
Lützen sur Leipzig. Il arrive le 17 à Lützen. De cet endroit, il
envoie un parlementaire à Leipzig pour demander si son corps
devait traverser la ville ou la tourner (4). Il ne reçut pas de
réponse.
« Lorsqu'il attendait cette réponse, des corps de cavalerie
nombreux s'assemblaient près de Lützen, entre autres un
régiment wurtembergeois avec de l'infanterie, le tout formant, à
peu près 5.000 hommes. Le major de Lûtzow avait déjà, en par-
tant de Plauen, donné l'ordre que la plus rigoureuse disciplinefût observée, et qu'il ne fût commis aucun acte d'hostilité, et
même qu'on mît pied à terre en traversant les villes.
« Ces ordres sont renouvelés près de Iützen. Le major demande
quel est le motif du rassemblement des troupes de la Confédé-
ration (5). On lui répondit qu'il n'avait été opéré que pour assu-
rer sa propre sécurité, car elles devaient servir d'escorte (6). Mais
à peine son avant-garde eut-ella atteint l'extrémité d'un défilé (7),
que son arrière-garde fut surprise et tournée. Un coup de pistoletfut le signal d'attaquer. Quatre-vingts volontaires furent tués ou
blessés. Le reste fut surpris, trahi, coup6, et obligé de se
rendre, Ces hommes ayant tout perdu par le pillage (8), on les
conduisit à Leipzig pour les enfermer dans le Plessenbourg- (9).Le lendemain, un détachement du corps de Lützow, ignorant le
(1) Colomba écrit que lui et Lûtzowconnurentle 9 juin la signature del'armistice.(Carnetde route. Page 83).
(2) L'attaque de Hof, le 15,porte un démentiformelà cette assertion.
(3) Il passa à 2 kilomètresde cette place où des troupes se tenaient ensurveillance.
(4) Arrighi a déclaréqu'aucun émissairede Lützowne s'était présentéàLeipzig(Papiersde Pelet. Arch. Guerre).
(5) Confédérationdu Rhin.(6) Oui, pour se rendre à Leipzig.(7) Elle y était campéeà 7 heures du soir.
(8) En visitantleursbagages,ony trouvaquantité d'objetsvolésen Saxe,qui furent rendus, en partie, à leurs propriétaires.(Pelét.Aïch. Guerre).
(D)La château fort.
L 'ALLEMAGNECONTRE.NAPOLÉON 371
combat du 17 se présente- à la porte de la ville (t) et demande le
passage en acceptant les conditions que le commandant de la
place lui fait tenir de descendre de cheval, de passer à pied et
de rendre les armes. Ces hommes gardèrent leurs effets mais,
sans motif, il furent arrêtés et enfermés, comme leurs cama-
rades, au Plessenbourg.« Le duc de Padoue les informa qu'il avait fait son rapport à
l'Empereur et que leur sort serait décidé dans trois jours. Quatrevolontaires se sont échappés dans- la nuit du ig (a) ils sont arri-
vés heureusement à Berlin. C'est d'après leurs dépositions que ce
récit a été fait, en omettant quelques détails insignifiants, sur
lesquels ils diffèrent dans leurs dépositions. Il apparaît néan-
moins aux yeux que cet acte est une violation criante de l'armis-
tice, quelle qu'en soit la cause. Le corps des volontaires ne fut
pas sommé, à Liitzen (3), ]» se rendre. On ne lui a imposéaucune condition. Il fut surpris par félonie. On le força* par la
supériorité du nombre, par l'avantage des armes, par une attaque
imprévue.
« Aucune nouvelle n'est parvenue du major de Lutzow. D'après
des avis sûrs, il a pu se sauver. Les habitants de Leipzig se sont
montrés, en cette occasion, avec humanité et noblesse (4). Ils ont
secouru les malheureux, languissants. Nous sommes profondé-ment affligés d'avoir l'obligation d'apprendre à tant do braves
et estimables familles, dont le zèle patriotique s'est si bien mon-
tré, que leurs fils, leurs frères, contre toute attente, ont été sur-
pris comme des ennemis, pendant leur retour paisible dans leur
patrie et sont actuellement traités en prisonniers. Nous attendons
avec impatience le terme de trois jours. Dieu veuille que l'huma-
nité et la justice remportent enfin la victoire Le nombre des
prisonniers monte à deux cents hommes parmi eux se trouvent
onze officiers. »
Dans cette affaire de réguliers contre partisans, quelle matière
à protestations pour M. de Bülow, général commandant le 3° corps
(1) Aucun documentfrançais,aucunjournal saxonne mentionnentl'arri-vée de cette troupe.
(2) Dans la soirée, arrivèrent quelqueshommesdu détachementLut-
zow,qui s'étaient échappés,après avoir été faits prisonniers.Leurs récits,qui me paraissaientpeu vraisemblables,me poussèrentnéanmoinsà redou-bler de surveillance» (Carnet de Colomb.Page 87).
(3) Non, à Kitzen. Seul Lützowaurait pu en témoigner.
(4) Par leur complicité.
REVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES.372
prussien Pourtant, son exaltation ne se donne point un libre
cours. Mal informé, d'ailleurs, il prend des formes presque diplo-
matiques, en écrivant le 22 juin, de Berlin, au maréchal de Neu-
châtel (i).
« Monseigneur. J'ai l'honneur de présenter à Votre Altesse,
ci-joint, un procès-verbal dressé sur la déclaration de quatrechasseurs rançonnés du corps franc sous les ordres du major de
Lûtzow. Il est reconnu que, pendant la guerre, on se sert de tous
les moyens licites pour nuire à son ennemi, pour opérer dans et
derrière sa ligne d'opérations, pour interrompre ses communi-
cations, enfin pour lui faire le plus de torts possibles. Voilà les
raisons pour lesquelles le major de Lützow a été détaché si loin
en avant qu'il n'a pu avoir connaissance de la conclusion de
l'armistice que très tard, et encore par voye indirecte. Néanmoins,
le major de Lützow a, sur-le-champ, fait cesser toutes les hosti-
lités, s'est mis en marche pour rejoindre le corps d'armée sous
mes ordres et a fait même diriger sa marche par un commissaire
saxon. Après avoir eu connaissance que des troupes françaises
songeaient à l'attaquer, il a envoyé à Leipzig le capitaine de Kropfen qualité de parlementaire mais, à son grand étonnement, on
l'a gardé prisonnier. Il avait de plus, sous peine de mort, défendu
à sa cavalerie d'agir hostilement mais, malgré toutes ces pré-cautions à remplir strictement les articles du traité d'armistice,il a été attaqué insidieusement, forcé à céder à la supériorité et
emmené lui-même comme prisonnier.
(cJe suis fermement persuadé que Votre Altesse, comme moi,
sera révoltée d'une telle infraction de l'armistice qui vraiement
est sans exemple et contre tous les droits des gens et deila guerre.J'aime à me persuader que Votre Altesse fera examiner le plus
rigoureusement ce procédé ignoble et qu'Elle en fera un rapportfidelle à Sa Majesté l'Empereur, son Maître, afin d'obtenir une
satisfaction proportionnée à l'attentat mais je dois insister avant
tout et la prier de faire donner les ordres nécessaires pour quele major de Lützow et tous les détenus de son corps soient mis
sur-le-champ en liberté et rendus aux armées de mon souverain.
« Je dépêche aujourd'hui un courrier au Roi, mon Maître,
pour lui annoncer ce qui vient d'arriver. C'est à Votre Altesse à
en rendre les suites aussi peu fâcheuses que possible, et sûr
(1) Arch. Guerre. Corr.
l 'Allemagne CONTRE NAPOLÉON 373
qu'Elle le voudra, j'ose croire qu'Elle ne tardera pas un instant
à armer le porteur de cette lettre, le baron de Martens, d'une
réponse satisfaisante et analogue aux principes de justice et
d'équité que Votre Altesse a professés de tous tems. Sur ce,
je prié Votre Altesse d'agréer l'assurance de ma haute estime et
de ma considération distinguée. »
Nous avons pu copier à Berlin (i) la déclaration desdits volon-
taires, précédée d'un préambule.
« Procès-verbal dressé à Berlin, le 21 juin i8i3.
« Par ordre de S. E. M. le lieutenant-général de Biilow, com-
mandant le corps de troupes prussiennes, on a examiné, en pré-sence de M. de Weyrocher, commandé ad hoc, les militaires ci-
dessous, appartenant au parti franc de Lùtzow, nommément
1° le chasseur Frédéric-Guillaume Wurtzen, âgé de 20 ans, natif
de Berlin 2° le chasseur Edouard-Frédéric Klatsch, âgé de
16 ans, natif de Berlin 3° le chasseur Alfred de Thummel, âgéde 20 ans, natif d'Altenburg 4° lei chasseur Guillaume de
Sydow, âgé de ig ans, Poméranien natif, pour apprendre les
détails de leur captivité, ayant été faits prisonniers par les
troupes françaises, le 17 de ce mois courant, au soir, après la-
conclusion de l'armistice, et pour s'informer du traitement qu'ilsont essuyé contre le droit des gens et de la manière dont ils se
sont eux-mêmes délivrés. Toutes les personnes ci-devant nom-
mées ont donc en conséquence déposé ce qui suit, assurant queleurs dépositions étaient conformes à la plus exacte vérité.
Notre cavalerie faisait partie 3u corps du major de Lützow,
et commandée par cet officier, et à laquelle 1er capitaine de
Bornstadt était également employé, se trouvait le i3 de ce mois
à Plauen, non loin de Hoff, lorsque nous reçûmes d'un officier
saxon, qui était venu de Dresde à notre quartier général (2),
l'avis de la conclusion de l'armistice. Sur cette nouvelle, nous
rentrâmes tout de suite dans l'inactivité, et nous nous mîmes
en marche le i5 de ce mois, sous l'escorte d'un commissaire de
marche saxon (3), pour nous retirer et repasser l'Elbe. Nous
nous dirigeâmes sur Gera (4). voulant passer par cette ville
(1) Arch. de la Leipzigerstrasse.Les opérationsde 1813,en Saxe.
(2) Nouvellevariante.(3) On se garde bien de nommerce commissaire.
(4) L'adjudant-commandantCarrion-Nisasétait chef de la garnisondecetteplace.Il refusad'arrêterLûtzowet serépandit,plustard, en invec-
REVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES.374
il est vraisemblable que c'est en suite de réclamations françaises
que ce passage n'eut pas lieu, quoique des logements militaires
y eussent déjà été arrêtés pour nous. Nous tournâmes Gera et
logeâmes dans la petite ville de Langenberg, ce qui eut lieu le
ï6 de ce mois. Le 17, nous continuâmes notre route vers Leipzig
et entrâmes au bivouac dans le voisinage, de Gross-Gôrschen
pour nous reposer un peu. Voilà que notre major de Lützow
apprit d'un paysan que des troupes françaises armées de canons
étaient en marche et avaient envie de nous prendre. Les Français
n'étaient qu'à une demi-lieue de nous. M. le major de Lûtzow
partit pour les joindre et s'informer de leurs desseins. On nous
apprit qu'un colonel wurtembergeois, dont nous ignorons la
nom, mais qui se trouvait chez ces Français, assura sur son
honneur, à M. de Lûtzow, qu'ils n'allaient occuper qu'un village
voisin. Notre major revint donc à nous, satisfait de sa, com-
mission nous débridâmes nos chevaux et leur donnâmes à
manger. Le capitaine de Kropf dut se rendre, avec un trompette,comme parlementaire, à Leipzig (1), vraisemblablement pour yannoncer notre passage près de cette ville, mais il ne revint plus,et comme depuis nous l'avons su de lui-même à Leipzig, il a
été retenu et traité en prisonnier par les Français.
« Le même jour, environ vers les heures du soir, nous
vîmes tout à coup des Wurtembergeois marcher sur nous, et
nous reçûmes de suite ordre de remonter à cheval. Dès que nous
fûmes rangés et en marche, on nous signifia « Qua sous peinede mort il était défendu à chacun d'entre nous d'en user hosti-
lement à l'égard des Français, de tirer le sabre, et que, dans le
cas que nous fussions insultés, il ne nous était permis que d'en
porter plainte. » A la réception de cet ordre, on se remit en
marche, deux à deux et pas à pas, vers Leipzig où menait un
quai qui était entouré de tombeaux. Nous vîmes que la cavalerie
\vurterobergeoise nous suivait en flanc, d'une marche rapide,
qu'elle avait tiré les sabres pendant que nous gardions les nôtres
tranquillement au fourreau. Nous ayant dépassés et tournés dé
la sorte, un coup de fusil partit de son côté et tua un des nôtres
de l'avant-garde. A ce signal, on se jeta sur nous avec des cris
tives contre Napoléonqui avait refusé, étant à Dresde, çlelibérer-legch,jjs-seurs.
(X\Donc, après î'entrevue de I4ïtzawavecJe eororoaudantennemi.
r/AIXEMAONECONTRENAPOLÉON 373
de haurrah et on nous dit « Voulez-vous, canailles, obtenir le
pardon à mains armées ? »n
« Dans cette bagarre, une partie reçut le pardon, et n'en fut
pas moins maltraitée et dévalisée. D'autres tâchèrent à se
défendre d'autres furent rassemblés par le capitaine d'As-
chenbach et se retirèrent avec lui à Leipzig. Près de la ville, un
aide de camp du duc de Padoue nous rencontra. Le capitaine
d'Aschenbach lui porta ses plaintes de ce qui venait d'arriver
et se rendit avec lui auprès du duc, tandis que nous fûmes
avisés de rester, en attendant, hors des portes de cette ville.
Peu après parut, au lieu de notre capitaine d'Aschenbach, un
officier français avec une escorte celui-ci nous ordonna de dépo-ser nos armes, de descendre de cheval, et c'est ainsi que nous»
fûmes obligés de mener à la main en ville où, sous surveillance
et escorte, nous passâmes la nuit dans l'hôtel de Prusse.
« Le lendemain, iS de ce mois, on nous prit nos chevaux et
nous mena comme prisonniers au Château. Vers midi, nous
vîmes faire présent de nos chevaux et autres effets qu'on nous
avait enlevés en un mot, on nous traita tout à fait en prison-niers.
« Nous apprîmes de plusieurs prisonniers de notre corps, quenous rencontrâmes au Château, et de ceux qui furent pris succes-
sivement après nous, les mauvais traitements qu'on leur a fait
éprouver. On les a pillés, blessés et maltraités pendant leur
captivité. Même au Château, on a voulu nous dépouiller, ce qui,
heureusement, a été empêché par la garde.« Que de pareils traitements nous aient fait songer aux moyens
de notre délivrance, rien de plus naturel. Nous y réussîmes,
grâce à quelques amis et connaissances, et nous prîmes la route
de Worlitz, pour arriver jusqu'ici.
« Voilà tout ce que nous avons à rapporter. Voilà le traitement
que nous avons essuyé de la part des troupes françaises. Nous
n'avons rien changé à la vérité des faits. Nous nous attendons à
les voir exposés différemment de la part des Français mais tout
Leipzig, ville et cercle, peut témoigner que 'ont s'est passé' ainsi
que nous venons de le dire ce que nous sommes prêts à certifier
par nos signatures. «
Ces deux rapports prussiens, le communiqué du journal et
la déposition des quatre chasseurs, ne sont peint en accord par-fait. La Gazette place Lïïtzow en état de fuite. Bûlow affirmfe
376 REVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES.
qu'il est prisonnier (i). Mais pourquoi, étant libre et pouvant
communiquer avec Berlin, ne renseigne-t-il pas ses chefs? Il est
muet, quant aux conditions dans lesquelles le combat de Kitzen
fut engagé et plus tard il restera muet, par ordre sans doute.
Qui a le premier fait feu?a
C'est Napoléon qui interroge Berthier.
Normann (2), Allemand comme Lûtzow, écrit sous la foi du
serment (3) « Que le premier coup de feu est parti du pistolet
d'un sous-officier prussien homme qui avait crié vouloir passer
sur le corps des Wurtembergeois. Un de ceux-ci tombait de
cheval. Ses camarades, justement exaspérés, crièrent assitôt aux
chasseurs « Bas les armes » Huit ou dix coups de carabine
répondirent à cette sommation, quand le jour finissait (4).
Attaquées traîtreusement, les troupes d'escorte n'avaient plus
qu'à se défendre. »
Des rapports complémentaires devaient indiquer que, favo-
risée par un accident de terrain, l'aile droite des volontaires,
restée sourde aux excitations de Lützow, et composée de jeunes
gens, s'enfuit avec le capitaine d'Aschenbach, galope dans l'obs-
curité et bute sur un poste militaire qui couvrait la porte de
Weissenfels, s'arrête à la première sommation et se rend.
Quant au centre du corps de Lûtzow, rangé en bataille, il tira
le premier sur la cavalerie qui approchait. Il se battit coura-
geusement et put garder le terrain pendant vingt minutes, per-
dant la moitié de son effectif. Le major, prudemment placé à
l'arrière-garde, s'apeura au roulement des tambours du bataillon
de la marine, abandonna: sa troupe et fit galoper son cheval dans
la direction de Markanstradt. La droite se débanda aussitôt et
put gagner Knautnauendorf et rejoindre Lûtzow.
Le capitaine Bauer, un Wurtembergeois, a témoigné « que
cinquante fantassins ce qui restait des bataillons formés dans
le Hartz, après la désertion refusèrent de combattre, jetèrent
leurs armes dans un fossé et se groupèrent autour des fourgons
chargés du fruit des pillages, à qui la Légion noire donnait
(1) Mais les chasseursne l'ont pas vu au Plessenburg.Pourtant, tousles prisonniersse réunissaientchaquejour dans la cour.
(2) Officierqui, à Leipzig,le 18octobre,devait, devant Heîterbliek,pas-ser avecsa troupe dans les rangs des coalisés.
(3) Arch.Guerre.(4) Exactementà 9 heures du soir.
l'allemagne CONTRE NAPOLÉON 377
cette forme Réquisition patriotique, au nom de Sa Majesté
prussienne. Ils furent, sans difficulté, acheminés vers
Leipzig (i). »
Ainsi s'est terminé en Saxo la chasse guerrière de Lützow.
Mais le drame militaire, dont nous venons de percer les obscu-
rités, faites à Berlin, devait avoir un épilogue, comme au
théâtre.
M. de Martens se présentait à Dresde chez le prince de Neu-
châtel. Héraut de Bülow, il venait remettre un exposé partial.On le reçut dans les bureaux de l'état-major. Il fut entouré des
plus déférentes politesse. Mais, à l'accusation « des assassinats
de Kitzen », Lauer, grand çrévôt de la gendarmerie française,allait opposer des témoignages probants et prouver que Lûtzow
avait joué un rôle qui le mettait hors la loi « pour avoir pré-
paré, en plein armistice, une conjuration qui devait renouveler,à Leipzig, les Pâques véronaises de 1797. »
On avait saisi, le 23 juin, les fils de la conspiration. Le mar-
chand-libraire Gross, qui employait vingt-cinq colporteurs, devait,à l'arrivée de Lûtzow, leur offrir dîner et logement près de la
porte de Grimma. Les colporteurs se joindraient aux volontaires,
pour les guider. Dans la nuit, des postes de la garde nationale,
déjà gagnés, se joindraient aux Prussiens pour désarmer les
soldats d'Arrighi et appeler la population à l'insurrection. Deux
cents prisonniers, tirés du Château, renforceraient la Légionnoire. Le duc de Padoue et ses officiers seraient massacrés. Von
Colomb serait appelé. Les événements ultérieurs n'étaient pas
envisagés. Une note, trouvée dans les papiers d'Aschenbach, con-
firmait les rapports faits par le commissaire Schulmeister (2).
Ce fut Gross, homme affilié depuis un an aux Frères de la
vertu, qui parvint, dans la nuit du 18 au ig, aidé d'un gardesaxon du Plessenburg, à faire évader les quatre chasseurs de
Lützow, leur uniforme remplacé par l'habit civil. A deux heures
du matin, le libraire les fit monter dans un fourgon des subsis-
tances qui prit, dès l'aube, la route de Torgau. Gross était con-
ducteur. A Haberschûtz, les fugitifs descendirent de voiture et
s'engagèrent par les chemins de traverse. Les Prussiens devaient
(1) Arch. Guerre de Dresde..
(2) Notes de Lauer. Arch. Masséna.Reg. 78.
REVUE DES QUESTIONSHISTORIQUES.378
leur procurer des chevaux, et ils se rendirent au plus vite à
Berlin, Prudent, Gross nef rentrait pas à Leipzig (i).
Les rapports officiels ne mentionnent pas que le corps franc
avait sa suite des filles de joie. Aussi, quelques cosaques étaient
accompagnés de leurs femmes qu'ils faisaient souvent monter
en Groupe et que, volontiers, ils livraient, quand un festin amu-
sait la Légion, aux étudiants enrôlés. Toutes ces créatures por-
taient des robes et des bijoux volés. Une Margarethen témoignait
que M, deiSchmid avait promis « lorsque nous serons à Leipzig,
après regorgement des Français, vous recevrez des présents. »
Si Liitzow s'était rendu coupable de délits à juger par une
commission militaire., à quoi une fuite précipitée le. dérobait,
ses associés méritaient et devaient subir l'internement.
MartenP plaida, mais en vain, la cause des protégés de Bûlow.
Il osa déclarer que le roi de Prusse, qui voyait dans l'armistice
de Plesswitz les préliminaires d'une paix générale chère à son
cœur (2), serait péniblement affecté de la décision du prince de
Neuchâtel,
Alors, l'adjudant-commandant Galbois était charge de l'éva-
cuation des prisonniers. Aimant à les traiter humainement, il
accordait six voitures aux officiers qui avaient gardé leurs bagages.
Départ fixé au 22 juin, puis retarda par la nécessité d'une nou-
velle enquête. Des gendarmes devaient composer l'escorte des
g53 hommes à diriger sur Mayence. Enfin, ils partaient le ik.
Sur le pont de l'Elster, un hussard noir, qui avait dissimulé ses
blessures, allait tomber, être porté à l'hôpital et recevoir les
soins les plus vigilants.
(1) Commentfut joué Arrighi. Opusculepublié à Dresde en 1828etsigné Gross.Pages 15et 16.
(2) Des.écrivainsont attribué à l'arrestation des chasseursla reprise deshostilités. Jugement traversé par la déclaration que Frédéric-Guillaumeadressait, le 5 juin/d'Ober Groeditz,à sonpeuple « L'ennemi a offert (?)un armistice. Je l'ai accepté conjointementavec mon aumtisteallié. Il apour but, de ma part, de donner le temps 4 mon peuple de pouvoirdéve-
lopper sa force nationaledans toute son étendue, commeil commencé si
glorieusementjusqu'ici. Une assiduitésans relâcheet des effortsnon inter-rompus nous y conduiront. Jusqu'ici, l'ennemi nous était supérieur ennombre,et nousn'avonspu obtenird'autre résultat que de maintenirnotrehonneur:national.Il faut que nous profitionsde ce court délaipour devenirtellement forts que nous puissionsreconquériraussi notre indépendance.Continuezdans la ferme résolutionque vousavezprise ayez confianceenvotre roi agissezavecpersévérance,et nousparviendronsenfinà atteindrele but sacré. » (Arch. rfe»,A. F, IV, J69Q),
L'ALLEMAGNE CONTRE NAPOLÉON 979
Le capitaine Laforêt qui avait remplacé les gendarmes d'eer
corte par deux pelotons du 8ed'infanterie a voulu rapporter les
incidents survenus pendant le voyage (i). « Le>convoi, composéde a5a prisonniers, parmi lesquels se trouvaient 5i recrues non
habillées, tous mauvais sujets ramassés dans les villes et villages
qu'a parcourus la colonne du major Lûtzow, partit de Leipzig le
24 juin dernier, à six heures du matin, et fut coucher le même
jour à Weisenfels. Le a5, ladite colonne se dirigea sur Freyhurg
et y arriva, sans perte. La nuit, les prisonniers-recrues conçurent
le projet d'égorger la garde qui était composée de 5o hommes et
de s'échapper ensuite. Le capitaine Laforêt, ayant été instruit de
ce complot par une femme russe, fit retirer la garde en dehors
du local où étaient logés les prisonniers et la réunit à la totalité
des détachements qu'il mit au bivouac autour dudit local, et tout
resta dans l'ordre. Le 26, le convoi arriva à Buttstadt, toujours
en bon ordre et sans pertes. Le 37, au moment du départ, beau-
coup de monde arrive là pour sp rendre à la foire (a), sesporte
pour voir partir les prisonniers il en manquait sept qu'ontrouva cachés dans une cheminée et qu'on fit sortir et réunir au
convoi. Alors on se mit en route mais, en arrivant sur la place,les prisonniers-recrues jetèrent de grands cris, et forcèrent la
garde. Celle-ci fit feu, en tua trois, en reprit sept, et onze s'échap-
pèrent. Le commandant laissa dix hommes de son détachement
pour en faire la recherche et continua sa route avec le convoi
qu'il conduisit à Erfurt, où il le déposa, en tira reçu et fit son
rapport au général-gouverneur. A son retour à Buttstadt, le
commandant de place lui dit que cinq prisonniers de ceux échap-
pés avaient été retrouvés et mis en prison. Ainsi, la perte se
réduit à six hommes. »
M. d? Martens, parti de Dresde le 38 juin, allait rentrer au plus
vite dans les lignes prussiennes, et renseigner son roi. Frédéric-
Guillaume s'indignait « de l'odieux traitement infligé h. ses
bons sujets et déclarait que l'outrage qu'ils avaient reçu serait
vengé. » Le tsar Alexandre s'associait à sa protestation et voulut
prendre en main cette affaire, jugée par l'autocrate « un défi
à l'humanité. » Il ferait envoyer une copie de la lettre de Bulow
à Berthter, les notes de Martens et ses instructions au comte da
(JliArçh, Guerre, ·
(2) De Naumbourg,pays de Staps.
REVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES.380
Woronzow, lieutenant général russe qui commandait un corps
stationné autour de Plauen, en Silésie. Woronzow faisait porter
les plaintes à Arrighi (i). Le duc de Padoue se contentait de
répondre
« Que les mesures qu'on avait prises étaient justifiées, en rai-
son des exactions du corps de Lûtzow, dans lequel il y a des
cosaques russes, et de ce qu'on a trouvé le fruit du pillage dans
les fourgons, et parce que, les volontaires ayant arrêté, pillé et
maltraité des courriers français, il était nécessaire de mettre un
terme à leur mauvaise conduite. »
Cette fois, le délit de conjuration à Leipzig n'était pas men-
tionné.
Deuxième intervention russe. Barclay de Tolly, étant à Reichen-
bach le 4 juillet, demande à Berthier de nommer des commis-
saires qui auront à examiner l'affaire de Ltitzow, Son envoyé, le
lieutenant-colonel Brosin, est chargé de porter les lettres à
Dresde. Le 6, Ney refusait le passage et dirigeait l'aide de camp
sur Neumarck.
Alexandre « passe l'affaire» au roi de Prusse. Le vaincu d'Iéna
charge son général Krusemarck d'obtenir la reprise des pour-
parlers. Napoléon envoie Flahaut à Neumarck. Des rapports, jus-tifiant les mesures prises par Arrighi, sont remis. Entêté, le roi
de Prusse s'adresse au duc de Bassano, ministre des Relations
extérieures. Le i5 août, les pourparlers sont rompus.
Seulement à la reprise des hostilités, Lûtzow sortait du refuge
qu'il avait pris et rassemblait ce qui errait de ses volontaires entre
l'Elbe et le Weser. Bûlow renforçait le petit corps d'une centaine
de partisans. Le major, craignant d'être pris en Saxe, obtint
d'être dirigé vers une troupe suivant Bernadotte, ex-maréchal
français, devenu l'ennemi de sa patrie. Ensuite, une dépêche lui
ordonne de seconder les bataillons chargés d'aller occuper Ham-
bourg. Engagé à Gœrde le 18 août, avec les Russes de Tettenborn,il éprouvait un désastre. Blessé le 16 septembre à Godenbach,
il se cachait encore chez un paysan.
Marchant parmi l'armée de Silésie, en i8i4, atteint d'un coupde feu devant Reims, fait prisonnier, bientôt libéré, il retourne
auprès de Blücher qui l'avait surnommé « Casse-cou ». Nou-
(1) En arguant que des cosaquesrusses se trouvaient parmi les prison-niers du Pleissenbourg.
PAUL ALLARD 381
velle blessure à Ligny, le 16 juin i8i5, nouvelle captivité. A la
paix générale, on lui donnait son congé. Mort à Berlin, le 6 dé-
cembre i834, il méritait une épitaphe en trois mots Ci-gît un
aventurier.
Cet individu sans vergogne, sans foi, donc sans honneur, repré-
sentait l'esprit germanique de tous les temps. L'Allemagne en a
fait un héros. Ce n'était qu'un barbare.
Edouard GACHOT.
III
PAUL ALLARDHISTORIENDES ORIGINESCHRÉTIENNESî*)
Par sa culture généraje, la souplesse et l'élégance de son esprit,
la variété de ses goûts et d« ses aptitudes, M. Paul Allard semblait
destiné à être un polygraphe et un essayiste, traitant, avec le
même bonheur les sujets les plus divers. A l'Académie de Rouen,il avait présenté une notice sur Lacordaire où, avec la foi d'un
catholique libéral, il abordait les problèmes politiques et sociaux
de son temps. Vers le même temps, il envoyait de Paris à sa chère
Revue de Normandie une chronique où il passait en revue les
faits les plus saillants de la vie parisienne. Quatre ans plus tard
(1867), son goût pour les arts lui avait dicté pour le Bulletin de
la Société libre d'Emulation de Rouen une étude sur Z' « Art
department » et l'Enseignement du dessin. dans les Ecoles
anglaises (2), où il montrait les progrès considérables qu'avaientréalisés en Angleterre les arts décoratifs grâce à l'Art departmentet aux autres institutions dont M avait été l'initiateur. Cette
étude de 45 pages se distingue déjà par le goût et les connais-
sances artistiques de l'auteur, ses statistiques sagement com-
mentées et la sûreté de son information.
(1) Voir la Revue du 1eroctobre 1923.
(2),Rouen, Imprimerie H. Boissel, 1867, in-8°.